Je suis un bâtard mais tu es pire – Tome 1
Table des matières
- Chapitre 1 : Des fiançailles rompus si soudainement
- Chapitre 2 : Les contre-mesures sont élaborées au lit
- Chapitre 3 : Le fils prodigue se déplace dans l’ombre
- Chapitre 4 : Fausse célébration
- Chapitre 5 : Il faut payer le prix fort quand on traite avec des imbéciles
- Chapitre 6 : Les vacances sont faites pour la chasse
- Chapitre 7 : La fin de la farce : Partie 1
- Chapitre 7 : La fin de la farce : Partie 2
- Chapitre 8 : Une rencontre semblable à celle d’un conte de fée : Partie 1
- Chapitre 8 : Une rencontre semblable à celle d’un conte de fée : Partie 2
- Chapitre 9 : La puberté est gênante aussi bien pour le parent que l’enfant
- Chapitre 10 : La vie nocturne est pleine de dangers
- Chapitre 11 : Lance magique et épée magique
- Chapitre 12 : La mélancolie d’une servante
- Chapitre 13 : Les fous ne cessent jamais de marcher
- Chapitre 14 : Les fous ne cessent jamais de faire naufrage
- Chapitre 15 : La lancière est plutôt faible
- Chapitre 16 : Un visiteur nocturne
- Chapitre 17 : Le premier baiser à la saveur d’un poison
- Chapitre 18 : Combat final
- Chapitre 19 : Le bracelet du héros
- Chapitre 20 : Comment tuer un immortel
- Chapitre 21 : La fin d’un fou
- Chapitre 22 : Invitation au désespoir
- Chapitre 23 : Le jour où le palais royal a tremblé et le début d’une époque turbulente
- Chapitre 24 : La disparition d’une traîtresse
- Chapitre 25 : Ainsi va l’histoire
- Interlude 1 : La première bataille de Dyngir Maxwell
- Interlude 2 : Il y a 5 ans - La disparition du fils prodigue
- Interlude 3 : Les trois coquins escaladent la montagne
- Interlude 4 : Le poing du père et l’épée de la mère
- Interlude 5 : Les ailes jumelles de l’Empire
- Interlude 6 : Préparatifs pour la bataille
- Interlude 7 : La fête commence par un feu d’artifice
- Interlude 8 : Le héros balance sa lance
- Interlude 9 : Un nouvel héros balance son épée
- Interlude 10 : Pendant ce temps, sur le champ de bataille
- Interlude 11 : Le dragon s’élève vers les cieux
- Histoire bonus : Un lever mouvementé
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Chapitre 1 : Des fiançailles rompus si soudainement
« Dyngir Maxwell !! Je déclare par la présente que tes fiançailles avec Selena sont annulées !! »
« … Quoi ? »
Tout avait commencé un après-midi.
J’étais à l’académie royale située à Sairhun, la capitale du royaume de Lamperouge. Plus précisément, je me promenais dans le jardin de l’académie, quand j’entendis soudainement une voix derrière moi. Je m’étais retourné pour regarder la source de la voix et j’avais trouvé un jeune homme aux longs cheveux d’or et au visage familier.
« … Oh, mon Dieu, être honoré par la présence de Votre Altesse le prince Sullivan. En quoi puis-je vous être utile ? »
Cette déclaration abrupte provenait tout simplement du premier prince du royaume de Lamperouge, Sullivan Lamperouge.
En gros, de l’héritier du trône du royaume de Lamperouge.
Debout derrière Sullivan, comme pour se cacher, je vis ma fiancée, Selena Nommes.
Ma petite et adorable fiancée se comportait comme un petit animal effrayé : elle me regardait avec la peur dans les yeux, tout en serrant presque le dos de Sullivan.
« Votre Altesse, si je puis me permettre, ne vous tenez-vous pas un peu trop près de ma fiancée ? Je crois qu’il est contraire au code de conduite d’un gentleman d’être en contact aussi étroit avec une femme fiancée à un autre homme. »
« Espèce d’idiot ! Comment oses-tu encore parler de Selena comme si c’était ta fiancée ! Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit ? »
Sullivan s’était mis à crier, irrité par mon attitude. Les beaux traits du prince — très différents de son caractère — étaient tordus au point d’être méconnaissables.
Comme la pause déjeuner n’était pas encore terminée, de nombreux élèves de l’académie étaient encore dans le jardin.
Certains étaient assis sur un banc pour manger, d’autres bavardaient avec leurs amis : l’agitation provoquée par le prince attirait cependant la curiosité de beaucoup d’entre eux.
Je regardais autour de moi, préoccupé par l’attention que nous attirions, puis je soupirais, m’assurant que Sullivan ne le remarquait pas.
« Par “ce que j’ai dit”, Votre Altesse fait référence à l’annulation de mes fiançailles avec Selena ? »
« Alors tu as entendu ! Ne me fais pas répéter encore une fois !! »
« … Mes excuses, c’était si soudain, je n’ai pas pu m’en empêcher. »
Mes épaules en tombèrent.
La rupture d’un engagement était une affaire très délicate, qui devait être traitée en privé, mais si elle était traitée ouvertement comme ça, avec des témoins partout, il serait impossible de se cacher.
« Mes fiançailles avec Selena ont été formées entre la maison du maréchal Maxwell et la maison du baron Nommes. Je ne peux donc pas accepter son annulation de mon propre chef. Je crois aussi qu’un membre de la famille royale, qui n’a aucun rapport avec ces fiançailles, n’a pas le pouvoir de les modifier. Ai-je tort là-dessus ? »
« Qu’as-tu dit ? Je n’ai aucune relation avec Selena !? »
Sullivan fit rapprocher Selena et lui mit son bras autour de son dos.
L’action soudaine du prince héritier fit que les étudiants autour de nous commencèrent à chuchoter.
… Est-ce que ce type est sérieux… ?
À cause de l’incroyable spectacle qui s’offrait à moi, je sentais mes muscles faciaux se tendre
Selena était toujours ma fiancée à ce moment-là, que j’accepte ou non l’annulation des fiançailles.
Enlacer la fiancée de quelqu’un d’autre avec autant de désinvolture était à mes yeux au-delà de l’inimaginable.
« Selena et moi sommes en couple et nous allons bientôt nous marier ! Une promesse faite avec un noble de la campagne comme toi ne signifie rien devant le véritable amour ! Accepte simplement que tes fiançailles ne soient plus ! »
« Un noble… de la campagne… ? »
Il était vrai que les provinces gouvernées par la maison Maxwell étaient situées près des frontières orientales du royaume. Et comme le prince héritier était né et avait grandi dans la capitale, j’étais donc probablement un rustre de la campagne à ses yeux.
La maison Maxwell s’était vu attribuer de tels territoires en raison de la confiance qu’elle avait gagnée auprès de la famille royale : elle était chargée de défendre les frontières. Elle avait donc la puissance militaire pour protéger le royaume des ennemis étrangers.
Les soldats stationnés autour de la capitale étaient peut-être plus nombreux, mais en termes de capacités individuelles et d’expérience de combat, les chevaliers de la maison Maxwell étaient sans aucun doute supérieurs.
La famille royale n’avait rien à gagner à se battre contre la maison Maxwell.
La maison Nommes de Selena était un vassal de la maison Maxwell. Leurs territoires étaient également proches. Si j’étais un noble de campagne à ses yeux, alors Selena l’était aussi… l’a-t-il réalisé ?
« Hmm… pour l’instant, je vais faire comme si je n’avais pas entendu les calomnies sur ma maison. Au contraire, Votre Altesse, vous avez dit que vous et Selena étiez en couple ? »
« Hmph ! C’est bien ce que j’ai dit ! Il est temps pour toi d’accepter la réalité et de te retirer ! »
Il l’avait vraiment admis publiquement, et avec tant de gens autour de nous.
Sullivan avait-il compris ce que cela signifiait réellement ? Ce qui allait arriver à un prince héritier qui posait ses mains sur la fiancée de quelqu’un d’autre ?
Sullivan utilisait essentiellement l’autorité de la famille royale pour voler la fiancée d’un vassal.
Ne savait-il pas qu’une telle action porterait gravement atteinte à la confiance des nobles envers la famille royale ?
« Votre Altesse, si je peux me permettre, est-ce que Dame Marianne est au courant ? »
Le nom que j’avais mentionné était celui de la fiancée de Sullivan.
Marianne Rosais, la fille du Duc Rosais, chancelier du royaume de Lamperouge. La plus noble des jeunes filles du royaume, elle était louée comme une dame parmi les dames de la haute société.
« M-Marianne… elle… »
Sullivan, qui avait parlé avec arrogance depuis le début, marmonna pour la première fois.
C’était un changement assez évident : Marianne était une femme fière, qui accordait une grande importance à la loyauté.
Elle ne pardonnerait certainement jamais l’infidélité de Sullivan ou l’acte de trahison consistant à voler la fiancée d’un vassal.
« Se pourrait-il que Votre Altesse ait l’intention de prendre Selena comme concubine ? »
Marianne comme épouse royale et Selena comme concubine. C’était encore plus compréhensible.
La polygamie n’était pas officiellement reconnue dans le royaume, mais il n’était pas rare que les membres de la royauté ou certains nobles prennent des concubines ou des maîtresses, afin d’assurer la naissance d’un héritier. Que Dame Marianne approuve ou non cette pratique était bien sûr une tout autre histoire.
« Seigneur Sullivan !? »
La première réaction à mes paroles ne vint pas du prince Sullivan, mais de ma fiancée Selena.
Selena regarda Sullivan comme si elle n’en croyait pas ses yeux, alors il s’était empressé de s’expliquer.
« N -non !! Tu es la seule que j’aime, Selena !! »
« Ainsi, Votre Altesse annulera également les fiançailles avec Dame Marianne ? Sire, j’espère que vous savez ce qu’une telle chose impliquerait ? »
Les seigneurs locaux avaient tendance à avoir un pouvoir considérable dans ce royaume : même la maison royale n’avait pas d’autorité absolue.
La maison royale de Lamperouge était, en fin de compte, le représentant de toutes les familles nobles, une sorte de délégué. Le roi avait plus un rôle de chef d’alliance que celui d’un monarque absolu.
Couper les liens avec le duc Rosais, la plus puissante famille noble de la région centrale du royaume, signifiait la perte d’un important partisan au couronnement du prince héritier Sullivan.
« N-Naturellement !! J’annonce par la présente que mes fiançailles avec Marianne sont nulles et que je vais épouser Selena ! Elle sera la prochaine reine du royaume de Lamperouge ! »
Sullivan s’était avéré être bien plus idiot que je ne l’imaginais.
D’une certaine manière, il pensait toujours qu’il allait devenir roi, même sans l’appui du Duc Rosais.
« … Êtes-vous sérieux, Seigneur Sullivan ? »
J’avais laissé tomber « Prince héritier » ou « Votre Altesse » exprès. Sullivan s’était encore plus énervé.
« Tout d’abord, je n’ai jamais aimé cette femme ! Toujours pleine d’opinions, me disant toujours d’arranger ceci et cela, de me comporter comme un vrai prince héritier… elle est tellement arrogante et exaspérante ! Et devant un membre de la famille royale ! ! Comment la simple fille d’un duc ose-t-elle donner des ordres au prince héritier ? »
Profitant du fait que Marianne n’était pas là, Sullivan se mit à dire ce qu’il voulait.
Alors que Marianne n’était pas là en personne, notre « auditoire » comprenait plusieurs personnes ayant des liens avec la maison Rosais. Les paroles de Sullivan allaient certainement être livrées à Marianne et au Duc Rosais.
« Quel beau gâchis cela a fait…, », chuchotais-je à moi-même, en m’assurant que Sullivan ne pouvait pas entendre.
Je pensais que le prince héritier serait un peu plus intelligent que cela, mais de toute évidence, je me trompais. Jusqu’à présent, il n’avait probablement réussi à maintenir un minimum d’autorité en tant que prince héritier que grâce à la présence de Dame Marianne à ses côtés.
Je me demandais quel sort attendait un homme qui avait juré de renoncer à ses fiançailles avec Dame Marianne au nom du « véritable amour ».
« Selena. »
« !! »
J’avais appelé Selena. Celle-ci s’était mise à trembler en se cachant dans le dos de Sullivan.
Elle avait toujours été comme ça : toujours timide et maladroite, sans jamais exprimer son opinion. Chaque fois que je l’approchais, elle s’enfuyait, effrayée.
Elle était en effet tout le contraire de Dame Marianne, et correspondait donc parfaitement aux goûts de Sullivan.
« Cela vous convient-il vraiment ? Le souhaitez-vous vraiment ? »
J’avais essayé de donner à Selena une dernière chance.
Allait-elle ruiner sa vie avec cet idiot, ou allait-elle revenir vers moi ? La décision lui appartenait.
« Uh.… »
Selena avait l’air confuse, jetant des regards à gauche et à droite.
À ce moment-là, Sullivan l’encouragea.
« Dis-le, Selena ! Ne t’inquiète pas, je suis avec toi ! Je te protégerai, quoi que fasse cet homme ! »
« O-Oui… »
Poussée par Sullivan, Selena éleva la voix et fit part de sa décision.
Ses beaux yeux verts me regardèrent droit dans les yeux. Je pensais que cela faisait longtemps que nos yeux ne s’étaient pas croisés comme ça.
« Je, euh, je… Seigneur Dyngir, j’ai peur de vous. Parce que vous avez tué tant de gens… »
« … »
Vous avez tué tant de gens. Je vois, c’était donc la raison.
La maison Maxwell, gardienne du royaume, l’avait toujours protégée contre les envahisseurs venus de l’Est.
J’avais participé à ma première bataille à l’âge de treize ans, il y avait donc cinq ans. Depuis lors, j’avais participé à de nombreuses batailles et j’avais mis fin à la vie de nombreux soldats de mes mains.
« Je suis devenue votre fiancée parce que je ne pouvais pas désobéir à mon père, mais je ne peux plus l’endurer. Seigneur Dyngir… Je ne veux pas être avec vous une seconde de plus si cela est possible… Je vous en prie, laissez-moi être libre. »
« Comprends-tu enfin ? Il est tout simplement épouvantable pour un meurtrier comme toi d’être fiancé à la belle Selena. Tes mains ensanglantées n’ont pas le droit de l’enlacer. Retourne dans ta province, espèce de fou meurtrier ! »
Fou meurtrier. Les mots de Sullivan me firent trembler de colère.
Je m’étais battu sur le champ de bataille depuis mon enfance. Je m’étais battu pour protéger ma maison, ma province, le royaume.
J’étais fier de mes mains ensanglantées : pas une seule fois je n’avais ressenti de honte en les voyant.
Et cet homme… ose les appeler les mains d’un fou meurtrier ! Un homme qui a été protégé toute sa vie par les nobles qui se battent à la frontière… ! Un crétin qui a vécu avec une cuillère d’argent dans la bouche, qui n’a jamais vu un champ de bataille… !
« … L’annulation des fiançailles est acceptée, pour le moment. Nous contacterons officiellement la maison royale dans un avenir proche. »
Je m’étais désespérément retenu d’atteindre l’épée à la taille et n’avais prononcé que ces mots.
J’avais tourné le dos à Sullivan et Selena et je m’étais éloigné. Les étudiants qui étaient venus voir l’agitation m’avaient ouvert un chemin, effrayés par l’intention meurtrière que je ne pouvais pas m’empêcher de fuir.
Je dois le supporter, il n’y a aucune raison de le tuer ici, je deviendrais l’agresseur. D’ailleurs… cet homme va bientôt tout perdre.
La maison du Duc Rosais et la maison du Margrave Maxwell. Il n’avait aucun moyen de se faire un ennemi de deux des plus puissantes maisons nobles du royaume et de s’en tirer.
Je ne pouvais pas dégainer mon épée ici. Si je le faisais, je porterais le nom d’un traître…
« Seigneur Dyngir ! Puis-je vous dire un mot ? »
Je m’éloignais en silence quand un étudiant s’était approché de moi.
Il était un peu plus petit que moi. La couleur de l’insigne sur son uniforme indiquait qu’il était inscrit dans une classe inférieure à la mienne. Mais j’avais vu quelque part ses cheveux roux flamboyant et cette lumière féroce dans ses yeux.
« Vous êtes… le deuxième fils de la maison Efreeta ? »
« Je m’appelle Luc, Luc Efreeta. C’est un honneur de vous parler !! »
« Je vois, vous êtes donc le petit frère de Ladd. Qu’est-ce que vous avez à faire avec moi ? »
Luc regarda autour de lui, puis continua à parler sur un ton feutré.
« Si vous voulez bien lancer une campagne pour défendre l’honneur des provinces de l’Est, laissez-moi, Luc Efreeta, être en première ligne. Je jure sur le nom de la maison Efreeta que je vous présenterai la tête de ce prince insensé, mon seigneur. »
La maison du vicomte Efreeta était une maison vassale bien connue de la maison Maxwell, surtout pour sa puissance militaire.
J’avais été ému par son dévouement, mais j’avais dû néanmoins réprimander mon cadet au sang chaud.
« Votre loyauté est bien appréciée. Je n’ai pas l’intention de lancer une campagne, bien que… pas encore, du moins. Cet imbécile va de toute façon s’autodétruire. »
« Compris… mais si jamais ce moment arrive, s’il vous plaît, appelez-moi, Lord Dyngir. Puis-je vous demander ce que vous comptez faire ? »
J’avais réfléchi un peu aux paroles de Luc, puis j’avais répondu.
« Je dois d’abord retourner dans mes terres. Je dois après tout présenter une protestation officielle à la maison royale par l’intermédiaire de mon père. Si le roi traite l’affaire avec intégrité, alors tout est résolu. Mais s’il essaie de couvrir l’imbécile… vous aurez de nombreuses occasions de prouver votre valeur. »
« Je suis à votre service, mon seigneur ! Je vous rendrai compte de tout ce qui se passe à l’académie. S’il vous plaît, reposez-vous sur votre chemin menant à votre province natale ! »
« Vous avez ma confiance. C’est une joie d’avoir des vassaux aussi compétents. »
Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. J’avais perdu ma fiancée, mais j’avais gagné un serviteur digne de confiance.
J’avais tapé sur l’épaule de Luc, celui-ci rougit violemment.
« Vos paroles m’honorent ! Mon frère m’a parlé de votre combat contre l’empire il y a cinq ans, j’ai donc toujours admiré vos prouesses au combat… mon seigneur ! »
« O-okay ? »
J’avais fini par être couvert des louanges de Luc jusqu’à la porte de l’académie.
Ce jour-là, j’avais appris comment des mots remplis de malice et des mots remplis de respect pouvaient vous épuiser s’ils se poursuivaient de manière excessive.
Je me sentais fatigué à plus d’un titre. Et alors que je soupirais, je faisais mes bagages et quittais la capitale royale.
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Chapitre 2 : Les contre-mesures sont élaborées au lit
Au moment même où je rentrais dans ma province natale, j’avais rapporté tout l’incident à mon père et j’avais écrit une lettre de protestation au roi et au baron Nommes.
Apparemment, Sa Majesté le roi avait déjà été informé de l’agitation à l’académie, et avait immédiatement envoyé une lettre d’excuses. Grâce à la réaction appropriée de la maison royale et à l’abondante somme incluse à titre de dédommagement, on pouvait considérer que la question était résolue, pour le moment.
D’autre part, le baron Nommes — le père de Selena — n’était apparemment pas conscient de la relation entre sa fille et le prince héritier : à peine avait-il lu la lettre qu’il s’était mis à écumer de la bouche et perdit connaissance.
« M-Mes plus sincères excuses !! »
Le baron se rendit alors à la résidence Maxwell et s’excusa abondamment, prosterné à terre.
Il rejeta ainsi toute fierté, s’excusant en se frappant la tête par terre si fort qu’on aurait pu craindre qu’il y fasse un trou. Sa prosternation était si bien faite, si parfaite, que je m’étais senti obligé de le féliciter.
Soit dit en passant, il s’était avéré que Sullivan et Selena étaient allés rendre visite à Dame Marianne après m’avoir poussé à annuler les fiançailles.
Le prince-héritier commença par énumérer les accusations infondées de la prétendue mauvaise conduite de Dame Marianne : intimidation de Selena, abus de l’autorité de sa famille pour contrôler l’académie, allégeances secrètes avec des États ennemis, et plus encore.
Mais de telles accusations ne pouvaient en aucun cas être portées contre Dame Marianne.
Elle rejeta tous ses arguments et réprimanda plutôt sévèrement son infidélité. Sa brillante contre-attaque allait finalement devenir un sujet de discussion brûlant parmi les étudiants pendant longtemps.
Le résultat final fut que le prince héritier porta l’entière responsabilité des événements et fut rétrogradé dans le registre royal de prince héritier à vassal.
« Il a bien récolté ce qu’il a semé. »
J’étais allongé sur mon lit dans ma résidence principale lorsque j’avais lu le rapport envoyé par Luc Efreeta depuis la capitale. Toutes les informations ci-dessus figuraient dans son rapport.
Un mois après l’annulation abrupte de mes fiançailles — je m’étais retiré de l’académie et j’étais retourné dans ma province natale.
Même si le prince héritier avait assumé la responsabilité des événements, je ne pouvais pas empêcher les autres étudiants de me regarder de haut.
De toute façon, je n’avais pas envie de fréquenter l’académie, j’avais donc choisi de retourner dans ma province et d’aider mon père, afin de me préparer à lui succéder comme maréchal.
Maintenant que l’histoire était réglée, je pouvais dire que l’annulation des fiançailles n’était pas une perte totale pour la maison Maxwell.
Nous avions reçu une somme abondante de la maison royale à titre de compensation, la maison Nommes nous avait rendu la somme que nous avions offerte à l’avance comme aide financière en vue de mon mariage avec Selena, et nous avions également augmenté les taux d’intérêt des dettes qu’ils avaient envers la maison Maxwell.
« Cependant, à mon niveau, le meilleur résultat est de ne pas avoir à épouser Selena. »
« Oh, mon Dieu, tu n’aimais pas Lady Selena, mon seigneur ? »
La question était venue de la femme couchée à côté de moi.
Le nom de la femme déshabillée était Eliza. Elle était la fille d’une maison qui avait servi les Maxwell pendant des générations et était également chargée de mon éducation depuis que j’étais petit.
Eliza, qui avait cinq ans de plus que moi, était maintenant allongée avec la tête sur ma poitrine, exposant la plus grande partie de sa silhouette nue, dont la sensualité n’avait fait que croître au fil des ans, alors qu’elle jetait un coup d’œil au document que je lisais.
« Elle était assez mignonne, alors je voulais en faire une femme moi-même… mais elle me causait plus de problèmes qu’elle n’en valait. Ce n’était en fait qu’une pleurnicharde, vraiment trop faible pour devenir l’épouse d’une maison dans les provinces frontalières. Mais ça aurait pu être amusant de l’intimider un peu. »
« Comme c’est cruel… Je ne t’ai certainement pas élevé comme ça, jeune maître. »
« Tu l’as certainement fait. C’est toi qui m’as appris ce que je sais des femmes. »
La relation entre Eliza et moi avait commencé il y a cinq ans, après ma première bataille.
J’avais vécu mon premier vrai combat et j’avais remporté mes premières victoires. Incapable de réprimer l’excitation après notre retour triomphal, j’avais cédé à mon instinct et j’avais sauté sur Eliza.
Elle m’avait d’abord repoussé, mais accepta finalement mes avances : j’avais donc fait ma première expérience à l’âge de treize ans.
Notre relation s’était poursuivie depuis lors : chaque fois que je revenais dans ma résidence, nous dormions ensemble presque toutes les nuits.
« Oh, jeune maître… quand je pense que tu étais si mignon autrefois. Quel diable d’homme es-tu devenu… en tant qu’éducatrice, je me sens responsable. »
« Quoi ? Je suis devenu un jeune homme sain et vigoureux, comme tu peux le voir, tu devrais plutôt te sentir fière. »
J’avais ri avec ironie tout en haussant les épaules.
Je n’étais de toute façon pas le seul à être devenu grand et fort — c’est ce que j’avais pensé en regardant l’ample buste d’Eliza.
« Cependant, c’est vraiment dommage pour le Baron Nommes. Selena et moi nous trompions l’un l’autre, mais à cause de cet abruti de Sullivan, ils ont reçu toute la punition. S’ils avaient utilisé toutes mes maîtresses comme raison pour rompre les fiançailles, ils auraient pu nous forcer à payer à la place. »
« Peut-être qu’ils ne connaissent tout simplement pas la relation que le jeune maître entretient avec nous ? »
« Hmm… peut-être que Selena ne le sait pas, mais je doute que le baron ne sache rien. Je suis allé plusieurs fois au quartier rouge de la capitale et je n’ai jamais rien fait pour le cacher. Il n’est pas rare que les nobles entretiennent des relations avec plusieurs femmes, alors peut-être faisait-il simplement semblant de ne pas savoir… de toute façon, si Sullivan avait au moins quelque chose ressemblant à un cerveau, il serait d’abord allé chez Nommes pour discuter de la question… et l’histoire aurait changé. »
« C’est la première fois que j’entends parler du quartier des plaisirs… à quel point es-tu cruel, de me dire quelque chose comme ça sans la moindre excuse ? »
Eliza fit la moue et me pinça la poitrine.
Le fait de regarder son geste adorable, en contraste avec son charme mature, me fit sourire.
« Je voulais te rendre jalouse. Les hommes veulent voir toutes sortes d’expressions de la femme dont ils sont tombés amoureux, tu le sais bien. »
« Oh, tu dis ça comme si c’était bien de le dire… tes mauvaises habitudes avec les femmes n’ont pas changé, même à l’académie. Après tout le mal que le maître a fait pour t’inscrire… »
« Hmph. S’il m’avait mis là-dedans dans l’espoir de me réparer, ce serait un vrai gâchis. Père doit aussi être assez affligé par la tournure des événements. »
Je m’étais rappelé la réaction de mon père quand je lui avais parlé de l’affaire de l’annulation des fiançailles et j’avais souri amèrement.
Mon père, le maréchal, avait une personnalité complètement différente de la mienne : c’était un homme austère, sérieux et droit.
J’étais prêt à être grondé et à subir des sermons pendant quelques heures, comme cela arrivait souvent, mais après avoir entendu mon rapport, mon père avait réagi d’une manière à laquelle je ne m’attendais certainement pas.
« … Fais ce que tu veux. Je ne m’en soucie plus. »
Il s’était ensuite affalé sur sa chaise, comme s’il était terriblement épuisé.
En regardant mon père si dévasté, je ne pouvais m’empêcher de ressentir moi-même de la douleur.
J’avais continué ma conversation avec Eliza : « De toute façon… le prince doit assumer la responsabilité de ce qu’il a fait. »
« Oh ? Il a été déshérité et rétrogradé au statut de vassal, non ? N’a-t-il pas déjà été puni ? »
Eliza pencha la tête sur le côté, curieuse.
« Oui, la maison royale a donné sa punition, mais c’est juste sa responsabilité en tant que prince héritier, non ? Il n’a pas encore payé pour m’avoir humilié en tant qu’homme. Ni pour avoir insulté la maison de Maxwell. Il s’est d’abord battu avec moi : j’ai le devoir de le rembourser, jusqu’à ce qu’il pleure et implore sa pitié. »
Sullivan était peut-être fini comme membre de la famille royale, mais ce n’était pas une punition suffisante pour cet homme. Même s’il devenait marquis ou comte, il pourrait toujours mener une vie de liberté et de luxe… à moins que je ne fasse quelque chose pour y remédier.
« Il a enlevé ma femme et a même osé insulter la fierté de tous les soldats qui se battent pour défendre ce pays, le bâtard. Je ne serai pas satisfait tant qu’il n’aura pas pleinement appris de quel genre de personne il s’est fait un ennemi. Il ferait mieux de profiter du calme avant la tempête… »
« … tu es un homme à craindre, jeune maître. »
Eliza avait alors levé la tête et m’avait embrassé. Nos langues s’entrechoquèrent et s’entremêlèrent sauvagement, puis elle posa son corps sur le mien.
Grâce à notre longue relation, Eliza savait à quel point j’étais excité, frénétique avant une bataille, et comment j’apaisais cette pulsion en recherchant la compagnie d’une femme.
« Prends tout, Eliza… »
« Oui, jeune maî.…hnn… »
J’avais échangé ma position avec Eliza et j’avais avidement fait corps avec elle, en faisant l’amour avec elle, qui était devenu beaucoup plus mature que la première fois, il y a cinq ans.
En fin de compte, mon désir n’avait été satisfait qu’à midi le lendemain.
Eliza avait haleté, gémi et crié toute la nuit, si bien qu’au matin, elle était couchée, épuisée, incapable de bouger. J’avais donc pris la bonne nouvellement embauchée qui était venue annoncer que le petit déjeuner était prêt et je l’avais traînée dans le lit.
J’avais écouté ses misérables cris alors que je possédais son corps vierge, tout en pensant que les jeunes filles n’étaient pas mal non plus.
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Chapitre 3 : Le fils prodigue se déplace dans l’ombre
Point de vue du Maréchal Maxwell
« … Dyn est toujours au lit ? »
« Oui… après tout, il a eu une nuit éprouvante. »
Ainsi répondit l’intendant de la maison Maxwell d’une voix troublée.
J’avais pressé mes doigts contre mes tempes, en essayant de maîtriser la migraine que je sentais venir.
Je m’appelle Dietrich Maxwell, maréchal responsable des provinces à la frontière orientale du royaume de Lamperouge.
Les nobles qui gouvernaient les territoires situés à la frontière avaient de quoi être inquiets. Nous devions être prêts à tout moment à faire face à des invasions ennemies, ainsi qu’à empêcher tout voyou étranger d’entrer dans le pays ou tout criminel national de franchir les frontières.
La maison des Maxwell était également le chef de l’alliance des nobles des provinces de l’Est. Nous avions le devoir d’agir en tant que médiateur en cas de conflits entre les familles nobles, ainsi que de négocier au nom des nobles locaux avec la maison royale ou les nobles du centre.
Ma plus grande inquiétude, ces derniers temps, était toutefois l’attitude de mon propre fils, Dyngir Maxwell.
« Il y est allé tous les soirs depuis son retour… les deux années passées à l’académie n’ont rien fait pour corriger ses habitudes de coureur de jupons, alors… »
Il y a un mois, les fiançailles de mon fils avec la jeune femme de la maison des Nommes avaient été rompues de force par le prince héritier, il était donc rentré dans sa province natale.
Je pensais qu’un tel événement l’aurait fait tomber, mais j’avais dû rapidement revoir ma position. Depuis ce jour, il avait commencé à emmener les servantes avec lesquelles il batifolait autrefois et s’était livré à une indescriptible débauche chaque nuit.
« Mon seigneur, je ne sais pas quoi dire… c’est la faute de ma fille. »
L’intendant de la maison s’inclina profondément.
« Non, ce n’est pas ta faute… je dois plutôt m’excuser. »
« Non, mon seigneur… »
L’intendant de la maison semblait en conflit.
Mon fils avait plusieurs maîtresses, mais la « première dame », faute d’un meilleur terme, était la fille de l’intendant, Eliza.
Comment un père se sentirait-il lorsque sa fille unique, élevée avec amour et attention, finit par coucher avec le fils de son maître ? Honnêtement, j’étais terrifié quant à le savoir. Je n’avais donc jamais demandé.
« Le jeune maître Dyngir est… comment dire, il a des traits héroïques. Je suppose qu’il ne peut pas se satisfaire d’une seule femme. »
« Les héros sont amoureux, comme le dit le proverbe… ça sonne bien si tu le dis comme ça, mais… »
« … En tant que père, c’est une source inépuisable de préoccupations… »
« En effet… s’il n’était pas qualifié, je l’aurais volontiers renié. »
J’avais froncé les sourcils et j’avais poussé un profond soupir.
Mon fils, Dyngir, était ce qu’on pourrait appeler un fils prodigue. Mais si vous me demandiez si c’était un idiot incompétent, je devrais secouer la tête fermement.
Dyngir avait montré des traits d’excellence dès son enfance. Il apprenait incroyablement vite en termes de politique, d’économie, de stratégie, de tout. Son instructeur d’arts martiaux avait même dit qu’il avait un talent incroyable pour le combat.
Il était très populaire auprès des vassaux : les enfants des autres nobles le considéraient avec respect et affection comme un grand frère.
Il y a cinq ans, il avait participé à sa première bataille, une petite escarmouche avec un de nos pays voisins — dans laquelle il avait réussi à mener un petit bataillon. Il avait alors tendu une embuscade à l’ennemi et avait même pris la tête du commandant ennemi.
Un génie, un prodige, un héros qui restera dans l’histoire — même sans mes préjugés parentaux, je croyais que de tels mots lui étaient destinés.
La seule chose à laquelle un fils aussi formidable ne pouvait pas résister était le sexe opposé.
Dyngir avait eu son réveil à l’âge de treize ans, en se liant d’amitié avec Eliza, la fille de l’intendant de la maison. Depuis lors, il était devenu obsédé par les femmes.
À partir d’Eliza, Dyngir avait mis la main sur la plupart, sinon la totalité, des servantes de la résidence. Je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir mal à chaque fois que je les voyais.
Je voulais honnêtement le gronder, mais tout l’argent que Dyngir utilisait pour les femmes venait de sa propre poche.
Il avait utilisé l’argent que je lui avais donné comme allocation pour lancer une petite entreprise avec d’autres nobles : en cinq ans, les bénéfices du commerce diplomatique avaient doublé.
C’est son succès qui le rend si terrible… Je n’ai aucune raison de le gronder…
« Si seulement il pouvait se débarrasser de son appétit pour les femmes, je pourrais le laisser prendre la relève sans le moindre souci… »
« Les talents du Seigneur Dyngir sont après tout exceptionnels… d’ailleurs, il semblerait avoir établi de nouvelles transactions avec des amis qu’il a rencontrés à l’académie. »
« … Je vois, donc même s’il a l’air de toujours s’amuser, il a aussi établi de nouvelles relations… il comprend au moins ce que sont les devoirs d’un noble… »
« Oui, en effet, bien qu’il se rende également dans le quartier des plaisirs une fois par semaine, il est donc également vrai qu’il s’amusait. »
« … »
J’avais perdu le compte du nombre de fois où j’avais déjà soupiré. Découragé, je m’étais affalé sur la table.
Avoir un fils idiot était effectivement problématique, mais un fils trop compétent était également gênant. Surtout s’il était à la fois habile et fou…
« Eh bien, c’est quand même… avec un peu d’effort… avec beaucoup d’effort, on peut passer à côté de ça… à la place, sais-tu ce qui est arrivé à la fille du Baron Nommes après ça ? »
J’avais changé de sujet, comme pour échapper à la réalité pendant un moment.
Le baron Nommes était un vassal de la maison Maxwell : sa fille Selena avait été la fiancée de mon fils.
Lorsque j’avais appris que les fiançailles avaient été rompues par elle, j’avais commencé à avoir des sueurs froides, pensant que les habitudes de coureurs de jupons de mon fils avaient été découvertes… Je ne me serais jamais attendu à ce qu’elle soit l’infidèle, et avec le prince héritier en plus.
Malgré son air si timide et doux, elle avait réussi à séduire le prince héritier du royaume… J’avais dû changer mon opinion sur elle.
« Le baron Nommes semble incertain sur la façon de la punir lui aussi. Ses fiançailles avec… l’ancien prince héritier ont été après tout annoncées en public. »
« Hmm… Je ne connais pas l’étendue de leur relation, mais elle pourrait déjà être enceinte d’un enfant de sang royal… »
« Si cela se produit… cela risque d’engendrer un conflit politique. »
Après la rupture des fiançailles, le prince héritier Sullivan avait été déshérité.
Sullivan était le fils aîné, mais le statut de sa mère était relativement bas. Sans le soutien du duc Rosais, il était peu probable qu’il devienne roi. Ayant insulté la maison de Rosais, une telle punition était inévitable.
Le sort de Selena était également très probablement scellé. Elle finira par être utilisée par une faction en rébellion contre la famille royale ou éliminée avant cela. Je ne pouvais prévoir aucun espoir dans son avenir.
« Si seulement tout cela s’était passé en privé, cela aurait pu être réduit au silence d’une manière ou d’une autre. Mais pour exposer un problème délicat comme la rupture d’un engagement en public… je ne le considérais pas comme un idiot. »
« Bien qu’il était prince héritier, il n’en reste pas moins homme. Quand une femme est impliquée, les hommes deviennent fous… comme quelqu’un d’autre que je connais. »
« … Est-ce du sarcasme ? »
« Bien sûr que non, mon seigneur. »
J’avais regardé en silence les yeux de l’intendant, puis j’avais lentement secoué la tête.
« … Il semble que Sa Majesté le roi, le Baron et moi avons mal élevé nos enfants. Au moins, mon propre idiot a un bon jugement. Je dois être au moins reconnaissant pour cela. »
« En effet, monsieur. »
« Haah… »
J’avais soupiré en même temps que l’intendant de la maison, puis la porte de mon bureau s’était ouverte. Une seule personne dans cette résidence pouvait entrer dans le bureau du maréchal sans frapper.
« Bonjour, vieil homme. J’ai quelque chose à te dire, tu as le temps maintenant, non ? »
« … »
« … »
Mon idiot de fils coureurs de jupons, bien sûr.
L’intendant de la maison et moi nous étions regardés, nos expressions devenaient aigres.
« Quoi ? Vous vous plaigniez tous les deux de moi ou quoi ? »
« … Y a-t-il quelque chose dont on devrait se plaindre ? »
« Pas que je sache. Je suis aussi pure et honnête qu’elles le sont. »
« Pouvez-vous aussi dire cela de votre propre corps, jeune maître ? Bien que vous ayez passé une nuit agréable apparemment, c’est très bien. »
« Hé, pas de sarcasme. J’ai pris un bain, d’accord. »
Tu devrais maintenant te taire, idiot… ne vois-tu pas l’intention meurtrière dans les yeux de l’intendant de la maison ? Honnêtement, j’aimerais bien que les poignards qu’il jette le frappent vraiment…
De telles pensées m’étaient venues à l’esprit, mais j’avais décidé de l’écouter pour l’instant.
« Quelles sont tes affaires ? Tu n’es pas venu ici pour m’aider dans mon travail ? »
« Mon travail ? Si tu veux parler de l’irrigation de la région ouest, j’ai déjà envoyé les travailleurs. Pareil pour les bandits autour du village de Zess, le corps d’expédition est déjà en route. Les éclaireurs pour le fort de l’est partent demain matin, donc c’est aussi réglé. Pour ce qui est des bandits à cheval sur le territoire du vicomte Silfis, j’ai un plan donc tu peux me laisser gérer ça. Je vais m’occuper d’eux dans les prochains jours. »
« … Tu es vraiment un fils idiot… »
Cet excellent côté de sa personne le rend d’autant plus méprisable. Je parie que je suis le seul père à être gêné par les compétences de son fils…
« … De toute façon, pourquoi es-tu présent ici ? »
« J’ai une faveur à te demander, c’est tout. Tiens. »
« Hmm ? »
Mon fils m’avait remis une enveloppe. Comme elle n’était pas fermée, j’avais sorti le papier à l’intérieur et je l’avais lu, trouvant que son contenu était assez bizarre.
« C’est… »
« Je veux que tu envoies cela avec ton nom, adressé à Sa Majesté le roi. »
« À quoi penses-tu ? »
J’avais regardé le visage de mon fils et j’avais trouvé le sourire d’un farceur sur ses lèvres. C’était le même visage que celui montré lorsqu’il m’avait apporté la tête du commandant ennemi lors de sa première bataille.
Les dix-huit dernières années m’avaient appris, dans une certaine mesure, à quel point ce visage signifiait que quelque chose de méchant approchait.
« L’ancien prince héritier et mon ancienne fiancée vont passer un mauvais moment. Ce n’est qu’une farce, rien de plus. »
« Hmgh… »
« Quand je suis revenu, tu m’as dit de faire ce que je voulais, non ? Je m’en tiens à tes mots, mon vieux. »
J’avais scruté la lettre à nouveau et j’avais senti le mal de tête se renforcer.
Quelques jours après que le prince héritier Sullivan avait été déshérité et que l’agitation se soit calmée…
Une lettre du maréchal Maxwell avait été remise à la maison royale de Lamperouge.
C’était une lettre très succincte :
« Je présente mes félicitations les plus sincères pour le mariage du prince Sullivan dans la famille du baron Nommes »
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Chapitre 4 : Fausse célébration
Point de vue du Duc Rosais
Cette canaille de Maxwell est encore en train de faire du grabuge…
Dans la capitale royale du royaume de Lamperouge, dans le bureau des offices royaux.
Moi, Burt Rosais, l’actuel chef de la maison de Rosais, avait lu le contenu de la lettre envoyée par la maison Maxwell et je m’étais mis à grogner.
« Je présente mes sincères félicitations pour le mariage du prince Sullivan dans la famille du baron Nommes. »
Félicitations… c’était ce que disait la lettre, mais il s’agissait, à toutes fins utiles, d’une menace.
La malveillance contenue dans cette courte phrase était si intense que je ne pouvais pas, en tant que chancelier du royaume, m’empêcher d’être impressionné par sa ruse.
Il y avait environ un mois, ma fille bien-aimée Marianne avait appris par le prince héritier Sullivan que leurs fiançailles n’avaient plus lieu d’être. La raison était qu’il aimait en fait quelqu’un d’autre… c’était vraiment enfantin.
L’expéditeur de cette lettre, Dyngir Maxwell, n’était autre que le fiancé de la maîtresse du prince Sullivan, Selena Nommes.
La responsabilité des fiançailles rompues incombait exclusivement à Sullivan.
Sullivan continuait apparemment de répéter qu’il avait trouvé le véritable amour, tout en se plaignant pathétiquement que Marianne n’était pas faite pour être sa fiancée.
En tout cas, il avait posé les mains sur une autre femme malgré ses fiançailles, il n’y avait donc aucun doute qu’il était en faute. La femme sur laquelle il avait posé les mains était elle aussi fiancée.
Peu importe le nombre d’excuses que cet abruti de prince héritier pouvait trouver, abuser de l’autorité de la famille royale pour enlever la fiancée d’un vassal le marquerait d’infamie.
« Hum, chancelier… pouvons-nous faire quelque chose à ce sujet… ? »
Ce ton pitoyablement faible n’avait été produit par nul autre individu que celui ayant l’autorité royale… Sa Majesté le roi.
Cet homme âgé, bien trop faible de volonté pour sa position, avait deux fils, mais il favorisait surtout son premier né, Sullivan. Il me regardait avec une expression pleine d’inquiétude pour l’avenir de ce dernier.
Sa Majesté, le roi Saloucha Lamperouge, était un homme plutôt ordinaire par rapport à son rang.
Il n’avait pas d’exploits militaires impressionnants à son actif ni assez de sagesse pour qu’on s’en souvienne. Son seul point positif était qu’il était bien conscient de ses capacités limitées.
Il n’avait jamais imposé son opinion sur des questions politiques ou militaires, écoutant toujours attentivement les opinions de son entourage.
Néanmoins, on peut aussi dire qu’il ne peut rien décider tout seul.
Tout en le jugeant sévèrement sur le plan mental, j’avais répondu à la question du roi.
« Rien, j’en ai peur. Maxwell, la victime de cette série d’événements, demande que le “mariage du prince Sullivan avec la famille du baron Nommes soit célébré”. Notre seule option est que le prince se marie effectivement dans la famille Nommes. »
Indépendamment de ce qu’ils pensaient réellement, en apparence, la victime renonçait à ses droits, de sorte qu’ils ne pouvaient pas être niés.
« Quoi qu’il en soit, si cela arrive… »
Le roi hésita et bafouilla.
Sullivan se marierait dans la famille du baron Nommes — même sa médiocre intelligence avait saisi le terrible châtiment que c’était.
Un baron était effectivement un noble, mais son statut était extrêmement proche de celui d’un roturier. Le territoire sur lequel un baron pouvait régner se résumait à un ou deux villages au maximum, avec des recettes fiscales minimales.
Une telle maison ne pouvait naturellement pas mener une vie somptueuse. Sullivan ne pourra jamais supporter le fait qu’il doive se marier dans une telle famille, vu que, en tant que membre de la famille royale, il avait vécu toute sa vie dans le luxe.
De plus, les Nommes étaient les vassaux de la maison Maxwell et leur devaient même de l’argent. Ils devaient obéir à presque tous les ordres de la maison Maxwell. En cas de conflit armé, ils seraient probablement envoyés en première ligne.
Sullivan deviendrait ainsi le subordonné de l’homme qu’il avait mis en colère en lui volant sa fiancée : une vie de tourment l’attendrait. Y avait-il une punition plus terrifiante que celle-là ?
Le roi semblait vouloir dire quelque chose, alors je l’avais encouragé à parler. Les mots avaient commencé à jaillir de sa bouche.
« Hmgh… hmm… je sais… je sais ce que Maxwell veut dire… mais n’est-ce pas trop… ? Qu’un membre de la famille royale se marie dans la maison d’un baron… il ne pourrait y avoir pire humiliation. Sullivan a déjà été déshérité… pourquoi ce pauvre garçon doit-il subir un sort aussi cruel ? »
« … que la punition ne suffit pas. Du moins, c’est ce que Maxwell semble penser. »
Un jugement avec lequel ma maison Rosais est entièrement d’accord.
Dans la lettre envoyée à la maison de Maxwell, il était écrit que Sullivan serait sévèrement puni. Sa Majesté, le roi faible et gentil, n’avait cependant pas l’intention d’administrer une punition stricte à son fils.
Le rang de Sullivan fut rétrogradé à celui de vassal de la famille royale, mais selon la situation, cela n’équivalait pas à une punition très sévère.
Car il pourrait être adopté par un marquis sans héritiers et mènerait ainsi une vie stable.
Ils ont probablement compris que le roi n’était pas assez strict pour punir réellement Sullivan… mmph, bien que ce soit une question gênante, c’est un développement favorable pour moi en tant que Rosais.
La famille Rosais était également victime de cette série d’événements et avait été tout aussi insatisfaite de la tape sur les doigts que Sullivan avait reçue.
Malgré notre insatisfaction, nous avions été contraints d’accepter cette conclusion, car, en tant que représentant des familles nobles centrales, il était de notre devoir de minimiser toute menace à la stabilité de la capitale.
Cependant, le visage de ma précieuse fille avait été maculé de boue… en tant que père, j’aimerais au moins mettre en pièces cet idiot d’ancien prince héritier.
« Quoi qu’il en soit… oh oui, chancelier, si vous vous inclinez personnellement devant Maxwell, alors… »
C’était la proposition que le roi avait faite.
« Je devrais… faire ça, pour le bien de Sullivan ? »
« Oui, un roi ne peut pas courber la tête devant ses vassaux, mais si vous, le chancelier, le faite, alors… peut-être… »
J’avais regardé le roi avec toute l’intention meurtrière que je pouvais rassembler, et ses paroles s’étaient avérées vaines.
« Permettez-moi de vous le demander une fois de plus, Votre Majesté. Je devrais jeter mon orgueil et baisser la tête, pour l’homme qui a trahi ma fille ? »
« Gh… »
Le roi semblait enfin comprendre l’énormité de sa bévue.
Tel père, tel fils…, soupirais-je mentalement.
Sa Majesté ne prononçait pas de telles absurdités normalement. Mais, comme Sullivan, il avait apparemment tendance à laisser ses émotions prendre le dessus par moments.
S’il souhaitait vraiment protéger son fils, il devrait le faire, même au prix d’offenser les nobles Maxwell ou Rosais. Avait-il si peur de nous ? Cependant, sa lâcheté le rendait idéal pour diriger ce royaume. Un roi vraiment compétent serait mal vu par les Quatre Maisons.
Dans le royaume de Lamperouge, les quatre maisons maréchales qui protégeaient les frontières dans les quatre directions cardinales jouissaient d’un pouvoir considérable. Elles étaient normalement appelées les Quatre Maisons.
La véritable capacité d’un roi dans ce pays se mesurait à sa capacité à gouverner sans se faire ennemi des Quatre Maisons.
Sa Majesté le roi était trop faible pour être le dirigeant d’une nation.
Mais à cause de cela, les privilèges et l’autorité des Quatre Maisons n’étaient pas menacés. Il était considéré comme une figure de proue facile à manipuler.
Les rois vraiment capables ne durent jamais longtemps, après tout… Sullivan devrait se considérer comme chanceux de n’avoir eu aucun accident malheureux…
Les Quatre Maisons ne devaient pas être contre vous.
Les rois enterrés dans les ténèbres à cause d’eux étaient trop nombreux pour être comptés.
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Chapitre 5 : Il faut payer le prix fort quand on traite avec des imbéciles
Point de vue du Duc Rosais
Dans une salle privée du palais royal...
« N'importe quoi ! Moi, le prince héritier, je dois me marier dans la famille d'un baron !? Tu te rends compte à quel point ça semble stupide !? »
« ... »
Devant moi, un fou criait et gesticulait.
Il s'appelait naturellement Sullivan Lamperouge, c’était l'ancien prince héritier du royaume.
« Malheureusement, Sa Majesté le roi en a décidé ainsi. Nous devons demander à Votre Altesse d'accepter. »
J'avais choisi mes mots avec soin. Gérer les conséquences des événements était déjà assez épuisant : j'en avais déjà assez de traiter avec des imbéciles bavards.
Mais d’abord, pourquoi dois-je faire cela... ?
J'avais ainsi maudit sans qu’il puisse m’entendre.
Normalement, c'était le devoir de Sa Majesté de prononcer des édits royaux et d'annoncer de telles décisions. Mais cette fois, moi, le chancelier, avait été envoyé pour agir à la place de Sa Majesté.
Il va sans dire que Sa Majesté le roi détestait l'idée d'annoncer une telle chose à son fils bien-aimé, aussi la tâche pénible avait-elle été placée sur mes épaules...
Non seulement il n'a pas assumé sa responsabilité de roi, mais aussi celle de père...
Combien de fois la famille royale m'avait-elle déçu le mois dernier ?
Je n'étais pas un homme aux ambitions extrêmes, mais les événements récents firent apparaître le mot "rébellion" dans mon esprit.
« Il doit y avoir une erreur ! Je vais parler avec mon père !! »
Sullivan avait grossièrement enroulé l'édit royal en boule et l'avait jeté par terre.
