Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 3
Table des matières
- Prologue : Sur une Terrasse éclairée par la Lune
- Chapitre 1 : Projet Lorelei : Partie 1
- Chapitre 1 : Projet Lorelei : Partie 2
- Chapitre 1 : Projet Lorelei : Partie 3
- Chapitre 1 : Projet Lorelei : Partie 4
- Chapitre 1 : Projet Lorelei : Partie 5
- Entracte 1 : Le Seigneur Ishizuka
- Chapitre 2 : Réunion à un Coin de Rue de Van : Partie 1
- Chapitre 2 : Réunion à un Coin de Rue de Van : Partie 2
- Chapitre 2 : Réunion à un Coin de Rue de Van : Partie 3
- Chapitre 2 : Réunion à un Coin de Rue de Van : Partie 4
- Chapitre 3 : Négociations : Partie 1
- Chapitre 3 : Négociations : Partie 2
- Chapitre 4 : Le Pacte : Partie 1
- Chapitre 4 : Le Pacte : Partie 2
- Chapitre 4 : Le Pacte : Partie 3
- Chapitre 5 : Le Retrait
- Histoire Supplémentaire : L’Histoire d’un certain Groupe d’Aventuriers 3
- Chapitre 6 : Debout Devant la Cage au Lion
- Chapitre 7 : La Promesse
- Entracte 2 : Qu'est-ce que le premier ministre aux cheveux noirs faisait ?
- Chapitre 8 : Crime et Châtiment : Partie 1
- Chapitre 8 : Crime et Châtiment : Partie 2
- Chapitre 8 : Crime et Châtiment : Partie 3
- Épilogue : La Paix est Encore Lointaine
- Histoire courte en prime : Le pacte secret d’Aisha et Juna
- Histoire courte en prime : La joyeuse réunion de famille de Liscia
- Histoire courte en prime : Séance conjointe de Jeanne et Hakuya consacrée aux plaintes
- Histoire courte en prime : Dans le camp de réfugiés
- Histoire courte en prime : Entraînement des femmes de chambre
- Illustrations
☆☆☆
Prologue : Sur une Terrasse éclairée par la Lune
— La nuit, le 3e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — Dans la Capitale Royale de Parnam.
La lune brillait dans le ciel presque totalement clair.
Il s’agissait d’une nuit si calme qu’il était difficile de croire qu’il y avait seulement quelques jours, ce pays, le Royaume d’Elfrieden, avait mené une bataille majeure contre le pays voisin, la Principauté d’Amidonia.
En tant que vainqueur de la récente série d’engagements, il y avait eu une célébration très bruyante quand la Cité de Parnam avait appris la nouvelle de leur triomphe, mais maintenant que plusieurs jours s’étaient écoulés, l’ambiance s’était considérablement calmée.
Le jeune roi d’Elfrieden (encore provisoirement non couronné, il n’était donc que provisoirement roi), Souma Kazuya, avait déclaré que la guerre s’était terminée avec l’occupation de la capitale de la principauté, Van, et de sa région environnante. Maintenant, ils attendaient que les négociations commencent. La population attendait avec impatience de voir comment les négociations se dérouleraient.
Ce fut donc une nuit tranquille à Parnam.
Le Château de Parnam était sans maître parce que Souma et les autres étaient partis pour Van. L’ancien roi Albert et sa femme Elisha savouraient du thé au clair de lune sur la terrasse attenante à leur chambre.
« ... Ce soir, c’est bien plus calme, » dit Albert.
« Hehe. Oui, c’est exact, » dit sa femme.
Pendant qu’ils buvaient leur thé, ils affichaient des sourires détendus.
« Sans Liscia et notre beau-fils présent ici, on dirait que le feu de ce château s’est éteint, » dit Albert. « Même s’il n’y a pas si longtemps que ça, c’était normal que ce soit ainsi. »
« Les choses ont été si vives depuis que tu as cédé le trône à notre beau-fils, » acquiesça Elisha « Les ministres, les bureaucrates, les gardes du château et même les femmes de chambre travaillent tous très durement. »
Après qu’Elisha ait dit cela, Albert répondit. « Effectivement... » avec un signe de tête.
Il continua, « Bien que, de tous ceux qui ont travaillé si durement, celui qui l’a fait encore plus que les autres, n’est nul autre que notre beau-fils. Je n’avais jamais réalisé qu’il y avait tant de choses qu’un roi devrait faire, tant de choses qu’un roi pouvait accomplir... Cela n’est pas honorable de dire ça en tant que l’ancien roi de ce royaume, mais je crois que je n’avais pas eu tort d’abdiquer. »
Albert avait soudainement abdiqué en faveur de quelqu’un de plus digne d’estime tel que Souma. Au début, il y avait eu une certaine résistance face à ce changement soudain de Roi, mais les succès réguliers réalisés grâce à la politique de Souma avaient graduellement conquis les gens, tout comme ses fiançailles avec la fille d’Albert, la princesse Liscia, qui travaillait afin de le soutenir.
Il y avait quelques jours, Souma avait également vaincu son ennemi à l’intérieur du pays, les trois ducs, ainsi que son ennemi à l’étranger, la Principauté d’Amidonia. Il avait ainsi gagné la pleine reconnaissance du peuple en tant que roi.
« Tout le monde doit avoir été surpris par mon œil pour reconnaître le talent, » dit Albert avec un rire joyeux.
Maintenant qu’ils avaient accepté Souma, les gens commençaient à voir Albert, qui avait été un roi plutôt moyen, et cela pour le meilleur et pour le pire, sous un jour plus positif. « L’ancien roi n’a rien obtenu de remarquable par lui-même, mais à la fin, plutôt que de s’accrocher au pouvoir, il a pris la décision courageuse de remettre les rênes du pouvoir à quelqu’un de plus capable. » Était-ce qu’ils avaient commencé à dire.
Après avoir bien ri, Albert regarda sa tasse de thé. Son visage reflété dans son thé semblait légèrement fatigué et portait un sourire solitaire qui d’une certaine manière, semblait sombre.
« Penses-tu... que nous avons réussi à faire changer les choses ? » demanda Albert.
En réponse à ses paroles d’incertitude, Elisha baissa les yeux. « Ça devrait aller. Contrairement à “la dernière fois”, cette fois “cette fille” est avec lui depuis le début. » Elisha parla avec un ton apaisant. « Si ces deux sont ensemble, je pense qu’ils peuvent nous conduire à un résultat différent de “la dernière fois”. D’ailleurs, ces deux-là ne sont désormais pas seuls. Les choses sont encore plus vives maintenant qu’elles ne l’étaient “la dernière fois”. »
« Ho ho ho... » Albert s’était mis à rire. « Je suppose qu’ils sont bien ainsi. Car après tout, nous avons maintenant une autre fille. »
Albert souriait largement, se souvenant de la louve mystique qu’ils avaient adoptée. Le sourire s’était avéré contagieux, car bientôt, Elisha s’était elle aussi mise à sourire.
« Elle est juste une mignonne petite chose, » dit Elisha. « Avec ses petites oreilles et sa queue toute duveteuse. »
« Au moment où Liscia avait atteint cet âge, elle était déjà un garçon manqué, » déclara Albert. « Elle est mignonne à sa manière, mais avoir une fille douce est aussi très bien. »
« C’est tout à fait exact, » répondit Elisha. « La façon dont elle m’appelle avec beaucoup hésitation “Maman” est tout simplement adorable. Oh, j’espère que Tomoe rentrera bientôt. »
Ayant été reconnue pour son don unique, en dépit d’être une réfugiée, la louve mystique Tomoe avait été adoptée par Albert et Elisha afin de la protéger. Tous les deux la couvraient désormais de leur amour comme si elle était leur véritable fille.
« Je vais devoir dire à notre beau-fils de s’assurer qu’aucun homme étrange ne se cache à côté d’elle, » déclara avec fermeté Albert.
« Il n’est pas rare que des familles royales et nobles adoptent des enfants afin de faire des mariages politiques, mais je ne voudrais pas que cela arrive à notre Tomoe, » confirma Elisha.
« C’est certain, » déclara Albert.
... Si Liscia avait été là pour entendre ça, elle aurait certainement crié d’indignation, « Ceci ne vous a pas semblé important quand vous avez accepté de me marier sans mon consentement ! »
Au cours du restant de la nuit, ils eurent tous les deux une conversation animée au sujet de l’adorable Tomoe.
***
« “Atchoo!!” »
Pendant ce temps, dans le château de Van, Liscia et Tomoe avaient éternué exactement au même instant.
Les deux filles se tournèrent pour se regarder, inclinant légèrement la tête sur le côté alors qu’elles se posaient des questions.
Pensez-vous que quelqu’un parle de nous ? toutes deux se demandèrent ça.
☆☆☆
Chapitre 1 : Projet Lorelei
Partie 1
— 5e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — Capitale Princière, Van
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis l’ouverture des hostilités avec la Principauté d’Amidonia.
Dans la salle de guerre du château de Van actuellement occupé, cinq personnes s’étaient réunies. Il s’agissait de Liscia, du capitaine de la Garde Royale Ludwin, du Général temporaire de l’Armée de Terre Glaive, du Premier ministre Hakuya, qui était revenu après avoir terminé son travail dans la Cité du Dragon Rouge, et de moi. Nous étions debout autour d’une table avec une grande carte de la zone étalée sur le dessus.
Quand vous regardiez sur la carte, vous pouviez voir que nous n’avions occupé que la capitale, Van, et une petite zone autour d’elle, déplaçant la frontière seulement sur une petite zone vers le nord-ouest. Tout ce qui était au-delà était encore le territoire Amidonien.
J’avais alors demandé à Ludwin, « Y a-t-il un signe de contre-attaque du côté amidonien ? »
« Non, ils ne font aucun mouvement visible, » Ludwin avait disposé plusieurs petits pions entourant Van afin de représenter les villes de la principauté. Il indiquait comment les forces de la principauté étaient actuellement déployées. « Comme vous pouvez le voir, ils se sont concentrés entièrement sur le durcissement de leurs défenses dans les villes autour de Van. Très probablement qu’ils sont sérieusement épuisés en raison de la bataille de l’autre jour. Ils ont renoncé à reprendre eux-mêmes la ville, et... »
« Ils attendent l’arrivée de l’Armée Impériale, n’est-ce pas ? » J’avais complété sa phrase.
L’Empire Gran Chaos. Il s’agissait du plus grand royaume de ce continent, à l’exception du Domaine du Seigneur-Démon. Nous nous attendions à ce qu’ils interviennent dans le conflit en tant que médiateur, en raison de la demande d’Amidonia.
J’avais alors demandé à Hakuya, « En tant que référence, quelle est la différence de force entre notre royaume et l’Empire ? »
« L’Empire nous est supérieur en termes de pouvoir national, de population, de troupes, de technologie et de richesse, » répondit-il. « Si vous demandiez seulement vis-vis du nombre de troupes, nous sommes en infériorité numérique à cinq contre un. Si vous prenez en compte l’équipement et d’autres choses qui ont un effet sur notre potentiel de guerre, leur avantage est encore doublé. »
« Plus de dix fois plus de puissance que nous, Hmm. En ce moment, nous ne leur correspondons pas, » dis-je.
Si nous voulions faire face à l’Empire à égalité, nous devions être plus forts. Nous avions pu nous débrouiller avec les choses que nous avions déjà faites jusqu’à maintenant, mais à partir de maintenant, nous devions créer de nouvelles choses.
« C’est regrettable, » déclara Glaive. Sa voix était pleine de regret et ses épaules se baissèrent alors qu’il disait ça. « Dans la situation actuelle, nous aurions pu saisir le reste d’Amidonia. »
Cependant, je me sentais différemment vis-à-vis de ça.
« Oui ? Mais nous ne le voulons pas vraiment, » dis-je cela alors que j’étais assis sur une chaise, posant mes coudes sur la table et mes joues sur les paumes de mes mains. « Leurs ressources minérales sont attrayantes, mais le pays est bien trop pauvre. Nous venons de nous sortir d’une crise alimentaire. Bien que cette ville et sa périphérie soient une chose, nous ne pouvons pas nous permettre de nourrir toute la Principauté d’Amidonia. Et si nous ne saisissions que les mines rentables, nous les inciterions à nous détester encore plus. »
« Quand vous le présentez ainsi, » déclara Glaive. « Il n’y a vraiment pas de raison de le faire. »
« Comprenez-vous maintenant ? » demandai-je.
Eh bien, tout serait pareil une fois que l’Empire apparaîtrait. Peu importe à quel point nous avions travaillé et peu importe la quantité de terres que nous aurions pu saisir, quand, l’Empire sera arrivé, nous serions obligées de tout rendre à Amidonia. Et ceci s’appliquait aussi à Van.
« De plus, les Amidoniens sont un peuple qui a la vengeance dans leur cœur, » dis-je. « On dirait qu’ils ont été endoctrinés pendant des générations. Si nous essayons de maintenir l’occupation, je doute que nous puissions établir un règne stable ici. »
« Vous avez sans doute raison, » déclara Liscia. « Avec Van, tout va bien pour l’instant parce que nous avons une force importante de présente ici, mais si vous essayez d’installer un magistrat, je doute que les gens lui obéissent. »
J’avais hoché la tête afin de montrer que j’étais d’accord avec elle. « Tout à fait. Voilà pourquoi je veux apprivoiser leur ressentiment. »
« Vous voulez l’apprivoiser ? » demanda Liscia.
« Tout à fait, » dis-je. « J’ai déjà appelé la personne parfaite pour le travail. »
À ce moment-là, on frappa à la porte de la salle de guerre. Après que j’eus dit. « Veuillez entrer, » la porte s’ouvrit et une beauté aux cheveux bleus entra après avoir effectué un salut protocolaire et un « Pardonnez-moi pour mon intrusion ! »
« Je suis Juna Doma, servant sous les ordres de l’amiral de la marine Excel, » rajouta-t-elle après ça. « Je suis venue ici selon vos ordres. » Puis elle s’était placée devant moi et m’avait salué non pas avec un salut, mais avec une élégante révérence.
Aujourd’hui, elle n’était pas dans la tenue habituelle qu’elle portait en tant que chanteuse du café chantant, la Lorelei, mais dans l’uniforme blanc et digne de la Marine.
« Merci d’être venu, » dis-je. « Je vois que vous êtes aussi magnifique en uniforme. »
« Je suis profondément gênée de vous laisser me voir habillé comme ça, Votre Majesté, » répondit Juna.
« Vous ne devriez pas l'être, » dis-je. « Je pense que vous avez l’air éblouissante ainsi qu’une très belle silhouette comme ça... »
« ... Soumaaaaaa ? » Liscia s’était effondrée, essayant de nous empêcher de plaisanter. « Nous sommes actuellement en réunion. Alors, pourriez-vous mettre de côté le flirt pour plus tard ? »
Liscia avait un sourire sur son visage, mais les mots avaient une intensité étrange derrière eux. Elle commençait à dégager une atmosphère extraordinairement troublante, alors j’avais décidé qu’il était temps de faire avancer la discussion. Je veux dire que ce n’était pas comme si j’avais appelé Juna afin qu’elle voyage tout le long de la frontière sud juste pour que je puisse plaisanter avec elle.
La Juna mature regarda Liscia et moi avec un sourire. Quoi qu’il en soit, il fallait passer au point suivant.
« Hmmm, » je m’étais alors éclairci la gorge. « Il y a une raison pour laquelle j’ai fait venir Juna ici. Et la raison est... »
« Parce vous aimez le fait qu’elle soit agréable à regarder ? » Liscia acheva ma phrase.
« ... Franchement, ne soyez pas ainsi, » dis-je. « Vous savez que ce n’est pas la raison. »
« Hmph, » Liscia tourna la tête d’un air penaud.
Je pensais que c’était mignon quand elle faisait des choses féminines comme ça. Mais, comme venait de le dire Liscia elle-même, nous étions en réunion. Au moment où je regardai autour de moi, tout le monde dans la pièce à part Juna affichait un sourire forcé. J’avais alors décidé d’essayer d’apaiser Liscia plus tard, mais pour l’instant, j’avais besoin de faire bouger les choses.
« Hmm... Revenons sur la bonne voie, » dis-je. « Il y a une raison pour laquelle j’ai appelé Juna ici. C’est pour mettre en place un plan que j’ai peaufiné depuis un certain temps déjà. »
« Un plan ? » Demanda Liscia, inclinant la tête sur le côté.
Je lui avais alors répondu, débordant de confiance, « Tout à fait. Je l’ai appelé le Projet Lorelei. »
Au moment où nous étions passés de la salle de guerre à la salle d’audience, il y avait déjà trois filles qui attendaient là, prosternées devant le trône.
Les filles étaient chacune de races, d’apparences et d’âges différents. L’une était une Elfe Claire avec des cheveux bruns foncés. La deuxième avait l’air d’une adorable élève du primaire. La dernière était une mince fille-bête avec des oreilles de chat. Toutes les trois pouvaient facilement être appelées des beautés.
Après que je me sois assis sur le trône, Juna m’avait alors salué avec sa main sur sa poitrine. « J’ai fait venir ces personnes comme vous m’aviez demandé de le faire, Votre Majesté. »
« Il n’y a pas besoin de rendre cela si formel, » dis-je. « Alors, vous toutes, soyez à l’aise. »
Après que je leur ai dit cela, les trois femmes s’étaient alors levées avant de déclarer à l’unisson. « « « C’est un plaisir de vous rencontrer. » » ».
Super, elles sont pleines d’énergie et elles sont synchronisées, je me suis dit. Alors que je fis un signe de tête satisfait, Liscia se plaça à mes côtés, me regardant avec un autre « adorable sourire » sur son visage.
« Hé, Souma ? » demanda-t-elle.
« Qu-Quoi ? » répondis-je.
« J’espère que vous n’êtes pas devenu si imbu de vous-même depuis que vous avez capturé Van que vous prévoyez de garder ces filles à vos côtés afin qu’elles prennent soin de vous. Avez-vous fait ça ? » demanda-t-elle.
Ah, oui, son visage sourit, mais elle ne sourit certainement pas dans son cœur, pensai-je.
« Vous avez tout faux ! » dis-je rapidement. « J’ai appelé ces filles ici parce qu’elles sont une partie vitale de mon plan ! »
« Hmm... » Liscia semblait douter de mes paroles.
« C’est la vérité, d’accord ? » dis-je. « Mais attendez une minute. Ne m’aviez vous pas dit que vous me laisseriez prendre jusqu’à huit femmes à mes cotées ? »
« Eh bien, oui, je l'ai dit, » répondit Liscia. « Cependant, bien que je puisse le tolérer avec quelqu’un que je connais, comme Aisha, ou si vous êtes obligé de le faire pour des raisons diplomatiques, je ne serai pas heureuse si vous abusez de votre pouvoir afin de rassembler de jolis minois autour de vous. »
« Je vous ai déjà dit ça, d’accord ? » Ai-je déclaré d’un air penaud. « Est-ce que vous ne vous souvenez pas lorsqu’auparavant j’avais rassemblé du personnel autour de moi ? »
Au cours de mon grand événement de recrutement, Aisha et les quatre autres avaient été embauchés avec beaucoup de fanfares, mais j’avais embauché beaucoup plus de personnes sans le crier sur tous les toits, ou les avait ajoutées à une liste de personnes utiles que j’avais mises en place pour le pays.
Par exemple, ceux qui avaient du talent en arithmétique avaient été embauchés en tant que bureaucrates, alors qu’un homme tortue (âge estimé : huit cents ans) qui avait dit : « Je lis des livres depuis des centaines d’années. Alors, je ne vais pas perdre devant un jeune blanc-bec quand il s’agit de mes connaissances acquises dans les livres. » Et que je l’avais nommé en tant que bibliothécaire en chef dans la nouvelle ville en construction.
De plus, quand ceux qui avaient le même don avaient concouru, j’avais quand même embauché ceux qui avaient perdu si je pouvais être sûr de leur talent.
Aisha avait été la gagnante du Tournoi pour le Meilleur du Royaume en Arts Martiaux, mais ceux qui avaient perdu contre Aisha avaient dans tous les cas été invités à rejoindre les rangs des forces armées qui faisaient directement partie de l’Armée Interdite si leurs compétences étaient à la hauteur.
Cependant, mes forces armées qui étaient directement contrôlées par moi avaient été considérées à l’époque comme étant une troupe purement décorative, et donc peu de personnes avaient accepté mon offre.
Maintenant, en ce qui concerne ces filles rassemblées ici, elles avaient peut-être perdu face à Juna dans le Tournoi pour le plus Talentueux du Royaume, où les compétiteurs avaient concouru sur des talents tels que le chant.
Et elles pourraient avoir perdu face à elle dans le Grand Prix de la plus Jolie Fille d’Elfrieden, où les concurrentes avaient concouru vis-à-vis de la beauté.
Mais elles avaient quand même démontré leurs beautés et capacités à chanter lors de ces deux tournois.
« Après le recrutement, Juna a recruté ces filles pour moi, » expliquai-je. « Allez, je vous avais déjà parlé de comment je voulais que deviennent les programmes de divertissement pour le Joyau de Diffusions de la Voix, n’est-ce pas ? »
« Oh, c’est exact... Maintenant que vous mentionnez ça, » Liscia avait dit ça comme si elle venait soudainement de s’en souvenir.
J’avais alors continué, soulagé qu’elle eût maintenant adouci un peu son attitude. « À l’heure actuelle, en ce qui concerne le programme de divertissement, j’avais pensé que nous allions commencer avec une émission de chant. Car après tout, il n’y a personne qui n’aime pas entendre une belle voix. Ces filles étaient les principales candidates pour devenir les chanteuses de cette première série d’émissions. Depuis le jour où nous les avons repérées jusqu’à aujourd’hui, elles s’entraînaient sans relâche afin d’améliorer leurs chants et leurs danses dans la Lorelei, le café où chante Juna. »
Bien que, en vérité, l’ordre des choses avait été un peu mélangé.
Honnêtement, je voulais commencer par un programme comme Nodo Jiman, un concours de chant amateur, afin d’habituer les personnes à l’idée d’une émission de chants, puis après ça. Je voulais faire débuter ces filles en tant qu’idole.
En passant, quand j’utilise le mot « Idole » dans ce contexte, c’était dans le sens de « Une jolie femme qui chante bien. » Le genre que vous auriez pu voir il y a quelques décennies à l’époque Showa. Si j’essayais de présenter un groupe d’idoles dans le style moderne à un pays qui n’avait même pas le concept de base de l’idole, alors ils n’allaient certainement jamais comprendre.
Et si j’allais avec un seul individu en tant qu’idole, alors dans tout les cas, la population le reconnaîtrait probablement comme une extension du ménestrel itinérant, du chanteur au coin de la rue ou de la chanteuse dans un café ou un bar chantant. Et ce n’était pas du tout ce que je voulais.
« Je vois, donc c’est le projet Lorelei, n’est-ce pas ? » demanda Liscia. « Mais est-ce quelque chose que vous devriez vraiment faire maintenant ? N’y a-t-il pas des problèmes bien plus graves comme le fait que nous occupons actuellement Van ? »
Liscia semblait perplexe. Elle ne voyait probablement pas l’intérêt de lancer un programme de divertissement maintenant, juste après que nous venions de saisir la capitale d’Amidonia. Cependant, elle avait tort.
« C’est précisément le moment pour faire ça, » dis-je. « Maintenant, Juna, pourriez-vous faire les présentations ? »
« D’accord, Sire, » Juna avait dit ça tout en faisant une petite révérence, puis elle avait commencé à présenter les filles.
Elle débuta avec celle qui se tenait le plus à droite, la fille Elfe Claire qui avait ses cheveux attachés. Dans ce monde, les elfes à la peau claire comme elle étaient appelés des Elfes Claires, tandis que les elfes à la peau brune comme Aisha étaient appelés les Elfes Sombres. Dans le pays d’où je venais, les elfes étaient généralement imaginés comme des cheveux blonds, mais maintenant que j’y pensais, j’avais vu des elfes avec des cheveux comme les siens dans des films étrangers. Elle avait la peau pâle et des yeux orange. À en juger par son apparence, elle semblait peut-être être dans la mi-vingtaine. Elle se tenait avec une certaine dignité, comme une femme de carrière.
« Elle s’appelle Chris Tachyon, » déclara Juna. « Elle appartient au peuple des Elfes Clairs comme vous pouvez le voir. »
« Bonjour, Votre Majesté. Je suis Chris Tachyon, » déclara Chris.
Chris avait placé sa main devant son ventre, s’inclinant devant moi avec un angle de quarante-cinq degrés. Ce geste et l’ambiance de maturité qu’elle avait dégagée m’avaient fait penser à une hôtesse de l’air qu’on aurait pu trouver dans mon Ancien Monde.
Juna avait continué à expliquer les talents de Chris. « Elle est un ancien ménestrel et a une belle voix pour ce qui concerne le chant, mais sa récitation de poésies est particulièrement merveilleuse. Elle possède une voix agréable et est capable de lire sans à coups, donc ses poèmes sont aussi saisissants que si elle avait découpé un morceau du paysage. Selon mon avis personnel, plutôt que de faire ses débuts en tant que chanteuse, elle serait mieux adaptée pour un programme de diffusion d’informations comme celui que nous avons diffusé auparavant. »
« Je vois, » dis-je. « Vous la voulez donc en tant que présentatrice, et non pas en tant que chanteuse ? »
Il était vrai que, d’après ce que je pouvais entendre, elle semblait avoir une voix claire et parlait sans à coups. J’avais alors demandé à Hakuya de préparer un stylo et du papier, puis je lui avais fait écrire une courte déclaration avant de la remettre à Chris.
« Pourriez-vous essayer de lire cela pour moi ? » demandai-je.
