Je suis un bâtard mais tu es pire – Tome 2
Table des matières
- Chapitre 1 : À chaque pays son fou
- Chapitre 2 : À chaque pays son bâtard
- Chapitre 3 : À chaque pays son fou
- Chapitre 4 : L’histoire fait aussi bouger le royaume
- Chapitre 5 : Invitation d’une belle… amie d’enfance
- Chapitre 6 : Quatre voyous sous le même toit
- Chapitre 7 : La réunion passe plus mal que le vin
- Chapitre 8 : Le cadeau d’une mère folle
- Chapitre 9 : Troubles d’une princesse aux cheveux d’or
- Chapitre 10 : La princesse aux cheveux d’or prend sa décision
- Chapitre 11 : Visage dissimulé
- Chapitre 12 : Visage révélé
- Chapitre 13 : Défense d’agresser, de violer ou de profaner.
- Chapitre 14 : La fierté d’un Maréchal
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Chapitre 1 : À chaque pays son fou
Point de vue de Lars Baal, premier prince de l’empire Baal
Comment cela pouvait-il arriver ?
J’étais censé marcher sur un chemin de triomphe et de gloire.
J’étais censé hériter du trône de mon père, voir les drapeaux de l’empire flotter sur tout le continent, entrer dans les livres d’histoire, dans mille ans, comme étant l’empereur unificateur.
Cependant, ces dix dernières années, ma vie fut bouleversée.
Il y a 10 ans, mon père émit un certain décret.
Le siège du prochain empereur sera hérité par celui qui, parmi mes fils, anéantira un pays ennemi en premier.
Après le décret, je m’étais lancé à la conquête du royaume de Lamperouge, situé à l’ouest de l’empire. Je fis trois campagnes de guerre de grande envergure, et toutes se soldèrent par un échec.
Il y a sept ans, nous avions attaqué la région montagneuse au nord de Lamperouge. Le corps de montagne au service du maréchal Utgard réussit à séparer nos troupes et nous força à battre en retraite.
Il y a cinq ans, nous avions attaqué la frontière orientale de Lamperouge. Notre stratégie d’embuscade fut découverte par l’ennemi, les forces du maréchal Maxwell, ce qui avait même coûté la vie à mes plus proches serviteurs, les « Ailes jumelles ».
Il y a deux ans, nous avions commandé une flotte de 100 navires pour attaquer le royaume par le sud, mais avant même que nous puissions atteindre notre destination, Draco Omari, infâme commandant pirate des mers du sud, coula plus de la moitié de nos navires.
Ce ne fut qu’échec sur échec, comme si les dieux eux-mêmes nous avaient abandonnés. La puissance militaire sous mon commandement avait grandement diminué. La plupart des nobles et des marchands qui me soutenaient étaient également partis.
Une vie destinée à être baignée de gloire, jetée ainsi dans la boue. De plus, au palais, pas un jour ne passe sans que quelqu’un ne me pointe du doigt et ne rie.
Et comme le veut la coutume, le siège impérial devait revenir au premier-né de l’empereur, à moi. J’avais donc plaidé, encore et encore, mais mon père vieillissant n’avait pas voulu écouter mes justes arguments.
Puis, juste au moment où je commençais à nourrir le désir de tuer un père sourd à mes supplications…
Ce même père, l’empereur Baal XV, quitta ce monde.
*****
« Je suis le véritable successeur légitime du trône ! C’est le devoir de l’aîné de suivre les traces de son père ! »
« Tu dois plaisanter, cher frère. Ta mère n’était-elle pas une concubine ? Le successeur doit être né de la première épouse, comme moi ! »
C’était une réunion impériale tenue à une table ronde.
En théorie, c’était une réunion officielle à laquelle participent l’empereur et des dizaines de ses serviteurs, pour discuter de la politique et des affaires de l’empire. Cette fois-ci, cependant, seules six personnes étaient présentes : les trois princes impériaux et trois vassaux. L’empereur, qui était normalement le pivot de la conférence, n’était pas présent.
Cette absence était tout à fait naturelle, vu que la conférence avait été organisée afin de décider du successeur de l’empereur défunt.
« Absurde ! Comment un misérable sans envergure comme toi pourrait-il jamais être empereur ? »
J’avais tapé du poing sur la table ronde et j’avais crié sur mon jeune frère sans vergogne.
C’était Grett Baal, le deuxième prince impérial.
Contrairement à moi, façonné par l’entraînement martial que j’avais reçu, Grett avait l’apparence fragile d’une brindille d’arbre, prête à se briser à tout moment. Ses yeux sombres et enfoncés exprimaient clairement sa personnalité méprisable et tordue. Le simple fait de lui parler me donnait la nausée.
L’empire avait été fondé sur la base de prouesse militaire : traditionnellement, l’empereur était toujours quelqu’un qui excellait dans l’art de la guerre. Un crapaud mou comme Grett n’avait aucune chance de devenir empereur, mais sa position de fils aîné de la première femme de l’empereur défunt menaçait mes droits de succession.
« Oh là là, ce n’est certainement pas ce que je m’attendais à entendre de ta part, cher frère, le vaillant commandant de trois invasions ratées sur ce minable royaume de Lamperouge. Je crois que “mollasson” est un adjectif qui te décrit mieux, non ? »
« Qu’as-tu dit ? »
« Que je n’ai jamais échoué de façon aussi spectaculaire que toi, cher frère. Comme tu t’en souviens sûrement, j’ai bien réussi à contrecarrer les incursions des tribus nomades du nord, non ? Mes services rendus à l’empire montrent clairement que je suis plus que digne de monter sur le trône. »
« Sale merdeux… !! »
Ma colère atteignait un point d’ébullition. Comment j’aurais aimé lui briser le cou, là et maintenant ?
« Hé, vous pouvez vous battre autant que vous voulez, mais n’oubliez pas que je suis aussi là. »
Le ton clownesque de l’interjection provenait du dernier candidat au trône.
Le troisième prince impérial, Cerros Baal.
C’était mon plus jeune frère, et il venait d’avoir 20 ans. Il portait pour je ne sais quelle raison un « chang pao », un type de vêtement porté par les tribus de l’est.
Son attitude, et plus encore ses pieds sur la table, montrait qu’il n’avait pas une once de respect pour ses frères aînés, ni même pour son défunt père.
« Où crois-tu être, Cerros ! ? Te rends-tu compte que tu salis avec tes pieds la table ronde impériale sacrée ! Arrête-toi tout de suite ! »
« Aw, allez, pourquoi être si sérieux ? Sa Majesté l’Empereur n’est de toute façon plus avec nous, ce qui enlève tout intérêt à la conférence, non ? »
« Quelle tristesse pour un tel homme de porter, même en partie, le sang de l’empereur… au final, il n’y a personne de plus digne que moi d’hériter du trône. »
Cerros rit de façon irrévérencieuse, alors que Grett exprimait à nouveau son manque de respect effronté. Mon irritation face au comportement de mes jeunes frères grandissait de plus en plus.
J’allais les rappeler à l’ordre, mais Cerros parla le premier.
« Enfin, grand frère Lars, tu as perdu trois fois contre Lamperouge, non ? Et Grett a aussi toutes ces émeutes civiles qui se passent dans son domaine. Si vous voulez mon avis, aucun de vous n’a la capacité d’être empereur. Mais bon, je ne me suis battu contre personne pendant ces dix ans, ce n’est pas comme si j’étais trop différent de vous ! »
Cerros suivit sa critique de ses frères avec de l’autodépréciation, puis gloussa paresseusement.
« Hmph, je dois admettre que Cerros n’a pas tort. Quelqu’un qui ne peut même pas réprimer une émeute sur son propre territoire ne peut pas être digne d’être empereur ! »
Grett avait mené les campagnes militaires contre les nomades Samel du nord sans commettre de graves erreurs, et avait même construit un mur de 1000 km de long pour empêcher toute nouvelle agression venant du nord. Cependant, afin d’accomplir une entreprise d’une telle envergure, les habitants de ses territoires avaient été soumis à de lourdes taxes, ce qui avait conduit à de multiples insurrections civiles.
« Oh mon Dieu, vous parlez des émeutes des paysans ? Dès que les rebelles seront capturés et pendus, les émeutes seront réprimées. Tout comme les mauvaises herbes dans le jardin, je peux soit les brûler, soit les donner en pâture au bétail, c’est tout ce qu’il y a à faire. »
« Notre père ne disait-il pas que le peuple est le fondement même de l’empire ? »
« Hah ! Tu as du culot de dire ça, après tous les morts que tes campagnes ratées ont causés ! »
J’avais continué à me disputer avec Grett. Et comme Cerros ne montrait que peu ou pas d’intérêt pour le trône, Grett était mon seul vrai rival.
Si seulement je pouvais me débarrasser de lui, je deviendrais l’empereur… !
Notre discussion était devenue de plus en plus animée, jusqu’à ce que Cerros prononce les mots « Savez-vous que plus vous vous battez, plus ma position s’améliore ? »
Finalement, la table ronde impériale fut ajournée sans décision claire concernant le successeur.
*****
« Ces deux-là m’ont rendu furieux. »
Après avoir quitté les salles de conférence, j’avais traversé le palais impérial, débordant d’indignation. Comment pouvaient-ils ne pas réaliser qui ils devraient vraiment servir ? Qui était vraiment digne d’être le prochain empereur ?
La bêtise de mes deux jeunes frères n’était pas nouvelle : ce que je ne pouvais pas comprendre, c’était la raison pour laquelle leurs subordonnés avaient choisi de continuer à les servir.
« Je serai le prochain empereur ! Ceux qui se mettent en travers de mon chemin seront… !! »
Je ne pouvais pas prononcer les mots à voix haute, mais ma résolution était ferme.
Je serai l’empereur… ceux qui osent se mettre en travers de mon chemin mourront… !!
Et alors que je renforçais encore une fois ma détermination, un de mes serviteurs s’était approché de moi.
« Seigneur Lars, puis-je vous parler ? »
« … Qu’y a-t-il, Snowe ? »
L’homme qui s’était approché et avait murmuré à mon oreille était Snowe Halphas, le jeune frère d’un de mes anciens serviteurs, Eis Halphas.
« Je crois que la seule façon que mon Seigneur à de devenir Empereur est d’accomplir les paroles du défunt empereur, de conquérir Lamperouge. Si vous réussissez, la plupart des nobles et des vassaux, sinon tous, vous verront sous un nouveau jour et reviendront vous supplier de leur pardonner. »
« Hmph, je le sais très bien… »
C’était douloureux à admettre, mais après avoir échoué trois fois contre Lamperouge, j’avais également perdu toute vision concrète de la conquête de ce royaume. Je n’avais pas la moindre idée du plan ou de la stratégie qui pourrait me mener à la victoire.
« J’ai un plan, Seigneur. Comme vous l’avez peut-être entendu, Dyngir Maxwell, premier-né du Margrave Maxwell des provinces orientales, a récemment vu sa fiancée enlevée par un membre de la famille royale… »
Snowe prononça le nom de mon rival désigné, un homme que je détestais autant que Grett.
« Oui, oui, et alors ? »
« S’il vous plaît, permettez-moi de vous expliquer davantage. En fait… »
Snowe me murmura alors le reste du plan. J’étais éclairé : cela sonnait comme une stratégie magistralement élaborée à mes oreilles.
« Je vois, je vois, utiliser Rossellia, hmm… c’est une bonne idée. »
« En effet, Milord ? »
« Mets-la en action immédiatement ! Mais assure-toi pour que Grett n’en apprenne rien !! »
« Comme vous le souhaitez, Milord !! »
Pour la première fois depuis longtemps, je sentais mon humeur monter en flèche. J’imaginais déjà l’expression de Grett, tordue par l’humiliation, lorsqu’il apprendrait le succès de mon plan…
« Si ma petite sœur doit être sacrifiée pour que je devienne empereur… alors qu’il en soit ainsi. »
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Chapitre 2 : À chaque pays son bâtard
Point de vue de Grett Baal, second prince de l’empire Baal
« C’est incroyable. Je suis vraiment entouré d’imbéciles. »
Après la table ronde, je m’étais promené dans le couloir du tribunal, me remémorant les discussions et mes frères idiots.
Mon frère aîné, Lars Baal, était aimé et respecté par certains pour sa personnalité honnête, mais il ne pouvait jamais devenir impitoyable quand c’était vraiment nécessaire : en conséquence, il collectionnait échec sur échec.
Mon frère cadet, Cerros Baal, jouait les pacifistes, mais n’était rien d’autre qu’un lâche, fuyant toujours toute décision.
Aucun des deux n’était digne d’être le chef suprême de notre glorieux empire. Le seul qui puisse devenir le conquérant et l’unificateur de ce continent était naturellement moi.
« En effet, en effet, Prince Grett ! »
Saim Fulcas, l’un de mes serviteurs, acquiesça en caressant sa précieuse moustache blanche.
Il y a deux sortes de personnes dans ce monde : les idiots qui peuvent se révéler utiles et les idiots qui ne le peuvent pas. Ce vieil homme était l’un des rares idiots que je reconnaissais comme étant du premier type.
« Bien qu’il soit votre frère aîné, le fait de penser qu’un tel homme puisse se tenir au-dessus de vous est tout simplement consternant, Seigneur ! S’il vous plaît, accédez rapidement sur le trône, afin de construire et de faire de notre Empire un paradis sur terre ! »
« Naturellement… mais pour que cela puisse arriver, il faudrait s’occuper de Lars rapidement… »
Deux chemins s’ouvraient à moi pour monter sur le trône.
Le premier étant d’accomplir la volonté de mon père et de conquérir un pays ennemi. L’autre n’était que les autres successeurs possibles au trône, en particulier l’aîné Lars, meurent.
La première voie s’étant déjà avérée impossible, j’y avais donc renoncé.