« ... »
J'avais senti mes muscles faciaux se tendre.
Un édit royal n’était pas seulement signé par le roi en personne, mais portait également le sceau royal du royaume de Lamperouge. Traiter un édit royal de cette manière était un acte barbare, de même niveau qu’une trahison.
Même si cet homme avait encore le rang de prince héritier, si un tel acte se produisait en public, son exécution serait inévitable.
Je pourrais tout aussi bien m'en servir pour le faire exécuter... mais si je le faisais, Sa Majesté mourrait de chagrin.
J'avais gardé mon calme en répétant les faits.
« Malheureusement, cela a déjà été décidé. Pourriez-vous confirmer le contenu de ce document une fois de plus ? Vous pouvez voir que le sceau royal a été apposé. »
« Uuh... »
Sullivan réalisa finalement ce qu'il avait fait et ramassa l'édit royal à ses pieds, une expression maladroite sur son visage. Il étala le parchemin de haute qualité, en étira soigneusement les plis et le lut à nouveau.
« Oui, il y a le sceau royal... mais je ne peux pas le croire, je ne peux pas croire que mon père m'abandonne... je pensais que je serais rétrogradé jusqu'à ce que les choses se tassent... mais me marier dans la famille d'un baron... ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? »
« Avez-vous bien dit : qu'est-ce que j'ai fait... ? »
Se pourrait-il que cet homme n'ait pas encore saisi l'étendue de ses actes ?
Le maréchal Maxwell était le gardien des provinces de l'Est. Il possédait la plus grande force militaire du royaume.
La maison de Rosais était le chef des nobles du centre et le pivot du monde politique du royaume.
Cet homme avait fait de ces deux grandes familles nobles ses ennemis et avait créé une fissure infranchissable entre elles et la famille royale, mais il agissait toujours comme s'il était la victime.
Je devrais peut-être me considérer comme chanceux vu que les fiançailles ont été rompues. Au moins, ma précieuse fille n'a plus à épouser ce bouffon.
Tout en soupirant de soulagement, j'avais recommencé à expliquer, aussi patiemment que possible.
« Seigneur Sullivan, même si je pense que vous le savez, dans ce royaume, il y a quatre maisons maréchales, les « Quatre Maisons », qui possèdent de vastes pouvoirs. La famille royale et les familles ducales ont un rang officiel plus élevé et une plus grande autorité politique, mais comme ces maisons sont chargées de défendre les frontières, leur pouvoir militaire est quelque chose que même Sa Majesté le roi ne peut ignorer. »
« Hmm, hmm... »
« Vous avez enlevé la fiancée de l'héritier d'un de ces maréchaux et les avez mis en colère. Sans une punition appropriée, un fossé s'ouvrirait entre la famille royale et les maréchaux. Veuillez comprendre que Sa Majesté le roi a pris cette décision avec le cœur lourd. »
« N-non... je ne peux pas... »
Sullivan était devenu pâle et s’était mis à trembler. Apparemment, il avait finalement compris la gravité de ses actes.
« Je... je suis juste tombé amoureux de Selena, et... est-ce que j'avais tort ? Est-ce mal de poursuivre le véritable amour... ? »
Sullivan s'effondra faiblement sur le sol, marmonnant de telles paroles avec un regard sans vie.
« Le véritable amour, monsieur ? C’est si beau. »
Mes lèvres s’étaient tordues, et j'avais lentement secoué la tête.
« C'est vraiment malheureux, Seigneur Sullivan, mais beau et juste sont deux choses différentes. Si vous souhaitiez vraiment simplement maintenir votre amour avec Selena Nommes, vous auriez dû faire les préparatifs nécessaires. Au moins, si vous vous étiez d'abord excusé auprès de Maxwell, puis aviez parlé correctement avec Marianne, votre punition n'aurait pas été aussi sévère. »
« N-nonnn... n... aaaahhhhhhhh !! »
Sullivan, les paumes de ses mains sur le sol, criait de désespoir.
Comme c'est pitoyable...
Si Sullivan n'avait pas fait cette erreur, il serait devenu mon beau-fils.
Si je l'avais surveillé de plus près, j'aurais pu l'empêcher de tomber si bas, non ?
Je suppose que je lui apporterai mon soutien pour ne pas offenser davantage Maxwell. C'est ma responsabilité.
C'était ce que je pensais lorsque, comme dernier geste de bonne conscience, je m’étais mis à genoux et j'avais tendu la main à Sullivan.
Cependant - .
« ... Je sais. »
« Quoi ? »
« Je sais, je sais ! Je dois juste réparer l'erreur !! J'ai juste besoin de faire comme si rien ne s'était passé !! »
« Seigneur Sullivan ? »
Submergé par l'élan soudain de Sullivan alors qu'il se relevait, j'avais fait deux pas en arrière. Je ne pouvais pas dire pourquoi, mais j'avais un sentiment terrible.
« Chancelier ! »
« Oui, monsieur... ? »
« J’annule la rupture des fiançailles avec votre fille ! »
« Haah !? »
Mon corps s’était plié en arrière et mes yeux s’étaient ouverts en grand.
Est-ce que cet homme avait vraiment dit ça... ?
« Si je me fiançais à nouveau avec Marianne, je n'aurais pas à me marier avec la famille du Baron Nommes ! Et puisque j'ai une famille de duc comme soutien, je peux aussi redevenir le prince héritier ! Je pourrais donc utiliser les finances des Rosais pour payer une compensation à Maxwell ! Selena... eh bien, je peux la prendre comme concubine, et tout est réglé ! »
Jusqu'où cet homme s'abaissera... ?
Je pouvais dire qu’il n’y avait plus aucune forme d’émotion sur mon visage.
À quel point peut-on être égoïste ? Forcer les gens qui l'entourent à se déplacer pour lui, sans tenir compte de leur propre situation...
« Bien, bien, c'est décidé ! Va appeler Marianne ! Dis-lui que je vais laisser nos fiançailles se terminer et... »
« Silence. »
« Gwah !? »
Avant que je ne m'en rende compte, ma main droite avait saisi le cou de Sullivan.
Il ne s'attendait sûrement pas à ce que quelque chose comme ça arrive : il n'y avait rien d'autre que du choc et de la surprise dans ses yeux.
« Chan... cel... lier... ? »
« Avez-vous sérieusement pensé que la vie de ma chère fille, que l'avenir de la noble maison de Rosais, pouvait être décidé par vous sur un coup de tête ? Qui pensez-vous être ? »
« Je... suis... le prince... hérit... »
« L'ancien prince héritier, plutôt ? »
Le visage de Sullivan avait perdu de sa couleur, il était devenu violet. Je l’avais donc finalement libéré.
Il s’était à nouveau effondré sur le sol, toussant plusieurs fois.
« Soyez heureux que nous soyons dans le palais royal... si nous nous étions rencontrés dehors, je vous aurais étranglé. »
« Kaah... haah... haah... ne pense pas... que tu t'en sortiras... comme ça... »
« Oh ? »
Il n'avait donc apparemment toujours pas débité toutes ses bêtises.
J'avais levé un pied et écrasé mon talon sur la main droite de Sullivan.
« Gheh !? »
« Je ne m'en sortirai pas comme ça ? Que ferez-vous alors ? Vous, le fils adoptif d'un baron, sans la moindre once de pouvoir ou d'autorité ? Que pouvez-vous faire au chef de la maison Rosais ? Dites-le. »
« Mon père y veillera... !! »
« Ce même père a dit qu'il ne vous rencontrera pas. Il ne veut probablement même pas voir le visage de son idiot de fils. »
« Tu ments !!! Père ne m'abandonnerait jamais... ! »
« Alors, allez le confirmer par vous-même. Bien que, dans l’état actuel des choses, vous n’avez même pas le droit de demander une audience. »
J'avais tourné le dos à Sullivan.
Je n'avais plus rien à dire à cet homme. Comme on dit, il n'y avait pas de remède à la stupidité.
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Chapitre 6 : Les vacances sont faites pour la chasse
Clop, clop, clop, clop, clop, clop, clop…
Plusieurs dizaines de chevaux trottaient à travers les plaines avec des hommes armés montés sur eux.
L’atmosphère entourant les hommes était trop décontractée pour qu’on puisse penser qu’il s’agissait de soldats : leurs tenues étaient également complètement dépareillées. Certains d’entre eux portaient des armures de chevalier, d’autres portaient des peaux d’animaux cousues ensemble de façon désordonnée pour former une sorte de vêtement.
Ces hommes étaient les « Tigres Pourpres ». C’était une bande de voleurs à cheval qui, ces dernières années, écumait les territoires du vicomte Silfis, situés dans les provinces orientales du royaume de Lamperouge.
Le territoire de Silfis était l’un des principaux territoires agricoles du royaume de Lamperouge : la majeure partie de la région était composée de plaines. Les voleurs à cheval pouvaient facilement se déplacer à travers les plaines, ce qui les rendait très difficiles à gérer et en faisait une source d’inquiétude sans fin pour le vicomte Silfis.
Les Tigres Pourpres étaient tristement célèbres pour leur caractère impitoyable : plusieurs villages avaient déjà été réduits en cendres par eux. Les villageois étant brutalement assassinés.
« Le village est devant nous, non ? »
« Oui, on est tout près. »
Le grand homme costaud à la tête du groupe cracha sa question, tandis que l’homme maigre chevauchant à côté de lui y répondit.
Le grand homme portait un tatouage en forme de crochet sur son crâne chauve et des muscles robustes sur son corps criblé de cicatrices. Il avait l’aura d’un vétéran de nombreux champs de bataille.
Cet homme était le chef des Tigres Pourpres : bien que son vrai nom soit inconnu, il était recherché et craint sous le nom de « Tigre mangeur d’hommes. »
« Les hommes vont apporter du blé au seigneur aujourd’hui, alors il ne devrait y avoir que des femmes, des enfants et des personnes âgées dans le village, patron. Ça va être un festin, heeheehee. »
L’homme maigre se lécha les lèvres.
En réponse, le « tigre mangeur d’hommes » grogna.
« On ne va pas trouver grand-chose s’ils ont déjà emporté le blé… Je suppose qu’on en laissera juste assez pour qu’ils ne meurent pas de faim. »
« Nous allons trouver des femmes, patron. On peut faire ce qu’on veut avec elles, hein ? »
« Oui, faites ce que vous voulez. Mais n’y passez pas trop de temps. »
« C’est clair et net, patron. Heeheehee. »
Assez rapidement, le village était devenu visible.
Le village était entouré de clôtures relativement hautes, qui servaient à éloigner les loups et autres bêtes. Pour les envahisseurs à cheval, c’était des défenses minces comme du papier.
Le « Tigre mangeur d’hommes » dégaina son épée sur son dos et la tint haut, tout en contrôlant habilement le cheval d’une main.
« Écoutez bien, messieurs ! Nous sommes des bêtes ! Des monstres se régalant de chair humaine ! Tuez, violez, prenez tout ce que vous pouvez !! »
« Wooohhh ! !! »
Les bandits à cheval rugirent en réponse au cri du « tigre mangeur d’hommes ».
Un petit groupe de bandits courut devant le groupe et arracha les clôtures pour que les autres puissent se précipiter dans le village.
Les Tigres Pourpres étaient tous expérimentés dans l’art du pillage et du massacre — et leur chef bien plus que tout autre.
Les habitants d’un si petit et faible village n’avaient sûrement pas les moyens d’arrêter leurs actes barbares. Un banquet de chair et de sang était sur le point de commencer.
« Gwaaahhh !!! »
Le « Tigre mangeur d’hommes » suivit ses subordonnés à l’intérieur, entendant déjà des cris d’agonie provenant du village.
« Ah ? »
Mais là, le « Tigre mangeur d’hommes » resta figé sur place.
Un décor totalement inattendu l’accueillait.
« Préparez vos arcs, feu !!! »
« GWAAAHHH !? »
Pour une raison inconnue, il y avait des rangées de soldats armés d’arcs dans le village. Les cadavres des bandits qui étaient entrés dans le village en premier étaient éparpillés à leurs pieds.
« Merde !!! Pourquoi y a-t-il des soldats dans un endroit pareil !? »
Le « Tigre mangeur d’hommes » déplaça rapidement son sabre pour parer les flèches, mais l’une des flèches qu’il manqua frappa son cheval.
Le chef des bandits sauta loin de son cheval qui s’effondrait, roula sur le sol, et se remit rapidement en position.
« Tch… Vous autres, chargez !! Tuez-les tous !! »
« Wooohhh !! »
Les voleurs à cheval qui n’avaient pas été abattus par les flèches s’étaient précipités vers les soldats. Mais alors qu’ils étaient assez proches pour attaquer, un autre groupe de soldats était apparu dans leur dos, cette fois armé de lances. Ils chargèrent les bandits par-derrière, enfonçant leurs lances dans les bandits.
« Gwaaahhh !!! »
« B-boss… aidez… gwfh… »
« On ne peut pas gagner !!! Courez !! »
La véritable capacité des bandits à cheval se manifestait par leur capacité à manœuvrer librement dans de vastes prairies : dans un petit village avec de nombreux obstacles, leurs capacités étaient réduites de moitié.
Les bandits avaient été éliminés, les uns après les autres.
« Merde !! »
Le « Tigre mangeur d’hommes » s’était décidé rapidement. Il abandonna ses subordonnés survivants et s’enfuit en direction de la clôture déchirée. Il courait désespérément, utilisant son sabre pour assommer tous les subordonnés sur son chemin.
Ils ont dû découvrir que nous allions attaquer ce village ! Merde… où est la sortie ? Où !?
Le leader courait pour sauver sa peau, tandis que les cris de ses subordonnés s’atténuaient en arrière-plan. Ce fut alors que…
« Un cheval, je dois trouver un cheval… »
« Tu es le “Tigre mangeur d’hommes”, hein ? »
« … !? »
Un jeune homme apparu soudainement à ses côtés.
« Je t’attendais. »
Le « Tigre mangeur d’hommes » se retourna et vit un jeune homme vêtu d’une armure de chevalier, avec un groupe de soldats, apparemment ses subordonnés. Il y avait les cadavres de plusieurs bandits à leurs pieds, probablement ceux qui avaient tenté de s’échapper auparavant.
« Qui es-tu, bâtard… !? »
« Certainement pas une personne qui peut être traitée de bâtard par un voleur comme toi… mon nom est Dyngir. »
Non pas que cela signifie quelque chose à ce stade — haussa les épaules du jeune homme.
« Dyngir… Maxwell !? Pourquoi es-tu là ? »
« Les provinces de l’est sont le territoire de Maxwell. Nous ne régnons pas directement sur cette région, mais il n’y a aucune raison pour que nous ne soyons pas là, n’est-ce pas ? »
« C’est des conneries !! »
« Eh bien, si tu veux vraiment savoir, en tant que prochain seigneur de ces terres, je sens que je dois protéger mes “petits frères”. Alors je me suis dit que je pourrais soulager les épaules de mon précieux vassal. »
Dyngir gloussa et dégaina son épée.
L’éclat terne de sa lame était très différent des lames de cérémonie que les nobles brandissaient souvent. Ce n’était pas une décoration, mais un outil fin fait pour tuer.
« Va chercher la tienne. Je vais te faire une faveur et te combattre en un contre un. »
Dyngir pointa son épée vers le « Tigre mangeur d’hommes » et sourit avec amusement.
Aucun des soldats n’avait essayé de dissuader leur seigneur. Ils étaient apparemment sûrs qu’il allait gagner.
« Ne sois pas si arrogant, morveux ! »
Le « Tigre mangeur d’hommes » tint son sabre bien haut, bondit en avant, et profita de l’élan pour le balancer vers le bas. Malgré son grand corps, ses mouvements étaient très agiles.
« Tu as bien l’air d’un tigre. »
Même face à la frappe meurtrière du bandit, Dyngir était aussi nonchalant que jamais.
Il avait facilement esquivé l’attaque et avait frappé avec son épée en réponse.
« Et voilà. »
« !? »
Dyngir donna deux coups d’épée : le premier coup coupa les mains du bandit qui tenaient l’épée large, le second ouvrit une profonde entaille sur ses jambes.
Les mains utilisées pour tenir l’arme avaient disparu, et il avait en plus perdu l’usage de ses jambes pour s’échapper. Le « Tigre mangeur d’hommes », ayant perdu le contrôle de ses membres, ne pouvait que tomber face contre terre.
« Ghaah… haah… ça fait.. maaaaaaaaaal... ! »
« Stoppez l’hémorragie et déposez-le chez l’inspecteur. Assurez-vous qu’il ne puisse pas se tuer. »
« Oui, monsieur ! »
« Mon Dieu, c’était splendide. »
Un homme s’était avancé, félicitant Dyngir pour sa victoire.
« Réussir à vaincre le “Tigre mangeur d’hommes” si facilement… votre maniement de l’épée était quelque chose à voir. Hehehe ! »
Ces louanges et ce gloussement effrayant provenaient de l’homme maigre qui était entré dans le village aux côtés du chef des bandits.
« Ah, merci aussi pour votre aide. Désolé de vous avoir fait faire quelque chose d’aussi pénible. »
« Pas du tout ! Les tâches pénibles sont après tout ma spécialité… héhé. »
L’homme maigre était un espion envoyé par Dyngir pour infiltrer les Tigres Pourpres. Grâce à ses informations, ils pouvaient cette fois-ci préparer un piège pour les bandits à cheval.
« J’enverrai quelqu’un avec ta récompense plus tard. Je compterai à nouveau sur toi si quelque chose se présente. »
« Oui, naturellement, monsieur… au fait, y avait-il une raison de laisser cet homme en vie ? », dit l’homme maigre en regardant les soldats attacher le « Tigre mangeur d’hommes » et l’emporter.
« Mes hommes ont déjà repris la cachette des Tigres Pourpres, donc honnêtement, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit à gagner en interrogeant cet homme. Heeheehee… »
« Oh oui, à propos de ça. »
Dyngir ramassa l’épée large utilisée par le « Tigre mangeur d’hommes. »
« C’est une assez bonne épée, pas vraie ? Elle est imprégnée de boue et de sang, mais elle a été fabriquée avec du bon métal. Ce n’est pas un objet fabriqué en série, mais un produit unique issu d’une forge de qualité. Ça rapporterait pas mal d’argent sur le marché. »
« Oui ? De quoi parlez-vous, monsieur ? »
L’homme maigre était perplexe face à ce changement soudain de sujet.
Dyngir ne semblait pas s’en soucier, cependant, et continua.
« C’est la même chose pour les armes des autres bandits. On ne peut pas trouver du matériel d’une telle qualité en pillant simplement les villages. Il doit y avoir un sponsor qui les soutient. »
« Quelqu’un qui tire les ficelles, monsieur ? »
« Oui, je parie d’abord sur l’empire. Ensuite, un noble du centre qui voudrait nous rabaisser. L’outsider étant la famille royale de Lamperouge. »
Dyngir jeta le sabre et s’essuya les mains avec sa manche comme s’il avait touché quelque chose de dégoûtant et sale.
« En tout cas, j’ai plein de trucs à lui demander, il ne va pas avoir une mort facile. Pauvre gars. »
« …heehee. »
Quelle personne terrifiante… bien plus que ces voleurs...
L’homme maigre leva les yeux au ciel, tandis que des frissons parcouraient son échine.
Après en avoir terminé avec les voleurs à cheval, je m’étais rendu au puits du village, essuyant le sang sur mes armes.
Nous avions informé les villageois de l’opération à l’avance, alors ils revenaient maintenant des abris, petit à petit. Parmi eux, il y avait aussi quelques filles à l’air innocent.
Hmm, les femmes ici ne sont pas mal non plus. Une beauté pure et naïve, comme une fleur sauvage éclose dans les prairies… Je pourrais m’en faire deux ou trois avant de rentrer…
Alors que je regardais les jeunes villageoises s’assurer joyeusement de la sécurité des autres, un de mes subordonnés s’était précipité vers moi.
« Seigneur Dyngir ! Un messager du Maréchal Maxwell !! Des ordres viennent d’arriver, vous demandant de rentrer au château immédiatement, mon seigneur !! »
« Tch, quelle est cette fichue hâte ? »
Mes attentes d’un bon moment avaient été brusquement interrompues, aussi avais-je répondu d’un ton agacé.
Alors qu’il continuait son rapport, le messager semblait terrifié d’avoir aigri mon humeur.
« Mes plus profondes excuses. A- Apparemment, le Baron Nommes et son gendre veulent vous voir à tout prix… »
« Haha ! Je vois, ils sont donc venus ! »
Peut-être effrayés par ma réaction bruyante, les villageois des environs s’étaient rapidement dispersés.
Les jeunes filles que j’aimais tant regarder avaient disparu, mais j’étais néanmoins de très bonne humeur.
« Je retourne sur le territoire de Maxwell ! Ceux qui peuvent partir maintenant, venez avec moi !! »
« Eeh !? »
« Jeune maître !? »
Ignorant les huées de mes subordonnés, je sautais sur mon cheval et partis au galop.
Hahaha… bienvenue dans les provinces reculées, ô ancien prince héritier… vous allez apprécier votre vie à la campagne.
+++
Chapitre 7 : La fin de la farce
Partie 1
« Seigneur Dyngir, les invités sont là. »
« Oh, ils sont arrivés ? »
Cela se passait le lendemain de l’extermination des bandits à cheval sur le territoire de Silfis et de mon retour au château de Maxwell.
Aujourd’hui était le jour prévu pour la rencontre avec le Baron Nommes et Sullivan.
« Nnh…aah…ah…ah… »
« Eh bien, ce n’est pas comme si c’était des invités importants, ils peuvent attendre un peu plus longtemps. »
« Aahn… jeune maître… ! »
« Hmm… Je me demande quel genre de visage le prince héritier va faire quand il réalisera que l’homme qu’il a toujours méprisé le fait attendre… »
« Jeune… aah… maître… c’est… si bon… »
« Oh vraiment. Je suppose que nous pourrions nous amuser un peu plus. »
Incidemment, j’étais en train de m’entraîner avec Eliza sur le lit.
Il était midi, mais je ne me souciais pas vraiment de l’heure à laquelle je m’entraînais. Quand j’étais de retour chez moi, dès que je ne travaillais pas, j’étais généralement avec les femmes de chambre.
« …*soupir*… »
« Qu’est-ce qui t’arrive, Sakuya ? Si tu as quelque chose en tête, je t’écoute. »
La jeune fille, qui nous regardait maintenant d’un air blasé, était l’une des servantes travaillant au château. C’était elle qui avait annoncé l’arrivée des invités.
Elle s’appelait Sakuya : elle avait les cheveux et les yeux noirs, une combinaison rare dans ce royaume. Son expression froide et stricte montrait clairement qu’elle ne trouvait pas mon comportement correct.
« Je vais donc vous demander la permission de parler. Seigneur Dyngir, bien que vous soyez connu pour votre vigueur, sauter le petit-déjeuner et le déjeuner pour vous livrer à des actes lubriques n’est pas sain. Je dois vous demander de prendre davantage soin de vous. S’il vous plaît, comprenez les sentiments de ceux qui servent sous vos ordres. »
« Nnh…aah…aahn… »
« C’est le devoir d’un serviteur de prendre soin de la santé de son maître. S’il vous plaît, prenez au moins un repas léger. »
Je ne pouvais m’empêcher de me sentir mal à l’aise car je me faisais gronder par une servante plus jeune que moi.
Je m’étais arrêté un moment et m’étais assis sur le lit.
« Sur le champ de bataille, il n’est pourtant pas rare de passer une demi-journée ou plus sans manger. »
« Ceci est votre résidence, monseigneur, pas le champ de bataille. Ce serait une honte éternelle pour une servante de laisser son maître mourir de faim. »
« Hmm… je suppose qu’on ne peut rien y faire. Apporte-moi quelque chose rapidement, n’importe quoi me conviendra. »
« Oui, mon seigneur. Je pensais que vous diriez cela, alors j’ai déjà fait les préparatifs. »
Sakuya sortit un panier d’on ne sait où et me le montra. Il contenait du pain grillé, du bacon, des tranches de fruits, et plus encore.
« Ça a l’air bon, pose-le ici. »
« Oui, si vous voulez bien m’excuser. »
J’avais tendu une main pour attraper le panier, mais Sakuya l’avait esquivé et s’était glissée à l’intérieur du lit.
« … Si tu voulais te joindre à nous, tu aurais dû le dire. »
« Ne pas parler ouvertement de ces questions est ce qu’on appelle la grâce. Dites aah, mon seigneur. »
« ... aah. »
« Prenez des œufs, alors. Aah. »
Sakuya m’avait nourri comme une mère poule le ferait avec son poussin.
Elle était aussi inexpressive qu’avant, mais ses lèvres semblaient se courber en un léger sourire.
« Merci pour le repas… c’est donc maintenant à mon tour. »
« Aaahn… »
Comme prévu, ça ne s’était pas terminé par un simple repas.
Après le repas, j’avais prit Sakuya comme dessert. Je m’étais bien sûr aussi occupé d’Eliza en même temps, oubliant le temps qui passe.
J’avais complètement oublié mes invités et m’étais délecté à plusieurs reprises de mes deux partenaires.
« Désolé pour l’attente. »
J’avais fini par jouer avec elles jusqu’à ce que l’intendant n’en puisse plus et fasse irruption dans ma chambre. Je m’étais habillé et j’étais allé dans la salle d’attente.
Il y avait trois individus dans la salle, qui réagirent chacun à leur manière à mon arrivée.
« … Il nous a vraiment fait attendre aussi longtemps. »
Le murmure à peine audible provenait de la cause de toute l’agitation de la rupture des fiançailles, l’ancien prince héritier Sullivan Lamperouge. Mais maintenant qu’il avait été rayé du registre royal, je devrais dire « Sullivan Nommes ».
Je n’avais pas vu Sullivan depuis quelques mois : il avait l’air un peu plus maigre qu’avant. Je pouvais voir l’humiliation sur son visage, cela était certainement dû au fait qu’il avait dû énormément attendre avant que je n’arrive.
« O-oh non, monsieur, nous devons nous excuser d’avoir pris du temps sur votre emploi du temps chargé… »
Le ton complètement suppliant provenait de la tête inclinée du Baron Thomas Nommes.
C’était le même homme qui avait affiché une impeccable posture prostrée lorsqu’il était venu s’excuser pour les méfaits de sa fille il y a un mois.
Il avait également l’air presque émacié en essuyant d’abondantes quantités de sueur sur son front.
Le troisième invité était un jeune homme d’une vingtaine d’années.
« Tu es… le premier né de la maison Nommes, n’est-ce pas ? Ton nom est… »
« Cray Nommes, jeune maître. »
Cray Nommes portait de manière décontractée un élégant costume formel : il semblait assez différent de son père à bien des égards. Il prit une attitude nonchalante tout en envoyant un regard critique dans ma direction.
« Oh oui, je me souviens maintenant. Désolé. »
« Oh non, vous n’avez pas besoin de vous souvenir du nom de l’homme qui, à cause du fiancé de sa jeune sœur, a perdu ses droits à l’héritage, jeune maître. Pas du tout. »
« C-Cray !! Ne manque pas de respect au jeune maître !! »
Cray avait réagi à la réprimande de son père en haussant les épaules et en souriant ironiquement.
Je vois, le mariage de Sullivan dans la famille des Nommes signifiait aussi que Cray perdait sa place d’héritier pour le titre de baron.
Sullivan avait été effacé du registre royal, mais le baron Nommes avait probablement pensé que, puisqu’il avait encore du sang royal dans les veines, il devait nommer Sullivan comme son successeur.
« Je dois m’excuser pour ce que tu as vécu. Je vais préparer un nouveau travail et une nouvelle maison pour toi, Cray. »
« Entendre cela me rend vraiment reconnaissant. Je suppose que cela valait la peine de venir jusqu’ici. »
J’avais rencontré Cray Nommes quelques fois auparavant quand je socialisais, mais c’était la première fois que nous parlions réellement. Il avait l’air d’avoir la tête sur les épaules et aussi d’être courageux… c’était un type assez intéressant.
J’ai peut-être trouvé une perle cachée ici. Il se pourrait que le Baron Nommes puisse avoir choisi la mauvaise personne comme successeur…
Après avoir considéré ces pensées, j’avais demandé de manière formelle la raison de leur visite.
« Alors, à quoi dois-je le plaisir aujourd’hui ? »
« Oh, oui… Sullivan, qui s’est récemment marié dans la famille Nommes, a souhaité vous saluer formellement, mon seigneur. »
« … !! »
Après que le Baron Nommes ait parlé, Sullivan était devenu tout rouge et l’avait regardé fixement. Il était clairement furieux d’entendre un simple baron s’adresser à lui sans aucun titre ou honorifique.
Mph, si tu t’énerves pour la moindre petite chose comme ça, tu ne feras pas long feu ici.
Je m’étais mentalement moqué de Sullivan, puis j’avais répondu d’un ton affecté.
« Oh là là, je vous suis reconnaissant de votre courtoisie. Vous avez un beau-fils droit et poli, Baron Nommes. »
Sullivan avait compris ce que mes mots impliquaient et son expression devint de plus en plus complexe.
Ruisselant de sueur sur son front, le baron Nommes nous avait regardés, Sullivan et moi.
Sullivan fixa les poings serrés sur ses genoux pendant un moment, puis s’était finalement résolu à incliner la tête.
« … Je dois m’excuser pour mon manque de respect dans le passé. En tant que successeur de la maison Nommes, je vais essayer… je vais m’efforcer de prouver ma valeur… ainsi je… suis à votre service. »
« Oui, faites de votre mieux. Faisons ensemble tout notre possible pour la prospérité des provinces de l’Est. Vous comme prochain baron de la maison Nommes, moi comme prochain maréchal de la maison Maxwell. »
« Gh… compris… »
La tête de Sullivan étant toujours baissée, je ne pouvais pas voir son expression.
Les poings serrés sur ses genoux, cependant, tremblaient visiblement, sûrement sous l’effet de la colère et de l’humiliation.
Bien, très bien. Tu as finalement réalisé tes erreurs, n’est-ce pas ? Le coup que j’ai tenté sur le palais royal valait vraiment le coup.
« Hahaha, supprimons les formalités et prenons du thé, d’accord ? Je vais en faire infuser pour vous. »
J’avais senti qu’un poids était enlevé de ma poitrine et j’étais de très bonne humeur en prenant la théière.
L’homme qui insultait la maison du maréchal en la qualifiant de bouseux de la campagne tremblait maintenant et baissait la tête devant moi. C’était une joie à voir et à vivre.
J’avais travaillé pour cela depuis les événements de la rupture des fiançailles.
Tout cela dans le but d’entraîner ce fils ignorant de la royauté, de le faire ramper dans la boue, et de lui marcher dessus.
C’est tout, les amis, avec ça ma dette est remboursée.
Me sentant tout joyeux et le cœur léger, j’avais personnellement fait du thé pour les invités.
« M-merci beaucoup. »
Le Baron Nommes prit la tasse avec des mains tremblantes et en prit une gorgée. Il ne pouvait probablement pas supporter l’atmosphère : la tasse de thé s’était écrasée contre ses dents. Je m’étais demandé s’il goûtait même le thé.
« … »
Sullivan, quant à lui, était toujours là, la tête pendante, et ne voulait même pas toucher la tasse.
« Ooh! Délicieux !! Ce thé vient de la région de Trafalgar dans le sud, n’est-ce pas ? »
L’exclamation d’encouragement venait de Cray Nommes.
Parmi les trois invités, l’un d’entre eux avait non seulement apprécié le thé, mais avait même deviné d’où il provenait.
+++
Partie 2
« Ooh, tu la reconnus ? »
« Oui, la température et le climat agréables qui règnent là-bas permettent de faire pousser des feuilles de thé de grande qualité, c’est donc facile à deviner. Je les apprécie aussi, bien que je n’en aie naturellement jamais bu d’aussi fins que ceux-ci. »
« Hahaha, j’aime aussi ces feuilles. Tenez, prenez une autre tasse. »
« Volontiers, merci. »
Cray et moi avions eu une conversation délicieuse tout en appréciant le thé.
J’ai remboursé ma dette à Sullivan et je me suis même fait un nouvel ami de thé. Aujourd’hui a été une journée vraiment fructueuse.
« Très bien, nous ne devrions pas imposer notre présence au jeune maître trop longtemps, nous devrions y aller maintenant. »
Le baron Nommes avait attendu que la conversation entre moi et Cray se calme et proposa qu’ils partent.
Naturellement, il était impatient de se sortir de cette situation. Et comme il serait inutile de les garder, j’avais accepté.
« Je vois. Merci et désolé d’avoir discuté si longtemps, Cray. »
« Oh non, je me suis beaucoup amusé. Merci pour le thé. »
« Buvons à nouveau un jour. J’ai du bon vin de l’empire. »
« Ce sera un honneur, jeune maître. Alors, à la prochaine fois. »
« Oui, adieu. »
Cray et moi avions fait nos adieux. Normalement, les invités devraient alors simplement partir.
L’un d’entre eux, cependant, ne s’était toujours pas levé de son siège.
« Hé, il est temps pour nous de partir. Sullivan ? »
Et cet invité était Sullivan. Même si le baron, qui s’était déjà levé, le poussait à partir, celui-ci ne bougeait pas d’un pouce.
« … »
« Sullivan, viens. »
Après que son beau-père l’ait poussé plusieurs fois, Sullivan s’était finalement levé, lentement.
« … »
Il avait faiblement vacillé vers moi, le visage aussi pâle qu’un fantôme.
Il n’y avait plus d’humiliation dans son expression. Ses yeux, vides de toute vie, montraient quelque chose comme le regret et l’obsession.
« Monsieur… Dyngir… Maxwell… »
« Hm ? Quoi ? »
Le changement soudain de Sullivan me fit craindre qu’il prépare quelque chose : j’avais répondu en serrant la poignée de mon épée.
J’avais prudemment attendu son prochain mouvement, prêt à tout, mais les mots de Sullivan me prirent complètement par surprise.
« Je suis désolé ! Je suis vraiment désolé d’avoir volé votre fiancée ! !! Je m’excuserai autant que vous voulez, je ferai tout ce que vous voulez, alors laissez-moi redevenir le prince héritier !! »
« Vous, quoi ?! »
J’étais tellement surpris que mon corps s’était plié en arrière.
« Qu’est-ce qui vous a pris !? »
Le baron Nommes était tout aussi surpris : il criait comme s’il avait été mordu par quelque chose sorti de nulle part.
« Je ne peux plus supporter cela ! La maison du baron ou cette province !! Toute ma vie, j’ai été élevé pour être le roi et rien d’autre !! On ne m’a jamais appris à vivre comme un baron sans le sou dans la campagne ! »
Comme si quelque chose de très important s’était brisé dans sa tête, l’expression de Sullivan ne montrait plus que de la folie.
« … et tu n’es marié à la famille du baron que depuis si peu de temps. Tu es assez frêle, n’est-ce pas ? »
J’avais soupiré de pitié.
Je pensais bien que, tôt ou tard, il viendrait pleurer auprès de moi, mais penser qu’il le ferait à ce moment-là…
Si ce type devient roi, ce pays est foutu. Je l’ai fait virer de la famille royale pour lui donner une leçon, mais je suppose que c’était un geste bien plus sage que prévu.
Alors que je savourais ces pensées, le Baron Nommes commença à crier sur Sullivan.
« Quelle bêtise dois-je entendre ! Ce mauvais mariage a déjà été enregistré ! La cérémonie a lieu la semaine prochaine ! Comment peux-tu penser que tu pourrais redevenir le prince héritier à ce stade ? De plus, que ferais-tu de Selena !? »
« Se… Selena… »
Sullivan commença à marmonner après avoir entendu le nom de sa bien-aimée. Après avoir regardé autour de lui, impuissant, pendant un moment…
« Selena, je… je vais la rendre au Seigneur Dyngir. »
« Quoi !? »
« … Aah ? »
Encore une fois, Sullivan déclarait quelque chose d’incroyable.
L’expression du baron Nommes était naturellement devenue sévère, la mienne aussi.
Malgré tout le tapage qu’il avait fait autour du « grand amour », maintenant qu’il était en difficulté, il l’avait trahie en un clin d’œil.
Il n’était vraiment rien d’autre qu’une ordure, à la fois en tant qu’homme et en tant qu’être humain.
Même si notre relation était rompue, il était toujours irritant de voir mon ex-fiancée être traitée aussi légèrement que cela.
Le Baron Nommes était resté sans voix : à sa place, Cray avait élevé la voix.
« Sullivan !!! Est-ce que tu réalises au moins ce que tu dis ? »
L’attitude nonchalante de Cray n’était plus : il lançait maintenant un regard acéré à Sullivan.
« Je-Je veux dire, ce n’est pas comme si je pouvais m’en empêcher ! »
Repris par son beau-frère, Sullivan vacilla un peu, mais recommença rapidement à trouver des excuses.
« Je n’ai jamais pensé qu’on en arriverait là ! C’était juste un petit dérapage, à la fois pour sortir avec Selena et pour larguer Marianne ! Alors pourquoi dois-je supporter tout ça !? C’était juste une erreur, une seule ! J’ai travaillé dur depuis que je suis enfant pour devenir le roi, et tout est fini à cause d’une erreur ? Ça n’a pas de sens ! !! »
C’était à tous les coups ce que Sullivan pensait.
À cause d’un caprice passager, d’une inconstance du cœur, il avait fini par causer tout un tas de grabuge. Une décision précipitée basée sur un coup de cœur : ce n’était certainement pas un événement rare pendant la jeunesse.
J’ai aussi eu des sentiments plutôt embarrassants envers Eliza dans le passé. Néanmoins…
Sullivan, cependant, avait causé trop de problèmes à trop de gens dans cette agitation.
Le fait que les familles d’un maréchal de province et d’un duc en soient les victimes était la pire chose qui pouvait lui arriver.
Si seulement il avait gardé la rupture des fiançailles privée, il aurait été possible de faire comme si rien ne s’était passé… maintenant que le scandale s’est répandu, il n’y a plus de retour en arrière.
Même si les paroles de Sullivan avaient une infime part de vérité, aucune des personnes présentes n’en serait émue.
Après tout, personne ne pouvait remonter le temps.
« Une seule erreur… oui, je suppose que c’est vrai. »
« O-oui ! C’est vrai ! Vous comprenez ! ? »
Le visage de Sullivan s’était éclairci après m’avoir entendu dire oui.
— Tu es complètement fou.
« Je suppose que ça n’a pas de sens de tout perdre après une seule erreur. Mais toutes ces jérémiades ne sont pas dignes de quelqu’un qui est censé être au-dessus des autres. »
« Eh ? »
« Quelqu’un qui se tient au-dessus des autres, que ce soit un roi ou un seigneur local, fait basculer le destin de beaucoup de gens avec une seule décision. Retraités, soldats, citoyens… la vie de beaucoup de gens dépend d’une seule de leurs décisions. Et selon les circonstances, une seule erreur peut entraîner la ruine d’un pays entier. Quelqu’un qui minimise l’importance de ses décisions comme une “simple erreur” n’est pas digne d’être roi. »
« Er, ah.… eh ? »
Sullivan n’avait probablement pas saisi le sens de mes paroles, car il s’était contenté de marmonner de manière incohérente.
Il n’y avait pas de remède à la stupidité… réalisant que ces mots s’étaient avérés exacts juste devant mes yeux, mes lèvres s’étaient tordues.
« Eh bien, en mettant de côté les mots difficiles… les ordures dégoûtantes comme toi ne retourneront jamais dans la famille royale. C’est pour le bien de ce royaume. »
« Quoi… ! »
« Je suis aussi un salaud, mais tu es pire. Laisse tomber. »
Sullivan avait finalement semblé comprendre ce que je voulais dire. Il était devenu rouge comme une betterave.
« J’ai même courbé la tête devant toi !! Moi, le prince héritier !! »
« Tu n’es plus le prince héritier, hein ? Il est temps d’affronter la réalité, beau-fils de baron. »
« T-toi… !! »
La main de Sullivan était allée vers l’épée à sa taille.
Mes yeux s’étaient rétrécis, et j’avais expiré brusquement.
Il n’a pas encore réalisé sa position… C’est sans espoir. Je suppose que je devrais juste le tuer.
J’avais décidé de mettre fin à la vie de l’homme stupide devant moi.
Sullivan avait été déshérité, mais était toujours d’ascendance royale. Si je le tuais, il y aurait certainement une lourde sanction de la part de la famille royale.
Cependant, nous étions dans la province de l’Est. La zone sous l’influence de la maison Maxwell. Il serait trop facile de faire en sorte que la localisation d’une personne devienne inconnue.
Il y avait de nombreuses raisons pour qu’un prince héritier rétrogradé disparaisse mystérieusement, nous avions donc de nombreuses excuses à utiliser auprès de la famille royale.
De toute façon, je n’avais même pas besoin de dégainer mon épée contre une ordure comme lui. Je n’avais besoin que d’un bras pour tuer un morveux qui n’avait jamais mis les pieds sur un champ de bataille de toute sa vie.
J’avais préparé un coup de paume pour m’occuper de sa gorge en premier, quand…
« S’il vous plaît, pardonnez-nous !!! »
« Hbuh ? »
« Quoi !? »
Le Baron Nommes s’était prosterné.
Il avait attrapé les têtes de Sullivan et de Cray, les avait poussées sur le sol, et les avait frottés contre celui-ci.
« Veuillez pardonner le terrible manque de respect de mon gendre ! Son manque d’apprentissage est entièrement ma responsabilité ! !! S’il vous plaît, prenez ma tête à sa place ! »
« … Ooh. »
C’était la prosternation la plus éblouissante que je n’ai jamais vue. Penser que je verrais une prosternation aussi incroyable si rapidement…
« Mes plus profondes excuses, mon seigneur. Mon beau-frère regrette ce qu’il a fait, comme vous pouvez le voir, alors s’il vous plaît accordez-nous votre pardon. »
« Gbah !! Ghah !! Guh ! T-toi, petit… gheh ! »
Boom, boom, boom, boom.
Cray écrasa la tête de Sullivan contre le sol, encore et encore et encore. Finalement, il commença à pulvériser du sang de son visage chaque fois qu’il le soulevait. Il perdit alors progressivement conscience.
« Hahaha… par respect pour ces excellentes excuses, je vais oublier ce qui s’est passé aujourd’hui. Eh bien, comment puis-je dire ça… bonne chance à vous. »
« Notre plus profonde gratitude à vous, monseigneur ! ! »
« Nous vous sommes reconnaissants du fond du cœur… oups ! »
« Gheh… »
Cray donna une dernière impulsion puissante à la tête de Sullivan. Ce fut probablement le coup de grâce à sa conscience : le pitoyable ancien prince héritier cessa complètement de bouger.
« Oh là là, on dirait que mon beau-frère s’est endormi à cause de la fatigue. Il était sûrement nerveux à cause de sa rencontre avec le jeune maître. »
« Ça ne peut pas être le cas ! Nous devrions prendre congé rapidement, de peur de déranger le jeune maître ! »
« … Prenez soin de vous, tous les deux. »
Les deux Nommes firent preuve d’une coordination parfaite en soulevant le corps de Sullivan et en quittant la résidence des Maxwell.
Malgré le peu de ressemblance qu’ils avaient entre eux, il y avait apparemment une grande affinité entre eux. J’avais senti que ce que j’avais fait avait fini par les incommoder aussi et je l’avais un peu regretté.
+++
Chapitre 8 : Une rencontre semblable à celle d’un conte de fée
Partie 1
Point de vue de Selena Nommes
Aujourd’hui, c’est le jour de mon mariage.
J’étais assise seule dans la salle d’attente de la mariée.
Il n’y avait personne d’autre dans la pièce. Les femmes de chambre étaient parties dès qu’elles avaient fini de m’aider à enfiler la robe.
La robe que je portais était la même que celle que ma mère avait portée pour son mariage.
Depuis mon enfance, j’avais toujours rêvé de porter la robe de ma mère pour mon propre mariage.
Plusieurs années plus tard, mon rêve s’était enfin réalisé.
Mon cœur, cependant, était embourbé dans une profonde et sombre tristesse.
« Pourquoi les choses ont-elles tourné comme ça… ? »
J’étais censée être heureuse.
Être fêté par tout le monde, ne faire qu’un avec la personne que j’aimais, avoir une fin heureuse comme dans les contes de fées.
Cependant, la réalité était différente.
Plus de la moitié des lettres d’invitation que j’avais envoyées à mes amies et connaissances avaient été retournées à l’expéditeur, le sceau n’ayant même pas été rompu.
Même les servantes qui avaient préparé la cérémonie avaient l’air de rester de marbre et ne me souhaitaient pas bonne chance.
« Où me suis-je trompée… ? »
La réponse à cette question était claire, mais mon cœur refusait de l’accepter.
Qu’est-ce que j’avais fait de mal ? Où m’étais-je écartée du droit chemin ?
Je m’étais souvenue de ma vie jusqu’à présent.
Depuis que j’étais toute petite, j’avais toujours voulu devenir une princesse.
Une princesse comme celles des livres d’images que ma défunte mère me lisait.
Ma mère était handicapée par une maladie avant même de me donner naissance. Et aussi loin que je me souvienne, elle était confinée dans son lit.
Père avait désespérément cherché un remède pour elle, assez désespérément pour emprunter de l’argent au Seigneur Maxwell, mais il n’avait finalement rien trouvé.
J’aimais ma mère et je me glissais souvent dans son lit, la suppliant de me lire des histoires. En y pensant maintenant, cela aurait pu aggraver son état… mais ma mère écoutait toujours mes demandes, même quand elle se sentait plus mal que d’habitude.
« Ne t’inquiète pas, Selena, un jour un prince viendra pour toi… »
Ma mère me disait cela chaque fois qu’elle finissait de lire un livre d’images, en me tapotant la tête.
Les mots « ne t’inquiète pas »… étaient ceux que ma mère disait sûrement pour se convaincre.
Ma mère pensait probablement qu’elle ne vivrait pas assez longtemps pour me voir grandir, alors elle disait cela pour dissiper ses inquiétudes sur mon avenir.
Quelque temps après la mort de ma mère, un homme prétendant être mon frère aîné était venu à la maison. Père avait engendré un enfant avec une autre femme.
« Tu es Selena, n’est-ce pas ? Enchanté de te rencontrer. »
« … Je ne te connais pas !! »
« Eh ? Ah, attends ! »
J’avais toujours évité mon frère.
Je ne pouvais pas croire que mon père ait trompé ma mère, et je ne pouvais pas le pardonner. Je ne pouvais pas accepter l’existence de mon frère.
Et cela même si la décision venait de la position de mon père en tant que chef de famille, car ma mère malade ne pouvait pas donner naissance à un héritier mâle.
Même si ma mère était au courant de l’infidélité de mon père et avait donné sa permission.
Je ne pourrais jamais leur pardonner.
Ni mon père ni mon frère.
Puis c’était arrivé — mon père m’avait trouvé un fiancé.
« Félicitation Selena : j’ai le parfait fiancé pour toi. »
J’avais treize ans quand je m’étais fiancée.
Mon fiancé était l’héritier de la maison du Maréchal Maxwell – Le Seigneur Dyngir.
« Je suis Dyngir Maxwell. Ravi de vous rencontrer. »
Le seigneur Dyngir s’était présenté d’une manière amicale.
Au début, j’avais prévu d’agir de manière irrespectueuse envers mon fiancé, afin de faire honte à mon père.
Mais dès que je vis le visage du seigneur Dyngir, ces pensées avaient complètement disparu de ma tête.
« Ah… !! »
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
La première chose que j’avais ressentie en voyant le visage du seigneur Dyngir était la peur.
Au premier regard, le Seigneur Dyngir avait l’air d’un jeune homme amical et calme. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que quelque chose d’insondable, quelque chose de terriblement bestial, se cachait en lui.
Oui, quelque chose comme ce dragon qui kidnappait la princesse dans les contes de fées…
Quel est le nom de ce terrible dragon… ? Tout noir, aussi grand qu’une montagne… de plus, ce dragon a un nom qui vous donne des frissons rien qu’en le disant…
Je ne savais pas pourquoi je me sentais comme ça, mais c’était peut-être à cause du sang de ma mère. Ma mère était une prêtresse dans le sanctuaire de la capitale royale jusqu’à ce qu’elle épouse mon père.
« Le Seigneur Dyngir a pris la tête du commandant ennemi lors de la dernière bataille contre l’empire ! »
Père parlait des exploits militaires du Seigneur Dyngir, pour expliquer quelle personne incroyable il était.
Qui se mettrait à aimer une personne en entendant de quelle façon celui-ci a tué d’autres personnes ? m’étais-je demandé.
Mes jours de désespoir avaient commencé à ce moment-là.
Le Seigneur Dyngir était apparemment conscient que le simple fait de le regarder m’effrayait, aussi essayait-il de gagner mes faveurs en m’envoyant des fleurs et d’autres cadeaux dès qu’il en avait l’occasion.
Pour moi, cependant, il me semblait que ce dragon maléfique ne faisait que prononcer des mots doux afin de mieux faire approcher sa proie.
Mon père et même mon frère avaient essayé de m’aider à me rapprocher du seigneur Dyngir, mais leurs actions avaient toujours eu l’effet inverse : après tout, je les détestais tous les deux.
La relation entre le Seigneur Dyngir et moi ne s’était jamais améliorée. Finalement, le jour était venu où nous étions allés à la capitale royale afin de nous inscrire à l’académie royale.
Ce jour était tout simplement inoubliable.
Le jour de mon anniversaire, j’avais visité le jardin de fleurs de l’arrière-cour de l’académie.
L’académie avait un jardin de fleurs dans la cour intérieure et dans la cour arrière, mais la plupart des étudiants visitaient le jardin de fleurs de la cour intérieure, car il était plus grand et proche des bâtiments de l’académie.
Peu de gens visitaient le jardin arrière, il était donc parfait pour réfléchir seul.
« Ouf… qu’est-ce que je dois faire avec ça… ? »
Je m’étais assise sur un banc, avec dans les mains un cadeau d’anniversaire que j’avais reçu de mon fiancé. C’était un bracelet en argent orné de gemmes d’émeraude, de la même couleur que mes yeux.
« … C’est tellement joli. Pourquoi m’envoie-t-il systématiquement de si belles choses… ? »
Les cadeaux du Seigneur Dyngir étaient toujours exquis.