« Ceci ? Laissez-moi voir... “Cette histoire est un travail de fiction. Les personnes, organisations, lieux et événements représentés n’ont aucun lien avec quoi que ce soit dans la réalité.” » Elle prononça ça sans le moindre à-coup, et d’une manière extrêmement fluide et claire.
« Oui, ça me semble vraiment bon, » dis-je. « Laissez-là travailler sur un programme d’informations comme l’a suggéré Juna. »
« Merci beaucoup, » Chris avait dit ça avec un sourire, s’inclinant une fois de plus.
Liscia m’avait alors demandé dans un murmure, « Quelle était cette déclaration que vous lui avez faire lire ? »
« Quelques mots magiques en provenance de mon Ancien Monde, » dis-je. « Si vous êtes capables de les lire, alors vous pouvez vous en sortir avec pratiquement tout. »
Après que je lui avais dit ça, Liscia pencha la tête sur le côté, semblant ne pas avoir du tout compris.
Pendant que nous parlions de cela, Juna avait présenté la prochaine personne.
Cette fois, il s’agissait de la fille adorable qui ne semblait pas beaucoup plus âgée que Tomoe. Cette tenue de Lolita à froufrous qu’elle portait lui allait bien.
« Elle s’appelle Pamille Carol, » dit Juna. « Elle est une kobito. »
« Je suis Pamille. Ravie de vous rencontrer, » Pamille avait secoué sa tête. Il s’agissait d’un geste mignon, mais...
« Qu’est-ce qu’un kobito ? » demandai-je. « Une petite personne ? »
« Non, elle n’est pas un hobbit, elle est l’une des plus jeunes, » répondit Juna. « Peu de races arrêtent de vieillir comme les elfes, mais ce trait est particulièrement prononcé dans les kobitos. Même lorsqu’ils atteignent leur pleine maturité, ils ne ressemblent qu’à des enfants de douze ans. Pamille peut ne pas être vue ainsi, mais elle est beaucoup plus âgée que moi. »
« Sérieusement ? » m’exclamai-je. « Penser qu’il y ait une race comme ça dans ce monde. »
C’est comme la race ultime des lolis et des shotas, pensai-je. Je ne sais pas... Je me sens très concerné par leur race entière. Peut-être que je devrais créer un quartier protégé pour eux, mettre en place un panneau qui annonce ce message. « Oui, loli-shota. Pas touche, » à l’extérieur, afin de les protéger d’un certain type de messieurs et dames là-bas.
Et aussi, j’ai failli le manquer, mais je suppose qu’il y a des hobbits dans ce monde, pensai-je. En espérant qu’il n’y ait pas d’anneaux étranges aussi ici...
Alors que je pensais sur ce sujet, Juna avait continué son explication. « Elle a une voix aussi claire qu’une cloche. Elle est particulièrement douée pour chanter des chansons mignonnes d’une manière qui les rend encore plus adorables. ...Les personnes la voient toujours comme étant plus jeune que moi, donc je suis mal adaptée pour chanter des chansons comme ça. J’envie un peu ce don. »
« Eh bien, je vous envie aussi, Juna, » déclara Pamille. « Quand j’ai entendu que nous allions comparaître devant Sa Majesté aujourd’hui, je voulais porter une robe sans manches, mais je n’ai rien pour l’accrocher, alors on m’a dit que je ne pouvais pas. »
Juna et Pamille semblaient toutes deux regarder au loin.
Cela a du sens pour Pamille de ressentir cela, mais Juna est-elle dérangée par le fait qu’elle semble plus âgée qu’elle ne l’est en réalité ? me dis-je. Car après tout, en mettant de côté son apparence, avec la façon mature dont elle agit, il est difficile de croire qu’elle n’ait que dix-neuf ans.
Maintenant que j’y ai pensé, je m’étais souvenu d’une phrase d’un film que j’avais regardé il y a longtemps, qui disait. « Traite une femme plus âgée comme si elle était plus jeune que toi, et une femme plus jeune comme si elle était plus âgée que toi. »
Juna a un an de plus que moi, donc plutôt que de faire appel à elle tout le temps, je dois trouver des moyens de la laisser compter sur moi de temps en temps, pensai-je.
Juna s’éclaircit la gorge pour tenter de nous remettre sur les rails, puis continua avec les introductions. « Maintenant, enfin et surtout, voici Nanna Kamizuki. Comme vous pouvez le voir, elle est une homme-bête. »
« Hééé ! ♪ Je m’appelle Nanna ! ♪ » La fille aux oreilles de chat avait crié avec un sourire à pleines dents.
Elle avait l’air d’avoir quinze ou seize ans. Comparée aux deux autres, elle s’était habillée plus simplement, vêtues d’une simple tenue en forme de tube. Elle avait de la peinture sur le visage, comme un fan de football. Si je devais juger uniquement sur son apparence, elle ressemblait à une fille d’une tribu qui vivait de la pêche.
Glaive était sur le point de lui faire un reproche sur la façon simple et innocente dont elle se comportait devant le roi, mais je lui fis signe de s’arrêter. C’était parce que j’avais détecté un accent étrange.
« N’a-t-elle pas l’habitude de parler la langue de ce continent, n’est-ce pas ? » demandai-je.
Juna se précipita pour la couvrir. « C’est exactement ça. Il semble qu’elle ait immigré à Elfrieden depuis l’archipel du dragon à neuf têtes et qu’elle vive depuis dans un groupe de robustes pêcheurs dans un village au bord de l’eau. Donc, si elle agit un peu grossièrement par moments, s’il vous plaît, pardonnez-là. »
Je comprends... Elle est donc une immigrante de l’archipel du dragon à neuf têtes, n’est-ce pas ? pensai-je.
Beaucoup de pays de ce continent utilisaient une langue commune en plus de leurs langues nationales, mais il y avait aussi des pays isolationnistes, comme ceux de l’archipel du dragon à neuf têtes, qui n’utilisaient que leur langue nationale.
« Je comprends parfaitement sa situation, mais... peut-elle chanter comme ça ? » demandai-je.
« N’ayez aucune crainte à ce sujet, » m’assura Juna. « Elle a chanté des chants de marins pendant qu’elle pêchait, elle a donc une voix puissante, aussi bien féminine que masculine, et si vous lui donnez une chanson sympa à chanter, elle peut facilement me surpasser. Je crois qu’elle a une bonne compatibilité pour ces “chansons d’animée” que vous m’avez apprises, Sire. »
« Oh ! Peut-elle chanter quelque chose ? » J’avais demandé ça avec nostalgie.
« Tout à fait, » répondit Juna. « Comme un test, je lui en ai appris une. Nanna, pouvez-vous la chanter pour nous ? »
« Bien sûr ! ♪. Laissez simplement ça à Nanna, » répondit-elle.
À la demande de Juna, Nanna se mit alors avec enthousiasme à chanter. La chanson avait été l’ouverture d’un animé sur les Mechas chanté par une chanteuse. En mettant de côté le choix de la chanson, la mélodie émouvante était un très bon choix pour la voix de Nanna.
« Au fait, Liscia, est-ce que vous comprenez ce que les paroles signifient ? » demandai-je.
« Je ne comprends pas du tout, » répondit-elle. « C’est comme écouter une chanson dans une langue que je ne comprends pas. Mais je peux dire que c’est une chanson très belle. »
« Eh bien ! Tant que c’est perçu ainsi, alors ça va très bien... N’est-ce pas ? » dis-je.
Je suppose que je pourrais demander à Juna de venir avec des paroles dans la langue de ce monde un peu plus tard. Pensai-je.
Après qu’elle ait fini la chanson, Nanna m’avait regardé avec un large sourire. « Votre Majesté ! ♪ Comment étais-je ? »
« ... Très bien, » dis-je. « Vous avez été formidable. »
« Contente de l’entendre !♪ » répondit-elle.
Nanna agita la main comme pour dire, « Mon tour est terminé maintenant, non ? » puis retourna rapidement à sa position.
C’est une fille unique... Elle n’est pas timide, elle ne ressemble à rien de ce qu’ils auront vu, et la manière dont elle bouge avec de larges mouvements est forcément impressionnante à l’écran. Elle pourrait vraiment être la plus adaptée pour être une idole de tout le monde présent ici. Pensai-je.
Avec les présentations maintenant terminées, j’avais remercié Juna. « Vous avez amené un bon groupe de personnes. Merci beaucoup. »
« Vous êtes trop gentil, » répondit-elle.
« OK, tous les acteurs sont maintenant réunis, » continuai-je. « Avec ces trois-là, ainsi que Juna qui peut gérer les chansons douces et matures, nous allons créer le premier programme de divertissement d’Elfrieden. Nous ne diffuserons pas seulement dans Elfrieden, mais nous diffuserons également sur toute la Principauté d’Amidonia. »
« À Amidonia aussi ? » demanda Liscia.
En réponse au regard interrogateur présent sur le visage de Liscia, j’avais hoché la tête. « Tout à fait. Car après tout, nous avons réussi à mettre la main sur le joyau d’Amidonia. »
De toutes les choses qui nous étaient tombées entre les mains quand nous avions pris Van, celle qui m’avait le plus plu avait été ce joyau. Il s’agissait du seul joyau de diffusion d’Amidonia, et il pouvait être utilisé pour envoyer un signal à tous les récepteurs de ce pays.
Les joyaux de diffusion étaient apparemment des artefacts d’une ancienne civilisation. Alors qu’ils ne pouvaient toujours pas être fabriqués, il y avait un bon nombre d’entre eux qui était présent. À l’exception des petits pays, comme ceux qui constituaient l’Union des Nations de l'Est, et le territoire autonome des dragons sages dans la chaîne de montagnes des Dragons, la plupart des pays les avaient.
Cependant, fondamentalement, vous ne pouviez pas recevoir de transmissions d’un autre pays. Bien sûr, cela avait du sens, sinon les informations destinées à une population locale sortiraient à l’extérieur des frontières du pays. Bien que techniquement, si vous changiez les paramètres de longueur d’onde sur le récepteur ou le joyau, alors c’était possible. Et donc, peut-être que c’était un peu comme fonctionnaient les fréquences radio.
En d’autres termes, maintenant que nous avions obtenu le seul joyau d’Amidonia, cela signifiait que nous avions le monopole des droits de diffusion de chaque récepteur d’Amidonia.
Si nous utilisions un joyau d’Elfrieden, nous pourrions aussi diffuser le premier programme de divertissement d’Elfrieden dans ces deux pays. Quel genre de changements cette émission apporterait-elle à Amidonia ? Où cela n’aurait-il aucun effet ?
Nous devrions attendre jusqu’à la diffusion réelle pour le savoir.
☆☆☆
Partie 2
La capitale de la principauté, Van, n’avait pas de place avec une fontaine équipée des équipements de visionnement pour le Joyau de Diffusion de la Voix comme celle de la capitale royale Parnam.
Le récepteur était sur la bordure de Van, dans un champ qui était une place seulement de nom.
C’était parce que, dans ce pays, le Joyau de Diffusion de la Voix n’était utilisé qu’une seule fois au début de chaque année quand le Prince annonçait ce message. « Nous ne devons jamais oublier notre ressentiment envers Elfrieden. La reprise de nos terres volées est une priorité nationale, » ou quelque chose comme ça, indiquant la direction générale du pays.
Parce que ceux qui n’avaient pas assisté à l’émission au début de l’année pouvaient être accusés du crime de manquer de respect envers l’État, même s’ils étaient malades, et même s’ils étaient vieux et alités, tout le monde devait voir cette émission même si cela signifiait qu’ils devaient être attachés à une chaise et transportés là.
Et ainsi, aujourd’hui, le jeune roi d’Elfrieden qui avait capturé Van avait dit qu’il utiliserait le Joyau de Diffusion de la Voix.
La plupart des personnes, ayant subi des décennies d’endoctrinement, n’avaient pas une impression favorable vis-à-vis du royaume. Cependant, maintenant, beaucoup de ces mêmes personnes étaient rassemblées sur le terrain afin de regarder la diffusion en cours. Ils avaient probablement cru que s’ils ne regardaient pas, ils seraient accusés d’un crime, comme les années d’obligations leur avaient dicté. Il y en avait même qui essayaient de porter leurs malades, mais les gardes leur disaient : « Ne vous forcez pas autant, », ils avaient été renvoyés chez eux.
Dans la lumière du soir, avec le soleil bas à l’horizon, la population rassemblée de Van affichait des expressions à moitié remplies d’appréhension et à moitié remplies d’indignation. Parce que ceux de la chevalerie et de la noblesse s’étaient tous retirés de Van, seule la populace, qui n’avait nulle part où aller était resté ici.
Ici et là, dans la foule, on entendait des personnes qui se chuchotaient des choses à propos de leurs inquiétudes pour ce qui allait arriver.
« Maudit Roi d’Elfrieden. Qu’a-t-il l’intention de faire en nous faisant tous nous rassembler ici ? »
« Je l’ai aperçu quand il entrait dans le château, mais il n’avait pas l’air très fort... »
« Ne soyez pas trompés par les apparences. C’est l’homme qui a fait danser le prince Gaius dans la paume de sa main. »
« Il va utiliser le Joyau de Diffusion de la Voix, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qu’il veut nous dire ? »
Sans informations correctes, leurs spéculations avaient pris des virages de plus en plus sauvages.
« Non... Ne me dites pas qu’il a l’intention de conquérir tout Amidonia. Et que donc, tous les hommes seront enrôlés et envoyés sur les lignes de front. »
« Impossible ! Sans moi ici en tant que soutien de famille, que fera ma famille ? »
« Nous sommes un peuple occupé. Nous ne pouvons pas être surpris si c’est ce qui arrive. »
« Non, ce n’est même pas la pire chose qui puisse arriver. Il pourrait exiger que nous donnions nos femmes et nos enfants comme esclaves. Ou peut-être qu’il veut que nous lui remettions chaque belle femme se trouvant dans notre pays. »
« J’ai après tout entendu dire que les personnes puissantes ont tendance à avoir de fortes envies telles que celle-là. »
« Êtes-vous sérieux ? Je devrais cacher ma femme avant de venir ici. »
« Ce n’est pas nécessaire ! Personne ne voudra de ta femme. »
« Qu’avez-vous dit ? ... Ah ! Hé ! Ça commence. »
Soudain, le récepteur au milieu du champ avait commencé à afficher une image.
Les personnes pensaient qu’ils verraient l’image en uniforme de ce jeune roi, mais contrairement à leurs attentes, ils avaient alors vu une belle femme avec des cheveux brun foncé et des traits elfiques assise sur une chaise. Elle posa ses bras croisés sur la longue table se trouvant devant elle et, pour une raison inconnue, l’émission ne la montrait pas depuis directement en face d’elle, mais depuis un angle se trouvant vers sa gauche. Naturellement, cela signifiait que sa tête était tournée avec un petit angle.
Sa pose, qui ressemblait à celle de la Joconde, avait fait ressortir sa beauté séductrice et avait été particulièrement efficace pour capturer le cœur des hommes de Van.
Il leur semblait comme s’ils étaient assis dans un bar et que cette femme, qui était assise à côté d’eux, s’était tournée vers eux afin de leur parler.
Et maintenant, elle avait commencé à parler. « Bonsoir à tous. Je suis Chris Tachyon. »
***
« Il s’agit des Nouvelles d’Elfrieden. Dans ce programme d’informations, nous vous apporterons les dernières nouvelles d’Elfrieden et des pays voisins. Maintenant, pour notre première histoire... » déclara-t-elle.
Chris avait commencé à lire son script dans le studio d’informations impromptu qui avait été mis en place dans le bureau des affaires gouvernementales du Château de Van. Je l’avais fait s’annoncer comme étant un studio d’informations, mais nous venions seulement de réunir une longue table et une chaise. Pourtant, avec les autres meubles qui étaient déjà en place, cela ressemblait bien à quelque chose comme ça.
Aisha et moi regardions Chris du coin de la pièce où nous ne serions pas captés par le joyau.
Aisha avait tiré sur ma manche. « Hum... Pourquoi Chris est-elle diffusée sous un certain angle ? »
« Hum... C’est pour la beauté stylistique ! » dis-je.
Je m’étais souvenu d’une présentatrice féminine de mon monde qui avait livré les nouvelles dans cette position, alors j’avais essayé de faire de même.
Cependant, pendant la répétition, Chris s’était plainte à moi, en disant, « J’ai l’impression que je vais avoir un torticolis, » et donc cela allait probablement être la première et la dernière fois que nous ferions ce programme sous un tel angle.
Les nouvelles que Chris lisait maintenant étaient un rapport sur les événements de la guerre jusqu’à ce moment-là.
Elle avait expliqué sur un ton neutre que, en tant qu’action punitive contre Gaius VIII et son fils Julius, qui avaient profité de l’instabilité dans le royaume pour l’envahir, le roi Souma d’Elfrieden avait lancé une contre-invasion et que nous avions renversé Gaius VIII.
Aisha pencha la tête sur le côté, en pleine confusion. « N’aurait-il pas été préférable de livrer cette information lors d’un discours effectué par vous, Sire ? Vous auriez peut-être été en mesure de rehausser votre influence dans ce pays, comme vous l’avez fait avec ce programme sur la cueillette d’ingrédients. »
« La situation est différente cette fois-ci, » dis-je. « Nous ne diffusons pas seulement vers les territoires occupés autour de Van, mais nous diffusons aussi vers le reste d’Amidonia. Peu importe ce que dit le roi d’un état ennemi, les habitants de la principauté n’écouteront jamais ses paroles. Il vaut mieux qu’ils l’entendent d’une tierce partie. »
Cependant, quand j’avais discuté du scénario de cette nouvelle avec Hakuya, il avait eu l’idée d’utiliser « Pour chacun d’entre nous, Sa Majesté, notre Cher Roi... » et d’exagérer sur les détails. Mais ça m’aurait fait ressembler à un dictateur de pacotille, alors j’avais rejeté sa proposition.
Et bien ! Dans tous les cas, pendant que nous parlions, Chris continuait à lire les nouvelles avec ces compétences de lecture douces et sa voix plaisante qui était venue avec le sceau d’approbation de Juna. « Les armées du royaume occupent actuellement la capitale de la principauté, Van, mais les hostilités ont, pour le moment, cessé. En ce qui concerne cette situation, Sa Majesté, le roi Souma d’Elfrieden, a publié la déclaration suivante :
“Ceci a été une guerre d’assujettissement contre Gaius VIII, qui a envahi mon pays. Ce n’est pas mon souhait d’étendre les flammes de la guerre ou de nuire aux citoyens de la principauté. Nous fournirons un soutien aux personnes vivant dans la région autour de Van pour leur permettre de continuer normalement leur vie. En outre, comme Van a été annexé en tant que territoire du royaume, je promets que les mêmes dépenses d’aide alimentaire et d’infrastructure seront effectuées ici.” »
Elle prit quelques secondes avant de continuer à parler. « En accord avec ce décret, le ministre de l’Agriculture et des Forêts, M. Poncho Ishizuka Panacotta, va faire distribuer des denrées alimentaires à Van à partir de demain. Il demande que tout le monde à Van invite sa famille et ses voisins à venir avec eux. »
***
« Comment osent-ils faire cela ? » Dans une ville proche de Van, le prince héritier d’Amidonia, Julius Amidonia, avait crié avec colère.
Tout en ayant échappé à la bataille précédente, Julius était dans une ville près de Van, attendant avec les restes des forces de la principauté que les armées de l’Empire Gran Chaos arrivent. Julius avait brisé le récepteur avec une frappe de son épée, puis avait immédiatement donné un ordre à ses subordonnés. « Envoyez des messages à chaque ville avec l’ordre de ne pas regarder cette ridicule émission. »
« « « Oui, Sire ! » » »
Ses subordonnés avaient alors tous couru afin d’envoyer les messagers qui transmettront ce message. Une fois qu’il vit qu’ils étaient tous partis, Julius se retourna vers Van. Il espère gagner non seulement les personnes de Van, mais de tous les Amidoniens, avec ses mots mielleux, n’est-ce pas ? Je ne dois pas le laisser faire !
Julius raffermit sa résolution.
Pourtant, même s’il avait envoyé des messagers, ce n’était pas comme s’ils pouvaient atteindre chaque ville instantanément. En outre, avec sa défaite au cours de la bataille, Julius avait perdu une grande partie de son influence et donc ses ordres n’avaient été exécutés que dans la ville où il était actuellement et celles qui en étaient très proches.
En d’autres termes, la plupart des villes d’Amidonia regardaient la diffusion de Souma.
Les réactions des citoyens amidoniens qui l’avaient vu pourraient être divisées en deux catégories.
En premier, il y avait les habitants de Van qui étaient soulagés d’entendre qu’ils ne seraient pas enrôlés et envoyés pour se battre sur les lignes de front, et qu’il ne leur serait pas exigé de remettre leurs biens, leurs épouses ou leurs filles.
Dans les villes et les villages agricoles à l’extérieur de Van, ce qui attira l’attention du peuple n’était pas la mort de Gaius VIII, ou la juste cause de Souma, mais le fait que les régions devenues un territoire du Royaume d’Elfrieden recevraient le même soutien que les villes du Royaume.
Bien sûr, les habitants d’Amidonia avaient à peine cru ces mots. Après tout, il s’agissait des paroles d’un roi ennemi. Tout le monde pensait qu’il essayait simplement d’acheter leur loyauté.
... Cependant, il était également vrai que les mots de Souma s’étaient profondément enracinés dans le cœur du peuple amidonien, qui luttait actuellement à travers une crise alimentaire encore plus profonde que celle du royaume. Plus leur situation actuelle était difficile, et plus ces mots s’enracinaient profondément en eux.
***
« ... Et donc, à l’heure actuelle, le remède dans notre pays est... » dit Chris.
Cela faisait environ dix minutes depuis le début du programme d’informations de Chris.
La section qu’elle lisait maintenant était la dernière information à diffuser aujourd’hui. Une fois ce programme d’informations terminé, le programme de musique commencerait enfin.
Alors qu’elle se tenait à mes côtés, visiblement anxieuse, Aisha me saisit alors le bras. Aujourd’hui, Aisha n’était pas vêtue de son armure légère habituelle. Je portais moi-même un smoking.
Aisha se tourna vers moi avec un regard comme celui d’un chiot abandonné. « Q-Qu’est-ce que je dois faire, Sire ? Je ne peux pas m’arrêter de trembler. »
« Commencez par vous calmer, d’accord ? » dis-je. « Il s’agit après tout de votre deuxième fois dans une émission, n’est-ce pas ? »
« La dernière fois, tout allait bien parce que je devais manger..., » répondit-elle.
Il avait été décidé que je serais l’hôte du programme de musique avec Aisha en tant qu’assistante.
Bien sûr, je n’avais pas prévu d’être l’animateur d’un programme de musique, mais Poncho, sur qui j’avais l’intention de placer le travail, était occupé à distribuer de la nourriture, et Hakuya avait refusé parce que cela ne lui convenait pas.
C’était aussi ma deuxième fois, donc si ma partenaire Aisha devenait pétrifiée par le trac, c’était un problème.
« D’où vient la bravoure que vous montrez sur le champ de bataille ? » demandai-je.
Après que j’eus dit ça d’un ton exaspéré, Aisha avait alors gémi pathétiquement et ses épaules s’affaissaient. « Je suis convaincue que personne n’est de taille face à moi dans les arts martiaux. Cependant, lors d’un événement tape-à-l’œil comme celui-ci, je n’ai pas une telle confiance. Vous savez, il y a beaucoup de personnes qui sont plus jolies que moi. La princesse et Madame Juna sont à la fois svelte et avec la peau claire, tout comme de jolies jeunes filles. Alors que de mon côté, ma peau est sombre et j’ai des muscles qui sont clairement visibles et en plus... »
« Vraiment ? » demandai-je. « Je pense que vous avez une belle apparence pleine de santé. »
Même si elle avait du muscle, ceci n’était pas aussi apparent que chez les culturistes. En fait, elle avait un corps si bien fait que je devais me demander comment elle avait réussi à frapper avec cette épée géante avec si peu de muscle. Et pour couronner le tout, elle était assez grande pour être mannequin, et, même s’il était difficile de dire quand elle portait des armures, sa silhouette au-dessus de la moyenne était assez bonne pour que Liscia soit la plus susceptible d’être jalouse.
« Exact, » dis-je. « Vous êtes jolie, Aisha. »
« L-Le suis-je vraiment !? » répondit-elle. Le compliment avait rendu Aisha extatique.
Cependant, elle était rapidement revenue à ses sens. « M-Mais, franchement. Madame Juna ou la princesse ferait une meilleure hôte. »
« Juna est l’une des chanteuses, donc elle devrait courir partout si on la faisait être l’hôte, » dis-je. « Quant à faire de Liscia mon assistante... Je pensais qu’il serait préférable de ne pas le faire cette fois-ci. »
« Hm !? Pourquoi cette fois-ci ? » demanda-t-elle.
« Ho ! Il y a une petite chose qui m’inquiète maintenant que j’ai fini par être l’hôte, » dis-je. « Tout en étant d’une honnêteté un peu brutale, je vous ai choisie, non pas parce que je pense que vous seriez une bonne assistante, mais plus parce que je compte sur vos compétences de garde du corps. Si quelque chose arrive, vous serez capable de me protéger si vous êtes à mes côtés, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr que je le pourrais, mais... hein !? Est-ce que quelque chose de dangereux va se produire !? » demanda-t-elle.
Aisha semblait inquiète, alors j’ai mis une main sur son front et j’avais ri.
« Tout ira bien, selon toute vraisemblance, » dis-je. « Mais, aussi pathétique que cela soit de devoir le demander en tant qu’homme, me protégeriez-vous si quelque chose arrivait ? »
« Votre Majesté... Certainement ! Même si cela devrait me coûter la vie, je vais, mmmph... » déclara-t-elle d’une voix forte.