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Le pays ennemi que j’avais pour mission de détruire était le pays des tribus nomades du nord, les Samel.
Pourtant, ces nomades n’avaient pas de villes fixes, et leur « pays » n’avait pas de véritables frontières : les différentes tribus qui composaient les Samels vivaient en voyageant à travers les plaines du nord.
Et juste au moment où l’on pensait qu’une tribu fut vaincue, une autre venait nous envahir. Dès qu’une tribu était encerclée et poussée à l’anéantissement, une autre frappait par l’arrière.
Leurs compétences équestres leur conféraient également une très grande mobilité : mes troupes furent ainsi entraînées dans la guérilla des nomades et contraintes de goûter à la défaite une fois de trop.
Quels que soient mon talent et mon génie, vaincre complètement les nomades de Salem avec les seules troupes placées sous mon commandement, la deuxième armée impériale, était tout simplement irréalisable.
Ayant rapidement abouti à cette conclusion, j’avais placé mon domaine sous taxation spéciale et construit un mur de 1000 km de long le long des frontières nord de l’empire, afin de stopper les incursions des Samels.
Ce qui a conduit à des émeutes civiles… je n’arrive pas à comprendre comment les idiots pensent.
Grâce à ce mur, les habitants des régions du nord n’avaient plus à craindre les incursions des Samels. Pourtant, ils ne comprenaient pas un concept aussi simple et se mirent à faire des émeutes à la place, ce qui m’irritait au plus haut point.
« Grâce au mur, fruit de nos efforts et de notre labeur, nous n’avons besoin que d’un minimum de troupes pour défendre la frontière. Maintenant, nous aurions assez d’effectifs pour abattre Lars, mais… »
« Le problème restant est le Prince Cerros ? »
Les troupes de Lars, la Première armée impériale, avaient échoué dans leurs tentatives, s’affaiblissant à chaque fois. Ma seconde armée impériale pourrait les écraser facilement maintenant.
Mais cela signifierait transgresser la volonté de mon père et porter le nom d’un traître. Ce qui donnerait à Cerros une bonne raison de m’abattre.
Il est peut-être une mauviette sans envergure, mais la troisième armée impériale est presque indemne… je ne peux pas passer outre.
L’idéal serait que Lars m’attaque, j’aurais ainsi une bonne raison de tuer mon idiot de frère…
Et tandis que je marchais dans les couloirs en pensant à de telles choses, j’étais arrivé au champ de fleurs construit dans un coin de la cour. Et là, je vis…
« Ah ! Rossellia ! »
« … Seigneur Frère Grett. »
Là, je vis un ange. J’avais laissé Fulcas derrière moi et j’avais couru vers sa présence céleste.
Des boucles d’or qui descendaient jusqu’à la taille ornaient la silhouette de cette jeune fille céleste. Elle s’appelait Rossellia Baal, c’était la quatrième enfant et l’unique fille de l’empereur défunt. La princesse impériale Rossellia avait fêté ces 18 ans cette année.
Dans ce monde sans dieu, ravagé par les flammes de la guerre, la beauté de Rossellia témoignait à elle seule de l’existence de Dieu.
« Ooh, Rossellia, ma sœur bien-aimée ! Tu cueilles des fleurs ? Tu es aussi belle et éblouissante que jamais ! »
« … Merci, Seigneur Frère. La conférence est-elle déjà terminée ? »
Et malgré ma pluie d’éloges, Rossellia fronça les sourcils. Cependant, même si elle était assombrie, la beauté de son expression était sans faille : j’avais senti ma poitrine tonner d’excitation.
Aah, ma sœur adorée… ! Je serai celui qui fera disparaître toutes tes douleurs et tes angoisses ! Je vais conquérir tout ce continent et te le présenter.
Je considérais tous ceux qui m’entouraient comme idiots et inférieurs, mais Rossellia était une exception. Cette jeune fille, l’opus magnum de Dieu, était le trésor le plus précieux que ce monde ait jamais vu.
« Oui, oui, c’est fini… Et si tu veux mon avis, Lars et Cerros sont de tels imbéciles qu’il était même presque inutile de faire cette réunion ! Comme prévu, je n’ai pas d’autre choix que de devenir empereur ! Et quand je le serai… je prendrai la plus belle femme du monde comme impératrice ! »
« Vraiment ? Elle sera vraiment chanceuse. Je célébrerai aussi votre union. »
« En effet, en effet, elle le sera ! Je ferai d’elle la femme la plus chanceuse du monde entier ! »
Je voulais que mes mots soient une proposition indirecte, mais Rossellia n’avait pas semblé le remarquer. Son côté un peu obtus était aussi adorable !
« Rossellia, est-ce que tu as un peu de temps maintenant ? J’aimerais partager une tasse de thé et… »
« Mes plus profondes excuses, Seigneur Frère, mais je dois me rendre à mes leçons de danse. »
« Mais n’as-tu pas la possibilité de les reporter à une autre fois… ? »
J’avais fait preuve de tout mon courage dans cette invitation, mais elle fut rejetée. J’avais protesté, mais…
« Chaque leçon est nécessaire afin que je puisse devenir une bonne épouse pour l’homme merveilleux qui me recevra un jour. Veux-tu bien me pardonner. »
« Je vois ! Il serait grossier de ma part d’entraver ton entraînement nuptial ! Vas-y, fais de ton mieux ! »
« … Si tu veux bien m’excuser. »
Rossellia était partie, accompagnée de ses servantes.
Et alors qu’elle s’éloignait, j’observais religieusement son dos, sa taille enveloppée dans sa robe et ses cheveux dorés en cascade, les chevilles d’un blanc pur qui dépassaient de ses chaussures.
« Er, ehm… Prince Grett ? »
« Silence, s’il te plaît ! J’imprime l’image de Rossellia dans ma mémoire ! »
J’avais rejeté l’appel maladroit de Fulcas et m’étais plongé dans ce moment passé avec Rossellia.
De gracieux cheveux blonds, des yeux bleus, une peau d’un blanc nacré, une voix comme un gazouillis mélodieux, un parfum de fleurs. Je venais de tout graver dans mon esprit, dans mon coffre à trésors de souvenirs à ne jamais oublier.
Après avoir revécu ce moment de bonheur pendant dix bonnes minutes, j’avais enfin regardé le visage de Fulcas.
… hideux.
Après avoir vu Rossellia, les traits du vieil homme étaient apparus encore plus répugnants. Je n’avais pas pu m’empêcher de laisser mon irritation transparaître dans le ton de ma voix.
« … Tu étais encore là ? Qu’est-ce que tu veux ? »
« Euh… mes plus humbles excuses. L’un des marchands au service de Votre Altesse a envoyé un cadeau, j’ai donc pensé que je devais vous informer… »
« Un cadeau ? »
« Oui, c’est apparemment une belle poupée. »
« Mon Dieu ! Fais-la envoyer dans mes appartements ! »
J’avais lancé cet ordre à Fulcas, puis je m’étais dirigé d’un pas vif vers ma chambre. Très vite, quelqu’un frappa : Fulcas avait apporté le « cadeau ».
« Amusez-vous bien, Monseigneur. »
« Oh mon dieu, oh mon dieu, quelles poupées merveilleusement faites ! »
« Ah… »
Le vieil homme moustachu avait amené trois jeunes filles dans la pièce. Elles avaient toutes environ 12 ans et avaient de longs cheveux blonds.
« Hmm, oui, les meilleures poupées sont après tout blondes… »
« Hk… !! »
J’avais rapproché les filles et pressé mes lèvres sur leurs mèches dorées. Elles avaient probablement appliqué du parfum, car une bouffée de fleurs chatouilla mes narines.
« Haha… Rossellia… ma Rossellia… regarde bien, ma chère, un jour tu seras mon impératrice… »
« Eep… »
« Non… »
J’avais retiré les vêtements des filles et j’avais passé mes mains sur tout leur corps, tandis que de petits gémissements s’échappaient de leurs lèvres. J’avais savouré leurs voix larmoyantes, mes pensées allant vers ma sœur bien-aimée.
Aah, Rossellia… Je me demande quelle voix tu as quand tu gémis…
Le trône de l’empereur et ton corps étaient des trésors de grand prix.
Et je tuerai tous ceux qui oseront se mettre sur mon chemin…
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Chapitre 3 : À chaque pays son fou
Point de vue de Cerros Baal, troisième prince de l’empire Baal
« Bon sang, je ne peux plus supporter cette merde… »
Après la conférence, le petit vieux était retourné dans sa chambre, comme un bon garçon, et s’était allongé sur son lit.
« Franchement, mes crétins de frères et leurs acolytes à la noix, ils sont tous si pénibles. »
Si vous voulez mon avis sincère, mes deux frères idiots, qui croient vraiment tous les deux qu’ils seront le prochain empereur, n’étaient pas du tout aptes à être un souverain.
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Le premier prince impérial, Lars Baal.
C’est un homme honnête et franc, du type guerrier, mais après trois campagnes ratées et la perte de ses plus proches serviteurs, il est sur la voie de l’autodestruction. Il se sentira obligé de faire quelque chose, se précipitera et se trompera, puis recommencera. Les nobles de sa faction diminuent de jour en jour, il était plutôt isolé à la cour en ce moment.
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Deuxième Prince impérial, Grett Baal.
C’est un tacticien habile, mais aussi quelqu’un qui n’accorde pas de valeur à la vie des autres. Et pour couronner le tout, c’est même un dégénéré totalement épris de sa propre sœur. Il est vrai qu’au sein de la famille impériale, l’inceste est toléré dans une certaine mesure, afin de préserver la lignée, mais ces cas sont très rares. Il a même des tendances pédophiles : ce n’est certainement pas l’homme que l’on voudrait sincèrement servir.
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Il ne restait que moi, le troisième prince impérial, mais j’étais le plus éloigné du trône.
Lars était le premier né et Grett était le fils de la première dame, ils avaient donc tous deux des prétentions légitimes au titre d’Empereur. Je n’étais que le troisième fils, né d’une servante sur laquelle l’empereur avait posé ses mains.
Dans cette bataille de succession, j’étais le seul à ne pas avoir de revendication légitime.
Et même si, par hasard, je parvenais à m’emparer du pays ennemi qui m’avait été attribué, les terres orientales de la dynastie Huang, ni mes deux frères, ni les fonctionnaires de la cour, ni les nobles n’accepteraient jamais mon ascension au trône. Je voyais déjà la guerre civile qui en résulterait diviser l’empire en deux.
Afin que je devienne empereur, il faut que mes deux frères meurent, où que j’obtienne assez de pouvoir pour massacrer tous les vassaux qui se dressent contre moi… qui peut me reprocher de perdre ma motivation et d’agir en crétin, vraiment…
La véritable raison pour laquelle quelqu’un comme moi fut ajouté aux discussions de succession était probablement juste pour avoir le bon compte.
En effet, si Lars et Grett étaient les seuls candidats, leurs armées s’affronteraient, ce qui provoquerait une guerre interne. Ils avaient donc besoin d’une tierce partie pour les garder sous contrôle, et me voilà.
Ce conflit à trois empêchait le conflit — du moins en surface — et ceci depuis dix ans, leur bataille mortelle se déroulait en coulisse.
Bon sang, ce pays est foutu. Même si l’un de nous trois devient empereur, l’avenir est sombre comme l’enfer. Si au moins l’un d’entre eux avait réalisé le moyen infaillible de gagner la bataille de succession, les choses auraient été différentes, mais…
Dans cette course à la succession, il y avait un moyen sûr de gagner, défini par le défunt empereur lui-même. Trouver cette voie était la véritable condition pour devenir empereur, mais aucun de mes frères ne semblait en être conscient.
Père, tu n’aurais jamais imaginé qu’ils n’auraient même pas trouvé un indice durant ces dix ans ? Ni que tu mourrais le premier… Je suppose que tu as surestimé tes enfants, hein. Bien fait pour vous.
Ayant vécu sur des charbons ardents toute ma vie, coincé au milieu de la rivalité de mes frères, ma personnalité en était devenue assez tordue. Je ne pouvais même pas me rappeler quand j’avais commencé ce numéro de clown.
« Haha, hahaha… regardez-les, tous à la poursuite du mauvais renard. Des idiots, des idiots partout… et le pauvre Cerros ici, les larmes coulant sur ses joues à force de rire… »
« Pauvre, qui ? Quelle manière stupide de parler ! »
Alors que je continuais à geindre sur le lit, la fille qui faisait de la paperasse au bureau s’était tournée vers moi avec un soupir.
Son nom était Xiao Mao, c’était l’une de mes servantes. Elle n’avait que 18 ans, mais montrait de brillants talents en matière de politique et d’armée.
Ses yeux étaient éclairés par le mépris. C’était quelque chose dont on ne s’attendait pas de la part d’un serviteur qui regardait son maître : elle me regardait clairement de haut.
« Tu te mets soudainement à rire, je pense donc que tu es devenu fou. Enfin, un champignon a poussé sur ta tête ? »
Elle ne maîtrisait pas encore parfaitement notre langue : Xiao était née à Huang, le pays ennemi de l’empire. Il y a cinq ans, je l’avais trouvée au marché aux esclaves à l’est de l’empire, je l’avais achetée et j’en avais fait ma servante. Elle n’avait pourtant jamais appris à avoir beaucoup de respect pour moi.
« Hmm, je ne pense pas ? Je ne trouve pas de champignons par ici. Y a-t-il une maladie comme ça ? »
« Tu ne le sais pas ? Quand les humains n’utilisent pas du tout une partie de leur corps, les champignons poussent. Et comme mon père avait des champignons à l’entrejambe, je sais que c’est vrai. »
« … Je me demande si ce n’est pas le champignon que tous les hommes en bonne santé ont… »
C’était une personne versée dans la culture des livres, mais qui manquait encore d’un certain sens commun, comme elle l’avait montré à maintes reprises. Et comme j’avais paresseusement exprimé des doutes sur son diagnostic, Xiao Miao se mit à protesté.