Si seulement il envoyait quelque chose de complètement inapproprié, je pourrais simplement les rejeter… mais ses cadeaux correspondaient toujours si parfaitement à mes goûts que j’avais fini par les accepter chaque fois.
Comment le Seigneur Dyngir connaissait-il si bien mes goûts… ? J’étais terrifiée rien que d’y penser.
« … Une année de plus… »
L’année suivante, le seigneur Dyngir et moi serions diplômés de l’académie. Je deviendrais alors l’épouse du seigneur Dyngir.
J’avais une peur bleue de ce jour.
Je ne voulais pas être avec lui, même pour une seconde… Comment pourrais-je passer ma vie à ses côtés ?
« Uuh.… »
Les larmes avaient commencé à couler naturellement, traînant sur mes joues et dégoulinant sur le bracelet.
« Ah… !! »
« .… Eh ? »
J’avais entendu la voix surprise de quelqu’un et j’avais levé la tête, découvrant un homme qui se tenait là.
Des cheveux brillants comme de l’or, une peau blanche nacrée. Des yeux aussi bleus que le ciel. C’était un jeune homme noble, comme ces princes de conte de fées.
C’était le prince héritier du royaume, Sullivan Lamperouge.
« Je m’excuse si je vous ai dérangé. C’est que je ne pensais pas que quelqu’un d’autre que moi visitait ce jardin. »
« N-Non, c’est moi qui devrais plutôt m’excuser… ! »
Je m’étais levée précipitamment du banc, mais avant que je puisse le faire, le mouchoir de Sullivan caressait doucement mes joues.
« Ah… »
« Je vous en prie, asseyez-vous. C’est le devoir d’un gentleman d’essuyer les larmes d’une femme. »
« C-c’est… »
J’avais timidement baissé les yeux, mais le Seigneur Sullivan avait souri doucement et continuait à essuyer mes larmes.
Avant de m’en rendre compte, j’avais déjà arrêté de pleurer. Mon cœur battait la chamade à la place.
Qui aurait pu penser qu’une noble de basse classe comme moi aurait un jour la chance de parler avec le prince ?
« Quand je vous ai vu, j’ai pensé qu’une fée des fleurs était venue dans ce jardin. »
« Eeh.… !? »
J’avais fini par crier en réponse aux paroles du Seigneur Sullivan.
Je m’étais empressée de m’excuser pour mes mauvaises manières, mais le sourire chaleureux du Seigneur Sullivan me fit tout oublier.
« Je suis pareil que vous, en fait. Quand des choses cruelles m’arrivent et que j’ai envie de pleurer, je viens toujours dans cet endroit. »
« Des choses cruelles… ? »
Je ne pouvais pas croire qu’un prince aussi parfait avait des problèmes.
« Vous voyez, en fait… »
Lord Sullivan avait alors commencé à parler. Étonnamment, ses inquiétudes étaient très similaires aux miennes.
Le Seigneur Sullivan souffrait également à cause de la personne avec laquelle il était fiancé.
La fiancée du Seigneur Sullivan, Dame Marianne, était une jeune femme dont on pouvait dire qu’elle était sans défaut. Cependant, elle était très fière et méprisait les autres élèves, car elle allait être la future reine.
« Elle ne souhaite pas devenir ma femme : tout ce qu’elle veut, c’est être intronisée reine, pour régner sur ce pays. Elle ne fait que m’utiliser à cette fin, il n’y a pas d’amour entre nous. »
« Non… c’est horrible ! Seigneur Sullivan, vous êtes une personne si douce, si merveilleuse, et pourtant… pourquoi êtes-vous forcé d’épouser une telle personne !? »
« Vous êtes la seule personne qui m’ait jamais dit quelque chose comme ça… Marianne est… oui, comme une de ces méchantes sorcières des contes de fées. »
Ces mots firent que je me sentais encore plus proche de lui.
C’était un parfait prince de conte de fées, qui avait les mêmes problèmes que moi.
Pour une raison inconnue, cela m’avait rendue vraiment heureuse.
Quand j’avais révélé mes propres problèmes, le Seigneur Sullivan m’avait gentiment consolée.
« Je vois, nous sommes pareils, non. »
« Oui… »
C’était ainsi que j’avais rencontré le Seigneur Sullivan.
À partir de ce jour, notre relation avait progressé à un rythme rapide.
Mon prince est enfin venu pour moi…
Ce prince allait sûrement tuer le méchant dragon et me sauver, c’était du moins ce que je croyais.
+++
Partie 2
Je croyais qu’il était impossible que le prince perde contre le dragon, même si je n’avais aucune preuve.
Le Seigneur Sullivan et moi avions continué à nous rencontrer secrètement dans le jardin de fleurs arrière, approfondissant notre relation.
Quand nous étions ensemble, je pouvais me sentir en paix. Un sentiment de pure félicité, que je n’avais pas ressenti depuis la mort de ma mère, emplissait mon cœur.
Notre amour interdit, caché à nos fiancés, brûlait de plus en plus fort à mesure que nous nous voyions, et avait fini par dépasser le point de non-retour.
Le Seigneur Sullivan m’avait invité dans une de ses résidences. J’y étais allée, en évitant d’être vue par quiconque, et nous n’avions fait qu’un.
« Selena, je veux que tu m’épouses. »
Sur le lit, enlacée par Sullivan, des larmes coulaient de mes yeux.
Ses bras, aussi chauds que le soleil, remplissaient mon corps de réconfort. Ses mots doux dégelèrent mon cœur gelé.
Le Seigneur Sullivan caressa ma tête alors que je pleurais de façon incontrôlable. Entourée de sa chaleur, j’avais répondu.
« … Volontiers, mon prince. »
Finalement, le jour fatidique arriva.
Mon noble prince se mit en route pour tuer le méchant dragon.
« Dyngir Maxwell !! Je déclare par la présente que vos fiançailles avec Selena sont rompues !! »
Le Seigneur Sullivan l’avait annoncé au Seigneur Dyngir.
Le Seigneur Dyngir expliqua que rompre un engagement était quelque chose d’injuste, mais le Seigneur Sullivan l’avait affronté sans crainte. Il était comme un brave héros armé de son épée sacrée.
Ses paroles énergiques chassèrent toute peur de mon cœur. Je n’aurais jamais cru voir le jour où je pourrais exprimer mes vrais sentiments à mon terrifiant fiancé.
« … L’annulation des fiançailles est acceptée, pour l’instant. Nous contacterons officiellement la maison royale dans un avenir proche. »
Lorsque j’avais entendu les mots du Seigneur Dyngir, des larmes de joies commencèrent à couler sur mes joues.
J’étais enfin libérée de l’emprise de ce monstre d’homme, j’étais enfin libre.
« Selena ! »
« Seigneur Sullivan… Je suis si heureuse… ! »
On s’était embrassés, sans se soucier des gens qui regardaient. Le jardin était bondé, tout le monde nous regardait. Mais cela avait peu d’importance pour moi.
« Je t’apporterai le bonheur, Selena. Je ne te laisserai jamais partir… jamais. »
« Seigneur Sullivan… Seigneur Sullivan… Je t’aime, Seigneur Sullivan… !! »
Tout cela ressemblait à un rêve, comme la fin de notre conte de fées.
Le méchant dragon était tombé devant le courageux prince et la princesse avait été sauvée.
Les deux individus ne feraient plus qu’un et vivraient heureux pour toujours.
Le temps de félicité, que je pensais durer éternellement, s’était plutôt terminé immédiatement.
« … Et alors ? C’est tout ce que vous avez à dire ? Seigneur Sullivan ? »
« Ah… non… je… »
Nous étions ravis de l’acceptation rapide et inattendue des fiançailles rompues par le Seigneur Dyngir, mais cela n’avait pas duré longtemps : des mots aussi glaçants que de l’eau froide tombèrent sur nous.
Ils provenaient de la fiancée du Seigneur Sullivan, Dame Marianne Rosais. Devant elle, le Seigneur Sullivan, qui était un vaillant prince de conte de fées il y a quelques instants à peine, vacilla terriblement.
Dame Marianne, entourée de gens — probablement ses serviteurs — regardait un Seigneur Sullivan effrayé depuis son siège, comme si elle s’ennuyait complètement.
Le Seigneur Sullivan m’avait parlé de l’horrible personnalité de Dame Marianne, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit une personne aussi dure.
Le Seigneur Sullivan avait accusé Dame Marianne de me maltraiter, soulignant les rumeurs selon lesquelles elle avait des liens secrets avec l’empire et plus encore.
Je n’avais jamais entendu de telles rumeurs, et je n’avais jamais été maltraitée par elle. C’était après toute la première fois que je rencontrais Dame Marianne.
J’étais surprise et j’avais regardé le Seigneur Sullivan, mais il ne m’avait pas accordé un regard.
« Je crains que tout ceci ne soit tout simplement ridicule. Ai-je établi des liens secrets avec l’Empire ? Avez-vous des preuves ? »
Il n’y avait aucune preuve, bien sûr : les excuses du Seigneur Sullivan étaient toutes faites sur le champ. Il était clair qu’il n’y avait aucune vérité en elles.
Dame Marianne soupira d’impuissance, puis se mit à prêcher indéfiniment sur la façon dont la conduite du Seigneur Sullivan était indigne de son titre de prince héritier.
Et alors que le Seigneur Sullivan était complètement dévasté, Dame Marianne prononça ses derniers mots.
« Vous souhaitez annuler les fiançailles ? C’est bien. Que notre relation prenne fin ici et maintenant. »
L’expression du Seigneur Sullivan s’était éclaircie. Les mots qui suivirent, cependant, le figèrent à nouveau.
« Je vais dûment informer mon père, le chancelier, de l’infidélité du Seigneur Sullivan et de vos fausses accusations à mon égard. Soyez assuré que je n’épargnerai aucun détail. Préparez-vous à recevoir une punition appropriée pour vos actions. J’espère que vous ne croyez pas que vous serez roi sans le soutien de la maison Rosais, hein ? »
« Ah… et bien… c’est que… »
Le Seigneur Sullivan était visiblement secoué et ne pouvait pas parler clairement.
Mon prince bien-aimé était troublé et acculé, j’avais alors surmonté ma peur et j’avais réussi à parler.
« Dame Marianne ! Le Seigneur Sullivan est le prince héritier !! Vos paroles dépassent votre rang !! »
« Savez-vous à qui vous parlez ? Ceux de rang inférieur ne devraient pas parler à ceux de rang supérieur, comme le veut la règle tacite de la haute société. Honte à vous, misérable fille de baron ! »
Fouettée par les mots durs de Dame Marianne, j’avais tremblé de colère.
C’est vraiment une sorcière maléfique… comme l’a dit le Seigneur Sullivan…
« Je… je suis l’amoureuse du Seigneur Sullivan… »
« Ah, vous êtes la maîtresse. C’est dégoûtant. »
« Dégoûtant… ? Non, c’est… »
« Je n’ai strictement rien à faire de ce que vous ferez après la rupture de mes fiançailles avec Son Altesse. Jusqu’à ce que les procédures appropriées soient prises, cependant, nous sommes engagés. Je ne pas envie de souiller mes oreilles en écoutant les mots d’une femme qui convoiterait un homme fiancé. Ne dites plus un mot, s’il vous plaît. »
« Comment pouvez-vous dire quelque chose de si cruel… ? Qu’est-ce que je vous ai fait… ? »
« Que m’avez-vous fait ? Eh bien, je suppose que vous devriez me dire où vous êtes allé dans la soirée d’il y a deux jours. Vous avez laissé une demande pour passer la nuit à l’extérieur du dortoir, n’est-ce pas ? »
« Ah… »
Les mots de Dame Marianne m’avaient aussi laissée de glace. C’était le jour où le Seigneur Sullivan et moi ne faisions plus qu’un pour la première fois.
« M’avez-vous peut-être prise pour une idiote ignorante ? L’héritier du Maréchal Maxwell n’était apparemment pas au courant de votre relation, mais c’est uniquement parce qu’il n’a manifesté que le moins d’intérêt possible pour vos affaires. Pensiez-vous vraiment que vos tentatives puériles de dissimuler votre rendez-vous galant tromperaient les yeux de la maison Rosais ? »
« Ah, je… c’est… mais… »
« J’avais prévu de tout passer sous silence s’il s’agissait d’une broutille, mais maintenant que les choses ont tourné ainsi, je n’aurai aucune pitié. J’ai suffisamment de preuves de votre infidélité, que je vais soumettre à l’attention de Sa Majesté le roi. Combien de temps Sa Majesté vous protégera-t-elle avant de devoir vous abandonner ? Ce sera quelque chose que j’aimerais voir. »
Le Seigneur Sullivan et moi étions tous deux trop choqués pour bouger.
Notre relation était exposée depuis je ne sais quand. Nous avions été découverts, mais laissés seuls.
« Si vous voulez bien m’excuser, alors… oh, et… au revoir, mon ancien fiancé. »
« A-a-attends… !! »
« Oh non, je ne ferai pas ça. Je n’ai plus le devoir d’obéir à vos paroles. »
Le Seigneur Sullivan tenta néanmoins de s’accrocher à Dame Marianne, mais ses serviteurs l’en empêchèrent.
Dame Marianne s’en alla donc, ses manières gracieuses ne quittant pas sa personne un seul instant.
Sa silhouette noble et fière me fit penser un instant qu’elle était l’image parfaite d’une reine.
Inquiète, j’avais pris la main du Seigneur Sullivan.
La main qui caressait ma tête si doucement lorsque nous étions au lit ensemble tremblait maintenant très légèrement.
« Seigneur Sullivan… »
« Tout va bien, ne t’inquiète pas. Selena… Je te protégerai quoi qu’il arrive. Père ne m’abandonnera jamais… alors, ne t’inquiète pas… »
« … »
Le visage du Seigneur Sullivan était étiré, ses yeux étaient grands ouverts et injectés de sang. Il parlait comme s’il voulait se convaincre lui-même plus que moi.
Le noble prince qui avait bravement affronté le Seigneur Dyngir avait complètement disparu, me montrant un visage rempli d’inquiétude, de peur et de traces de regret.
Ce n’était plus un prince de conte de fées, mais la figure très réaliste d’un homme poussé au désespoir.
Mon cœur, quant à lui, était rempli d’inquiétude pour un avenir que je ne pouvais plus prédire.
Ce qui nous attendait ensuite ne fut qu’une suite incessante de chute.
Avant que nous ne puissions faire quoi que ce soit, le Seigneur Sullivan fut rayé du registre royal et forcé de se marier à la maison des Nommes.
Père et frère avaient condamné le Seigneur Sullivan et moi : à cause de nous, le maréchal Maxwell voyait désormais les Nommes d’un mauvais œil.
Après s’être marié dans ma famille, le Seigneur Sullivan était tout d’abord confiant qu’il retournerait bientôt dans la famille royale et envoyait de nombreuses lettres à Sa Majesté le roi et à ses amis parmi les puissants nobles de la capitale royale.
Cependant, le Seigneur Sullivan s’était progressivement irrité du fait qu’aucune réponse ne lui parvenait et avait fini par me crier dessus.
Le gentil prince n’était nulle part. Non, peut-être que c’était la vraie nature du Seigneur Sullivan.
Si seulement tu n’existais pas
J’avais fait semblant de ne pas remarquer les lueurs de tels sentiments dans les yeux du Seigneur Sullivan et j’avais continué à vivre en interagissant le moins possible avec mon père et mon frère.
Puis ce jour était finalement arrivé — j’allais devenir l’épouse du Seigneur Sullivan.
J’étais la fiancée d’un homme qui avait tout perdu, une mariée qui n’avait pas été bénie par sa famille, ses amis, ou qui que ce soit.
« Dame Selena, les préparatifs de la cérémonie sont terminés. Par ici, s’il vous plaît. »
« … Oui, je viens. »
Je répondis à la servante venue m’appeler et me levai de ma chaise.
La magnifique robe laissée par ma mère bien-aimée. La robe blanche et pure que je rêvais de porter semblait maintenant souillée par des taches invisibles et indescriptibles.
+++
Chapitre 9 : La puberté est gênante aussi bien pour le parent que l’enfant
Bureau du manoir du Maréchal Maxwell.
J’étais assis devant le bureau, regardant des documents, ce qui était rare pour moi.
J’étais plutôt une personne d’extérieur : même pour le travail, je préférais généralement être sur le terrain, à donner des ordres directement.
Bien sûr, tout ne pouvait pas être fait de cette façon, je devais donc parfois m’occuper de la paperasse.
Actuellement, il n’y avait que deux personnes dans le bureau : moi et mon père, l’actuel Maréchal Maxwell.
C’était un peu gênant de travailler seul avec mon père. Je n’avais rien à dire avec lui et l’ambiance était plutôt tendue.
Mon père aussi semblait mal à l’aise : je l’avais vu jeter des coups d’œil dans ma direction à plusieurs reprises pendant que nous travaillions. Il aurait pu prendre la parole s’il avait eu quelque chose à dire, mais apparemment il avait autant de mal que moi à trouver un sujet.
L’ambiance gênante avait finalement été interrompue lorsqu’une troisième personne entra dans le bureau.
« Excusez-moi, mon seigneur, jeune maître. »
Ce tiers était l’intendant de la maison.
Il m’appelait habituellement « Seigneur Dyn », comme il le faisait lorsque j’étais enfant, mais, lorsque je travaillais, il utilisait le terme « jeune maître ».
« Je viens de rentrer. Je m’excuse de vous avoir fait attendre. »
« Oui, merci pour ton dur labeur. »
Mon père, très soulagé, salua l’intendant.
L’intendant avait participé à la cérémonie de mariage de la maison Nommes à ma place.
« La cérémonie de mariage de la jeune Dame Nommes et du Seigneur Sullivan s’est déroulée sans accroc. Ils ont été extrêmement heureux des cadeaux de félicitations et m’ont confié également un cadeau en retour. »
« Je vois, c’est bon de savoir que tout s’est bien passé. »
Mon père soupira de soulagement.
Naturellement, j’avais tout rapporté du déchaînement de Sullivan lorsqu’il était venu me rendre visite.
Sullivan avait été jusqu’à dire qu’il me rendrait sa fiancée, Selena. Son père s’inquiétait sûrement de savoir s’il serait effectivement présent à la cérémonie.
« Excellent, comme l’a dit le vieux. Comment s’est déroulée la cérémonie ? »
L’intendant de la maison hocha la tête et commença à expliquer.
« Les proches parents de la maison Nommes ont tous participé à la cérémonie, mais la maison Efreeta, la maison Silfis, la maison Ondine et les autres serviteurs directs de la maison Maxwell n’étaient pas présents. »
« Eh bien oui, je savais bien qu’ils ne s’y rendraient pas. Et les nobles de la capitale ? »
« Quelques amis du Seigneur Sullivan étaient présents, mais ils étaient tous comtes ou nobles de rang inférieur. Les maisons de ducs et de marquis n’ont apparemment envoyé que des messagers. »
« Je vois. »
Les puissants nobles de la famille royale avaient alors complètement abandonné Sullivan.
À peu près au même moment où le mariage de Sullivan et Selena avait été officiellement enregistré, la famille royale avait annoncé que le frère cadet de Sullivan, le prince second-né, était le nouveau prince héritier.
La raison pour laquelle Sullivan avait été démis de son poste de prince héritier n’était pas qu’il s’était battu contre les maisons Rosais et Maxwell, mais parce qu’il avait trouvé le grand amour.
Selon l’annonce de la famille royale, Sullivan était tombé amoureux d’une noble de bas rang.
Un amour interdit entre un homme et une femme déjà fiancée à d’autres.
Afin d’être avec son véritable amour, Sullivan avait volontairement renoncé à son titre de prince héritier et avait coupé tout lien avec la famille royale.
Émues par leur amour pur, la maison Rosais et la maison Maxwell avaient donné leur bénédiction à cette union. Sullivan s’était donc marié dans la maison du Baron Nommes… du moins, c’était ce que disait l’annonce.
Je suppose que le duc Rosais a monté toute l’intrigue. C’est presque admirable de voir comment ils peuvent servir la famille royale malgré une telle trahison.
J’avais silencieusement loué le duc Rosais, un modèle de noblesse à mes yeux, puis j’avais croisé les bras et pensé tout haut.
« Maintenant, il n’y a plus aucune chance pour Sullivan de revenir un jour dans la famille royale. Mais cet imbécile instable acceptera-t-il cette situation… ? »
« Tu parles comme si tu n’avais rien à voir avec ça… tout ça est arrivé parce que tu l’as poussé trop fort, pas vrai ? »
Père soupira désespérément et me réprimanda.
« Il s’est battu avec moi en premier. Sans représailles appropriées, la réputation de la maison Maxwell en aurait souffert, non ? »
On m’avait enlevé ma fiancée et j’avais été humilié publiquement : si je me contentais d’encaisser et de ne rien faire, la maison Maxwell aurait donné l’apparence d’être le toutou de la famille royale. Même si la famille royale était supérieure en rang, nous devions montrer qu’elle ne pouvait pas faire tout ce qu’elle voulait.
« De plus, en regardant les résultats, je suis presque sûr que c’est une bonne chose que ce type ne soit plus le prince héritier. S’il devenait roi, le pays tomberait définitivement dans le chaos. »
« Je le sais bien. »
Père secoua la tête encore plus désespérément, puis continua.
« Ce que je veux dire, c’est qu’il n’était pas nécessaire de l’imposer à la maison des Nommes ! Si ce misérable imbécile devient le prochain Baron Nommes, la province en souffrira certainement ! »
Misérable imbécile ? Le vieil homme savait aussi manier les mots.
Eh bien, après avoir connu le récent déchaînement de Sullivan, je suppose qu’il serait normal de le décrire ainsi.
« Je suis tout à fait d’accord sur ce point. Le marier aux Nommes aurait pu être une idée superficielle de ma part. »
J’avais écarté les bras et exprimé mon accord avec les mots de mon père.
Père se frottait les tempes, comme s’il essayait de supprimer un mal de tête.
Je l’ai rendu inquiet… ses cheveux vont devenir encore plus blancs qu’avant.
J’avais regardé la tête de mon père et j’avais un peu regretté le fait de lui avoir donné plus de raisons de s’inquiéter.
Je n’avais aucune intention de troubler mon père, et je ne souhaitais pas non plus que la province de l’Est tombe dans le désarroi.
Je regrettais donc sincèrement que mes actions aient abouti à ce résultat.
« Quoi qu’il en soit, ne t’inquiète pas, Père. J’ai une idée sur la façon de traiter avec Sullivan. »
J’avais semé les graines, il était donc temps de les récolter.
Pour être parfaitement honnête, maintenant que je l’avais arraché de sa position de prince héritier et jeté dans la maison du baron, je n’avais plus guère d’intérêt pour Sullivan, mais je devais assumer mes responsabilités jusqu’au bout.
« … Que complotes-tu cette fois-ci ? »
« Seigneur Dyn, s’il vous plaît, n’en faites pas trop… »
« Haha, ne m’appelle pas comme ça quand je travaille. C’est bon, je n’en ferai pas trop, et je ne dérangerai pas le vieux cette fois-ci. »
Je voulais apaiser leurs inquiétudes, mais l’intendant et Père avaient l’air encore plus inquiets qu’avant.
Ils ne me font pas confiance du tout, hein… oh, très bien.
« Vous n’avez vraiment pas besoin de vous inquiéter, d’accord ? Je ne vais rien faire de compliqué. Si Sullivan agit d’une manière adaptée à son statut actuel, alors c’est bon. S’il ne le fait pas, alors je ferai simplement ce que ma position d’héritier du maréchal m’oblige à faire. Je vais juste donner à Sullivan un test de loyauté, pour voir s’il est apte à devenir un noble de la province orientale. »
« … Qu’il en soit donc ainsi, je m’en remets à toi. »
« Et tu ne le regretteras pas. Tu pourrais aussi bien me laisser ces documents, j’ai déjà fini ma part. »
« … »
Je pris les documents des mains épuisées de mon père et continuai à faire mon travail d’héritier du maréchal.
Il restait encore un peu de temps avant qu’une nouvelle agitation ne frappe la province orientale du royaume de Lamperouge.
+++
Chapitre 10 : La vie nocturne est pleine de dangers
La plus grande ville du territoire de Maxwell était la capitale du district, Avalon.
Située au cœur du territoire, Avalon était une ville à deux visages.
Le premier était celui du jour : en tant que plus grand quartier commercial des provinces de l’est, elle abritait un marché fréquenté par les commerçants allants et venants des provinces du centre, du nord et du sud.
Le marché était également bondé de marchands de la province orientale, à la recherche de nouvelles marchandises, ainsi que de la population locale, de sorte qu’il était animé comme un festival chaque jour.
L’autre visage de la ville apparaissait la nuit. Au coucher du soleil, les tavernes et les bordels ouvraient leurs portes. Dans la rue, on commençait à voir des ivrognes vacillants et des femmes invitant les hommes à les suivre dans leurs ruelles. Des torches brûlaient brillamment dans les rues remplies de l’odeur du parfum et de l’alcool.
Je marchais dans les rues de cette Avalon, me dirigeant vers une certaine ruelle. Je ne connaissais que trop bien le chemin, après l’avoir emprunté tant de fois, je n’avais donc pas besoin de guide.
Le quartier dans lequel je me trouvais maintenant s’était transformé en bidonville, on pouvait donc voir des vagabonds et des orphelins affamés ici et là.
« Aussi morne que jamais… »
La capitale du district semblait bondée et animée dans les rues principales, mais un pas au-delà de celles-ci révélait un environnement désolé.
Les ruelles étaient les endroits laissés pour compte par le développement urbain, où se rassemblaient des gens qui gagnaient à peine de quoi vivre le lendemain.
Chaque fois que je visitais cet endroit, j’avais l’impression que des épines acérées de glace me transperçaient la poitrine. En tant que membre de la classe dirigeante, je me sentais responsable.
Ce n’est pas non plus comme si les politiques du vieux avaient échoué. Peu importe le nombre d’institutions publiques que nous créons et les emplois que nous donnons aux pauvres, il y a toujours des gens qui se ruinent.
Certains se ruinaient avec l’alcool ou les femmes.
Certains jouaient jusqu’à ce qu’ils se noient dans les dettes.
Certains étaient trompés dans leur investissement.
Peu importe la capacité du seigneur, de la manière dont il aimait et chérissait le peuple, il y aura toujours des gens qui tomberont dans les fosses de la société.
Il n’y avait pas de raison d’y réfléchir. Je le savais dans ma tête, mais…
« Nous devons au moins faire quelque chose pour les enfants. Construire un nouvel orphelinat, afin de s’assurer qu’ils puissent recevoir un minimum d’éducation… mais on ne peut rien faire sans argent… »
J’avais avancé dans les ruelles sans hésiter, tout en grommelant pour moi-même.
J’étais venu rendre visite à un homme qui vivait dans ces taudis.
Il était déjà tard dans la nuit. Ce n’était certainement pas une heure où un jeune héritier devait se promener seul, mais personne du manoir ne m’avait arrêté, pensant que je me rendais de toute façon dans un bordel.
Dois-je prendre cela pour de la confiance ou de l’irresponsabilité… ? C’est bien là le problème.
Je sortais pour une raison très sérieuse, mais tout le monde pensait que je ne cherchais que le plaisir, ce qui était assez irritant.
La personne que j’allais rencontrer n’était pas quelqu’un que je pouvais voir en public, il fallait donc agir en secret.
« Mais d’abord, pourquoi doivent-ils vivre dans un endroit comme celui-ci ? C’est ce que je ne comprends pas à propos de ces types de la pègre… hm ? »
J’avais soudainement senti une présence et m’étais arrêté dans mon élan.
« … On dirait que j’ai un invité. »
Quelqu’un se cachait dans les environs. Ce n’était certainement pas quelqu’un des bas-fonds : une aura poisseuse et lourde d’intention meurtrière se dégageait d’elle.
C’était l’aura typique d’un assassin, quelque chose que j’avais appris à reconnaître après des années d’expérience.
« C’est bien ma chance… si je dois m’amuser la nuit, je ne veux le faire qu’avec de jolies filles, par contre… »
J’avais tourné au coin de la rue et j’étais arrivé sur une parcelle vide.
Heureusement, il n’y avait pas de vagabonds dans le coin. C’était l’endroit parfait pour faire un peu de folie.
J’avais soufflé la flamme de la lampe que je portais et l’avais posée sur le sol. Le seul éclairage restant était le clair de lune, mais je voyais assez bien dans le noir, donc ce n’était pas un problème pour moi.
Je dégainai l’épée à ma taille et posai une question à l’obscurité.
« Je suis prêt et je t’attends ici… et toi ? »
La réponse était venue sous la forme d’une flèche.
Je l’avais esquivée sans trop d’effort, mais une deuxième, puis une troisième flèche avaient suivi.
« Hm, là… ! »
Alors que je continuais à esquiver les flèches, j’avais senti une présence au-dessus de ma tête.
« Prends ça !!! »
Un homme sauta du bâtiment situé à côté de la parcelle vacante. Les attaques de flèches étaient apparemment destinées à me conduire ici.
« Qu’est-ce que tu fais, tu cries pendant une embuscade ? Ordure de troisième ordre. »
« Gah… ! »
J’avais rapidement esquivé la dague de l’homme et lui avais tranché la tête.
J’avais ensuite attrapé la dague tombée de sa main et l’avais jetée à l’endroit d’où provenaient les flèches.
« Ghaah !! »
« Bingo ! Qui est le suivant ? »
Je doutais qu’ils aient réellement répondu à mon appel, mais deux hommes armés d’épées étaient apparus par devant, puis un avec une hache par-derrière, tentant de me prendre en tenaille.
« Yaaahhhhh !!! »
« Meuuuuuuurt !!! »
Les deux épées à l’avant étaient arrivées en premier. Je m’étais penché sur le côté et m’étais glissé dans l’ouverture qui les séparait.
« Quoi !? »
« Viens ici. »
« Gwaah !? »
J’avais tiré la main d’un des hommes pour lui faire perdre l’équilibre, puis j’avais tourné derrière lui et lui avais donné un coup de pied dans le dos.
Je lui avais donné un coup de pied dans la direction précise où se trouvait l’homme à la hache, qui visait à me frapper par-derrière, mais il avait fini par fendre la tête de son camarade en deux.
« Ne croyez pas que ce genre de travail d’équipe bâclé va marcher sur moi !! »
Après avoir nargué les agresseurs, j’avais abattu l’autre épéiste. Seul l’homme à la hache était resté.
« Merde !! »
« Attends, toi !! »
Le bûcheron avait jeté son arme au sol et s’était enfui. Surpris par la tournure soudaine des événements, je ne l’avais pas immédiatement poursuivi.
« Tu as tué ton propre camarade et maintenant tu t’enfuis ? Alors, pourquoi es-tu venu ? Tu ne vas pas les venger !? »
« Tais-toi !!! Ma propre vie est plus importante que tout cela ! !! Camarades ? On s’en fout ! »
Tout en faisant preuve d’un égoïsme presque rafraîchissant, l’homme et sa présence disparurent dans l’obscurité.
Il serait assez dangereux de le poursuivre dans les ruelles noires, j’avais donc décidé de le laisser partir.
« Aah, merde… j’ai oublié de demander qui les a lancés sur moi. »
Je m’étais gratté la tête en rengainant mon épée, puis j’avais attrapé la lampe que j’avais laissée sur le sol.
« GWAAAHHHHH !!! »
« Hm ? »
À ce moment précis, un cri d’agonie était sorti des ténèbres.
Un cri qui, si j’avais bien entendu, provenait de l’homme que je venais de perdre de vue.
« Ce n’était pas… quelqu’un de mon côté, n’est-ce pas ? »
« Correct, je ne suis pas votre allié. »
Je ne m’attendais certainement pas à une réponse, mais j’en avais reçu une des ténèbres. C’était une voix féminine claire et légère, comme une brise soufflant dans les plaines.
J’avais entendu des pas se rapprocher, et finalement, la propriétaire de la voix s’était avancée dans la lumière de la lune.
« Oh, une fleur de clair de lune… pas mal du tout. »
(NdT : Dyngir utilise le nom de la fleur comme un jeu de mots. En japonais, c’est littéralement « Beauté au clair de lune »)
« Je ne suis pas exactement sûr de ce que vous voulez dire, mais je vais prendre cela comme un compliment. Je suppose que je devrais vous remercier. »
C’était une belle femme avec des cheveux argentés s’étendant jusqu’à sa taille. Dans ses mains, elle portait une lance.
Elle tourna la poignée et dirigea la pointe de la lance vers moi.
Chacun de ses mouvements était gracieux et raffiné, presque mystique.
Je vois… sortir jouer ce soir en valait vraiment la peine… !
La nuit s’avérait être plus amusante que je ne le pensais.
Mes lèvres s’étaient courbées en un sourire féroce alors que je pointais mon épée vers la beauté au clair de lune.
Mes yeux s’étaient rétrécis tandis que je l’examinais attentivement de la tête aux pieds, puis j’avais hoché vigoureusement la tête.
Elle est sans aucun doute habituée à tuer.
Je n’avais pas pu trouver de réelle ouverture dans sa position.
Son aura indiquait clairement que toute hésitation ou frappe imprudente se terminerait avec sa lance empalée dans son corps.
Elle était soit une mercenaire vétéran, soit un chevalier.
Un tout autre niveau que les gars en noir d’avant. C’est à tous les coups ma plus grande menace aujourd’hui, ou peut-être…
La femme portait une simple robe blanche avec une demi-plaque de cuir par-dessus. La robe avait de longues fentes qui exposaient généreusement ses jambes nues. Une peau claire et pâle qui brillait à la lumière de la lune. Honnêtement parlant, elle avait l’air terriblement appétissante.
« C’est une robe très provocante que vous portez -là. Ça ne vous gêne pas pendant vos assassinats ? »
C’était vraiment dommage qu’elle soit un assassin. Si elle était une femme d’un autre métier, je remplirais volontiers ses poches d’or.
Sa réponse, cependant, était plutôt inattendue.
« Oh, s’il vous plaît, ne vous méprenez pas. Je ne suis pas un assassin, mais une aventurière. »
« Une aventurière ? »
Les aventuriers étaient des personnes qui exploraient des ruines anciennes et d’autres terres inconnues, déterraient des trésors, exterminaient des bêtes dangereuses, et d’autres choses similaires pour gagner leur vie.
Il y avait peu de ruines de ce type sur le territoire des Maxwell, donc j’en rencontrais rarement, mais dans la province du Nord, où les ruines étaient éparpillées partout, la guilde — une organisation créée pour gérer les aventuriers et leurs activités — avait suffisamment de pouvoir et d’autorité pour rivaliser avec l’État.
« Aux dernières nouvelles, je ne suis pas un monstre. Je n’ai rien fait non plus pour devenir la cible d’une extermination. »
« Peut-être pas dans ce pays, mais malheureusement je viens de l’empire de l’Est. La guilde des aventuriers a mis à prix la tête de Dyngir Maxwell, assez d’argent pour acheter un château. »
« Eh bien, n’est-ce pas un honneur. »
Il s’était avéré que la dame était une tueuse envoyée par nos voisins, l’Empire.
L’Empire occupait les terres au nord et à l’est du royaume de Lamperouge : nous avions eu plusieurs conflits militaires par le passé.
J’avais participé de nombreuses fois à ces batailles. J’avais fait tomber des commandants célèbres, et plus d’une fois. Je comprenais pourquoi j’étais une personne visée.
La belle aventurière pointa sa lance vers l’un des cadavres étendus sur le sol.
« Bien que je doive dire que j’ai uni mes forces avec ces gens pour la première fois aujourd’hui, et je ne sais pas d’où ils viennent. Ils semblaient habitués aux embuscades dans l’obscurité, donc ils pourraient être de véritables assassins. »
« C’est le cas. Quoi qu’il en soit, vous avez tué le gars qui s’est enfui plus tôt, non ? Cela ne va-t-il pas être un problème pour vous ? Même si ce ne sont pas des aventuriers, je pensais que tuer ses camarades était tabou dans votre métier. »
J’avais évoqué le fait qu’elle avait tué un de ses camarades, mais elle s’était contentée de rire.
« Non, ce n’est pas un problème, merci. Nous avons juste été engagés par les mêmes personnes, ils ne sont pas considérés comme des camarades pour moi. En fait, j’étais opposé à cette embuscade. Se battre contre un guerrier de renom comme Dyngir Maxwell comme ça, à plusieurs contre un, en se cachant dans l’obscurité ? Ce serait une opportunité complètement gâchée. »
« Ce serait un gâchis ? » j’avais demandé avec un froncement de sourcils suspicieux.
« Oui. J’ai proposé de vous défier en duel, de vous affronter un par un, dans l’ordre. Cependant, ils ne l’ont même pas envisagé et ils m’ont écartée de toute discussion ultérieure. »
Ainsi s’expliqua la belle aventurière, avec un ton déçu dans la voix.
Je trouvais sa volonté de se battre à la loyale louable, mais ce n’était pas une stratégie intelligente.
Malgré son extérieur calme et posé, se pourrait-il qu’elle ne soit qu’une idiote ?
« Eh bien, maintenant il n’y a plus que vous et moi, donc je suppose que tout est bien qui finit bien. En fait, j’ai accepté cette demande parce que je voulais me battre contre vous. Il n’y a plus personne sur le chemin, alors croisons les épées à notre guise, d’accord ? »
« … Je vois, vous êtes donc ce genre d’individu. »
Il y a des gens qui se sentaient plus vivants quand ils se battaient en mettant leur vie en jeu. On les appelait les « drogués du combat », mais pour moi, ce n’était que des idiots gênants. Apparemment, elle en était une aussi : la seule chose à laquelle elle pensait était de me combattre dans un duel à mort.
« … Personnellement, je préfère me battre au lit avec de belles femmes. », avais-je soupiré tout en exprimant honnêtement mon opinion.
La dame aventurière m’avait répondu avec un air sérieux.
« Vous pourrez faire ce que vous voulez après m’avoir tuée. Je ne pourrai plus résister, alors vous pourrez y aller à fond, d’accord ? »
« Vous me prenez pour un maniaque ou quelque chose comme ça… ? Si je couchais avec une femme après l’avoir tuée, je parie que je ferais des cauchemars plus tard. »
« Vous êtes difficile, n’est-ce pas. Vous avez pu en supporter autant. »
« Quoi ? C’est moi qui suis bizarre ici ? »
De toute évidence, parler ne me menait nulle part.
J’avais pris une longue inspiration, puis j’avais préparé mon épée dans une position de combat.
Ma lame avait ensuite été pointée vers la poitrine généreuse de mon adversaire.
« Ça ne sert à rien de gaspiller des mots, hein. On dirait qu’il sera plus rapide de laisser nos armes parler. Je vais vous capturer vivante : je vais vous frapper jusqu’à ce que vous ne puissiez plus bouger, puis vous traîner jusqu’à l’auberge la plus proche. »
« Comme c’est intéressant… Voyons si vous êtes vraiment assez habile pour me capturer vivante !!!. »
« Rassurez-vous, je le ferai… je suis Dyngir Maxwell. Nommez-vous, princesse de la nuit. »
Après m’être présenté, ma belle adversaire dévoila ses crocs, telle une lionne visant sa proie.
« Je suis Shana Salazar ! Que nos corps et nos âmes brûlent dans la joie de la bataille ! »
La princesse de la nuit, Shana, avait poussé sa lance, que j’avais rencontrée avec mon épée.
Les deux armes s’étaient heurtées bruyamment, projetant des étincelles vives dans l’obscurité.
+++
Chapitre 11 : Lance magique et épée magique
Dans un terrain vague des bas-fonds d’Avalon, des bruits de métal s’entrechoquant résonnaient de façon répétée.
« Ha, ha, ha, hahaha !! C’est tellement excitant !! Dyngir Maxwell !! »
« Heureux d’entendre ça ! Mais je me bats pour ma vie ! »
Alors que je pensais avoir paré la lame venant de la gauche, elle poussa sa lance vers la droite.
Et quand je bloquais ses coups d’en haut, elle tentait une attaque d’en bas.
Les attaques incessantes de Shana m’avaient forcé à prendre une position défensive.
La lance était supérieure à l’épée dans deux domaines.
Le premier était, évidemment, sa portée. Le second était la capacité d’attaquer avec ses deux extrémités, la lame et la hampe.
La lance de Shana était un peu plus courte que celles utilisées par les soldats dans les batailles rangées. Grâce à sa longueur réduite, elle pouvait la faire tourner et utiliser la force centrifuge pour déclencher des attaques continues.
Et alors que je ne pouvais attaquer avec mon épée qu’une fois, Shana pouvait effectuer deux attaques avec la lame et la hampe de son arme. Notre vitesse était plus ou moins la même, ce qui signifiait que j’avais un énorme désavantage en termes de fréquence d’attaque.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? Est-ce tout ce à quoi se résume le prodige Maxwell !? »
Shana était probablement confiante en sa supériorité : elle cria tout en continuant à attaquer, sans me laisser le temps de retrouver mon équilibre.
« Hah, je ne peux pas faire le malin devant une belle femme comme toi ! Je suppose que je devrais faire des efforts ! »
J’avais esquivé le coup de lance de Shana et utilisé ma main libre pour effectuer un coup de paume. Ma cible était le centre de la lance de Shana, l’axe de ses rotations.
« Khuh !? »
Peu importe la vitesse à laquelle elle faisait tourner son arme, tant qu’elle tournait de manière circulaire, il devait bien y avoir un centre de rotation.
Puisque l’axe ne bougeait pas, il n’y avait aucun moyen d’esquiver ma frappe.
Shana prit tout le poids de l’impact et fut renversée en arrière.
« Impressionnant… ! Voir à travers ma lance en si peu de temps… ! »
« Après tout, j’excelle à trouver les points vulnérables d’une femme ! »
J’avais utilisé la pointe de mon épée pour donner une pichenette à l’un des cailloux à mes pieds, l’envoyant voler.
Même si ce n’était qu’un caillou, il pouvait facilement assommer quelqu’un à cette vitesse si ce dernier était touché au front.
« Quoi !? »
Shana s’était empressée de bloquer l’attaque venant d’au-delà de la portée de mon épée.
C’était enfin mon tour. J’avais continué à la bombarder de cailloux, sans lui laisser une seconde de pause.
« Tch ! Ah ! Tu es vraiment agile, hein !! »
Shana s’était progressivement rapprochée, tout en parant mes projectiles de pierre.
J’avais fait un pas en arrière en même temps qu’elle, afin que la distance entre nous ne change pas.
J’avais bien sûr continué à lancer des pierres tout en me déplaçant. Je n’allais plus jamais me retrouver à portée de sa maudite lance.
« Haha, j’admets que c’est agréable d’être poursuivi par une si jolie femme ! »
« Grr, sois maudit, toi et tes trucs… ! Il est temps de changer de plan… »
Shana arrêta de parer les cailloux. Elle recula un peu et mania sa lance dans une position différente.
Elle semblait à première vue pleine d’ouvertures : mes pierres frappaient ses épaules et ses jambes, mais elle ne semblait pas affectée.
Qu’est-ce qui se passe… ?
J’avais eu un mauvais pressentiment et m’étais concentré davantage sur ses mouvements.
L’instant d’après, j’avais constaté que mon instinct avait vu juste.
« Serpent d’eau !! »
« Quoi !!? »
Shana poussa sa lance en avant et un véritable serpent de mer s’était matérialisé à son extrémité.
Un serpent, aussi épais que le bras d’un homme adulte, fonça vers moi à grande vitesse.
J’avais instinctivement roulé sur le sol pour esquiver les crocs du serpent. La créature aquatique s’était alors écrasée sur le mur de pierre derrière moi.
« Cette lance… est un outil magique !? »
« En effet ! C’est ma partenaire bien-aimée, Léviathan ! »
Dans ce monde, la force mystérieuse appelée « magie » n’existait plus.
Elle n’apparaissait que dans les contes de fées et autres histoires similaires : les « utilisateurs de magie » faisaient partie de la légende.
Cependant, mille ans en arrière, les techniques magiques étaient répandues : les objets magiques, vestiges d’une telle époque, étaient parfois retrouvés dans des ruines anciennes.
Les objets magiques étaient les derniers témoignages d’une époque où les civilisations magiques étaient florissantes. À l’époque actuelle, alors que l’usage de la magie se perdait, ils étaient considérés comme des objets miracles.
« J’ai trouvé cet objet magique moi-même lorsque j’ai exploré les ruines de l’Empire. Ses capacités sont réelles, comme tu viens de le constater ! »
Shana balança sa lance deux fois, envoyant ainsi deux serpents d’eau m’attaquer.
« Tch ! »
Les deux serpents m’avaient attaqué de gauche et de droite, et je n’avais pas pu m’esquiver complètement : l’un d’eux m’avait frôlé le bras gauche, qui s’était mis à dégouliner de sang.
« Cette lance me permet de créer des serpents faits d’eau et de les envoyer attaquer mes ennemis. Au final, ce n’est que de l’eau, ils ne sont donc pas assez forts pour endommager le métal, mais ils peuvent détruire la pierre, ou déchirer facilement le cou de quelqu’un. »
« Oui, je le sens bien. C’est vraiment impressionnant !! »
Mon visage était tordu de colère.
J’avais finalement rencontré une beauté à couper le souffle, mais il s’était avéré que c’était une tueuse envoyée pour me tuer, et qu’elle était en plus armée d’une arme magique. C’était fou.
« … Tu as raison, ça va être difficile de te prendre la vie. »
« Tu dis cela comme si c’était facile de me tuer. Hehehe, tu peux vraiment faire brûler mon corps et mon âme… ! J’ai presque envie de t’embrasser et de te donner un baiser. »
« Je l’accepterai avec plaisir, n’importe quand ! »
« Oh, je le ferai — mais à ton cadavre !! »
Shana balança sa lance plusieurs fois, créant chaque fois un serpent d’eau.
Une fois de plus, j’avais été forcé de me mettre sur la défensive et j’avais couru autour de la parcelle vide des bidonvilles.
Cependant, mettre plus de distance entre nous s’était avéré être en ma défaveur. J’avais commencé à m’essouffler sans trouver d’ouverture pour contre-attaquer.
C’est vraiment une sacrée femme… !
La situation était dangereuse, mais je n’étais pas vraiment inquiet.
Je ne pouvais pas contre-attaquer immédiatement, mais j’étais sûr qu’elle ne pouvait pas continuer un tel barrage éternellement.
« Pendant combien de temps vas-tu courir dans tous les sens ? Ne voulais-tu pas me capturer vivante ? »
« Nan, courir comme ça me convient très bien. Tu vas de toute façon t’effondrer d’un moment à l’autre. »
« Qu’est-ce que tu as dit !? »
Les sourcils bien dessinés de Shana s’étaient redressés.
« J’ai combattu plusieurs fois des utilisateurs d’outils magiques, je sais qu’on ne peut pas les utiliser éternellement. Tu finiras par être à court de force. »
Les outils magiques se nourrissaient de l’énergie physique de l’utilisateur, de son esprit, et peut-être d’une « énergie mystérieuse » que nous ne connaissions pas.
« Tu as déjà beaucoup balancé cette lance, et je sais que tu te fatigues. Tu devrais essuyer cette sueur de façon sexy sinon tout le monde peut le voir. »
« Ngh… »
Shana avait balancé sa lance avec un abandon insouciant tout le temps, mais après avoir utilisé ses capacités d’outil magique, elle avait commencé à transpirer abondamment.
À en juger par le fait que ses jambes, exposées par les fentes de sa robe, transpiraient clairement aussi, elle devait être déjà assez fatiguée.
« Je n’ai même pas besoin d’attaquer. Je vais juste attendre que tu t’effondres, puis je te ramènerai à la maison avec moi. »
« Oh ? Penses-tu vraiment pouvoir esquiver mes serpents jusqu’à ce que je sois à court d’énergie ? »
« Ouaip, et sans transpirer en plus. »
Je m’étais moqué tout en raillant Shana, puis j’avais pointé un doigt sur elle.
« Les serpents qui sortent de ta lance peuvent sembler pouvoir se déplacer librement n’importe où, mais en fait, ils ont des motifs fixes, non ? Si tu balances la lance vers le bas, les serpents viennent du haut. Si tu la balances de la droite, ils viennent aussi de la droite. En fait, ils se déplacent de la même façon que la lance. Tant que j’observe ta lance, esquiver les serpents est un jeu d’enfant ! »
« Donc tu l’as découvert… ! »
« Avoir un atout caché dans sa manche ne veut rien dire si tu n’élimines pas immédiatement ton adversaire avec. Si tu continues à frapper au hasard comme ça, c’est comme si tu me suppliais de trouver une solution. Peut-être que tu as besoin d’un peu plus d’expérience dans le combat réel, hmm ? »
Elle n’avait probablement jamais combattu un adversaire assez habile pour esquiver les serpents de mer à plusieurs reprises.
Son style de combat était simplement trop simple. Les atouts cachés devraient être cachés jusqu’au dernier moment : mais elle n’avait aucune tactique ni aucun stratagème de ce genre.
Shana était restée silencieuse pendant un moment, puis finit par parler.
« … Je vois. C’était une expérience très enrichissante. »
« Vraiment. Tu sais que tu peux te rendre à tout moment. »
« Cependant… il y a un malentendu. Quand ai-je dit que les Serpents de mer étaient mon atout ? »
« Hm ? »
« Voici ce qu’on appelle un atout !! »
Shana leva sa lance très haut, puis la balança vers le bas.
Un torrent d’eau jaillit ensuite de la pointe de sa lance.
« Oooh !? »
« Défends-toi contre la compétence secrète de ma lance — Serpent de mer ! »
Shana libéra un dragon d’eau massif de la taille d’un raz-de-marée, tel que les serpents d’eau semblaient chétifs en comparaison.
Sa taille et sa vitesse étaient bien supérieures à celles des serpents.
« Si tu as tant de confiance en toi, essaie d’esquiver ça ! !! Goûte à ma pleine puissance ! ! »
« Oui, pas possible… Je ne peux pas esquiver ça. »
Il était physiquement impossible d’esquiver un dragon d’eau aussi massif à cette distance. J’avais donc dû renoncer à toute tentative d’esquive.
« Je crois que je n’ai pas d’autre choix… que de passer à travers. »
« Quoi !? »
J’avais fait directement face au dragon d’eau.
J’avais sauté dans la gueule béante de la bête de mon plein gré.
« Ne tiens-tu donc plus à ta vie !? »
« Non, pas vraiment ! C’est parti !!! »
J’avais balancé mon épée dans les airs.