J’avais rapidement mis ma main sur la bouche d’Aisha. « Vous êtes trop bruyante. Nous diffusons maintenant. »
« mmmph... J-Je suis désolée, » répondit-elle.
... À des moments comme ça, elle aurait vraiment pu être une elfe sombre décevante, pensai-je.
« ... est-ce qu’ils ont dit! Ce sera tout pour les Nouvelles d’Elfrieden. Maintenant, après cette émission, nous allons diffuser la première diffusion d’une émission de divertissement d’Elfrieden. Si vous n’avez aucun engagement préalable ou si vous n’êtes pas pressé, j’espère que vous continuerez à regarder cette émission. »
Wôw, on dirait que le programme de Chris est fini, pensai-je. D’accord, maintenant c’est notre tour.
La pièce pour l’émission de musique n’était pas cette pièce. Il s’agissait d’un atrium qui avait probablement été utilisé afin d’y tenir des bals. Nous avions aligné des tables là-bas, faisant également venir des soldats pour les faire s’asseoir et les faire écouter les chansons, dans le style du Concourt du Programme Câblé Japonais. En effet, avoir un public faisait une énorme différence au niveau de l’excitation.
J’avais alors pris mon assistante par la main. « Venez. Nous y allons, Aisha. »
« Sire, je vous suivrais partout où vous irez, » me répondit-elle.
☆☆☆
Partie 3
Après que le programme d’information de Chris Tachyon fut terminé, il y a eu une courte pause. Puis le récepteur de la place de Van avait montré un jeune homme et une femme. Il s’agissait d’un jeune homme en smoking noir et d’une elfe sombre portant une robe de soirée d’un rouge extravagant. Alors que le jeune homme était confiant, la fille semblait un peu tendue.
Puis une personne dans la foule avait dit, « Hé ! Mais attendez ! Cette personne, n'est-elle pas le Roi d’Elfrieden, Souma ? »
Après que les personnes autour de cet homme l’eurent entendu, ceux qui avaient vu l’armée du Royaume d’Elfrieden entrer à travers les portes de la ville avaient crié l’un après l’autre, « Exact. Je l’ai vu quand ils sont entrés par la porte, » et « C’est bien le Roi Souma d’Elfrieden, » ou encore « Il n’y a aucun doute là-dessus, » ce qui confirmait les soupçons du premier homme.
N’ayant aucun moyen de savoir ce qu’ils disaient de lui, Souma portait une expression détendue alors qu’il tenait un objet de vingt centimètres de long avec une extrémité arrondie (sans aucun doute destiné à être un micro), puisque le Joyau de Diffusion de la Voix capta un « Bonjour, »
« Les chansons changent avec les temps et les temps changent avec les chansons, » dit-il. « Ce sont les chansons que nous voulons voir transmises à travers les âges. »
« Q-Quoi, d’où vient cette phrase ? Vous ne l’avez pas dit pendant la répétition, n’est-ce pas ? » L’elfe noire s’était exclamée.
Il semblait que sa dernière ligne avait été improvisée, car la fille était maintenant confuse.
***
« Je serai votre hôte pour ce programme, Souma Kazuya, » dit-il.
« Je-je suis Aisha Udgard ! » dit la jeune elfe.
« Allons, Aisha, votre expression a l’air raide, » déclara le roi, « Souriez. Allez, souriez. »
« Et-Et vous, Sire ? Pourquoi parlez-vous si poliment ? » s’exclama-t-elle.
« Eh bien, vous le savez déjà, mais je suis l’hôte, » dit-il. « Même si je suis le roi, je ne peux pas aller trop loin. »
« Vous dites cela, mais vous êtes déjà revenu à votre manière de parler habituelle ! » répondit-elle.
« Oups, excusez-moi ! » dit Souma.
Souma lançait un peu d’humour ludique alors qu’Aisha ne pouvait que réagir face à lui.
Les résidents du Royaume d’Elfrieden regardaient leurs plaisanteries avec des sourires. Cependant, les personnes de la Principauté d’Amidonia affichaient des regards de perplexité.
Les rumeurs au sujet du roi Souma disaient qu’il était un homme qui avait transformé en imbécile le grand guerrier Gaius VIII en utilisant son ingéniosité stratégique, puis l’avait frappé dans une démonstration de sa propre valeur. Le roi des rumeurs, doté à la fois de sagesse et de capacité martiale, n’avait tout simplement pas décrit un jeune homme se moquant de lui-même et jouant avec une elfe sombre lors de cette émission.
En réalité, sa stratégie avait été mise en place avec l’aide de Hakuya, tandis que celles contre Gaius VIII avaient été une unité d’archers arrivant tardivement, mais le peuple n’avait aucun moyen de savoir ces choses.
« Notre prince a-t-il perdu face à ces personnes-là ? » l’un des membres de la foule se demandait ça.
« Je sais... tout cela doit être un acte pour nous faire baisser nos gardes ! »
« Pourquoi ? Vous savez, Van est déjà tombée ? »
« Eh bien, c’est ainsi qu’ils peuvent... Exact ! À quoi cela sert-il alors ? »
Alors que les habitants de Van avaient réagi avec confusion, Souma avait continué de présider l’émission.
« Maintenant, cette émission est le premier programme de musique d’Elfrieden. Pour cette émission, nous avons rassemblé des filles avec différents types de voix. Ces trois chanteuses sont merveilleusement douées, et méritent vraiment d’être appelé des “loreleis”. »
Au moment où Souma avait prononcé ces mots, l’équivalent de ce monde pour une idole, le concept d’une « lorelei » était né.
« J’espère que ce sera un programme qui aidera à apaiser le cœur de ceux qui sont épuisés par leur labeur quotidien, » déclara le roi. « S’il vous plaît, écoutez les chansons de ces Loreleis et profitez-en jusqu’à la fin. »
« Heu... Il n’y en a que trois ici et aujourd’hui, mais nous rechercherons toujours ceux et celles qui sont fiers de leur voix dans tout le Royaume d’Elfrieden, » déclara Aisha. « Homefemagnom »
« Vous l’avez pas mal bafouillé, Aisha, » déclara-t-il.
« S-S’il vous plaît, restez calme, » déclara Aisha. « Um. Les hommes et les femmes de tous âges, de leur propre fait ou nommées par un autre sont invités à postuler. »
« Oui, j’aimerais avoir des chanteurs et pas uniquement des chanteuses ici aussi, » dit Souma. « Bien que, pour les garçons, ce serait bizarre de les appeler Lorelei. Eh bien, comment les appellerons-nous alors ? Tritons, ou quelque chose du genre ? »
« Alors ils seraient juste des monstres marins ordinaires, » déclara Aisha. « Ne pouvez-vous pas choisir quelque chose de l’extérieur de la mer ? Ah ! Heu... ! Pour ceux d’entre vous qui sont fiers de votre chant, ou qui aiment juste chanter, on me dit que vous devriez aller au café Lorelei de la ville la plus proche afin de pouvoir auditionner. »
« Attendez, la Lorelei a des succursales maintenant ? » s’exclama Souma.
« Pourquoi paraissez-vous surpris, Sire ? » demanda-t-elle.
« Eh bien ! Après tout, j’ai laissé les auditions entièrement à la charge de Juna, » répondit-il.
« Au fait, on me dit que celui de Cité Lagune est leur quartier général, » dit Aisha.
« Quoi, Parnam était une succursale ? » s’écria-t-il.
Quand Souma avait laissé tomber cette dernière phrase, l’un des téléspectateurs de Van avait laissé échapper un petit rire, puis avait rapidement couvert sa bouche. Si quelqu’un lui reprochait de rire en regardant l’émission, il pourrait être lynché par le reste des téléspectateurs. À cause de cela, la place de Van avait une ambiance étrange emplie de tension.
Sans même avoir une idée de ce qui se passait, Souma avait continué de présenter l’émission.
« Maintenant, voyons ce spectacle. Notre première Lorelei possède le corps d’une enfant et l’esprit d’une adulte. Elle est une loli légale de la race de kobito, Pamille Carol, » déclara le roi.
« Le plus grand plaisir de Madame Pamille est de faire une sieste, » rajouta Aisha. « Cependant, récemment, nous avons eu des jours si agréablement ensoleillés qu’elle a dormi jusqu’au matin, et puis elle a dormi en portant... Hum, Sire ? Cette information est-elle vraiment nécessaire ? »
« Maintenant, entendons-la chanter, » déclara Souma. « Voici Pamille Carol. »
Quand Souma annonça cela, les lumières s’étaient assombries et un air détendu avait commencé à être joué.
La prochaine chose qui apparut sous les projecteurs fut un balcon se trouvant dans un atrium. Là, enveloppée dans une robe à froufrous, se tenait une fille qui avait toutes les apparences pour avoir environ douze ans. C’était Pamille Carol. Pamille joignit les mains devant sa poitrine, puis se mit à chanter d’une voix qui, tout comme son apparence, était aussi adorable qu’une clochette.
Il y avait une fille mignonne qui chantait une chanson mignonne. Quand ils virent cette scène, les habitants d’Amidonia pensèrent qu’elle était vraiment très mignonne. Cependant, plutôt que de débattre de la qualité de la chanson, ils étaient simplement en perte de mots. Ils ne savaient pas comment réagir. Que faire du fait que le Joyau de Diffusion de la Voix était utilisé pour montrer une petite fille qui chantait ? Voilà ce qu’ils se demandaient tous.
« Qui est cette fille ? Elle est vraiment adorable ! »
« Eh bien ! C’est vrai ! Elle est mignonne, mais. Est-ce vraiment correct d’utiliser le Joyau de Diffusion de la Voix pour ça ? »
« Ne me demande pas ça. Ce n’est pas comme si je savais ce genre de chose. »
« Tu sais, Lord Gaius l’a à peine utilisé. »
« Peut-être que c’est normal à Elfrieden ? »
Des conversations comme celle-ci jaillissaient partout. Était-ce la différence entre Amidonia et Elfrieden ? Des émissions comme celle-ci étaient-elles présentes dans le Royaume d’Elfrieden ? Voilà ce qu’ils se demandaient. Les habitants de Van, sous occupation par les soldats du Royaume d’Elfrieden, avaient été grandement affectés par ce qu’ils voyaient en ce moment.
« Je vois... Est-ce que cet endroit fait maintenant partie d’Elfrieden ? » l’un des spectateurs à Van chuchota.
Ce commentaire désinvolte s’était infiltré dans la foule, comme de l’eau versée dans une vaste plaine asséchée.
« Est-ce que Van est devenu une partie du Royaume d’Elfrieden ? »
« Eh bien ! Après tout, nous sommes sous occupation. »
« Alors, ça ne fait plus partie de la Principauté d’Amidonia ? »
« Alors, est-ce que ça veut dire que c’est acceptable de diffuser ce genre de scène ? »
Même si les habitants de Van avaient réagi en étant emplis de confusion, l’émission avait continué.
Après ça, Pamille avait fini de chanter la chanson en affichant beaucoup de charme. Souma et Aisha étaient revenus à l’écran.
« C’était Pamille Carol, » déclara Souma. « Mon Dieu, cette musique n’est-elle pas une chose merveilleuse ? »
« Pourquoi cela ? Le pensez-vous vraiment ? » demanda Aisha. « En l’entendant, je me suis alors dit “Ça ne peut pas être de la musique.” »
« Maintenant, pour un changement d’ambiance, nous aurons une chanson énergique chantée par cette personne, » dit Souma en montrant la prochaine chanteuse. « Après avoir formé sa voix au chant dans un village de pêcheurs avec rien d’autre que des hommes, la puissance de sa voix est incroyable. Elle est une fille simple et innocente de l’archipel du dragon à neuf têtes. Nanna Kamizuki. »
« Le poisson préféré de Madame Nanna est l’espadon géant, et son rêve est de pouvoir manger pendant tout un jour sans interruption, mais parce qu’ils s’inquiétaient qu’elle grignote la prise du jour, les pêcheurs ne la laissaient jamais sur les navires qui naviguaient sur l’océan, » commença Aisha. « Hum, encore une fois, cette information était-elle vraiment nécessaire ? »
« Maintenant, entendons-la chanter, » annonça Souma. « Voici Nanna Kamizuki ! »
« ... Vous m’ignorez, n’est-ce pas ? » demanda Aisha.
La prochaine personne à apparaître à l’écran portait une tenue légèrement punk. Il s’agissait de la fille énergique aux oreilles de chat, Nanna Kamizuki. Son haut sans manches et son pantalon court laissaient ses bras et ses jambes en bonne santé exposés, tandis que la façon dont son nombril jaillissait occasionnellement accentuait l’attrait de mignonnerie qu’elle n’avait pas perdue même avec son apparence androgyne.
Puis, alors que Nanna avait commencé à chanter, elle sauta en bas du balcon.
« Quoi !? » quelqu’un dans la foule avait crié.
« H-Hé ! »
Le public déglutit quand il vit cette scène. Ceci ne devait pas avoir été dans le scénario prévu pour l’émission.
Les personnes du public pouvaient voir le personnel qui se précipitait afin de déplacer le joyau. Ils pouvaient encore l’entendre chanter, alors ils savaient qu’elle devait aller bien, mais Nanna n’était pas encore apparue à l’écran. Quand elle était finalement réapparue, Nanna s’amusait en dansant le long des escaliers se trouvant à l’étage inférieur. Alors même que la foule soupirait de soulagement, ils étaient progressivement entraînés dans le rythme de sa chanson et de sa danse.
« Vas-y, Mademoiselle ! Continue ! »
« La chanson est aussi très sympa. Elle vous réconforte vraiment. »
Comme c’était la deuxième fois, alors peut-être qu’ils s’habituaient à ça. Parce que des voix comme ça pouvaient être entendues même dans la foule tendue de Van. Il y avait une fille mignonne s’amusant à chanter et à danser. Aucun homme n'aimerait pas regarder ça. Et, étonnamment, cela avait eu un impact encore plus important sur les femmes d’Amidonia que sur les hommes.
Ce qui attirait l’attention des femmes était la mode de Nanna.
« Est-ce qu’elle n’a pas froid habillée comme ça ? »
« Elle est à l’intérieur, donc c’est probablement correct. »
« Mais, si elle s’habille comme ça... ne vont-ils pas se fâcher après elle parce qu’elle distrait et séduit les hommes ? »
Amidonia était, avant tout, un pays militariste. On s’attendait à ce que les hommes soient forts avant tout, alors que les femmes étaient là pour les soutenir, et la plus grande vertu recherchée était la modestie.
En conséquence, dans la Principauté d’Amidonia, sauf dans des occasions spéciales, l’opinion publique ne permettrait pas aux femmes de s’habiller de manière élégante. Cela découlait de l’idée que ce serait un problème si elles tentaient les hommes, les rendant faibles. Pour ne rien dire du fait que si elles portaient une tenue qui montrait tant de chair (même une tenue qui montrait les épaules ou les cuisses était considérée comme en montrant trop ici) dans un lieu public, elles risquaient d’être arrêtées pour avoir offensé le public.
« Ne se mettent-ils pas en colère contre cela dans le royaume ? » se demandait une femme
« Eh bien, c’est un autre pays. Leur roi semble très gentil. »
« Je suis tellement jalouse. »
Dans l’esprit des femmes qui voulaient s’habiller et être belles, les frontières et la race n’existaient pas.
La robe à froufrous de Pamille avait été mignonne, et elles admiraient aussi la tenue plus libérée que Nanna portait maintenant. Si elles pouvaient le faire, elles voulaient essayer de porter ces tenues et danser. Les tenues que ces deux personnes portaient avaient commencé à allumer un feu dans le cœur des femmes vivant dans la principauté. Surtout dans celles des femmes de Van.
« Ce n’est plus Amidonia, n’est-ce pas ? » une femme avait demandé ça.
« Alors, pouvons-nous également nous habiller ainsi si nous le voulons ? »
« J’imagine que oui ? Tous les soldats qui seraient devenus fous en voyant ça sont désormais partis. »
Et, bien, elles avaient même commencé à dire des choses comme ça.
Au moment où la chanson énergique de Nanna avait pris fin, les habitants de Van avaient effectué une ovation. Aucun d’eux ne se souciait plus de savoir si Souma essayait juste d’acheter leur loyauté.
Après que Nanna ait fini de chanter, la diffusion s’était arrêtée pendant un moment. Le joyau devait être replacé dans sa position d’origine. Quand l’écran était revenu actif, il montrait Souma et Aisha avec des sourires ironiques sur leurs visages.
« ... Nous avons sous-estimé l’énergie que Nanna possède, » déclara Souma.
« ... Effectivement, » rajouta Aisha.
« D’imaginer qu’elle sortirait du cadre de la caméra fixe. Nanna, quelle fille terrifiante ! » s’exclama-t-il.
« Pourquoi avez-vous dit cette phrase comme si vous étiez une vieille femme ? » demanda Aisha.
« Maintenant, remettons les choses sur les rails, » déclara Souma. « Maintenant, nous vous avons tous fait attendre. Alors, la fierté de notre pays, la Prima Lorelei, va faire son apparition ! »
« Madame Juna est devenue incroyablement populaire depuis sa première émission, n’est-ce pas ? » demanda Aisha.
Comme ils venaient de le dire tous les deux, Juna s’était déjà assuré la position de 1re Lorelei d’Elfrieden lors des dernières émissions du Joyau de Diffusion de la Voix. Sa popularité avait surpris et confondu même Juna elle-même.
« Lorsque le Congrès du Peuple, qui recueille des pétitions, m’a même fait une demande en disant. “Diffusez des programmes plus souvent et laissez-nous entendre chanter Juna,” ce qui m’avait beaucoup surpris à l’époque, » déclara Souma.
« Wôw... dernièrement, Madame Juna a même cherché un bon thé aux herbes afin d’aider à soulager ses épaules raides..., » déclara Aisha. « Il semblerait que ce n’est pas facile quand elles sont si grandes. »
« ... Dans tous les cas... entendons-la chanter, » déclara Souma. « Voici Juna Doma. »
« Quelle était cette pause dans votre voix ? » demanda Aisha.
« ... Je n’imaginais rien, vraiment... » répondit-il.
« Je vois, vous avez fait cela par inadvertance, » répliqua-t-elle.
L’adorable image de Souma se retournant pour détourner le regard et d’Aisha le fixant alors qu’il tentait comme de fuir, fut bientôt remplacé sur les écrans par une Juna Doma aux cheveux bleus.
Sur sa moitié supérieure, elle portait une tenue qui semblait être un morceau de tissu qui était enroulé autour d’elle, tandis que sur son bas, elle portait un pantalon blanc qui se resserrait autour de ses chevilles. Vêtue d’un mince morceau de soie semblable à un voile sur sa tête, elle ressemblait à une danseuse échappée du monde des mille et une nuits.
Sa beauté captivait tous les spectateurs, hommes et femmes, tandis que sa voix qui chantait en ce moment enivrait indistinctement les populations d’Elfrieden et d’Amidonia.
Les personnes regardant ce spectacle avaient tout de suite compris pourquoi Souma l’avait appelée la Prima Lorelei. La voix de Juna n’avait pas un caractère unique comme celle de Pamille. Cependant, le contrôle parfait de son timbre de voix s’était incrusté encore plus profondément dans les souvenirs des personnes que lorsqu’il s’agissait de Pamille qui chantait. La voix de Juna manquait aussi de la puissance que Nanna avait acquise en s’entraînant avec les pêcheurs. Cependant, grâce à cela, son timbre doux était capable de s’infiltrer encore plus profondément dans le cœur des personnes que celui de Nanna.
Le public en était certain. Certain que Juna Doma était la Lorelei qui se tenait au-dessus de toutes les Loreleis, la Prima Lorelei.
Les spectateurs d’Amidonia avaient été complètement charmés par les trois chanteuses. Ils avaient été surpris de découvrir que le Joyau de Diffusion de la Voix pourrait être une expérience si agréable. À ce stade, aucun d’eux n’était inquiet si cette émission était la manière de Souma d’essayer de les gagner à sa cause.
En japonais, le mot « Musique » était écrit « afin de profiter du son ». Ils l’appréciaient pour son son. C’est pourquoi personne n’avait remarqué le véritable but de Souma.
... À l’exception d’une personne.
☆☆☆
Partie 4
« Ce roi, il a très certainement fait un vilain tour... »
À Nelva, une ville fortifiée dans le sud-ouest d’Amidonia, une personne qui s’était mêlée aux téléspectateurs afin de regarder l’émission marmonnait ça.
Cette personne portait une cape à capuchon qui couvrait tout son corps, rendant impossible la lecture de son expression. Tout ce qu’il était possible de discerner était que, comparée à ceux autour de cette personne, elle avait une petite carrure, et une voix qui était très probablement celle d’une femme.
Un homme cagoulé debout à côté d’elle avait posé une question à la jeune fille dans le manteau à capuche. « Un vilain tour ? »
« C’est très vilain, » déclara la fille. « Après tout, il prend “toutes les choses que mon vieux père a délibérément tenues à l’écart des gens” et puis les leur donne soudainement en une fois. Il n’y a aucun espoir que mon frère puisse rétablir sa situation après ce vilain tour... Eh bien, du point de vue du peuple, c’est peut-être pour le mieux. »
Avec ces mots dits, la fille à capuchon a haussé les épaules comme pour ajouter, « Bon sang ! »
L’homme encapuchonné à côté d’elle la regardait avec confusion. « Euh, princesse, que dites-vous que le Seigneur Gaius a volé aux personnes ? »
« La liberté, c’est cela, M. Colbert, » dit la fille à capuchon.
La fille à capuchon était la fille de Gaius VIII, Roroa Amidonia. L’homme à côté d’elle était l’ancien Ministre des Finances, Colbert.
Roroa avait montré la vidéo. « En utilisant ainsi le Joyau de Diffusion de la Voix, il y aura des femmes qui vont vouloir porter des habits de fantaisie, et des hommes qui vont convoiter de jolies jeunes filles en plein jour. Rien de tout cela n’aurait été permis auparavant dans la principauté, n’est-ce pas ? C’était parce que ni le prince ni le peuple ne voulaient répandre les idéologies de faibles. Mais ce roi, il leur montre avec cette émission que tout cela est autorisé dans le Royaume. »
« En d’autres termes... en exhibant leurs “libertés”, » déclara Colbert.
Roroa acquiesça. « C’est exact. C’est ce qui le rend vilain. La liberté est “gratuite”. Le donner au peuple ne coûte rien à Souma. Maintenant, si vous essayez de la leur enlever, il y aura de la résistance. Même s’il emprunte le pouvoir de l’Empire et parvient à récupérer Van, voyez vous vraiment mon frère leur laisser cette "liberté" au vue de sa mentalité ? Moi je ne peux pas. Sous le règne de mon frère, cela va être simplement une répétition de la manière dont mon vieux père dirigeait cet endroit. Il y aura le chaos, il n’y a pas deux façons de faire face à ça. »
« Non... voulez-vous dire que Souma a calculé tout cela avant de faire cette émission ? » s’exclama Colbert.
« Il semblerait que oui, » répondit-elle.
Les yeux de Colbert s’étaient écarquillé. Il avait été choqué que cette fille, qui quand elle retirait sa capuche avait d’adorables petits yeux comme ceux d’un tanuki, eût vu à travers les desseins du roi Souma, l’homme qui avait ridiculisé Gaius VIII avec ses plans.
Si le dirigeant d’Amidonia n’avait pas été Gaius ou Julius, mais à la place Roroa, le monde pouvait en ce moment être un endroit très différent. Non, cela ne faisait aucun doute que cela aurait été le cas. Quand il y pensait, Colbert ne pouvait s’empêcher de ressentir un profond sentiment de regret.
Cependant, il semblait que Roroa elle-même ne pensait même pas à ça. « Ceci signifie simplement que mon vieux père ne lui correspondait pas. Car après tout, ce vieil homme était sans espoir quand il s’agissait de quelque chose autre que le champ de bataille. Franchement... Je lui ai dit que s’il ne stimulait pas l’ardeur à dépenser et à relancer l’économie, cette crise économique allait durer éternellement, mais il n’a pas entendu un mot de ce que j’ai dit... »
En l’entendant parler avec tant d’amertume, Colbert se dépêcha de répondre. « Euh, princesse... à propos de votre père. »
« Oh, ne vous en fais pas pour ça, » dit-elle. « Je ne suis moi-même pas trop dérangée par ça. »
Dans la récente bataille, les forces d’Amidonia avaient subi une défaite majeure de la part des forces d’Elfrieden, et le père de Roroa, Gaius VIII, avait été abattu par l’Armée Royale sous le commandement de Souma Kazuya.
Lorsque Colbert avait essayé de lui montrer de la sympathie pour cette perte, Roroa lui avait juste fait signe de s’arrêter. « Je me demandais pourquoi c’était ainsi ? J’ai entendu que mon vieux père est maintenant mort, mais je ne me sens nullement triste de ce fait. Je suppose que finalement, je ne m’entendrais jamais avec mon vieux père ou mon frère... »
« Princesse..., » murmura Colbert.
« S’il y a une chose... c’est que je suis choquée que je ne sois pas plus choquée par ça, » déclara Roroa. « Je voudrais me venger de Souma, mais tout ce que je ressens envers lui, c’est de la curiosité. La façon dont il a reconstruit ce vieux pays et l’étrange façon dont il utilise le Joyau de Diffusion de la Voix, je me demande dans quel monde il a dû vivre pour apprendre à faire tout cela. J’aimerais le rencontrer et pouvoir lui en parler. Hé, Monsieur Colbert. Pensez-vous que je sois peut-être sans cœur ? »
Pour la première fois, ses yeux incertains avaient jeté un coup d’œil en dehors de sa capuche. Ses yeux humides étaient comme ceux d’un chiot abandonné. Quand Colbert la vit ainsi, il avait dit en toute hâte « Non ! » et avant bougé négativement sa tête.