« Arrête tes bêtises ! Je n’ai jamais vu de champignons sur l’entrejambe, sauf papa. Cerros, tu as des champignons à l’entrejambe ? Puis-je les enlever pour toi ? »
« S’il te plaît, tout sauf ça, je t’en supplie. »
J’avais humblement présenté mes excuses à Xiao, puis j’étais retourné dans mon lit.
« Bon sang, combien de temps vais-je devoir vivre comme ça ? J’en ai marre de tout ça… Je me fiche de qui deviendra empereur, faites-le déjà… pour que l’empire puisse tomber dans la fosse auquel il appartient. »
« … Ton pays, mais tu parles comme un fou. »
« Qui s’en soucie ? Je ne l’ai jamais fait, pas pour un pays comme celui-ci. Je n’ai jamais demandé à devenir prince, et je dois vivre au milieu de ces frères qui essaient de s’entretuer, tu comprends ? Qui peut supporter cette merde ? »
Je voulais juste bien manger, mieux boire, passer du temps avec les gens que j’aimais… comme Xiao, et simplement profiter de la vie ensemble. Je ne pensais pas demander grand-chose, alors pourquoi le bonheur s’éloignait-il de moi chaque jour ?
« Haah… déprimant. »
« Qu’est-ce qui se passe ? Un champignon a vraiment poussé sur l’entrejambe ? »
« … Hey, assez de blagues salaces, d’accord ? Je n’en ai peut-être pas l’air, mais je suis du genre romantique… soupir… »
« Franchement, ça va ? »
Xiao regarda mon visage de plus près.
Et malgré ses blagues, elle se montrait vraiment inquiète pour moi. On ne pouvait pas dire qu’elle soit une beauté, mais de près, elle était plutôt adorable.
J’avais levé une main et j’étais sur le point de toucher son visage… mais je m’étais arrêté juste à temps.
« Pas bon. »
« Hm ? »
Je m’étais tourné dans l’autre sens, loin d’elle. Si je touchais Xiao maintenant, je pourrais vraiment tomber amoureux d’elle.
Ne touche pas les filles quand tu te sens mal… En plus, et même si elle tombe amoureuse de moi, l’avenir ne lui reversera rien de bon. Je devrais donc me contenter que de batifolages avec les femmes.
« Allons au marché demain. On trouvera un autre magasin louche ayant des sosies d’outils magiques louches et on les enverra à l’est comme souvenirs, d’accord ? »
« D’accord, d’accord. Allons déjeuner, et c’est Cerros qui paye, d’accord ? »
« Eh bien, étant donné que je suis un prince, je devrais donc faire ça. »
« Parce que la nourriture obtenue avec l’argent des autres a meilleur goût ! C’est triplement délicieux ! »
« Hahaha. »
J’avais ri avec Xiao, le dos toujours tourné à elle, et je m’étais endormi comme ça.
À ce moment-là, je ne pouvais naturellement pas savoir que le lendemain matin, je me réveillerais pour voir Xiao dans le lit à côté de moi, elle s’était glissée sous les couvertures, on ne sait quand, et que j’aurais un moment de légère panique.
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Chapitre 4 : L’histoire fait aussi bouger le royaume
Palais royal du royaume de Lamperouge.
Une certaine cérémonie était prévue ce jour-là.
Dans la salle du trône, les nobles de tout le royaume s’étaient rassemblés. Ils étaient tous soigneusement agenouillés sur les côtés du magnifique tapis rouge posé au milieu, s’inclinant vers le trône.
Je les observais depuis mon siège.
« Voir un tel nombre de nobles réunis… c’est vraiment un beau spectacle. C’est très différent du champ de bataille. »
C’étaient tous des personnages puissants et influents du royaume, chacun étant chargé d’un domaine et de ses citoyens. Les voir tous alignés de la sorte était une expérience plutôt précieuse.
Quatre chaises spéciales étaient placées dans les quatre directions cardinales de la salle, avec le trône au centre. J’étais assis sur le siège « Est ».
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Le royaume de Lamperouge était à l’origine l’Alliance de Lamperouge. Elle fut formée lorsque les nobles du centre et ceux des quatre directions s’étaient convenu à former une relation égale d’assistance mutuelle. Même après que Lamperouge soit devenu un royaume, les traces de l’alliance perdurèrent.
Lors de cérémonies comme celle-ci, les maréchaux des « Quatre Maisons » avaient le privilège d’être assis dans les quatre directions autour du trône, et ne s’agenouillaient pas comme les autres nobles.
Le trône royal était vide, mais les représentants des maisons des maréchaux étaient tous déjà présents et assis.
Par ailleurs, ce jour-là, les représentants des Quatre Maisons n’étaient pas les Maréchaux eux-mêmes, mais leurs héritiers respectifs.
« Hm ? »
« ~~~♪ »
La femme assise sur le siège « Sud » me faisait signe. Elle portait une robe rouge vif montrant son décolleté, c’était Echidna Thunderbird. La prochaine représentante de la maison du Maréchal du Sud. Elle avait 18 ans comme moi. Chaque centimètre de son visage était couvert de maquillage et même ses ongles étaient peints en rouge vif : à première vue, il était difficile de dire qu’elle était encore adolescente.
« Tch… »
Je connaissais Echidna avant de rejoindre l’académie… mais je ne pouvais pas dire que j’avais de bons souvenirs d’elle.
Je ne peux pas regarder son visage sans penser à… tch, quelle plaie.
Je lui avais répondu sèchement par un signe de la main et j’avais détourné le regard, me tournant vers les autres sièges.
« … »
Assise sur le siège « Nord » se trouvait une femme vêtue d’un uniforme militaire masculin noir. Elle utilisait sa lame rengainée comme un bâton.
Elle s’appelait Sharon Utgard, et c’était la prochaine représentante de maison du Maréchal Utgard. Elle était également la capitaine des « Chiens de montagne », qui faisaient partie du corps de patrouille de la frontière nord. C’était une guerrière courageuse, qui combattait activement sur les lignes de front.
Elle avait de beaux traits polis, mais son aura intimidante était encore plus forte. C’était le type de femme qui n’inspirait pas de pensées impures aux hommes.
Son regard acéré était dirigé vers les autres nobles. Elle attendait juste le début de la cérémonie, immobile et solide comme un roc.
Enfin, sur le siège « Ouest » se trouvait un homme au teint foncé, portant des robes de cérémonie blanches. C’était Valon Sphinx, le prochain responsable de la maison du Maréchal de l’Ouest. C’était aussi mon aîné d’un an à l’académie.
Mais dès qu’il remarqua que je le regardais,
« Grrr ! »
Valon me regarda d’un air renfrogné, comme un animal sauvage trouvant un intrus sur son territoire.
Hm ? Est-ce que je lui ai fait quelque chose… ?
Nous étions inscrits dans la même académie, mais n’avons jamais fait plus qu’échanger des salutations. Je n’avais aucun souvenir d’avoir fait quoi que ce soit pour qu’il m’en veuille…
Oh, c’est vrai, nous nous sommes battus plusieurs fois lors du tournoi royal d’arts martiaux, n’est-ce pas ? Après cela, j’ai discuté un peu avec sa petite sœur. J’avais entendu dire que son anniversaire approchait, alors je lui ai envoyé un cadeau… oui, il n’y a aucune raison pour qu’il me déteste…
Alors que je contemplais de telles choses, une explosion de trompettes résonna dans la salle du trône.
« Voici, Son Altesse le Prince ! »
Le duc Rosais, chef des nobles du centre, se tenait au côté du trône et fit l’annonce. Les portes de la salle du trône s’ouvrirent.
Les nobles agenouillés le long du tapis rouge baissèrent davantage la tête. Moi et les trois autres représentants des maréchaux nous étions levés.
Un garçon d’environ 12 ans entra alors dans la salle. Il marchait d’un pas vif parmi les nobles, directement vers le trône.
Ses cheveux bruns courts et son apparence ne ressemblaient en rien à son père, le roi, ni à son frère aîné Sullivan. Sullivan avait des traits nets et classiques de noble, mais les traits du garçon étaient doux et paisibles.
Je suppose qu’il tient ça de sa mère. Certains disent qu’il n’est pas le fils du roi… qui sait ?
Le garçon se nommait Sulley Lamperouge, c’était le deuxième prince du royaume, et l’actuel héritier du trône et personnage central de la cérémonie.
« Nous allons maintenant commencer la cérémonie de couronnement du prince Sulley ! »
Une nouvelle page allait être gravée dans l’histoire du royaume.
Je pouvais le sentir dans l’air, au moment même où je prenais à nouveau place.
+++
Chapitre 5 : Invitation d’une belle… amie d’enfance
La cérémonie de couronnement s’était achevée sans accroc : Sulley Lamperouge devint ainsi le roi Lamperouge V.
La seule chose « inhabituelle », si on peut le dire ainsi, était de voir le chancelier royal et le duc Rosais assumer le rôle du placement de la couronne sur la tête du jeune prince, à la place du (désormais ancien) roi alité. De même, lors de la cérémonie, le nouveau roi ne portait pas « Héraklès », comme le voulait la coutume, mais un bracelet d’or constellé de pierres précieuses.
« Le trésor royal volé par Sullivan est toujours introuvable… naturellement. »
Cet incident avait fait marquer Sullivan Nommes comme un fugitif recherché dans tout le royaume, pour les crimes de trahison royale et de vol de trésor national. La tentative d’assassinat dont j’avais été victime n’avait cependant pas été rendue publique.
La maison royale avait de nombreuses raisons de se renseigner sur le trésor manquant, mais il n’avait été donné à Sullivan par nul autre que l’ancien roi lui-même.
Le silence absolu avait été placé sur cette information : il me suffisait donc de laisser entendre subtilement que j’étais au courant, et toutes les questions cesseraient immédiatement.
« Très bien, il vaut mieux retourner en province, et vite. »
L’empire montrait des signes d’agitation. Je ne m’attendais pas à ce que les choses bougent rapidement, mais je ne voulais pas rester longtemps loin de la province.
Je quittais donc la cour, plongé dans de telles pensées, lorsque quelqu’un appela mon nom.
« Oh Dyn, tu pars déjà ? »
« Argh…Echidna. »
« S’il te plaît, ne fais pas cette tête… Ne sommes-nous pas des amis d’enfance ? »
La fille du Maréchal du Sud, Echidna Thunderbird, se tenait derrière moi. Elle était vêtue d’une robe rouge qui ne laissait pas grand-chose à l’imagination, et elle me regardait d’un air pudique. Je n’avais pas pu m’empêcher de froncer un peu les sourcils.
« C’est exact. Je n’ai donc pas besoin d’utiliser de formules cérémonielles entre nous, non ? De plus, je ne veux rien avoir à faire avec le sud. »
« Eh bien, quelle grossièreté ! Si tu persistes dans ce comportement, je vais devoir faire un rapport à Dame Grace. »
« Gh… c’est pourquoi je ne veux pas te parler. Tu parles toujours de cette maudite sorcière. »
J’avais lancé un regard furieux à Echidna, qui avait secoué la tête en signe de déception.
« Tu peux être si prétentieux quand il s’agit de Dame Grace… Bref, Dyn. Ne vas-tu pas participer au bal ? »
La maison royale avait prévu d’organiser un bal après la cérémonie de couronnement.
« Non, je n’irais pas. Je ne vais pas m’approcher plus que nécessaire des membres de la famille royale. »
Je participerai à la cérémonie, mais pas au bal.
D’une certaine manière, cela montrait clairement la position que prenait la maison Maxwell envers la maison royale.
Sullivan Nommes, ancien membre de la famille royale, avait tenté d’assassiner le futur héritier du Maréchal Maxwell, et le roi lui-même y était impliqué, puisqu’il avait offert à Sullivan un trésor national.
Et bien qu’on n’ait pas porté d’accusations à haute voix, la maison Maxwell n’avait pas pardonné de tels actes.
En participant à la cérémonie de couronnement, la maison Maxwell avait reconnu Sulley comme nouveau roi. Pourtant, nous n’avions pas pardonné ou oublié les actes perpétrés par Sullivan, et n’avions pas l’intention de devenir particulièrement familiers avec Sulley ou la famille royale. Je n’allais pas aller au bal et c’était aussi le cas de nos vassaux.
« Oh, donc tu n’y vas pas non plus. Moi aussi, en fait. »
« Hm ? La maison Thunderbird n’est pourtant pas en mauvais termes avec la maison royale ? »
« Mère va participer, donc c’est bien. Elle m’a imposé cette cérémonie ennuyeuse, alors qu’elle peut aller au bal… c’est assez égoïste, non ? Mais si j’y allais, j’aurais des essaims d’hommes autour de moi, je suis donc quand même un peu soulagée. »
« Oui, je parie… »
J’avais baissé les yeux vers le corps d’Echidna, en contemplation.
Nous nous connaissions depuis plus de 10 ans : elle avait beaucoup grandi depuis. Elle avait des jambes longues et fines, des seins remarquables et pleins, une robe exposant audacieusement son décolleté et son dos. Elle allait certainement attirer l’attention au bal.
« Quand on traite avec des nobles, il faut toujours prendre en compte la perspective du mariage et les relations entre chaque maison… c’est tellement gênant. Je préfère les hommes sans ce genre de bagage. »
« Bien sûr, mais est-ce que cela signifie que tu vas coucher avec des marins et des pirates ? Tu es quand même une noble, ne devrais-tu pas être un peu plus modeste ? »
« Oh là là… de tous les nobles présents, c’est toi qui oses me faire la leçon sur la chasteté ? Alors que nous sommes à peu près pareils ? »
Tout comme j’avais eu plusieurs femmes comme amantes, Echidna avait aussi rompu avec plusieurs hommes. On se ressemblait en fait comme deux gouttes d’eau.