La lame traversa le dragon d’eau, le coupant en deux.
« Ce n’est pas possible… ! »
« Siegfried !! »
Le dragon d’eau, fendu en deux par mon épée, était redevenu une simple masse d’eau. Il perdit tout son élan et éclaboussa le sol. Le dragon d’eau s’était transformé en une simple flaque d’eau : il ne représentait plus une menace.
J’avais utilisé l’élan de mon saut et j’avais frappé une Shana stupéfaite d’un coup de pied volant.
« Là !!! »
« Gah… !! »
Peut-être parce qu’elle était à court d’énergie après avoir utilisé la puissance de son outil magique au maximum, Shana ne pouvait pas bouger. Mon coup de pied l’avait carrément frappée à l’abdomen, l’envoyant voler.
Sa lance, Léviathan, était tombée de ses mains et roula loin d’elle.
« Ton… épée… est aussi… un outil magique… ? »
Shana réussit à se remettre sur ses pieds et à dire ces mots.
« Je te l’ai dit, tu dois garder ton atout caché jusqu’au tout dernier moment. »
Mon Siegfried était un outil magique ayant le pouvoir de couper toutes les formes de pouvoir magique.
Dans un âge sans magie, ce n’était qu’une épée très tranchante, mais contre des adversaires armés d’outils magiques, comme Shana, sa véritable capacité brillait.
« Si tu avais utilisé cette épée dès le début… tu m’aurais vaincue plus facilement… ! »
« Cependant, je n’aurais pas pu te capturer vivante comme je te l’aie promis, non ? Je vais te traîner jusqu’à une auberge. »
Même en faisant abstraction des pouvoirs de l’outil magique, Shana était un maître de la lance.
Si j’avais utilisé mon épée pour neutraliser ses serpents d’eau dès le début, elle aurait simplement continué à se battre uniquement avec ses compétences de lance.
Si le combat s’était déroulé ainsi, je n’aurais peut-être pas pu l’épuiser et la capturer indemne.
« Je vois… donc tu t’es retenu dès le début. Haha… tu voulais donc que je sois à toi à ce point… ? »
« Je crois effectivement que tu es une femme qui mérite que je mette ma vie en jeu. »
« Je dois dire… que ça ne fait pas de mal d’être si convoité… aah, honnêtement… ta force est tout simplement irrésistible… »
Après avoir murmuré de tels mots, Shana s’était à nouveau effondrée sur le sol. Elle avait complètement perdu connaissance.
J’avais remis mon épée dans le fourreau et j’avais soulevé son corps.
« Hmm, c’est plus léger que prévu. »
J’avais tranquillement observé son corps de la tête aux pieds, puis j’avais reniflé, satisfait.
« Aussi excellent que je le pensais… pouvoir trouver des femmes comme elle est ce qui fait que la vie nocturne vaut la peine d’être vécue… Mais au fait, ne pourrais-tu pas sortir maintenant. Tu es là, non ? »
« Heeheehee, vous m’avez trouvé, monsieur ? »
Un homme maigre était sorti de l’ombre.
Il était la raison même pour laquelle je visitais les bidonvilles à cette heure de la nuit.
« Tu es là depuis un moment, non ? Tu aurais pu me donner un coup de main. »
« Monsieur, s’il vous plaît. Je ne pourrais pas participer à une bataille d’un tel niveau avec mes maigres compétences. Heehee. »
Le nom de l’homme que j’avais précédemment envoyé pour infiltrer les bandits du « Tigre mangeur d’hommes » était « Clown ». Ce n’était certainement pas son vrai nom, mais je ne pouvais pas m’en moquer.
« J’ai un nouveau travail pour toi. As-tu du temps en ce moment ? »
« Bien sûr, monsieur. Avec le monde aussi pacifique qu’il l’est ces jours-ci, les gens comme moi ont malheureusement très peu de travail. »
« Vraiment. Eh bien, tout d’abord, porte mes bagages. »
« Heehee ? Les bagages ? »
J’avais fait un geste du menton vers le Léviathan couché sur le sol.
« Comme tu peux le voir, j’ai les mains pleines. Prends ça et suis-moi à l’auberge. Je dois m’occuper de la dame jusqu’à ce qu’elle récupère. »
Elle avait peut-être été blessée lors de la bataille, j’avais donc le devoir de la surveiller de très près et de prendre soin d’elle.
« Ah… hee… est-ce votre demande, monsieur ? »
« Oui, pour aujourd’hui. C’est ma priorité absolue. »
Clown était perplexe, mais ma réponse était ferme.
Peu importe les demandes de travail que j’avais, rien n’était plus important que le corps d’une belle femme.
« Je te contacterai une autre fois pour l’autre travail. Il n’y a de toute façon rien d’urgent. »
« Heehee… c’est comme ça… »
Clown semblait un peu déprimé mais ne protestait pas, il ramassa docilement la lance et me suivit.
Je levai les yeux et remarquai que la lune avait atteint son zénith,
« C’est une très belle nuit. », chuchotais-je, captivé, tout en caressant les belles cuisses de Shana, recouvertes de sueur.
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Chapitre 12 : La mélancolie d’une servante
Point de vue d’Eliza
Je m’appelle Eliza.
J’étais une servante de la maison Maxwell, le chef des nobles de la province orientale. J’étais plus précisément la servante personnelle de Dyngir Maxwell, le prochain en lice pour être maréchal.
« Alors, je sors. Je serai de retour en fin de journée. »
« Très bien. Prenez soin de vous, jeune maître. », avais-je dit au jeune maître qui partait tout en m’inclinant profondément.
J’étais restée inclinée tant que la calèche du jeune maître était visible, puis j’avais finalement levé la tête après que celle-ci avait tourné au coin et disparu.
En tant que servante de la maison du Maréchal Maxwell, et en tant que servante du jeune maître, j’avais toujours veillé à ce que ma conduite soit impeccable.
« Le jeune maître est encore sorti quelque part aujourd’hui… »
Une de mes préoccupations récentes était que le jeune maître quittait le manoir plus fréquemment que d’habitude. Il rentrait souvent tard et passait aussi parfois la nuit dehors.
J’avais aussi l’impression qu’il recherchait moins souvent notre compagnie qu’auparavant… mais je n’étais certainement pas mécontente. Au contraire, j’étais honnêtement soulagée qu’il ne me fasse pas l’amour jusqu’à ce que je m’évanouisse… mais laissons cela de côté.
« Sakuya, tu es là. »
« Bien sûr, Mlle Eliza. »
J’avais appelé le nom de Sakuya et celle-ci apparu de nulle part derrière moi.
Sa présence était comme d’habitude difficile à détecter. On pouvait à peine entendre ses pas lorsqu’elle marchait. Je me demande quel genre de travail elle faisait avant de servir au manoir des Maxwell.
« Il y a des choses anormales dans le comportement du jeune maître ces derniers temps. Il est possible que… »
« Une nouvelle femme ? »
Sakuya partageait apparemment ma prédiction.
Je lui avais fait un signe de tête et j’avais continué.
« Si tu le penses aussi, alors tu sais sûrement ce que je veux dire. »
« S’il te plaît, laisse-moi faire. Le travail dans l’ombre est après tout ma spécialité. »
Au moment où elle avait fini de parler, Sakuya s’était volatilisée.
J’avais regardé autour de moi pour voir où elle était passée et je l’avais trouvée en train de courir à toute vitesse sur les murs du manoir, tout en retenant à deux mains la jupe de son uniforme de femme de chambre.
« Ses mouvements sont comme toujours incroyables… franchement, qui pouvait bien être cette fille… ? »
Sakuya avait été amenée au manoir par le jeune maître il y a environ trois ans. À son arrivée, elle avait déjà reçu « l’initiation » du jeune maître.
Seul le jeune maître savait ce qu’elle faisait avant.
Elle était nulle pour le nettoyage ou la lessive, mais était exceptionnellement douée avec les lames.
Elle connaissait aussi très bien le poison.
Elle avait également attrapé un voleur qui s’était introduit dans le manoir une fois, en utilisant des techniques de combat bizarres.
Elle faisait probablement un travail très particulier… mais il n’était pas convenable de fouiller dans le passé de quelqu’un, non ?
« Eh bien… je dois aussi faire les tâches ménagères de Sakuya aujourd’hui. »
J’étais retournée à l’intérieur du manoir et j’avais repris mes fonctions de femme de chambre.
« Le nom de la femme est Shana Salazar ? »
« Oui, il semblerait qu’elle soit la nouvelle amante du Seigneur Dyngir. »
Sakuya était rentrée dans la soirée. Je n’avais même pas entendu la porte s’ouvrir, et pourtant elle se tenait soudainement derrière moi : j’étais si surprise que j’avais crié.
Elle avait accompli son travail avec succès : Sakuya me fit un rapport détaillé sur la nouvelle amante du jeune maître.
« Je vois, une tueuse engagée par l’Empire… c’est dangereux. »
« Oui. Elle vit actuellement dans l’autre résidence du seigneur Dyngir. »
Le jeune maître possédait une résidence exclusivement pour lui dans le territoire de Maxwell, qu’il utilisait pour loger ses subordonnés directs. Les femmes qu’il ne pouvait pas amener au manoir des Maxwell y vivaient également, Shana était donc devenue un nouveau membre de ce groupe.
« Devrais-je me débarrasser d’elle ? Elle semble être une guerrière compétente, mais il ne devrait pas être impossible de l’empoisonner. »
Sakuya proposa avec désinvolture une contre-mesure très agressive, mais j’avais secoué la tête.
« Non, ne le fais pas. Voyons comment la situation évolue pour l’instant. »
« … Tu es vraiment sûr ? »
Sakuya était toujours aussi inexpressive, mais sa voix me disait qu’elle était un peu mécontente.
« Oui, ce n’est pas un problème pour moi si le jeune maître a une autre femme. Tant qu’elle ne lui pose pas de problème, bien sûr. »
Afin d’éviter tout malentendu, permettez-moi de dire que je n’enquête pas sur les relations du jeune maître avec les femmes par jalousie.
Sakuya et moi étions aussi les amantes du jeune maître, mais certainement pas ses épouses. Même si le jeune maître commençait à avoir des relations avec d’autres femmes, nous n’avions pas le droit de l’accuser de quoi que ce soit.
La seule raison pour laquelle je veillais à ce que toutes les femmes qui approchaient le jeune maître fassent l’objet d’une enquête approfondie était de confirmer si elles étaient dangereuses pour lui.
« Le jeune maître n’est pas toujours prudent lorsqu’il a affaire aux femmes, ou plutôt, il y a des ouvertures dans sa garde lorsqu’il le fait. Nous devons donc le soutenir dans l’ombre. »
Je m’étais rappelé des souvenirs du passé et j’avais continué.
Notre jeune maître était rusé et intelligent, mais il pouvait être naïf lorsqu’il s’agissait de femmes.
Il n’avait apparemment pas remarqué que Dame Selena le trompait, il pourrait donc finir par être trompé par une femme peu recommandable.
Jusqu’à présent, Sakuya et moi avions neutralisé plusieurs femmes qui avaient tenté de se rapprocher du jeune maître dans le but de prendre le contrôle de l’autorité ou des finances de la maison Maxwell.
« D’après le rapport, je ne pense pas que Mme Shana deviendra une menace pour le jeune maître. Elle semble être du type guerrier, quelqu’un qui ne trompe pas les autres. S’ils se battent en un contre un, le jeune maître ne sera jamais vaincu, même s’il se retient à cause de sa beauté. »
« En effet. Même si elle est une assassin, je suis sûr que le Seigneur Dyngir s’en sortira. Je n’ai après tout pas pu le tuer, donc je doute qu’un autre assassin le puisse. »
« … »
Je crois bien avoir entendu quelque chose d’absolument impardonnable, mais je suppose que je devrais faire semblant de ne pas l’avoir entendu, non ?
.… oui, je le devrais vraiment. Poser d’autres questions pourrait conduire à des développements terrifiants…
« Eh bien, dans tous les cas… nous ne devrions bouger que pour empêcher le jeune maître de se faire piéger par les pots de miel. Laissons Shana tranquille pour l’instant. »
« Compris. Oh, au fait, Mlle Eliza. J’ai une bonne technique pour séduire le Seigneur Dyngir, puisque les contacts se sont faits un peu rares ces derniers temps. »
« Eh ? »
« S’il te plaît, écoute. D’abord, tu dois enlever tes vêtements, puis t’asseoir, les jambes serrées. Ensuite, tu prends un verre et… »
Alors que Sakuya m’enseignait ses mystérieuses techniques orientales, j’avais attendu le retour de mon maître bien-aimé une fois de plus aujourd’hui.
Incidemment, la nouvelle technique de Sakuya avait réussi au-delà de toute attente : cette nuit-là, nous avions toutes les deux été aimées jusqu’à l’épuisement pour la première fois depuis un bon moment. Mais ceci est une autre histoire…
+++
Chapitre 13 : Les fous ne cessent jamais de marcher
Point de vue Sullivan Nommes
« Merde ! Merde ! Pourquoi, pourquoi est-ce arrivé !? »
Mon nom est Sullivan. Je suis le prince héritier de ce royaume… non, je l’étais.
L’autre jour, à cause d’une série d’erreurs et de malentendus, on m’avait retiré de ma position de membre de la famille royale et j’avais fini par devoir me marier dans la famille d’un baron sans le sou dans la cambrousse.
J’étais dans la chambre qui m’était assignée au manoir des Nommes, écrasant une lettre que je venais de recevoir.
Cette lettre était la réponse d’un ami de la capitale après que je lui avais demandé de m’aider à retrouver mon titre de prince héritier.
J’avais envoyé quinze lettres de ce type, mais je n’avais reçu que trois réponses.
Elles disaient toutes la même chose : « Je ne peux pas vous aider. »
« Pourquoi… pourquoi !! Pourquoi personne n’essaye de m’aider ! ? Leurs serments de loyauté étaient-ils tous faux !? »
Tous mes amis m’avaient offert leur loyauté : c’était des camarades avec lesquels j’avais juré de rendre ce pays meilleur.
Mais dès que j’avais perdu mon titre de prince héritier, ceux-ci avaient immédiatement coupé tout lien avec moi. Je ne pouvais pas leur pardonner.
« Pourquoi dois-je passer par quelque chose comme ça… !? »
C’était à cause de Maxwell, ce psychopathe meurtrier, et de mon idiote de femme, Selena.
J’avais été fiancé avec une fiancée parfaite une fois. Son nom était Marianne Rosais.
Elle était belle, noble, raffinée… c’était une femme vraiment digne d’être mon épouse, moi, le prochain roi de Lamperouge.
Mais, un peu submergé par sa perfection, j’avais fait une petite erreur et j’avais fini par la tromper un peu.
Oui, c’était vraiment une petite erreur, un cas insignifiant de tromperie.
Marianne, cependant, n’avait pas pu pardonner cette petite erreur et avait vraiment rompu nos fiançailles.
En y repensant maintenant, je m’étais dit que je ne voulais pas vraiment rompre nos fiançailles.
Je voulais simplement confirmer ses sentiments honnêtes à mon égard.
Je voulais simplement voir Marianne s’accrocher à moi, les larmes aux yeux, en disant : « S’il te plaît, ne me quitte pas », pour confirmer qu’elle m’aimait vraiment.
Tout ceci n’avait pour but que de voir les vrais sentiments de ma fiancée, je ne voyais tout ceci que comme une farce.
Et pourtant… ce Dyngir Maxwell… !
Ce maudit Dyngir Maxwell, ce noble de campagne, avait exagéré ma petite erreur et ma relation avec Marianne avait été ruinée au-delà de toute réparation.
Sans l’ingérence de cet homme, nous aurions immédiatement fait la paix…
La relation entre Marianne et moi serait revenue à la normale si facilement.
Je pourrais encore être le prince héritier.
Selena a aussi sa part de responsabilité. Malgré tous mes labeurs et mes souffrances, elle ne dit pas un mot pour me consoler, elle est toujours en train de pleurer dans sa chambre… !!
La femme que j’avais épousée après avoir jeté tout ce que j’avais n’était pas, franchement, quelqu’un de mon standing.
Elle n’avait aucun rang, aucune éducation. Son apparence et sa silhouette étaient toutes deux très inférieures à celles de Marianne.
Elle n’était pas mieux en privé : J’avais été un peu brutal une fois et elle avait crié : « Ça fait mal, ça fait mal ! », tuant l’ambiance depuis lors.
Maintenant que j’avais l’esprit plus clair, je ne me souvenais vraiment pas pourquoi j’étais tombé amoureux d’elle.
Cette fois-là, elle a dû secrètement me donner une drogue étrange… cela pourrait-il aussi faire partie du plan de Maxwell ?
Il était parfaitement logique que Dyngir Maxwell utilise sa fiancée pour me piéger, moi, le prince héritier accompli du royaume…
Je n’ai rien fait de mal… tout est de la faute de cet homme… !! Merde, merde, merde, merde, merde, merde !!!
J’avais tapé du poing sur la table et m’étais levé de la chaise, rempli d’indignation. Chaque fois que je pensais à cet homme, je devenais furieux.
« J’ai besoin d’un verre ! Je ne peux plus supporter ça !! »
J’avais violemment ouvert la porte et m’étais dirigé vers l’entrée.
J’avais rencontré quelques serviteurs du manoir sur mon chemin, mais ils ne m’avaient même pas salué en me frôlant rapidement. Encore plus irrité, je m’étais dirigé vers la sortie du manoir avec des pas plus furieux et plus forts.
« Vous allez vous promener, monsieur ? »
« Quoi !? »
J’étais sur le point d’ouvrir la porte quand un homme m’appela. C’était le fils aîné de la maison, Cray Nommes.
« Où pourriez-vous aller, alors que tout votre travail en tant que prochain chef de la maison est laissé ici ?. »
« … Je vais faire une inspection en ville. »
J’avais répondu avec le moins d’émotion possible.
Regarder son visage me rappelait l’humiliation que j’avais subie lors de notre visite au manoir des Maxwell, où il m’avait claqué le visage contre le sol à plusieurs reprises.
Attends un peu… quand je serai à nouveau prince héritier, tu vas payer… !!
J’allais certainement tuer l’homme devant moi — ainsi l’avais-je solennellement juré dans mon cœur.
Cray réagit avec une surprise affectée.
« Oh là là, une inspection ! C’est très admirable. Permettez-moi de vous conseiller d’inspecter la ville également au-delà de ses tavernes. »
« Tch, naturellement !! »
Ma destination avait été découverte : je sentais mon visage rougir de honte.
« Faites attention sur le chemin du retour, s’il vous plaît. On dit que personne ne pleure quand un ivrogne est poignardé et meurt. »
« … !! »
Je m’étais à peine retenu de lui répondre en criant et j’avais ouvert la porte. En échange, je l’avais claquée.
« Merde ! !! Toute cette maison de baron me regarde de haut !! Et tout cela… »
– la faute de Maxwell ! !
J’avais laissé échapper un rugissement d’indignation dans mon cœur tout en quittant le manoir des Nommes.
« Merde…merde…putain !! »
Après avoir enfin atteint la taverne, j’avais commencé à absorber de l’alcool verre après verre.
J’avais visité cet endroit plusieurs fois déjà : certains des autres clients semblaient savoir qui j’étais.
Pourtant, personne n’avait jamais eu la décence de me saluer : ils se contentaient de me regarder de loin.
Eh vous tous, je suis le prince héritier !! Le sang dans mes veines n’a rien à voir avec le vôtre ! !! Montrez un peu de respect ! !
« Maudits soient-ils !!! »
Je n’étais pas assez fou pour exprimer mes plaintes à voix haute, mais je ne pouvais pas empêcher ces mots de s’échapper parfois.
Les personnes qui m’entouraient prenaient encore plus de distance après m’avoir entendu jurer. Je le savais très bien, mais je ne pouvais pas l’empêcher.
Merde, merde ! !! Pour qui ils se prennent !?)
« Donnez-m’en un de plus !! »
« … Monsieur, avez-vous assez d’argent pour payer aujourd’hui… ? »
Le ton impuissant du serveur m’avait irrité encore plus.
« Je suis un noble, espèce de roturier insolent ! Nous n’utilisons pas vos “portefeuilles” ou autres ! Envoyez la facture à la maison Nommes !! »
J’avais crié en direction du serveur, qui soupira.
« Il est alors temps pour vous de partir. La porte est par là. »
« Quoi !? À qui crois-tu parler ? Je suis le successeur de la maison Nommes ! ! »
L’incroyable manque de respect du serveur fit bouillir mon sang.
J’avais crié encore plus fort, tapant mes poings contre la table, mais le serveur s’était contenté de me regarder d’un air désespéré.
« Malheureusement, monsieur, nous avons été contactés par cette même maison Nommes : nous avons été informés de ne pas laisser monsieur Sullivan boire gratuitement. Vous pouvez oublier le paiement des boissons d’aujourd’hui, mais pourriez-vous vous abstenir de revenir ici ? »
« E-êtes vous sérieux !? »
Les Serviteurs de la Maison les ont contactés !? Pour ne pas me laisser boire gratuitement !? Jusqu’où iront-ils pour m’insulter !?
Ma colère avait finalement pris totalement le dessus sur moi. J’avais attrapé la poignée de l’épée à ma taille quand j’avais senti une voix aiguë derrière moi.
« Y a-t-il un problème avec notre serveur, monsieur ? »
Une main avait fermement saisi mon épaule. Je m’étais retourné et j’avais trouvé la silhouette imposante du videur engagé de la taverne.
« V-vous n’av-av-avez pas honte… »
« Pour qui tu te prends, espèce d’éponge ! »
« Hyeek !? »
Mes épaules avaient tremblé de surprise et j’avais lâché mon épée.
Le gardien engagé m’avait traîné de force hors de la taverne, tandis que les clients riaient bruyamment.
« Hahaha ! !! Regardez-moi ça ! Pathétique ! »
« Bien fait pour ce type qui a demandé à boire gratuitement ! Comme on s’y attendait de la part d’une ancienne royauté ! »
« Uugh… »
Les railleries des ivrognes m’avaient profondément blessé à la poitrine. Je ne m’étais jamais senti aussi misérable de ma vie.
Quand suis-je devenu si faible… ? Ma vie de gloire et de victoire… où est-elle passée… !?
J’étais sur le point de quitter l’endroit, comme le pitoyable perdant que j’étais, quand —
« Messieurs, je crois que ça suffit. »
Une main miséricordieuse s’était tendue vers moi.
J’avais levé la tête et j’avais trouvé un homme élégamment habillé.
Il semblait avoir environ 40 ans : sa barbe bien taillée et ses traits donnaient l’impression qu’il faisait partie de l’élite cultivée.
Il était soit un noble, soit un serviteur de haut rang d’une famille noble. En tout cas, certainement pas quelqu’un qui fréquenterait une taverne aussi miteuse.
« Messieurs, le sang noble de l’honorable famille royale de Lamperouge coule dans les veines de cet homme. Il a peut-être été rayé du registre royal, mais nous, vassaux de Lamperouge, avons le devoir d’honorer sa lignée. Ne croyez-vous pas que vilipender cet homme est un acte honteux pour un fils de ce royaume ? »
« Aagh… »
« Oui, mais… »
Les ivrognes tentèrent de protester faiblement, mais le gentilhomme leur lança un regard glacial.
« Mais, quoi ? Je suppose que vous avez une raison légitime de vilipender la lignée de la famille royale ? »
« Ah… non… rien. »
Les mots du gentleman avaient rendu la taverne complètement silencieuse.
Il sortit alors un portefeuille en cuir de sa poche de poitrine.
« Ceci devrait couvrir les boissons de cet homme. S’il vous plaît. »
« Ah… eh… et la monnaie ? »
« Gardez-la. »
Le gentleman avait jeté plusieurs pièces d’or aux pieds du serveur. C’était plus qu’assez pour payer dix fois ce que j’avais bu.
Le gentleman ignora le serveur paniqué et s’était approché de moi.
« Je m’excuse de mon impertinence, Seigneur Sullivan. Veuillez me pardonner. »
« N-non, merci. »
Le ton et les manières du gentleman étaient empreints de déférence envers moi.
C’était la première fois que j’étais traité avec un respect digne de la royauté depuis mon arrivée dans la province de l’Est, et j’étais ému jusqu’aux larmes.
« Mes plus profondes excuses, monseigneur, je ne me suis pas encore présenté. Mon nom est Zaill, je travaille comme commissaire royal dans la capitale. Je séjourne actuellement dans cette ville pour certaines tâches. »
Le gentleman qui s’était présenté comme Zaill m’avait gentiment souri.
« Une de mes connaissances gère une taverne à proximité. Voulez-vous vous joindre à moi pour boire un verre ? Je vous en prie, faites-moi l’honneur de recevoir un descendant de la famille royale. »
« Oh, hmm, oui… je vous y autorise. »
« Merveilleux, merveilleux. S’il vous plaît, par ici. »
J’avais suivi Zaill dans une petite ruelle du quartier des tavernes.
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Chapitre 14 : Les fous ne cessent jamais de faire naufrage
Point de vue Sullivan Nommes
J’avais suivi Zaill profondément dans les ruelles de la ville jusqu’à ce que nous arrivions à un petit bar isolé.
« L’endroit peut sembler petit, mais ils servent du vin très fin. C’est le genre d’endroit que seuls les connaisseurs fréquentent, nous pourrons donc boire en toute tranquillité. »
« Hmm, bien. Pas mal du tout. »
Nous étions entrés dans le bar faiblement éclairé et j’avais remarqué qu’il n’y avait pas d’autres clients. Un homme aux cheveux blancs essuyait des verres derrière le comptoir.
« Asseyez-vous ici, s’il vous plaît. Patron, servez votre meilleur vin à mon honorable invité. »
Le vin qui m’avait été servi était de la même marque que celui que je buvais souvent dans la capitale.
J’en avais bu une gorgée et les souvenirs de ma vie dans la maison royale refirent surface, me remplissant de nostalgie.
« Prenez-en un autre, s’il vous plaît. »
« O-oui… »
Encouragé par Zaill, je buvais verre après verre de ce doux nectar.
« Délicieux… et tellement nostalgique. Je pouvais boire ça tous les jours avant… pourquoi les choses ont-elles tourné comme ça… ? »
De plus en plus pompette, j’avais commencé à parler de mon insatisfaction de ma vie actuelle et de ma haine envers Dyngir Maxwell.
Zaill écoutait chaque mot que je disais, sans le moindre signe d’agacement.
« Quelle tragédie avez-vous vécue… vous écouter me fait mal au cœur. »
Lorsque j’avais fini par cesser de me plaindre, Zaill attendit le meilleur moment pour me consoler.
« Une tragédie, en effet, vous avez raison.… »
J’avais pu laisser sortir ma frustration pour la première fois depuis longtemps. Cela faisait des mois que je ne m’étais pas senti aussi léger. J’avais continué à boire de bon cœur et l’alcool s’était agréablement emparé de tout mon corps.
« Les rumeurs étaient donc vraies… Dyngir Maxwell ne considère pas la famille royale avec le respect qui lui est dû. »
« Oui ! Cet homme ne mérite pas son titre de noble !! »
« J’ai entendu dire que les nobles les plus puissants des Quatre Maisons ont tendance à agir de manière hostile envers la maison royale. Si on ne s’occupe pas d’une telle situation, ils mépriseront de plus en plus la maison royale et finiront par créer un foyer de rébellion. Quelque chose doit être fait pour préserver l’avenir du royaume… mais… »
« Vous avez parfaitement raison. Mais que pourrait-on faire… ? »
Je tenais mon menton, plongé dans mes pensées.
Le problème ne concernait plus seulement moi.
Si ce rustre perfide était autorisé à agir librement, l’avenir du royaume serait en grand danger.
Oui ! Si cet homme n’est pas éliminé, ce pays tombera en ruine ! Il faut le faire maintenant, pour le bien du royaume de Lamperouge.
« D’une manière ou d’une autre… si nous pouvions éliminer Dyngir Maxwell… le faire assassiner, peut-être… »
Ce n’était qu’après avoir prononcé ces mots que j’avais réalisé leur gravité.
J’en avais vraiment trop dit. Si quelqu’un m’entendait, c’était moi qui risquais d’être éliminé.
Je m’étais empressé de regarder autour de moi, mais heureusement, il n’y avait pas d’autres clients dans le bar.
Le propriétaire avait également disparu à l’arrière du magasin, si bien que mes paroles imprudentes n’avaient été entendues que par Zaill.
« Je suis désolé, oubliez tout ce que j’ai dit ! »
« Non, je ne peux pas faire ça. Mais je pense que c’est une excellente idée. »
« Vous le pensez vraiment ? »
Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit d’accord.
Je regardai Zaill, surpris, et découvris une expression tout à fait sérieuse sur son visage barbu.
« Un assassinat… oui. Pour libérer ces terres orientales de ces imbéciles, il pourrait être nécessaire de prendre des mesures aussi extrêmes. »
« O-oui… je pense que oui. »
Le fait que Zaill soit d’accord m’avait rendu plus convaincu que c’était une très bonne chose.
J’avais essayé d’imaginer cet homme effondré sur le sol, blessé et ensanglanté. Je me sentirais tellement soulagé, si seulement…
« La mort de Dyngir Maxwell signifierait également que le fossé entre la famille royale et la maison Maxwell ne serait plus. Par conséquent, cela signifiera que votre retour à la capitale, Seigneur Sullivan, s’ouvrirait de lui-même. Il pourrait également y avoir la possibilité que vous deveniez le prochain Maréchal Maxwell. »
« Moi ? Hériter de la maison Maxwell !? Cela est impossible !! »
Même si le prochain en lice pour le titre de maréchal mourait, je ne pouvais pas croire que le poste me reviendrait.
« Non, il y a une possibilité, Seigneur Sullivan. »
Il n’y avait pas la moindre trace de plaisanterie dans le ton de Zaill. Calmement, il avait commencé à expliquer en détail.
« L’actuel Maréchal Maxwell n’a pas d’autres enfants que Dyngir. Il semble que sa femme vive au loin et je n’ai jamais entendu dire qu’il entretenait des amantes. Il n’y a également personne parmi ses proches parents en âge de lui succéder. En d’autres termes, si Dyngir Maxwell meurt, le maréchal n’aura d’autre choix que d’adopter un héritier d’une autre maison. »
« Hm, hmm. Je peux comprendre cela. Mais le maréchal me choisirait-il un jour ? »
Je savais bien qu’il n’y avait aucune chance pour que le Seigneur Maxwell me voie d’un bon œil.
Il n’était pas venu à ma cérémonie de mariage avec Selena, mais plus que ça, qui choisirait l’homme qui avait enlevé la fiancée de votre fils légitime ?
« Tout dépend de la façon dont vous choisissez de voir les choses, mon Seigneur. Parmi tous les descendants masculins des familles nobles de la province orientale, personne ne surpasse votre lignée, Seigneur Sullivan. Même le Seigneur Maxwell ne peut se permettre d’ignorer la lignée de la famille royale. »
« Si vous le dites comme ça… »
« De plus, si vous devenez le prochain Maréchal Maxwell, les provinces orientales tomberont sous l’influence du gouvernement central. Un développement que la famille royale et la maison Rosais trouveraient extrêmement attrayant. Ils apporteront certainement leur soutien sur tous les fronts pour que le Seigneur Maxwell vous adopte comme son héritier. »
« Je vois… »
Plus j’en entendais parler, plus ça me semblait être une très bonne perspective.
Ils m’avaient jeté dans ces provinces reculées, alors je les remboursais en devenant le dirigeant. J’allais gagner assez de pouvoir pour rivaliser avec la famille royale et la maison Rosais.
Quand je serais le prochain Seigneur Maxwell, même la maison Nommes, qui osait me traiter comme de la merde, se prosternerait devant moi comme des esclaves.
Mais plus que tout autre chose…
Je pourrais enlever la chose la plus précieuse promise à Dyngir Maxwell, l’homme qui m’avait tout volé.
C’était comme une belle musique à mes oreilles.
« Comment pouvons-nous trouver un assassin ? »
Je me sentais de plus en plus investi dans le plan, alors j’avais commencé à poser des questions concrètes à son sujet.
Contrairement à l’époque où je faisais partie de la famille royale, je n’avais pas de relations avec des assassins à l’heure actuelle.
Zaill s’était alors approché et avait murmuré quelque chose à mes oreilles.
« Seigneur Sullivan, avez-vous déjà entendu parler de ceux qu’on appelle “Crocs d’Acier” ? »
En entendant ce nom, je n’avais pas pu m’empêcher de froncer les sourcils.
« Vous n’êtes pas sérieux ! Ce n’est qu’une légende, non ? »
« Crocs d’Acier » était le nom d’une légendaire bande d’assassins, dont la rumeur disait qu’elle était présente dans le royaume de Lamperouge depuis plus de 50 ans.
Certains disaient qu’ils étaient des tueurs sans cœur, sans chef fixe, qui tuaient n’importe qui pourvu qu’ils soient suffisamment payés.
Certains disent qu’ils étaient à l’origine de la plupart, sinon de tous les assassinats de personnalités importantes du royaume et qu’ils tueraient même des membres de la famille royale sans hésiter.
D’autres disaient que ses membres n’étaient pas des êtres humains, mais des démons mangeurs d’hommes vivant depuis l’âge des civilisations magiques.
À cause de ces rumeurs incroyables, les parents s’en servaient pour que leurs enfants se comportent bien : « si tu fais de mauvaises choses, les Crocs d’Acier t’attraperont et te mangeront tout entier ! »
« En effet, les rumeurs sont des rumeurs. Il y a beaucoup de bêtises qui circulent. »
Zaill avait d’abord exprimé son accord, puis avait poursuivi.
« Cependant, monseigneur… bien que les rumeurs puissent être exagérées, les “Crocs d’Acier” existent réellement. Gardez ça pour vous, mais… j’ai un moyen de les contacter. »
« Quoi ? »
« Si vous le souhaitez, Seigneur Sullivan, je peux vous présenter… »
Je n’en croyais pas mes oreilles.
Je pensais que les « Crocs d’Acier » n’étaient qu’une légende, comme les dragons. Et même si on me disait qu’ils étaient réels, je ne pouvais pas l’accepter.
« Oh, s’il vous plaît pardonnez-moi, mon seigneur. Je comprends vos sentiments de doute. Je suppose que quelqu’un d’aussi sage et noble que vous, Seigneur Sullivan, ne croirait jamais les paroles d’un homme que vous avez rencontré aujourd’hui pour la première fois. »
« Ah, n-non, je ne voulais pas dire ça… »
« Mes plus profondes excuses, vraiment. S’il vous plaît, oubliez mes divagations d’ivrogne. »
« Hm, hmm… »
Zaill mit fin à la conversation et prit une gorgée de son verre.
Ses mots, cependant, ne quitteraient pas mes pensées.
À moins que Dyngir Maxwell ne soit tué… Je ne peux pas échapper à ma situation actuelle, non ? Vais-je finir ma vie en tant qu’héritier de la maison Nommes… ? Moi, le prince héritier, devrais-je vivre en tant que simple baron… ?
Cela ne pouvait être autorisé. Même si je devais me fier à un conte de fées, je n’avais pas l’intention de passer le reste de mes jours dans ces provinces… Je n’aurais peut-être pas la chance de remettre les pieds dans la capitale…
Comment pourrais-je accepter une telle vie ?
« Zaill, mon brave… Pourriez-vous me donner plus de détails à ce sujet… ? »
« … Seigneur Sullivan ? »
« Je ne peux pas confier la province de l’Est à un individu dangereux comme Dyngir Maxwell !!! Ce pays n’est pas fait pour que quelqu’un comme lui s’amuse ainsi ! »
Les mots que j’avais prononcés ensuite scellèrent mon destin à jamais.
« Dyngir Maxwell doit mourir ! Pour cela, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, même m’en remettre aux contes de fées ! !! »
À ce moment-là, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont cette décision allait affecter mon avenir…
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Chapitre 15 : La lancière est plutôt faible
« Hnn ! Haah ! Yaah ! »
« Hoh, phew, hah, mph. »
La beauté aux cheveux d’argent, Shana, continuait à balancer sa lance. La lance qu’elle maniait était en bois. Celle-ci n’était donc pas mortelle en soi, mais si elle touchait un point critique, elle pouvait quand même causer des fractures.
Chacune de ses frappes était destinée à vaincre l’adversaire devant elle, mais je les avais toutes esquivées de manière relativement désinvolte.
« Et c’est tout, les amis ! »
« Khuh ! »
J’attendis le moment idéal pour saisir le manche de la lance avec ma main gauche et la tirer vers moi, tandis que je poussais l’épée en bois dans ma main droite vers son cou.
« Fin de partie, j’ai encore gagné. »
« Aah, j’ai encore perdu… »
J’avais annoncé ma victoire et Shana lâcha sa lance, s’affaissant sur le sol. Ses yeux étaient remplis de larmes.
Elle avait deux ans de plus que moi, mais son expression dans ces moments-là était plutôt enfantine et charmante.
L’endroit utilisé pour notre combat d’entraînement était le jardin de ma résidence privée.
Après notre duel au clair de lune dans les bidonvilles, j’avais ramené Shana, inconsciente, dans une auberge voisine. Là, j’avais soigné chaque recoin de son corps, avec le plus grand soin, et je l’avais finalement laissée partir.
J’avais déjà pleinement profité de mes privilèges de vainqueur, aussi n’avais-je pas l’intention de la retenir plus longtemps que cela : ainsi, si elle disait qu’elle voulait retourner à l’empire, je n’essaierais pas de l’en empêcher.
« Comment puis-je rentrer comme ça, la queue entre les jambes !? Je demande un autre duel !! »
Shana, cependant, n’avait demandé qu’un autre combat.
Peut-être que c’était sa fierté de guerrière, ou peut-être qu’elle détestait perdre, mais elle m’avait défié à nouveau, sans être affectée par la façon dont je m’étais occupé d’elle.
Je n’avais naturellement pas envie de faire un duel à mort avec une personne avec qui j’avais couché, alors j’avais posé quelques conditions pour notre prochain duel.
Condition 1 :
Le duel se déroulera avec des armes en bois dans des batailles fictives et il était interdit de tuer l’adversaire.
Condition 2 :
Si Shana Salazar gagne le combat fictif, Dyngir Maxwell l’affrontera à nouveau, avec de vraies armes de combat et à pleine puissance.
Condition 3 :
Si Dyngir Maxwell gagne le combat simulé, Shana Salazar le servira comme subordonnée et amante pendant un mois.
« C’était ma 20e victoire d’affilée. N’est-il pas temps d’abandonner ? À ce rythme, tu ne retourneras pas à l’empire dans cette vie. »
J’avais alors jeté la lance en bois à ses pieds.
J’avais déjà gagné 20 fois, Shana allait donc devoir me servir pendant presque 2 ans.
Puisque je pouvais garder une belle maîtresse de la lance à mes côtés de manière tout à fait honorable, les duels n’étaient qu’une bénédiction pour moi.
« Tu devrais déjà avoir compris que tu ne me vaincras jamais dans ces conditions. »
« Mgh… »
J’avais fait exprès de la prendre de haut, Shana détourna alors le regard en faisant la moue.
Après tout, les conditions du duel me donnaient un net avantage.
Lors de notre duel dans les taudis, Shana m’avait acculé plus d’une fois.
Ce n’était pas parce que nos compétences de combat étaient égales, mais parce que je me retenais et me battais sans l’intention de tuer.
Si nous nous battions avec des armes d’entraînement, sans avoir à mettre notre vie en jeu, je n’avais plus besoin de me retenir.
La maîtrise de la lance de Shana était l’une des meilleures que j’avais jamais rencontrées. Cependant, elle n’était pas la meilleure.
En d’autres termes, cela signifiait aussi que j’avais combattu de multiples fois des guerriers supérieurs à elle.
Sa technique consistant à faire tourner la lance et à utiliser la force centrifuge générée pour attaquer était difficile à gérer, mais c’était une technique que j’avais déjà appris à contrer. Si elle utilisait une lance en bois, arrêter la pointe même avec mes mains n’était pas difficile. Peu importe le nombre de fois où nous nous étions battus, il n’y avait aucun moyen pour moi de perdre.
« Mmgh… comme c’est frustrant. Je voulais utiliser toute ta puissance quoi qu’il arrive, mais… »
« Ma pleine puissance, hmm… notre dernier duel dans les taudis n’était-il pas suffisant ? »
« J’ai eu l’impression que tu as retenu beaucoup de ce que tu peux faire à ce moment-là. Si mon instinct est juste, tu as encore des atouts dans ta manche. »
« Hmm, je me le demande… »
J’avais haussé les épaules en réponse aux soupçons de Shana.
Elle se mit ensuite à rougir et me montra une expression agacée.
« Il est impossible que je retourne à l’empire avant que toi et moi ayons un autre duel à mort. Je suppose que je vais devoir continuer cette vie pendant un certain temps, afin d’obtenir une chance de me venger. »
« Eh bien, ça marche pour moi. »
Avec une beauté provocante comme elle à mes ordres, je n’avais pas à me plaindre.
J’avais planté mon épée en bois dans le sol, pris la main de Shana et l’avais aidée à se relever. J’avais utilisé l’élan pour aller de l’avant et l’embrasser.
« Ah, déjà maintenant. Il est encore midi. »
J’avais caressé son derrière au moment où Shana protesta.
« C’est bon, c’est bon. »
Cependant, comme elle respectait les règles du duel, elle ne résista pas. J’avais donc laissé mes mains avancer au-delà des fentes de sa robe. La sensation de ses cuisses moites était si agréable, j’avais toujours l’impression que je pourrais continuer à les toucher pour toujours.
« Tu es sans espoir… Laisse-nous au moins aller à l’intérieur… »
« J’ai envie de le faire dehors aujourd’hui. Ne t’inquiète pas, j’aurai fini quand tu auras compté tous les nuages dans le ciel. »
« Mmh… quel maître pénible j’ai ! »
Shana rougit et frotta ses cuisses l’une contre l’autre, se sentant mal à l’aise.
Je l’avais faite mienne plusieurs fois déjà, mais peut-être parce qu’elle avait toujours vécu la vie d’une guerrière, ses réactions étaient encore inexpérimentées et adorables.
« Si nous restons ici, quelqu’un ne va-t-il pas nous voir nus ? »
« Tu n’aimerais pas ça ? »
« Bien sûr que non. Je me suis habituée à être vue par toi, mais je déteste l’idée d’être vue par les autres !!! »
« Je vois. Je suppose que je devrais donc renvoyer le voyeur. »
« Eh ? »
J’avais rapidement retiré l’épée en bois du sol et l’avais lancée vers l’un des chênes qui poussaient dans le jardin.
À l’instant où l’épée s’était plantée dans le tronc du chêne, un homme vêtu de noir surgit de l’ombre derrière lui.
Je m’étais préparé à ce que l’homme nous attaque, mais il avait sauté par-dessus la clôture de la résidence et disparu à une vitesse incroyable.
« Ooh, quelle rapidité ! ! Cet homme doit être vraiment habile ! »
J’étais sincèrement impressionné, mais Shana semblait secouée.
« Qu’est-ce que c’était ? Un assassin ! ? Quand est-ce qu’il est arrivé là ? »
« Il est certainement là depuis que nous avons commencé la bataille simulée. N’avais-tu pas remarqué ? »
J’avais haussé les épaules en réponse. À ce rythme, le jour où Shana pourrait me vaincre était encore très loin.
« Et tu agis comme ça avec un assassin qui te regarde… ? Je commence à douter de ta santé mentale… »
« Je fais ce que je dois faire, peu importe qui observe. Même le champ de bataille est un bon endroit pour faire l’amour à une femme… voici le genre d’homme que je suis. »
« Je vois… le génie et la folie sont vraiment les deux faces d’une même pièce… »
Impuissance, admiration, déception… je sentais un mélange d’émotions dans le ton de Shana.
J’avais haussé les épaules une nouvelle fois et je l’avais rapprochée.
Il restait du temps avant le déjeuner : je pourrais bien en profiter pour faire un autre petit exercice.
+++
Chapitre 16 : Un visiteur nocturne
Dans une petite ville située dans la province orientale du royaume de Lamperouge… Dans un bâtiment plongé dans une obscurité totale, des voix se firent entendre.
« Une demande a été reçue de Sullivan Nommes pour l’assassinat de Dyngir Maxwell. »
La présence dans l’obscurité parlait avec une faible voix. Plusieurs autres présences firent surface, puis une autre voix résonna dans l’obscurité.
« Hohoho… le prince héritier déshérité souhaite donc la mort du héros de l’Est. Quelle imprudence… ! »
« Cet homme n’a sûrement aucune chance de gagner contre Dyngir Maxwell en utilisant des méthodes conventionnelles. »
« Certainement… une fois qu’une requête a été reçue, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour l’accomplir. Telle est la loi des “Crocs d’Acier”. »
« Héhé, cela marque la fin de cet homme. »
L’une des présences dans l’obscurité disparut. Les autres le suivirent, l’une après l’autre, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une.
« Alors… les choses vont-elles se dérouler comme prévu, ou non ? Cela va être intéressant… »
La dernière présence disparut également. La seule chose qui restait dans la pièce sombre était un silence assourdissant.
L’homme vêtu de noir courait à travers la ville endormie.
Il était déjà tard dans la nuit : seul le clair de lune illuminait les rues.
L’homme en noir frôlait les ivrognes et les femmes de plaisir sur son passage, mais personne ne semblait le remarquer.
C’était comme si l’homme faisait partie du paysage nocturne : tout le monde continuait à marcher, inconscient de son existence.
« Hah ! »
L’homme atteignit finalement sa destination.
Il utilisa l’élan de sa course pour sauter par-dessus un grand mur. Il atterrit sans faire de bruit et se faufila rapidement dans l’ombre d’un petit arbre.
Dissimulé derrière l’arbre, l’homme scruta le jardin de la résidence qu’il avait infiltrée.
Des soldats armés se trouvaient ici et là dans le jardin, accompagnés de chiens de chasse : la sécurité de la résidence était comparable à celle d’un fort militaire.
« … La sécurité est renforcée, comme on peut s’y attendre de la part d’un maréchal. »
Le lieu infiltré par l’homme était l’un des endroits les plus gardés de la province orientale, la résidence du maréchal Maxwell.
Des soldats patrouillaient dans le manoir à tout moment.
Même l’homme, un assassin chevronné, n’aurait pas pu s’infiltrer facilement dans les locaux du manoir sans connaître à l’avance la position des gardes et leurs horaires de patrouille.
« D’accord… à cette heure-ci, la cible devrait être dans sa chambre, probablement avec l’une de ses femmes. »
L’homme se rappela ce qui s’était passé plus tôt dans la journée, puis il soupira et haussa les épaules.
Il avait espionné la cible, qui se trouvait dans une autre résidence, et l’avait trouvé en train de se livrer à des actes obscènes en plein jour.
L’homme continua à observer, se sentant franchement envieux. La cible avait apparemment détecté qu’elle était observée, mais avait malgré tout continué son amusement. Finalement, l’homme en noir avait été attaqué de manière inattendue.
« Je dois admettre qu’il est toujours aussi effronté… pas étonnant qu’on le qualifie de prodige. »
L’homme profita d’une légère ouverture dans la sécurité du manoir et se faufila dans le hall d’entrée.
Il avait brûlé un encens spécial à l’avance, afin de tromper l’odorat des chiens de garde.
À l’intérieur du manoir, il ne semblait pas y avoir de gardes. Les résidents étaient apparemment tous endormis, car l’homme ne pouvait sentir aucune présence humaine.
« La chambre de la cible est… »
« Oh là là, un invité à cette heure-ci. Comme c’est rare. »
« Quoi !? »
Surpris par la voix soudaine venant de derrière lui, l’homme fit volte-face et se retourna.
Il n’y avait aucune présence quelques secondes auparavant, mais maintenant une silhouette humaine se tenait devant lui.
« Cher invité, je dois vous demander de sonner à la porte avant d’entrer. »
Devant l’homme en noir se tenait une jeune servante de petite taille.
Elle avait les cheveux et les yeux noirs, une rareté dans le royaume. Sans un bruit, elle s’était avancée juste à côté de l’homme.
« Kh.… ! »
L’homme remarqua une certaine chose de brillant dans sa main et effectua instinctivement une manœuvre d’évitement.
L’instant suivant, une lame trancha l’espace précédemment occupé par l’homme.
« Parler avant de faire une attaque-surprise ? N’es-tu pas une gentille petite fille ? »
L’homme était sûr que si la servante avait attaqué avant de dire quoi que ce soit, il n’aurait pas pu éviter complètement son attaque.
La petite fille devant lui était une habitante des souterrains, comme lui, avec des compétences peut-être supérieures aux siennes.
« Je dois faire de l’exercice de temps en temps, sinon mon corps va s’affaiblir. »
« C’est une sacrée assurance ! C’est quelque chose de mortel dans notre métier !! »
L’homme sortit des couteaux de lancer de sa poche et les tira sur la femme de chambre.
La servante, cependant, esquiva les lames volantes sans trop d’effort.
« Petite fille naïve !! »
L’homme avait naturellement prédit qu’elle esquiverait les couteaux : il ne les avait utilisés que pour faire diversion.
Il attrapa le bras droit de la servante, l’empêchant d’utiliser sa lame, et profita de la différence de physique pour la pousser au sol.
« La victoire est à moi ! »
« On dirait bien. »
La servante accepta sa défaite trop facilement.
L’homme avait un large sourire sur les lèvres, mais son expression se transforma rapidement en glace.
« Mph ! »
« Nghah !? »
Une minuscule aiguille sortit de la bouche de la servante, perçant le cou de l’homme.
La paralysie se répandit rapidement dans le corps de l’homme, qui glissa et tomba, impuissant.
« Une… fléchette… ? Poison… ? »
« Bien sûr. Je ne lutterais jamais contre un homme avec des bras aussi fins que les miens. »
La servante poussa le corps mou de l’homme sur le côté et se glissa sous lui.
Elle lui donna ensuite un coup de poing sur les côtes, comme pour lui donner le coup de grâce.
« Je suis terriblement désolée, mais le seul homme autorisé à me monter est mon maître, le Seigneur Dyngir Maxwell. »
Après avoir prononcé ces mots, avec une sorte de fierté dans le ton, la servante attrapa le masque de l’homme. Elle enjamba son corps et l’enleva avec force.