« Vous essayiez de sauver ce pays d’une manière différente de celle du Seigneur Gaius ! » déclara-t-il. « C’est pourquoi vous ne vous êtes jamais entendus avec Gaius ou Julius, qui ont placé leur idéologie devant le bien du peuple, et vous ressentez une profonde affinité avec le roi Souma qui regarde toujours les choses à travers les yeux de son peuple ! Il s’agit de la véritable preuve que vous êtes la princesse de ce pays ! »
Après Colbert eut dit cela, Roroa, qui avait juste eu quelques instants auparavant l’air d’un chiot abandonné, avait dit, « Êtes-vous sûr ? Eh bien, bon, » puis, elle se mit à rire.
Était-ce des larmes de crocodile !?
Même le gentil Colbert était prêt à la consoler, mais il reconsidérera ça. Roroa était capable de faire semblant d’être triste, mais elle était aussi capable de prétendre faire semblant d’être triste. Seule Roroa savait ce qu’elle ressentait vraiment. Alors... Colbert n’avait rien rajouté.
Puis, soudainement, Roroa avait retiré sa capuche. Avec ses deux queues de cheval, l’adorable visage de Roroa apparut devant lui. Les yeux de Colbert s’ouvrirent largement sous la surprise.
« Princesse, que pensez-vous faire là ? Nous devons rester cachés, le réalisez-vous ? Et si quelqu’un vous voyait ? » s’exclama-t-il.
« Tout le monde est occupé à regarder le programme de musique, » dit-elle. « Ils ne vont donc pas nous regarder. Mais, avant de parler de ça, en tant qu’homme contre qui je vais devoir me battre, je pensais que je devais maintenant graver l’image du visage de Souma au fond de mes yeux. »
Aux yeux de Roroa, Souma était un jeune homme simple et ordinaire, comme on pouvait en voir partout. Cependant, elle était également bien consciente qu’il y avait bien plus en lui que ce que son œil percevait. Une personne normale ne pourrait pas restaurer un royaume en déclin, ou vaincre les trois ducs et la principauté. Il était un adversaire difficile à évaluer précisément parce qu’il semblait si normal.
Roroa remit sa capuche, tirant Colbert par le bras alors qu’elle s’éloignait. « Maintenant, nous avons quelques préparatifs à faire de notre côté. Souma bouge plus vite que je ne le pensais. »
« ... Ha ! Oui, mademoiselle ! » déclara Colbert.
Pensant que c’était dès ce moment-là que les choses allaient sérieusement commencer, Colbert affichait une expression sérieuse sur son visage. Alors qu’elle marchait, Roroa se retourna, regardant l’image de Souma projetée par le récepteur, et gloussa.
Maintenant que vous nous avez mis dans l’ambiance, n’allez pas penser que nous vous laisserons courir pendant que vous avez pris de l’avance, pensa-t-elle. Vous allez devoir en assumer la responsabilité. Oh, oui, vous devrez le faire. Mieux vaut que vous soyez prêt, Souma ! ♪
***
Après que la chanson de Juna soit terminée, ce fut encore au tour de Pamille. Nous n’avions pas encore assez de Loreleis, donc pour l’émission d’aujourd’hui, chacune d’entre elles allait chanter deux chansons.
Quand le tour de Pamille fut à son tour terminé, j’avais attendu que Nanna commence sa deuxième chanson, puis j’avais traîné Aisha dans un endroit hors de vue, depuis où nous ne serions pas vus dans l’émission.
« Q-Qu’est-ce qu’il y a, Sire ? » demanda-t-elle. « Vous savez, nous sommes encore en direct. »
« Je vous ai dit qu’il y avait quelque chose qui m’inquiétait pendant cette émission, n’est-ce pas ? » dis-je. « C’est ce qui va se passer après Nanna. »
Quand elle avait entendu ces mots, Aisha avait affiché une expression sérieuse.
Je lui avais tranquillement dit, « Quand le prochain acte commencera, je compte sur vous en tant que garde du corps. »
« Quoi !? Vous ne voulez pas dire que Madame Juna ferait un peu... mmmph, » dit-elle.
Alors même que nous étions encore au milieu de l’émission, Aisha avait commencé à hausser la voix, alors je lui avais couvert la bouche avec ma main.
Une fois qu’elle s’était calmée, je secouais silencieusement ma tête. « Ce n’est pas Juna. Entre les deuxièmes chansons de Nanna et Juna, nous avons un chanteur qui à la dernière minute a sauté sur l’occasion afin de participer. »
« Hmm... Je-je n’ai jamais entendu parler de ça ! » cria Aisha.
« Comme je l’ai dit, elle a demandé à participer à la dernière minute, » dis-je. « Nous avons décidé de cela tout à coup, juste avant que nous commencions le direct. D’ailleurs, si je ne vous ai pas prévenue, c’est que je pensais que vous seriez trop occupée à y penser et que vous risqueriez de vous tromper dans votre texte. »
« Hmmarg... Je ne peux pas le nier, » dit-elle.
Ho franchement, pensai-je.
Pourtant, je lui avais tapoté sur l’épaule. « Donc là, vous le savez maintenant. Je compte sur vous s’il en est ainsi. Vous êtes l’une des hôtes, donc vous ne pouvez pas porter votre épée, mais est-ce que vous voulez garder une arme plus petite sur vous ? »
« Non, dans ce cas, je ferais mieux d’être à mains nues... Attendez, cette personne est-elle dangereuse ? » s’exclama Aisha.
« Non... Je pense que probablement, cela ne sera pas un problème, » dis-je. « Je prends juste une assurance. »
« Assurance, je vois... Compris. Sire, je vous protégerai jusqu’à la mort ! » dit-elle.
Aisha frappa une fois sa poitrine avec sa main. Il avait généralement fait un clang métallique à cause de son armure, mais aujourd’hui Aisha portait une robe de soirée. La poitrine généreuse qui était habituellement cachée sous son armure se balançait, alors je me détournai, embarrassée, parce que je ne savais pas où regarder.
Maintenant... voyons comment ceci va se passer, pensai-je.
***
« Cette émission de musique est très certainement très jolie..., » déclara quelqu’un dans la foule.
Au moment où ils avaient fini d’écouter la deuxième chanson de Nanna, une atmosphère de relaxation s’était installée chez les téléspectateurs Amidoniens. Ils appréciaient sincèrement l’émission de musique. À en juger par l’ordre des choses jusqu’à présent, Juna Doma était celle qui viendrait après. Ils étaient même devenus excités de l’entendre encore chanter.
Cependant, cette atmosphère était tout sauf époustouflante dans l’instant suivant. Une femme était apparue sur l’écran. Elle semblait avoir entre trente et quarante ans. Elle se tenait là avec ces deux mètres de haut. Elle avait une carrure si musclée que c’était apparent même à travers l’uniforme militaire qu’elle portait. Il y avait une vive lueur dans ses yeux, et elle portait ses cheveux lissés en arrière, il était donc difficile de dire quel était son sexe.
En fait, les seuls qui savaient qu’elle était une femme étaient les téléspectateurs de la principauté. Il s’est avéré que les téléspectateurs dans le Royaume pensaient qu’elle était un travesti.
Souma et Aisha apparurent sur l’écran à côté de la femme. Souma avait toujours son sourire forcé, mais Aisha regardait prudemment la femme.
« Maintenant, nous avons une invitée surprise, » déclara Souma. « Il s’agit de la commandante amidonienne, Margarita Wonder. Pendant que les troupes en garnison à Van se retiraient, Mademoiselle Wonder est restée ici pour surveiller si nous respectons l’accord et que nous ne nuisons pas à la population. »
Les habitants de Van avaient hoché la tête. Cela ressemble exactement à Mademoiselle Wonder, pensaient-ils.
Bien que vivant dans la Principauté d’Amidonia, où il était difficile pour les femmes de faire une carrière réussie, ses extraordinaires prouesses martiales et sa capacité à diriger l’avaient élevée au rang de général, et elle était maintenant une guerrière expérimentée. Ses capacités martiales et son apparence sévère la faisaient craindre par le peuple, mais elle avait aussi gagné leur confiance en vue de sa réputation de personne juste et droite.
Pourtant, cela rendait d’autant plus difficile pour eux de comprendre la situation. Que faisait ici Mademoiselle Wonder, à côté de Souma ?
« Mademoiselle Wonder était prisonnière de guerre, mais en raison de son rang et cela bien qu’elle ai été capturée, nous l’avions assignée à résidence, » déclara Souma. « Cependant, quand elle a entendu parler de cette émission, elle a immédiatement dit : “J’aimerais que vous me laissiez également chanter” et elle s’est donc portée volontaire pour y participer. »
Souma parlait sur un ton joyeux, mais Margarita elle-même resta silencieuse. Cette différence d’enthousiasme entre les deux était palpable, et cela envoya un frisson dans les échines des habitants de Van.
« Hé... est-ce que quelque chose est sur le point de se produire ? » se demanda quelqu’un dans la foule.
« Vous ne pensez quand même pas que Mademoiselle Wonder utiliserait cette chance afin d’essayer de tuer Souma, n’est-ce pas ? »
« Non, Mademoiselle Wonder ne s’abaisserait jamais à faire quelque chose de si sournois... »
« Mais regardez l’expression de cette elfe sombre. Elle est sur ses gardes. »
« Souma a beau sourire, mais vous pouvez bien voir qu’il est aussi très nerveux. »
Même si les événements se déroulaient actuellement dans le château, les habitants de Van semblaient tous avoir l’air gênés et cela les effrayait. Dans cette atmosphère, Souma continuait de parler avec un sourire.
« Maintenant, entendons-la chanter, » annonça Souma. « Mademoiselle Margarita va chanter... “À Travers la Vallée de Goldoa”. »
Quand ils entendirent le titre de la chanson, l’air qui circulait autour du public sembla se geler.
La chanson annoncée, « À Travers la Vallée de Goldoa » était l’hymne national d’Amidonia. Elle allait chanter l’hymne dans un Van occupé, juste en face de Souma, le roi de la nation occupante.
La population d’Amidonia avait compris en un instant la signification de tout cela.
Mademoiselle Wonder était prête à affronter la mort.
Une fois que Souma et Aisha étaient sortis de l’écran, un morceau de musique solennel dans une tonalité mineure avait commencé à être joué. Puis, enfin, Margarita avait commencé à chanter.
« Dans le pays au-delà des montagnes, où Ursula naîtra demain, ♪ Est-ce la terre qui a donné naissance à nos ancêtres, la terre à laquelle nous reviendrons ? ♪ Continuez, Ô chevaux, à escalader la colline de nos camarades tombés au combat. ♪ Continuez, Ô courageux guerriers, pour que cela deviennent nos terres de notre pays au-delà de là ♪. »
C’était une chanson puissante chantée avec une voix rauque. Les personnes de la principauté s’étaient naturellement levées avec fierté.
Le chant de Margarita avait rappelé de force aux personnes de la principauté qu’ils étaient citoyens d’Amidonia, y compris à celles de Van.
Ils avaient senti une admiration naissante pour la « liberté » dont jouissait la population du royaume, mais sa chanson était comme le gel qui avait causé la fermeture de ces bourgeons.
***
☆☆☆
Partie 5
Il s’agit d’une intense chanson, pensai-je.
J’étais dans un coin, en train de l’écouter.
Il y avait eu une légère agitation provenant des soldats se trouvant dans le public quand elle avait commencé à chanter. Mais comme ils avaient reçu l’ordre strict de « Restez assis quoi qu’il arrive et écoutez tranquillement la musique, » personne n’avait fait de scène.
Cependant, il était difficile de les blâmer d’être déstabilisés.
Après tout, cette chanson parlait d’une invasion effectuée par le Royaume d’Elfrieden.
Les paroles « Dans les terres au-delà des montagnes, où Ursula naîtra demain, » font référence aux terres à l’est des montagnes Ursula qui faisaient autrefois partie d’Amidonia, mais faisaient maintenant partie d’Elfrieden. Il avait demandé à leurs chevaux et à leurs courageux guerriers d’avancer vers ce lieu.
En d’autres termes, leur hymne national était une chanson sur la traversée de la Vallée de Goldoa afin d’envahir le Royaume d’Elfrieden.
Je ne sais pas... Avaient-ils vraiment besoin d’aller aussi loin ? Cela montrait à quel point un État militariste pouvait être vindicatif au point où même son hymne national essayait d’inciter le peuple vers cette voie.
Pendant que je pensais à ça, Aisha m’avait demandé à voix basse, « Est-ce que tout va bien ? Voulez-vous la laisser chanter comme ça ? »
« ... Eh bien, c’était ce à quoi je m’attendais, » j’avais répondu dans un murmure, avec mes bras croisés. « Quelqu’un qui était un général de l’armée adverse a soudainement dit qu’elle voulait participer à mon programme de musique. Les seules raisons que j’ai pu trouver étaient “attiser le patriotisme des téléspectateurs”, ou “attendre l’occasion de se rapprocher de moi et ensuite me frapper”. Après une enquête rapide sur quel genre de personne elle était, je m’attendais à ce que ce soit le premier. Aisha, voilà pourquoi je vous ai demandé de me protéger. »
« Vous saviez que cela arriverait ? » s’exclama Aisha. « Dans ce cas, n’aurait-il pas été préférable de ne pas la laisser chanter ? »
« ... Eh bien, il faut juste regarder, » dis-je. « Je vais activer les plans la concernant afin de l’utiliser à notre avantage. »
Alors que je disais ça, Margarita avait fini sa chanson. Dès qu’elle avait fini de chanter, Margarita s’était assise sur place.
Après que nous nous soyons approchés d’elle, elle avait dit, « Je vous ai montré la fierté du peuple Amidonien. Maintenant, coupez-moi la tête. »
Elle s’était assise bien droite. Comme je le pensais, elle était venue prête pour cette possibilité. Être décapitée ici faisait probablement partie de son plan. En fait, si je posais ma main sur Margarita, tous mes efforts mis dans cette émission seraient du gaspillage.
C’est pourquoi j’avais simplement souri et j’avais dit. « Pourquoi ? Je pense que vous chantez bien. »
Peut-être parce que ce n’était pas la réponse attendue, les yeux de Margarita s’étaient écarquillés en raison de la surprise.
Je me sentais mal de lui faire un tel coup alors qu’elle avait eu une telle détermination, mais je n’allais pas suivre ses plans.
« Vous avez une bonne voix, qui pourrait peut-être bien fonctionner pour RnB, » dis-je. « J’ai beaucoup de chansons que j’aimerais entendre chanter avec votre voix. Je suis sûr que toutes les personnes présentes ressentent la même chose. »
Après que j’eus dit cela d’une manière désinvolte, Margarita m’avait regardé. « ... Réalisez-vous que j’ai chanté l’hymne national amidonien ? Si vous laissez cet outrage impuni, les gens vont remettre en question votre autorité en tant que roi d’Elfrieden. »
« N’appelez pas cela un outrage... et alors ? » demandai-je. « Il n’y a pas de loi à Elfrieden disant que vous ne pouvez pas chanter l’hymne national d’un autre pays. Nous ne sommes pas à Amidonia. »
J’avais détourné les yeux de Margarita, en me tournant vers le Joyau de Diffusion de la Voix et en disant : « Qu’est-ce qui fait un bon pays ? Ce n’est pas une question simple à répondre. Cependant, au moins, je pense qu’un pays qui laisse sa population chanter librement est une bonne chose. Si un pays vous permet de chanter des chansons joyeuses, des chansons tristes, des chansons d’amour, des chansons locales, des chansons étrangères, des chansons militaires et des chansons antiguerre, je pense que c’est la marque d’un bon pays. »
Puis, en tendant la main vers le joyau avec ma main droite, j’avais demandé, « Qu’est-ce que vous, les spectateurs, pensez de ça ? »
***
Il y avait une tour sur le côté ouest du Château de Van.
Cette tour couverte de mousse possédait une présence bizarre et imposante. Elle abritait une prison, et elle était utilisée pour confiner les criminels de haut rang (noblesse, chevaliers, et plus haut). Alors même qu’il s’agissait d’une prison pour ceux de haut rang, ce n’était nullement une suite de luxe. À l’intérieur, il y avait une prison tout à fait typique.
Sous la domination amidonienne, il s’agissait principalement de prisonniers politiques qui avaient été confinés dans cette tour. Ces personnes auraient comploté afin de renverser l’État ou s’opposer aux dirigeants du pays.
Alors qu’on disait qu’elles avaient fait ces choses-là, le fait qu’elles les aient réellement faites ou non était une autre affaire. Parfois, ces sortes de crimes politiques étaient utilisés afin de renverser un rival politique.
Sous terre, il y avait également une pièce de torture utilisée afin d’extorquer des aveux. Il semblerait que les nobles qui avaient été faussement accusés seraient forcés d’avouer là, puis envoyés dans la zone d’exécution avec leurs familles. Si vous vous approchiez de cette tour la nuit, vous pouviez entendre le gémissement des prisonniers qui étaient torturés pendant la journée, donc à un moment donné, elle était devenue connue sous le nom de la Tour des Gémissements.
Dans l’une des cellules de la prison de la Tour des Gémissements, Liscia et Carla étaient assises sur le sol et se regardaient à travers un ensemble de barreaux en fer. Carla, qui était retenue en otage vis-à-vis de l’Armée de l’Air, était actuellement emprisonnée dans cette tour.
Liscia avait apporté un récepteur simple lié afin de voir ce qui était transmis avec le Joyau de Diffusion de la Voix, et elle regardait avec Carla le programme de Souma. Elles l’avaient au début pris pour un simple programme de divertissement, mais quand cette générale amidonienne était soudainement apparue, elles avaient toutes les deux réalisé le véritable but de Souma.
« Avait-il calculé que cette générale utiliserait l’émission pour attiser le patriotisme... ? », demanda Carla.
« ... et ainsi, il a montré la liberté et la magnanimité qui lui permettaient d’accepter ce patriotisme ? » continua Liscia.
Les deux soupirèrent d’admiration.
Liscia avait tracé le bord du récepteur simple avec son doigt. « Souma a enseigné aux habitants d’Amidonia qu’à Elfrieden les habitants sont libres de chanter les chansons qu’ils veulent. Non, ce ne sont pas seulement vis-à-vis des chansons. Musique, littérature, peintures, sculptures... Il a montré que toute forme d’expression artistique est autorisée. »
« Liberté d'expression, hein..., » déclara Carla. « Je ne peux pas penser à quoi que ce soit que la principauté déteste le plus. »
Dans un état militariste comme la Principauté d’Amidonia, il était plus facile de gouverner si les habitants étaient tous les mêmes. De cette façon, ils pourraient obtenir le soutien du peuple en appelant à la chute d’Elfrieden. Si elles permettaient un discours politique diversifié, les habitants pouvaient commencer à suggérer, « Nous devions faire la paix avec Elfrieden, commercer avec eux, et coexister ». C’était l’idée la plus effrayante pour les membres de la maison princière, de sorte que toute personne qui avait épousé ce genre d’idées avait été complètement supprimée.
Cependant, avec leur défaite dans la guerre et la mort de Gaius VIII, la maison princière avait perdu son autorité. Souma avait choisi un moment comme celui-ci pour faire son émission. Enseignant ainsi aux habitants de la principauté l’existence de quelque chose appelé la « liberté d’expression ».
Ils pouvaient chanter toutes les chansons qu’ils voulaient, dessiner les images qu’ils voulaient, et écrire les histoires qu’ils voulaient.
Il avait montré aux habitants de Van que les personnes qui les empêchaient de faire ces choses étaient déjà parties.
« À partir de maintenant... même si leur prince héritier, Julius, parvenait à reprendre le pouvoir, je doute qu’il puisse gouverner comme avant, » déclara Liscia. « Les habitants de Van ayant maintenant goûté le bonheur de s’exprimer. S’il veut leur enlever ça, il va devoir durement sévir. »
« S’il le fait, il ne fera que s’aliéner encore plus son peuple..., » Carla soupira, reposant sa tête contre les barreaux. « Je pense que j’ai finalement compris ce que Souma voulait dire quand il a dit. “Il n’y a du travail pour un roi qu’avant et après la guerre”. De son côté... il se bat encore en ce moment. »
« Se battre..., » murmura Liscia. « Je vois, c’est pourquoi Souma a choisi Aisha comme partenaire. » Liscia laissa échapper un soupir, s’appuyant elle aussi contre les barreaux. Les deux filles étaient maintenant dos à dos avec les barreaux entre elles. « Je suis heureuse qu’il ne veuille pas que je sois blessée, mais je suis également un peu jalouse. J’aimerais qu’il compte plus sur moi. »
« Ha ha ha..., » Carla riait. « Cela montre à quel point il prend soin de toi. »
« Tu le penses vraiment ? » demanda Liscia.
« C’est le cas, » Carla l’avait assurée. « Quand il se plaignait avec moi sur le champ de bataille, il m’a dit qu’il ne voulait pas que toi et les autres puissiez le voir ainsi. Grand-mère a dit un jour que plus un homme se soucie de quelqu’un, et plus il est orgueilleux quand il est avec eux. »
« T-Tu le penses vraiment ? Oh, attends ! Carla, il se plaignait auprès de toi ? » demanda Liscia.
« Je parie que c’est parce que je ne représente rien pour lui, » dit-elle. « Car après tout, je me suis opposée à lui. »
« Carla, Souma est... ! » déclara Liscia.
Quand Liscia se retourna et regarda le visage de Carla, elle était en perte de mots. Son expression n’avait montré aucune présence de son attitude de défi habituel. C’était en quelque sorte une expression de solitude avec un air de démission pacifique.
« Je le sais déjà, Liscia, » déclara Carla. « Sur le champ de bataille, il m’a forcé à voir le poids qu’il portait sur ses épaules. Il n’est pas un charlatan. Il est en réalité un splendide roi. Toi et le roi Albert avez eu raison quant à votre jugement. Nous étions ceux qui manquions de clairvoyance. »
« Hein !? » s’exclama Liscia. « Si tu l’as compris, alors... »
« C’est pourquoi je ne peux pas te laisser intercéder en mon nom, » déclara Carla.
Liscia se leva et frappa les barreaux. « Carla ! As-tu une idée de ce que la duchesse Walter et moi traversons... »
« Non, » répondit Carla. « Ce n’est pas ça, Liscia. » Elle secoua silencieusement la tête. Puis, repliant ses mains sur ses genoux, elle se força à dire. « Nous avons fait une erreur. Voilà pourquoi je ne veux pas causer plus de problèmes à vous tous. Si tu essayes de nous aider à survivre, tu mettras Souma dans une situation difficile. Il persévère déjà trop durement pour être roi, alors je ne veux plus lui imposer ce fardeau supplémentaire. »
« Carla... » Liscia avait l’air de souffrir.
Carla avait faiblement souri. « Je ne veux pas être plus longtemps un fardeau pour toi et celui que tu aimes. »
***
« Maintenant, tout le monde, je pense que nous avons ici la personne parfaite pour finir cette émission, » dis-je. « Voici la chanteuse numéro une, le Prima Lorelei, Juna Doma ! »
Ayant fini avec la présentation de la dernière chanson, je m’étais déplacé hors scène vers un endroit où le joyau ne pourrait pas filmer ma présence. Après que je fus arrivé là, j’avais trouvé Margarita agenouillée et Aisha la regardant avec un regard sombre sur son visage.
« ... Le roi d’Elfrieden, » gronda Margarita. « Saviez-vous que j’allais faire ça ? » Elle avait l’air extrêmement frustrée alors que je m’approchais d’elle.
« Oui, un peu, » dis-je. « Quelqu’un a essayé la même chose dans le monde d’où je viens. »
Bien que cela avait été présent dans un film. C’était une vieille comédie musicale, mais mon grand-père l’avait aimée, alors je l’avais vu un grand nombre de fois.
Margarita avait penché sa tête. « Je vois... Si quelqu’un l’a déjà essayé, il n’est pas étonnant que j’aie échoué. »
J’avais placé une main sur l’épaule de Margarita. « En dépit d’être de l’armée Amidonienne, vous n’avez pas compté sur la force brute, et vous avez eu une merveilleuse voix pour ce qui est du chant. Et à propos de ça ? Pourquoi ne pas essayer de devenir pour de vrai une chanteuse dans notre pays ? Peut-être, une chanteuse de RnB. »
« ... Vous me faites honte avec de si gentils mots pour un soldat vaincu, » dit-elle amèrement. « Je ne suis pas sûr de ce qu’est... ce Arr n Bee, mais étant donné que j’ai échoué en tant que soldat, peut-être que ce serait bien pour moi de changer de voie. »
« Oui, nous ne pouvons jamais avoir trop de chanteurs, » dis-je. « Vous seriez plus que bienvenue. »
Un sourire troublé se forma sur le rude visage de Margarita. « Laissez-moi y réfléchir. »
***
Margarita Wonder était hésitante à ce stade, mais peu de temps après, elle avait fait ses débuts en tant que première chanteuse de RnB d’Amidonia. Son chant puissant avec sa voix rauque avait surtout trouvé du soutien auprès des personnes d’âge moyen.
En outre, avec sa personnalité plus grande que nature qu’elle avait cultivée sur le champ de bataille, et le courage de rivaliser face à n’importe quel homme, elle avait pris en charge l’hébergement du programme, devenant finalement un pilier de l’industrie du divertissement du royaume.
Quoi qu’il en soit, le rideau était maintenant tombé sur la première diffusion très mouvementée de cette émission de musique.