La seule différence était que, tandis que je gardais les femmes que j’aimais à mes côtés, Echidna préférait chasser les inconnus à la taverne et n’appréciait que les aventures d’une nuit avec eux.
En termes de « chasteté », nous étions donc très semblables, mais miraculeusement, notre relation n’avait jamais pris un tour charnel.
Nous ne voyions pas l’autre comme un candidat viable, tout comme les aimants de même polarité se repoussent.
« C’est vrai ? Je te vois pourtant comme un homme ? »
« Quoi !? »
La révélation scandaleuse d’Echidna me fit tourner la tête.
« Tu es en fait le meilleur homme que je connaisse. Le mariage est hors de question, mais si je dois un jour porter un enfant, je voudrais que tu sois le père. Je dois quand même donner naissance à un successeur. Je serais heureuse si tu l’envisageais au moins… »
« Hmm… d’accord… bien, en fait… nan… je passe mon tour… »
Après avoir réfléchi un peu, je lui avais donné ma réponse.
L’offre n’était pas sans charme, mais je ne pourrais pas traiter Echidna comme une femme à ce stade.
« Oh, vraiment ? Eh bien, si jamais tu changes d’avis, fais-le-moi savoir. »
« … Bien sûr. »
Je voulais partir le plus vite possible. Je sentais que si je continuais à parler avec elle, je pouvais commettre une erreur irréparable.
Nous ne sommes pourtant pas de la même famille, mais nous sommes pourtant encore beaucoup trop proches… c’est pourquoi je déteste les amis d’enfance… !
J’aimais me considérer comme un expert du sexe opposé, mais il y avait apparemment certaines femmes que je ne pouvais pas gérer. Le seul moyen était de rester loin d’elles.
« Ah, s’il te plaît attends, Dyn ! »
J’étais sur le point de m’enfuir, mais Echidna m’attrapa le bras et m’arrêta.
« Il y aura une réunion au manoir des Thunderbirds dans la capitale, plus tard dans la soirée. Ne veux-tu donc pas y assister ? Nous servirons aussi de la nourriture et des boissons. »
« … En même temps que le bal royal ? Quel genre de rassemblement est-ce là ? »
Je n’avais vraiment pas envie d’y aller, mais les paroles d’Echidna m’avaient convaincu. Je devais y aller.
« Une réunion des héritiers des quatre maisons, Dyn. Les deux autres y participent également. »
Ma nuit dans la capitale royale allait être plutôt longue, me dis-je. Je regardai le soleil couchant filtrer à travers une fenêtre tout en soupirant.
+++
Chapitre 6 : Quatre voyous sous le même toit
Parmi les résidences concentrées dans le quartier noble de la capitale royale, un manoir se distinguait particulièrement.
La Maison Thunderbird, qui prospérait grâce au commerce maritime, était sans égale parmi les Quatre Maisons en termes de puissance financière. La taille et le luxe de son manoir en étaient la preuve évidente : tous deux éclipsaient les autres résidences nobles du quartier.
« Il semblerait que les deux autres soient déjà arrivés. Entre, Dyn. »
« D’accord. »
Echidna me conduisit dans un couloir et ouvrit la porte au bout.
Dans la spacieuse chambre d’amis, je vis les domestiques des Thunderbirds et deux autres personnes.
L’une d’entre elles était Sharon Utgard, héritière de la maison des Maréchaux du Nord, portant toujours sa tenue noire de cérémonie.
« Hm… »
Au moment où nous étions entrés, Sharon jeta alors un regard sur nous deux et leva silencieusement le verre de vin dans sa main, en guise de salut. Elle le porta ensuite à ses lèvres.
« Nh…mmh. Un autre. »
« Ah, oui, tout de suite. »
Après avoir descendu le contenu en une seule gorgée, Sharon poussa presque le verre dans les mains de la servante à ses côtés, qui le remplit instantanément.
« Nh…mmh. Encore un. »
« Ah, oui, tout de suite. »
« Nh…mmh. Encore un. »
« E-Eh !? »
La femme de chambre remplit le verre, Sharon le prit et le but rapidement, revenant ainsi à la case départ. Il n’y avait aucun signe d’arrêt de sa part.
La table devant elle regorgeait de fromages et de viandes séchées, mais ils ne semblaient pas avoir été touchés. Elle avait probablement continué à engloutir du vin sans rien manger entre deux verres.
L’autre invité, qui avait quitté ses robes blanches de cérémonie pour une tenue plus décontractée, était Valon Sphinx, héritier du Maréchal de l’Ouest.
Lui aussi buvait du vin, mais dans une plus faible proportion que Sharon : il savourait chaque gorgée.
« Mmh, si délicat. C’est vraiment un bon vin. »
« Vos louanges nous honorent, Seigneur. C’est une bouteille de 20 ans d’âge de la mer du sud. »
« Le sud produit des raisins de qualité, après tout… hm ? »
Valon remarqua notre arrivée et regarda dans notre direction. Au moment où nos regards s’étaient croisés -
« Dyngir Maxwell !! Toi !! »
« Monsieur !? »
Il s’était levé de sa chaise puis il s’était mis à me crier dessus.
Laissant derrière lui le serviteur abasourdi, il piétina le sol vers moi.
« Comment oses-tu te montrer devant moi ? Après avoir fui mon défi ! Espèce de lâche ! »
« Ah, er… c’était il y a si longtemps, Monsieur Sphinx. Mes excuses, mais c’est si soudain, je ne comprends pas ce qui se passe. »
« Ne fais pas l’idiot ! Tu as laissé tomber le tournoi d’arts martiaux cette année, pas vrai ? Notre duel n’a pas encore été réglé !! »
« Hmm… ? »
Le tournoi qui se tenait chaque année dans la capitale ? Oh, c’est vrai, je n’y étais pas allé cette année.
Après l’annulation des fiançailles et toute la pagaille qui s’en est suivie, je suis retourné directement en province. Je n’avais de toute façon pas le temps pour les tournois.
La rupture des fiançailles, la tentative d’assassinat de Sullivan, les châtiments qui suivirent pour Sullivan et Selena. Ces six mois furent mouvementés, si bien que l’existence du tournoi m’était complètement sortie de l’esprit.
L’année dernière et il y a deux ans, j’ai combattu Valon en finale… et j’ai gagné les deux fois, non ?
J’avais donc finalement compris pourquoi il était si en colère.
Je n’avais pas participé parce que j’étais trop occupé pour le faire, mais du point de vue de Valon, l’étudiant qui l’avait battu deux fois s’était enfui sans lui donner la possibilité une ultime chance de se racheter
Je n’avais pas d’autre choix que de baisser la tête et de m’expliquer.
« Mes excuses, j’ai été assez occupé cette année. J’avais des problèmes à régler avec la famille royale. »
« Uhm… Le Prince Sullivan… non, l’ancien Prince a essayé de te faire assassiner, c’est ça ? C’est bon de te voir sain et sauf, et… bien… ma sœur était aussi inquiète. »
« Oh, ta sœur. Elle s’appelle bien Naam ? »
J’avais rencontré par hasard Naam, la jeune sœur de Valon, avant le tournoi d’arts martiaux il y a deux ans. Elle était venue voir son frère avant les finales. Elle avait un teint foncé et des cheveux noirs, tout comme son frère, elle m’avait donc laissé une impression.
« Oui, Naam ! J’ai finalement gagné le tournoi cette année, mais après mon retour en province, elle était toujours dans les nuages, à s’inquiéter pour toi ! Qu’est-ce qu’il y a exactement entre toi et ma sœur !? »
« … Pour tout te dire, strictement rien. J’ai juste parlé un peu avec elle, il y a deux ans et l’année dernière. Tu étais présent toi aussi ces deux fois-là… Ah oui, comme j’ai appris à cette époque que son anniversaire était proche, j’ai donc pris la liberté d’envoyer un cadeau. A-t-il été livré ? », avais-je répondu, un peu fatigué de l’attitude autoritaire de Valon.
Pourtant, ce dernier l’augmenta encore plus.
« Il a effectivement été livré ! Ces jours-ci, Naam regarde cette horloge de table en verre jour après jour, en marmonnant et en soupirant ! Quand je pense qu’il y a seulement quelques années, elle était toujours derrière moi, à dire grand frère ceci, grand frère cela… ! Elle ne veut même plus prendre de bain avec moi, et quand elle me parle, c’est toujours pour me demander comment tu te portais à l’académie… ! Qu’as-tu fait à ma sœur, espèce de monstre !? »
« … Puis-je demander quel âge a ta sœur ? »
« Elle aura douze ans cette année !!! Et alors !? »
« … »
Aux yeux de Valon, je devais avoir l’air d’un pédophile.
J’étais peut-être un coureur de jupons, mais je n’avais jamais posé mes mains sur des filles aussi jeunes…
« Euh, eh bien… j’enverrai un cadeau d’anniversaire cette année aussi. Dis-lui que je lui passe le bonjour. »
« C’est tout simplement hors de question !! GRAAAAAAAH !! »
« Nh…mmh. Encore un. »
« S’il vous plaît, ayez pitié… ! »
Valon piétina le sol en signe de frustration.
Malgré le bruit de notre dispute, Sharon continua à boire, sans être dérangée. Il y avait déjà 10 bouteilles vides sur la table à côté d’elle : la servante qui la servait était au bord des larmes.
« Eh bien, maintenant que nous sommes tous là, pouvons-nous passer aux choses sérieuses ? »
Echidna pensait probablement que les choses pourraient bientôt devenir incontrôlables, aussi tapa-t-elle dans ses mains pour attirer notre attention.
Elle tapa ensuite d’une main sur la table et pointa un doigt dans notre direction.
« Nous allons maintenant commencer la première conférence des maréchaux de la nouvelle génération ! »
Les servantes derrière Echidna firent retentir leurs trompettes, tandis que les majordomes suivirent avec des applaudissements bien répétés.
« … Et maintenant ? »
« .…hm. »
« Nh…mmh. Encore un. »
L’énergie d’Echidna dépassa largement la nôtre. Valon et moi la regardions avec incrédulité, tandis que Sharon continuait à boire, sans y prêter la moindre attention.
Ainsi s’étaient réunis les quatre jeunes hommes et femmes représentant la prochaine génération des Quatre Maisons, la plus grande puissance militaire défensive du Royaume de Lamperouge.
+++
Chapitre 7 : La réunion passe plus mal que le vin
« … assez plaisanter. Nous devrions maintenant commencer à parler sérieusement. »
Echidna joignit ses mains bruyamment, transformant ainsi l’ambiance qui régnait dans la pièce.
Les servantes et les majordomes posèrent les boissons et les collations sur les tables, puis sortirent rapidement. La conversation qui allait suivre n’était pas pour leurs oreilles.
« Je… je vous demande pardon… !! »
« Ah.... »
La femme de chambre qui servait Sharon s’était précipitée hors de la pièce. Sharon regarda son départ, un regard de désir dans ses yeux… puis elle commença à remplir le verre elle-même. Apparemment, ne pas boire n’était pas une option.
« Alors, de quoi veux-tu parler si sérieusement ? »
Valon, ne faisant plus d’esclandre à propos de sa petite sœur, s’était rassis et avait calmement engagé la conversation. Il était le plus âgé d’entre nous quatre, aussi étais-je sincèrement reconnaissant qu’il prenne la barre.
« … nh, délicieux. »
« Es-tu avec nous ? Sharon Utgard. »
Sharon continua à boire sans se soucier de rien, ce qui incita Valon à hausser les sourcils.
Au passage, elle était la plus jeune d’entre nous : Sharon avait encore 16 ans. Elle ne s’était pas inscrite à l’académie et avait plutôt reçu son éducation dans sa province natale.
Elle n’était pourtant pas un cas particulier : la Maison Utgard était réputée pour son isolement et ses contacts avec les autres territoires étaient plutôt limités. Ses membres quittaient rarement la province en dehors d’événements spéciaux, comme la cérémonie de couronnement de ce jour.
Je suppose que cette manière d’agir vient du fait qu’elle connaît peu le monde. Et elle avait pourtant l’air si sévère pendant la cérémonie…
Lors de la cérémonie, elle avait cette aura féroce typique d’un commandant militaire, intimidant tous les nobles des environs, mais maintenant, probablement aussi grâce au vin, son apparence correspondait beaucoup plus à son âge.
Ce n’est pourtant pas le rythme de consommation d’une jeune fille de 16 ans.
Je contemplai les 12 bouteilles vides sur sa table.
« Eh bien, tout d’abord… j’aimerais connaître votre opinion sur ce que va devenir ce pays. »
Je craignais que la conversation n’ait pas lieu, mais Echidna ignora Sharon et proposa un sujet de discussion.
Valon hocha la tête et répondit en premier.
« Hmm… Je vois. Le conflit entre les différentes factions de la cour ne va faire que s’intensifier, j’en suis sûr. »
« Je ressens la même chose. Le Prince Sulley… non, Sa Majesté est née de la Reine, il a donc plus qu’une juste cause pour hériter du trône, mais les rumeurs sur le fait qu’il soit un fils illégitime sont assez lourdes. »
Les mots scandaleux prononcés par l’ancien roi avant de s’évanouir, dénonçant Sulley d’être en réalité un fils bâtard, secouaient encore la cour royale.
À présent, la cour était divisée en plusieurs factions concurrentes.
La faction royale, visant à soutenir Sulley et à maintenir l’autorité du roi.
La faction des chanceliers, avec au centre le duc Rosais et ses vassaux.
La faction pacifiste, qui abhorrait le chaos et voulait éviter tout conflit avec les nobles provinciaux.