« Même si nous sommes parents, tu n’as pas le droit de me toucher sans permission… frère Oboro. »
« Tu es devenue vraiment compétente… Sakuya. »
L’homme en noir louait honnêtement la servante (et petite sœur) qui l’avait vaincu si facilement.
J’avais attendu que la bagarre entre Sakuya et Oboro se termine et j’avais descendu les escaliers vers le hall d’entrée.
« Alors c’est bientôt fin… hey, qu’est-ce que vous faites ? »
« Ghah, ghuh, gheh, au sec, au secours… ! »
Sur le sol en marbre gisait Oboro, un assassin et une de mes connaissances.
Puis, pour une raison inconnue, Sakuya se tenait sur son torse — ou plus précisément, elle le piétinait.
Ses pas rythmés donnaient l’impression qu’elle dansait, alors qu’elle continuait à piétiner la poitrine et le ventre de son grand frère avec ses talons.
« … C’est quoi ça, Sakuya ? »
« Une forme de toilettage, Seigneur Dyngir. »
Sakuya répondit à ma question sans changer un seul instant son expression.
« Il serait problématique pour le Seigneur Dyngir et la maison Maxwell qu’un homme aussi pathétique que celui-ci, qui perd contre sa sœur de cinq ans plus jeune que lui, devienne le prochain chef des “Crocs d’Acier”. Ainsi, je dois corriger le caractère tortueux de mon frère, comme vous pouvez le constater. »
Sakuya n’avait pas cessé de « danser » sur son frère tout au long de l’explication.
« Dah ! Gwah ! Gah ! Je-jeune Maître ! ! Je vous supplie ! Votre aide ! Gwah ! Les talons sont en train de percer mon foie ! Il va éclater ! »
« Silence. Tu ne dois pas parler au Seigneur Dyngir à moins qu’on te le demande. »
« Gwah ! Est-ce la façon de traiter ton frère ? Gwuh ! Aïe ! Des côtes sont cassées ! »
« Tu ne m’as pas entendu ? Je t’ai dit de te taire. Tes oreilles sont-elles de simples décorations ? Je suppose que tu n’en as donc pas besoin ? »
« Gweah !? Pas de coup de pied à la tête ! Les orteils sont entrés dans mes oreilles… mes tympans ! ? »
« … Sakuya. Laisse-le tranquille pour l’instant. Je ne peux pas lui parler comme ça. »
« Compris. »
Suivant mon ordre, Sakuya suspendit sa torture… non, son « toilettage » immédiatement.
Je m’étais approché d’Oboro, pitoyablement étalé sur le sol. Je m’étais accroupi et j’avais regardé son visage.
« Vas-tu bien ? Est-ce que tu m’entends ? »
« Je… j’aurais aimé que vous m’aidiez plus tôt… »
« Eh bien, tu sais, il n’est pas convenable d’interrompre une discussion entre frères et sœurs. », gloussais-je tout en secouant la tête.
Il y avait peut-être des gens qui aiment se faire frapper et piétiner par une fille, mais, malheureusement, ce n’était pas vraiment le genre de truc qu’aimait Oboro.
« Bon, alors, pouvons-nous commencer par interroger ce prisonnier de guerre ? Pourquoi as-tu infiltré le manoir ? »
Je connaissais déjà la réponse, mais j’avais tout de même demandé, par formalité.
« Heh, je ne peux pas répondre à cette question. Les “Crocs d’Acier” ne trahissent pas leurs mécènes. »
Comme je m’y attendais aussi, Oboro avait refusé de parler.
C’était le genre d’échange auquel il fallait se plier pour la forme… mais Sakuya, pourtant au courant de telles circonstances, réprimanda vivement son frère.
« Le Seigneur Dyngir a posé une question ! Comment oses-tu refuser de parler ? »
« Gwah ! N -non, c’est juste pour les apparences… hey, assez de coups de pied !! »
« Ah, er, alors peux-tu me répondre maintenant ? »
La conversation était sur le point de dérailler à nouveau, alors je les avais interrompus.
Oboro saisit cette opportunité de salut que je lui offrais et répondit avec empressement.
« Je… très bien ! Si vous voulez tant le savoir, alors je suppose que je dois parler ! Nous avons été sollicités par Sullivan Nommes afin d’assassiner Dyngir Maxwell !! »
La confession d’Oboro confirmait ce que je soupçonnais.
Je baissai les yeux et soupirai profondément.
« Aah… Je vois. Comme prévu, il n’a pas pu accepter de devenir un membre de la noblesse de la province orientale… il n’a pas pu se séparer de son passé de prince héritier. »
« Vous avez mes condoléances, jeune maître. »
Je ne sais pas comment Oboro avait pris mes paroles, mais il avait essayé de me consoler.
Moi, cependant, j’avais secoué la tête et ri.
« Oh non… c’est quelque chose à laquelle je m’attendais, mais c’est tout de même triste. Être obligé de condamner un homme qui a du sang royal dans les veines, c’est juste… tellement tragique… haha… hahaha… »
« Vos paroles et vos expressions ne correspondent pas, Seigneur Dyngir. »
Je fis un geste de la main suite à la remarque sérieuse de Sakuya et continuai à parler avec Oboro.
« Tu as la preuve que Sullivan a demandé mon assassinat, pas vrai ? »
« Bien sûr. Cet homme a signé le contrat et l’a même scellé avec du sang. Il l’a fait si facilement, sans même penser que ça pouvait être un piège. »
« Vraiment. Je suppose que les imbéciles resteront toujours des imbéciles. »
Honnêtement, je ne m’attendais pas à ce qu’il tombe dans le panneau si facilement.
Un homme que vous rencontrez par hasard vous dit que les assassins légendaires, les « Crocs d’Acier », existent vraiment et vous le croyez juste comme ça ?
Non seulement cela, mais vous avez aussi cru que la maigre somme d’argent que vous pouviez payer était suffisante pour l’assassinat du fils d’un maréchal ?
Vous êtes allé de l’avant et avez même signé le contrat, croyant que tout allait être résolu ?
Tout cela était mon plan. Il n’y avait aucune chance que la « vengeance » de Sullivan réussisse depuis le début.
« Quel crétin sans limites ! Échouer comme ça à mon “test de loyauté”… au moins maintenant, je peux disposer de lui sans réserve. »
La mort de Sullivan était maintenant décidée.
La série d’événements entamée par mes fiançailles brisées se poursuivait plus longtemps que prévu, mais la conclusion était enfin en vue.
Quand à mon dernier geste de pitié… c’est vous qui choisirez si vous mourrez d’une mort rapide ou d’une mort vraiment douloureuse.
Tout en considérant ces pensées, j’avais exprimé ma gratitude à Oboro.
« Je suis désolé de t’avoir fait faire quelque chose de si pénible, Oboro. Tu peux partir maintenant. Je t’enverrai un bon alcool la prochaine fois. Passe aussi le bonjour à l’aîné. »
« Compris, jeune maître.… au fait, Sakuya… je ne peux pas encore bouger d’un pouce. Quel genre de poison as-tu utilisé ? »
« Une dose mortelle de poison paralysant, cher frère. »
La réponse de Sakuya à la question d’Oboro était plutôt choquante.
« M-Mortelle !? Comment as-tu pu tuer ton propre frère !? »
« Repose en paix, cher frère. Grâce à ton entraînement, tu seras capable de résister à ses effets pendant deux heures. »
« Donc dans deux heures je serai mort ! ? Et je devrais rester tranquille ! ? Donne-moi l’antidote, maintenant !! »
J’avais regardé Oboro, toujours allongé sur le sol, mais qui faisait des histoires, et une question m’était venue à l’esprit.
« Tu ne peux pas bouger d’un pouce, mais tu peux beaucoup parler, hein ? »
« Oui, j’ai préparé une concoction spéciale qui permet d’interroger la victime d’un tel poison. Je ne l’ai pas appris pendant mon séjour aux “Crocs d’Acier”, mais je l’ai créé moi-même. »
« Oh, continuer à étudier comme ça est impressionnant. Bien joué, Sakuya. »
Je m’étais rapproché Sakuya et lui avais tapoté la tête. Son expression s’était adoucie. Elle posa alors sa tête contre ma poitrine.
« H-hey, vous pourrez avoir vos échanges intimes plus tard ! L’antidote d’abord !! »
J’aurais aimé porter Sakuya au lit comme ça — mais l’homme étalé sur le sol, Oboro, s’était mis en travers de mes plans.
« Sakuya, ce serait une douleur de le voir mourir, alors donne-lui maintenant l’antidote. Il va réveiller tout le manoir. »
« Oui, mon seigneur. »
Sakuya répondit à mon ordre en pinçant les ourlets de sa jupe de soubrette et en s’inclinant poliment.
« Je vais maintenant aller concocter l’antidote. S’il vous plaît, attendez un peu. »
« Tu vas le faire maintenant ! ? Pourquoi ne l’as-tu pas préparé !? »
« S’il te plaît, arrête de faire des histoires. Cela te donne l’air pathétique, cher frère. Cela ne me prendra qu’une heure environ pour la concoction, alors s’il te plaît, attend ici. »
« C’est très proche de ma limite ! Alors tu veux vraiment tuer ton propre frère !! »
Sakuya ignora les supplications de son frère concernant sa vie et s’approcha de moi.
Elle se dressa sur ses orteils et pressa ses lèvres contre les miennes tout en souriant faiblement.
« Je serai à vos côtés dès que possible. S’il vous plaît, attendez-moi au lit. »
« Oui, je t’attendrai… mais laisse-moi goûter rapidement à l’avance. »
« Mmh… »
Cette fois, j’avais pressé mes lèvres contre les siennes et j’avais pénétré dans sa bouche. Sakuya étira sa langue et l’emmêla avec la mienne.
« L’antidote !!! S’il te plaît ! La mort approche !! »
Sakuya et moi avions continué à échanger des baisers passionnés, avec les supplications désespérées d’Oboro comme sorte de musique de fond.
+++
Chapitre 17 : Le premier baiser à la saveur d’un poison
Point de vue de Sakuya
Je m’appelle Sakuya.
Je travaille comme servante pour le Seigneur Dyngir Maxwell, héritier du Margrave Maxwell, le plus grand noble de la province orientale.
Mes compétences particulières consistaient à rester éveillée toute la nuit pour garder mon seigneur, à l’escorter, à patrouiller dans le manoir, à concocter du poison… puis à assassiner, empoisonner, garrotter, matraquer, effacer, massacrer, exterminer, et bien d’autres choses encore.
Actuellement, grâce à ces compétences, je travaillais en tant que femme de chambre impeccable, mais il y a encore trois ans, j’exerçais une autre profession.
Une profession communément définie par le mot « assassin ». Dans le pays d’origine de mes ancêtres, on l’appelait aussi « Ninja ».
L’organisation à laquelle j’appartenais, une ligue d’assassins appelée la « l’escadron de Ninjas des Crocs d’Acier », était originaire d’un pays insulaire situé au-delà de la mer, à l’est du continent.
Il y avait plus de 50 ans, dans le pays extrême-oriental de « Wanokuni », nos ancêtres acceptaient les demandes reçues du gouvernement et des daimyo — dans ce pays, on les appellerait nobles — et effectuaient principalement des travaux d’infiltration, de sabotage et d’assassinat.
Le village où vivaient nos ancêtres avait cependant été complètement détruit par un certain daimyo. Chassés de leur propre pays, ils s’étaient réfugiés sur ce continent.
Après une longue période de vagabondage, leur destination fut celle-ci : le royaume de Lamperouge.
Le royaume de Lamperouge avait été fondé lorsque son prédécesseur, l’Alliance de Lamperouge — un groupe de cités-États — décida de se regrouper afin de se protéger, ceci ayant été déclenché par l’expansion territoriale de l’empire.
Il y a cinquante ans, lorsque le royaume fut nouvellement établi, celui-ci était entouré d’ennemis dans toutes les directions.
Au nord et à l’est se trouvait l’Empire, un pays agresseur connu et doté d’une force militaire massive.
Au sud, les territoires étaient soumis aux guerres de territoire des pirates, à des pillages et des massacres incessants. Les frontières occidentales étaient souvent menacées par une armée redoutable dont les gens n’osaient même pas prononcer le nom.
Dans ce pays entouré d’ennemis, où les flammes de la guerre ne s’éteignaient jamais, nos ancêtres avaient eu d’innombrables occasions de mettre à profit leurs compétences.
Ils avaient assassiné des généraux de pays hostiles, s’étaient procuré des documents secrets, avaient éliminé des cellules subversives au sein du pays… Finalement, « Crocs d’Acier » était devenu le nom d’un groupe d’assassins légendaires.
Mais les légendes s’estompaient aussi avec le temps.
Les tentatives d’invasion de l’Empire avaient été mises en attente, les guerres de territoire des pirates avaient atteint leur conclusion, une trêve avait été conclue avec l’armée rebelle. La valeur des « Crocs d’Acier » avait également diminué.
Alors que le royaume entrait dans une ère de paix, notre existence avait été reléguée au rang des légendes.
Devait-on abandonner notre profession d’assassins et continuer à vivre ici, ou partir à la recherche de nouveaux champs de bataille ?
L’heure du choix était venue.
C’était précisément à ce moment-là qu’il était apparu devant nous.
« Bonjour, c’est le repaire de la guilde des assassins Les Crocs d’Acier, n’est-ce pas ? »
C’était il y a trois ans, dans la petite ville où les « Crocs d’Acier » avaient établi leur quartier général. Un jeune homme avait soudainement ouvert la porte de la taverne qui servait de façade à la cachette.
Le jeune homme était âgé d’environ quinze ans.
Il avait une épée noire à la taille et portait un sac sur son épaule, qui semblait remplie à ras bord.
« … Qu’est-ce que tu dis, garçon ? Cet endroit est réservé aux membres. », répondit le membre des « Crocs d’Acier » qui faisait office de personnel de la taverne, imperturbable.
Toutes les personnes présentes dans la taverne, moi y comprise, étaient des ninjas du « Crocs d’Acier ».
J’étais assise à une table et je mangeais. Lorsque le jeune homme était entré, j’avais pris négligemment mes aiguilles empoisonnées sous la table, me préparant à l’attaquer si nécessaire.
Les autres ninjas déguisés en clients de la taverne préparaient également secrètement leurs armes.
« Haha, toute cette intention meurtrière que vous dégagez est une preuve suffisante. Laissez-moi deviner, tous ceux qui sont ici sont des assassins ? »
« … »
Le serveur avait établi un contact visuel avec moi.
C’était le signal pour bouger : je m’étais rapidement déplacée derrière le jeune homme, sans faire de bruit.
Je ne le tuerais pas immédiatement : nous devions d’abord l’interroger, pour savoir où il avait appris l’emplacement de notre cachette.
D’abord, tu seras paralysé.
J’avais essayé de poignarder le cou du jeune homme avec une aiguille enduite de poison paralysant, mais quelque chose de très inattendu s’était produit.
« Oh, tu es rapide. »
« Ah !? »
Le jeune homme esquiva mon attaque, sans même me regarder. L’instant d’après, il s’était retourné, attrapa mon poignet, et le leva haut.
« Khuh !! »
« Whoa là ! Tu as de mauvaises manières, ma fille ! »
J’avais essayé d’utiliser ma main libre pour lui crever les yeux, mais le jeune homme l’avait également esquivé facilement, puis avait également attrapé mon autre main.
Kh… mais j’ai encore mes jambes… !
J’avais essayé de lui donner un coup de pied entre les jambes afin de l’envoyer voler, mais le jeune homme répliqua avec une attaque surprenante.
« Tu es vraiment fougueuse malgré ta taille. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une légendaire ligue d’assassins ! Et bien dans ce cas, je devrais commencer par donner une récompense à cette jeune femme ici présente. »
« Nguh !? »
L’instant d’après, le jeune homme m’embrassait.
C’était la première fois que mes lèvres touchaient celles de quelqu’un d’autre. Mon premier baiser, comme on dit.
« Hnn !! Nnh… ! Nnh… mmh… »
J’avais d’abord désespérément résisté, mais à mesure que la langue du jeune homme pénétrait à l’intérieur de ma bouche, j’avais progressivement perdu la capacité de bouger.
Je suis… plutôt… paralysée…
Les compétences de la langue du jeune homme étaient si mortelles que je commençais à me demander si sa langue n’avait pas été enduite de poison.
Il suça mes lèvres, lécha et caressa chacune de mes dents.
J’avais senti toute ma force quitter mon corps, et avant que je ne le remarque, j’étais appuyée contre le jeune homme.
… Je n’ai jamais ressenti… quelque chose d’aussi… bon…
J’avais l’impression d’avoir été bercée dans une sorte d’ivresse de boisson, mais ce moment de félicité se termina brusquement.
« Hmm, délicieux. Les fruits pas mûrs ont aussi un bon goût. »
« Ahn… »
Après je ne sais combien de temps, mes lèvres avaient finalement été libérées.
J’avais été étourdie pendant un moment, comme si je flottais. Lorsque j’avais pleinement repris mes esprits, j’avais vu les tables et les chaises de la taverne éparpillées et brisées, des bouteilles cassées et des tessons de verre partout.
Tous les « Crocs d’Acier » ninjas, sauf moi, étaient allongés sur le sol. Celui qui se faisait passer pour le serveur, mon grand frère Oboro, était allongé face contre terre : le jeune homme l’enjambait.
« Voilà ce qui arrive quand on interrompt une scène d’amour, bande d’idiots incivils. »
« Qui diable… êtes-vous… ? »
Tous les ninjas présents étaient des assassins membres des « Crocs d’Acier ». Chacun d’entre eux avait survécu à d’innombrables situations mortelles : ils étaient tous maîtres de leur art.
Et ce jeune homme les avait tous vaincus à lui tout seul… tandis qu’il… m’embrassait… ?
« Moi ? Ah oui, je ne me suis pas présenté, pas vrai ? Je m’appelle Dyngir Maxwell. J’ai le pressentiment que nous allons avoir une longue relation, vous et moi. En tout cas, je suis ravi de vous rencontrer. »
Le jeune homme — le Seigneur Dyngir Maxwell — souriait comme un enfant malicieux.
J’avais ouvert la bouche pour dire quelque chose, mais avant que je puisse le faire, des rires avaient résonné dans la taverne.
« Ho ho ho, c’est vraiment très animé ici aujourd’hui. »
« G-grand-père… »
Je m’étais retourné et j’avais trouvé le visage familier d’un homme âgé.
L’homme grand avec une longue barbe blanche était Jogen : c’était l’actuel chef des « Crocs d’Acier » et mon grand-père. Après la mort de mes parents dans l’exercice de leurs fonctions, il était également la personne qui m’avait élevée.
« Je dois dire que je suis surpris de voir quelqu’un qui arrive à gérer autant contre nos jeunes. Je vois qu’on ne t’appelle pas prodige sans raison, mon petit Maxwell. Impressionnant, impressionnant. »
Grand-père rit joyeusement, comme un gentil voisin âgé, mais ses yeux ne souriaient même pas. Il lançait un regard acéré à l’intrus puis aux ninjas qui avaient été vaincus si facilement.
Le Seigneur Dyngir m’avait libérée de son étreinte. Encore bouleversée par son baiser passionné, je m’étais affalée sur le sol.
« C’est moi qui suis impressionné ici, ancien. Je n’ai même pas senti ta présence jusqu’à ce que tu parles. »
Le Seigneur Dyngir avait félicité mon grand-père avec un sourire.
« Haha, je n’ai pas vieilli en ne faisant rien. »
Mon grand-père avait répondu et sourit en retour. L’atmosphère autour d’eux semblait paisible, comme s’ils étaient déjà amis.
J’avais remarqué, cependant, qu’ils gardaient tous deux soigneusement leurs distances l’un de l’autre, jaugeant la portée de l’autre.
« Eh bien, Seigneur Dyngir, puis-je vous demander ce qui vous amène ici ? Je suis sûr que vous n’êtes pas venu uniquement pour donner une bonne leçon à nos jeunes. »
« C’est exact. Je suis venu ici pour une demande de travail. »
« Ooh, c’est intrigant. Laissez-nous l’entendre. »
« Bien sûr. »
Le Seigneur Dyngir posa le sac qu’il portait sur une table voisine. Il l’avait ensuite ouvert, révélant un grand nombre de pièces d’or.
« La demande concerne un assassinat. Et la cible est — Dyngir Maxwell. En d’autres termes, moi. »
Ce furent les mots exacts du Seigneur Dyngir.
Ses mots incroyables avaient créé un silence total dans la pièce pendant un moment. J’étais toujours assise sur le sol, sans voix.
« … Est-ce une sorte de blague ? »
Grand-père aussi était suspicieux : il fronça les sourcils en demandant au Seigneur Dyngir de s’expliquer.
Le Seigneur Dyngir sourit, comme si notre réaction était exactement celle qu’il attendait. Il avait alors levé son index à côté de son visage et répondit.
« Non, ce n’est absolument pas une blague. Pour faire simple, je veux faire un pari avec vous, les “Crocs d’Acier”. »
« Un pari ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? »
« Oui, un pari. Vous avez un mois pour essayer de m’assassiner. Si vous réussissez, cet argent est à vous. Si vous échouez, les “Crocs d’Acier” deviendront mes subordonnés. »
« Hooh… vous voulez que nous vous servions ? »
« Oui, c’est ça. Les conditions ne sont pas mauvaises, n’est-ce pas ? »
« Hohoho, comme c’est drôle ! Comme on le dit, les jeunes doivent être insouciants. Mais… vous vous emportez un peu trop, mon garçon. »
Grand-père riait de bon cœur à un moment, mais l’instant d’après, alors qu’il s’adressait sévèrement au Seigneur Dyngir, son expression avait complètement changé.
Je n’avais jamais vu grand-père relâcher une telle intention meurtrière : même si je n’étais pas la cible, je ne pouvais m’empêcher de trembler.
« Votre petite victoire sur nos hommes ici présents a dû vous monter à la tête. Nous sommes des assassins, pas des guerriers ou des mercenaires. Notre essence ne consiste qu’en une seule chose, assassiner. Nous utilisons tous les moyens disponibles, aussi bas ou immoraux soient-ils, pour faire taire nos cibles à jamais. Pensez-vous vraiment pouvoir échapper à toute l’étendue de nos techniques d’assassinat ? Vous, un gamin de moins de vingt ans ? Quelle arrogance ! »
« Aîné… oui, en vous regardant, je comprends à quel point j’ai été imprudent. On dirait que j’ai vraiment sous-estimé la légendaire ligue d’assassins. »
Le Seigneur Dyngir avait sincèrement incliné la tête, puis continua.
« Je ne peux cependant plus revenir sur ce que j’ai dit. Je n’ai peut-être qu’une très faible chance de victoire, mais laissez-moi contempler vos légendaires arts d’assassinat. »
« … Qu’est-ce qui vous pousse à faire une telle chose ? Si vous souhaitez que nous soyons alliés, vous pourriez simplement offrir de l’argent ou des terres en échange. »
« Je sais bien que vous ne pensez pas ce que vous venez de dire. Comme si cela pouvait suffire à vous faire changer d’avis. »
Le Seigneur Dyngir secoua la tête devant la question légitime de mon grand-père.
« Cinquante ans ont passé depuis que les “Crocs d’Acier” sont apparus pour la première fois dans l’histoire de ce pays. Vous avez accepté les demandes de nombreuses personnes, mais vous n’avez jamais prêté allégeance à une personne ou un groupe, pas vrai ? Je ne sais pas si c’est votre devise ou si vous n’avez simplement pas encore trouvé quelqu’un d’assez digne pour l’accepter comme maître. Quand j’ai réfléchi à un moyen de vous convaincre, la seule chose qui m’est venue à l’esprit était de vous montrer ma détermination et mes capacités. Alors me voici. »
« Vous avez donc risqué votre vie pour nous convaincre ? C’est flatteur en effet. Cela dit, tout cela ne signifierait rien si vous mourez. »
« Si cela arrive, cela signifiera que c’était ma limite en tant qu’homme. On dit pourtant que j’ai la chance du diable. Je vais me battre bec et ongles avec tout ce que j’ai, vous verrez. »
Le Seigneur Dyngir rit de façon effrontée. Cette fois, j’avais cru qu’il rayonnait. J’avais l’impression d’avoir vu le soleil pour la première fois de ma vie.
J’avais appuyé mes mains sur ma poitrine pour l’empêcher de cogner autant, mais mon cœur avait continué à battre plus vite, plus fort, plus intensément.
« Très bien, je comprends. Votre demande a été acceptée. Si dans un mois vous êtes toujours en vie, les “Crocs d’Acier” deviendront les serviteurs du Seigneur Dyngir Maxwell. »
« Je suis vraiment impatient de voir ça. Mais faire du mal à quelqu’un d’autre est contre les règles, d’accord ? »
« Hohoho, très bien. »
Le Seigneur Dyngir quitta ensuite notre cachette.
Je l’avais regardé partir, puis j’avais posé une question à grand-père.
« Était-il vraiment normal d’accepter une telle demande ? »
« C’était la seule solution. Si cet homme a fait preuve d’une telle détermination à notre égard, comment ne pas répondre de la même manière ? »
Grand-père hocha la tête tout en caressant sa précieuse barbe.
« De toute façon, notre mode de vie actuel a atteint ses limites. Cela pourrait en fait être une bonne chance. »
L’époque où les « Crocs d’Acier » étaient considérés comme nécessaires était révolue depuis longtemps.
Les demandes d’assassinats, qui portaient les récompenses les plus fructueuses, diminuaient de jour en jour. Nous avions été contraints de réexaminer notre mode de vie.
En partant d’une telle situation, entrer au service d’une puissante maison noble comme les Maxwell n’était pas une mauvaise perspective.
« Le seul problème est de savoir si ce garçon est quelqu’un d’assez digne ou non… non, il semble bien qu’il puisse être digne en tant que chef, et il a aussi assez de force. Tout dépend maintenant de l’étoile sous laquelle il est né. »
Grand-père regarda ses subordonnés inconscients, haussa les épaules et soupira. Il s’était ensuite tourné vers moi, un air mortellement sérieux sur le visage.
« Sakuya. Je te laisse l’assassinat de cet homme, Dyngir Maxwell. »
« Eh ? »
L’ordre de Grand-père m’avait prise complètement par surprise.
Je ne comprenais pas comment une mission aussi importante, dont dépendait le sort même des « Crocs d’Acier », pouvait être confiée à quelqu’un qui avait déjà perdu et qui avait honte comme moi.
« Es-tu vraiment sûr de cela, grand-père ? Il y a beaucoup de membres plus compétents que moi… »
Les membres inconscients dans la taverne étaient tous de jeunes membres des « Crocs d’Acier ». Je savais ça et j’étais fière du fait que j’étais la plus habile d’entre eux, mon frère Oboro compris.
Mais parmi les membres qui avaient soutenu le groupe pendant l’âge de la guerre aux côtés de grand-père, il y avait cependant des personnes bien plus compétentes que moi.
Grand-père secoua la tête pour répondre à ma question.
« Ceux qui serviront le Seigneur Dyngir ne sont pas nous, les personnes âgées, mais vous, les jeunes. Normalement, ce serait au prochain chef d’effectuer ce test… mais vu l’état pitoyable d’Oboro, je ne peux pas le lui confier. »
« Gweh !? »
Grand-père marcha sur le corps de mon frère, puis se gratta la tête.
« Je vais devoir recycler cet imbécile, donc la demande te revient. C’est ma décision en tant que chef. »
« … Compris. »
Si mon grand-père m’ordonnait de prendre la mission en tant que chef, je n’avais d’autre choix que d’obéir.
J’allais faire tout ce qui était en mon pouvoir en tant qu’assassin pour répondre à la demande.
« Utilise toutes les techniques que tu as apprises et détermine s’il est apte à être notre chef ou non. Ne sois pas indulgente avec lui, même si tu es tombée amoureuse ! Sommes-nous d’accord ? »
« Je… je n’ai pas… !!! »
J’avais oublié ma position et j’avais répondu à mon grand-père, puis j’avais caché mon visage rouge et brûlant avec mes mains.
Un mois s’était écoulé depuis. J’avais visé la vie du Seigneur Dyngir avec tous les moyens à ma disposition.
Le résultat fut le suivant… j’avais perdu.
Je ne m’étais pas du tout retenue, mais le Seigneur Dyngir avait déjoué toutes mes tentatives, par pure chance et grâce à ses propres capacités, prouvant ainsi qu’il était apte à devenir notre maître.
Après avoir raté un assassinat, le Seigneur Dyngir m’avait attrapée et m’avait fait toutes sortes de choses.
En conséquence, j’avais réalisé que ce qu’il me restait à faire était de le servir en tant que servante… mais ceci est une tout autre histoire.
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Chapitre 18 : Combat final
Point de vue Sullivan Nommes
« Merde ! Pourquoi n’ont-ils pas encore fait leur rapport !! »
J’étais assis sur une chaise dans ma chambre de la maison Nommes, tapotant nerveusement les accoudoirs.
J’avais fait de mon mieux pour contenir mon irritation ces derniers jours.
Il y a deux semaines, j’avais rencontré un homme appelé Zaill dans une taverne en ville. Il m’avait présenté la bande d’assassins des « Crocs d’Acier », à qui j’avais commandité le meurtre de Dyngir Maxwell.
L’homme des « Crocs d’Acier » avait accepté la demande, en disant qu’ils allaient l’accomplir en l’espace de quelques jours, mais je n’avais pas encore reçu le rapport indiquant que la demande avait été accomplie.
« Merde ! !! Comment peuvent-ils être si lents, après m’avoir fait payer tout cet argent !? »
J’avais tapé du poing sur la table en crachant ces mots.
J’avais dû me donner toutes sortes de mal pour rassembler l’argent demandé par les assassins.
Je ne pouvais bien sûr pas parler de cette demande aux Nommes, j’avais donc dû la préparer tout seul.
J’avais supplié mes amis de la capitale par lettre et j’avais réussi à obtenir un peu d’argent de leur part.
Plusieurs d’entre eux avaient accepté ma demande, mais la lettre jointe disait également « C’est la dernière fois, ne me contactez plus jamais », rompant ainsi leurs liens avec moi. Quand j’avais vu ces lettres, je m’étais senti tellement insulté que j’avais déchiré la lettre en lambeaux.
Vous ferez mieux de vous souvenir de ça ! Quand Dyngir Maxwell sera tué et que je deviendrai le prochain maréchal, je vais déclencher une révolte et brûler la capitale ! !! Toutes vos têtes vont tomber !!
Au début, j’avais prévu de reprendre mon titre de prince héritier, mais, à cause de la façon incroyable dont mes amis avaient changé, j’avais commencé à penser à de tels complots.
La maison Maxwell était l’une des Quatre Maisons : sa force militaire était l’une des plus grandes du royaume. Une fois qu’elle serait entre mes mains, punir la famille royale qui m’avait abandonné et les nobles centraux qui m’avaient trahi ne serait plus un rêve.
Vous regretterez le fait de m’avoir déshérité… tous ceux qui s’opposent à moi mourront ! Je vais reprendre le trône par la force… !!
Père, qui m’avait abandonné, et mon jeune frère, qui avait volé mon titre de prince héritier, vont être brûlés sur le bûcher. Je couperai la tête du duc Rosais et l’exposerai aux yeux de tous. Je prendrai sa fille Marianne et j’en profiterai toute ma vie comme esclave sexuelle.
Alors que les fantasmes prenaient vie dans ma tête, mes lèvres s’étaient naturellement courbées en un sourire.
J’allais me venger des personnes qui m’avaient conduit à la ruine et leur apporter la destruction à leur place. Comment pourrais-je ne pas rire ?
Toc, toc, toc.
« Seigneur Sullivan, puis-je ? »
Quelqu’un frappa à la porte et interrompit mes pensées.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Je suis plutôt occupé maintenant. »
Juste au moment où je savourais mes brillantes perspectives, mon ton cachait à peine l’irritation que je ressentais.
« Un invité est venu vous voir, mon seigneur. Puis-je le laisser passer ? »
« Ooh !! Oui, bien sûr, laissez-le entrer ! »
« … Compris. Tout de suite, monseigneur. »
Je me réjouissais bruyamment dans mon esprit.
Depuis que j’avais commencé à vivre dans la maison Nommes, je n’avais pas reçu un seul invité.
Ce qui voulait dire que cet invité apportait sûrement le rapport que je voulais entendre.
Ils ont exécuté l’assassinat ! Enfin !!
Je m’étais levé de ma chaise d’un bond et j’avais fait les préparatifs pour accueillir l’invité.
Comme je dansais presque de joie, je n’avais pas remarqué que le majordome qui était venu annoncer l’arrivée de l’invité parlait d’un ton terriblement tendu.
Après un petit moment, quelqu’un frappa à nouveau.
« Oh ! Entrez donc ! »
« Avec votre permission. »
« J’attendais… ? »
L’invité qui était entré dans ma chambre était très inattendu.
« Permettez-moi de me présenter, Seigneur Sullivan Nommes. Je m’appelle Lowen, je suis le capitaine de la première division de sécurité de la maison Maxwell. »
L’invité était un homme vêtu d’une armure complète. Sur sa poitrine, il portait le blason du Maréchal Maxwell, l’emblème du dragon bleu.
Il y avait deux autres soldats derrière Lowen, qui étaient armés de la même manière que lui.
« La division de sécurité de M-Maxwell… capitaine… ? Qu’est-ce qui vous amène… »
Ma voix était devenue stridente et aiguë.
Agir de façon aussi agitée revenait à exposer ma mauvaise conscience, mais je ne pouvais pas retenir mon agitation.
« Vous ne savez pas ce qui m’amène ici, monsieur ? »
Lowen posa une question inquisitrice. Je sentis clairement toute couleur quitter mon visage.
« Je… je… je n’en ai aucune idée. »
« Vraiment ? Alors, s’il vous plaît, regardez ça. »
« Qu’est-ce que c’est ? … !? »
Lowen sortit un morceau de parchemin roulé et l’étala pour que je le voie. C’était un contrat dont je ne me souvenais que trop bien.
« Ce document a été trouvé dans la cachette d’un gang d’assassins que nous avons appréhendé récemment. Son contenu, comme vous pouvez le voir, détaille une demande d’assassinat de notre seigneur, Dyngir Maxwell. Au bas du document, vous pouvez voir votre propre signature et votre sceau. »
« Q-q-q-q-q-q… qu’est-ce que c’est… !? »
Impossible ! ! Ils ont été attrapés ! ? N’étaient-ils pas des assassins légendaires !?
J’avais à peine réussi à me retenir de crier mes pensées.
J’avais essayé désespérément de retenir mon choc, mais je n’avais pas pu empêcher mon corps de trembler.
« Je, je… je n’ai rien à voir avec tout cela. Quelqu’un a dû se faire passer pour moi pour… »
« Je vois, dans ce cas, permettez-nous de procéder à un examen approprié. Contrairement aux signatures, les sceaux ne peuvent pas être dupliqués. Veuillez nous montrer vos doigts, la vérification ne prendra que peu de temps. »
« Uuh, aah, uuh.… »
J’avais enroulé mes doigts dans ma main et m’étais effondré sur place.
Il n’y avait pas besoin d’examen : j’avais moi-même apposé mon sceau sur le contrat.
« Il semble que nous soyons arrivés à notre conclusion. Suivez-nous tranquillement, et vous aurez peut-être l’occasion de vous expliquer au tribunal. »
« Vous… voulez me juger au tribunal… comme un criminel ? Moi, le prince héritier de… »
« Il semble qu’il y ait un malentendu ici : vous n’êtes plus le prince héritier. Vous êtes maintenant simplement en train de récolter ce que vous avez semé. Si vous résistez, nous devrons prendre des mesures en conséquence. »
Lowen avait alors caressé la poignée de l’épée à sa taille.
Je m’étais tu pendant un court instant, puis j’avais ouvert la bouche à nouveau.
« Compris… Je vais préparer mes affaires, attendez un instant s’il vous plaît. »
Je regardais toujours vers le bas quand Lowen m’avait arrêté.
« Confiez-moi d’abord votre épée, s’il vous plaît. »
« Ghuh… »
(Quelle insolence !!)
J’avais retenu l’envie de répondre en criant et j’avais remis mon épée à Lowen.
Soyez tous maudits… ! Est-ce que tout le monde dans ce maudit royaume est impatient de se mettre sur mon chemin !? N’y a-t-il pas de dieu en ce monde !?
Pourquoi avais-je dû endurer de telles épreuves ? Je n’avais jamais rien fait d’autre que mener une vie digne d’un prince héritier !
Qu’avais-je fait pour mériter tout cela ?
Assez ! Obtenir l’aide de criminels de bas étage était de toute évidence une erreur ! Je vais tuer Maxwell de mes propres mains !!
À ce stade, il était clair que je devais créer un chemin moi-même.
Je ne pourrais jamais me permettre d’être jugé comme un criminel dans un procès perfide comploté par la maison Maxwell.
La justice est de mon côté !! Maxwell, tu vas payer !
Je fis semblant de préparer mes affaires et sortis quelque chose d’un tiroir.
Lorsque j’avais été déshérité et jeté hors de la maison royale, la plupart de mes biens en tant que prince héritier avaient été confisqués.
Il y avait cependant une chose, que je pouvais secrètement apporter.
« Hehe… hehehehehe… »
Ce que j’avais sorti du tiroir était un vieux bracelet en argent terne. En tant qu’accessoire, il était trop minable pour être porté par un membre de la royauté comme moi, mais ce dont j’avais besoin maintenant n’était pas sa valeur en tant que décoration.
C’était l’outil magique de la maison royale, « Herakles ».
L’un des trésors nationaux du royaume de Lamperouge était maintenant équipé sur mon bras gauche.
+++
Chapitre 19 : Le bracelet du héros
« Haha… haha… »
« Quoi… ? »
Sullivan s’était mis à rire tout d’un coup, alors Lowen fronça les sourcils.
Il remarqua alors que Sullivan portait maintenant un bracelet en argent et le regardait, les yeux écarquillés.
« C’est quoi ce bracelet ? Messieurs, retenez-le !! »
« Oui monsieur !! »
Lowen ne savait pas ce qu’était réellement le bracelet, mais il était sûr qu’il s’agissait d’un objet magique — il avait donc immédiatement ordonné à ses subordonnés de bouger.
Cependant…
« Gwaaaahhh !!! »
Sullivan rugit et agita ses bras.
« Gah !? »
Il les avait seulement déplacés sauvagement, mais l’un des subordonnés de Lowen fut projeté contre le mur.
« Vous… ! »
Lowen jeta un coup d’œil au soldat projeté contre le mur, puis il dégaina son épée.
Il s’était approché de Sullivan en un instant et l’avait frappé d’une attaque en diagonale.
Le corps de Sullivan fut profondément coupé et du sang gicla.
« Haha ! !! Hahahaha ! !! Ce n’est rien ! !! Grraaaahhh ! !! »
« Im-impossible !! »
Le corps blessé de Sullivan s’était rétabli, presque instantanément.
Sullivan déplaça alors ses bras dans la direction de Lowen.
Lowen para avec son épée et sauta en arrière pour tuer l’élan.
« Gh… quelle puissance incroyable… ! »
« Capitaine Lowen ! Espèce de… maudit rebelle !! »
L’autre soldat transperça Sullivan avec sa lance, exactement sous ses aisselles : la lance traversa les côtes et atteignit le cœur de Sullivan.
« Hors de mon chemin, imbéciles !! »
Même avec le cœur transpercé, Sullivan n’était pas mort : il brisa avec force la lance avec ses bras.
« Vous osez blesser ma noble personne ! Je vous ferai tous pendre !! Notez bien mes paroles !! »
Sullivan brisa la fenêtre et sauta dehors.
« Arrêtez !! »
Le soldat qui avait poignardé Sullivan avec sa lance dégaina son épée et commença à le poursuivre.
« Stop ! Ne le poursuis pas ! »
Lowen, cependant, l’avait arrêté.
« Ce n’est pas la peine. Occupe-toi plutôt de ses blessures. »
« Mais, monsieur… »
Le soldat regarda la fenêtre brisée, puis son camarade affalé contre le mur.
« Tout va bien. Il y a eu un accident inattendu, mais les choses se déroulent en grande partie comme prévu… de toute façon, nous voulions le laisser s’échapper depuis le début. »
« V-vraiment monsieur ? Compris… »
Le soldat pencha la tête, confus.
Lowen secoua la tête et soupira.
Il entendit des clameurs dans le couloir. Les résidents de la maison des Nommes avaient entendu l’agitation et commençaient à se rassembler, naturellement.
Lowen se dirigea vers le couloir, pour expliquer la situation au chef de la maison Nommes.
« Laissons le jugement au jeune maître… si seulement il s’était laissé prendre, il aurait été jugé comme un être humain. »
Les mots murmurés de Lowen étaient empreints de pitié.
« Merde ! !! Merde, merde, MERDE ! !! »
Sullivan jura en traversant la ville à une vitesse incroyable.
« Herakles » était un outil magique et le trésor national du royaume de Lamperouge. Son pouvoir boostait les capacités physiques et de guérison de celui qui le portait.
Il y avait de nombreux objets magiques qui boostaient les capacités physiques, mais « Herakles » était particulièrement puissant.
Tant qu’Herakles était porté, l’utilisateur ne mourrait pas même si sa tête était fracassée ou si son corps entier était poignardé par des lances. Le porteur devenait immortel et pouvait combattre des hordes d’ennemis à lui tout seul.
De plus, contrairement à d’autres objets magiques, « Herakles » ne causait aucune fatigue au porteur, il pouvait donc être utilisé sans limites.
Lorsque le royaume de Lamperouge avait été fondé, le premier roi avait combattu avec « Herakles », répandant sa renommée de guerrier immortel, laissant des légendes telles que son combat contre des armées de milliers de personnes à lui seul.
« Qui pensez-vous que je suis, misérables roturiers ? Je suis le souverain prédestiné de ce royaume !! Tout dans ce royaume m’appartient !!! »
Sullivan avait perdu sa position de prince héritier, sa position d’héritier de la maison Nommes, tout.
Il ne lui restait plus que le vieux bracelet d’argent à sa main gauche.
« Rien ne m’arrêtera maintenant ! Oui, un pays où je ne suis pas le roi ne peut pas avoir raison ! Je n’en ai plus besoin !! »
Le cœur de Sullivan s’enfonçait de plus en plus dans un marais de mauvaises intentions : sa rage et sa haine incontrôlables peignaient en rouge le paysage devant lui.
Les gens dans les rues, alertés par ses cris, lui ouvrirent rapidement un chemin, mais il ne les voyait même plus.
« Je vais te tuer, Dyngir Maxwell !!! Ton père Dietrich aussi ! Je vais prendre vos deux têtes en cadeau et me tourner vers l’empire !!! »
Si le maréchal de la province orientale, gardien de la frontière, était tué avec son fils et son héritier, les territoires orientaux du royaume de Lamperouge s’effondreraient sûrement.
Si l’empire en profitait pour l’envahir, c’était tout le pays qui allait tomber.
« Oui !! Je deviendrai un héros de l’empire !! Le pays qui m’a abandonné sera réduit en cendres et une nouvelle ère verra le jour ! »
Les beaux traits du jeune noble fringant se tordaient méchamment.
Le cœur de Sullivan n’avait plus aucune trace d’amour pour sa patrie : il n’y avait que de la haine et un désir de vengeance envers ceux qui avaient fait déraper sa vie.
Tout d’abord, je dois me regrouper et… oui !! Zaill ! !! Je dois punir cet homme pour m’avoir présenté à ces assassins inutiles.
Sullivan se dirigeait maintenant vers la résidence que Zaill lui avait dit pouvoir utiliser comme « abri d’urgence ». Elle était assez éloignée de la ville, mais, grâce à « Herakles », il pouvait l’atteindre en une journée environ.
« Zzzzaaaaaaiiiillll ! !! Attends un peu… !!! Ton roi va te punir personnellement ! !! »
La lueur terne du bracelet d’argent s’intensifiait tandis que Sullivan frappait le sol avec plus de puissance.
Le voyage jusqu’à la résidence aurait normalement pris des jours, mais la vitesse maximale du bracelet permit à Sullivan d’arriver avant le coucher du soleil.
La résidence était située dans une zone connue pour être un lieu de villégiature dans la province de l’Est : parmi de nombreuses autres résidences nobles, elle était plus haute et plus imposante que toutes les autres. Son jardin était également vaste, ce qui la faisait ressembler à une villa digne de la royauté.
« Hmph, il doit avoir pas mal de finances à sa disposition vu qu’il a pu construire un manoir comme celui-ci. On dirait que je vais pouvoir faire bon usage de toi, Zaill… »
Sullivan ouvrit les portes de fer et se dirigea résolument vers l’intérieur.
La résidence était très grande, mais il n’y avait aucun signe de sécurité nulle part. On ne voyait même pas de domestiques ou de femmes de chambre.
« … Je m’attendais à trouver plus de sécurité, cependant… pourrait-il avoir déserté l’endroit… ? »
Sullivan, perplexe, se dirigea vers l’entrée.
Finalement, il repéra une porte magnifiquement décorée.
« Hmm ? »
Avant qu’il ne puisse l’atteindre, cependant, la porte s’était ouverte de l’intérieur.
« Whoa, tu es arrivé plus tôt que prévu. »
« Quoi !? Tu es… !!! »
De derrière la luxueuse porte menant à la résidence émergea l’homme le plus détesté de Sullivan, Dyngir Maxwell lui-même.
« Dyngir Maxwell ! Pourquoi es-tu là ? »
« Pourquoi… ? Pourquoi ne puis-je pas être dans ma résidence privée ? »
J’avais haussé les épaules devant les cris de colère de Sullivan.
La résidence dans laquelle nous nous trouvions était l’une de mes propriétés privées.
Si quelqu’un devait être accusé, c’était lui pour être entré sans permission — mais je savais que ce raisonnement n’allait pas fonctionner sur l’idiot qui se tenait devant moi.
« Ta résidence privée ! ? C’est impossible ! C’est celle de Zaill… »
« Vous m’avez appelé, Seigneur Sullivan ? »
Un homme était apparu de derrière l’un des piliers du hall d’entrée.
« Zaill !!! Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi Dyngir Maxwell est-il ici !? »
Sullivan continua à crier.
L’homme bien habillé, son expression posée de gentleman imperturbable sur le visage, répondit à la question de Sullivan comme s’il apaisait un enfant indiscipliné.
« Je vois que vous ne réalisez toujours pas… quelle est exactement votre position actuelle. Même dans une situation comme celle-ci, vous ne voyez toujours pas de quel côté je suis ? »
« Ne me dîs pas que tu… »
Sullivan avait été frappé par une prise de conscience.
Il comprenait enfin à quel endroit il avait été attiré.
Que l’homme appelé Zaill n’était pas son allié.
« Espèce de salaud… ! Comment oses-tu… me trahir… !!! »
« Trahir ? J’ai peur que ce ne soit pas correct. En premier lieu… »
« Assez, j’en ai marre de t’entendre parler comme ça. Peux-tu arrêter ? »
Je ne pouvais plus supporter de regarder cette farce, alors j’avais interrompu l’homme.
« Ton travail est terminé maintenant, alors tu peux parler comme tu le fais d’habitude, Clown. »
« Ooh, c’est ainsi… heehee… alors, laissez-moi parler normalement, monsieur. »
L’attitude de l’homme que Sullivan appelait « Zaill » avait complètement changé.
Ses manières polies et ses traits de gentleman s’effritèrent, laissant à la place un voyou à l’air vulgaire.
C’était la véritable apparence de l’homme dont on disait qu’il avait cent visages, Zaill — le Clown.
Ce visage pourrait cependant être aussi un faux.
« Q-Qui donc es-tu !? Où est passé Zaill !? »
Sullivan était complètement désorienté par le changement radical de l’apparence de Zaill : il avait instantanément pris un visage complètement opposé.
Je comprenais bien ce qu’il ressentait : quand je l’avais vu pour la première fois, j’étais moi aussi resté sans voix.
« Heeheehee, l’homme nommé Zaill n’a jamais vraiment existé. Mon nom est Clown, je ne suis qu’un pauvre escroc. »
« Un… un escroc… ? »
« Oui monsieur, vous avez été trompé depuis le début. Je vous ai approché en tant que Zaill, je vous ai parlé des “Crocs d’Acier”, j’ai dit que vous aviez une chance de devenir le prochain Seigneur Maxwell… tout ça pour vous attirer dans un piège. Heeheehee. »
« Je ne peux pas… le croire… »
L’expression de Sullivan s’était terriblement déformée.
Ce qui ressortait de son expression maintenant était l’humiliation et la suspicion.
« Vous ne vous en êtes pas encore rendu compte ? Vous êtes tombé dans le panneau, avec l’hameçon, la ligne et le plomb. C’était un “test”, pour voir si vous méritiez le titre de Baron Nommes. Et vous avez échoué de façon spectaculaire ! Vous avez craché et piétiné tout ça ! Heeheehee ! »
« … »
Sullivan s’était tu après les paroles moqueuses du Clown. Puis, après un bref silence, il explosa.
« Merrrrrdddeeee ! !!! Tu vas payer pour m’avoir trompéééééééé !!!! »
Le bracelet du bras gauche de Sullivan émit une lueur terne.
Avec un bruit d’explosion, comme si la terre elle-même avait explosé, Sullivan sauta sur le Clown.
« Toi, me tester !? Tester le prince héritier de ce royaume ? Le souverain légitime de ce pays !? Reste à ta place, déchetttttttt !!! »
« Heehee, ça se présente mal ! »
Clown s’était légèrement écarté, révélant la silhouette d’une personne qui faisait face à Sullivan à sa place.
« Est-ce enfin mon tour ? »
La silhouette derrière le Clown était celle de la demoiselle de la lance, Shana.
Shana passa sans encombre devant Sullivan, et plaça la poignée de sa lance entre ses jambes pour le faire chuter.
« Nuooooohhh !? »
Les jambes de Sullivan s’envolèrent dans les airs. Il s’écrasa la tête la première contre l’un des piliers de l’entrée.
« Déjà fini ? Comme c’est ennuyeux. »
« Gwuh, gweeeehhh !? »
Le pilier de marbre s’était brisé, ses débris tombant sur Sullivan.
« Ah !! Hey, Shana !! Ne va pas détruire ma résidence !! »
« On ne peut rien y faire ! C’est la faute de cet homme qui est trop faible. »
Shana fit tourner sa lance et frappa le sol avec la poignée.