☆☆☆
Entracte 1 : Le Seigneur Ishizuka
« D’accord... passons au prochain document, » dis-je
Que je sois dans la capitale royale, Parnam, ou la capitale princière, Van, mon travail de roi était toujours le même. Je restais au bureau des affaires gouvernementales examinant les documents que Hakuya m’avait préparés et les approuvant. Surtout maintenant, avec l’occupation de Van qui avait commencé si récemment, ma charge de travail avait augmenté.
Le fait d’avoir laissé s’accumuler plusieurs jours de travail pour que je puisse m’occuper de ce programme de musique n’avait pas aidé. Même si je travaillais jour et nuit, utilisant pleinement mes Poltergeists Vivants, le nombre de piles de papier devant moi refusait de diminuer. En fin de compte, j’avais fini par installer un lit dans le bureau des affaires gouvernementales de Van, afin que je puisse me remettre au travail dès que je me réveillais.
Ainsi, aujourd’hui, comme tous les jours, je m’étais assis au bureau dès l’instant où je m’étais levé, et je regardais une pile de papiers tandis que la lumière du matin illuminait le bureau.
« N’est-il pas le moment que vous ayez votre propre chambre ? » Liscia avait demandé ça alors qu’elle se tenait à côté de moi. Elle semblait un peu exaspérée de ça. Elle me donnait un coup de main. « Ce château a beaucoup de chambres à disposition. »
« Je suis enterré sous le travail de l’aube jusqu’au crépuscule, » dis-je. « Il n’y a pas grand intérêt à avoir une chambre si je n’y retourne que pour dormir. Franchement... juste au moment où les choses se sont finalement installées dans le royaume, j’ai fini par créer plus de travail pour moi en occupant Van. C’est comme, allez au diable la Loi sur les Normes du Travail. »
« De quel genre d’absurdité parlez-vous ? » demanda Liscia. « Allez, voici le document suivant. »
« D’accord... Attendez, encore ça ? » dis-je.
Quand j’avais regardé le document qu’elle m’avait donné, j’avais affaissé mes épaules.
Ça disait, « Les habitants de Van veulent organiser un concert de musique en plein air sur la place centrale. Est-ce acceptable que nous autorisions cela ? » J’avais déjà traité plusieurs pétitions similaires aujourd’hui.
Toutes ces demandes concernaient des concerts, des pièces de théâtre, des expositions d’art, des expositions de calligraphie, et des cirques, entre autres choses. Il semblerait que, après avoir vu cette émission, les habitants de Van s’étaient éveillés à l’idée de s’exprimer à travers les arts. Oui, c’était vraiment ça...
« Une renaissaaaaance, » dis-je, allongeant volontairement le mot.
« Qu’est-ce qui se passe ? C’est venu de nulle part, » déclara Liscia.
« ... Rien, » dis-je.
Liscia m’avait regardé en étant un peu amusée.
Oui, si je dois la faire rire en disant un mot drôle, j’allais probablement devoir d’abord faire usage de la langue locale, pensai-je.
Alors que la Renaissance originelle était venue comme une renaissance de l’humanisme grec et romain alors que l’influence de l’église chrétienne était sur le déclin. Celle-ci serait un renouveau culturel qui ferait que beaucoup de personnes célébreront les arts après avoir été libérées du militarisme.
« Mais franchement... je sais que l’automne est la saison de l’art, mais cet éveil est bien trop soudain, » commentai-je.
Pour être honnête, j’aurais préféré ne pas être submergé par un flot incessant de demandes pour des événements artistiques et culturels. Car après tout, cette ville était techniquement sous occupation. Si ces événements attiraient de grandes foules, il était possible que des conspirateurs puissent s’y rassembler ou qu’ils puissent être pris pour cible par des terroristes. J’aurais aimé qu’ils se mettent à ma place, en tant que la personne qui devait vérifier à fond pour s’assurer que cela ne se produisait pas.
Quand elle m’avait vu me tenir la tête dans les mains, Liscia avait fait un sourire ironique. « Franchement, vous ne pouvez pas les blâmer. Cela signifie simplement que votre diffusion a eu un gros impact, n’est-ce pas ? Il semblerait que ce genre de choses ait été refréné avec force jusqu’à présent. »
« ... Je parie que oui, » dis-je. « Je doute qu’un état militariste les laisse s’exprimer ouvertement. »
Brûler des livres pour avoir légèrement critiqué le régime au pouvoir, emprisonner des personnes pour avoir chanté des chansons qui appelaient à la paix, exécuter publiquement la tête d’une troupe de théâtre qui avait monté une pièce qui tournait en dérision le gouvernement..., pensai-je. Ils ont probablement fait tout cela sans la moindre arrière-pensée. Cette excitation que je vois est probablement due à la libération de tout ce qu’ils avaient refréné jusqu’à maintenant.
« Bien que, grâce à cela, ma charge de travail augmente, » dis-je d’un air sombre.
« Pas de récriminations, » déclara Liscia. « C’est mieux que s’ils s’opposaient à nous. »
« Eh bien, c’est exact, mais... peut-être que je devrais mettre en place un bureau afin de gérer les événements, » dis-je, venant d’avoir une soudaine inspiration. « Si je le confiais à Margarita, alors je pourrais lui confier tout ce qui concerne le divertissement. »
« C’est bon pour moi, mais... vous devrez faire la paperasse pour cela, » dit-elle.
« Ouaisss..., » dis-je.
Il semblerait que, même en luttant comme je le pouvais, ma charge de travail n’allait pas diminuer.
Eh bien, je suis le roi, alors je suppose que ça ne sert à rien d’aller contre ça, pensai-je.
J’avais travaillé pendant l’après-midi, et juste au moment où j’avais faim et que je disais à Liscia que nous devrions manger quelque chose pour midi, le Ministre Royale concernant la Crise Alimentaire, Poncho Ishizuka Panacotta, entra dans la pièce.
Poncho s’avança pour se tenir devant moi, son ventre rond tremblant alors qu’il faisait ça, puis il fit un salut tendu. « Hum ! Votre Majesté, j’espérais que je pourrais avoir un peu de votre temps. »
Il était clairement anxieux. Il n’avait peut-être pas l’air impressionnant en ce moment, mais Poncho avait joué un rôle crucial dans la résolution de la crise alimentaire, et c’était un homme que j’avais choisi afin qu’il travaille à mes côtés, alors il était une figure respectée dans le pays.
Voilà pourquoi je souhaite qu’il s’habitue déjà à se tenir devant moi..., pensai-je.
« Quelque chose ne va pas ? » demandai-je.
« Tout à fait ! Sire, il y a quelque chose que je voulais vous montrer, » Dit Poncho en sortant quelque chose du sac qu’il portait avant de le placer sur le bureau.
« Vous vouliez nous montrer... une fleur ? » Liscia, qui nous regardait, avait déclaré ça en pleine confusion.
Poncho avait sorti une seule fleur. Elle ressemblait à un lys. Cependant, il y avait là une combinaison de couleurs dans son apparence qui semblait toxique. Elle avait des pétales roses, jaunes et bruns.
Si c’était un champignon, ce serait un avertissement clair de ne pas le manger, pensais-je.
« Qu’est-ce que c’est ? » demandai-je.
« Et bien ! Ceci est une fleur appelée un “lys séduisant”, » déclara Poncho.
« Oh ! D’accord ! Je sais ce qu’est un lys, » dis-je. « Mais qu’est-ce qui le rend si séduisant ? »
« Le pollen de cette fleur a un puissant effet hallucinogène, » expliqua-t-il. « Il induit chez toute personne qui l’inhale un état semblable au somnambulisme. Il pousse principalement dans les montagnes. Il y a longtemps, il y a eu un incident où une division de l’armée l’a inhalé tout en marchant. Ils sont alors tombés d’une falaise en fuyant des ennemis qui n’existaient même pas et en conséquence, ils ont été anéantis. »
« Effrayant ! » m’exclamai-je. Est-ce comme une drogue non contrôlée, ou quelque chose comme ça ? « Attendez, ne me ramenez pas ce genre de chose ici ! »
« C’est correct, » déclara Poncho. « J’ai déjà enlevé tout le pollen. »
« ... Vraiment ? Eh bien, tant que vous êtes sûr que c’est sûr, » dis-je.
« Oui, » dit-il. « En outre, le pollen d’une ou deux fleurs n’aura aucun effet. Cependant, si vous essayez d’approcher un champ où des centaines d’entre elles se développent, alors même le fait de vous couvrir votre nez et votre bouche avec un chiffon n’aidera en rien... »
Eh bien, ouais, à moins de porter un masque avec une filtration d’air, je doute que vous puissiez bloquer tout le pollen, pensai-je. Je n’ai jamais eu à en utiliser moi-même, mais les personnes allergiques au pollen ont l’air d’avoir du mal avec un masque.
« Alors, vouliez-vous me montrer cette fleur ? » demandai-je.
« Non, Sire, la fleur est simplement une sorte de bonus. Ce que je voulais que vous voyiez était cela, » à la suite de ces mots, Poncho avait sorti un petit objet arrondi. Celui-ci était... un légume, peut-être ? Il était blanc, rond et grumeleux, comme des bulbes d’oignon ou des gousses d’ail densément agglomérées en quelque chose comme une pomme de pin.
« Qu’est-ce que c’est ? » demandai-je.
« Ceci est un rhizome du lys séduisant, » dit-il.
« Un rhizome..., » murmurai-je. « Ho ! La racine du lys, hum ! », cependant, la fin de ma phrase fut criée en raison de ce que je venais d’entendre.
« Hé ! ... Pourquoi criez-vous si soudainement ? » Mon emportement avait surpris Liscia.
J’avais été excité par l’apparition soudaine et inattendue d’un ingrédient de luxe.
Hmm, donc c’est ça une racine de lys, pensai-je. J’en ai déjà vu en petit morceau lorsqu’il est utilisé en tant qu’ingrédient pour du chawanmushi, mais c’est la première fois que je vois un bulbe entier. C’est censé avoir un goût de pomme de terre, si je me souviens bien.
« ... Eh bien, Poncho Ishizuka Paramédical, » commençai-je.
« C’est Panacotta, » dit-il.
« Est-ce que cela se mange ? » demandai-je.
« Oui bien sûr que vous le pouvez, » dit-il. « Cette racine n’a pas d’effet hallucinogène. »
« Et qu’en est-il de son goût ? » demandai-je.
« Si vous les faites cuire à la vapeur, ils sont doux, feuilletés et délicieux, » répondit Poncho. « Je pourrais ajouter cela, ces lys séduisants poussent partout dans les montagnes d’Amidonia. »
C’est bon à entendre, pensai-je. La racine de Lily est riche en hydrates de carbone. Elle peut être utilisée comme aliment de base, tout comme les pommes de terre. Si nous pouvions récolter en masse de celle-ci, alors cela pourrait produire une percée dans la résolution de la crise alimentaire de la principauté.
« Mais à cause de ce pollen, vous ne pouvez pas aller n’importe où près d’où ces fleurs poussent, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Tout à fait, » répondit-il. « Et si elles ne sont pas récoltées alors qu’elles libèrent du pollen, la toxicité s’accumule dans leurs racines. C’est pourquoi ces racines ne sont pas habituellement consommées en Amidonia. »
« Eh bien, dans ce cas ce n’est pas bon, » dis-je. « Même si elles sont comestibles, si vous ne pouvez pas les récolter. Attendez, hein ? Dans ce cas, comment avez-vous obtenu celle qui se trouve ici ? »
Après que j’eus demandé ça, Poncho avait sorti une carte et avait indiqué une zone dans le nord-est de l’Empire Gran Chaos.
« Il y a un peuple dans les montagnes de l’Empire Gran Chaos qui récolte le lys séduisant et l’utilise comme aliment de base, » expliqua-t-il. « Ils ont développé une méthode particulière afin de les récolter. »
« Quelle est cette méthode ? » demandai-je.
« Vous voyez, ils utilisent le shoujou pour ça, » dit-il.
« Le shoujou... Est-ce bien un type d’orang-outan ? » Je me posais cette question à haute voix, et Poncho hocha la tête en l’entendant.
« Parmi les variétés d’orangs-outans qui vivent dans les montagnes, une espèce a une résistance particulière face aux effets du pollen de lys séduisant, » expliqua-t-il. « Il semble que ces orangs-outans déterrent régulièrement les racines et les mangent. Les montagnards de l’Empire ont donc formé ces orangs-outans afin qu’ils s’occupent pour eux des moissons. »
Je vois, donc comme les cormorans utilisés dans la pêche au cormoran, hum, pensai-je. Les apprivoiser serait normalement la partie la plus difficile, mais nous avons une experte dans ce domaine dans notre pays.
« Ces orangs-outans sont-ils également présents ici à Amidonia ? » demandai-je.
« Oui, » répondit-il. « Il semblerait qu’ils vivent dans les montagnes près de Van. J’ai déjà demandé à Tomoe de négocier avec eux pour nous. Les shoujous sont célèbres pour leur amour de l’alcool, donc je soupçonne qu’ils vont travailler pour nous si nous leur donnons un tonneau de temps en temps au lieu d’argent. »
« C’est bien de voir que vous travaillez si vite, » dis-je.
Non seulement nous avons une réserve de rhinosaurus, mais maintenant, nous avions également l’armée de la Planète des Singes, hehe, pensai-je. À ce rythme, je pourrais littéralement transformer Elfrieden en un royaume animal. Hahaha...
« ... Hé, Liscia, » dis-je.
« Quoi ? » demanda-t-elle.
« Si vous pensez que cette décision politique est trop dingue, vous pouvez m’arrêter, d’accord ? » dis-je.
« ... Ne comptez pas sur moi pour prendre cette décision, » répondit-elle.
Liscia se détourna, refusant d’avoir quoi que ce soit à faire avec ça.
***
Une semaine (huit jours) plus tard, la nourriture distribuée à Van comprenait une boulette faite avec la racine du lys séduisant (racine de lys pour faire plus court).
« Nous distribuons ici des boulettes de racine de lys, » déclara Poncho.
Poncho, le Ministre Royale concernant la Crise Alimentaire lui-même, se tenait sur le site de distribution, fournissant personnellement de la soupe de boulette de racine de lys aux habitants de Van. La crise alimentaire avait profondément affecté Amidonia, alors les habitants de Van s’étaient alignés avec des pots en main afin de pouvoir emporter leur ration de soupe jusqu’à chez eux. En plus de la distribution de la soupe, il y en avait aussi pour la dégustation, et il la servait aux personnes qui avaient fait la queue pour cela.
« Ça vous réchauffe vraiment, » déclara une femme. « C’est bien mieux que ce à quoi je m’attendais. »
« La soupe elle-même a une saveur agréable, » déclara une autre femme. « Je pense qu’il appelait ça du miso, n’est-ce pas ? »
« Ces boulettes de pâte, je parie qu’elles auront également un bon goût de friture, hum ? » commenta une troisième femme. « J’aimerais essayer moi-même de les cuisiner. »
Alors que les femmes au foyer de Van parlaient, Poncho les interpella. « N-Nous avons ici des boulettes de racines de lys que vous pouvez rapporter. J’aimerais beaucoup que vous les rameniez avec vous et qu’ainsi, toute votre famille puisse y goûter. »
Lorsque Poncho se mit à brandir un sac rempli de quenelles de racine de lys, une lueur brilla dans les yeux des femmes au foyer. Puis, avant qu’il le sache, Poncho fut entouré par toutes ces dames.
« Mon Dieu, comme c’est prévenant, » déclara l’une d’elles. « Il s’agit là d’une grande aide pour nous, jeune homme. »
« Vous, êtes-vous bien l’un des assistants personnels de ce roi ? » demanda une autre. « Avez-vous déjà quelqu’un de spécial auprès de vous ? »
« Ha. Non. Je n’ai même jamais pensé au mariage, » au moment où Poncho avait dit ça en étant clairement troublé, une lueur encore plus violente apparut dans les yeux des femmes au foyer.
« Comme c’est splendide ! Vous savez, ma fille est une gentille fille, » déclara l’une des femmes. « Peut-être que vous voudriez l’enlever de mes mains ? »
« Hé, c’est pas juste ! » protesta une deuxième. « Si vous prenez une femme, alors cela devrait être ma fille ! Tout comme moi, elle a de bonnes hanches, parfaites pour l’accouchement, donc je peux vous promettre qu’elle vous donnera des bébés en bonne santé ! »
« Si elle allait vivre avec un homme bien portant tel que vous, je n’aurais pas à m’inquiéter qu’elle ait faim, » déclara une autre.
... Et, avant qu’il ne le sache, elles essayaient déjà de caser Poncho avec leur fille.
Quand elles entendirent tout ce remue-ménage, certaines des jeunes femmes se trouvant un peu plus loin s’étaient même elles-mêmes portées volontaires pour ce poste.
« Il est l’un des favoris du roi, n’est-ce pas ? » demanda une jeune fille. « On dirait que cela serait une chose sûre pour moi de vivre auprès de lui. »
« C’est une occasion idéale pour se marier pour de l’argent, » acquiesça une autre. « Tout à fait ! Tout à fait ! Je suis partante pour ça. »
En l’espace d’un instant, Poncho fut envahi par des femmes, jeunes et moins jeunes. Souma leur avait récemment montré que c’était tout à fait normal de s’exprimer, alors les femmes étaient très franches quant à leurs émotions. Pour Poncho, qui n’était pas habitué à ce genre d’attentions, il n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire et se tenait là, nerveux, quand...
« Que faites-vous, Monsieur Poncho ? »
... Quelqu’un l’avait appelé avec une voix qui n’était pas bruyante, mais qui s’entendait de loin.
Lorsque les nombreuses femmes avaient regardé la source de cette voix, elles virent une belle femme en tenue de femme de chambre qui avait une louche dans sa main. Voyant la beauté renversante de la femme de chambre, les femmes déglutirent malgré elles.
Puis, contre toute attente, cette servante se dirigea vers Poncho avant de s’accrocher au bras épais de Poncho. « Vous savez, je suis venue ici à la demande de Sa Majesté afin de vous aider dans votre travail parce que vous êtes si timide. Voulez-vous vous relâcher pendant que je travaille pour vous ? »
Au moment où elle avait dit cela, Serina jeta un coup d’œil à la foule de femmes. Serina ne les regardait pas en particulier, mais les autres femmes se sentaient intimidées par son beau visage.
Qu’est-ce qu’une beauté comme elle fait à côté d’un gars comme lui ? pensaient-elles.
Ils étaient même bras dessus bras dessous. Se pourrait-il qu’ils soient dans une relation scandaleuse ?
Ne prêtant pas attention aux sentiments des femmes, Serina jeta un coup d’œil significatif à Poncho. « Assurez-vous que vous me le fassiez plus tard. Je ne serai pas satisfaite de le faire juste une fois cette nuit. »
Quoi!??? Les dames haletèrent devant les paroles hautement suggestives de Serina.
À propos, la chose que Serina ne se contenterait pas de faire une seule fois cette nuit-là était de tester les plats expérimentaux de Poncho. Serina était ravie du fait de pouvoir tester les plats préparés par Poncho. Ils étaient conçus en cuisinant des ingrédients de moindre intérêt qu’on trouvait dans ce monde. En d’autres termes, elle disait qu’elle ne serait pas satisfaite de tester un seul plat.
Poncho avait bien compris ce qu’elle voulait dire, et il avait dit. « D-D’accord ! Je vais dès lors retourner au travail ! » et il retourna à son travail qui consistait à distribuer de la nourriture.
Serina fit un haussement d’épaules empli d’indifférents, puis se retourna et effectua un élégant salut aux femmes avant de suivre Poncho.
Les femmes ne pouvaient que regarder ces deux personnes partir, se sentant comme si elles avaient été trompées.
... Eh bien ! Alors qu’il y avait quelques problèmes en dehors de ça, les boulettes de racine de lys étaient délicieuses à la fois frites et bouillies, ce qui avait beaucoup aidé en permettant de calmer et d’apaiser les cœurs des personnes sous occupation.
La culture de la consommation de racines de lys s’était alors répandue à Van. Et Poncho Ishizuka Panacotta, qui leur avait personnellement distribué les boulettes, était devenu respecté presque de façon divine par les femmes au foyer de Van. Elles étaient même venues à l’appeler « Seigneur Ishizuka ».
Peut-être qu’un jour il y aurait des sanctuaires construits afin de l’adorer, tout comme pour Billiken.
☆☆☆
Chapitre 2 : Réunion à un Coin de Rue de Van
Partie 1
— dans les derniers jours du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — Capitale Princière, Van
Un peu plus de trois semaines s’étaient écoulées depuis que l’armée du Royaume d’Elfrieden était venue occuper Van, la capitale de la Principauté d’Amidonia.
Les habitants de Van avaient regardé durement leurs conquérants quand ils étaient arrivés. Cependant, avec Souma qui surveillait de près ses soldats, l’ordre public s’était amélioré et avec les boulettes de racine de lys qui avaient été distribuées, les habitants ne risquaient plus de mourir de faim. Leur méfiance à l’égard des soldats s’estompait progressivement. Le fait que les nobles et les chevaliers qui auraient normalement travaillé afin de fomenter une rébellion avaient tous fui la ville avait probablement également contribué à ça.
Un air de calme commençait à s’installer dans la ville.
Cependant, cela étant dit... alors que cela aurait été bien si c’était purement calme, il semblerait que le programme de musique que Souma diffusait avait fait que les habitants de Van brûlaient désormais d’une passion pour les arts. À chaque coin de rue, il y avait des ménestrels, des musiciens de rue et des artistes de rue de toutes sortes qui exerçaient leurs métiers.
Et pour couronner le tout, il y avait ceux qui voulaient repeindre leurs maisons afin de les rendre plus colorées, et même ceux qui voulaient faire des peintures murales affichant les beaux visages de Juna et des Loreleis, de Chris, la présentatrice, et d’Aisha, qui était connue pour son rôle lors de l’émission. Ces choses-là commençaient à devenir incontrôlables.
Qui aurait cru qu’elle avait été la capitale d’un État militariste il y a seulement un mois ?
Souma avait appelé cette période de Van la Renaissance Amidonienne.
Les changements soudains étaient toujours chargés de confusion, et à Van il y avait des conflits quotidiens sur les meilleurs endroits pour organiser des spectacles de rue. Les troupes de l’Armée Interdite qui avaient été laissées afin d’occuper la ville avaient été envoyées afin d’effectuer une médiation, et les soldats de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air qui campaient à l’extérieur de la ville les avaient regardés avec pitié. Pourtant, de tels désaccords n’avaient jamais conduit à de grosses émeutes, et Van était toujours restée plus ou moins en paix.
Cependant, cette journée avait commencé avec une Aisha qui criait bruyamment. « P-Princesse!! »
« Hein !? » s’exclama Liscia.
Il s’agissait d’un matin, très tôt. Liscia était en train de s’habiller dans la pièce qu’elle utilisait en tant que chambre quand Aisha avait fait irruption sans même frapper à la porte.
C’était si soudain que Liscia se figea de surprise, mais quand elle se souvint qu’elle était en train de s’habiller, elle continua à mettre son uniforme tout en demandant. « Aisha, qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi êtes-vous si troublée ? »
« C-C’est... Sa Majesté... Sa Majesté est, » bredouilla Aisha. Peut-être parce qu’elle était à bout de souffle, elle avait du mal à faire sortir les mots.
« Calmez-vous, » déclara Liscia. « Prenez une profonde inspiration. »
« D’accord, » Aisha prit une profonde inspiration, comme cela lui avait été indiqué. Elle avait déplacé ses bras de haut en bas pendant la période de temps entre chacune de ses respirations haletantes.
Une fois qu’elle était sûre qu’Aisha se fut calmée, Liscia essaya à nouveau de demander. « Alors, que se passe-t-il avec Souma ? »
« C’est vrai, » déclara Aisha. « Comme d’habitude, ce matin, je suis allée au bureau des affaires gouvernementales afin de pouvoir saluer Sa Majesté, mais il n’était pas là. À la place, j’ai trouvé cette note qu’il a laissée sur le bureau. » Aisha avait donné un morceau de papier à Liscia.
Liscia avait alors pris le morceau de papier et l’avait lu. Ça disait, « Je pars en voyage. S’il vous plaît, ne me cherchez pas. Signé, Souma Kazuya. »
Liscia posa une main sur ses tempes et soupira, tandis qu’Aisha recommença à paniquer.
« Q-Que faisons-nous ? Nous devrions tout de suite aller le chercher ! » déclara Aisha.
« Je vous le dis, calmez-vous, » dit Liscia. « Souma prend simplement son jour de congé. »
« Hein !? Un jour de congé ? » Aisha la regarda fixement.
« C’est bien ça, » déclara Liscia tout en faisant un signe de tête. « Il est avec Tomoe. Dernièrement, nous avions l’impression qu’il se rapprochait du point de rupture à cause de sa charge de travail supplémentaire, alors je lui ai suggéré de prendre un peu de repos. Je me suis même arrangée avec Hakuya. Quand je l’ai fait, Souma a dit. “Eh bien ! Dans ce cas, peut-être que je vais juste me prélasser dans une pièce tout en m’occupant à faire des poupées.” Comme cela n’avait pas l’air sain, j’ai donc demandé de l’aide à Tomoe pour qu’elle l’oblige à aller dehors avec elle. »
« Je n’ai rien entendu de tout ça ! » Aisha s’était exclamée. « Je suis la garde du corps de Sa Majesté, vous vous en rendez compte ? Pourquoi ne m’a-t-il pas emmené ? »
Quand elle avait vu Aisha avec des larmes aux yeux, Liscia avait fait un haussement d’épaules. « Vous vous démarquez bien trop des autres. Nous sommes dans un pays essentiellement humain, donc les elfes sombres se démarquent bien trop, et avec votre renommée récemment acquise lors de l’émission, vous ne serez pas vraiment capable de garder profil bas. »
« Vous savez, il n’y a pas si longtemps, il s’agissait d’un territoire ennemi ! » Aisha s’était plainte. « Si quelque chose devait arriver à Sa Majesté et à Tomoe... »
« N’ayez pas peur, » Liscia l’avait alors rassurée. « Ils sont déguisés, et cette fois-ci, Juna et un certain nombre de marines d’élite les surveilleront tout en restant dans l’ombre. »
« Madame Juna les accompagne également ? Eh bien ! Dans ce cas, il devrait être en sécurité..., » Aisha était arrivée si loin dans sa réflexion que le sourire mature de Juna lui traversa l’esprit.