La faction des nobles voulait propulser Sulley comme un roi fantoche afin d’obtenir le contrôle réel du royaume. Cette faction était principalement formée par les nobles hostiles au Duc Rosais, et souhaitait plus que tout l’évincer de la cour. Leur objectif final étant d’obtenir le pouvoir absolu sur le royaume et de réduire ainsi l’autorité et l’influence de nos maisons provinciales, ils méritaient une attention particulière.
Enfin, la faction neutre, qui était restée en dehors de tous les conflits à la cour. Comme le statut de Sulley en tant qu’héritier légitime était toujours en question, ils avaient gardé leurs distances avec la famille royale, autant qu’ils étaient autorisés à le faire. Leurs relations avec les nobles de province étaient également douteuses.
« Je dois admettre que le Duc Rosais est exemplaire en tant que noble. Mais même lui ne pourrait pas empêcher l’eau de s’écouler d’un barrage rompu. Dans le meilleur des cas, tous les conflits se feront sous couvert, dans le cas contraire, une guerre civile scindera le royaume en deux. Dans les deux cas, nous, nobles provinciaux, devrons décider du rôle à jouer. »
Continuer à servir ce pays ou chercher une nouvelle voie indépendante. S’emparer de la province centrale et prendre le contrôle de tout le royaume était également une option.
« C’est comme ça que tu le vois aussi, alors… c’est plutôt gênant. »
« … Le sud prévoit-il de se rebeller contre la famille royale ? »
Sharon, qui n’avait pas cessé de boire depuis un moment, interrogea Echidna.
Huh, donc elle écoutait donc bien…
Elle avait finalement rejoint la conversation, me laissant légèrement surpris.
« Bien sûr que non. Les forces de la maison Thunderbird sont basées sur notre flotte, nous ne pourrions pas gagner contre la maison royale même si nous essayions. Nous ne sommes pourtant pas sûrs que les royaux seront d’aussi bons clients qu’ils l’ont été jusqu’à présent. »
Pour la maison Thunderbird, qui a prospéré grâce au commerce maritime, la maison royale, ou toute autre famille noble d’ailleurs, n’était rien de plus que des partenaires commerciaux. Dans l’esprit, ils étaient des marchands plutôt que des nobles.
« Le sang ne coule que lorsque l’argent coule aussi. Si la nouvelle maison royale fait chuter l’économie, nous devrons reconsidérer la façon de les traiter. »
« Heh, je n’entends que la cupidité parler. »
« Oh, la puissante Maison Sphinx est-elle d’un autre avis ? Jurerais-tu fidélité à une maison royale dépourvue d’autorité ? »
Valon ricana suite à la question d’Echidna.
« Qui se soucie de la famille royale ? Il y a d’autres vrais ennemis dont nous devrions nous inquiéter. Peu importe la confusion qui règne au centre, ce que nous devons faire, c’est soumettre l’ennemi qui nous précède. C’est le devoir d’un guerrier gardien de ce royaume. »
« Je ressens effectivement la même chose. Tant qu’il y a des ennemis devant nous, nous devons nous concentrer sur eux. »
J’étais d’accord avec l’opinion de Valon, bien que ce que nos mots impliquaient soit probablement très différent.
« Tant qu’il y a des ennemis, hmm. Cela te ressemble parfaitement bien, Dyn. »
Echidna devina correctement le véritable sens de mes paroles et hocha la tête.
Je ne lui avais jamais parlé de mes ambitions, mais pendant le temps que nous avions passé ensemble, elle avait sûrement remarqué à quel point je souhaitais rendre la Maison Maxwell indépendante.
« Les politiques de la Maison Utgard ne sont pas de mon ressort. », dit Sharon tout en vidant un autre verre.
« Parce que je suis un soldat, pas un guerrier. Je n’ai pas de croyances, j’abattrai quiconque m’en donne l’ordre. Je ne suis pas en mesure de décider si la maison Utgard s’opposera à la maison royale ou non. »
« Vraiment ? Même en tant que prochain Maréchal, tu n’as aucune opinion ? »
« L’opinion du numéro deux n’a aucune valeur. L’opinion du chef suffit, quoi qu’il arrive. »
Cependant — ajouta Sharon, avant de vider un autre verre.
« Je ne veux pas me battre contre quelqu’un qui sert du vin aussi bon que celui-ci. Si la maison Thunderbird choisit de se battre contre la famille royale, je serai personnellement de ton côté. Je te le promets. »
« Oh là là, quelles belles paroles ! J’ai du vin rare de l’est, je te le donnerai comme souvenir à ramener chez toi. »
« Je t’aime… épouse-moi. »
Sharon prit la main d’Echidna et fit sa demande. Était-ce sérieux où non… je n’en avais aucune idée. Je regardai Echidna, visiblement décontenancée par ce développement soudain, puis me retournai et soupirai.
Quatre Maisons… même si nos positions sont similaires, notre façon de penser est vraiment différente. On n’a pas l’impression que nous pourrons un jour nous unir et lutter ensemble contre la maison royale, hein.
Echidna nous avait probablement rassemblés afin de confirmer cela.
Je n’ai en premier lieu jamais eu l’intention d’emprunter la force de qui que ce soit… mais il est probablement préférable de considérer les autres maisons Maréchales comme des ennemis potentiels, lorsque nous ouvrirons enfin les hostilités contre la famille royale.
La Maison Thunderbird du sud valorisait ses intérêts par-dessus tout. Si nous pouvions leur offrir suffisamment de bénéfices, ils ne devraient pas s’opposer à nous.
La Maison Sphinx de l’ouest n’aura jamais assez de forces en réserve à envoyer contre nous, tant que les « Armées maudites » du désert existeront.
Il ne reste que la Maison Utgard.
J’avais jeté un coup d’œil à Sharon.
Si l’Empire tombait, la Maison Utgard qui, comme notre Maison Maxwell le considère comme un ennemi, pourra se déplacer plus librement. Quand cela arrivera, quel sera leur prochain mouvement ?
La maison de cette fille qui se passionne pour le vin était un ennemi potentiel aussi dangereux que la maison royale.
Je dois remercier Echidna pour m’avoir fait prendre conscience du chemin escarpé sur lequel mon ambition me conduit.
Pourtant, aussi bizarre que cela puisse l’être, je ne me suis pas du tout senti découragé.
Le chemin était dur et long, mais cela rendait aussi les choses plus excitantes.
« Laisse-moi aussi prendre un verre. Ce vin sera encore meilleur chaud, peux-tu le réchauffer pour moi ? »
« Ooh, bonne idée. Moi aussi ! »
J’avais appelé un serviteur et lui avais tendu mon verre.
J’avais regardé la fille devant moi, avec des étincelles dans les yeux, et je m’étais demandé si elle allait vraiment devenir une ennemie à l’avenir.
+++
Chapitre 8 : Le cadeau d’une mère folle
« Je n’ai pratiquement rien fait, pourquoi je me sens si fatigué… ? »
Après avoir discuté de quelques questions supplémentaires, le rassemblement des héritiers des « Quatre Maisons » s’était officiellement terminé.
Il était déjà tard dans la nuit : Echidna m’avait invité à rester dans son manoir, mais le fait de rester sous le même toit qu’elle me mettait mal à l’aise. J’étais donc retourné à mon logement loué sous le nom de Maxwell.
Par ailleurs, Valon était aussi retourné à son logement. Et comme Sharon avait recommencé à boire après la réunion, elle allait donc probablement rester chez elle.
« Oh, tu rentres vraiment ? C’est dommage. Je pensais te rendre une petite visite dans ta chambre. »
« … Ne plaisante pas avec ça, je pourrais le prendre au sérieux. »
« Cela me convient très bien pourtant. Je te l’ai dit, je t’aime tellement que je veux un enfant de toi, Dyn. »
« Franchement… »
Comme je voulais désespérément m’éloigner d’Echidna le plus rapidement possible, j’étais monté dans la calèche que j’avais préparée.
« Oh, attends une seconde ! J’ai un cadeau pour toi. »
« Hein ? Quoi ? Un cadeau ? »
Mais avant que je puisse partir, Echidna me donna une boîte carrée emballée dans du papier de haute qualité.
À en juger par la forme… peut-être que ce sont des bonbons ?
« Ah, bien, merci beaucoup. »
« Ramène-le chez toi, d’accord ? Et ne t’avise pas de le jeter par la fenêtre. »
La blague d’Echidna me fit une drôle d’impression, mais je n’y avais pas réfléchi plus que ça.
De retour dans ma chambre, j’avais ouvert le paquet. Et j’avais regretté de l’avoir accepté.
« Ah, merde… »
Comme je m’y attendais, l’emballage révélait une boîte en bois normalement utilisée pour les bonbons, mais aussi une lettre. Elle était adressée d’une manière très simple.
« À mon fils »
« … C’est de la part de Mère… cette satanée femme. »
Je m’étais souvenu du sourire d’Echidna en partant et mes dents grincèrent. Le « cadeau » venait donc de Grâce, ma mère.
Je le jette quand même ? Non, attends, si elle explose ou libère du gaz toxique en ville, ce serait un désastre. Ça pourrait aussi causer des problèmes à la maison Maxwell…
Tout en me demandant pourquoi le fait de recevoir un cadeau de ma mère devait me donner à tous les coups un mal de tête, je m’étais dit que je n’avais pas d’autre choix que de l’ouvrir.
J’avais retiré le couvercle, lentement, en vérifiant soigneusement qu’il n’y avait pas de piège. J’y avais trouvé des pierres précieuses aux couleurs de l’arc-en-ciel à l’intérieur.
« Qu’est-ce que… ? »
Elles étaient de la taille d’un bonbon et brillaient de sept couleurs, comme un arc-en-ciel. Il y avait assez de pierres précieuses pour remplir la boîte à ras bord.
« À quoi pense cette maudite sorcière… ? »
Je savais ce qu’étaient vraiment ces gemmes, et j’avais pressé mes doigts contre mes tempes.
Les gemmes colorées, qui pouvaient être assez jolies pour rapporter un bon prix en bijouterie, étaient en fait une partie du corps des « Hydres de mer », des bêtes carnivores qui vivaient dans les donjons… le nom commun des ruines de l’ancienne civilisation magique.
Pour être plus précis, les pierres précieuses étaient en fait formées dans la vésicule biliaire d’une hydre de mer… c’était en gros les calculs biliaires du monstre.
Les hydraires de mer étaient des bêtes sauvages et dangereuses, qui se battaient en crachant du poison sur leurs ennemis. Ces pierres étaient également très venimeuses : si elles étaient dissoutes, une seule suffisait à transformer un baril d’eau en poison mortel.
« Quel genre de mère envoie une boîte de poison à son fils ? Cette satanée femme… »
J’avais ouvert la lettre et lu son contenu.
À mon fils : j’ai appris l’annulation des fiançailles.
Si tu veux mourir, bois ceci. Si tu veux tuer, fais-le leur boire.
Grace D.O. Maxwell
« … »
En d’autres termes, si l’annulation des fiançailles t’a suffisamment choqué au point de souhaiter mourir, utilise ce poison et suicide-toi.
Si tu détestes encore plus ton ancienne fiancée ou l’homme qui te l’a enlevée, donnez-leur de ce poison et tuez-les.
Je suppose que c’était ce que ma mère voulait dire.
« … Une fois de plus, pour faire bonne mesure… quel genre de mère est-ce donc !? »
J’avais déchiré la lettre en lambeaux et l’avais jetée à la poubelle.
« Bon sang, pourquoi ça me tape autant sur les nerfs… ? Sakuya, tu es là !? »
« À votre service, Seigneur Dyngir. »
L’assassin en tenue de soubrette répondit immédiatement, apparaissant devant moi sans le moindre bruit. Je fermai la boîte de poison envoyée par ma mère et la lui donnai soigneusement.
« Apporte ceci au manoir des Maxwell, avec une extrême précaution. Le simple fait de toucher le contenu à mains nues pourrait t’empoisonner. Assure-toi que personne ne les avale ou ne les vole : ils ressemblent à des pierres précieuses, mais il ne vaut mieux pas que tu en sache davantage. »
« Je suis habitué à manipuler du poison, Seigneur Dyngir. S’il vous plaît, laissez-moi faire. »
Sakuya prit diligemment la boîte de mes mains et s’inclina.
« Au fait… pourrais-je être autorisé à prendre un ou deux de ces objets ? »
« Je veux bien, mais à quoi vont-ils te servir ? »
« Comme c’est une sorte de poison rare, j’aimerais bien en faire un essai pour un assassinat. »
Sakuya répondit avec des joues rougies. Les mots qu’elle prononça étaient au mieux sinistres, mais son visage était celui d’une jeune fille amoureuse.
« … Fais ce que tu veux. Mais ne me les donne pas à manger. »
« J’ai bien peur de ne pas pouvoir vous le promettre. »
« Quoi ? Tu plaisantes ! Je ne veux pas mourir avec le poison de cette sorcière de merde ! »
« Bien sûr que je plaisante, monseigneur… héhé… »
Trouver un poison aussi rare avait dû rendre Sakuya vraiment heureuse : son visage habituellement inexpressif était maintenant rayonnant d’un sourire. Elle se dirigea vers la sortie de la pièce en dansant un peu, mais s’arrêta devant la porte.
« … Oh là là, j’ai été tellement envoûtée par le poison que j’ai presque oublié. Il y a quelque chose que je dois vous rapporter, Seigneur Dyngir. »
« Hm ? Quoi ? »
« Je viens de recevoir un message d’un des membres des Crocs d’Acier au manoir de Maxwell. Il semble qu’un invité soit venu vous voir. »
« Un invité ? Qui ? »
J’avais hoché la tête, perplexe. Tout le royaume était au courant de la cérémonie de couronnement : n’importe qui aurait pu penser que l’héritier du Maréchal ne serait pas chez lui.