Elle corrigea la position de ses cheveux argentés, montrant une expression mécontente sur son beau visage.
« Je ne peux pas m’attendre à ce qu’il soit aussi fort que toi, mais je voulais au moins voir un peu plus de ténacité. »
« Eh bien, on dirait qu’il a suffisamment assez pour se relever. »
« Ooh ? »
« Gwaaaahhhh !!! »
Sullivan rejeta les débris qui l’écrasaient et se releva férocement.
Il y avait du sang sur sa tête, mais la blessure semblait déjà fermée. Ses capacités de récupération étaient clairement surhumaines.
« Tuez !!! Tuez ! !! Tuez, tuez, tuez !!! Tous ceux qui nuiront à ma noble personne ! Devront être exécutés !!! »
« Ce n’est pas possible. Je respecte les hommes forts, mais… comment peut-il se relever après ça ? », chuchota Shana, perplexe.
À la vitesse à laquelle Sullivan s’était écrasé contre le pilier de marbre, son crâne aurait dû être brisé, son cou brisé. Il était normalement impossible de se relever après de tels dommages.
« C’est le trésor secret de la famille royale, “Herakles”. Le bracelet du héros immortel. Honnêtement, comment as-tu réussi à le voler ? »
Même si Sullivan était le prince héritier, ce n’était pas quelque chose qui aurait pu être facilement pris à l’extérieur.
C’était après tout l’héritage du premier roi : c’était plus qu’un simple objet magique, c’était un symbole de l’autorité de la maison royale.
Je n’ai cependant pas entendu parler de son vol. Quelqu’un a-t-il caché le fait ? Pourrait-il avoir des alliés parmi les nobles de la capitale… ?
Les seuls nobles qui auraient pu réussir à faire sortir en douce un trésor national de la capitale étaient le duc Rosais ou des nobles ayant une autorité similaire.
Pendant un instant, j’avais envisagé la possibilité que quelqu’un ait secrètement donné le bracelet à Sullivan pour se débarrasser de moi, mais j’avais rapidement rejeté l’idée.
Je ne pouvais pas croire qu’il existait des nobles majeurs de la capitale assez fous pour donner un trésor national à cet idiot, même dans le but de me tuer.
« Eh bien, peu importe. Recule, Shana. Je vais m’occuper de lui. »
« Mph ! N’as-tu pas dit que tu me le laisserais ? »
« C’est la fin de notre petite querelle. Je dois prendre mes responsabilités, non ? »
Shana, bien que déçue, battit en retraite. Clown, quant à lui, s’était déjà enfui quelque part.
« Il est donc temps de régler les comptes. Tu veux me tuer, n’est-ce pas ? Fais ce que tu veux. »
« DYNGIR !!! MAXWELL !!!! »
Sullivan bondit vers moi, rugissant comme un animal sauvage.
Je dégainai mon épée et fis face à l’homme qui m’avait volé ma fiancée lors de notre dernier combat.
+++
Chapitre 20 : Comment tuer un immortel
« MAXWEEELLLL !!! »
« Tu n’as pas besoin de crier. Je t’entends très bien. »
Sullivan balança ses poings vers moi à plusieurs reprises.
J’avais esquivé chacun d’eux, en faisant un pas à droite, à gauche, devant et derrière selon les besoins.
« Hé, Sullivan. Tu sais que je ne suis pas une personne aussi mesquine que ça. J’ai dit quelque chose de différent quand je t’ai grondé, c’est vrai, mais je ne jette pas une personne après une seule erreur. », avais-je dit, même si j’étais parfaitement conscient qu’il n’écoutait pas.
Comme prévu, Sullivan ignora mes paroles et continua simplement à balancer ses bras comme un fou.
« Je sais que c’est inutile de dire tout ça maintenant, mais si seulement tu avais refusé l’invitation à me faire assassiner, j’allais oublier tout ce qui s’est passé entre nous. »
Comme le fait qu’il ait volé ma fiancée ou qu’il ait traité les nobles gardant les frontières orientales d’assassins fous.
J’étais toujours en colère, mais tous les humains font des erreurs. Si Sullivan avait changé d’avis, j’aurais considéré que de l’eau avait coulé sous les ponts.
Je pensais même que, si Sullivan contribuait correctement à la province de l’Est en tant que prochain chef de la maison Nommes, je pourrais glisser un mot au duc Rosais pour qu’il revienne un jour dans la province centrale.
« Je t’ai pourtant donné beaucoup de chances ? Je t’ai laissé épouser Selena comme tu le souhaitais, j’ai demandé au baron Nommes de bien s’occuper de toi. J’ai même organisé une réunion pour te donner la chance de t’excuser, non ? Tu n’as considéré aucune d’entre elles comme des chances, c’est tout. »
« FERME LAAAAAA !! »
Sullivan avait de nouveau balancé ses poings, comme pour effacer mes paroles.
J’avais esquivé le poing, qui s’était écrasé sur le sol en pierre et l’avait pulvérisé.
« Arrête de démolir ma résidence ! Ça devient sérieusement ennuyeux. »
J’avais balancé mon épée. Le corps de Sullivan avait été entaillé une fois, deux fois, trois fois. Le sang giclait et éclaboussait le sol en pierre, mais Sullivan ne semblait pas perturbé.
« Je ne sens rien ! Des attaques minables comme celle-là ne pourront jamais affecter le futur roi de Lamperouge !! Je suis un descendant du premier roi, le héros immortel !! »
« Ton noble ancêtre doit pleurer en ce moment même. Il doit pleurer devant l’idiotie de ses descendants ! »
Quatre, cinq, six fois… J’avais tailladé le corps de Sullivan sans pause, mais toutes les blessures guérirent immédiatement.
« Ha ! ! Hahaha ! !! HAHAHAHA ! !! Faible ! !! Trop faible ! !! C’est ça le héros de la province de l’est ! ? Tu oses t’opposer au futur roi avec ta maigre force ! ? »
« Mec, tu ne m’as pas frappé une seule fois et tout ce que tu as pour toi, c’est ce bracelet… »
« Dis ce que tu veux ! C’est la force d’un roi ! Le pouvoir absolu du conquérant destiné à régner sur le pays ! »
Sullivan riait fièrement en continuant à me frapper. J’avais esquivé et coupé, esquivé et coupé…
« Je reconnais que c’est puissant, mais… »
Dépité, j’avais secoué la tête et marmonné pour moi-même.
La puissance et la vitesse de Sullivan, boostées par « Herakles », étaient vraiment quelque chose à voir.
Son « style de combat », qui ne consistait qu’en des coups de poing sauvages, était trop simple et enfantin : il ressemblait à un gamin faisant une crise de colère.
« Eh bien, c’est ce à quoi je m’attendais. Tu n’es qu’un gamin qui ne sait que profiter de la position de ses parents. »
Ce type avait vécu toute sa vie en tant que prince héritier, il ne s’était donc probablement jamais battu.
Je pourrais esquiver des coups de poing de niveau débutant comme celui-ci même en dormant.
« Hahaha ! !! HAHAHAHAHA !!!! »
En contraste total avec mes pensées, Sullivan riait de façon incontrôlable, malgré son aspect ensanglanté.
En le regardant rire alors qu’il était continuellement blessé, même moi je me sentais un peu effrayé.
« … Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Essaie de me frapper au moins une fois avant de rire. »
« Hahaha ! !! Tu ne sais rien, Dyngir Maxwell !! »
« En quoi je ne sais rien ? »
« Haha ! Je vais t’éclairer, espèce de crétin ! ! Ma victoire est déjà décidée ! ! »
Sullivan arrêta de balancer ses poings et me pointa du doigt.
On aurait dit qu’il était vraiment convaincu qu’il allait gagner. J’avais froncé les sourcils.
« Encore une fois, qu’est-ce qui te fait agir si fièrement ? Honnêtement, tu me fous les jetons. »
« Haha, dis ce que tu veux… bien, je vais te le dire, espèce de sale ordure ! !! Cela fait un moment que tu me taillades avec ton épée, mais je ne suis pas encore vaincu. Ton épée ne signifie rien devant mon corps immortel ! ! Cependant… cependant ! !! Si j’arrive à te frapper ne serait-ce qu’une fois, tu seras réduit en bouillie ! De plus, grâce à cet outil magique, je ne serai jamais fatigué ! Dès que tu perdras ton énergie et que tu essaieras de fuir, ce sera la fin pour toi ! !! »
« Aah… je comprends maintenant. »
C’était donc pour cela qu’il était persuadé qu’il allait gagner. Eh bien, pour un idiot, il avait bien réfléchi.
« Haha ! !! Ne me laisse pas t’attraper trop facilement ! ! Je te ferai goûter à toutes les souffrances de ce monde, puis je te couperai la tête ! !! »
« Bien sûr, essaye juste… »
J’avais balancé mon épée deux fois, entaillant la poitrine de Sullivan de manière croisée.
« Mph ! Tu te bats pour rien !! »
« À propos de ton analyse, je pense qu’elle était plutôt correcte. C’est juste que… »
J’avais évité avec désinvolture le poing de Sullivan, coupant la main droite de son poignet en même temps.
« GWAAHHHH !? »
« Par exemple, que se passe-t-il si tes membres sont coupés, comme ceci ? Je te coupe la main droite maintenant, mais si je te coupe la main gauche, celle avec le bracelet, se remettra-t-elle d’elle-même ? »
« Sale bâtard ! Mon, mon bras… ! »
« Et si je te coupe en morceaux ? Les parties de ton corps peuvent-elles se regrouper même si elles sont déchirées et éparpillées ? »
Avant-bras, coude, bras supérieur, épaule : J’avais commencé à découper le bras droit de Sullivan à partir de la main.
Finalement, Sullivan perdit tout à partir de son épaule droite.
« Sale b-b-bâtard ! !! Mon bras… ! Pour qui tu me prends !? »
« Tu demandes ça maintenant ? Ne peux-tu pas dire autre chose ? », avais-je murmuré désespérément.
J’avais ensuite enfoncé mon épée dans la gorge de Sullivan.
« Gh, gwah !? »
« Que se passe-t-il si je te coupe la tête ? Peux-tu la restaurer ? Est-ce qu’une nouvelle va surgir, comme la queue d’un lézard ? Si tu es encore en vie, la nouvelle tête sera-t-elle la même que l’ancienne ? »
« A… arrête… »
J’avais tailladé la gorge de Sullivan avec la pointe de mon épée, celui-ci avait laissé échapper une sorte de cri. J’avais gloussé devant sa réaction et j’avais retiré l’épée.
« Gwah… haah… haah… haah… »
« Alors ? Tu penses toujours que tu vas gagner ? Tu pensais vraiment que tu pourrais le faire ? Allez, laisse-moi l’entendre. »
« Ggh,,,grraaahhhh ! !! Je vais te tuer… Je vais te tuuuuuer ! !! Espèce de noble racaille de campagne ! ! Comment oses-tu te moquer de moi ? ! !!! »
Sullivan, la blessure à la gorge maintenant guérie, balança son bras gauche restant vers moi.
Mes lèvres se courbèrent en un rictus et je fis pivoter ma lame.
« Vraiment. Bien sûr, si tu en es toujours capable, je te suivrai jusqu’au bout ! »
Ce qui avait suivi n’était pas une bataille, mais le dépeçage d’un cochon.
J’avais progressivement découpé le corps de Sullivan en plus petits morceaux. J’avais sorti les tripes de son estomac, extrait ses globes oculaires et même son cœur.
Une dizaine de minutes plus tard…
Dans le jardin de la résidence, devenu un tapis rouge sang, le corps mutilé de Sullivan gisait immobile.
+++
Chapitre 21 : La fin d’un fou
« On dirait que c’est fini. »
Shana s’était avancée vers moi, en regardant la masse de chair de Sullivan, qui s’enfonçait dans une mare de sang.
« Ouais, on dirait bien. Ça se termine toujours trop vite. »
J’avais hoché la tête et rengainé mon épée.
En y réfléchissant, mon épée « Siegfried », qui avait le pouvoir de neutraliser la magie, aurait peut-être pu annuler l’immortalité de Sullivan.
Oh et bien, on s’en fout.
De toute façon, je n’avais pas l’intention de le laisser mourir facilement. Ainsi, je n’avais pas à me donner la peine de le capturer vivant et m’occuper de lui plus tard.
« Hee… heehee… je suis… le roi… le dirigeant… de ce pays… tout est… à moi… »
« Whoa ? Il est encore en vie ? »
Je l’avais littéralement coupé en morceaux, arraché ses organes de son corps, mais Sullivan parlait encore. Les parties de son corps sectionnées bougeaient comme des limaces, essayant de revenir ensemble. À ce stade, son pouvoir de récupération était plus qu’impressionnant, c’était presque écœurant.
Cependant, son esprit ne semblait pas guérir : Sullivan, qui n’était plus qu’un torse, une tête et un bras gauche, souriait malgré le fait qu’il était immergé dans une mare de son propre sang.
« Pourquoi ne pas retirer le bracelet ? Mettons maintenant fin à sa misère. »
« Oui, je suppose que tu as raison. »
Shana avait probablement fait sa proposition par pitié, je soupirai et l’acceptai.
J’avais l’impression qu’il n’avait pas encore assez souffert — mais il me semblait inutile de continuer à le trancher ou à le poignarder.
Je m’étais approché de Sullivan pour lui retirer le bracelet.
Mais…
« Gwaaahhh ! !! Qu’est-ce, qu’est-ce que c’est que ça !?!? »
Sullivan cria d’un seul coup.
« Ooh !? »
J’avais été surpris et j’avais fait un bond en arrière. Le corps de Sullivan avait ensuite commencé à exsuder de la fumée blanche.
Enveloppée de vapeur comme une théière grésillante, la silhouette de Sullivan disparu de la vue.
J’avais regardé le nuage de fumée blanche.
« Hé, hé, tu ne vas pas exploser, hein ? »
« Il pourrait changer de forme ! Les monstres coincés changent toujours de forme, c’est une pratique courante dans les pays de l’Est ! »
Shana renforça sa prise sur sa lance. J’avais pointé mon épée vers Sullivan à l’intérieur de la fumée.
« Faah, haah, haah… mon… coooooorps !!! »
« Quoi ! ? C’est… ! »
« C’est… inattendu… »
Le nuage de fumée finit par se dissiper, laissant Sullivan derrière lui — mais sous une forme très différente.
« Ah… heeh… aah… ah.… »
« Sullivan… cela fait si peu de temps que nous ne nous sommes pas rencontrés, mais tu as bien vieilli… »
Le Sullivan qui émergeait de la fumée blanche semblait avoir vieilli d’environ 50 ans.
Ses beaux traits nobles étaient maintenant marqués par des rides profondes.
Ses cheveux dorés étaient devenus complètement blancs et étaient tombés.
Les parties du corps que j’avais coupées avaient toutes parfaitement récupéré, mais ses membres étaient maintenant aussi minces que des brindilles sèches. Je doutais que même ses plus proches parents puissent le reconnaître s’ils n’avaient pas été témoins de la transformation.
« M… mon… cooooooorps… »
« Comme… comme c’est pitoyable… »
Sullivan ouvrit sa bouche édentée et Shana recula de quelques pas par rapport à lui.
Sa transformation instantanée en un vieil homme hideux l’avait probablement profondément ébranlée.
« Je vois… donc “Herakles” a ce genre d’effet secondaire. »
Même le plus grand outil magique légendaire ne pouvait pas être utilisé pour toujours de manière inconditionnelle.
C’était particulièrement vrai pour un outil magique incroyable qui pouvait vous rendre immortel.
« Herakles » donnait l’impression que l’utilisateur ne dépensait aucune énergie, mais apparemment, il aspirait la jeunesse ou la force vitale de l’utilisateur.
Le premier roi est mort de maladie à l’âge de trente ans, n’est-ce pas ? C’est sûrement dû à ce bracelet…
J’en étais arrivé à une conclusion et je m’étais dirigé vers le vieux Sullivan, puis…
« Boo ! »
« Gweeeh !? »
Je lui avais donné un coup de pied sans pitié.
Sullivan roula, le bracelet était facilement tombé de son bras désormais squelettique.
J’avais ramassé le bracelet et l’avais glissé dans ma poche de poitrine.
« Et le trésor est à moi… même si je parie que la famille royale va être furieuse. Peut-être qu’ils ne le découvriront pas si je me tais. »
Je ne savais pas si la maison royale était au courant du vol du trésor national, mais maintenant que les choses s’étaient passées comme ça, ils n’avaient pas le droit de se plaindre même s’il tombait entre mes mains.
C’était une épée à double tranchant, et néanmoins un outil magique précieux. Il y avait un certain nombre de façons de l’utiliser.
« Je suppose que je devrais le considérer comme une récompense pour le dur travail que je fais chaque jour. »
« Rendez-le-moi… c’est la preuve de ma… royauté… la preuve de… mon autorité sur… ce pays… »
« Shaddap. »
« Hee, heeeeehhhh !? »
Sullivan s’était accroché à mes pieds, alors je l’avais repoussé d’un coup de pied.
« Quelle vue horrible… à plus d’un titre ! »
Shana soupirait désespérément alors que je frappais Sullivan à plusieurs reprises.
« Pourquoi ? C’est juste Sullivan. »
« Heeeekkk ! !! Ayez, ayez pitié ! »
« Je le sais, mais… vu à quoi il ressemble maintenant… »
Shana avait l’air troublé, alors je m’étais gratté la tête.
« On ne peut rien y faire, je vais le capturer comme ça. Je veux qu’il soit puni plutôt que tué. »
« C’est mieux comme ça. »
Shana et moi avions hoché la tête, puis j’avais attaché Sullivan.
Même si je le laissais en vie, Sullivan avait maintenant le corps d’un septuagénaire : il n’avait plus la volonté ni la capacité physique de s’opposer à moi.
« Alors, affaire classée… non, attends, il y avait un autre traître, n’est-ce pas ? »
Enjambant le corps ligoté de Sullivan, j’avais levé les yeux au ciel.
+++
Chapitre 22 : Invitation au désespoir
Point de vue Selena Nommes
« Seigneur Sullivan… »
J’étais dans ma chambre au manoir Nommes et je regardais le ciel nocturne depuis ma fenêtre.
Il y avait environ une semaine, des soldats de Maxwell avaient visité la maison des Nommes.
Leur objectif était d’arrêter Sullivan, mon mari, accusé de la tentative d’assassinat de mon ancien fiancé, le seigneur Dyngir.
« Oh, Seigneur Sullivan… pourquoi avez-vous changé si… ? »
Le seigneur Sullivan avec qui j’avais parlé dans le jardin fleuri de l’académie et le seigneur Sullivan qui avait épousé la maison Nommes étaient complètement différents.
Depuis que le gentil et gentleman Seigneur Sullivan était arrivé dans la maison Nommes, il avait commencé à me crier dessus et parfois même à me frapper.
Comment cela a-t-il pu arriver… ? Où avons-nous fait fausse route ?
Je m’étais posé cette question de nombreuses fois, mais je n’avais jamais pu trouver de réponse.
Je voulais être libérée de mon terrible fiancé — ce fut l’unique raison qui m’avait poussée à choisir le Seigneur Sullivan. Pourtant, maintenant, mon prince avait complètement changé…
Aucun livre d’images n’avait jamais montré de tels développements après une fin heureuse.
« Aah… »
Des larmes coulèrent sur mes joues.
Le Seigneur Sullivan s’était enfui du manoir et n’avait pas encore été retrouvé. Depuis lors, les serviteurs de la maison Nommes, qui me traitaient déjà froidement, avaient commencé à adopter une attitude encore pire à mon égard.
« Comment ne pouvait-elle pas empêcher son mari de commettre ces crimes ? »
« Est-ce qu’elle ne savait vraiment rien de l’assassinat ? »
« Mais d’abord, pourquoi a-t-elle épousé cet homme ? »
J’avais fait semblant de ne pas remarquer que les domestiques murmuraient de telles choses dans mon dos.
« S’il vous plaît… quelqu’un, n’importe qui… aidez-moi… sauvez-moi… s’il vous plaît, ô Dieu du ciel… »
Je regardais les étoiles qui scintillaient dans le ciel nocturne et je tenais mes mains en prière.
Je savais que je pensais à des choses égoïstes, mais je ne voyais pas d’autre moyen d’améliorer ma situation que de prier. Il n’y avait personne sur qui je pouvais compter. Je ne pouvais que m’accrocher à Dieu…
« S’il vous plaît… »
Toc, toc, toc.
« Eh ? »
Mes prières avaient-elles été entendues ? Quelqu’un avait soudainement frappé à ma porte.
« Qui est-ce ? », avais-je demandé, toujours assise sur ma chaise, mais aucune réponse s’était fait entendre.
Je m’étais approchée de la porte et j’avais remarqué qu’une enveloppe avait été glissée sous la porte.
« Qu’est-ce que c’est ? Qui est là ? »
J’avais ouvert la porte, mais le couloir était vide.
Perplexe, j’avais retourné l’enveloppe.
« Seigneur Sullivan !? »
J’avais regardé le nom de l’expéditeur et je n’avais pas pu m’empêcher de pousser un cri.
Je m’étais empressée de couvrir ma bouche avec mes mains et de fermer la porte.
« Une lettre du Seigneur Sullivan… mais qui aurait pu… ? »
Je pensais que le Seigneur Sullivan n’avait pas d’alliés dans cette maison. Qui aurait pu remettre cette lettre pour lui ?
« Quoi qu’il en soit, je devrais la lire… »
J’avais rapidement brisé le sceau et sorti la lettre à l’intérieur de l’enveloppe.
Après avoir lu le contenu, j’eus les yeux écarquillés de surprise.
« Ce n’est pas possible… Seigneur Sullivan… »
La lettre disait que le Seigneur Sullivan se réfugiait actuellement dans un certain endroit, afin de rassembler la force militaire nécessaire pour abattre la maison Maxwell, qui semait des graines de rébellion contre la famille royale. Le Seigneur Sullivan se battait pour protéger le royaume de Lamperouge.
Dans la lettre, le Seigneur Sullivan s’excusait à plusieurs reprises de m’avoir blessée.
Ses paroles sincères m’avaient rappelé le gentil prince que j’avais rencontré à l’académie.
« Aah, Seigneur Sullivan… que dois-je… que dois-je faire… ? »
À la fin de la lettre, le Seigneur Sullivan avait écrit qu’il allait bientôt combattre Maxwell et qu’il souhaitait que je sois à ses côtés pour le soutenir.
Des paroles aussi sérieuses et sincères avaient naturellement ému mon cœur.
Si je me précipitais aux côtés du Seigneur Sullivan, trouverais-je le gentil prince que j’aimais ?
Lord Sullivan a besoin de moi… mais si j’allais à ses côtés, je trahirais la maison Nommes. Le Seigneur Sullivan pourrait-il vraiment vaincre cette terrible maison Maxwell… ?
J’avais pesé mes attentes et mon amour envers le Seigneur Sullivan avec la peur et la crainte que je ressentais envers le Seigneur Dyngir. La balance maintenait un équilibre précaire et je ne savais plus quoi faire.
Ce fut alors que le recueil de poèmes sur mon bureau attira mon attention. Entre les pages de textes écrits par mon poète préféré se trouvait la fleur séchée que j’utilisais comme marque-page.
« Seigneur Sullivan… »
Le marque-page était fait d’une fleur cueillie dans le jardin où nous nous étions juré un amour éternel.
Je m’étais rappelé les jours passés avec le Seigneur Sullivan à l’académie.
Son sourire éclatant, sa voix calme, ses doigts doux qui me peignaient les cheveux — les jours heureux que j’avais oubliés.
« Le Seigneur Sullivan a demandé mon aide… je dois y aller. »
J’allais reprendre mon gentil prince : je ne pouvais pas rester là à attendre. Je devais aller sauver mon prince.
Le prince pouvait tuer le méchant dragon, car il était soutenu par le sourire de la princesse.
J’avais préparé mes affaires et j’étais sortie discrètement de ma chambre.
Il était déjà tard dans la nuit : tout le manoir était endormi.
Père était parti pour affaires, accompagné de mon frère. Il n’y avait personne pour m’arrêter.
Je ne savais pas si le Seigneur Sullivan pouvait vraiment vaincre la maison Maxwell, mais de toute façon, je ne reviendrais probablement jamais dans cette maison.
« Je suis désolée, père… frère. »
Maintenant que j’avais décidé de ne pas revenir, j’avais repensé à notre vie commune et j’avais réalisé pour la première fois à quel point mon père et mon frère m’appréciaient.
J’avais fermé mon cœur à eux pendant tout ce temps, refusant d’accepter leur gentillesse.
Je suis désolée… je suis désolée… s’il vous plaît… pardonnez-moi…
Le cœur serré à l’idée de piétiner à nouveau leurs sentiments, je quittai le manoir par la porte arrière.
« Dame Selena Nommes ? »
Dès que je fus dehors, une voix masculine m’interpella.
J’avais frissonné et m’étais éloignée de l’homme, tremblant de manière incontrôlable.
« … Qui va là ? »
L’homme qui m’avait appelée était un monsieur d’âge moyen. Il n’avait pas l’air d’un homme mauvais.
Cependant, à cause de l’heure tardive, je devais me méfier.
« S’il vous plaît, n’ayez pas peur. Je suis un des subordonnés du Seigneur Sullivan, mon nom est Zaill. »
« Très bien, vous avez dit Seigneur Sullivan ? »
« Oui, mon seigneur m’a chargé d’accompagner madame auprès de lui. J’ai une calèche prête, si vous voulez bien me suivre. »
« … Oui, s’il vous plaît. »
Après avoir réfléchi pendant un petit moment, j’avais décidé de suivre le monsieur.
La calèche était un peu plus loin. C’était une voiture luxueuse, quelque chose que la maison Nommes n’aurait jamais pu se permettre.
La calèche m’attendait, ses portes étaient ouvertes et, pendant un moment, elle avait ressemblé à un monstre avec ses mâchoires ouvertes.
J’arrive, Seigneur Sullivan…
J’avais secoué la tête pour chasser cette image sinistre et j’avais grimpé dans le carrosse.
« Milady, je serai avec le cocher. Veuillez utiliser cet espace librement. »
« Oh non, je ne pourrais pas ! »
« Oh, il ne faudrait certainement pas que Milady soit seule avec un autre homme. Nous arriverons à la résidence du Seigneur Sullivan demain matin. S’il vous plaît, reposez-vous jusque là. »
« Je vois… merci beaucoup. »
Mon guide était allé s’asseoir au siège du cocher, j’étais donc restée seule à l’intérieur du carrosse.
Je voulais en savoir plus sur la situation actuelle du Seigneur Sullivan, mais être seul avec un étranger de sexe masculin me mettait mal à l’aise, j’avais donc accepté sa proposition.
La calèche avait fini par se mettre en marche. On m’avait dit de me reposer, mais l’impatience de rencontrer mon amant et la culpabilité d’avoir trahi ma famille ne me laissaient pas dormir. Du moins, c’est ce que je pensais.
« Mmh… »
Mais comme je n’avais pas beaucoup dormi ces derniers temps, mes paupières étaient vite devenues très lourdes.
Bercée par les secousses de la calèche, je m’étais endormie.
La calèche avait apparemment avancé pendant la nuit. Le soleil du matin filtrait par la fenêtre et me réveillait. J’avais regardé dehors et j’avais vu une résidence, celle où le Seigneur Sullivan avait dit qu’il se cachait actuellement.
« Nous sommes arrivés, Madame. »
« Ah… oui, merci beaucoup. »
Le gentleman qui me guidait frappa à la porte du carrosse et annonça que nous étions arrivés à destination.
J’avais frotté mes yeux entrouverts.
« Le Seigneur Sullivan… est ici ? »
« Oui, permettez-moi de vous montrer le chemin. »
J’étais descendue de la calèche et j’avais levé les yeux vers la résidence.
Elle était plus de deux fois plus grande que ma maison.
Son aspect luxueux montrait clairement qu’une grande quantité d’argent avait été investie dans sa construction. Sa simple taille nécessitait sûrement plus de 20 serviteurs pour la gérer correctement.
Curieusement, le dallage et les murs en pierre du jardin étaient brisés par endroits et il y avait d’étranges taches noires ici et là, mais dans l’ensemble, elle ressemblait à une résidence d’été construite pour la royauté.
Seigneur Sullivan, comment avez-vous fait pour construire un manoir aussi magnifique… ?
Le Seigneur Sullivan mentionnait souvent ses problèmes d’argent, mais n’était-ce que de la comédie ?
Se pourrait-il que son attitude instable après son arrivée dans la province de l’Est ne soit qu’une façade qu’il avait mise en place pour tromper les yeux des gens de la maison Nommes ?
Je comprends maintenant que le Seigneur Sullivan s’est préparé à combattre la maison Maxwell pendant tout ce temps. Il a dit qu’il sortait boire tous les jours, mais en fait il faisait ces préparatifs.
J’étais arrivée à une telle conclusion toute seule, puis j’avais suivi le monsieur à l’intérieur de la résidence.
La résidence était bondée d’un grand nombre de domestiques, qui semblaient tous occupés à travailler.
« Si vous n’essuyez pas ici d’abord, vous allez laisser de la poussière partout !! »
« Je… je suis vraiment désolé ! S’il vous plaît, pardonnez-moi ! »
Je m’étais tournée vers les voix et j’avais vu un homme âgé, peut-être autour de soixante-dix ans, se faire gronder par un jeune majordome.
« Qui est cet homme ? », avais-je demandé à l’homme à côté de moi.
« Cet homme âgé est récemment entré au service de cette résidence. C’est un noble déchu qui a perdu tous ses biens et n’avait nulle part où aller, alors le Seigneur Sullivan l’a invité à venir travailler ici. »
« C’est vrai… Le seigneur Sullivan est plus gentil que jamais. »
Je n’arrivais pas à me défaire de l’impression d’avoir déjà vu cet homme âgé quelque part, mais j’avais continué sans lui prêter trop d’attention. Il se démenait avec le nettoyage, un travail auquel il n’était certainement pas habitué, car il ne m’avait même pas jeté un regard.
« Par ici, s’il vous plaît. Tout le monde vous attend, Madame. »
« Oh, oui. Merci. »
Le guide m’avait montré une porte à l’arrière de la résidence et j’avais posé une main sur la poignée de la porte.
Tout le monde ? Qui cela peut-il être ?
Les paroles du monsieur m’avaient laissée perplexe, mais je n’y avais pas réfléchi trop longtemps et j’avais tourné la poignée.
Le contenu de la pièce m’avait ainsi été révélé.
« Hé, ça fait longtemps. Nous attendions. »
« Eh !? »
Debout devant moi se tenait mon ancien fiancé – Le Seigneur Dyngir Maxwell.
« P-pourquoi êtes-vous… !? »
« Haha, mari et femme sont vraiment semblables, hein. Vous posez même les mêmes questions. »
Le seigneur Dyngir s’était assis sur une chaise et avait croisé ses bras sur le bureau.
Son ton était calme et amical, mais je sentais qu’une hostilité indescriptible se cachait au fond de son sourire espiègle. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale.
« Quoi… pourquoi… ? »
« C’est ce que je veux te demander !!! Espèce de pauvre idiote !! »
« Eh !? »
Un cri de colère m’avait soudainement frappée de côté. J’avais frissonné et je m’étais complètement raidie.
Je m’étais tournée vers cette voix familière, j’avais ainsi découvert que mon père et mon frère qui se tenaient là.
« Père ! ? Pourquoi es-tu là ? »
« Pourquoi… pourquoi… ! »
Mon père, doux et gentil, montrait une expression tordue par un chagrin insupportable.
« Pourquoi es-tu venue ici ? Tu aurais été pardonné si tu ne l’avais pas fait ! Pourquoi ? Cet homme était-il si important pour toi ? »
« Eh, ah… ce n’est pas… mais… »
En regardant le visage de mon père, rempli de colère et de tristesse comme je ne l’avais jamais vu auparavant, j’avais finalement réalisé la gravité de mon erreur.
À côté de mon père, mon frère avait également une expression douloureuse. Nos regards s’étaient croisés, mais il avait immédiatement détourné maladroitement les yeux.
« Zaill, combien de temps vas-tu garder Madame debout ? Offre-lui un siège. »
« Certainement, monseigneur. »
« A-a-attendez… ! »
Le gentilhomme m’avait poussée avec force vers la chaise posée au centre de la pièce.
Incapable de faire quoi que ce soit pour résister, je m’étais assise dessus.
Le gentleman avait ensuite maintenu mes épaules vers le bas : je n’avais aucun moyen de me lever ou de m’échapper.
« Baron Nommes. »
« … oui. »
Le seigneur Dyngir avait appelé mon père. Même en pleurant et en sanglotant doucement, Père avait dûment répondu à l’héritier de la maison de son seigneur.
« Maintenant que les choses ont tourné ainsi, je n’ai plus le choix. Avez-vous des objections ? »
« … Aucune, jeune maître. Je vous confie tout, Seigneur Dyngir. »
« Très bien. Très très bien. »
Après avoir entendu les mots de mon père, le Seigneur Dyngir expira, satisfait.
« Alors, vous pouvez rentrer. Désolé pour tous ces problèmes. »
« Je… je… Seigneur Dyngir… Selena est ma seule fille… donc… »
« Je sais. »
Le seigneur Dyngir s’était tourné vers moi. Ses yeux, comme une bête observant sa proie, m’avaient paralysée.
« Je vous promets que sa vie sera épargnée. Ne me faites pas dire autre chose. »
« Oui… »
Père acquiesça aux paroles du Seigneur Dyngir, puis quitta la pièce, la tête baissée. Mon frère lui donna son épaule sur laquelle s’appuyer et ils étaient partis ensemble.
« Ah… !! »
Mon destin avait déjà été décidé, et ceux sans que je n’y puisse rien faire — une telle peur m’avait poussée à demander de l’aide à mon père et à mon frère.
Le regard furieux du Seigneur Dyngir m’avait cependant empêchée de dire quoi que ce soit.
La porte s’était refermée derrière mon père et mon frère.
Je ne verrais plus leurs visages — une telle intuition, qui semblait si proche d’une certitude, remplissait mon cœur.
« Alors, ma chère ancienne fiancée. Sais-tu pourquoi tu es ici ? »
« C’est… »
Je ne pouvais pas répondre à la question du Seigneur Dyngir.
« … Non, je ne le sais pas. »
Je ne savais pas pourquoi il était là ni ce que je venais faire ici. Je me sentais si confuse.
« Tu ne le sais pas ? Vraiment pas ? Ce n’est pas possible. Tu es venu aider Sullivan, l’homme qui a comploté mon assassinat. N’est-ce pas ? »
Le Seigneur Dyngir, cependant, m’avait impitoyablement poursuivie de ses paroles.
« Tu es venu pour l’aider à faire tomber la maison Maxwell, pour l’aider à me tuer. N’est-ce pas vrai ? Pourquoi fais-tu semblant de ne pas savoir ? »
« Ah… aah… »
J’avais finalement réalisé dans quelle position je me trouvais réellement.
J’étais — j’étais tombée dans un piège.
« J’ai été testée… pour voir si je serais du côté du Seigneur Sullivan ou pas… est-ce bien ça ? »
« Tu es au moins plus prompte à comprendre que Sullivan. C’est exact. »
Le Seigneur Dyngir avait ri joyeusement.
Avant son rire horrifiant, je me sentais comme un criminel attendant la sentence de mort.
« Qu’est-il arrivé au Seigneur Sullivan ? »
J’étais piégée sans aucun moyen de m’échapper, mais ce que je voulais le plus savoir était ce qui était arrivé à l’homme qui n’était pas là en ce moment, mon mari.
Qu’était-il arrivé à l’homme que j’avais aimé ? Était-il sain et sauf ? Ou était-il…
« … Mort. Il n’est plus de ce monde. »
Au moment où j’avais entendu ces mots, j’avais senti toutes mes forces quitter mon corps. J’étais tombée de la chaise et m’étais effondrée sur le sol.
« A… ha… ahaha… haha… mon prince est… parti… mon seul… prince… »
J’avais ri, spontanément. J’avais l’impression que mon âme quittait mon corps.
« Je… qu’est-ce que je vais devenir… ? Serai-je… tué… ? »
« J’épargnerai ta vie, par respect pour le baron Nommes. Mais laisse-moi être direct… tu ne mettras plus jamais un pied hors de ce manoir. »
« C’est vrai… aha, je me suis fait prendre alors… le dragon maléfique… m’a englouti… mon prince… ne viendra jamais me chercher… »
J’avais rigolé.
J’avais ri et reniflé, de plus en plus fort.
J’avais continué à rire, en entendant le bruit de mon cœur qui se brisait en morceaux.
Le prince était tombé devant le dragon et la princesse avait fini dans l’estomac de la bête.
Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps.
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Chapitre 23 : Le jour où le palais royal a tremblé et le début d’une époque turbulente
« J’ai dit lâchez-moi !! »
« Votre Majesté, s’il vous plaît, calmez-vous ! »
« Silence ! Vous osez donner des ordres à votre roi !? »
Ce jour-là, le palais royal était en proie à l’agitation.
Dans la salle du trône, le roi fulminait. Ses serviteurs et les nobles, ses subordonnés, tentaient désespérément de le contenir.
Le roi, normalement calme — ou plutôt, docile — était maintenant furieux.
Quelques jours auparavant, une lettre était arrivée d’une grande maison noble de la province de l’est — la maison Maxwell.
La lettre expliquait comment l’ancien prince héritier Sullivan, qui avait quitté la famille royale pour entrer dans la maison Nommes, une maison de barons de la province orientale, avait comploté l’assassinat de l’héritier de la maison Maxwell, avait échoué et avait été tué dans la foulée.
Après avoir lu la lettre, le roi, qui éprouvait encore des sentiments pour le fils qu’il avait laissé partir, eut un haut-le-cœur et s’effondra instantanément.
Il avait fini par dormir pendant plusieurs jours, mais, dès son réveil, il avait déclenché cette agitation.
« Mon précieux Sullivan a été tué !? Balivernes ! Tout ceci est une conspiration de la maison Maxwell ! !! Informez immédiatement les généraux ! La maison Maxwell doit être détruite… gwah ! ? »
« Sa Majesté ne pensait pas ces mots ! Le roi est simplement terriblement épuisé ! Vous n’avez rien entendu, c’est clair ? »
Le duc Rosais s’empressa de fermer la bouche du roi avec ses mains, pour arrêter son ordre incroyable, et aboya à toutes les personnes présentes d’oublier ce qu’elles venaient d’entendre.
Le roi rejeta les mains du duc et protesta avec colère.
« Chancelier ! Est-ce que cela signifie que vous êtes du côté de la maison Maxwell !? Ces sales traîtres traitent Sullivan comme un criminel, sans l’ombre d’une preuve ! Comment pouvez-vous permettre cela ? Où est votre loyauté ? »
« Votre Majesté, je vous supplie de vous calmer. La maison Maxwell a envoyé des preuves ! »
La maison Maxwell avait en effet envoyé des preuves concrètes montrant que Sullivan avait tenté l’assassinat.
Il y avait un contrat signé et scellé par Sullivan. En le comparant aux documents conservés dans la maison royale, on avait pu confirmer que l’écriture correspondait parfaitement et que le sceau était bien le sceau royal de Sullivan.
La culpabilité de Sullivan était si incontestablement claire que personne ne pouvait soupçonner qu’il s’agissait d’un coup monté.
« La compensation détaillée dans le contrat correspond également à la somme d’argent que le Seigneur Sullivan a emprunté à ses amis de la capitale. Je suis désolé de dire que les accusations portées contre lui sont incontestables. »
« Taisez-vous, taisez-vous ! Même si c’était vrai, il y a assez de raisons valables pour exterminer ces rebelles de Maxwell !!! Nous allons sauver Sullivan !!! Maintenant !! »
« Quelle absurdité… !! »
Le visage du Duc Rosais se tordit d’indignation.
Outre le roi et le duc, plusieurs nobles centraux et fonctionnaires travaillant dans le palais royal étaient également présents.
Qualifier publiquement une grande maison noble telle que les Maxwells de « rebelles » dans une telle situation pourrait même déclencher une guerre civile.
Le roi, cependant, ne semblait plus se soucier de telles implications, car ses remarques incendiaires continuaient.
« Levez les troupes et envoyez-les au secours de Sullivan !!! Maintenant ! J’ai demandé à Sullivan d’emporter le bracelet immortel avec lui !!! Il est certainement encore vivant et en bonne santé !! »
« Le bracelet immortel… “Herakles” !? »
Le duc Rosais était choqué, les yeux écarquillés.
« Vous n’allez pas me dire que vous l’avez donné à Sullivan !? Vous avez donné un si précieux trésor à un prince déshérité !? »
Le bracelet immortel, « Herakles », était un trésor inestimable transmis par des générations de rois de Lamperouge. Il était le symbole de l’autorité royale, et seul le roi était autorisé à le porter.
« Il n’y a rien de mal à ce que Sullivan, le prochain en lice pour le trône, ait la preuve de la royauté ! Sullivan est le prochain roi !! Il est mon fils unique ! Je ne permettrai jamais à quelqu’un d’autre de prendre le trône, surtout ce petit bâtard !! »
« Quoi !? »
Les mots du roi avaient provoqué l’agitation des nobles.
L’actuel prince héritier, le deuxième fils né, ressemblait beaucoup à sa mère, mais ne ressemblait pas du tout au roi ou à Sullivan.
Cependant, qui se serait attendu à ce que le roi déclare publiquement qu’il ne le reconnaissait pas comme son fils ?
« Fermez votre gueule !!! »
« Gwah !? »
Le duc Rosais ne pouvait pas permettre au roi de dire quelque chose de pire, il avait donc eu recours à des mesures drastiques.
Le poing du duc frappa l’estomac du roi et son vieux corps frêle se plia facilement.
Aucun des nobles ni même les gardes royaux n’avaient tenté d’arrêter le duc Rosais.
« … Le roi s’est effondré de fatigue. Amenez-le rapidement dans les chambres royales. Et ne le laissez pas sortir avant que je ne le dise. Tous les serviteurs qui entreront dans la chambre devront porter des bouchons d’oreille. »
« O-oui ! Tout de suite, monsieur !! »
« Tout ce qui s’est passé ici aujourd’hui doit rester ici. Sinon… vous me comprenez, oui ? »
Le Duc Rosais regarda les visages de tous les présents, un par un.
Aux yeux de tous, il était vraiment la personne le plus à craindre dans la salle.
« Oui !! Naturellement ! »
« Nous n’avons rien entendu ! »
Personne n’avait osé objecter, car toutes les personnes présentes avaient violemment secoué la tête.
Une demi-journée plus tard, le roi s’était réveillé et recommença à faire du grabuge, se déchaînant dans la pièce où il était enfermé.
Pour le meilleur ou pour le pire, le roi s’était soudainement tenu la tête et s’était à nouveau effondré, mettant ainsi fin à l’agitation.
La vie du roi avait été sauvée par la « Potion » secrète de la famille royale, mais fut victime de son effet secondaire. Il se mit à souffrir d’une forte paralysie, qui ne lui permettait même pas de se lever de son lit tout seul.
Pour cette raison, le prince héritier — bien qu’il n’ait que 12 ans — monta sur le trône, assisté du duc Rosais comme régent.
Le trésor national était perdu en même temps que Sullivan.
La confiance des nobles dans la famille royale était également perdue.
Le nouveau roi n’était pas reconnu par l’ancien roi comme son fils légitime.
Ainsi, le royaume de Lamperouge entra dans une nouvelle ère, portant en elle de tels enjeux.
La direction vers laquelle le royaume turbulent se dirigeait — était encore un mystère pour tous.
+++
Chapitre 24 : La disparition d’une traîtresse
« … Et c’est tout ce que j’ai entendu. »
« … Comment as-tu réussi à entendre tout ça exactement ? »
Je fis part des rumeurs sur la famille royale que me relatait mon « ami » de la capitale à mon père, qui réagit, mi-impressionné, mi-inquiet.
Les fiançailles rompues, le mariage de Sullivan dans la maison Nommes et son arrivée dans la province orientale, la tentative d’assassinat de l’héritier du maréchal, ses suites et la punition de Selena.
Un mois s’était écoulé depuis que cette série d’événements avait agité la province orientale.
Après avoir terminé le nettoyage, j’avais pris un congé pour « récupérer » dans ma résidence privée, avec Eliza, Sakuya et certaines de mes servantes préférées.
Dans ma résidence privée, j’avais profité de ces jours de loisirs complets en accompagnant mes servantes, en croisant le fer avec Shana, et en jouant à un jeu appelé « Shogi » contre les membres des « Crocs d’Acier ».
Un jour, cependant, j’avais reçu la visite d’un invité inhabituel : mon père.
Il était apparemment inquiet pour son fils suite à la tentative d’assassinat. Il était donc venu voir comment je me portais.
Père et moi étions assis à une table dans le jardin, buvant du thé.
J’avais demandé aux servantes de se tenir à l’écart, c’était donc notre premier moment d’intimité depuis un moment.
Les dégâts causés au jardin lors du combat contre Sullivan étaient déjà réparés. Le sol imbibé de sang avait également été remplacé.
En contraste frappant avec l’élégance du jardin décoré par la floraison des fleurs de saisons, nos sujets de conversation étaient plutôt épouvantables.
« Les bouches des gens ne peuvent pas être scellées, comme on dit, peu importe les efforts du duc Rosais. Le roi qui se sépare du trésor national, un nouveau roi considéré comme un fils illégitime par l’ancien roi… il n’y a aucune chance que des rumeurs juteuses comme celles-ci restent cachées pour toujours. »
« Hnng, ma migraine recommence… je n’aurais pas dû venir ici. »
Après m’avoir entendu parler des nombreux problèmes qui avaient secoué le cœur du royaume de Lamperouge, Père pressa ses doigts contre ses tempes avec une expression douloureuse.
« Laisse-moi te le demander, juste au cas où… ce n’est pas ma faute, hein ? »
« … Je me le demande. »
Père avait répondu froidement à ma question.
Après tout, tout le tumulte qui régnait dans la capitale résultait de mes fiançailles rompues.
Je pensais sincèrement que je devais des excuses au Duc Rosais, qui était terriblement occupé à en gérer les conséquences.
Les mots suivants de Père me firent demander s’il avait lu dans mes pensées.
« Si tu te sens vraiment désolé, pourquoi ne pas rendre “Herakles” à la famille royale ? J’ai entendu les soldats qui sont allés l’arrêter. Il portait le bracelet précieux de la famille royale. »
« De quoi s’agit-il ? Ce bracelet a disparu avec Sullivan, non ? »
« Pour l’amour du ciel… tu as vraiment l’intention de t’enfuir avec ça ? Je dois te prévenir, mon fils. S’ils découvrent que tu l’as pris, tu seras accusé de trahison. Même si c’est l’œuvre de l’ancien roi ou de Sullivan. »
Je n’avais jamais vu mon père prendre une expression aussi sérieuse.
Son regard féroce ne permettait aucune excuse ou échappatoire. C’était le visage du gardien du royaume, l’homme qui avait protégé les frontières orientales depuis avant ma naissance.
J’avais détourné mes yeux de son regard sérieux, j’avais levé les yeux au ciel et j’avais répondu.
« Sois tranquille, je ne veux pas chercher la bagarre avec la famille royale. Je ne suis pas assez téméraire pour croire que je peux affronter les nobles centraux avec l’empire qui nous souffle dans le cou. »
« … Tu donnes l’impression que tu le ferais si l’empire n’était plus une menace. »
« Ne me regarde pas comme ça, vieil homme. J’ai mes propres projets, c’est tout. »
Je n’étais pas vraiment intimidé par la pression de mon père, mais j’avais décidé d’exprimer honnêtement mes pensées.
Je voulais aussi savoir comment il réagirait à mes propos, en tant que maréchal de la province orientale.
« Ce pays est assez tordu, n’est-ce pas ? L’empire au nord et à l’est, les “Armées du Diable du désert” à l’ouest, les pirates et les pays insulaires au sud. Les quatre maisons maréchales se battent sans cesse contre ces menaces, mais si une seule des quatre maisons était vaincue ou passait du côté de l’ennemi, tout le royaume s’écroulerait. »
« … »
« Dans ce château construit sur du sable, les nobles du centre vivent dorlotés et protégés, mais nous regardent de haut, nous, les nobles des campagnes, comme si c’était l’ordre naturel des choses. Sullivan m’a traité de meurtrier en face, mais j’imagine que les nobles du centre nous voient tous comme ça, même s’ils ne le disent pas à voix haute, non ? »
Je m’étais arrêté un moment, j’avais pris ma tasse de thé et l’avais portée à mes lèvres. J’avais siroté le thé tout en appréciant l’arôme de ses feuilles de haute qualité.
Père ne m’avait pas pressé et attendit que je finisse de boire.
« Hmm, délicieux… de toute façon, même si je ne faisais rien, quelque chose finira par éclater, que ce soit au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest. Je me prépare simplement à cela. Cinquante ans… un pays aussi corrompu que celui-ci a réussi à durer longtemps, hein ? »
« … As-tu l’intention de te rebeller contre le royaume ? »
« Comme je l’ai déjà dit, je ne vais rien faire tant que l’empire est en bonne santé. Je n’ai de toute façon pas assez de pions ou d’armes. »
Je tapotais le bracelet dans ma poche de poitrine, en prenant soin de ne pas laisser Père le remarquer.
Le bracelet immortel « Herakles » était le plus gros fruit porté par cette série d’événements, mais je n’étais pas encore satisfait. Tant s’en faut.
Ce que je souhaitais n’était pas seulement d’être capable de gagner contre les nobles centraux.
Mon souhait était d’atteindre une puissance écrasante, quelque chose qui ne puisse être contré par rien ni personne, quelque chose qui paraisse invincible aux yeux de tous, et finalement déclarer le territoire de Maxwell indépendant du royaume de Lamperouge.
J’avais perfectionné mes techniques de combat, entraîné les soldats.
J’avais rassemblé des outils magiques avec l’argent que j’avais gagné via les affaires domestiques, intégré les « Crocs d’Acier » dans nos forces comme une division d’assassinat — espionnage.
De tels préparatifs, cependant, étaient loin d’être suffisants.