Selon Aisha, Juna était la femme idéale. Magnifique, gracieuse, douce... Elle aurait donné n’importe quoi pour être comme elle. Toutefois... Mis à part cela, quand elle avait imaginé le sourire de Juna, tous les instincts qu’Aisha avait en tant que femme avaient commencé à déclencher des sonnettes d’alarme.
Si je baisse ma garde, elle va s’enfuir avec toutes les meilleures parties, pensa-t-elle.
« Il sera en sécurité... n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.
« ... »
En vérité, Liscia pensait la même chose, alors elle n’avait rien à dire en réponse.
☆☆☆
Partie 2
« Hehe ! Il fait beau aujourd’hui, n’est-ce pas, grand frère ? » Demanda Tomoe.
« C’est sûr, Tomoe, » dis-je.
J’étais dans la rue marchande de Van, marchant main dans la main avec ma petite sœur honorifique, la louve mystique Tomoe. Il y avait eu une quantité quasi mortelle de travail administratif à faire ces derniers temps. Alors Liscia, incapable de me regarder me tourmenter plus longtemps, avait suggéré que je prenne mon premier jour de congé depuis que j’avais patrouillé dans la capitale royale.
Je m’étais alors dit que si j’avais du temps libre, je préférerais l’utiliser pour paresser, comme un père en vacances, mais Liscia avait dit que c’était malsain et avait ordonné à la petite Tomoe de m’emmener faire une promenade dans la ville du château.
Il s’agissait d’une région qui avait été un territoire ennemi jusqu’à tout récemment, alors nous étions légèrement déguisés aujourd’hui. Mes traits faciaux étaient censés être similaires à ceux des humains de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes. Et donc, à partir de là, j’étais habillé comme un voyageur. Je portais une cape de voyage et un chapeau de paille conique, me faisant ressembler à Kitakaze Kozou. [1]. Tomoe, quant à elle, portait une robe blanche avec une capuche, tel un mage blanc qu’on trouve dans certains jeux. Honnêtement, je me demandais si cela valait la peine de se déguiser pour sortir, mais...
« Wôw ! Grand frère, il y a tellement de magasins différents ! » s’exclama Tomoe.
... quand je vis Tomoe aussi excitée, plus rien d’autre ne comptait pour moi.
« Si tu vois quelque chose qui t’attire, pourquoi n’irions-nous pas à l’intérieur ? » demandai-je.
« D’accord ♪ ! ♪♪♪. » dit-elle en se mettant à chanter.
Après que Tomoe me répondit avec cette réplique si énergique, je lui avais flatté la tête. Les cheveux entre ses deux oreilles de louve étaient moelleux et doux au toucher. C’était incroyable. Ahh... C’était si apaisant.
J’avais alors essayé de parler à la personne qui était de l’autre côté. « Juna, êtes-vous d’accord avec ça ? »
« Tout à fait, » Juna avait dit ça, en me faisant également un sourire empli de tendresse. « Si ça vous fait plaisir, Maître Kazuya. »
Pour ces vacances secrètes, en remplacement d’Aisha, j’étais supposé avoir Juna et une dizaine de ses marines qui me surveillaient depuis l’ombre.
... Oui, depuis l’ombre.
« Hm, Juna ? Pourquoi vous êtes-vous enroulée autour de mon bras ? » demandai-je.
Juna s’était agrippée à mon bras que je n’utilisais pas pour caresser la tête de Tomoe. Elle était incroyablement proche de moi. À l’heure actuelle, Juna portait une épée longue sur son dos, ainsi qu’un plastron sur le dessus de ses vêtements. Comme elle était habillée telle une aventurière tout à fait typique, je n’avais pas senti ces choses si voluptueuses se presser contre moi. Pourtant, je pouvais sentir la chaleur de Juna directement contre mon bras.
Juna semblait voir à quel point j’étais troublé, car elle me lança un sourire malicieux. « Oh ! Est-ce que c’est mal pour moi de faire ça ? »
« Ce n’est pas une question de bien ou de mal... N’étiez-vous pas censée me protéger depuis l’ombre ? » demandai-je.
« Nous vous protégeons comme nous sommes censés le faire, » déclara Juna. « En ce moment, mes marines d’élite vous protègent dans l’ombre. Ils sont placés tout autour de nous afin de surveiller tout éventuel angle mort. »
« Non, mais... n'est-ce pas votre visage là-bas, » protestai-je.
Les habitants d’Amidonia devraient connaître le visage de Juna à cause de l’émission de musique. Même si elle n’était pas aussi reconnaissable que l’elfe sombre Aisha, Juna ne cachait nullement son visage en ce moment. Est-ce que quelqu’un n’allait pas là reconnaître ?
Quand je lui avais demandé ça, Juna s’était mise à glousser. « Ça devrait aller. Ce jour-là, je portais du maquillage. J’ai dû leur faire une impression très différente par rapport à maintenant. »
Maintenant qu’elle avait mentionné ce fait... Aujourd’hui, Juna portait seulement le strict minimum du maquillage. Chaque fois qu’elle se tenait sur scène ou devant le joyau en tant que Lorelei, elle devait toujours utiliser un maquillage empli de charme qui serait reconnaissable à distance. La Juna que je voyais maintenant avait une beauté naturelle, mais en enlevant juste son maquillage, cela la rendait plus jeune que d’habitude. En ce moment, elle avait l’air de son âge réel.
« C’est vrai, » comme si elle lisait dans mon esprit, Juna avait dit. « ... La raison pour laquelle je ressemble à un adulte mature est à cause de ce maquillage, l’avez-vous compris ? »
« Non, je suis sûr que la façon dont vous agissez en fait également partie, » dis-je. « Mais, est-ce que cela vous dérange ? »
« Après tout, je suis une fille, » dit-elle. « Cela vous dérange-t-il de lier votre bras avec moi, sire ? »
Juna affichait une expression qui semblait quelque peu incertaine. Ce visage... Elle ne jouait pas juste la comédie.
« Ce n’est pas que ça me dérange, » dis-je. « Allez-y, épatez-nous ! »
« Hehe, » gloussa-t-elle. « Merci beaucoup. ♥♥♥. »
« Wôw... Juna, ce qui est sûr c’est que vous êtes vraiment incroyable, » déclara Tomoe. « J’aimerais pouvoir être comme vous. »
« ... Tomoe, ne pensez-vous pas que vous êtes bien comme vous êtes ? » Juna déclara ça d’une manière catégorique face à la petite fille qui la regardait avec un grand respect. Tomoe était mignonne, et en grandissant, elle pourrait devenir une beauté tout comme l’est Juna. Une fois qu’elle aura grandi et aura appris à jouer à des jeux avec les hommes, cela pourrait être la naissance d’une incroyable petite femme fatale.
Pendant que j’y pense, j’avais fini par marcher avec la main de Tomoe dans la mienne, et Juna qui s’était enroulée autour de mon autre bras. Personne n’avait réalisé nos véritables identités, mais les regards emplis de jalousie des hommes qui passaient et les chuchotements des femmes au foyer essayant de deviner la relation entre nous trois avaient commencé à me donner mal à l’estomac.
Afin de ne pas penser à ça, j’avais essayé de parler à Juna. « Eh bien... Où allons-nous ? Contrairement à Parnam, Van n’en a pas beaucoup, donc il n’y a pas beaucoup d’endroits où je veux aller patrouiller. »
« Lorsque vous êtes en ville pendant votre jour de congé, je ne sais pas si vous devriez penser à aller patrouiller, » Juna avait ri avec ironie face à mon processus de pensée totalement tourné vers le travail.
Désolé d’être si obsédé par le travail, pensai-je.
Puis, Juna jeta un coup d’œil à Tomoe avant de me chuchoter à l’oreille. « Que diriez-vous de donner en cadeau de nouveaux vêtements à Tomoe ? Puisqu’elle est votre petite sœur honorifique, vous pouvez appeler ça un cadeau entre membres de la même famille. »
« Oh ! C’est une bonne idée, » dis-je.
Maintenant qu’elle l’avait mentionné, depuis que j’avais accepté Tomoe comme ma petite sœur (bien que, techniquement, elle était la petite sœur adoptive de Liscia et donc ma future belle-sœur), j’avais été occupé avec le travail administratif et donc, je n’avais pas pu agir comme un grand frère convenable. Tomoe avait travaillé dur sur la négociation avec les rhinosaurus et les shoujous, et donc, cela pourrait être sympa qu’aujourd’hui, je la gâte.
« Juna, connaissez-vous un bon endroit pour ça ? » demandai-je.
« J’ai fait mes recherches, » dit-elle. « Laissez-moi faire ! » Elle posa sa main sur sa poitrine, s’inclinant légèrement.
Juna avait recommandé un magasin de vêtements se trouvant au coin de la rue.
Le petit signe à l’avant du magasin avait des mots signifiant « Le Cerf d’Argent » écrit dessus avec une élégante écriture. D’après ce qui était exposé dans la vitrine, il semblerait que cela ne concernait pas seulement les vêtements, mais aussi les chaussures et les accessoires. Il était difficile de juger avec mes yeux sans expertise, mais les produits exposés étaient tous de haute qualité. Il s’agissait vraiment d’un magasin de première classe. Le genre d’endroit où un homme tel que moi, qui avait toujours acheté ses vêtements en vente chez les grands détaillants, ne viendrait jamais dedans.
À ce propos, depuis mon arrivée dans ce pays, j’avais porté tout ce que je pouvais me procurer ou que nous avions déjà à portée de main. Dernièrement, le travail que j’avais fait pour créer et entretenir les poupées Petit Musashibo avait amélioré mes compétences de couture, et donc, j’avais pu tout fabriquer sauf mes sous-vêtements. J’avais techniquement ce qui serait considéré comme un poste très bien payé, donc je pouvais me permettre de faire des commandes sur mesure, mais je n’avais aucun intérêt à tomber maintenant dans le luxe.
La chemise et le pantalon que j’avais sous cette cape de voyage, ainsi que la robe à capuche que Tomoe portait, avaient été fabriqués par mes mains.
« Grand frère, vous pouvez même faire des choses comme ça. Vous êtes incroyable, » déclara Tomoe.
Quand Tomoe m’avait couvert de ce regard de respect, je pouvais sentir ma tête se gonfler de fierté. « Après tout, ici, je ne peux pas acheter les vêtements que j’avais l’habitude de porter dans mon propre monde. Bien que je le fasse à moitié comme un passe-temps. » Je l’avais dit ainsi afin de cacher mon embarras.
J’avais regardé Le Cerf d’Argent. « Pourtant, c’est une surprise pour moi. Un magasin aussi élégant que comme celui-ci à Amidonia, comme c’est étonnant. »
« J’ai entendu dire qu’à l’origine, il faisait des vêtements et accessoires pour hommes, » déclara Juna. « Mais, après l’émission, lorsque les femmes ont commencé à vouloir s’habiller avec élégance, ce magasin a commencé à stocker des vêtements et des accessoires pour les femmes. »
Il semblerait que leur sélection avait changé en réponse à la demande des clients.
« Pourtant, c’est une sélection, n’est-ce pas ? » demandai-je. « Où pensez-vous qu’ils approvisionnent pour tout cela ? »
« Il y a des guildes marchandes, » déclara Juna. « Bien qu’elles ne puissent pas faire grand-chose au sujet de la nourriture, ce qui est rare, les guildes peuvent s’arranger pour se procurer tout autre type de biens. Pour ces marchands, Elfrieden et Amidonia sont à la fois des sources de marchandises et des clients importants. »
« Comme c’est astucieux, » dis-je.
Bien sûr, c’était ces marchands astucieux qui avaient maintenu l’équilibre entre l’offre et la demande... mais ce n’était pas le moment opportun de penser à ça, et je pensais que nous ne devrions pas flâner devant pendant trop longtemps.
« Eh bien ! Que diriez-vous de nous déplacer à l’intérieur du magasin ? » demandai-je.
J’étais entré dans le magasin, faisant signe aux deux filles qu’elles devaient me suivre. Un homme aux cheveux gris cendré qui était habillé comme un barman était en train de placer des produits sur les étagères. Il semblait être le genre de gentleman d’âge moyen dont l’arôme du thé noir conviendrait à merveille.
Après nous avoir aperçus, il se remit debout, puis posa une main sur sa poitrine, avant de s’incliner devant nous. « Bienvenue. Êtes-vous peut-être des voyageurs ? »
« Ha... Heu..., » j’avais un peu bégayé. Bien que le fait de révéler ma véritable identité soit hors de question, comment expliquer la combinaison d’un homme avec un chapeau de paille conique, d’une belle aventurière et d’une louve en capuche blanche ? Pendant que je me débattais pour trouver quelque chose, Juna s’avança.
« Tout à fait. Ces deux personnes viennent d’un royaume de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes, » dit-elle. « Ils se trouvent être Kazuya, l’héritier d’un marchand de tissu dans le Royaume d’Echigo, et sa jeune sœur, Tomoe. Je suis leur humble servante, Silvia. Maître Kazuya héritera un jour de l’entreprise familiale et nous voyagions à travers de nombreux pays afin d’élargir ses horizons. »
Elle était vraiment très éloquente.
Juna, bien jouée, pensai-je. Mais attendez, je suis impressionné que vous vous souveniez de mon absurde histoire me présentant comme l’héritier d’un marchand de tissu dans le Royaume d’Echigo. Même moi, j’avais complètement oublié cette histoire. Mais dans ce cas, qui est censé être Silvia ?
L’homme d’âge moyen n’avait affiché aucun intérêt particulier. « Je vois, » dit-il avec un léger hochement de tête. « Je m’excuse d’avoir pris si longtemps avant de me présenter. Je suis Sébastien, le propriétaire de cet établissement. »
Avec ce nom, êtes-vous sûr que vous n’êtes pas le majordome, plutôt que le propriétaire ? J’avais réfléchi un moment, mais je m’étais alors rappelé que tous les Sébastien ne devaient pas tous être des majordomes.
Souriant, Sébastien avait alors demandé, « Aujourd’hui, en quoi puis-je vous aider ? »
« Hé bien... ! Avez-vous quelque chose qui serait bien pour ma petite sœur ici présente ? » demandai-je.
« Whein!? » Tomoe avait réagi due à la surprise.
Je posai ma main sur sa tête, lui tapotant le haut de sa capuche. « Eh bien... C’est comme ça, alors si tu vois quelque chose que tu aimes, fais-le-moi savoir, d’accord ? »
« Heu... Mais..., » dit-elle.
« C’est correct. Laisse-moi agir en tant que grand frère adéquat de temps en temps, » dis-je.
Avec ces mots, j’avais poussé Tomoe vers Juna.
Juna hocha la tête vers moi, puis elle prit Tomoe par la main et alla voir les marchandises exposées. Au début, Tomoe était raide, mais après tout, elle était une fille. Alors qu’elle regardait les différents objets avec Juna, je pouvais la sentir entrer progressivement dans l’ambiance.
Et maintenant, ceci m’avait laissé dans une situation classique où un homme avait très peu de choses à faire. Pendant un moment, j’aimais regarder la belle femme et la petite fille s’amuser à regarder quoi acheter, mais je me sentais fatigué d’attendre, et j’avais donc erré dans le magasin.
Il y avait des vêtements, des chaussures, des accessoires et même du maquillage. Il y avait un très grand choix d’articles présents ici. Vraiment, c’était le 109 [2] d’Amidonia... Eh bien, je n’étais moi-même jamais allé au 109, ou même à Shibuya. Peut-être parce que les femmes de Van avaient commencé à s’éveiller à la mode, plus de 80 % des produits en ventes étaient consacrés aux femmes. Cette boutique était auparavant supposée s’adresser seulement aux hommes, mais maintenant il y avait des manteaux pour nous, et c’était à peu près tout.
En regardant autour de moi, j’avais trouvé un certain nombre de produits qui m’intéressaient.
Le premier était du rouge à lèvres. Il s’agissait d’une couleur plus claire que le rose clair.
Le second était un accessoire pour les cheveux. Il avait été fabriqué avec de l’or et de petites pierres, ce qui donnait l’impression d’être une pièce de qualité, mais il avait un motif de coccinelle, ce qui le faisait paraître étrangement enfantin.
Le troisième était un collier. Il était réalisé avec du cuir bleu et des feuilles en argent étaient éparpillées telles des étoiles. Le fermoir était en or, avec un forme telle celle d’un oiseau déployant ses ailes.
Ils avaient tous l’air très bien.
Et finalement... la dernière chose qui avait attiré mon attention était une paire de mocassins minuscules destinés à une jeune fille. Ils avaient des attaches avec un motif de ruban sur eux, et étaient absolument adorables.
Ces mocassins... Je pense qu’ils pourraient être parfaits sur Tomoe, pensai-je.
« Hé, Tomo..., » commençai-je.
« Maître Kazuya, »
Juste au moment où j’allais les appeler, Sébastien m’avait arrêté.
Je m’étais retourné, pensant que c’était suspect, et là, Sébastien avait dit, « Pardonnez-moi pour cette soudaine interruption, » avant de s’incliner. « Maître Kazuya, il y avait quelque chose que je voulais vous demander. Est-ce acceptable de vous le demander ? »
« ... Qu’est-ce que c’est ? » demandai-je.
« Supposons que, sur le champ de bataille, les généraux se soient réunis pour un conseil de guerre, » déclara Sébastien.
... Quoi ? Champ de Bataille ? Conseil de Guerre ? Pourquoi est-ce qu’il annonce tout ça tout à coup ? pensai-je.
« Supposons aussi que la première idée soulevée à ce conseil de guerre soit bonne, » déclara Sébastien. « Si vous étiez le Commandant Suprême de cette armée, adopteriez-vous immédiatement cette idée ? »
« ... Je ne l’aurais pas fait, » dis-je. « Car je pense qu’il pourrait y avoir de meilleures idées. »
« Précisément, » dit-il. « C’est pourquoi, si vous étiez l’un des généraux, et que vous vouliez faire adopter votre idée, plutôt que de la soumettre tout de suite, attendez que le conseil se trouve dans une impasse. »
« Je vois, je vois, » dis-je.
« Ce que je veux dire, c’est que les jeux effectués entre hommes et femmes sont également des batailles, » dit-il.
« ... Ah, » dis-je. « Je vous comprends. »
J’avais finalement compris ce que Sébastien essayait de dire. Il disait que je devrais attendre un peu plus longtemps avant de pousser les mocassins que je pensais bien pour Tomoe.
C’était assez juste, parce que Juna et Tomoe s’amusaient à regarder tous les autres produits. Si je leur apportais maintenant quelque chose de bien, ce serait comme verser un seau d’eau froide sur elles alors qu’elles s’amusaient comme des folles. Si elles choisissaient d’aller dans mon sens, alors leur temps de plaisir finirait avec ça, et si elles choisissaient de ne pas le faire, alors ce serait gênant pour moi. Et aucune des deux situations n’était ce qu’elles voulaient.
J’étais profondément reconnaissant pour la recommandation de Sébastien. « Vous, monsieur, êtes un merveilleux tacticien. »
« Je suis honoré de vos éloges, » Sébastien plaça sa main droite sur son ventre, me saluant respectueusement. C’était un geste très théâtral, mais il avait été effectué sans heurts, donc ça ne m’avait nullement offensé.
Puis, quelque chose m’était venu à l’esprit.
« En passant, vous venez d’utiliser l’analogie du conseil de guerre..., » pourrait-il être conscient de nos véritables identités ? J’en avais parlé parce que je pensais que cela pourrait être le cas, mais Sébastien secoua précipitamment la tête.
« Oh Mon Dieu..., » dit-il. « Pardonnez-moi pour ça. Jusqu’à l’autre jour, voyez-vous, je n’avais eu affaire qu’avec la noblesse. Je n’arrive donc pas à rompre avec l’habitude. Si je vous ai offensé d’une façon ou d’une autre, je m’en excuse. J’ai un client régulier qui aime beaucoup ces plaisanteries. »
« ... Non, ce n’est pas grave, » dis-je. « Est-ce que c’est votre client régulier est un soldat ? »
« Non, non, il est plutôt comme un adorable petit tanuki [3], » déclara Sébastien.
Un petit tanuki, hehe. Entre le propriétaire que je ne pouvais pas analyser, et cette personne qu’il appelait un petit tanuki... J’étais intrigué. Mais, mettant cela de côté pour l’instant, j’avais acheté quelques objets en silence afin que les deux autres personnes ne le remarquent pas. Après cela, j’avais attendu que les deux filles finissent de regarder ce qui les intéressait, puis j’avais recommandé à Tomoe ces jolis mocassins. Tomoe hésitait à accepter, comme je m’y attendais, elle avait l’air de bien les aimer, et donc, je les avais à un peu poussés sur elle en disant que c’était un cadeau.
Tomoe tenait la boîte avec les mocassins serrés contre sa poitrine. « J-Je vous remercie... grand frère... Je vais les chérir... »
Alors qu’elle disait ça, des larmes s’étaient formées dans ses yeux, alors j’avais doucement caressé sa tête. Peut-être que maintenant nous avions un peu pu agir comme frère et sœur. Si j’y pensais, les seules personnes que j’avais pu dire qu’il était de ma famille étaient auparavant mes grands-parents.
Mais maintenant, il y avait Liscia, il y avait Tomoe, et il y avait Aisha ainsi que Juna.
... Oui, c’est bon de pouvoir se sentir lié aux personnes. En tapotant la tête de ma petite sœur, cette pensée avait vraiment commencé à pénétrer en moi.
Juna était debout à côté de nous, nous regardant avec un sourire.
Notes
- 1 Une chanson de Saburou Kitajima et Hibari Jidou Gasshoudan qui a figuré au programme du Minna no Uta de la NHK.
- 2 109 : Le 109 (en japonais appelé ichi-maru -- kyū ou maru-kyu) à Shibuya (Tokyo, Japon) est un centre commercial où l’on trouve essentiellement des produits vestimentaires.
- 3 Tanuki : Le bake danuki (化け狸?), plus connu en Occident sous le nom de tanuki (タヌキ ou 狸) est, dans la mythologie japonaise, un des yōkai (esprits) de la forêt, inspiré du chien viverrin, une sous-espèce de canidés ressemblant au raton laveur et également parfois confondu avec le blaireau, auquel les Japonais attribuent des pouvoirs magiques. Maître des déguisements, il est réputé pouvoir changer de forme à volonté. Les tanuki sont souvent représentés portant un chapeau de paille et une gourde de saké, avec un ventre rebondi qu’ils utilisent comme un tambour et des testicules de grande taille, ce qui donna naissance à des dessins et des légendes humoristiques.
☆☆☆
Partie 3
« Ah, Juna, » dis-je. « Attendez une seconde. »
Nous étions l'après-midi quand nous avions quitté le magasin de Sébastien. Pendant que nous étions en train de nous déplacer, cherchant un endroit afin de déjeuner, j’avais demandé à Juna de s’arrêter un instant.
« Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-elle.
J’avais alors tendu un petit sac à Juna qui me regardait d’un air interrogateur. « Je voulais vous donner cela. »
« Est-ce vraiment pour moi ? » demanda-t-elle.
Juna l’avait accepté, puis l’avait ouvert et à l’intérieur, il y avait l’accessoire en forme de coccinelle. C’était l’un de ceux que j’avais secrètement achetés plus tôt.
« Hein !? » cria-t-elle. « Hm ! Mais c’est... »
« Vous avez toujours beaucoup fait pour moi, » dis-je. « C’est ma façon de vous dire merci. »
« Non, je ne peux pas accepter quelque chose comme ça, » dit-elle. « Je n’ai pas le droit de... »
« Donnez-le-moi un instant, » dis-je.
J’avais pris la coccinelle des mains de Juna, et je l’avais attachée dans ses cheveux.
Oui, ça ressemblait à ce que j’avais imaginé. Il s’agissait d’une conception un peu enfantine pour la Juna habituellement si mature, mais quand la Juna plus jeune d’aujourd’hui la portait, elle ressemblait à une jeune fille essayant un peu trop durement de paraître mature. C’était vraiment mignon.
« Juna, il vous convient vraiment bien, » dis-je.
« Ohh... » murmura-t-elle.
Alors que j’avais agi comme si j’étais le plus mature, Juna avait rougi d’une façon inhabituelle. J’avais l’impression d’avoir finalement remporté une petite victoire sur elle, alors que c’était elle qui semblait toujours la plus mature. Juna tourna la tête sur le côté et détourna les yeux.
« Sire. Si vous voulez donner des cadeaux à des femmes, assurez-vous de les donner simultanément à la princesse et aux autres. Dans votre position, vous finirez probablement par prendre plusieurs femmes en tant qu’épouse. Si cela arrive, vous ne pouvez pas faire preuve de favoritisme. Vous devez soit les aimer toutes de la même façon, soit accepter que le mariage est juste un autre outil politique et ne pas les aimer du tout. Dans tous les cas, ne pas causer de discorde entre les femmes se trouvant dans votre vie est un autre de vos devoirs, est-ce compris ? »
Juna parla rapidement, essayant de me distraire. Le fait qu’elle ait autant parlé d’un coup était la preuve de son embarras.