Soit il s’agit d’une urgence, soit c’est quelqu’un qui n’est pas familier avec l’état des affaires du royaume…
J’avais incité Sakuya à continuer, et ses belles lèvres rouges prononcèrent un nom extrêmement surprenant.
« La Première Princesse de l’Empire Baal, Rossellia Baal. »
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Chapitre 9 : Troubles d’une princesse aux cheveux d’or
Point de vue de Rossellia Baal
Oh, qu’est-ce que je suis censée faire ?
Je m’appelle Rossellia Baal, je suis la quatrième enfant de l’Empereur Baal et la seule princesse de la famille impériale actuelle.
Je suis née avec le sang le plus noble de l’empire et j’ai vécu une vie sans contrainte.
Cependant, si vous me demandiez si c’est une vie de bonheur ou non, je ne pourrais pas dire oui avec assurance.
« Rossellia, je souhaite que tu sois au moins heureuse. »
Mon père, l’Empereur, avait l’habitude de dire ça tout le temps.
Contrairement à mes frères, tous envoyés à la guerre, je passais la plupart de mes journées à la cour. De ce fait, je pouvais passer plus de temps avec mon père que mes frères ne le firent jamais.
« Naître en tant qu’homme dans la famille impériale Baal, un clan de conquérants, signifie vivre sur le champ de bataille, et on ne peut rien y faire. Moi aussi, j’ai connu mon lot de guerres et de batailles, contre de nombreuses puissances étrangères et parfois même contre ma propre famille. Cependant… tu ne l’as pas fait. »
Père ne pouvait vivre que comme un membre de la famille impériale, que comme l’Empereur.
Il ne pouvait jamais approcher ses fils comme un père le ferait. Tout l’amour et l’affection qu’il leur réservait étaient dépensés pour moi. C’était une chance en soi, mais l’amour de mon père pouvait aussi être lourd, oppressant.
« Je t’en prie, vis une vie sans violence ni sang. Je t’en supplie. S’il te plaît, deviens heureuse, comme une fille normale, comme une femme. Si tu devais devenir un sacrifice pour le bien de l’empire… je cesserais vraiment d’être un père, pour ne devenir qu’un conquérant sanguinaire. »
C’était les derniers mots que mon père m’avait dits. Savait-il vraiment combien il serait difficile pour moi de tenir une telle promesse ?
Étant née en tant que princesse impériale, je serais utilisée comme un outil pour un mariage politique dans des circonstances normales. Pensait-il vraiment que je pourrais un jour atteindre le bonheur d’une femme normale ?
Même si je souhaitais obtenir un tel bonheur, je ne pourrais jamais l’obtenir. Même sans jamais mettre un pied sur le champ de bataille, sans jamais s’impliquer dans la politique, le fait que je sois la seule princesse impériale ne change rien.
Cette prédiction ne tarda pas à se réaliser.
Lars Baal, le premier prince impérial, me présenta une proposition de mariage.
Le futur époux était le fils d’un puissant noble du royaume de Lamperouge, l’héritier de la Maison Maxwell, Dyngir Maxwell.
*****
« Franchement, tout cela est assez soudain. Cette affaire a-t-elle déjà été approuvée par la conférence impériale ? »
« N-Non, en fait, pas encore, mais… »
Mon frère aîné, Lars Baal, répondit à ma question de manière plutôt maladroite.
Bien sûr. Me marier à un pays ennemi… je suppose qu’au moins une personne ne l’accepterait jamais.
Je soupirai, m’assurant soigneusement que Lars ne le remarque pas, tout en réfléchissant à ses intentions.
Si je me mariais à la maison Maxwell, cette « gardienne de la frontière orientale » et influente famille noble de Lamperouge deviendrait liée à l’empire. Il serait certainement facile de les transformer en alliés et franchir ainsi la frontière. La première armée impériale de Lars pourrait traverser sans encombre Lamperouge et se diriger directement vers la capitale. Il remplirait ainsi la condition fixée par le testament de son père et deviendrait le prochain empereur…
C’était une demande unilatérale et égoïste. Il essayait vraiment de donner sa jeune sœur en gage à un pays ennemi, afin de devenir empereur…
As-tu seulement essayé de penser au genre de traitement que je recevrais à Lamperouge, cher frère… ? Bien sûr, vu comment tu es maintenant, cela ne t’a même pas effleurer l’esprit…
Lars Baal ne pouvait pas être considéré comme un homme mauvais. Il était sincère, généreux avec ses subordonnés, connu pour son grand cœur. Il pouvait être parfois émotif et impulsif, mais beaucoup le respectaient et l’admiraient, malgré ces faiblesses.
Je l’aimais bien aussi, mais… cette bataille l’a changé.
Après avoir perdu contre les armées de Maxwell il y a cinq ans, le bien-aimé Lars s’était transformé en un homme qui ne réfléchissait pas à deux fois avant de sacrifier ceux qui l’entouraient.
Il avait perdu ses plus précieux serviteurs et était devenu de plus en plus obsédé par le trône.
Le fait de penser que cette ambition était née de son désir de ne pas rendre inutile le sacrifice de ses vassaux était douloureux. Et le fait de voir comment ce désir avait fini par causer encore plus de souffrance à ceux qui le servaient l’était encore plus.
Il y a deux ans, il s’était lancé de force dans une invasion de Lamperouge par les mers du sud, mais n’avait même pas pu atteindre le royaume et était tombé devant Draco Omari, l’infâme pirate et maître des mers du sud.
Après ces défaites, la Première armée impériale ne disposait plus d’une puissance militaire suffisante pour constituer une menace pour Lamperouge. En d’autres termes, établir un lien avec la Maison Maxwell par le biais d’un mariage politique était la seule voie qui restait à Lars pour devenir empereur.
« Avec tout le respect que je te dois, Prince Lars, qu’est-ce qui te donne l’autorité de présenter à la princesse une perspective de mariage ? »
Je ne savais pas encore comment répondre, quand j’avais reçu une aide inattendue.
« Ca… Capitaine Chevalier Salazar… ! »
Lars jeta un regard furieux à l’homme qui avait interrompu notre conversation et grogna son nom.
C’était Rajang Salazar, l’un des subordonnés les plus fiables de père. C’était aussi le capitaine des Chevaliers Impériaux.
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Chapitre 10 : La princesse aux cheveux d’or prend sa décision
L’homme qui interrompit notre conversation était Rajang Salazar, le capitaine des Chevaliers Impériaux, qui avait accepté d’être le témoin de la rencontre avec mon frère Lars.
Rajang avait le même âge que mon père, c’était l’un de ses plus proches amis et l’un des chevaliers en qui il avait le plus confiance. Il dirigeait les Chevaliers Impériaux, une unité sous l’autorité directe de l’Empereur. Comme le siège était actuellement vacant, Rajang suivait le dernier ordre de mon père : agir comme mon escorte et me protéger.
« Rajang Salazar, je parle à Rossellia en ce moment même ! Comment un simple chevalier ose-t-il s’immiscer dans une conversation entre membres de la famille impériale ? »
« Avec tout le respect que je vous dois, Votre Altesse, j’ai reçu l’ordre de feu Sa Majesté l’empereur de protéger et de prendre soin de la Princesse Rossellia. Je dois donc vous prier de ne pas faire de demandes déraisonnables à la Princesse. »
« Des demandes déraisonnables !? Sais-tu seulement à quel point cela me peine de… ! »
« S’il vous plaît, Prince Lars, calmez-vous. »
Un jeune chevalier intervint pour apaiser l’esprit de mon frère : Snowe Halphas, le commandant en second de Lars.
« Capitaine Salazar, nous sommes venus simplement pour proposer cet arrangement à la Princesse Rossellia. Nous n’avons pas l’intention de forcer la main à qui que ce soit. »
« Q-Quoi qu’il en soit, c’est… ! »
« Nous savons aussi comment feu l’Empereur, paix à son âme, a souhaité le bien-être de la Princesse jusqu’à son dernier souffle. Bien que ce ne soit pas en termes officiels, l’Empereur a apparemment aussi donné la permission à la Princesse de choisir librement son conjoint. Est-ce exact ? »
« … Oui, Père a bien dit cela. »
C’était la stricte vérité. Père, qui m’aimait plus que quiconque, m’avait dit que je pouvais épouser la personne que j’aimais. Cependant, en tant que princesse impériale, j’avais rarement l’occasion de rencontrer des hommes en dehors de la famille impériale, il n’y avait donc pas de telle personne…
« Nous souhaitons donc recommander Dyngir Maxwell comme ce partenaire. »
Snowe Halphas sourit, comme si la conversation se déroulait exactement comme il l’avait prévu.
« La maison Maxwell est, sans aucun doute, l’un des clans nobles les plus puissants et les plus réputés du royaume de Lamperouge. Certains disent qu’en termes de puissance militaire, ils surpassent même la famille royale. Une fois que le prince Lars aura remporté la victoire et que le Royaume aura été annexé à l’Empire, ils obtiendront certainement un statut élevé en tant que clan noble militaire dans l’empire. Je suis sûr qu’il fera un bon époux, Princesse. »
« Dyngir Maxwell est aussi un infâme coureur de jupons ! Comment une telle crapule pourrait-elle convenir à la Princesse ? »
« Tous les héros vivent pour l’amour, ou du moins c’est ce qu’on dit. Et si j’ai bonne mémoire, Sa Majesté l’empereur a été aussi servi par de nombreuses concubines. Ses quatre enfants sont tous nés de mères différentes, non ? Que peut-on espérer de plus de la part d’un valeureux noble ? »
« … »
J’avais répété les mots de Snowe dans mon esprit et j’avais réfléchi.
Si j’épousais la Maison Maxwell, Lars pourrait prendre le contrôle du royaume de Lamperouge et devenir le prochain empereur.
Cela permettrait également de régler les conflits qui divisaient actuellement l’empire, et peut-être d’empêcher le déclenchement d’un plus grand chaos.
Sans compter que…
« Sans compter que… si les choses continuent ainsi, le prince Grett deviendra empereur. »
« — !! »
Snowe parlait comme s’il lisait dans mes pensées.
« Cela me peine et me frustre d’admettre qu’à l’heure actuelle, le prince Grett est le plus proche du trône. Que se passerait-il s’il devenait vraiment Empereur ? »
Grett était une personne intelligente aux multiples compétences, mais en tant qu’être humain, il lui manquait quelque chose de très important. Il ne voyait pas les autres comme des égaux et sacrifiait ceux qui étaient en dessous de lui sans réfléchir.
Il n’y avait pas si longtemps, une révolte paysanne avait éclaté dans son domaine. Tous ceux qui y participèrent furent apparemment exécutés avec une extrême impunité.
Si Grett devenait empereur…
Il est hors de question que Grett devienne empereur ! Il apporterait à tous les coups le malheur à tout l’empire… à ses vassaux, au peuple, et à moi aussi…
Je m’étais souvenue du regard de Grett sur moi et j’avais frissonné.
Il me regardait de telle manière que je sentais ses yeux ramper sur tout mon corps. Il n’y avait rien d’autre que le désir de me posséder et de satisfaire toute sa convoitise en eux.
Comparé à Grett… tout homme est un saint… !
Peu importe à quel point il pouvait être un coureur de jupons, ce serait certainement mieux que de devenir l’épouse de Grett.
Et même si nous étions demi-frères et sœurs, ou si Père me disait que je pouvais épouser qui je voulais, je suis sûre qu’il ne s’en soucierait pas le moins du monde.
« J’ai très bien compris ce que vous avez dit… s’il vous plaît, laissez-moi y réfléchir un peu. »
« Princesse… »
« Oh, vous allez y réfléchir ! Super, j’attends votre réponse avec impatience ! »
Rajang me regarda avec appréhension, tandis que, à l’inverse, Lars se réjouissait.
« Oui, réfléchissez-y bien, Princesse. Nous avons confiance en votre sage décision. »
Après une révérence obséquieuse, Snowe Halphas s’était détourné de moi. Avant de partir, il murmura quelque chose, assez fortement pour atteindre à peine mes oreilles.
« Vous avez vécu toute votre vie heureuse et choyée dans votre petite cage à oiseaux à la cour. J’espère que vous puissiez au moins être un peu utile à l’Empire maintenant. »
« … »
J’avais l’impression que ses mots me transperçaient le cœur, et je me tenais la poitrine avec mes mains.
« Rossellia, je souhaite qu’au moins tu sois heureuse. »
Les mots de mon père résonnaient dans ma tête. Je m’étais serrée si fortement que ma robe s’était froissée.
Père, je suis désolée… mais je suis aussi une enfant de l’Empire. S’il te plaît, permets-moi que je puisse utiliser ma vie pour l’Empire…
J’avais réfléchi à la question pendant une journée entière, puis j’avais pris ma décision.
La décision de me rendre dans notre pays ennemi, le royaume de Lamperouge.
+++
Chapitre 11 : Visage dissimulé
Rossellia Baal, Première Princesse de l’Empire Baal.
Tout ce que je savais d’elle était qu’elle était gardée à l’abri à l’intérieur de la cour impériale et qu’elle n’apparaissait que rarement en public, qu’elle avait dix-huit ans et que c’était apparemment une beauté blonde à couper le souffle.
L’un des membres des Crocs d’Acier infiltrés dans l’Empire rapporta que, selon certains marchands autorisés à accéder à la cour impériale, Rossellia était « Comme un ange ! Un seul regard et vous ne pourriez jamais l’oublier ! ».
« Une beauté à couper le souffle, tout comme un ange. Eh bien, ce sera quelque chose à voir. »
« Dyn, pour l’amour de tout ce qui est saint, s’il te plaît, ne fais rien de bizarre à la Princesse Rossellia. Ou, nous aurons un incident diplomatique sur les bras ! »
J’étais assis sur le canapé de la chambre d’amis du manoir Maxwell, attendant l’arrivée de la princesse.