« Vieil homme. J’aime le territoire de Maxwell. J’aime cette province de l’est. Tu peux être assuré que je ne commencerai jamais une guerre qui pourrait apporter de la souffrance aux gens de l’est. Tant que la famille royale et les nobles du centre auront la moindre chance de victoire, je ne ferai rien. »
« Je vois… »
Père était tombé dans un silence pensif pendant un moment, puis s’était appuyé contre le dossier de la chaise.
« … Mon mal de tête devient sérieux… puis-je me retirer ? »
« Je ne peux pas bouger librement si tu prends ta retraite si tôt, alors non. »
« C’est ce que je pensais… aah, c’est douloureux. Ma femme me manque… je veux voir Grâce. »
« … Plus un mot sur la vieille sorcière de ma résidence. »
J’avais froncé les sourcils et brusquement coupé les mots de père.
Au moins, je savais maintenant qu’il n’avait pas l’intention de me punir.
Je poussai un soupir de soulagement tout en sirotant mon thé.
« À ce propos, j’ai engagé une nouvelle servante récemment. Laisse-moi te la présenter, mon vieux. »
Les conversations sérieuses étaient terminées pour la journée, j’avais donc allégé l’ambiance.
Père secoua la tête, une expression aigre sur le visage.
« Je parie que c’est une autre de tes amantes. Je ne peux pas dire que je suis intéressé. »
« Ne dis pas ça, rencontre-la simplement. Elle est vraiment intrigante. »
« Hm ? C’est bien si tu dis ça, mais… »
J’avais sonné la cloche de service et j’avais dit à la femme de chambre qui s’était approchée de la table d’amener « la fille » ici.
La femme de chambre obtempéra rapidement et conduisit « la fille » jusqu’à nous.
« Cette fille est… »
« Laissez-moi vous présenter. C’est Kanna, le nouveau membre des “Crocs d’Acier”. »
« … »
Père regarda son apparence inhabituelle et avala son souffle.
La fille que j’avais présentée avait environ 18 ans.
Kanna était entièrement vêtue de blanc, du haut de la tête jusqu’aux orteils.
Elle avait des cheveux d’un blanc éclatant, une peau blanc pâle et des yeux de la couleur de la cendre. Elle portait un « kimono », vêtement traditionnel de la patrie des « Crocs d’Acier », qui était maintenant complètement blanc lui aussi.
Seules ses lèvres étaient teintes en rouge vif, ressemblant à des fleurs cramoisies éclatantes s’épanouissant dans des plaines complètement blanches.
Les traits de son visage pouvaient être décrits comme charmants, mais étaient dénués de toute émotion.
Contrairement à Sakuya, qui avait appris à cacher ses émotions grâce à l’entraînement, elle semblait purement vide de toute émotion, comme si elle n’en avait ressenti aucune depuis le jour de sa naissance.
Père regarda Kanna, perplexe, puis chuchota.
« Kanna… tu dis ? Ce n’est pas possible. C’est… Selena Nommes, non ? »
J’avais souri à la réaction de mon père.
La fille que j’appelais Kanna était en effet celle qui était appelée Selena Nommes.
Kanna — la fille anciennement connue sous le nom de Selena Nommes — avait lentement levé une main et m’avait désigné.
« … Trésor, femme, collectionne. Épée, héros dévorant — dragon noir maudit, Fafnir. »
« Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce qu’elle dit ? »
Kanna commença à parler d’un ton monocorde, mon père en fronça les sourcils.
Elle n’avait même pas réagi à la question de mon père, mais l’avait pointé du doigt à la place.
« … Protéger, l’est, le cœur. Mer du sud, branches tendues, vers la jeune fille éternelle — arbre gardien, Sephiroth. »
« Hé franchement, Kanna. Ne pointe pas mon père du doigt, c’est impoli. »
« Je suis… désolé… je m’excuse, profondément. »
« … Dyn. Qu’as-tu fait à Selena ? »
En entendant Kanna énumérer des mots et des morceaux de phrases brisés, mon père m’avait de nouveau jeté un regard furieux.
Je pinçai les lèvres comme si je sifflais et répondis.
« Je te l’ai dit, ce n’est pas Selena… c’est Kanna. »
J’avais fait signe à Kanna de s’approcher.
Elle s’était approchée en sautillant, j’avais donc tiré ses mains et l’avais fait asseoir sur mes genoux, puis je l’avais prise dans mes bras par-derrière.
« Écoute, Selena ne me laisserait jamais faire quelque chose comme ça, pas vraie ? Elle me détestait au point qu’elle a essayé de me faire assassiner. Regarde ça. Squeeze ! »
« Squeeze… »
J’avais enfoui ma tête dans les cheveux blanchis de Kanna tout en appréciant le léger parfum de sa sueur.
« … »
Père resta sans voix.
Le « kimono » que portait Kanna était une sorte de robe que l’on portait en passant les bras dedans, et qui était ensuite attachée à la taille.
Son plus grand avantage était qu’il était facile de mettre ses mains à l’intérieur de la partie poitrine. J’avais glissé mes mains entre les plis et j’avais joué un peu avec ses seins.
Même si ses seins étaient touchés, l’expression de Kanna n’avait pas du tout changé.
Son ancien moi se serait sûrement mis à pleurer de peur si j’avais tenté un acte aussi barbare, mais maintenant elle l’acceptait normalement.
« … Elle ressemble en tout point à une poupée… qu’est-ce que tu as fait ? »
Père semblait sincèrement dégoûté.
J’avais souri tout en continuant à jouer avec le corps de Kanna.
« Je n’ai rien fait moi-même, vraiment. C’est l’œuvre des “Crocs d’Acier”. »
Selena, que j’avais capturée au lendemain de l’incident en tant que complice de Sullivan, était tellement choquée que son esprit avait été brisé.
Elle ne faisait que rire, sans même manger ou aller aux toilettes, si bien que je ne savais franchement pas quoi faire.
Dans un tel état, je ne pouvais pas la faire travailler comme je l’avais fait avec Sullivan ni l’utiliser pour le plaisir au lit.
J’avais donc discuté de ce qui pouvait être fait avec les « Crocs d’Acier » ninjas, et ils avaient proposé de la prendre avec eux. Après environ un mois, la fille nommée « Kanna » était née.
« Selon les “Crocs d’Acier”, elle avait le potentiel pour devenir une Miko. »
« Miko ? Une de ces prêtresses de l’est, c’est ça ? »
« Oui, les prêtresses qui peuvent voir des choses qui ne sont pas de ce monde et entendre la voix des dieux. Apparemment, elles peuvent même parfois prédire l’avenir. »
Chez les « Crocs d’Acier », il y avait une vieille femme avec un talent similaire : sous sa direction, Selena pouvait développer ses talents.
Développer ses talents… elle a dû passer par d’horribles expériences quand même.
Selena était apparemment obligée de suivre un entraînement éreintant, comme être forcée de boire des potions spéciales ou être jetée nue dans l’eau froide. D’après ses cheveux blancs purs et ses yeux cendrés, il était évident qu’elle avait vécu quelque chose d’inimaginable.
Après un entraînement aussi dur, son moi brisé renaissait sous la forme tordue de la Miko blanche, Kanna.
« Je n’ai pas encore demandé les détails, mais il semble que Kanna puisse voir l’âme d’une personne et sa véritable essence. Elle dit aussi des prophéties bizarres parfois. »
Selon Kanna, la véritable essence de mon âme était le « dragon noir maudit Fafnir ».
C’était un dragon maléfique qui enlevait les femmes et amassait des trésors. Honnêtement, cela me convenait parfaitement.
« On dirait qu’ils lui ont aussi enseigné toutes sortes de techniques pour les services de nuit. Je n’ai pas encore essayé, mais j’ai hâte de le faire. »
« … Ne me donne pas encore plus de maux de tête maintenant. Comment suis-je censé affronter le Baron Nommes ? »
Père se tenait fermement la tête et se penchait en avant sur la table.
Incidemment, le baron Nommes avait été blanchi de sa responsabilité dans la rébellion de Sullivan en raison de sa collaboration dans la capture de Selena.
Certains des autres nobles au service de la maison Maxwell avaient protesté, car la punition était trop légère, mais c’était moi qui leur avais imposé Sullivan en premier lieu. J’avais de grands espoirs pour le prochain chef de la maison Nommes, Cray, alors j’avais pensé que le déshonneur d’un membre de leur famille s’étant rebellé contre leur seigneur était une punition suffisante.
« Eh bien, dis-lui juste qu’elle va bien. Et ce n’est pas comme s’il allait encore voir “Selena”. »
« … Je rentre. Tu ferais mieux de finir tes vacances et de revenir au manoir, il y a du travail à faire. »
« Oui monsieur, je ferai de mon mieux. »
Je levai les mains en signe de reddition et regardai mon père partir, accompagné de ses gardes.
« … Désolé pour tous les problèmes que je te cause. »
C’était ce que je m’étais murmuré en regardant partir la calèche de mon père.
Je ne me considérais pas comme un bon fils. J’étais bien conscient du poids que j’exerçais sur ses nerfs.
Malgré cela, je ne pouvais pas contenir mes désirs et mes ambitions. Je ne pensais pas que les contenir était la bonne chose à faire.
J’allais probablement continuer à causer toutes sortes de problèmes et toutes sortes de maux de tête.
« Tu ferais mieux de vivre longtemps, vieil homme. »
« Vis longtemps… grand arbre… ne te fane pas… »
J’avais attrapé les épaules de Kanna et j’étais retourné à l’intérieur de la résidence.
+++
Chapitre 25 : Ainsi va l’histoire
« Nnh… aah… jeune maître… »
« Mmh, hah, haah, Seigneur Dyngir, c’est incroyable. »
« Kh, uuh… maître, pas là, kuh !? »
« Nnh… nnh… nnh… mon… seigneur… »
Un corps aussi abondant que la déesse de la prospérité, Eliza.
Un petit corps et une myriade de techniques, Sakuya.
Des proportions idéales sans le moindre excès, Shana.
Une silhouette fine, mais aux courbes épaisses et souples, Kanna.
Je faisais l’amour avec ces quatre femmes à plusieurs reprises, l’une après l’autre, profitant de leurs corps comme mon désir l’exigeait.
Après tout, le vieil homme m’avait prévenu : mes jours de repos dans ma résidence privée touchaient à leur fin.
La meilleure façon de conclure était, naturellement, un banquet avec mes belles dames.
« Ok, je vais ensuite te le faire par-derrière. Kanna, baisse tes mains. »
« Oui… aah.… »
C’était ma première nuit d’amour avec Kanna.
Franchement, comme c’était la femme de Sullivan, je ne m’attendais pas à grand-chose, mais son corps était plus équilibré que je ne le pensais : il y avait plutôt une bonne affinité entre nous.
Je craignais que la perte de ses émotions ne l’eût également rendue frigide, mais lorsque j’avais essayé ceci et cela, elle m’avait montré des réactions délicieusement tendres.
J’ai pensé que Sullivan avait pu lui implanter des habitudes malsaines, mais on dirait que je me suis inquiété pour rien.
« Kanna, fais miaou pour moi. »
« Miaou… miaou… »
« Bonne fille. »
« Miaou… »
Après avoir vu sa personnalité brisée renaître, Kanna était devenue aussi innocente qu’un nouveau-né : elle absorbait docilement tout ce que je lui apprenais.
Je ressentais le plaisir coupable et immoral d’enseigner de si mauvaises choses à une enfant et mon dos frissonnait d’excitation.
De plus, ce n’est pas comme si j’aimais particulièrement les vierges. Prendre l’amante de quelqu’un d’autre n’est pas mal.
Enlever la femme de quelqu’un d’autre était étrangement excitant. Surtout si c’était la femme de quelqu’un que je n’aimais pas.
Hey, Sullivan. Je parie que ça t’a fait du bien de voler ma femme et de faire croire que c’est moi le méchant. Je parie que tu t’es senti comme un foutu héros.
En conséquence, il avait perdu son rang, sa femme, et même sa jeunesse. Je n’avais pas pu m’empêcher de sourire.
« Miaaoouuu !!! »
J’avais pris la vierge blanche brisée et l’avais façonnée à ma façon.
Modeler librement une femme à ma guise était quelque chose proche de la félicité suprême.
« Hehe, jeune maître… ne donnez pas toute votre attention à Mlle Kanna, s’il vous plaît. »
« … Les nouveaux membres devraient laisser les vétérans passer en première. »
« Oh bien, je peux y aller en dernière… h-hey ! Où es-tu-hyah !! »
J’étais passé à Shana qui essayait de s’enfuir.
La nuit ne faisait que commencer : j’allais m’adonner au banquet jusqu’à être complètement rassasié.
Mes relations avec elles avaient donc continué pendant plusieurs heures.
Notre banquet amoureux commença immédiatement après le dîner et s’était poursuivi pendant une éternité, mais il avait fini par se terminer lui aussi.
Nous étions allongés sur mon grand lit, nos énergies complètement dépensées.
« Aaah… c’était génial. Je ne me suis pas senti aussi satisfait depuis longtemps. »
C’était ce que j’avais chuchoté, ma tête enfouie dans l’ample poitrine d’Eliza.
Eliza caressait doucement ma tête.
« Vous avez vraiment travaillé dur, jeune maître. »
« Travaillé dur ? Je suis sûr que je peux aller plus loin. »
« Je ne parle pas de ça. Il s’est passé tellement de choses ces derniers mois. Vous devez être fatigué, non ? »
« Hmm, qui sait… »
Voici la série d’événements à partir de mes fiançailles rompues.
Elle avait d’abord déclenché la déshérence de Sullivan et la tentative d’assassinat puis la chute progressive de la famille royale de Lamperouge et la confusion au sein du gouvernement central.
Je savais que ces problèmes n’étaient pas terminés.
« Je vais être beaucoup occupé à partir de maintenant. Mais vu que je me suis beaucoup reposé, je ne vais pas me plaindre à cause de ça. »
« Vraiment… s’il vous plaît, allez-y modérément. »
Eliza m’avait doucement enlacé la tête. J’avais pleinement apprécié sa tendre étreinte.
« Hnn… »
J’étais là à flirter avec Eliza, quand Kanna s’était soudainement glissée hors du lit et avait titubé vers la fenêtre.
« Hey, qu’est-ce qui ne va pas ? »
« … »
Elle ne m’avait pas répondu, mais avait enlevé le verrou et la serrure de la fenêtre pour l’ouvrir en grand.
Un vent glacial souffla dans la pièce. Nos corps chauds furent refroidis instantanément et Eliza frissonna.
« Kanna, il fait froid, s’il te plaît ferme la fenêtre. »
« Attends, elle est bizarre. »
Kanna tendait ses mains vers le ciel.
Quelque chose émergea alors de l’obscurité et se posa sur son bras blanc.
« Un hibou ? »
« C’est la chouette messagère des “Crocs d’Acier”. »
Sakuya s’était levée du lit elle aussi.
La chouette avait déployé ses ailes, aussi blanches que les cheveux de Kanna.
Toutes les deux étant blanches, elles s’entendaient bien… ? Ce n’était sûrement pas le cas, car la chouette avait picoré doucement sa joue.
« Nous utilisons cette chouette pour les communications d’urgence. Kanna, donne la lettre ici. »
« Hm. »
Kanna avait obéi à l’ordre de Sakuya. Elle retira le petit tube de papier attaché aux pattes de la chouette et nous l’apporta.
Sakuya étala la lettre et l’avait rapidement lue.
« C’est… »
« Hé hé, qu’est-ce que ça dit ? Une urgence ? »
« Oui, c’est urgent en effet. »
Sakuya leva les yeux de la lettre et me regarda.
Le regard perçant dans ses yeux était la preuve qu’elle disait la vérité.
« L’empereur de l’empire Baal est décédé. Apparemment, la cause de sa mort est la maladie. »
Les mots, rapportés par Sakuya d’un ton grave, résonnaient dans ma tête.
La mort de l’empereur.
La maison Maxwell avait combattu l’empire Baal de l’Est à plusieurs reprises. J’avais entendu des rumeurs selon lesquelles l’empereur était malade, mais je ne savais pas que c’était quelque chose d’aussi grave pour provoquer une mort aussi soudaine.
L’empereur avait trois fils, mais n’avait pas encore nommé de successeur. Il était facile de voir qu’une sorte de conflit interne allait se produire.
« … Je vois, voici donc en quoi consiste de voir l’histoire en marche. Intéressant. »
Le roi de Lamperouge tombe malade, et maintenant les choses commençaient à bouger dans l’empire Baal. Les étincelles de la guerre attendaient d’être allumées partout.
C’était donc ça, l’histoire.
Des âges de tumulte naissaient ainsi.
Je vivais maintenant à un tournant du cours de l’histoire.
« Intéressant, tellement intéressant ! »
Je le pensais sincèrement.
Mon heure était venue.
J’allais tout avaler, tous les événements, toutes les agitations, et les transformer en nourriture pour moi et pour la maison Maxwell.
Je m’étais levé, tout juste capable de contenir ma féroce excitation, et j’avais fait face à la fenêtre.
Le soleil était sur le point de se lever. La terre, encore plongée dans l’obscurité, voyait lentement la lumière à nouveau.
Je regardai le soleil, qui se levait à l’est, et pointai du doigt la direction dans laquelle l’Empire était censé se trouver.
« Oui, c’est mon heure ! Royaume, Empire, vous feriez mieux de vous secouer dans votre sommeil !! Une nouvelle ère de guerre et d’agitation arrive, et je régnerai sur tout ça !!! »
Je suis un bâtard, mais cette époque est pire !
Cette époque était remplie d’idiots qui n’avaient pas su préserver sa paix !
+++
Interlude 1 : La première bataille de Dyngir Maxwell
Le lendemain de l’annonce de la mort de l’Empereur, j’avais commencé à préparer la bataille contre l’Empire.
D’abord, je devais contacter les nobles affiliés à la maison Maxwell. J’étais assis au bureau de ma chambre, écrivant des lettres aux nobles de la province orientale de mon âge avec lesquels j’avais des relations étroites.
« Je vois que vous travaillez avec ferveur, monseigneur, mais pensez-vous vraiment que l’Empire va nous attaquer ? »
Sakuya posa une tasse de thé sur le bureau et me posa cette question.
J’avais jeté un regard à ma servante aux cheveux noirs, sans interrompre mon stylo sur le papier.
« Je ne veux pas dire que cela va à tous les coups arriver, mais il y a des chances qu’il y ait des remous de leur côté. »
J’avais attendu que l’encre sèche, puis j’avais mis la lettre dans une enveloppe. J’avais apposé le sceau de cire de la Maison Maxwell et écrit le nom du destinataire.
« Les factions du premier et du second prince sont en concurrence égale depuis dix ans : aucune n’a la puissance nécessaire pour décider qui sera le prochain empereur. La possibilité qu’ils viennent harceler les territoires à la frontière afin de rompre cet équilibre est bel et bien présente. »
Le Royaume de Lamperouge et l’Empire de Baal avaient toujours été des ennemis jurés. Vaincre un tel ennemi serait sûrement considéré comme un grand succès, un solide tremplin pour devenir le prochain Empereur.
Le premier prince, surtout, avait une longue histoire avec le territoire de Maxwell : ses rancunes personnelles pourraient à elles seules être une raison suffisante pour justifier l’invasion.
« Idéalement, je préférerais que les deux princes déclenchent une guerre civile… mais je sais que ce ne sera pas si facile. »
« Je vois… au fait, Seigneur Dyngir, je me souviens que l’Empire a attaqué une fois juste avant que j’entre à votre service, est-ce vrai ? »
« Hmm ? Oh oui, c’était ma première bataille. »
Il y a cinq ans, alors que j’avais 13 ans, l’Empire avait tenté une invasion à grande échelle du territoire de Maxwell. C’était un souvenir très important pour moi, car c’était la première fois que je me tenais sur le champ de bataille.
J’avais fini d’écrire la deuxième lettre et l’avais prise dans mes mains. Les destinataires des deux premières lettres que j’avais écrites étaient mes compagnons d’armes dans cette première bataille.
Ladd Efreeta.
Salm Silfis.
Je donnai les deux lettres qui leur étaient adressées à Sakuya, puis je regardai par la fenêtre, les nuages traînant dans le ciel bleu se reflétant dans mes yeux.
« Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas réunis tous les trois. Notre prochain rassemblement aura à nouveau lieu sur le champ de bataille… je suppose que c’est plutôt approprié. »
Je m’étais souvenu du champ de bataille où je m’étais battu avec eux et j’avais souri.
Les visages des deux amis en qui j’avais le plus confiance étaient apparus dans mon esprit.
Ainsi que le visage du héros qui était devenu mon premier et plus grand ennemi.
+++
Interlude 2 : Il y a 5 ans – La disparition du fils prodigue
Point de vue du Maréchal Maxwell
« Hmm, la guerre est donc inévitable. »
« Oui, il semblerait. »
J’avais reçu le rapport de l’intendant et j’avais hoché gravement la tête.
Mon nom est Dietrich Maxwell. Je suis le chef de la maison Maxwell, maréchal de la province orientale du royaume de Lamperouge, défenseur de ses frontières.
Actuellement, la province orientale faisait face à une situation très risquée : une tentative d’invasion par le pays voisin, l’Empire de Baal.
L’Empire de Baal était un ennemi de longue date du territoire de Maxwell : nous avions combattu à de nombreuses reprises au fil des ans, et cela bien avant la naissance du royaume de Lamperouge.
L’Empire, fondé il y a 200 ans par l’empereur Zebul Baal I, avait toujours considéré l’unification du continent comme l’un de ses principes fondamentaux.
Guidé par cet objectif, l’empire avait attaqué à plusieurs reprises les pays voisins. Il y a 50 ans, il avait affronté pour la première fois l’Alliance de Lamperouge.
Nos combats avec l’empire n’avaient pas cessé après la renaissance de l’alliance en tant que royaume : la maison Maxwell et la maison Utgard, situées respectivement près de la frontière est et nord, avaient croisé les armes avec l’Empire à de nombreuses reprises.
« La dernière tentative d’invasion remonte à deux ans, n’est-ce pas ? »
« Oui. Les forces de l’Empire ont utilisé la route du nord cette fois-là, donc nous n’avons pas participé à la bataille. »
L’empire était devenu de plus en plus actif au cours des 10 dernières années.
Et tout ceci à cause de la déclaration faite par l’empereur actuel, Perbiar Baal, il y a cinq ans.
« La position d’empereur sera héritée par celui qui, parmi mes fils, anéantira un pays ennemi en premier. »
L’empereur actuel avait trois fils : il attribua un pays à chacun d’eux et annonça que celui qui vaincrait le premier le pays ennemi et le soumettrait à la domination de l’Empire serait son successeur.
Stimulé par cette déclaration, Lars Baal, premier prince de l’Empire Baal, attaqua le royaume de Lamperouge.
« Ce maudit empereur et ses maudites dernières paroles… pourquoi devons-nous payer le prix de leurs jeux d’héritage ! »
« Maître, l’empereur est toujours en vie, donc j’ai bien peur que ce ne soit pas ses dernières paroles. »
« Hmph, ce n’est qu’une question de temps. Ce sale bâtard ! »
J’avais ricané en imaginant l’empereur dans mon esprit.
Je n’avais vu le chef suprême de nos ennemis jurés qu’une seule fois sur le champ de bataille, quand j’étais jeune : maintenant, il était apparemment malade et ne pouvait même pas quitter son château.
Qui sait combien de temps il lui restait à vivre. Si tous les princes ne parvenaient pas à atteindre l’objectif qui leur avait été assigné avant le décès de l’empereur, les conflits d’héritage qui en résulteraient ne manqueraient pas de semer le trouble au sein de l’empire. Pour le royaume de Lamperouge, il ne pouvait y avoir de meilleure perspective.
« Dans tous les cas, nous devons nous préparer à la bataille. Quand l’armée de l’Empire doit-elle arriver ? »
« D’après nos éclaireurs à la frontière, ils devraient atteindre le Fort Bryden dans vingt jours au plus tôt. »
Vingt jours — cinq jours étaient nécessaires pour tenir un conseil de guerre et décider de notre stratégie de contre-attaque, et dix jours pour assembler l’armée et rassembler les provisions. La forteresse était à un jour à cheval et à trois jours à pied d’ici. Nous n’avions certainement pas beaucoup de marge de manœuvre.
« Je vois. Nous allons d’abord tenir un conseil de guerre d’urgence. Envoyez des ordres à nos vassaux pour qu’ils préparent leurs troupes. Tu as déjà envoyé un messager à Fort Bryden, j’espère ? »
« Oui, certainement. J’ai également envoyé un mot pour que nos généraux se rassemblent, afin que le conseil de guerre puisse se tenir immédiatement. »
« Je vois, excellent. »
Avoir un intendant compétent me permettait d’agir rapidement et efficacement : c’était un atout inestimable.
Je me levai de mon siège — et exprimai mes pensées à voix haute.
« Bon, très bien. Faisons en sorte que Dyngir connaisse sa première bataille cette fois-ci. »
« Le jeune maître, mon seigneur ? »
« Oui, il a maintenant treize ans. Il est temps pour lui de faire l’expérience du champ de bataille. Je prévois bien sûr de le mettre à l’arrière. »
Mon fils, Dyngir Maxwell, était objectivement un jeune homme exceptionnel à bien des égards. Il excellait déjà dans l’étude des arts martiaux et des techniques d’équitation, et apprenait également très vite en termes de politique interne et de stratégie militaire.
Il devient un peu arrogant ces derniers temps. Je vais le laisser voir un vrai champ de bataille pour lui apprendre à quel point la réalité est cruelle.
De telles pensées étaient dans ma tête alors que je continuais à parler.
« Puisque nous y sommes… laissons les fils Efreeta et Silfis voir aussi leur première bataille. Je les ferai accompagner par Dyn. »
C’était les héritiers de la maison Efreeta et de la maison Silfis, des vassaux de rang vicomtal de la maison Maxwell, et qui séjournaient actuellement dans notre résidence. Nous leur faisions apprendre diverses disciplines, ainsi que l’établissement d’une relation avec Dyngir, qui deviendrait un jour leur seigneur.
« Laissez Dyn et ces deux-là participer au conseil de guerre. Ce sera un très bon apprentissage pour eux. »
Je hochai la tête, convaincu que c’était une excellente idée, et donnai des instructions en conséquence à l’intendant de la maison.
« Aah… le jeune maître, en fait… »
« Mh ? S’est-il passé quelque chose ? »
J’avais encouragé l’intendant de la maison à s’expliquer, ce qu’il avait fait sur un ton apologétique.
« … Le jeune maître et les deux héritiers de vicomtes sont partis tôt dans la matinée. »
« Il est pourtant déjà midi passé. Ils ne sont pas encore rentrés ? »
« Oui, enfin… apparemment, ils sont allés chasser dans une montagne proche de Fort Bryden. D’après le message que le jeune maître a laissé à Eliza… Je vais directement au fort après la chasse… »
« Quoi !? »
Je n’avais pas pu fermer ma mâchoire.
Mon imbécile de fils était apparemment parti seul sur le champ de bataille.
Dyngir Maxwell, le garçon qui serait plus tard salué comme le prodige Maxwell.
Tout avait commencé 20 jours avant sa première bataille.
+++
Interlude 3 : Les trois coquins escaladent la montagne
Je m’appelle Dyngir Maxwell.
Je suis l’héritier de la maison Maxwell, le gardien de la frontière orientale du royaume de Lamperouge. Je venais d’avoir 13 ans cette année.
Je me trouvais actuellement dans une montagne située près de la frontière, caché dans un buisson. La raison en était…
« Jeune maître, ça vient. »
« Oui. »
Un ours rouge d’environ 2 mètres de haut était passé à côté du buisson où nous étions cachés.
Les ours rouges étaient les plus grands animaux carnivores de cette montagne. La bête massive marchait tranquillement sur ses quatre pattes, sa fourrure rouge vif bruissant au gré de la brise. Il avait toute l’aura du roi de la montagne.
« Encore un peu… trois, deux, un… je t’ai eu ! »
« Ouais !!! »
« GRAAAHHHH !? »
L’ours rouge s’était fait prendre dans le piège que nous avions mis en place à l’avance. La moitié supérieure de son corps était coincée dans le piège, exposant son arrière-train et ses pattes arrière battantes.
« Fais-le, Ladd !! »
« Pas de problème !! »
Ladd, un des hommes qui m’accompagnait, tira une flèche.
La flèche toucha l’ours rouge près de ses hanches.
« GRAAAHHH, GRAAAHHHH !!! »
La bête se tordit de douleur. Elle sortit brutalement son corps de la fosse et avança vers nous.
« Salm !! »
« Oui, monsieur ! »
Mon autre camarade, caché dans un autre endroit, tira lui aussi une flèche.
Celle-ci frappa l’ours rouge à la tête, mais son crâne épais empêcha la flèche de le traverser et la flèche tomba au sol.
« Tch, ça n’a pas marché ! S’il vous plaît, courez, jeune maître ! »
« Non, c’est bon. Laisse-moi faire ! »
La flèche n’avait pas transpercé la tête de l’ours rouge, mais elle avait touché la bête près de ses yeux et avait réussi à l’effrayer.
J’avais sorti mon épée et j’avais entaillé le torse de l’ours rouge en le dépassant.
« GRAAAHHHHH !!! »
Le sang jaillit et aspergea le sol.
L’ours rouge se dressa sur ses pattes arrière et essaya de m’écraser avec ses énormes pattes avant.
« Ouaip, merci de t’être levé ! Maintenant, tu peux aller dormir ! »
Le fait qu’il se soit levé révéla le point faible de la bête.
J’avais sauté plus près de l’ours rouge et j’avais enfoncé ma lame dans sa gorge.
« Gw, gah, GRAAHHH ! »
« Vas-tu te taire maintenant ? »
« Gwah…gah…grah… »
L’ours rouge tomba en arrière.
Je sautais alors sur l’énorme corps de l’ours rouge et j’utilisais le poids de mon corps pour enfoncer la lame plus profondément dans sa gorge.
L’ours rouge balança désespérément ses pattes avant comme un fou avec ce qui lui restait de force.
J’avais extrait mon épée et j’avais rapidement sauté pour que les griffes ne l’atteignent pas.
« Gwah…gah.… »
L’ours rouge s’était débattu encore un moment, mais ses mouvements s’étaient progressivement émoussés et il finit par mourir.
« On dirait qu’il est mort. »
J’avais secoué le sang de ma lame et l’avais remis dans le fourreau.
« Super ! On va avoir de la viande ce soir ! »
Dansant autour de l’Ours rouge, les cheveux roux flamboyants se balançant dans l’air, se trouvait Ladd Efreeta, le fils aîné du vicomte Efreeta, un des serviteurs de la maison Maxwell. Il avait également 13 ans.
« Bon sang, c’était glacial. »
L’homme portant des lunettes et qui émergeait d’un buisson proche était Salm Silfis, l’héritier de la maison Silfis, un autre serviteur de la maison Maxwell. Comme les autres garçons, il avait 13 ans.
Salm sortit un mouchoir de sa poche de poitrine et me le tendit.
« S’il vous plaît, retirez le sang de l’ours qui est sur vous, jeune maître. J’ai vraiment cru que mon cœur allait s’arrêter quand vous avez sauté sur l’ours. »
« Haha, allez, c’était juste un ours. »
« Bien évidemment que j’étais inquiet. Après tout, si quelque chose vous arrive, nous devrons en prendre la responsabilité et donner aussi nos vies. »
Ladd et Salm avaient tous deux été chargés par leurs maisons d’habiter chez les Maxwell.
Le but était de leur faire étudier les disciplines générales et la stratégie militaire, afin qu’ils puissent mieux servir la maison Maxwell à l’avenir.
Une autre raison était de leur permettre d’établir une relation avec moi, l’héritier de la maison Maxwell.
« Si nous ne mettons pas ma vie en jeu comme ça, ce ne sera pas un vrai test de courage. Sais-tu que la première bataille sera bien pire ? »
« Pour l’amour du ciel, ne soyez pas aussi téméraire sur le champ de bataille… », soupira Salm tout en essayant de calmer mes esprits ardents.
À cause de l’invasion de l’empire voisin, le territoire de Maxwell allait bientôt devenir un champ de bataille. Ce sera probablement notre première expérience d’un vrai champ de bataille.
Afin de nous préparer à notre première bataille, nous étions venus chasser l’ours sur cette montagne, près de Fort Bryden, afin de tester notre courage.
D’ailleurs, la seule personne à qui j’avais parlé de cette expédition était ma servante personnelle, Eliza.
J’avais gardé ça secret à mon père, le maréchal, ainsi, nous serions sûrement grondés une fois de retour.
« Kahaha, on s’en fout ! Découpons ce bébé, j’ai faim !! »
« Il n’y a aucun moyen pour des débutants comme nous de le découper correctement ! Je vais aller appeler des gens du village au pied de la montagne, alors attendez. »
Ladd rit de bon cœur, mais Salm le réprimanda, mit son arc en bandoulière et descendit de la montagne.
Ladd et moi l’avions regardé partir, puis nous nous étions assis sur le rocher approprié le plus proche.
« Aah, je meurs de faim… jeune maître, n’as-tu rien à manger avec toi ? »
« Je serais en train de le manger si j’en avais. »
Salm était un homme poli et bien élevé, mais Ladd avait une personnalité peu conventionnelle pour un noble : même si j’étais l’héritier de la maison de son seigneur, il s’adressait à moi de manière plutôt désinvolte.
J’étais enfant unique, alors être avec eux me faisait le même effet que d’avoir un frère aîné et un frère cadet : leur compagnie était très réconfortante pour moi.
« J’ai de l’eau par contre, voilà pour toi. »
« Pff, de l’eau ? »
« Ça peut au moins remplir ton estomac. Et si tu as le temps de te plaindre, pourquoi n’allumes-tu pas plutôt un feu ? Comme ça on pourra faire cuire la viande après qu’ils l’aient dépecée. »
« Ouais, je suppose que je devrais aller chercher du bois de chauffage. »
Ladd se leva du rocher et commença à ramasser du bois de chauffage.
Il s’arrêta bientôt, cependant, et pencha la tête sur le côté.
« Hé, jeune maître, il y a quelqu’un là-bas. »
« Hm ? Juste un autre chasseur, non ? »
« Je suppose que c’est le cas. Il a un panier, donc je suppose qu’il doit ramasser quelque chose comme des herbes. »
« Des herbes ? »
Les mots de Ladd me firent froncer les sourcils.
Je m’étais aussi levé et j’avais regardé la personne que Ladd avait vue.
Un homme portant des vêtements simples faits de chanvre se trouvait sur le chemin que nous utilisions pour grimper la montagne. Il marchait en regardant attentivement son environnement, portant un grand panier sur son dos.
« Oui, il a vraiment l’air de quelqu’un qui cherche des herbes. Mais… »
Mes yeux s’étaient rétrécis alors que j’observais l’homme de plus près.
« Hey, Ladd. À partir de maintenant, nous sommes des enfants du village voisin. Agis comme tel. »
« Eh ? De quoi parles-tu ? »
« Fais juste ce que je dis. »
J’avais glissé le long de la pente douce, atterrissant devant l’homme au panier.
« Quoi !? »
L’homme était naturellement surpris par mon apparition soudaine.
« Bonjour, monsieur ! »
J’avais souri de manière amicale et j’avais fait signe à l’homme pour qu’il ne se méfie pas de moi.
« Oh mon Dieu, mon garçon ! J’ai cru que c’était un ours pendant un moment ! »
« Hahaha, désolé ! Je m’appelle Dyn, je viens du village de Sacae. Vous êtes du village d’Ain, monsieur ? »
Sacae et Ain étaient tous deux des villages réels situés au pied de la montagne.
« Oui, c’est ça. », dit l’homme en hochant la tête.
Nous étions venus à la montagne secrètement, nous portions donc de simples vêtements de villageois. L’homme n’aurait sûrement jamais imaginé que j’étais le fils du maréchal.
« Je m’appelle Zapp, et oui, je suis d’Ain. Vous êtes venus seuls, les enfants ? Vous allez donner du souci à vos parents, petits coquins. »
Le dénommé Zapp nous avait regardés, moi et Ladd, qui était descendu après moi, et haussa les sourcils.
« Nan, de toute façon on vient tout le temps ici. Que faites-vous ici, monsieur ? »
« Je cherche juste des herbes, comme vous pouvez le voir. »
J’avais hoché la tête, convaincu.
« Ah oui, les légumes Salo sont de saison, non ? Ils ont vraiment bon goût dans un ragoût ! »
« C’est vrai. Mais je n’en ai pas trouvé aujourd’hui, alors je ne vous donne rien à vous les morveux, d’accord ? »
« Avare ! Allez, n’as-tu rien à manger ? »
Ladd fit la moue et grommela. Il n’avait pas de manières depuis le début, donc sa façon de parler semblait très authentique. Il était très convaincant en tant que gamin du village.
« Je suis occupé ici ! Va-t’en ! »
« Tcheh ! »
« Avare ! Radin ! »
On s’était plaint un peu plus, puis on s’était écarté du chemin.
Avant de partir, cependant, je m’étais retourné et j’avais appelé l’homme avec un sourire.
« Ah oui, vous êtes d’Ain, n’est-ce pas monsieur ? Alors vous connaissez l’aîné, Lukas ? J’ai entendu dire qu’il était malade ces derniers temps, dites-lui de se rétablir vite, d’accord ? »
« Bien sûr, comme tu veux, rentre chez toi ! »
J’avais salué l’homme en m’éloignant, passant à travers les buissons jusqu’à ce que Zapp ne puisse plus nous voir.
« Plutôt imprudent, ce type. »
« Hein ? Que veux-tu dire, jeune maître ? »
Ladd m’avait regardé, confus, et j’avais souri.
« Dans les montagnes autour d’ici, la saison des verts Salo est au début du printemps. Tu ne vas rien trouver maintenant que c’est l’été. Et puis, il n’y a personne qui s’appelle Lukas à Ain. »
« Eh ? Quoi ? Alors, c’est qui ce type ? »
« Sans doute un espion de l’empire. Dans l’empire, il fait plus froid qu’ici toute l’année. Je parie qu’il s’est trompé parce qu’on peut récolter des feuilles de Salo en cette saison là-bas. »
« Quuuoooiiii !!? Hé hé, on ne peut pas le laisser partir comme ça, hein ? On va lui botter le cul !! »
Ladd regarda derrière nous, montrant ses crocs.
On aurait dit qu’il allait se mettre à courir à tout moment, j’avais dû attraper ses épaules pour l’arrêter.
« Doucement, il y a peut-être d’autres espions avec lui. Il est inutile d’en attraper un seul. Bref, Ladd, as-tu déjà vu des feux d’artifice ? »
« Le feu… d’arti… fice ? »
Ladd était visiblement perplexe face à ce changement soudain de sujet.
Il jetait encore de temps en temps un coup d’œil dans la direction de Zapp, je savais donc qu’il était encore impatient de s’enfuir.
« Les feux d’artifice… ces pierres brûlantes des pays du sud ? Je ne suis jamais sorti de ce pays de toute ma vie, bien sûr que je ne les ai pas vus ! »
« Vraiment. Je les ai vus quelques fois, en fait… maintenant, je vais te montrer quelque chose de similaire, alors endure-le pour le moment… »
J’avais fait un grand sourire à Ladd.
Il m’avait regardé avec curiosité, puis hocha la tête.
Nous étions retournés à l’endroit où nous avions laissé le cadavre de l’ours rouge et avions constaté que Salm était arrivé avec les villageois, qui avaient déjà commencé à dépecer l’animal.
J’avais dit aux villageois que nous partagerions la viande avec eux. Ceux-ci avaient été heureux de nous inviter chez eux, où ils nous servirent un ragoût.
J’avais savouré mon premier ragoût d’ours, puis j’avais commencé à penser à la bataille arrivant sous peu contre l’empire.
+++
Interlude 4 : Le poing du père et l’épée de la mère
Nous nous étions ensuite dirigés tous les trois vers le fort Bryden, anticipant les armées de Maxwell.
Comme je l’avais prévu, les forces de l’Empire se dirigeaient déjà dans cette direction, les soldats du fort avaient déjà été informés.
« Très bien, puisque nous avons réussi à arriver ici tôt, autant vérifier les défenses de la ligne de front avant que le vieux n’arrive ! »
Selon l’officier responsable du fort, l’armée de Maxwell arriverait dans environ deux semaines. D’ici là, nous nous étions entraînés avec les soldats stationnés dans le fort et avions observé ses structures défensives.
Puis — 10 jours plus tard.
Le Maréchal Maxwell était arrivé quelques jours à l’avance.
« Espèce de foutu idioooot !!! »
« Gwoh !? »
Dès que le vieil homme, le Maréchal Dietrich Maxwell, entra dans le fort, son poing heurta ma tête.
Père, après être devenu maréchal, n’alla plus au front aussi souvent qu’avant, mais il restait néanmoins un épéiste extrêmement doué qui avait réussi à remporter le tournoi royal d’art martial de la capitale 10 fois de suite. Le poing de celui qu’on appelait le « Démon de l’épée » était si lourd que j’avais cru que ma tête allait s’ouvrir.
« Petits coquins… vous l’avez vraiment fait… »
« Agh… »
« Mes plus profondes excuses ! »
Ladd et Salm avaient également été soumis aux mêmes remontrances infernales de deux heures que j’avais reçues.
Le vieil homme était venu plus tôt au fort spécialement pour nous faire la morale : l’armée principale arriverait plus tard. Était-il vraiment si pressé de me gronder ?
« Un test de courage à un moment comme celui-ci… ? Je ne sais pas si je dois être impressionné ou inquiet… »
Après deux heures de sermons interminables, la colère du vieil homme s’était finalement calmée.
Je pinçai les lèvres et objectai.
« On dit que les enfants doivent apprendre par eux-mêmes, non ? On s’est juste mis à l’épreuve. »
« … ce n’est pas quelque chose qu’un enfant peut dire. Franchement, de qui tiens-tu ça… », soupira le vieil homme tout en se grattant la tête, désespéré.
« Ladd, Salm, vous pouvez partir tous les deux. Pas toi, Dyn. »
« Oui, oui ! Avec votre permission ! »
« Oui, monseigneur ! Avec votre permission ! »
« Hé ! Pourquoi seulement moi — vous deux, attendez ! »
Mes deux camarades n’avaient pas hésité à m’abandonner dès qu’ils avaient été autorisés à quitter la pièce.
Je jetai un regard féroce à la porte lorsqu’elle se referma derrière eux et le vieil homme eut un rire ironique.
« Repose-toi, je ne t’ai pas gardé ici pour une autre conférence. Il y a quelque chose que je dois te donner. »
« Quoi ? De l’argent de poche ? »
« Si tu veux ça, tu dois bien te comporter. J’ai quelque chose pour toi de la part de Grâce… »
« Grâce. »
Dès que j’entendis ce nom, j’avais commencé à m’échapper. L’intendant se tenait devant la porte, alors j’avais couru vers la fenêtre et passé une jambe à travers.
« Arrête-toi ! Tu ne vas nulle part ! »
Le vieil homme attrapa mon col et me ramena par la force au centre de la pièce. Soit dit en passant, nous étions au deuxième étage.
« C’est ta faute, tu n’aurais pas dû dire ce nom ! Tu vas me porter malheur juste avant ma première bataille ! »
« Espèce de petit… ! Ce n’est pas une façon de parler de ta mère !! »
Oui, Grâce était le nom de ma mère.
Je ne savais pas ce que les gens pensaient normalement de leur mère, mais pour moi, la simple mention de son nom était suffisante pour me faire trembler de terreur.
Pour moi, prononcer ce nom juste avant ma première bataille était une chose d’insensé faîte par mon Père, un événement très important dans ma vie.
« Je peux dire que tu penses à des choses vraiment méchantes en ce moment… Grâce est une mère gentille et aimante, non ? »
« Tu as des asticots dans le cerveau, vieil homme ? Tu veux que j’appelle le médecin-chef ? »
Le vieil homme soupira devant ma réaction, mais n’avait reçu que des insultes en retour.
Il était comme toujours bien trop gentil avec elle. Comment pouvait-il voir des illusions comme ça chez cette folle ?
« Honnêtement ! Sais-tu que Grâce a fait des pieds et des mains pour t’envoyer un cadeau pour ta première bataille ? Tu ferais mieux de modifier ton attitude envers ta mère ! »
« Quoi !? Elle a envoyé un cadeau pour moi ! ? »
Ma malchance n’était pas encore terminée.
Je pensais m’enfuir à nouveau, mais je m’étais arrêté une fois que j’ai vu le « cadeau » dans les mains du vieil homme.
« C’est… une épée, non ? »
« Oui, Grâce l’a envoyée pour toi. »
« … il n’y a pas d’aiguilles empoisonnées sur la poignée, hein ? Elle ne va pas exploser si je la sors du fourreau ? »
« … Tu crois que ta mère est quoi ? »
Une femme folle et dérangée… c’était ce que je voulais dire, mais je m’étais tu et j’avais pris l’épée à la place.
J’avais sorti l’épée du fourreau pour la voir sous la lumière, révélant une lame en acier.
La poignée et le fourreau avaient l’air un peu usés, mais la lame elle-même était très bien construite : elle semblait extrêmement tranchante.
« Ce n’est pas nouveau… le design semble aussi assez daté, est-ce une antiquité ou quelque chose comme ça ? »
« Ça pourrait être un outil magique ? »
« Un outil magique ? »
L’épée avait l’air effectivement assez vieille, il ne serait donc pas étrange qu’il s’agisse vraiment d’une relique des temps anciens.
Cependant…
« … bien, en supposant que ce soit un outil magique, comment l’utilise-t-on ? »
Le problème était que je ne savais pas comment l’utiliser. Quel était l’intérêt de me la donner sans la moindre explication ?
« Ne sois pas si irréfléchi, Grâce a inclus une lettre. Elle explique sûrement comment l’utiliser. »
« Oui, c’est ça… »
Le vieil homme me donna l’enveloppe et je l’avais ouverte. J’avais ouvert la lettre et l’avais lue, mais le contenu était assez simple.
« Grâce a préparé un cadeau pour ta première bataille, n’est-elle donc pas une mère attentionnée ? Je sais que tu es dans ta période de rébellion, mais tu devrais lui montrer du respect et… »
« Viens-là, vieil homme. »
« Hm ? »
« La lettre. Lis-la toi aussi. »
J’avais donné la lettre au vieil homme et il l’avait lu avec curiosité.
La lettre se lisait exactement comme suit.
À mon fils,
Tue tous tes ennemis. Viole leurs femmes. Prends leurs richesses. N’en laisse pas un seul rentrer vivant.
Grâce D.O. Maxwell
« … »
« Qu’est-ce que tu as dit ? Le respect approprié ? »
« … Grâce a un côté espiègle, après tout. Elle est juste trop gênée pour être honnête parfois, hahaha… »
« Quelle partie de cette lettre est ludique ! ? C’est ta femme ! Accepte la réalité !! »
+++
Interlude 5 : Les ailes jumelles de l’Empire
Lars Baal, premier Prince de l’empire Baal.
Dans la première division de l’armée de l’Empire qu’il dirigeait, il y avait deux généraux célèbres connus sous le nom des « Ailes jumelles ».
« Trois jours encore pour atteindre Fort Bryden. »
Debout, sur une colline surplombant l’armée de l’empire en marche, se tenait le puissant général de droite des « Ailes jumelles », Bjorc Zagann.
C’était un commandant vétéran au service de l’Empire depuis l’époque du précédent empereur, il avait déjà plus de 60 ans. Ses cheveux étaient blancs et les traits de son visage robuste présentaient également de nombreuses rides.
Son physique, cependant, ne montrait aucun signe de vieillissement : sa silhouette musclée de deux mètres de haut s’imposait comme un rocher massif.
« En effet. Il s’agira probablement d’une bataille de plaine, je pense donc que les combats éclateront dès notre arrivée. »
L’homme élancé qui se tenait à côté de Zagann répondit à ses paroles.
C’était le général de gauche des « Ailes Jumelles », le sage général Eis Halphas.
Il était beaucoup plus jeune que Zagann, il avait un peu plus de 30 ans, mais ses stratagèmes astucieux et ses stratégies lui avaient permis d’obtenir son grade de capitaine de la première division malgré son jeune âge. Halphas faisait face à l’ouest, dans la direction du royaume de Lamperouge, avec un regard froid.
« Tu penses donc que Maxwell ne se barricadera pas dans le fort ? »
Les mots de Zagann sonnaient comme s’ils étaient destinés à tester Halphas. Ce dernier acquiesça et répondit.
« Oui. Dietrich Maxwell est bien connu pour son expertise dans les batailles de plaine, et comme aucun renfort n’est attendu de son côté, une barricade serait inutile. Peut-être que si nos forces étaient plus nombreuses, ils se seraient barricadées dans le fort Bryden… mais ce n’est pas le cas. »
Les forces envoyées par l’Empire Baal pour envahir le royaume de Lamperouge à cette occasion étaient de 6000 fantassins et 1000 cavaliers : exactement la moitié des forces totales de la première division de l’armée impériale.
« Les forces de Maxwell s’élèvent à environ 5000, y compris les troupes fournies par ses vassaux. Les chiffres sont essentiels dans les batailles de plaines, mais avec une si petite différence entre nos forces, on ne peut pas dire que nous soyons avantagés. Si seulement nous avions pu mobiliser plus de troupes… »
« On ne peut rien y faire. Après tout, notre véritable ennemi n’est pas Maxwell. »
Halphas s’était lamenté sur leur situation et Zagann y répondit en haussant les épaules.
Le maréchal Maxwell avait repoussé les tentatives d’invasions de l’empire au cours des cinquante dernières années. Les soldats de Maxwell étaient de féroces vétérans de guerre, mais si toute la première division attaquait, leur avantage numérique écrasant mènerait sûrement les forces impériales à la victoire.
Cependant, aux frontières nord du royaume de Lamperouge, se tenait la maison du Maréchal Utgard. Les pirates, maîtres des mers du sud, menaçaient toujours les villes sur la mer. Ces deux puissants ennemis n’avaient pas permis à la première division de se rassembler en un seul endroit.
« Normalement, nous devrions avoir plus de temps pour nous préparer… »
« Oui, si seulement l’Empereur n’avait pas publié cette déclaration… »
Les « Ailes Jumelles » s’étaient regardées, une expression aigre sur leurs deux visages.
Leur marche sur le royaume de Lamperouge avait commencé sans préparations appropriées à cause de certaines paroles prononcées par l’Empereur actuel.