« C’est compris, mais ce n’est pas un problème, » dis-je. « J’ai également acheté quelque chose pour offrir à Liscia et à Aisha. »
Quand il s’agissait d’accessoires, Liscia avait tendance à préférer ceux qu’elle pouvait porter dans la bataille sur ceux qui étaient juste mignons. J’avais choisi le collier en cuir bleu pour elle, car il était élégant, mais qu’il ne gênerait nullement Liscia au cœur de la bataille.
Pour Aisha, qui, comme Juna, m’aidait toujours, je projetais de lui donner ce rouge à lèvres que j’avais trouvé, car je pensais qu’il irait magnifiquement avec sa peau brune et en pleine santé. Tout en étant l’hôte de l’émission de musique, il m’avait semblé qu’elle avait été inquiète de savoir à quel point elle était féminine.
« Donc vous n’avez nullement besoin de vous inquiéter à ce sujet, » expliquai-je.
« Est-ce vrai... ? », demanda-t-elle.
« C’est le cas. Et au fait, Juna ? » dis-je.
« ... Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-elle.
« Ce n’est pas Sire, mais c’est Maître Kazuya. Est-ce que vous vous en souvenez ? » dis-je.
« Haaa..., » répondit-elle.
Juste avant ça, Juna m’avait appelé avec un « Sire » et non pas un « Maître Kazuya ». On dirait que quand elle avait commencé à me parler sans interruption, elle essayait vraiment de cacher son embarras.
Juna avait un air renfrogné sur son visage rouge. « Maître Kazuya... est un tyran étonnamment grand. »
« Vraiment ? » demandai-je.
« Oui. Et un fameux homme à femmes, » dit-elle en s’enroulant à nouveau autour de mon bras. Mais cette fois, c’était encore plus étroitement que la dernière fois.
Par-dessus mon épaule, je pouvais voir le sourire embarrassé de Juna, avec cet objet dans ses cheveux qui brillait par-dessus tout.
« Wôw... grand frère, il y a beaucoup de petites boutiques ! » Tomoe avait crié joyeusement, voyant tous les stands de rue alignée dans la place.
Lors de notre recherche d’un endroit afin de déjeuner, Juna nous avait conduits à la place où se trouvait le récepteur du Joyau de Diffusion de la Voix. Il y a seulement un mois, cet endroit avait été une zone en plein air totalement vide, mais maintenant il était rempli d’étals de nourriture et de biens divers. Nous venions juste de mettre les pieds dans la place, mais nous pouvions déjà entendre les propriétaires d’étals tenter d’attirer des clients, et les clients qui marchandaient afin de trouver la meilleure affaire.
Les visages présents dans la foule étaient divers et variés. Les femmes au foyer étaient là afin d’acheter des ingrédients pour le dîner. Un groupe d’artisans était là pour le déjeuner. Même les soldats au repos de l’armée du Royaume étaient là afin d’acheter des collations.
Ils doivent être de l’Armée de Terre, m’étais-je dit. Les soldats de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air qui campaient à l’extérieur avaient été autorisés à entrer dans la ville quand ils étaient en congé.
Je pourrais également voir un grand nombre de non-humains qui ressemblaient à des voyageurs ou à des aventuriers.
Race, travail, nationalité..., rien de tout cela n’était important ici. Il s’agissait là d’un gros méli-mélo de personnes de tous âges et de tous genres.
« ... Comment cela a-t-il pu finir par devenir ainsi ? » Me demandai-je.
« Grâce à Monsieur Poncho, la crise alimentaire de Van a été considérablement allégée. Mais seul un si grand nombre de personnes peuvent produire de la nourriture en quantité suffisante pour soutenir un restaurant, » expliqua Juna. « Cependant, les personnes qui pensent pouvoir gérer un stand de nourriture se rassemblent ici. C’est donc devenu maintenant le plus grand marché de Van. »
« Dans un endroit isolé comme celui-ci ? » demandai-je. « Ne serait-ce pas mieux dans la rue principale ? »
« C’est parce que le récepteur du Joyau de Diffusion de la Voix se trouve ici, » répondit-elle.
« Oh, je comprends..., » dis-je.
Depuis la diffusion de cette émission de musique, nous avions diffusé quotidiennement le programme d’information de Chris Tachyon pendant la journée et l’émission de chant le soir. Les clients ne s’étaient pas rassemblés ici parce qu’il y avait des stands de présent en ce lieu. Les stands s’étaient rassemblés ici parce qu’il y avait des personnes qui attendaient afin de pouvoir regarder la diffusion produite par le Joyau de Diffusion de la Voix.
C’est un peu comme le marché noir du Japon d’après-guerre, pensai-je. Peut-être qu’un jour ça finira comme Ameyoko [1].
Juna et les Loreleis n’étaient apparues que lors de l’émission de musique de la fin de semaine. Pour tous les autres jours de la semaine, nous avions organisé des émissions où les participants étaient des personnes qui voulaient devenir de véritables Loreleis et qui venaient ici afin de percer dans le milieu.
Le Joyau de Diffusion de la Voix fonctionnait toujours sur un principe de diffusion en direct. Car si les Loreleis avaient été les seules à apparaître lors des émissions, cela aurait été une trop importante pression qui aurait été mise sur leurs épaules.
Si quelqu’un qui participait à ce concours était considéré comme ayant un don pour le chant, il pourrait être nouvellement institué en tant que chanteur tout comme Margarita, ou, si elles étaient attrayantes par-dessus le marché, une Lorelei. S’ils étaient des hommes, ils pouvaient faire leurs débuts en tant que l’une des nouvelles classe d’idoles masculines : les chevaliers chantants, des Orphées.
L’émission avait été simultanément diffusée dans deux pays, Elfrieden et Amidonia, et elle avait pu être vue dans n’importe quelle ville où il y avait un récepteur. La réaction pourrait être différente à Amidonia, ou dans les villes d’Elfrieden qui pourraient réagir de la même manière.
Plus tard, je vais devoir estimer l’impact économique de cela, pensai-je avec un sourire.
C’est à ce moment-là que Tomoe tira sur mon manteau.
« Grand frère, je suis affamée, » dit-elle.
« Oh, c’est vrai, » déclara Juna. « Eh bien, que diriez-vous de nous procurer quelque chose de l’un de ses stands ? »
« Ouais !♪ ! » Tomoe se mit à fredonner après ça.
« Alors, c’est ce que nous ferons, » déclara Juna.
Nous avions tous trois regardé autour de nous les différents stands qui étaient présents. Quarante pour cent se trouvaient être des stands qui vendaient de la nourriture, vingt pour cent vendaient divers accessoires, vingt pour cent vendaient de l’équipement, tandis que le reste s’occupait d’autres produits.
Il semblerait que beaucoup de stands de nourriture vendaient des brochettes. Van était loin de la mer, donc ils ne pouvaient mettre la main que sur les sortes de poissons qu’on trouvait dans les rivières, et avec la crise alimentaire qui persistait encore, les céréales et les légumes étaient chose rare. En revanche, pour la viande, tout ce qu’ils avaient à faire était de chasser les animaux sauvages.
Ils vendaient probablement de la viande qui avait été chassée à l’extérieur des murs de la cité. À cause de ce fait, aucun des stands n’indiquait ouvertement le type de viande qu’ils vendaient. C’était pire que de mal étiqueter leur viande afin de pouvoir la vendre à un prix plus élevé. C’était un mystère total vis-à-vis des créatures dont la viande était actuellement vendue ici.
« On a l’impression de faire un pari en achetant l’une de ses brochettes..., » murmurai-je.
La viande de lapin cornue, je pourrais probablement le supporter, mais la viande de rat et de lézard géante, et bien... Je pense que ma santé mentale prendrait un sérieux coup si je devais manger ça. De plus, s’ils se retrouvaient à chasser tout ce qu’ils pouvaient trouver dans les campagnes avoisinantes, on ne savait pas quels maladies ou parasites pourraient être présents dans la viande. Dans ce monde, il n’y avait pas de lois sur l’hygiène alimentaire, et aucun des cuisiniers n’avait besoin d’avoir de certifications.
Éventuellement, je vais devoir aussi instituer tout cela..., pensai-je.
« C’est correct, » Juna avait dit ça avec un sourire vraiment adorable. « J’ai déjà fait venir les marines avant que nous arrivions ici et ils ont servi de goûteurs pour les poisons. Permettez-moi de vous guider vers un stand sécurisé. »
« Goûteur de poison !? Et non pas des goûteurs culinaires !? » demandai-je.
« Si quelque chose devait vous arriver, alors ce serait une crise nationale, » dit-elle. « Il est tout à fait naturel que nous testions toutes choses sur le marché afin de détecter les poisons. Votre corps n’est plus à vous seul, le saviez-vous ? »
Quoi, je suis maintenant enceinte ? Je voulais faire une blague, mais j’avais immédiatement compris ce qu’elle essayait de me dire. Je ne savais pas si je serais en mesure d’utiliser les Poltergeists Vivant si j’étais malade à la suite d’une intoxication alimentaire. Si je ne pouvais pas le faire, cela signifierait que l’administration du pays serait réduite de plusieurs fois ma personne.
... Oui, il semblait que les goûteurs de poison allaient être une nécessité, pour le bien de mon peuple. Je devais juste l’accepter.
« Et ? Quel a été le résultat des tests afin de détecter les poisons ? » demandai-je.
« Une personne a fini avec des maux d’estomac et est maintenant au repos, » dit-elle.
« Envoyez un messager au château ! » M’exclamai-je. « Chaque fois qu’un plat incluant de la viande ou du poisson est vendu, les ingrédients doivent être listés dans le magasin ! Informez-les que s’ils ne le font pas, ou s’il y a une erreur dans les ingrédients affichés, leur entreprise sera fermée ! »
« J'ai compris, » Juna avait envoyé l’un des marines qui nous protégeaient afin de transmettre ce message au château.
Ce fut l’instant où le Royaume d’Elfrieden vit les débuts de sa première loi sur la sécurité alimentaire.
J’avais l’intention en temps voulu d’élargir la gamme de choses qui exigeaient que leurs ingrédients soient affichés, mais avant cela, je voulais réprimer la fraude à la viande. S’il y avait des bactéries ou des parasites, cela pourrait être une question de vie ou de mort.
« Ho, un marine tombé, » marmonnai-je. « Je ne laisserai pas votre mort être vaine. »
« Heu, non ! Il n’est pas du tout mort. Il a juste subi une intoxication alimentaire, » déclara Juna, levant les yeux vers le ciel.
Non, non ! Je vous ferais savoir que même l’intoxication alimentaire peut être une question de vie ou de mort, pensai-je.
Une fois, mon grand-père avait mangé des œufs crus qui avaient dépassé leur date de péremption. Il avait alors attrapé la Salmonellose [2] et avait été hospitalisé pendant plusieurs jours. Heureusement, ce n’était pas trop grave, mais son refus de jeter quelques œufs à dix yens lui avait fait dépenser des dizaines de milliers de yens en frais d’hospitalisation. Grand-mère l’avait taquiné à ce sujet pendant longtemps après ça.
Eh bien ! mettant cela de côté pour l’instant, nous avions acheté nos brochettes dans un endroit suggéré par Juna, avec un mélange de jus en provenance d’un vendeur de fruits, et nous nous étions assis sur un simple banc afin de pouvoir manger au calme.
Tomoe s’était alors jetée sur sa brochette. « Super ! Grand frère, c’est vraiment délicieux. »
« Oui, c’est vrai. La viande est vraiment bonne, » répondis-je.
« Maître Kazuya, le jus est également délicieux, » déclara Juna.
La viande était savoureuse et bien juteuse. Ce n’était pas si loin des brochettes de bœuf qui étaient vendues dans les festivals, alors j’avais demandé quelle viande avait été utilisée pour cette brochette. Il s’était avéré que c’était d’un Grand Taureau, un gros animal ressemblant à un buffle.
Le jus n’avait pas été refroidi, mais il commençait à être tard en automne, donc il ne faisait pas trop chaud. C’était un peu aigre, mais c’était rafraîchissant après avoir mangé la brochette de viande grasse. Après que nos estomacs soient maintenant pleins, nous avions pris une pause et nous nous étions pour un peu relaxés.
Tomoe avait commencé à hocher la tête à côté de moi, alors j’avais décidé de la laisser faire une petite sieste. Tomoe posa sa tête sur mes genoux avant de se rouler en boule. Sa respiration devint plus faible indiquant qu’elle s’endormait. Alors que je lui avais caressé la tête, je sentis la sensation occasionnée par sa soyeuse chevelure, telle la fourrure d’un véritable chien.
« Héhé ! N’est-elle pas tout simplement la plus mignonne ? » Déclara Juna en regardant le visage endormi de Tomoe. Puis, se rapprochant suffisamment pour que nos épaules se touchent, elle murmura avec un regard triste clairement sur son visage, « J’espère que ces jours paisibles dureront pour toujours. »
« S’il vous plaît, ne parlez pas de choses qui déclenchent des drapeaux d’événements comme ça, » dis-je. « Vous savez que ça ne peut pas arriver, n’est-ce pas ? »
Juna hocha la tête. « L’Armée Impériale est presque là. Leur effectif est proche des cinquante mille hommes. »
« Cinquante milles ? C’est un peu moins que ce à quoi je m’attendais, » dis-je.
Nous avions maintenant des forces armées pour un total de 45 000 soldats de l’Armée Royale d’Elfrieden rassemblés à Van, donc nos forces étaient plus ou moins égales. Bien sûr, une fois que les troupes d’Amidonia avaient été ajoutées à l’équation, l’ennemi aurait sans doute une force supérieure. Mais je m’attendais à ce que l’Empire vienne avec trois fois plus d’hommes.
Pour l’Empire Gran Chaos, qui avait appelé l’humanité à s’unir contre la menace du Domaine du Seigneur-Démon, je doutais fortement qu’ils voulussent ouvrir un nouveau front face à nous, mais s’ils avaient rassemblé assez de troupes pour leur permettre de prendre Van, ça aurait fonctionné afin de nous intimider.
Et pourtant, Juna secoua la tête. « Très probablement que les Amidoniens hésiteront à autoriser ça. Ils devaient avoir peur que si l’Empire venait avec une énorme armée, qu’il y avait un risque qu’ils prennent ce pays pour eux-mêmes. »
« Vous savez, en tant que pays qui a créé la Déclaration de l’Humanité, je doute que l’Empire fasse cela, » dis-je.
S’il disait qu’il n’accepterait aucun changement de frontière d’une part, et qu’ensuite il lançait une guerre d’invasion de l’autre, la Déclaration de l’Humanité ne vaudrait même pas le papier sur lequel elle était écrite. Si cela arrivait, ils perdraient la confiance des pays se trouvant dans leur alliance, et la stratégie de l’Empire afin d’unir l’humanité face au Domaine du Seigneur-Démon s’effondrerait.
« Je veux dire, c’est exactement pourquoi l’Empire a offert une médiation, » rajoutai-je.
« Amidonia a déjà contourné la Déclaration de l’Humanité, » déclara Juna. « Ayant trahi la confiance de l’Empire lui-même, elle ne peut être qu’inquiète d’être trahie à leur tour. »
« ... Comme être pris dans leur propre tissu de mensonges, hein, » dis-je.
Elle avait été prise dans son propre piège. La principauté avait agi contre les vœux de l’Empire, mais elle devait maintenant s’accrocher à son autorité vu qu’elle s’était retrouvée en plein d'une crise majeure. Elle devait donc se sentir quelque peu coupable quant à cette affaire.
Et pour couronner le tout, personne ne respecte les opportunistes, alors elle avait perdu la confiance des autres pays. La principauté devait trembler de peur que l’Empire ne l’abandonne.
« Ça donne envie de lever les yeux vers le ciel... mais c’est pratique pour nous, » dis-je. « S’il y a un fossé entre la principauté et l’Empire, il pourrait y avoir place pour nous. »
« Héhéhé ! Il est temps pour notre bon roi de nous démontrer ses compétences, » déclara Juna.
« J’aurais aimé que vous ne mettiez pas trop de pression sur moi. Est-ce que vous vous en rendez compte ? » demandai-je.
« Ho mon Dieu ! Et moi qui pensais que vous étiez désormais le Maître Kazuya ? » Elle avait répondu joyeusement.
Elle voulait probablement avoir sa petite vengeance pour la remarque que j’avais faite plus tôt.
C’était la Juna qui était avec moi... Juste un moment où je pensais avoir obtenu un avantage sur elle, elle remet tout en ordre.
Notes
- 1 Ameyoko : Ameyoko est une rue commerçante populaire, reliant la sortie sud de la gare d’Ueno à la station Okachimachi sur la ligne JR Yamanote, au cœur de Tokyo. Il s’agit en réalité de la contraction d’Ameya Yokocho, littéralement « l’allée des boutiques de bonbons ». Aujourd’hui, on trouve des étals de marché alimentaire ainsi que divers magasins de vêtements et d’articles de la vie courante.
- 2 Il faut savoir que dans certains pays, les œufs « frais » ont déjà plusieurs semaines dans des salles froides afin de pouvoir procéder à toute une batterie de tests.
☆☆☆
Partie 4
*
« Bonne journée tout le monde. Il est temps pour les Actualités d’Elfrieden. »
*
Puis, tout à coup, nous avions entendu la voix de Chris Tachyon.
Il semblerait qu’il était temps pour l’émission des actualités de l’après-midi. Quand j’avais levé les yeux, l’image de Chris lisant les nouvelles était affichée dans l’air sur la brume produite par l’appareil de diffusion.
Wôw... Donc, voilà à quoi ressemblent nos émissions quand ils apparaissent ici, pensai-je. Il s’agissait de la première fois que je le voyais sur l’un des receveurs de fontaine. Avec un écran aussi grand que celui d’un cinéma, cela avait vraiment un très fort impact visuel.
*
« Maintenant, notre première histoire de la journée. La nouvelle cité côtière en construction à l’est d’Elfrieden, Venetinova, est en voie d’achèvement. Avec Venetinova en place, l’expédition par terre et par mer deviendra plus efficace, et permettra la livraison plus rapide des produits partout dans le royaume. »
*
Les actualités avaient été recueillies de partout dans le Royaume d’Elfrieden (ce qui comprenait également Van), en utilisant des messagers kuis comme celui qu’Aisha utilisait pour rester en contact avec la Forêt Protégée par Dieu. (Les messagers kuis étaient des oiseaux, comme des pigeons voyageurs. En utilisant leur instinct et leur capacité à détecter les ondes émises par leur maître sur de longues distances, il pouvait ainsi permettre à un individu et à un lieu bien spécifiques de se contacter régulièrement.) Leur force résidait dans le fait que même les villages de montagne qui ne recevaient pas d’émissions du Joyau de Diffusion de la Voix pouvaient quand même recevoir des informations. Cependant, contrairement à l’émission des Joyaux de Diffusion de la Voix, qui pouvait communiquer des informations en temps réel, cette information venait avec un jour ou deux de retard.
Par exemple, si un incident se produisait à Cité Lagune, à l’extrême nord-est d’Elfrieden, l’information ne serait pas directement transmise à Van. À la place, il attendrait l’arrivée à intervalles réguliers des kuis qui portaient des nouvelles dans chaque ville. Puis, quand les kuis apportaient les nouvelles dans une autre ville, d’autres kuis quittaient cette ville afin d’apporter les nouvelles à d’autres villes. Les kuis devaient voler sur de longues distances, mais tout cela était pour éviter que la communication soit coupée si une kui était attaquée sur la route par un prédateur. En passant, les nouvelles urgentes seraient livrées non pas par messager kui, mais par des cavaliers-wyvernes.
Pour cette raison, il n’avait pas été possible de livrer toutes les nouvelles qui s’étaient produites le même jour en une journée.
*
« Maintenant, passons à l’histoire suivante. Hier, dans les premières heures de la matinée, un incendie mineur a éclaté à Van... »
*
À partir de ce moment-là, Chris avait rapporté les divers accidents et incidents qui s’étaient produits dans le royaume, suivi par des informations sur la façon de cuisiner des boulettes de racines de lys et d’autres informations utiles pour la vie quotidienne des habitants.
En ce qui me concerne, j’avais pensé que ce serait pratique si nous pouvions intégrer une prévision météo dans le programme, mais cela semblait assez difficile pour le moment. Il y avait un certain nombre de connaissances météorologiques présentes dans ce monde, et il y avait des personnes qui pouvaient même prédire le temps en lisant les nuages basés sur de longues années d’expérience. Cependant, comme je venais de le mentionner, sans moyens de communication à haute vitesse, nous ne pouvions pas transmettre cette information en temps réel.
Les nouvelles sur les typhons peuvent être une question de vie ou de mort, alors j’aimerais trouver quelque chose..., pensai-je.
Alors que je réfléchissais à ce sujet, j’avais soudain entendu un soupir.
« Je n’aurais jamais imaginé qu’ils utiliseraient le Joyau de Diffusion de la Voix comme ça... »
Devant moi, une fille habillée comme une aventurière se tenait dos à moi. Elle se tenait avec son dos bien droit, sa large queue de cheval dorée se balançant derrière elle. Pendant un moment, j’avais pensé qu’elle ressemblait beaucoup à Liscia, mais cette fille avait les cheveux attachés dans une position plus haute, et les cheveux de Liscia étaient maintenant mi-longs. La fille s’était tournée et je pouvais maintenant voir son joli visage de profil.
« Nous devons absolument mettre en œuvre ce système dans notre pays, » dit-elle. « Quand je reviendrai, je ferai une proposition à ce sujet. Cependant, comment pourrez-vous venir avec une telle idée si avancée ? » Elle m’avait demandé ça avec un visage impassible.
Qu’est-ce que c’est que cela, sortit de nulle part ? Alors que je pensais à ça, Juna se retirera d’à côté de moi. Puis elle se plaça entre cette femme et moi.
« Juna ? » demandai-je.
« Faites attention, » Juna m’avait averti comme elle était là afin de me protéger. Elle avait un regard sombre clairement visible sur son visage, et il était évident à partir de son ton de voix qu’elle était inquiète. « Cette fille est une guerrière accomplie. Il est regrettable qu’Aisha ne soit pas là. Même si j’étais prête à mourir en la mettant à terre, je ne sais même pas si je pourrais l’arrêter... »
« Est-elle si forte que ça ? » demandai-je.
Voyant la réaction prudente de Juna, la fille à la queue de cheval se mit à sourire. « Vous n’avez pas à vous inquiéter, je n’ai pas d’intention hostile, Mademoiselle la Lorelei Juna Doma. »
Juna avait brusquement pris une profonde respiration. « Vous me connaissez... »
« Bien sûr, » dit-elle. « Je vous ai approchée parce que je savais qui vous étiez. Après tout, nous avons nos propres agents. »
Cela signifie qu’elle sait aussi qui je suis, Hmm, pensai-je.
Elle devait avoir prévu de prendre contact ici sachant que je viendrais ici déguisé. C’était arrivé parce que la mise en place d’un service de renseignement pour le royaume avait été retardée à cause de mes doutes concernant le personnel que j’avais pour le faire fonctionner.
Mais, si elle dit qu’elle n’a aucune intention hostile.
« Êtes-vous avec l’Empire ? » demandai-je.
« Oui, » répondit la fille en posant une main sur sa poitrine et en inclinant la tête. « C’est un plaisir de vous rencontrer, Sire Souma Kazuya. Je suis la jeune sœur de l’impératrice Maria Euphoria de l’Empire Gran Chaos, et celle qui s’occupe des affaires militaires à sa place, Jeanne Euphoria. »
J’avais alors chuchoté à Juna. « Qu’est-il arrivé à nos gardes ? »
« On dirait qu’elle a elle aussi des gardes, alors ils ne peuvent pas bouger, » répondit Juna.
« Voilà la raison pour laquelle elle est venue seule, Hmm, » dis-je. « . Prenez soin de Tomoe pour moi. »
J’avais laissé Tomoe avec Juna, alors qu’elle était devenue groggy d’être soudainement réveillée et je me plaçai en face de Jeanne Euphoria. Elle avait été décrite dans les rapports que j’avais reçus.
Il y avait une princesse qui s’occupait des affaires militaires en dessous de la Sainte de l’Empire, l’Impératrice Maria Euphoria et, comme Maria était actuellement célibataire, elle était également la première pour sa succession. Cela devait donc être sa sœur d’après mon raisonnement.
« La sœur cadette de Madame Maria a-t-elle des choses à faire dans notre pays ? » demandai-je.
J’avais mis un point d’honneur à la traiter avec condescendance. Parce que notre pays n’avait pas signé la Déclaration de l’Humanité, je n’avais pas à rendre hommage à l’Impératrice Maria en tant que dirigeante supérieure. En d’autres termes, comme nous étions tous les deux des dirigeants de nations indépendantes, mon rang était égal à celui de Maria. Et voyant que Jeanne était la plus jeune sœur de l’impératrice, son rang était celui d’une vassale, et j’étais donc au-dessus d’elle. Je n’avais aucun désir de prendre de telle attitude envers mes propres vassaux, mais en traitant avec des étrangers, il était important que nos positions soient claires.
Jeanne avait répondu comme si c’était parfaitement naturel. « Aucune affaire particulière. Je voulais simplement voir par moi-même comment était la personne avec qui je négocierais en ce qui concerne les règles, mais mes agents ont reçu des informations selon lesquelles vous alliez vous faufiler dans la ville du château aujourd’hui, alors j’ai pensé que je pouvais aussi bien me présenter par la même occasion. »
Donc, elle n’avait pas prévu de me rencontrer. Elle venait juste d’apprendre que je prenais un jour de congé pendant qu’elle était ici, alors elle avait essayé de prendre contact avec moi.
« Pourtant, il était assez audacieux de votre part de venir à Van pendant que nous l’occupons, » dis-je.