Mon père était juste à côté de moi, répétant les mêmes avertissements.
La princesse Rossellia était arrivée dans le domaine de Maxwell il y a environ une semaine. Elle était restée dans une auberge d’Avalon, la capitale de la province, jusqu’à mon retour.
Père était déjà allé l’accueillir, mais ce sera ma première rencontre avec elle aujourd’hui.
« Ne fais rien de bizarre, je t’en prie ! »
« J’ai déjà compris ! Mais quelles sont donc ces choses bizarres pour toi ! »
« Des choses bizarres comme la serrer dans tes bras et lui lécher le visage, lui arracher ses vêtements, la traîner sur un lit et la féconder ! »
« Mais qu’est-ce que tu crois que je suis ? Je suis ton fils, pas une bête en chaleur ! »
« Je sais que tu pourrais très bien faire tout ça ! Pour l’amour de Dieu, pense aux répercussions diplomatiques, d’accord !? »
Franchement, je ne m’attendais pas à ce que mon propre père ait une telle vision de moi. Je n’ai jamais… attendez… oui, je n’avais jamais commis d’actes de violence sexuelle. J’avais emmené la nouvelle bonne au lit, mais c’était plus une farce… et comme elle était consentante, je suppose que tout était finalement bon.
« Hé, je sais que nous devrions éviter tout problème diplomatique. Mais notre Royaume et l’Empire sont ennemis depuis des décennies, les choses pourraient-elles empirer ? Pourquoi es-tu si inquiet ? »
« Même si ce sont des ennemis ! Pour eux, le fait d’envahir de leur propre chef ou le faire en riposte à une attaque de notre part est complètement différent ! Je ne pense pas avoir besoin de te le dire, mais la seule raison pour laquelle nous avons pu repousser l’Empire jusqu’à présent est qu’ils sont entourés d’ennemis, ils ne pourraient donc jamais envoyer toutes leurs forces contre nous ! Par contre, si tu mets la main sur la Princesse, ils n’enverront peut-être pas toute l’armée, mais sûrement plus de troupes que jamais ! »
« Hmm, oui, je peux comprendre ça. »
Si un membre de la famille impériale faisait l’objet d’une forme quelconque d’irrespect, il devrait y avoir une riposte appropriée, ou l’autorité de l’empire en souffrira. Ce qui pourrait avoir la priorité même sur la question de savoir qui sera le prochain empereur.
L’affection sans fin de l’empereur défunt pour la princesse Rossellia était également assez célèbre. Si je faisais quelque chose pour la déshonorer, les Chevaliers Impériaux pourraient aussi agir.
La Première Armée Impériale et les Chevaliers Impériaux… ce serait une plaie de s’occuper des deux en même temps. Il me faudrait un plan solide pour gagner.
« Eh bien, ce qui arrivera arrivera. Lorsque nous nous battrons contre l’Empire, nous devrons bien nous battre à un moment donné contre la Première Armée Impériale et les Chevaliers Impériaux. »
« Qu’est-ce que tu vas faire si “ça” arrive vraiment !? Tu es toujours si… »
« S’il te plaît, arrête de prêcher, vieil homme. Plus important encore, la princesse Rossellia est-elle vraiment aussi jolie que les rumeurs le disent ? Tu l’as rencontrée, non ? »
« Hmm, eh bien, je l’ai rencontrée, mais… »
Père s’arrêta alors de parler. Après avoir reposé son menton sur ses mains pendant un moment, il reprit alors la parole.
« … Eh bien, elle est belle, mais peut-être un cran en dessous de Grâce. »
« Oui… ça ne me dit vraiment rien. Et de toute façon… »
Je n’avais pas la moindre idée de ce que Père trouvait de bien dans cette satanée sorcière, mais il était désespérément amoureux, alors « un cran en dessous de Grâce » était un compliment de la plus haute importance venant de lui.
Elle est donc vraiment si impressionnante. Je vois pourquoi il est si bruyant avec ses avertissements. Elle est si jolie que je pourrais perdre la tête… Bon sang, c’est mauvais, je pourrais la désirer suffisamment pour entrer en guerre avec l’Empire pour elle…
« J’ai maintenant vraiment hâte de la rencontrer. »
« … S’il te plaît. Je te fais confiance, Dyn. »
« Excusez-moi, Seigneur, jeune maître. »
On frappa à la porte. L’intendant entra.
« Les invités sont arrivés. Dois-je les accompagner ici ? »
« … Oui, faites-les entrer. »
Père en donna l’ordre. Après un court instant, trois femmes étaient entrées dans la pièce.
L’une portait une armure de chevalier, c’était probablement l’escorte de la princesse. J’avais juste jeté un coup d’œil, mais elle donnait l’impression d’être plutôt habile.
La deuxième femme portait des lunettes et une robe simple. C’était probablement une servante, mais elle avait l’air plutôt intelligente, elle pourrait aussi être une fonctionnaire de la cour.
Ensuite, la troisième et dernière femme était une énigme pour moi.
« Je suis honorée d’être ici aujourd’hui, Maréchal Maxwell. Je suis également honorée de faire votre connaissance, Seigneur Dyngir Maxwell. »
Elle portait une luxueuse robe rouge pâle et un voile blanc couvrant entièrement son visage. Comme je pouvais à peine voir au-delà, je n’avais aucun moyen de vérifier si elle était vraiment aussi belle que les rumeurs le disaient.
« Je suis Rossellia Baal, première princesse de l’empire Baal. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui. »
+++
Chapitre 12 : Visage révélé
« Je suis profondément reconnaissante de votre invitation, Maréchal Maxwell. »
Rossellia s’inclina profondément, son visage étant toujours caché par le voile. Je ne pouvais pas voir son expression, mais je pouvais dire que la princesse impériale, qui avait le même âge que moi, était nerveuse.
Rossellia Baal… était son nom, non ? C’est un peu… décevant.
J’avais hâte de voir la beauté du siècle, mais elle ne voulait pas montrer son visage. Je ne pouvais pas m’empêcher de sentir mes épaules tomber.
« Oh non, vous nous honorez de votre présence, Princesse. Je suis vraiment désolé de vous avoir fait attendre si longtemps, mon fils étant absent tout ce temps. »
Père lui répondit d’un ton décontracté, probablement pour mettre la princesse plus à l’aise.
« C’est un plaisir de vous rencontrer, Seigneur Dyngir. »
« Tout le plaisir est pour moi. Rencontrer Son Altesse face à face… enfin, pas exactement, mais je suis heureux de vous voir. »
« Oh, mes plus profondes excuses… je porte toujours ce voile lors de mes sorties. Cependant, je l’enlèverai si vous le jugez inapproprié… »
« Oui, eh bien, je serais heureux si vous… »
« Non, non, ce n’est pas nécessaire ! S’il vous plaît, laissez-nous vous parler comme ça ! »
J’allais demander à Rossellia d’enlever son voile, mais mon père fit irruption.
« Vieil homme… !! »
« Il n’y a aucun problème à ce que vous gardiez le voile, Princesse !! N’est-ce pas, Dyn !? »
« Tch… »
Je m’étais renfrogné, mais je n’avais pas protesté davantage.
Rossellia nous regarda, mon père et moi, puis acquiesça.
« Dans ces conditions… si vous me permettez d’être direct, je voudrais parler de la raison pour laquelle je suis venue rendre visite à la maison Maxwell. Dans un avenir pas trop lointain, il y aura probablement une bataille entre l’empire et le royaume : quand cela arrivera, je souhaite que la maison Maxwell se range du côté de l’empire. C’est pourquoi je suis venue. »
« Ooh, vous êtes venue jusqu’ici pour demander à la Maison Maxwell de trahir le royaume ? »
Rossellia se tourna vers moi et hocha nerveusement la tête.
« Je m’excuse si cela peut vous offenser, Seigneur Dyngir… mais j’ai entendu dire que récemment, l’ancien prince héritier Sullivan Lamperouge a volé votre fiancée. Les rumeurs disent également qu’il a tenté de vous assassiner… »
« Vous avez bien fait votre travail, hein ? Et si ce n’était que des rumeurs ? »
J’avais indirectement nié qu’il y avait une quelconque vérité en elles, mais Rossellia hocha la tête.
« Je ne crois pas que tout soit la stricte vérité. Cependant, il me semble clair que la Maison Maxwell et la Maison Lamperouge n’ont pas une relation amicale en ce moment. Si la maison Maxwell décidait de se ranger du côté de l’empire, elle obtiendrait un plus grand domaine, une exemption des taxes impériales pendant 20 ans et le titre de duc. »
« Je vois, ces conditions ne semblent pas trop mauvaises. »
J’avais sincèrement exprimé ma pensée tout en hochant la tête. Franchement, c’était une meilleure perspective que tout ce que nous aurions en restant sous Lamperouge.
Nous pourrions toujours prendre plus de territoire par la force si nous le voulions, mais l’immunité fiscale était une condition très accueillante. À l’heure actuelle, nous payons des impôts à la Maison Lamperouge, même si cette dernière n’avait pas vraiment fait quelque chose pour nous, et je ne pouvais pas vraiment dire que j’étais d’accord avec cela.
J’avais jeté un regard en coin à mon père.
« … »
Ce dernier ferma les yeux et détourna le regard. On dirait qu’il veuille que ce soit moi qui prenne la décision.
Il me laisse prendre une décision qui pourrait changer la Maison Maxwell pour toujours ? C’est une assez lourde responsabilité…
J’avais fermé les yeux et réfléchi un court instant.
Choisir l’honneur et rester à Lamperouge, ou choisir nos intérêts et s’allier à l’empire.
S’allier à l’empire semble à tous les coups plus profitable que de rester à Lamperouge. Bien que cela puisse signifier renoncer à l’indépendance de la maison Maxwell…
Dans tous les cas, tant que l’empire était sain et fort, nous ne pouvions pas vraiment nous rebeller contre le royaume. Ce qui veut dire…
« En effet, vos conditions ne sont vraiment pas mauvaises. Mais, pour être honnête… je ne peux pas leur faire confiance. »
J’avais dit tout haut ce que je pensais tout bas. Je ne faisais pas confiance à la Maison Lamperouge, mais l’Empire de Baal était un ennemi depuis des années : j’avais la même maigre quantité de confiance en eux.
Et le fait qu’ils nous poignardent dans le dos dès que le royaume s’effondrera n’était pas exagéré.
« Peut-être que Votre Altesse ne le sait pas, mais j’ai eu à faire à des assassins de l’empire presque toute ma vie. Le fait de me demander de me battre à vos côtés est un peu osé, non ? »
« … Je suis vraiment désolée… je ne savais rien au sujet de ces assassins. »
Rossellia s’inclina en signe d’excuse. Le voile blanc trembla, suivant ses mouvements.
« … En effet, vos soupçons sont plus que justifiés. Je ne sais pas si cela suffira à vous convaincre, mais je souhaite vous faire personnellement un serment… »
« Un serment ? »
Après ma réponse, Rossellia tint le voile de ses mains.
« Moi, Rossellia Baal, à partir de ce moment précis, j’offre ma personne au Seigneur Dyngir Maxwell. Prenez-moi comme épouse, ou comme otage, utilisez-moi comme bon vous semble. »
Rossellia retira alors le voile. Son visage était ainsi enfin révélé.
« … !?! »
À l’instant même où j’avais posé mes yeux sur elle, je m’étais figé.
« Je vous prie de m’accepter, Seigneur. »
Devant mes yeux ne se trouvaient pas une jeune femme, mais une déesse aux cheveux blonds.
+++
Chapitre 13 : Défense d’agresser, de violer ou de profaner.
« … Sakuya !! »
« Oui, mon Seigneur. »
« Eeeeh !? »
J’avais appelé le nom de la jeune assassin à l’improviste. Cette dernière apparut alors devant nous soudainement, provoquant une réaction de surprise chez Rossellia.
« Donne-moi une aiguille ! »
« Oui, mon Seigneur. »
J’avais pris l’aiguille que Sakuya me donna, me poignardant alors le bras gauche, sans la moindre hésitation.
« Eeeh !? Mais qu’est-ce que vous faites !? »
« OOW !!! »
Endurant la douleur transmise par mon bras gauche, j’avais de nouveau regardé Rossellia. L’expression de la belle princesse aux cheveux d’or était d’une confusion totale. Une peau aussi blanche qu’une perle, des lèvres aussi rouges qu’une rose. Des yeux et un nez joliment dessinés, tous positionnés avec l’équilibre le plus parfait.
C’était véritablement un vrai chef-d’œuvre divin. Je n’étais pas très croyant, mais en regardant Rossellia, j’avais pensé qu’il y avait peut-être un véritable Dieu dans le ciel.
Elle est si belle… mais je résiste encore.
Grâce à la douleur, j’avais réussi à perturber suffisamment ma concentration pour ne pas tomber sous le charme de la jeune femme devant moi. Si je ne m’étais pas poignardé le bras, j’aurais peut-être déjà mis la main sur elle.
Pas étonnant que le vieil homme soit si méfiant. Les hommes feraient la guerre pour elle…
La princesse Rossellia pouvait sûrement devenir un poison mortel pour un pays, selon le rôle qu’elle jouait. Sullivan, par exemple, aurait tellement craqué pour elle qu’il aurait très bien pu vendre le royaume.
Quand on pense qu’elle est restée cachée à la cour impériale pendant toutes ces années… le défunt empereur était un imbécile, car il ne l’a jamais utilisé. Ou peut-être qu’il avait simplement un faible pour sa fille ?
« Er, ehm, tout va bien ? Vous saignez… »
Rossellia me regarda avec appréhension, alors que le sang continuait de couler de mon bras. J’avais essayé de paraître aussi brillant que possible.