« Le titre d’empereur sera hérité par celui qui, parmi mes fils, anéantira le premier un pays ennemi. »
Une telle déclaration au début d’un conflit de succession avait causé plus de confusion au sein de l’Empire qu’à ses ennemis.
L’Empire était un pays militariste, choisir un homme puissant comme prochain empereur était donc une idée légitime, cependant, alimenter un conflit entre les héritiers impériaux revenait à diviser le pays.
Zagann et d’autres proches conseillers de l’Empereur lui avaient conseillé de reconsidérer sa décision, en vain.
Si les conflits de succession se poursuivent longtemps, l’empire perdra de plus en plus de pouvoir et d’autorité. Cela ne deviendra pas un problème grave tant que l’Empereur est en bonne santé, mais si sa maladie s’aggrave…
Zagann avait ensuite fait part de sa détermination à Halphas.
« Nous devons gagner cette bataille, quoi qu’il arrive. Mettons le prince Lars sur le trône de nos propres mains. »
« Oui. Notre prince est encore jeune et parfois défaillant, mais il reste une bien meilleure perspective que les deux autres. »
« … C’était irrespectueux, même pour toi. »
Zagann réagit sévèrement à la critique d’Halphas à l’égard du prince, mais était d’accord avec lui dans son cœur.
Le premier Prince, Lars Baal, était encore jeune — 20 ans seulement — et avait tendance à agir sur des impulsions. Mais c’était un homme droit, et ses prouesses au combat étaient remarquables.
Si les « Ailes Jumelles » lui apportaient leur soutien, Lars pourrait certainement devenir un excellent empereur.
Le deuxième Prince, Grett Baal, était un excellent planificateur et un intrigant, mais il se souciait peu des autres et avait tendance à mépriser toute personne en dessous de sa position.
On disait également qu’il avait un penchant pour les très jeunes filles, ce qui en faisait une personne très difficile à servir sincèrement.
Le dernier candidat au trône, le troisième Prince Cerros Baal, n’avait aucunement l’intention de devenir Empereur. Il restait enfermé dans la province qui lui avait été attribuée, ne se battant jamais contre les pays ennemis, passant ses journées à profiter de l’alcool et des femmes.
« Je vais le répéter. Nous devons gagner cette bataille, quoi qu’il arrive, pour le bien de son Altesse le Prince Lars, et pour le bien de l’Empire dans son ensemble. »
« En effet. Faisons de notre mieux, général Bjorc. »
« Laisse-moi faire ! »
Afin d’obtenir une victoire certaine, les Ailes Jumelles avaient mis au point une stratégie.
Les forces principales, menées par le prince Lars et le général Halphas, se dirigeraient directement vers le fort Bryden et engageraient le maréchal Maxwell dans une bataille de plaine près du fort. Dans le cas où les forces de Maxwell se barricaderaient dans le fort, Halphas ferait des raids dans les villages et les villes voisines pour les attirer à l’extérieur.
Zagann et une petite force de 500 soldats d’élite traverseraient les montagnes pour encercler les forces de Maxwell et les prendre en tenaille. Leur nombre était très faible, mais il s’agissait d’un groupe d’élite dirigé par le plus fort général de la première division, de sorte que les forces ennemies seraient sûrement ébranlées. Les forces du maréchal s’effondreraient, ouvrant la voie à la victoire de l’Empire.
« Pénétrer rapidement dans le territoire ennemi et frapper les forces de Maxwell par derrière, ainsi que combattre les puissantes troupes de Maxwell avec seulement 500 soldats, c’est quelque chose que toi seul peux faire, général Bjorc. Cela me peine de te confier une tâche aussi dangereuse, mais… »
« Tu n’as pas à le faire. Si c’est le meilleur plan conçu par toi, le meilleur stratège de notre armée, je consacrerai mon esprit et mon corps à sa réussite. C’est une honte que Son Altesse n’ait pas approuvée. »
Les deux généraux se rappelèrent que le Prince Lars s’était opposé au plan et ils soupiraient.
« Nous sommes les soldats du puissant Empire ! Des tactiques aussi faibles ne nous conviennent pas ! Même si j’obtenais la victoire par des moyens sournois, qui me reconnaîtra comme Empereur ! ? Utiliser notre plus fort général pour une telle chose est une absurdité totale !! »
Les Ailes Jumelles eurent du mal à convaincre le prince, qui n’aimait pas du tout s’appuyer sur des stratagèmes au combat. En particulier Halphas, puisque le plan qu’il avait minutieusement affiné avait non seulement été complètement rejeté, mais qu’il avait également été insulté personnellement, il parvint à peine à contenir sa colère.
« Le Prince se rendra sûrement compte de ta véritable valeur un jour, mon ami. Un Empereur ne peut pas garder ses mains immaculées pour toujours. Au contraire, les gens comme toi sont ceux dont notre empereur a le plus besoin. »
« … Ne t’inquiète pas pour moi. Au contraire, reste sur tes gardes à tout moment. Le Maréchal Maxwell est un homme droit comme notre prince, il ne remarquera donc pas nos plans. Mais il est possible qu’il élève également de jeunes talents prometteurs. »
« Dans ce cas, ils tomberont simplement devant moi ! Assure-toi que Son Altesse soit protégée à tout moment ! »
« Je le ferai, quoi qu’il en coûte. »
Les deux généraux se frappèrent silencieusement le poing, puis se dirigèrent vers leurs tâches respectives.
Sans savoir qu’ils avaient parlé avec leur plus fidèle compagnon d’armes pour la dernière fois…
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Interlude 6 : Préparatifs pour la bataille
« Préparez-vous à l’arrière avec 30 assistants, Salm et Ladd compris. Il est interdit de se rendre en première ligne. Le reste est laissé à votre jugement… est-ce tout ? »
« Oui. Sa Seigneurie a insisté pour que vous ne fassiez rien d’irréfléchi, jeune maître. »
« Il ne me fait pas du tout confiance ! Sacré vieux têtu… »
J’avais entendu les ordres d’un soldat et j’avais levé les yeux au ciel, irrité.
L’armée de l’Empire devait arriver au fort le lendemain. Le vieil homme allait partir au combat, entraînant avec lui les forces de la province.
Comme c’était notre première bataille, nous devions nous tenir à l’arrière. Nous pouvions nous attendre à ne pas vivre de véritables combats.
« Ce sont cependant des ordres assez doux. Me laisser prendre au moins un ennemi lors de ma première bataille serait plus important, pour que les gens ne me regardent pas de haut en tant que prochain maréchal… »
« Sa Seigneurie s’inquiète pour vous, jeune maître. Veuillez respecter ses souhaits. »
J’avais froncé les sourcils. Le soldat qui avait apporté le message tenta alors de m’apaiser.
« Le champ de bataille sera les plaines. Nos forces s’élèvent à 5000, celles de l’ennemi à un peu plus de 6000. Ce n’est pas une bataille que nous ne pouvons pas gagner, mais… qui sait ? »
« Ne vous inquiétez pas, jeune maître. Nous avons combattu l’Empire dans des conditions similaires de nombreuses fois et nous n’avons jamais perdu. S’il vous plaît, croyez-en la force de la maison Maxwell. »
« Je n’ai bien sûr aucun doute là-dessus. Mais si l’Empire perd toujours dans ces conditions, je me demande s’ils vont encore se battre de la même façon. »
« C’est… parce que ce sont des barbares qui ne pensent qu’à se battre. »
« Hmm, c’est donc ça ? »
Tout ce que je savais venait de rumeurs, mais la première division de l’Empire était censée avoir deux généraux très compétents, Zagann et Halphas.
Cette bataille est très importante pour eux, car la position d’empereur pourrait en dépendre. Ils ne peuvent pas se permettre de perdre, alors feraient-ils vraiment appel aux soi-disant « Ailes jumelles » pour une stratégie dont il est prouvé qu’elle ne fonctionne pas.
Ils devaient avoir un plan secret dans leur manche.
Je m’étais souvenu de l’homme suspect que j’avais trouvé dans les montagnes l’autre jour.
« Je suppose qu’ils ont tout misé sur une embuscade. Ça paie bien de faire de l’alpinisme parfois. »
« Vous avez dit quelque chose, jeune maître ? »
« Non, rien. Au fait, les choses que j’ai commandées sont-elles déjà arrivées ? »
J’avais changé de sujet avec une autre question.
« Oh, oui. Une voiture est arrivée de la maison Maxwell pour le jeune maître. Elle se trouve… »
J’avais entendu l’emplacement de la voiture et j’avais acquiescé sereinement.
« C’est noté, merci. Vous pouvez y aller maintenant, merci pour tout. »
« Ah… oui… »
Le soldat semblait un peu perplexe, mais il avait suivi mes ordres et partit.
J’étais allé voir la voiture et j’avais vérifié son contenu.
« Bien, bien, ils ont envoyé tout ce que j’ai demandé. »
Le chariot était chargé de cinq grandes boîtes, chacune marquée des mots : « Tenir éloigné du feu. »
« Hé, jeune maître, qu’est-ce que vous faites ? »
« Hm ? Oh, c’est toi, Ladd. »
Ladd marchait vers moi, avec Salm à ses côtés.
Ce dernier m’avait aussi parlé.
« Nous allons être stationnés ensemble demain. Qu’allons-nous faire ? Rester dans le fort, ou observer le champ de bataille depuis l’arrière-garde ? »
« Allons au front ! !! Personne ne le saura si nous restons silencieux ! »
« … Je ne vais pas me taire. Si je déçois encore le maréchal, cela nuira à la réputation de ma maison. »
« Tu vas nous trahir !? Nous sommes amis, mec ! »
Ladd et Salm commencèrent à se disputer bruyamment. Je leur avais jeté un regard en ouvrant l’une des boîtes et en sortant son contenu.
Il s’agissait d’un grand pot en argile, enveloppé dans de la paille pour amortir les chocs éventuels en chemin. Il était fermé par un couvercle en bois, d’où dépassait un court morceau de corde.
« Qu’est-ce que c’est ? »
Ladd jeta un coup d’œil par-dessus mon épaule et posa une question sur le pot, un ton perplexe dans la voix.
J’avais levé le pot et j’avais souri.
« Je les avais préparés au cas où nous en aurions besoin. Comme on dit, travailler dur quand on est jeune, ça paie vraiment… qui aurait cru que les enseignements de cette sorcière de merde seraient utiles un jour. »
« Hein ? De quoi parles-tu ? »
« Oui, qu’est-ce que vous dites, jeune maître ? »
Ladd et Salm m’avaient tous deux regardé, confus. Malgré le fait qu’ils se battaient si souvent, ils étaient parfois parfaitement synchronisés.
« Nos plans pour demain sont déjà décidés. Nous allons faire de l’alpinisme et jouer un peu avec les feux d’artifice. »
« Oh… OK… ? »
« Haah… compris. »
« Oh vous deux, qu’est-ce qui se passe avec vos visages ? »
J’avais souri, exposant mes canines. Mes deux camarades avaient réagi en se raidissant.
J’avais appris plus tard que mon sourire à l’époque avait l’air aussi effrayant que celui d’un dragon visant sa proie.
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Interlude 7 : La fête commence par un feu d’artifice
Les troupes de la première division, dirigées par Bjorc Zagann, avançaient dans la montagne. 500 soldats armés grimpaient sur le chemin de montagne, enjambant l’herbe, traversant les buissons.
Les éclaireurs envoyés précédemment par Eis Halphas avaient entièrement cartographié les sentiers de montagne.
Ils devaient éviter d’être vus par quiconque pour que leur embuscade réussisse, ils avaient donc choisi des chemins détournés que les locaux empruntaient rarement. Les visages des soldats remontant les chemins de montagne escarpés montraient des signes de grande fatigue.
Leur moral n’était cependant pas affecté, car ils étaient dirigés par le héros de l’armée impériale.
Après une journée entière d’escalade, ils avaient finalement atteint le sommet de la montagne.
« Bien, ce sera notre dernière halte. Une fois que nous aurons traversé de l’autre côté, le champ de bataille sera devant nous !! La victoire de l’Empire dépend de nous ! Aiguisez votre détermination, vous tous ! ! »
« Oui Monsieur !!! »
La dernière halte des troupes était dans une vallée juste avant le pic qui les séparait de Fort Bryden.
La vallée était entourée de hautes parois rocheuses, il n’y avait donc aucun risque que quelqu’un les repère. Ils pouvaient utiliser un ruisseau voisin pour se réapprovisionner en eau. C’était l’endroit idéal, comme l’avaient observé les espions qui avaient exploré la région.
« Ouf… Je suis trop vieux pour escalader des montagnes comme celle-ci. »
Zagann s’était assis sur un gros rocher et soupira. Son physique imposant avait déjà plus de 60 ans : chaque jour, il sentait ses forces le quitter.
« J’aimerais pouvoir déjà prendre ma retraite et passer mes derniers jours en paix. Mais cela devra attendre que le royaume tombe… »
Si l’Empire pouvait conquérir le territoire de Maxwell dans cette bataille, la chute du Royaume serait proche.
Les nobles centraux, avec leur manque d’expérience réelle de la bataille, s’effriteraient comme du papier devant l’invasion de l’empire. Les autres maréchaux étaient entièrement occupés à défendre leurs frontières, ils n’auraient donc pas de troupes en réserve.
Quarante ans s’étaient déjà écoulés depuis que Zagann avait rejoint les chevaliers impériaux. En pensant que sa longue bataille touchait enfin à sa fin, il sentit les rides de son visage se lisser.
Ses troupes d’élite étaient convaincues que la victoire serait bientôt aussi la leur. Ils se reposaient, épuisés par le chemin de montagne peu familier, mais leurs yeux débordaient d’attente.
« Ouf, je commence à perdre la tête. À un certain âge, on commence tout de suite à perdre sa concentration… Je dois remettre les troupes en formation avant le départ… »
Bump.
« Hm ? »
Zagann se leva, pensant réveiller les troupes, quand quelque chose heurta son pied. Une sphère noire avait roulé jusqu’à lui.
Il la ramassa et vit que c’était un pot fait d’argile, avec une courte corde qui en sortait.
La corde courte brûlait…
« Troupes, tête baissée !! »
Zagann réalisa ce qu’était vraiment l’objet et cria.
Au même moment, le pot explosa avec un boom tonitruant.
Ce boum n’était pas le seul : il avait été suivi de nombreux autres dans toute la vallée.
Les cris de colère et d’agonie des soldats avaient été submergés par les bruits d’explosion, et leurs silhouettes disparurent dans une épaisse fumée noire.
« Whoa ! C’est donc un feu d’artifice ! ? »
En regardant la série d’explosions en bas de la falaise, Ladd applaudit bruyamment.
Excité après avoir expérimenté pour la première fois la puissance de la poudre à canon, il alluma une autre grenade d’argile et la jeta en bas.
J’avais conduit Salm, Ladd, et les 30 soldats qui m’étaient assignés dans la montagne derrière Fort Bryden.
Comme prévu, nous avions trouvé les soldats de l’Empire en train de se cacher, alors nous avions pris position au-dessus de leur aire de repos et avions commencé à attaquer avec les bombes à pot d’argile que j’avais préparées.
« Je ne pense pas que ce soit vraiment des feux d’artifice, mais… jeune maître, où avez-vous trouvé de telles choses ? »
La réaction de Salm était très différente de celle de Ladd : chaque explosion le faisait frémir et trembler.
Néanmoins, il continuait à jeter des grenades d’argile, ce qui témoignait de sa personnalité sérieuse.
La poudre à canon et les bombes étaient des armes souvent utilisées dans les pays du sud au-delà de la mer. Leur usage était pour la plupart inconnu dans le Royaume et l’Empire, ainsi que la façon de les fabriquer. Apparemment, les pirates du Sud utilisaient la poudre à canon pour attaquer les navires ennemis.
Les dommages qu’ils causaient étaient clairement substantiels.
« Effectivement, ça paye de travailler dur quand on est jeune. Voyez-vous, ma mère adore les jouets comme ceux-là. »
Pour cette raison, elle me forçait souvent à les fabriquer quand j’étais petit.
Grâce à cela, j’avais appris à les fabriquer, ce que je faisais de temps en temps pour en garder un bon nombre en stock.
« Votre Mère… ? »
« Hé hé, garde tes mains en mouvement, continue à lancer. Si tu n’as plus de bombes, commence à tirer des flèches ! »
« Oui Monsieur !!! »
Les soldats de Maxwell commencèrent à faire pleuvoir des flèches sur la vallée, couverte par la fumée noire.
Ils ne pouvaient pas viser correctement, bien sûr, mais pour tout survivant parmi les troupes de l’Empire, c’était assurément dangereux.
« C’est impressionnant de voir comment vous avez pu trouver l’embuscade de l’empire. Cette montagne est vraiment grande, hein ? »
« Ils ont après tout utilisé des espions pour explorer la montagne. S’ils prévoyaient de traverser la montagne sans se faire remarquer et de frapper les forces de Maxwell par l’arrière, c’était l’endroit idéal pour se reposer. »
Le plan avait probablement été conçu par Eis Halphas, le « général sage » des Ailes Jumelles.
Il était difficile de prévoir comment les personnes stupides allaient agir, mais les personnes intelligentes agissaient de manière rationnelle et logique, il n’était donc pas difficile d’anticiper leur manière de penser.
« Je suis impressionné, jeune maître, vraiment. »
« Ne me complimente pas trop, Salm, ou je vais devenir arrogant. Bon, je doute qu’ils puissent se regrouper et attaquer maintenant. Ils vont se retirer d’un moment à l’autre… hm ? »
« WOOOOOOOHHHH !!! »
Un rugissement encore plus féroce que les explosions résonna dans la vallée, alors qu’une silhouette géante émergeait de la fumée.
Une silhouette aussi grande et volumineuse qu’un ours grimpait férocement le long de la falaise, courant presque à la verticale.
« … vous êtes sérieux… ? »
« SAAAAAAAAALE BÂTARDS !!! »
En un rien de temps, la silhouette massive avait atteint le sommet. Elle appartenait à un soldat impérial, qui profitait de l’élan de son ascension pour bondir dans les airs et abattre sa lance.
« Ghuh !? »
« Waaahhhh !!! »
Le coup incroyablement lourd fit éclater la roche et provoqua un glissement de terrain.
Certains des soldats de Maxwell furent happés et tombèrent en bas de la falaise.
J’avais réussi à garder pied et j’avais jeté un regard à l’homme qui avait porté un coup aussi terrifiant.
C’était l’une des Ailes Jumelles, le « puissant général » Bjorc Zagann.
Le plus puissant général de l’Empire avait pointé sa lance vers nous.
+++
Interlude 8 : Le héros balance sa lance
« Bjorc Zagann… aussi héroïque que selon les rumeurs… !! »
Il ne s’était pas présenté, et je ne l’avais jamais rencontré auparavant. Mais je ne pouvais pas imaginer qu’il y avait un autre homme débordant d’une telle aura vaillant et d’un tel esprit de combat dans l’Empire.
« Vous êtes le chef de ce groupe ? Si jeune… non, un enfant. »
Zagann parla en me regardant. Son ton était calme, mais chacun des mots qu’il prononçait était empreint d’une intention meurtrière glaçante.
Son aura intimidante donnait l’impression de faire trembler l’air. Il n’y avait pas de meilleure preuve de son héroïsme.
« Il est douloureux de prendre la vie d’un jeune homme prometteur, mais vous ne vous attendiez sûrement pas à recevoir de la pitié après tout ce que vous avez fait. »
« De la pitié, hein ? Eh bien, je ne pense pas que ça vous ferait du mal de vous retenir un peu contre un enfant. »
« Ne me faites pas rire ! Vous nous avez attaqués au moment même où notre garde était la plus basse et notre épuisement à son comble ! Vous avez remarqué notre présence ici ! Vous avez préparé des armes si rares en grande quantité ! Comment devrais-je traiter quelqu’un d’aussi talentueux comme un enfant !? »
Zagann balança sa lance, déchirant l’air et secouant violemment les arbres.
Sa lance était dotée d’une lame en forme de hache à son extrémité : c’était une « hallebarde », qui lui permettait d’effectuer des attaques de matraquage, de taillade et de poussée également.
« Mes troupes sont déjà tombées. Nous ne pouvons plus avancer ! Je vais donc prendre votre tête en échange d’un tel échec ! »
Le vieux général poussa la poignée de sa hallebarde sur le sol et hurla.
Faire face à l’intention meurtrière du plus puissant général de l’Empire dès ma première bataille… il semblerait que j’étais destiné à de grandes choses.
« Vieil homme ! Vous feriez mieux de ne pas être trop arrogant !! »
Ladd, qui avait réussi à échapper à l’éboulement, sauta sur Zagann, arme à la main.
Le sabre large, qu’il balançait avec une puissance bien supérieure à celle des autres garçons de son âge, était probablement à égalité avec la hallebarde de Zagann en termes de masse.
« Mmngh ! »
« Whoah !? »
Zagann balança sa hallebarde trop rapidement pour que l’œil puisse la suivre, se heurtant à l’épée de Ladd. Ce dernier fut soufflé en arrière avec son arme.
« Ladd… kh !? »
Salm sauta rapidement pour rattraper Ladd, mais ne put supprimer l’élan.
Ils furent donc tous deux soufflés et disparurent dans le fourré voisin.
« Restez en dehors de mon chemin, sales morveux ! »
« … Hé bien, qu’est-ce qui se passe avec cette arme ? Peut-elle changer de poids ? Sérieusement. »
Je jetai un coup d’œil à mes amis qui se faisaient souffler et murmurai, les yeux plissés.
Briser des rochers et les faire exploser comme ça n’était pas quelque chose de possible par la seule force musculaire. Cette hallebarde semblait peser plus de 100 kilos.
Le vieil homme devant moi était effectivement très musclé, mais il ne pouvait pas balancer une arme aussi lourde avec autant de légèreté.
Il n’aurait certainement pas non plus pu courir le long de la falaise en la portant.
Il était impossible d’expliquer les événements dont j’avais été témoin, à moins que le poids de la hallebarde puisse être manipulé librement.
« Ooh, vous avez vu la vraie nature de ma hallebarde en si peu de temps ? »
Les yeux de Zagann s’étaient ouverts un peu plus grand, puis il a commencé à parler fièrement.
« Ma hallebarde, 【Seiten Taisei】, possède la capacité de manipuler le poids. Elle peut rendre les objets légers comme une plume ou lourds comme des rochers. C’est un outil magique qui m’a été accordé pour ma loyauté par Sa Majesté l’Empereur ! !! »
« Je vois… c’est comme ça que vous avez pu escalader la falaise si facilement. »
J’avais senti la sueur couler dans mon dos après les mots de Zagann.
La capacité de la hallebarde expliquait comment Ladd avait pu être emporté comme ça.
L’arme avait été allégée pour pouvoir la balancer rapidement, puis la partie hache avait été retournée pour peser 100 kilos de plus justes avant l’impact. Le grand élan dû à la légèreté de l’arme et le poids de la hache s’étaient combinés pour créer une force supérieure à celle d’un sanglier qui charge.
Mais le plus effrayant était que le vieil homme devant moi savait parfaitement utiliser les capacités de la hallebarde.
J’aurais pu élaborer un plan contre un débutant qui ne comptait que sur l’arme pour se battre, mais l’homme devant moi était un maître de son art, même sans une telle arme. Même si Zagann était venu armé d’une lance normale, mes chances de victoire auraient été très minces.
Mince… c’est vraiment mauvais… j’ai été trop arrogant !
Je n’aurais pas dû venir ici avec seulement mes hommes. J’aurais dû signaler l’embuscade à mon père et le laisser s’en occuper.
Je n’aurais même pas dû penser à essayer de faire des exploits pour lui montrer ce que je pouvais faire… !!
« Haaaaaaahhh !!! »
« Gh ! C’est mauvais… ! »
Zagann balança sa hallebarde et me chargea.
Ladd et Salm avaient disparu dans les bois.
Les autres soldats étaient tombés de la falaise à cause de l’éboulement et n’avaient pas pu se battre à nouveau immédiatement.
J’ai complètement surestimé ma force ! Je vais mourir ici !
Je regrettais mon imprudence face à une bataille aussi désespérée.
J’avais brandi la lame d’acier reçue en guise de célébration pour mon premier combat afin de me protéger contre la hallebarde qui s'approchait de moi à une vitesse redoutable.
+++
Interlude 9 : Un nouvel héros balance son épée
C’est vraiment quelque chose. Il ressemble à un jeune lion… non, un jeune dragon.
Zagann loua le jeune garçon devant lui alors qu’il frappait avec son Seiten Taisei.
Il rendit sa hallebarde plus légère, la balança, et la rabattit d’un coup sec après l’avoir alourdie à nouveau. Cela semblait simple en paroles, mais c’était la raison même pour laquelle Zagann avait enterré d’innombrables ennemis dans sa carrière militaire, c’était la technique qui le rendait invaincu.
Chacun de ses coups pouvait être mortel, mais le garçon, qui n’avait presque aucune expérience du combat, parvenait à tous les parer.
S’il prenait l’une des attaques de la hallebarde de plein fouet, son poids l’écraserait facilement : le garçon semblait le savoir aussi, car il les dévia toutes avec agilité avec sa lame.
Non seulement cela, mais il était même prêt à riposter dès qu’il trouvait une ouverture.
Comment pouvait-il y avoir autant d’audace dans un si petit corps ? Même dans une situation où le moindre faux pas signifiait la mort, le garçon continuait à se battre contre un adversaire qui lui était supérieur.
En 10 ans… non, en même seulement 5 ans, il aurait pu me surpasser en prouesses militaires. Son attaque contre mes troupes a été incroyablement bien exécutée… en tant que stratège, il rivalise déjà avec Halphas. C’est vraiment regrettable d’être obligé d’écraser un tel talent en devenir ici.
Mais c’était aussi la raison pour laquelle Zagann devait absolument écraser un tel talent en devenir ici et maintenant.
Zagann était sûr que, si on le laissait tranquille, le garçon grandirait sûrement jusqu’à menacer l’existence même de l’Empire.
« Woooohhhh ! !! »
Les attaques de Zagann devinrent encore plus féroces.
Pour protéger le futur de l’Empire. Pour éliminer une menace qui pourrait détruire l’Empire. Zagann libéra chaque once de sa puissance militaire.
« Woooohhhh !!! »
C’est mauvais ! !! Merde Merde Merde !!!
Je continuais à parer les attaques de Zagann, plus puissantes les unes que les autres, tout en criant intérieurement.
Si je recevais ne serait-ce qu’un seul des coups de la hallebarde, j’étais à tous les coups fichu.
C’était des attaques que je continuais à esquiver de justesse, comme si je marchais sur une corde raide au-dessus d’une mort certaine.
Si seulement… si seulement je pouvais en bloquer au moins une…
Zagann était sans aucun doute un vétéran du champ de bataille. Son offensive ne comportait aucune ouverture, ne laissant même pas la plus petite chance à une contre-attaque.
Si seulement je pouvais bloquer les attaques de la hallebarde une fois, si seulement je pouvais la faire tomber, je pourrais peut-être avoir la chance de riposter.
Ouais, c’est ça ! Pas possible ! Il va m’écraser !
Mais c’était une idée complètement irréfléchie.
Les attaques de la hallebarde passant librement de légère à lourde étaient assez puissantes pour briser des rochers. Comment une fine lame comme la mienne pouvait-elle les bloquer ?
Je dois… trouver un autre moyen… !
{Est-ce que tu es sûr de ça ?}
Eh ?
{Est-ce que tu es vraiment sûr que tu ne peux pas l’arrêter ? Pourquoi n’essaies-tu pas ?}
Qu’est-ce que c’est ? Qui es-tu, bon sang ?
Je me creusais la tête pour trouver une issue, mais soudainement, quelque chose avait interrompu mes pensées.
Ce n’était pas la voix de quelqu’un d’autre ni un message venu d’en haut ou autre chose. Cette voix ressemblait à la mienne.
{Essaie. Tu pourrais en fait être capable de l’arrêter.}
Pas question !! Je le sens, je vais me faire écraser !!
{Même si tu restes sur la défensive comme ça, tu finiras par mourir. Pourquoi ne pas prendre un pari à la place, « Coule ou nage, vis ou meurs » ?}
C’est… non, ça ne peut pas être…
La voix dans ma tête n’offrait aucune preuve de ses paroles, c’était comme un diable qui chuchotait à mes oreilles.
Cependant, étrangement, je n’avais pas senti que je devais l’ignorer et je m’étais senti obligé de suivre ses conseils.
« WOOOHHHHH !!! »
« Kh… ! Sois maudit… ! »
L’offensive de Zagann devint encore plus féroce, et mon visage se tordit en une grimace.
J’allais vraiment être à court d’énergie en premier. Je pouvais déjà sentir la faux froide de la faucheuse pousser contre mon cou.
{Si tu meurs ici, c’est fini. Cela voudra dire que tu n’étais qu’un homme de cette valeur.}
{Mais si tu vaux plus que ça}
{Dyngir Maxwell, tu… je peux devenir un héros.}
{Ou le dragon maléfique qui les dévore — !!!}
« HAAAAHHHHH !!! »
Je savais que le prochain coup allait décider de mon destin. J’avais rassemblé toute la force que j’avais et, obéissant à la voix dans ma tête, j’avais bloqué la hallebarde de Zagann.
« Qu’est-ce que… !? »
Zagann était choqué.
Les traits de son visage montraient clairement qu’il n’en croyait pas ses yeux.
« Si… lourd… !! »
J’avais saisi mon épée d’une main, utilisant l’autre pour soutenir la lame et bloquer la hallebarde.
Le coup porté par les bras de Zagann était si lourd que je pouvais sentir mes propres bras s’engourdir.
Cependant, mon épée n’avait pas été brisée. Mes os n’avaient pas été écrasés.
« La manipulation du poids a disparu ! ? Kh… !! »
« Tu ne t’échapperas pas !! »
Zagann avait faibli pendant une fraction de seconde. Mais dans cette fraction de seconde, je pouvais me rapprocher de lui.
« HAAAHHHHH !!! »
« Nnngh !! »
Je vais mourir — c’était ce que pensait Zagann, en activant sa carte maîtresse.
C’était un autre moyen d’utiliser le Seiten Taisei — pour rendre l’arme de l’ennemi plus légère et réduire la force de ses attaques.
Peu importe le type d’attaque de l’ennemi, sans poids, sa puissance disparaîtrait également.
« Détruit !!! Siegfried !! »
« Ghah… !? Ce n’est pas possible… !! »
Mon coup avait atteint Zagann.
Mon épée avait annulé les effets magiques de Seiten Taisei, déchiré son armure lourde, marquant profondément son corps robuste.
« C’est la fin ! !! Bjorc Zagann !! »
« Kh… pas si vite… !! »
J’avais immédiatement suivi avec une autre frappe, pour l’achever.
Zagann, cependant, fit un bond en arrière avec une incroyable agilité.
Il s’était éloigné de moi avec une vitesse et un élan défiant la gravité, échappant à la portée de toutes les attaques de suivi que je pouvais faire.
« Kh… hah… cette épée… est aussi un outil magique… !? »
« Oui, c’est ce qu’il semblerait. En fait, je viens juste de le découvrir ! »
L’épée qui m’avait été offerte par ma mère avait apparemment le pouvoir d’annuler les capacités des autres outils magiques — le pouvoir d’annuler la magie.
Je n’en connaissais pas la raison, mais maintenant je savais parfaitement comment utiliser l’épée, ainsi que son nom, Siegfried.
« Je vois, donc l’outil magique vous a appris à… ! J’ai encore plus de raisons de ne pas vous laisser partir… ! Je vais vous tuer ici et maintenant, même au prix de ma vie ! !! »
« Franchement ! C’est un honneur d’entendre ça de la part du héros de l’empire ! »
La blessure que j’avais infligée à Zagann n’était pas superficielle. Le sang coulait continuellement de l’entaille ouverte dans son armure.
De mon côté, j’étais encore indemne, mais je transpirais abondamment, j’étais pratiquement en train de m’effondrer en raison de l’épuisement.
Nos conditions étaient approximativement les mêmes : personne ne pouvait dire qui allait gagner.
« Dommage pour toi, quand même. »
« Quoi ? »
« Malheureusement, c’est la guerre. Ne va pas dire que je triche, d’accord ? »
« Protégez le jeune maître ! !! Tirez ! ! »
« Qu… ! ? »
Les flèches pleuvaient sur Zagann depuis le ciel.
Salm était revenu on ne sait quand et avait rassemblé les soldats Maxwell éparpillés. Ils avaient exécuté des tirs de couverture au bon moment.
« Gwooooohhhh !!! »
Zagann fit tourner sa hallebarde pour faire tomber les flèches, mais n’avait pas pu empêcher qu’elles transpercent toutes son corps.
J’avais profité de cette ouverture pour me rapprocher à nouveau.
« HAAAHHHHHH !!! »
« WOOOOHHHHH !!! »
Zagann remarqua mon attaque et la bloqua avec sa hallebarde. Nos bras s’étaient verrouillés alors que nos armes s’affrontaient.
« Ladd !! »
« Prends ça !!! »
« GWAAAHHHHH !!! »
Ladd sauta sur le côté et balança sa large épée, visant les bras de Zagann.
Les bras épais du général impérial furent tous deux sectionnés et tombèrent sur le sol, ainsi que la hallebarde.
Les jambes de Zagann avaient également perdu leur force. Il s’était effondré comme s’il était à genoux.
J’avais balancé mon épée pour lui donner le coup de grâce, mais…
« … votre nom. »
« Eh ? »
« Je ne vous ai pas demandé votre nom… jeune homme. »
« C’est vrai. »
J’avais hoché la tête et fis un dernier geste de pitié envers le vieux général mourant.
« Dyngir Maxwell, fils prodigue de la maison Maxwell. Tu étais vraiment plus fort que moi. Du fond de mon cœur, je suis fier que mon premier adversaire de bataille ait été le héros Bjorc Zagann. »
« Je vois… je dois vous remercier pour cette ultime bataille… jeune dragon de la maison Maxwell. »
« Tout le plaisir est pour moi… Adieu. »
J’avais brandi mon épée.
La tête de Zagann s’était détachée de son corps, et une gerbe de sang éclata au sommet de la montagne.
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Interlude 10 : Pendant ce temps, sur le champ de bataille
Sur le champ de bataille principal, les deux armées se tenaient à l’écart, s’observant mutuellement.
D’un côté, les attaquants : la première division de l’armée de l’empire Baal, qui tentait d’envahir le royaume de Lamperouge comme une étape vers l’objectif de l’Empire de conquérir l’ensemble du continent.
De l’autre côté, les défenseurs : les forces de la province de l’Est, dirigées par le maréchal Maxwell, rassemblées pour protéger les frontières du royaume.
Dans le camp des forces Maxwell, le margrave Dietrich Maxwell était terriblement agité.
« C’est bizarre. Que diable préparent-ils ? »
Une demi-journée s’était déjà écoulée depuis le début de la bataille. Aucune des deux armées, cependant, n’avait encore subi de pertes significatives.
La raison en était que les envahisseurs, les forces impériales, restaient sur la défensive.
Comme les forces de la province de l’Est étaient moins nombreuses, elles ne pouvaient pas attaquer de leur côté : les deux armées s’étaient donc retrouvées dans l’impasse.
« Essayent-ils de nous attirer dans un piège ? Non, c’est le territoire de Maxwell après tout, et il n’y avait aucun signe qu’ils construisaient des pièges. Qu’est-ce qu’ils attendent, alors… ? »
Quelque chose de terrible était en train de se produire à son insu. Un pressentiment aussi sinistre rendit l’expression de Dietrich amère.
« Efreeta, envoie quelqu’un explorer les environs. J’ai un mauvais pressentiment. »
« Immédiatement, mon Seigneur. »
Le Vicomte Efreeta acquiesça et quitta le camp, accompagné de quelques-uns de ses hommes.
Dietrich regarda ses serviteurs s’en aller, puis jeta un coup d’œil sur le camp ennemi à l’immobilité inquiétante.
« Chiens de l’Empire… Je ne sais pas ce que vous complotez, mais vous n’aurez pas ce que vous voulez ! »
« Monseigneur ! Je suis porteur de nouvelles choquantes ! »
« Que s’est-il passé !? »
Le Vicomte Efreeta, qui était censé aller explorer les environs, était déjà revenu.
Son expression était clairement secouée : Dietrich réalisa que son intuition avait été correcte.
« Les troupes de l’Empire ont bougé, non !? »
« Euh, non, en fait… »
Les prochains mots du Vicomte Efreeta, cependant, étaient complètement inattendus.
« Il semble que le jeune maître… le Seigneur Dyngir… »
« Quoiii !? »
Le corps de Dietrich s’était arqué en arrière par surprise à la mention inattendue du nom de son fils.
De l’autre côté du champ de bataille, les forces impériales étaient également agitées.
Dans la tente du quartier général du camp impérial, le premier prince impérial, Lars Baal, criait sa colère.
« Que s’est-il passé ? Quand Zagann arrive-t-il ? »
Le prince d’à peine 20 ans, assis sur sa chaise, jeta la coupe qu’il tenait au sol, la brisant.
Le vin contenu dans le verre se répandit sur ses subordonnés, mais il continua à crier malgré tout.
« C’est pourquoi j’étais contre le plan ! !! Si nous avions attaqué de front, sans coups bas… ! Nous n’aurions pas à affronter Maxwell sans notre plus fort général, comme maintenant ! »
« … Mes plus profondes excuses. »
Le côté gauche des Ailes Jumelles, Eis Halphas, baissa la tête sans s’excuser.
Qu’est-ce qui t’est arrivé, général Bjorc… ? S’il te plaît, soit sain et sauf…)
Halphas se sentait aussi agité à sa manière.
Son frère d’armes n’était pas apparu, bien que l’heure prévue soit passée. Son comportement habituel, calme et posé, montrait maintenant des signes d’inquiétude.
Le prince Lars se leva, débordant d’indignation, ses cheveux d’or ondulant dans l’air.
« Notre seul plan d’action possible maintenant est d’anéantir Maxwell nous-mêmes ! !! À toutes les troupes, préparez-vous à charger !! »
« S’il vous plaît, attendez, Votre Altesse ! C’est trop dangereux ! ! »
Hasphal s’était empressé d’essayer d’arrêter le prince.
Les forces impériales étaient plus nombreuses, mais chacun des soldats de Maxwell était de bien meilleure qualité. Les affronter de front était un pari risqué.
« Silence ! !! Qui a provoqué cette situation en premier lieu !? »
« Uugh ! »
Halphas insista davantage, mais Lars le frappa avec son poing. Le splendide tacticien fut projeté contre la tente, déchirant le tissu en tombant au sol.
« À quoi bon rester là comme ça !? Maxwell pourrait venir attaquer à tout moment ! ! L’avantage va évidemment à celui qui bouge en premier !! »
« M-mais Votre Altesse… s’il vous plaît, laissez-nous attendre un peu plus de temps pour que le général Bjorc… »
« Assez !! »
Le Prince Lars ignora les paroles de son fidèle vassal et sortit de la tente en piétinant.
Un soldat impérial, cependant, s’était approché du jeune prince.
« Votre Altesse ! Des soldats appartenant apparemment aux forces du margrave se dirigent par ici ! »
« Kh, ils ont donc bougé après tout ! Combien sont-ils ? »
« I-Ils sont… »
Le soldat hésita d’abord, puis répondit clairement à la question de son seigneur.
« Ils sont… seulement trois. »
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Interlude 11 : Le dragon s’élève vers les cieux
« C’est donc le champ de bataille. Quelle vue majestueuse ! »
L’armée impériale à droite, les forces de la province orientale à gauche.
Nos chevaux avançaient fièrement exactement au milieu des deux forces immobiles.
Je portais une lance enveloppée dans un tissu. Ma nouvelle lame de confiance, [Siegfried], était en sécurité dans le fourreau à ma taille.
« Hahaha, c’est génial ! !! Les deux armées sont énormes ! !! »
« Quelques milliers de soldats, simplement debout là… Cela suffit à en faire un spectacle intimidant. Ouf… Sa Seigneurie va encore nous gronder… »
J’étais accompagné de Ladd et de Salm à ma droite et à ma gauche. Ils étaient à moitié excités, à moitié secoués par les grandes armées qui nous entouraient, mais me suivaient néanmoins.
« Commençons, alors. Pour la victoire de l’armée du maréchal ! »
Lorsque nous étions arrivés au centre exact du champ de bataille, j’avais proclamé haut et fort aux armées à ma droite et à ma gauche.
« Écoutez, écoutez !! Ô fiers soldats de la province de l’Est, ô humbles barbares de l’armée impériale ! »
Toujours monté sur mon cheval, j’enfonçai la lance que je portais dans le sol.
Les deux armées, incapables de décider comment réagir à notre soudaine apparition, se contentèrent d’écouter.
« Le plan méprisable de l’empire, qui consistait à envoyer des troupes à travers les montagnes pour prendre en embuscade par l’arrière les forces de la province orientale, a été écrasé ! Le héros de l’empire, Bjorc Zagann, est tombé devant ma lame !! »
Les deux armées s’étaient mises à bourdonner bruyamment. Les forces impériales, surtout, exprimaient leur colère et leur doute face à la supposée défaite de leur héros de guerre.
« Je ne dis que la vérité ! !! Et cette lance en est la preuve ! »
J’avais enlevé le tissu qui enveloppait la lance et je l’avais tenu bien haut. C’était [Seiten Taisei], la hallebarde que Zagann maniait.
Ce que le tissu cachait, cependant, n’était pas la lance elle-même, mais plutôt ce qui était enfoncé sur sa pointe : dès qu’elles virent « ça », les forces impériales commencèrent à gémir.
« G-général !! »
« Général Zagann ! ? Ça ne peut pas être… !! »
« Ça ne peut pas être… !! La tête du Général Zagann.… ? »
En effet, la tête posée sur la pointe appartenait bien à Bjorc Zagann, le héros de l’empire.
Les forces impériales gémirent et hurlèrent de désespoir à la vue de ce qu’il était advenu de leur héros.
« Ooh, c’est vrai !! »
« Il a vaincu Bjorc Zagann lors de sa première bataille… !! »
« Vive Lord Dyngir !!! Vive Maxwell !! »
De l’autre côté, les forces de la province de l’Est acclamaient en triomphe.
J’avais levé la tête de Zagann vers mes forces alliées.
« Ô fiers guerriers de la province de l’Est ! Il est temps d’anéantir les vils envahisseurs !! Il est temps de faire respecter notre justice !! »
« WOOOOHHHHHH !!!! »
Les cris de guerre des forces de la province de l’Est retentirent sur le champ de bataille. Les soldats commencèrent à se précipiter hors du camp, chargeant vers l’armée impériale.
« C’est… fini… »
De l’autre côté, dans le camp impérial, de nombreux soldats rampaient sur le sol, désespérés.
Certains pleuraient la disparition de leur héros : ils n’étaient certainement pas en état de faire face à l’assaut de la province orientale.
« Gghh… qu’est-ce que vous faites !!! Préparez-vous à répondre à l’attaque de Maxwell !!! »
Lars aboyait bruyamment des ordres, mais personne ne voulait lui obéir. La plupart des troupes impériales étaient soit paralysées par le désespoir, soit déjà en train de fuir. Probablement moins d’un dixième des forces impériales conservaient une quelconque combativité.
« Pas bon… ce n’est pas bon du tout. Nous ne serons pas en mesure de les arrêter. »
Eis Halphas, tout en déplorant la mort de son camarade, réalisa que la bataille était perdue. Ainsi que de ce qu’il était censé faire ensuite.
« Soldats ! Prenez Son Altesse et battez en retraite immédiatement ! Ceux qui peuvent encore se battre, suivez-moi !! Nous protégerons son Altesse avec nos vies !! »
« Halphas ! !! Vous… !! »
« Votre Altesse. La raison de notre défaite réside entièrement dans le plan que j’ai conçu. Permettez-moi d’en prendre la responsabilité. »
« A -Attendez ! !! Lâchez-moi !! »
« Pardonnez-nous, Votre Altesse !! »
Plusieurs soldats impériaux traînèrent Lars à l’écart.
Lars tendit son bras droit vers Halphas, un regard désespéré sur son visage.
« Je ne te pardonnerai jamais, Halphas !!! Espèce d’idiot !!! »
Halphas regarda son Seigneur alors qu’il était emporté par les troupes et prit sa résolution : ce champ de bataille allait être son dernier.
« Je viendrai à vos côtés, général Bjorc… laissez-nous partir ! Ne laissez pas passer un seul d’entre eux !! »
Halphas rassembla les soldats restants et fit face à l’attaque des forces de la province orientale.
~
Dans cette bataille, la première division de l’armée impériale perdit les deux célèbres généraux connus sous le nom de « Ailes jumelles ». Dans le même temps, plus de la moitié des soldats qui envahirent le royaume de Lamperouge furent tués ou faits prisonniers.
En conséquence, le prince Lars perdit une grande partie de son pouvoir et de son influence et se retrouva derrière les autres princes dans le conflit de succession.
« Hé, vieil homme. Viens, tu peux me faire des éloges. »
« … »
Après avoir regardé la chute des forces impériales, j’étais retourné au camp des forces de la province orientale, où se trouvait mon père.
Les soldats que je croisais chantaient tous mes louanges, alors j’étais plutôt excité.
« Bien… bien joué, Dyn. »
« Oui, oui, continue ! »
« Bien… Je suppose que je peux te tapoter la tête pour la première fois depuis longtemps ! »
« Gwah !? »
Mon crâne fut alors frappé par un poing furieux.
Il était bien plus puissant que le coup que j’avais reçu plusieurs jours auparavant : j’avais été aplati sur le sol.
« ESPÈCE DE FOOOOOOOOU !!!! »
Des cris de rage résonnèrent dans tout le camp du Maréchal Maxwell.
Les remontrances qui suivirent durèrent plus de cinq heures, établissant le record de la plus longue conférence que j’avais reçue dans ma vie.
*****
La première bataille de Dyngir Maxwell se termina ainsi, faisant entendre son nom loin dans le royaume et l’empire.
Celui que l’on appellera plus tard le « Prodige Maxwell », le petit dragon, commença à s’élever vers les cieux.
Tout cela s’était passé cinq ans avant la série d’incidents déclenchés par la rupture des fiançailles de Dyngir Maxwell.
Cinq ans avant le début d’une guerre totale entre le Royaume et l’Empire.
+++
Histoire bonus : Un lever mouvementé
Dans le manoir du margrave Maxwell, situé au cœur de la province de l’Est du Royaume de Lamperouge, Dyngir Maxwell, successeur de la maison Maxwell, se levait souvent tard.
Chaque nuit, il emmenait une ou plusieurs des servantes travaillant au manoir dans son lit et jouait avec elles jusqu’à tard dans la nuit, si bien qu’il se levait toujours après midi.
Cependant — les choses étaient différentes ce matin-là.
Le soleil commençait à peine à poindre à l’horizon lorsqu’une servante s’était rendue dans la chambre de Dyngir pour le réveiller.
« Excusez mon intrusion. Jeune maître, le jour est levé. »
La servante qui était entrée dans la chambre se nommait Eliza.
Elle possédait un physique devenant plus mature chaque année et des courbes accentuées par sa tenue de soubrette. Celle-ci se dirigea vers le lit de son maître.
« Ne devez-vous pas partir travailler ? Vous devez vous lever rapidement ou vous serez en retard. », lui dit Eliza tout en secouant Dyngir, recouvert de couvertures sur sa tête.
« Nh… nh… »
Dyngir, cependant, enroula son corps en boule et résista.
« Franchement… cette partie de vous n’a toujours pas changé depuis votre enfance. »
Eliza posa une main sur sa cuisse et poussa un profond soupir.
Elle avait servi Dyngir depuis plus de dix ans maintenant.
Pourtant, à ses yeux, son corps avait grandi, mais il n’avait pas beaucoup changé à l’intérieur. Elle le considérait toujours comme un petit frère gênant.
« Un peu plus… laisse-moi dormir… juste 10 minutes de plus… »
Une voix étouffée pouvait être entendue de sous les couvertures.
« Ça ne marchera pas ! Vous allez être en retard ! »
Les préparatifs du départ pouvaient prendre beaucoup de temps. Si elle le laissait s’endormir à nouveau, il aurait été inutile de lui avoir interdit les « jeux » nocturnes et de l’avoir envoyé se coucher tôt la veille.
Eliza fronça les sourcils, puis se remit à secouer les couvertures.
« Réveillez-vous, jeune maître ! Vous n’êtes plus un enfant, vous ne pouvez pas faire la grasse matinée comme ça ! »
« Uuuh..... !! »
« Si l’héritier du Maréchal est en retard, toute la maison aura honte ! Allez, réveillez-vous maintenant ! »
Eliza parlait à son maître comme si elle grondait un enfant indiscipliné, tout en continuant à frapper les couvertures.
Lorsqu’elle décida d’enlever les couvertures, quelque chose d’inattendu se produisit.
« Eh… ? »
Les couvertures enroulées autour de Dyngir s’étaient soudainement répandues dans l’air, engloutissant Eliza comme les mâchoires d’un serpent attrapant sa proie.
« Aaaaahhh !! Je-Jeune maître !? », cria Eliza, prise par surprise et attirée dans le lit.
Dyngir enlaça la pauvre servante par-derrière et enfouit sa tête dans son cou fin.
« Hmm… ce coussin est vraiment confortable. »
« Jeune maître, s’il vous plaît, réveillez-vous ! Pas de farces, ou je vais avoir un… nh ! »
« Si chaud… c’est le paradis… »
L’une des mains du maître s’enfonça profondément dans la poitrine généreuse de la jeune fille, commençant une exploration plutôt obscène.
« Haah… nh… jeune maître… ! Anh… »
De doux gémissements s’étaient échappés des lèvres d’Eliza.
Dyngir était encore à moitié endormi, mais ses mains pouvaient néanmoins bouger de manière terriblement habile.
Le maître maintenait la jeune fille en difficulté et commençait à profiter pleinement des plaisirs charnels qu’elle offrait.
« Aah… !! »
Un cri aigu résonna dans tout le manoir au petit matin.
Environ une heure plus tard, Dyngir se leva mollement du lit.
« … Quoi ? Comment cela est-il arrivé ? »
Il fronça les sourcils et jeta un regard honnêtement perplexe à Eliza, échevelé et respirant lourdement à côté de lui.
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