« Oh, ce n’est rien. J’ai vu une araignée grimper sur mon bras, vous voyez. Je m’excuse d’avoir fait du bruit. »
« V-Vous vous poignarderiez le bras à cause d’une araignée ? »
« Eh bien oui, il y a de méchantes araignées venimeuses par ici. Si je n’avais pas agi ainsi, quelque chose de choquant aurait pu arriver. »
Peut-être pas à moi, mais sûrement à la belle jeune femme devant mes yeux.
« A-Avez-vous vraiment des araignées aussi dangereuses ici ? Dans la province de Maxwell ? »
Apparemment, notre demoiselle au charme mortel n’aimait pas trop les araignées. Rossellia regarda frénétiquement ses bras et ses jambes, en tamponnant sa robe.
« Ne vous inquiétez pas, Princesse, nous veillons sur vous. »
« O-Oui, je vous en prie, merci beaucoup. »
Le chevalier d’escorte rassura Rossellia, qui se racla la gorge et reprit la parole.
« Je m’excuse pour cette scène embarrassante. Continuons. »
« Peu importe. C’est après tout moi qui ai commencé. »
Je fis une pause pendant un moment.
« En tout cas… qui aurait pu s’attendre à ce que vous offriez votre propre main en mariage, vous avez imaginé là un plan des plus audacieux. »
« C’est le seul moyen de régler les troubles actuels qui affligent l’empire. Je crois que la maison Maxwell est déjà au courant de ce qui se passe récemment dans ma patrie. »
« Les conflits autour de la succession au trône ont pris une tournure plutôt sinistre, non ? »
« C’est exact. », acquiesça Rossellia, sans chercher à cacher quoi que ce soit.
« Actuellement, l’empire est dans un état de confusion et d’incertitude, à cause du conflit entre les trois princes et héritiers potentiels du trône. Si l’on ne met pas fin immédiatement à cette guerre de succession, de plus en plus de citoyens seront victimes de ce conflit politique. »
« Je vois. Donc je suppose que vous êtes du côté du Premier Prince Lars ? »
Puisqu’elle voulait m’épouser et abattre Lamperouge, ça semblait être le cas.
Je n’ai jamais rencontré ce type, mais… ce Lars ne me semble pas être l’homme idéal pour monter sur le trône. Peut-être que les autres princes sont pires ?
Nous n’avions parlé que pendant un petit moment, mais Rossellia me donnait l’impression d’être assez pondéré. Si elle soutenait Lars dans la course, il était probablement l’héritier le plus approprié parmi les trois frères.
« Mon frère Lars a effectivement subi une série de défaites dans un passé récent, mais c’est un homme droit qui chérit ses subordonnés et le peuple. Non, si quelqu’un de votre calibre pouvait le soutenir, je suis certain qu’il deviendrait un empereur compétent ! »
« Allons bon.… »
Eh bien, le héros que j’avais rencontré il y a cinq ans, Bjorc Zagann, avait choisi Lars comme maître. Il devait bien avoir l’étoffe d’un souverain en lui.
« Vous vous sacrifierez à un pays ennemi pour votre frère ? Comme vous le savez probablement, je peux être un sacré bâtard. »
J’avais tranquillement scruté la princesse de la tête aux pieds. Son physique était maigre et fin, sa poitrine, pour être franc, était plate. Sa peau blanche, cependant, semblait majestueusement délicate. Cela devrait sûrement être une merveille au toucher.
« Ukh… »
Rossellia frissonna sous mon regard irrespectueux, mais me rendit courageusement mon regard.
Eh bien…
Je pourrais vendre mon corps, mais pas mon cœur. Je pouvais clairement sentir la détermination brûler dans ses yeux.
C’est une femme bonne et forte. Elle n’a pas seulement l’apparence, mais un esprit ferme en elle.
J’avais envie de l’amener au lit et d’utiliser toutes les techniques que j’avais cultivées au fil des ans pour qu’elle s’abandonne à moi… Je parie que ce serait fantastique.
Mais alors que je me plongeais dans de telles illusions…
« Ne regarde pas la princesse avec ces yeux lubriques !! »
L’autre serviteur de Rossellia intervint. La dame chevalier, elle aussi, me jeta un regard furieux, comme si elle souhaitait pouvoir me tuer sur place.
« C’est bon, Luna. »
« M-Mais, Princesse… ! »
Rossellia parla doucement à la servante qui essayait de la défendre.
« Le Seigneur Dyngir est un homme qui pourrait devenir mon mari. Ne lui manque pas de respect. »
« Kh… »
La servante nommée Luna recula à contrecœur, me fixant toujours d’un regard noir à travers ses lunettes. Elle n’était manifestement pas convaincue et ne cherchait pas à cacher son hostilité.
La servante ici et le chevalier derrière elle sont toutes deux également d’assez grande qualité… j’aimerais bien les amener toutes les trois dans mes appartements… mais.
J’avais expiré profondément.
Bien que pour être honnête, ma décision était prise dès le départ.
Aah, malheur à moi. C’est vraiment une honte.
Avec ces pensées sincères de regret dans mon esprit, j’avais pris la parole.
« J’ai clairement senti votre détermination, Princesse. »
« Ainsi, voulez-vous… »
« Malheureusement, je dois refuser. Je ne peux vous apporter mon aide, ni à vous, ni à l’empire. »
Bien que les charmes de Rossellia m’aient influencé, j’avais exprimé clairement ma décision.
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Chapitre 14 : La fierté d’un Maréchal
« … Puis-je demander la raison ? »
Rossellia reçut ma réponse, mais ne perdit pas son sang-froid et demanda calmement la raison.
« Les conditions que j’ai posées n’étaient-elles pas assez suffisantes ? Ou peut-être que… je suppose que vous n’êtes pas satisfait de moi… »
« Non, ce n’est pas ça. »
J’avais répondu franchement. Comment pouvais-je être insatisfait en épousant une telle princesse impériale ?
« Permettez-moi d’être tout à fait honnête, votre proposition était extrêmement séduisante. Je ne ressens aucune loyauté ou gratitude envers le Royaume de Lamperouge. Je pense que j’aurais aimé simplement suivre le courant ici, vraiment. »
« Dans ce cas… pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? »
Le regard de Rossellia était sérieux. Je lui avais rendu un regard tout à fait sincère.
« Notre loyauté et notre gratitude envers la famille royale, le déshonneur de trahir son maître, les avantages à tirer d’une alliance avec l’empire… Tout cela m’importe peu. C’est… une question de fierté. La fierté de la maison du Maréchal qui a gardé la frontière jusqu’à présent. »
« La fierté… ? »
Rossellia cligna des yeux devant ma réponse inattendue. J’avais hoché la tête.
« Cinquante ans se sont écoulés depuis la fondation du Royaume de Lamperouge. Si nous comptons l’alliance qui existait auparavant, on arriverait à un total de 150. Durant cette période, la maison Maxwell n’a jamais laissé un ennemi traverser la frontière orientale. Pas une seule fois. »
J’avais répété les mots, pour souligner l’importance de cette question pour nous. Avoir gardé la frontière en toute sécurité pendant plus de 150 ans était la fierté de la maison Maxwell.
« Cette province orientale a été protégée par mes ancêtres, et je ne serai pas celui qui laissera des ennemis la piétiner. Pas un seul soldat impérial ne mettra le pied au-delà de la frontière. »
« Est-ce que c’est… différent de la loyauté ? »
« Oui. Je n’agis aucunement par loyauté pour la famille royale, et encore moins pour les protéger, eux et le royaume. Je me bats pour protéger la fierté de mes ancêtres et mes propres convictions. »
Je venais de dire mes véritables sentiments.
Je comptais bien, un jour, vaincre la Maison Lamperouge et déclarer l’indépendance. Mais il n’était pas nécessaire d’emprunter l’aide de l’empire. La maison Maxwell devait obligatoirement devenir indépendante par elle-même.
« Vous pouvez me traiter d’entêté et rire, si vous voulez, mais peu importe combien vous ou quiconque rira, personne ne vaincra ma fierté. Peu importe l’argent qu’on me propose ou le nombre de belles femmes qu’on envoie pour me séduire. »
J’avais souri avec une certaine autodérision.
J’avais beau essayer de l’expliquer, la princesse impériale qui se trouvait devant moi ne comprendrait probablement jamais ce que je ressentais.
« Je ne pourrais pas enlacer une femme obtenue après avoir dû jeter ma fierté. Sans fierté, un homme n’est plus un homme. »
« … »
Rossellia s’était tue pendant un moment. Son regard n’avait cependant pas oscillé et était resté fixé sur moi.
« … »
J’avais fait de même et l’avais regardée droit dans les yeux.
Nous nous étions regardés dans les yeux pendant plusieurs secondes, puis plusieurs minutes.
Le silence fut finalement rompu lorsque Rossellia prit la parole en premier.
« … Je suis vraiment désolée. J’ai essayé d’y réfléchir, mais il semble que je ne puisse pas comprendre complètement ce que vous voulez dire. »
« J’en suis sûr. Si j’étais à votre place, je n’aurais sûrement pas réussi. »
« Cependant… je peux comprendre que c’est une volonté inébranlable qui vous a fait refuser ma proposition. Je vais prendre congé pour aujourd’hui. »
« Je suis vraiment désolé. Vous avez quand même fait tout ce chemin depuis l’empire pour ça. Je peux envoyer une lettre à l’empire expliquant que vous n’avez rien fait de mal, si vous le souhaitez. »
J’avais incliné la tête et m’étais excusé. Peu importe la raison, j’avais jeté la honte sur une femme. Dans un tel cas, la honte devrait être portée par l’homme.
Rossellia sourit et secoua la tête.
« Non, ce n’est pas grave. Je vais l’expliquer à mon frère. »
« Je vois. »
« Le résultat d’aujourd’hui est dommage, mais si une autre occasion se présente, j’aimerais beaucoup vous parler dans un cadre plus tranquille. »
« Moi aussi. Je vous servirai un thé préparé à partir de nos meilleures feuilles de thé à cette occasion. »
Rossellia se couvrit la bouche de sa main et se mit à rire doucement. Je compris à ce moment-là que je voyais un sourire sincère de sa part pour la première fois.
« Hehehe, j’ai hâte d’y être. Alors, avec votre permission… »
Rossellia se leva, tint les bords de sa jupe et s’inclina poliment. Je m’étais levé aussi et j’avais incliné ma tête.
Je vis alors son entourage partir, puis me laissai retomber sur le canapé.
« Ouf… »
« C’était une décision louable, Dyn. »
Le vieil homme, qui était resté silencieux tout au long de la visite, prit la parole.
« Choisir la fierté de la noble maison gardienne de la frontière, plutôt que le profit et la loyauté ! Une décision qui sied bien à l’héritier de la maison Maxwell. Et même si cette décision mènera à un autre conflit avec l’empire, j’en suis fier ! »
« … On s’en fout de ça. »
« Hmm ? »
J’avais répondu en grommelant. Le vieil homme me regarda alors d’un air sévère.
J’étais honnêtement heureux d’entendre ses mots d’encouragement, mais honnêtement parlant, à ce moment-là, je ne pouvais pas moins m’en soucier.
« GAAAH !!! Quelle honte ! Bordel de merde, quelle honte !! »
« Nh, Seigneur Dyngir… !? »
« Ooh !? »
J’avais crié tout en attrapant Sakuya. Mon emportement soudain la surprit ainsi que le vieil homme.
« On ne voit pas souvent des femmes comme ça ! !! On s’en fout de la fierté, j’aurais dû la draguer, bon sang ! La fierté des ancêtres ! ? Les convictions d’un homme ! ? Rien à battre ! Pourquoi diable ai-je dit cela !? Pourquoiiiiii !? »
J’étais envahi de regrets. En y réfléchissant mieux, quel était l’intérêt de se la jouer cool devant elle ?
« Peut-être que j’aurais dû le faire une fois, puis refuser plus tard… »
« Quelles sont les choses honteuses que tu débites, mon fils… ? », dit le vieil homme en soupirant.
Je l’avais ignoré et j’avais enfoui mon visage dans la poitrine de Sakuya.
« Quoiiii… »
« Bien, bien. Vous avez vraiment travaillé dur, Seigneur Dyngir. »
Sakuya me tapota doucement la tête. C’était mince et petit. Sakuya n’offrait pas beaucoup en termes de poitrine et de charmes voluptueux, mais c’était quand même une poitrine de femme. Y enfouir son visage était franchement apaisant.
« Hn… allez, tu ne devrais pas me faire de farces ici. »
« Quoiii… »
J’avais tenu la taille de Sakuya et j’avais caressé ses fesses et ses cuisses à travers sa tenue de soubrette. Son visage inexpressif avait très légèrement rougi.
« Haah… et j’étais honnêtement impressionné. »
Le vieil homme se leva du canapé et quitta la pièce, me laissant seul avec Sakuya.
« Aah… Sakuya… J’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi. »
« N’importe quoi, Seigneur. Dois-je être à vos côtés ce soir ? »
« Ce n’est… pas nécessaire, aujourd’hui. »
« Eh ? »
Sakuya fut surprise par ma réponse inattendue. Étant le coureur de jupons que je suis, elle s’attendait probablement à ce que je lui demande de me consoler au lit.
« Choisis quelques-uns des meilleurs Crocs d’acier et envoie-les garder l’auberge où loge Rossellia. Demande à Shana d’y aller aussi. »
« Eh bien, ce n’est pas un problème, mais… puis-je demander pourquoi ? »
J’avais levé ma tête de la poitrine de Sakuya et j’avais répondu.
« Question de sécurité. Si ma prédiction est juste, ils vont essayer de la tuer ce soir. »
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Merci pour le retour de cette histoire 🥳