« Après tout, je suis le type de personne qui ne croit que ce qu’elle a vu de ses propres yeux, » répliqua Jeanne. « Les rumeurs vous concernant ont atteint l’Empire, beaucoup d’entre elles n’étant pas fondées, alors je voulais les confirmer par moi-même. »
Des rumeurs ? Il y a des rumeurs à propos de moi dans l’Empire ? pensai-je.
« Quel genre de rumeurs étaient-elles ? » demandai-je.
« Elles disent des choses comme : vous êtes “le dirigeant brillant qui a sauvé une économie au bord de l’effondrement” ou “vous avez inventé des moyens de préparer des aliments qui n’avaient pas coutume d’être mangé auparavant et que vous avez ainsi sauvé le pays d’une crise alimentaire” ou encore que vous avez “démontré une force inégalée dans la bataille, écrasant des nuées d’ennemis les uns après les autres” et encore plus de choses du genre, » déclara-t-elle
« Hmm... Il y a eu beaucoup d’embellissements qui ont été rajoutés en cours de route, » commentais-je.
Aucune de ces choses n’avait été accomplie par ma seule force. La restructuration économique avait été le travail acharné des bureaucrates, et le rassemblement des ingrédients et le fait d’apprendre comment les préparer avait été l’accomplissement de Poncho. Quant à la guerre, je ne faisais que mettre les armées en mouvement, puis je laissais les combats à des personnes plus fortes que moi. En fin de compte, si vous deviez nommer une chose que j’avais faite, alors cela serait. « Je déléguerais des tâches à des personnes qui pourraient les gérer » et c’était tout.
« Oh ! Et il y avait également des rumeurs comme quoi vous étiez un “démon sexuel insatiable”, » ajouta Jeanne.
« Attendez une seconde ! » dis-je.
Qui appelez-vous un démon sexuel !? me demandai-je.
« D’où venaient ces rumeurs !? » demandai-je.
« La rumeur dite : “En dépit d’être fiancé à la magnifique fille de l’ancien roi, il a rassemblé des beautés de tout le royaume afin de se choisir une concubine”, ou quelque chose comme ça. Madame Juna n’est-elle pas ici, car elle a été choisie pour être votre concubine ? »
Quel horrible malentendu ! Ils devaient parler du Grand Prix de la plus Jolie Fille d’Elfrieden que j’avais créé dans le cadre de ma recherche de personne talentueuse. Quand j’avais dit que je cherchais des personnes ayant un don, il y avait eu beaucoup d’applications dans les domaines des arts martiaux, de la beauté et des arts. Tout ce que j’avais fait était de créer le système de tournoi pour qu’ils puissent concourir.
Je n’avais même pas eu l’idée pour le projet Lorelei à ce moment-là. En y pensant, à l’époque il y avait eu des rumeurs que « le tournoi de beauté pourrait être afin de permettre au Roi de trouver des maîtresses », et les nobles avaient tous envoyé leurs proches afin d’y participer. D’autres pays l’avaient-ils vu de la même manière ?
« U-Une concubine, suis-je... ? Eh bien, oui, je savais qu’il y avait des rumeurs à ce sujet, » déclara Juna, dont le visage devenait de plus en plus rouge.
Était-elle sérieuse ?
Je ne savais pas qu’il y avait des rumeurs comme ça... et il était difficile de les accepter. Depuis mon accession au trône, j’avais lutté avec une charge de travail si meurtrière que même mes relations avec Liscia étaient restées complètement chastes. En fait, c’était un peu tard pour le dire maintenant, mais ma relation avec Liscia avait sauté sur beaucoup d’importantes étapes, n’est-ce pas ? Nous étions fiancés afin de pouvoir être mariés, et pourtant nous n’avions même pas été à un véritable rendez-vous, et nous ne nous étions même jamais embrassés.
Pendant que je pensais à tout ça, Jeanne me regarda d’une manière pensive. « Hm... Si cette rumeur est fausse, alors je suppose que je ne peux pas utiliser cette méthode. »
« Quelle méthode ? » demandai-je.
« Eh bien ! Si vous étiez un roi lubrique, je pensais que si ma belle sœur vous accueillait et vous le demandait d’une manière mignonne, alors vous pourriez assez facilement accepter nos demandes, » répondit-elle.
« Qu’avez-vous prévu de faire faire à la Sainte de l’Empire !? » sursautai-je en entendant ça.
« Il semble que ma sœur n’aime pas trop ce titre de “sainte”, mais... peut-être les hommes trouvent-ils que le terme “sainte” soit assez attrayant ? » demanda-t-elle.
« Eh bien... Je peux en quelque sorte voir ça ainsi, » dis-je. « La Sainte de l’Empire, Maria »... Les mots eux-mêmes avaient eu un impact incroyable. D’une part, si une femme s’appelait une sainte, cela donne envie de la voir. Et ceci créait une attente sur le fait qu’elle soit belle et noble.
Attendez, j’avais aussi ce titre de « héros », maintenant que j’y réfléchissais. Même si j’avais été invoqué en tant que héros d’un autre monde, je n’avais rien fait de particulièrement héroïque, donc j’avais totalement oublié ce fait.
« Des titres, Hm ? » demanda Juna. « Pensez-vous qu’ils trouvent aussi attrayant le titre de “lorelei” ? »
« Juna, pourquoi vous embarquez-vous sur un tel sujet !? » criai-je.
« Oh, non... je me posais juste la question..., » répondit-elle.
Jeanne se mit alors à rire. « Hihi! Vous êtes plus amusant que je pensais que vous le seriez. »
Jeanne nous regardait plaisanter avec un sourire.
« Cependant, nous ne le faisons pas parce que nous voulons vous amuser, » dis-je.
« Non, je le sais. Je suis sûre que la proximité présente entre vous et vos vassaux est une marque de stabilité dans votre pays, » dit-elle. « Nous ne pourrions pas agir ainsi chez moi. »
« ... Est-ce différent dans l’Empire ? » demandai-je.
« Notre territoire est inutilement grand, et le pouvoir de l’impératrice est important, » déclara Jeanne. « Ils l’appellent une sainte et l’adorent telle une idole, alors tout le monde autour d’elle est très réservé. Si l’on regarde les seules personnes qu’elle a avec qui elle peut parler avec désinvolture, alors cela se résume à notre famille. En plus de cela, ma sœur prend trop au sérieux le fait d’être une impératrice, alors elle essaie de traiter tout le monde de la même manière, ce qui la laisse dans une position où elle ne peut s’ouvrir à personne. »
Jeanne haussa les épaules et regarda la foule se trouvant sur la place.
« C’était pareil avec ça. Même s’il n’y a aucun avantage à aider Amidonia après avoir ignoré la Déclaration de l’Humanité..., » déclara-t-elle.
« En tant que la jeune sœur de Madame Maria, avec tous les idéaux qu’elle essaie de défendre, vous avez une perspective terriblement réaliste, » dis-je.
« Si la sœur aînée est une rêveuse, la plus jeune doit être fermement ancrée sur le sol, » répondit Jeanne tout en faisant un sourire ironique.
Hm... J’avais l’impression que Jeanne était plus proche de ma façon de penser que Maria. Au lieu d’embrasser des idéaux élevés, elle était le genre qui pourrait trouver des solutions pragmatiques.
Quand vous brandissez des idéaux, les personnes se rassemblaient autour de vous. Cependant, si vous mainteniez ces idéaux trop longtemps, tôt ou tard, vous perdiez votre route. Quelqu’un devait être là afin d’avoir un œil sur la route se trouvant devant vous. Le fait d’avoir une Jeanne le plus réaliste à ses côtés avait dû être ce qui avait permis à Maria de continuer à défendre ses idéaux pendant si longtemps.
L’Empire avait la plus grande population du continent. Je ne savais pas combien de personnes extrêmement talentueuses étaient présentes là-bas, mais sur le plan du nombre relatif, il devait en avoir beaucoup plus que dans mon pays.
Jeanne désigna l’image de Chris projetée dans l’air se trouvant au-dessus de nous. « En passant, c’est une façon incroyable d’utiliser le Joyau de Diffusion de la Voix. En diffusant régulièrement des informations, vous l’utilisez afin d’aider à apaiser les craintes de votre peuple. Ça vous dérange si nous faisons la même chose chez nous ? »
« ... Faites comme vous voulez, » dis-je.
Ce que je voulais dire par là c’était que tout ça ne serait pas difficile à imiter. Et de toute manière, cela n’était pas quelque chose que je pouvais lui interdire de faire.
« Merci beaucoup, » déclara Jeanne.
« Comment avez-vous des idées aussi avancées ? » demanda-t-elle.
« Est-ce si avancé que ça ? » demandai-je. « C’était assez normal dans le monde d’où je viens. »
« Le monde d’où vous venez... Bien sûr, » le sourire de Jeanne disparut soudainement.
Alors que je me demandais ce qui se passait, Jeanne redressa sa posture et s’inclina énormément. Elle se pencha jusqu’à ce que ses hanches soient à angle droit. Il s’agissait d’une inclinaison assez importante pour que, si la coutume existait dans ce monde, elle ait peut-être fait une prosternation très formelle.
Alors que j’étais embrouillé par son profil soudainement placé plus bas. « Qu-Qu’est-ce qui ne va pas ? C’est si soudain. »
« C’est parce que vous avez été terriblement incommodé à cause de nous, » déclara Jeanne. « En l’absence de ma sœur qui est absente, je vous prie de nous excuser. »
« Vous excusez-vous ? » demandai-je, surpris par la tournure des événements.
Après que Jeanne eut levé son visage, elle affichait une expression attristée. « Ceci concerne l’invocation du héros. Il s’agit de notre requête qui a amené le Royaume d’Elfrieden à vous appeler dans ce monde. Ma sœur, Maria, regrette profondément que vous, qui ne nous aviez causé pas le moindre tord, avez été arraché de force de votre patrie et que vous avez été appelés dans ce monde. S’il vous plaît, pardonnez-nous. »
Alors qu’elle disait ces derniers mots, une fois de plus, Jeanne baissa la tête.
... Oh ! Ce serait que ça ? pensai-je.
« Veuillez relever la tête. Tout cela appartient au passé, » dis-je.
« Mais..., » déclara-t-elle.
« Il est vrai qu’au début, j’étais en colère après vous, et j’ai travaillé de mon mieux pour ne pas me laisser capturer par l’Empire, » dis-je. « Maintenant, cependant... quand j’y pense plus calmement, l’Empire n’a aucune raison de vouloir un héros. »
Au début, je pensais qu’ils auraient voulu qu’un héros se batte contre la menace du Domaine du Seigneur-Démon, mais plus je comprenais ce monde, et plus je me rendais compte que cela n’était probablement pas le cas.
En ce moment, le Domaine du Seigneur-Démon avait cessé de se développer. L’expansion de la frontière signifiait que les monstres qui venaient au sud se propageaient plus loin, et les différents pays pouvaient les gérer. Il s’agissait donc d’une impasse. Avec aucun des deux côtés qui étaient capables de pousser vers l’avant, la situation était plus ou moins stable.
En d’autres termes, l’Empire n’était pas dans une situation où il voudrait un héros. Une superpuissance telle l’Empire n’avait pas besoin de s’accrocher à un rituel d’invocation que le royaume lui-même n’aurait pas été sûr de pouvoir réussir en premier lieu.
De plus, quand ils avaient invoqué un héros, ils m’avaient eu moi.
Alors qu’une personne qui pourrait utiliser une magie incroyable avec une puissance comparable à une arme de destruction massive serait une chose, cependant, une personne qui pourrait équiper une épée et une armure invincibles, ou une personne d’un autre monde avec un pouvoir qui rendait les tâches administratives un peu plus faciles n’intéresserait nullement l’Empire en raison de sa population massive et du grand nombre de personnels qui en résultait.
Cependant, dans ces conditions, l’Empire avait demandé au royaume d’effectuer l’invocation du héros. Après avoir examiné pendant un certain temps la question avec Hakuya, nous étions arrivés à une certaine conclusion. Et c’était...
« Il s’agissait d’une tentative de montrer de la considération, n’est-ce pas ? » demandai-je. « Envers un royaume qui ne pouvait pas payer les subventions de guerre. »
Jeanne avait réagi avec surprise. « ... Exact, » dit-elle avec résignation.
... Je le savais, pensai-je.
Dans la Déclaration de l’Humanité, proposée par l’Empire, il était dit. « Les pays éloignés du Domaine du Seigneur-Démon apporteront leur soutien aux nations qui y sont adjacentes et qui agissent comme un mur défensif. »
L’Empire avait voulu que le Royaume d’Elfrieden, en tant que pays éloigné du Domaine du Seigneur-Démon, apporte son soutien aux pays voisins. Si ce n’était pas le cas, il y aurait eu des plaintes de la part des autres signataires de la Déclaration de l’Humanité.
Cependant, à l’époque, avec la crise alimentaire et la crise financière poussant lentement le royaume au bord de l’effondrement, il aurait été presque impossible de trouver l’argent pour les subventions de guerre.
« C’est pourquoi l’Empire a demandé au royaume de faire l’invocation du héros afin de leur donner l’apparence d’avoir apporté leur soutien, » dis-je. « Afin de contenir les plaintes des autres signataires. »
« ... C’est exactement ça, » répondit Jeanne.
« Attendez, » protesta Juna. « Ce pays n’a jamais signé la Déclaration de l’Humanité. Et pour commencer, avons-nous déjà été obligés de fournir un soutien ? »
J’avais secoué négativement la tête. « C’est un fait que ce pays a bénéficié du mur défensif construit par l’Empire avec la Déclaration de l’Humanité. Parce que nous avons l’Union des Nations de l’Est au nord de nous, nous n’avons pas eu à partager une frontière avec le Domaine du Seigneur-Démon. » C’était également un fait que l’Union des Nations de l’Est était soutenue par des subventions de guerre dans le cadre de la Déclaration de l’Humanité. « Si nous en bénéficions, mais que nous refusons de remplir les obligations qui y sont énoncées parce que nous sommes non-signataires, cela engendrera du ressentiment de la part des pays signataires. Avec cela comme prétexte, Amidonia aurait pu créer une alliance avec plusieurs nations afin d’envahir le royaume. Avec l’Empire en tête. »
« Pas possible..., » déclara Juna avant de perdre la parole, mais c’était la vérité.
Lors de la récente guerre, parce que la seule nation qui complotait pour envahir avait été la Principauté d’Amidonia, nous avions été capables de les pousser à le faire dans des conditions qui nous étaient favorables. Et ainsi nous avions pu les vaincre. Mais si l’on prend le point de vue d’Amidonia, j’étais sûr qu’ils auraient voulu acquérir toutes nos terres pour qu’elle soit à eux. Mais s’ils avaient pu faire embarquer dans une guerre l’État mercenaire de Zem, la République de Turgis et une partie de l’Union des Nations de l’Est, ainsi que l’Armée Impériale, alors le royaume n’aurait rien pu faire pour éviter un effondrement complet.
J’avais regardé Jeanne droit dans les yeux et lui avais dit. « Avec votre objectif d’unir l’humanité entière afin de se préparer face à la menace du Domaine du Seigneur-Démon, l’Empire voulait éviter cela. C’est pourquoi vous avez demandé des subventions de guerre à des non-signataires, et pour ceux qui ne pouvaient pas payer, vous avez essayé de trouver un substitut viable pour apaiser les signataires, n’est-ce pas ? Dans le cas du royaume, il s’agissait d’un héros. »
« ... Je reste sans voix, » dit Jeanne.
« Pour être brutalement honnête, l’Empire ne s’attendait même pas à ce que l’invocation du héros fonctionne, n’est-ce pas ? » demandai-je. « D’accord, vivant dans un monde avec de la magie, vous pourriez avoir imaginé qu’ils allaient invoquer quelque chose, mais vous ne pouvez pas avoir eu de grandes attentes pour quelque chose que le royaume lui-même ne pensait pas voir fonctionner. Même si l’invocation avait échoué, vous auriez été satisfaite par le fait que le rituel avait été exécuté. »
« C’est vrai. Mais, à la suite de cela, vous avez été convoqué, » dit Jeanne, l’air troublé. « De plus, depuis que vous avez été convoqué ici et que vous avez reçu le trône de Sire Albert, vous avez travaillé activement à la reconstruction de ce pays, et vous avez même trouvé l’argent pour fournir des subventions de guerre. Tandis que ma sœur était reconnaissante, elle regrettait aussi de vous avoir imposé un si lourd fardeau quand vous avez été appelé ici à notre propre convenance. C’est pourquoi nous sommes vraiment désolées. »
Jeanne s’inclina une fois de plus devant moi.
J’avais soupiré en disant. « Je vous l’ai déjà dit, c’est une histoire ancienne. Maintenant que je suis en plein dans cette situation, je ne vais pas vous en vouloir pour ça. Ce n’est pas comme si j’avais un attachement persistant envers mon Ancien Monde, mais... mais... »
J’avais jeté un coup d’œil à Juna, qui avait un regard tendu sur le visage, puis à Tomoe.
Il ne restait plus personne qui attendait mon retour à la maison dans mon ancien monde. Depuis que j’étais venu dans ce monde, j’avais trouvé ici des personnes qui le feraient. Chaque fois que je retournais au château, Liscia, Aisha, Juna et Tomoe étaient toutes là pour me dire : « Bienvenue à la maison. » Ayant ressenti l’isolement dû à la solitude, c’était quelque chose que je ne voulais plus jamais perdre.
« J’ai trouvé ici des personnes que je veux absolument protéger, » déclarai-je simplement. « Voilà pourquoi je ne suis pas trop rancunier à propos de ça. Mais rappelez-vous que si vous vous sentez assez mal à ce sujet pour reconnaître ma souveraineté sur Van, alors je n’aurais pas à m’en plaindre. »
Alors que je disais ça en plaisantant, Jeanne leva son visage tranquillement avant de secouer la tête. « ... Malheureusement, moi aussi, j’ai une famille à protéger. »
Aucun de nous n’avait détourné notre regard. Nous avions chacun regardé l’autre directement dans les yeux.
« Je vois... eh bien, nous devrons alors négocier, » dis-je.
« Oui, » déclara Jeanne. « S’il vous plaît, allez-y doucement quand le moment sera venu. »
Avec un « Je vais prendre congé », Jeanne me tourna le dos et disparut dans la foule. Elle avait disparu aussi vite qu’elle était apparue.
« Les présences que je sentais aussi autour de nous ont disparu, » commenta Juna. « On dirait que les gardes du corps de Jeanne se sont retirés. »
« Elle est vraiment venue juste pour dire bonjour, hein..., » j’avais regardé dans la direction dans laquelle Jeanne avait disparu. « Jeanne Euphoria... la jeune sœur pragmatique qui soutient la Sainte idéaliste. »
Si cela avait été seulement face au prince héritier d’Amidonia, Julius, que j’aurais dû affronter, je sentais qu’il n’y avait aucune chance que j’aurais pu perdre lors des négociations. Mais avec la médiation de Jeanne, je ne serais pas capable de compter trop sur ses faiblesses. Si j’essayais d’être trop astucieux et qu’ils voyaient à travers ça, il y avait le risque qu’ils puissent tourner les choses à son avantage en le signalant.
Je vais devoir dire à Hakuya qu’il va devoir aussi tout donner dans ces négociations.
Je m’étais alors giflé les joues, essayant de me motiver pour ça.
***
Ce soir-là...
« Liscia, Aisha, » dis-je. « J’ai apporté des cadeaux pour vous deux. »
De retour au château, j’avais donné à Liscia et Aisha les cadeaux que j’avais achetés pour elles. Liscia avait obtenu son collier en cuir bleu avec une feuille d’argent éparpillée telles des étoiles, tandis qu’Aisha avait obtenu le rouge à lèvres pâle. Liscia avait immédiatement mis le collier autour de son cou, en tripotant le fermoir en forme d’oiseau avec un sourire satisfait. « Merci, Souma. Je vais le chérir. »
Le sourire légèrement timide n’était normalement pas visible chez Liscia, alors je ne pouvais pas m’empêcher de la regarder fixement, captivé par cela.
Ouf, j’étais soulagé qu’elle l’aime. Cela lui convenait bien, et j’étais content de l’avoir acheté.
Pendant ce temps, Aisha...
« Ohhhh, Votre Majesté ! D’imaginer que vous donneriez un cadeau même à quelqu’un tel que moi, je suis impressionnée et ravie ! Quand vous m’avez laissé derrière vous, je me suis sentie abattu, mais ce cadeau m’a remonté le moral aussi haut que les cieux ! »
« Eh bien, bravo... Aisha, » déclara Juna.
« Merci, Madame Juna ! Avec ce rouge à lèvres, je jure que je vais perfectionner ma féminité ! Et ainsi, Sa Majesté ne me laissera plus jamais le quitter. Heh heh heh. »
« B-Bonne chance avec ça..., » déclara Juna.
Aisha était un peu trop ravie. L’aura rayonnante de joie présente tout autour de son corps semblait également affecter Juna. En passant, Juna portait également l’attache à cheveux que je lui avais donnée.
« Sire ! Sire ! » cria Aisha. « Comment est-ce ? Est-ce que ça me va bien ? »
Aisha avait rapidement mis son rouge à lèvres et avait tout de suite commencé à agir affectueusement envers moi. Si Aisha n’avait pas été une elfe sombre, et qu’elle avait été une louve mystique tout comme Tomoe, alors sa queue aurait remué comme une folle.
Quand elle avait vu à quel point Aisha était exubérante, Liscia avait tracé le contour de son collier avec un doigt, tout en me regardant. « Ne pensez-vous pas que le collier aurait été une meilleure adéquation sur Aisha ? »
« ... Laissez-moi rester avec un “sans commentaire” concernant ça, » dis-je.
☆☆☆
Chapitre 3: Négociations
Partie 1
— 20e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — Château de Van
« Maintenant... J’arrive, Sire ! » cria Aisha.
« Allez-y, épatez-nous, Aisha ! » ai-je répliqué.
Nous étions aux terrains d’entraînement se trouvant à l’intérieur du Château de Van. Dans cet environnement, qui était à ciel ouvert comme l’aurait été un champ de tir à l’arc au Japon, je me tenais face à une Aisha entièrement équipée. Dans son armure légère habituelle, Aisha avait pris position avec sa grande épée pointée vers moi. J’avais des poupées Petit Musashibo de taille moyenne avec moi. (Ceux qui étaient de la taille d’un jouet étaient petits, alors que ceux qui étaient assez grands pour s’adapter à une personne étaient appelés grands.) Cinq de ces poupées de taille moyenne (ci-après dénommé A-E) me protégeaient.
En bordure de vue, je voyais l’arbitre, Liscia, lever la main droite.
À l’instant suivant, Aisha avait fait une grande frappe vers le bas avec son épée. Et une onde de choc clairement visible s’était élevée vers moi et le Petit Musashibo.
J’avais fait placer à l’avant le Petit Musashibo A (équipé d’un bouclier dans les deux mains), en ayant mis en place ses boucliers. Au moment où l’onde de choc nous avait frappés, il y avait eu un clang incroyable, mais en quelque sorte, le Petit Musashibo A avait réussi à rester en place.
« Ce n’est pas encore fini ! » cria Aisha.
Il n’y avait même pas de délai d’attente pour pouvoir reprendre mon souffle. Aisha se tourna sur le côté, tout en gardant la lame de son épée pointée dans ma direction, puis elle poussa de toutes ses forces. Le Petit Musashibo A avait tenté de placer ses deux boucliers superposés afin de se défendre, mais l’attaque d’Aisha avait frappé avec la force d’un bélier, perçant les deux boucliers et le Petit Musashibo A.
Uwah... Elle peut percer deux épais boucliers... ? J’étais presque stupéfaite par la quantité absurde de puissance qu’elle avait, mais Aisha arrêta momentanément de se déplacer.
Alors que je pensais que c’était une chance de gagner, j’avais envoyé le Petit Musashibo B (équipé de deux épées) et le Petit Musashibo C (équipé d’une lance) pour l’attaquer des deux côtés.
Aisha avait alors enfoncé son épée, ce qui empala dans le sol le Petit Musashibo A. Puis elle l’utilisa afin de s’élever dans les airs comme si s’agissait de la roue d’une charrette.
Aisha se tenait sur ses mains au sommet de la poignée de son épée.
« Voilà ! » criai-je.
Avec les deux autres Musashibos restants, le D et le E (tous deux équipés d’arbalètes), j’avais tiré sur Aisha, qui ne pouvait sans doute pas manœuvrer avec les pieds ne touchant plus le sol. Les deux carreaux furent tirés pile vers Aisha.
« Ce n’est pas assez ! » déclara Aisha.
Toujours attachée à sa grande épée qui la maintenait en l’air, Aisha avait fait quelque chose de semblable à l’un de ces coups de pied de capoeira où vous vous tenez sur vos mains (je ne connais pas le nom exact pour eux), en faisant tourner ses pieds et en donnant des coups de pied directement dans les carreaux alors qu’ils volaient vers elle.
« Ho ! » dis-je.
Avec un son de splash, un léger impact sur mon front avait envoyé ma tête en arrière.
Au milieu de mon front, il y avait une boule d’argile écrasée de la taille d’une pièce de 10 yens. Si cela avait été un couteau de lancer ou une pierre, je serais instantanément mort.
Eh bien, il s’agissait d’un match d’entraînement, les carreaux n’avaient pas de pointe de flèches, et nous utilisions de l’argile au lieu de pierres, donc aucun d’entre nous ne pouvait être tué, mais quand même, le fait de perdre était déprimant.
Je m’étais alors assis, abattu.
« Ha ! Merde... Je ne suis même pas un adversaire valable pour vous, n’est-ce pas, » dis-je.
« C-Ce n’est pas vrai..., » bégaya Aisha, essayant en toute hâte de me rassurer.
« Aisha, une analyse précise de sa force de combat est importante, alors vous devriez être honnête avec lui, » déclara Liscia.
Elle avait raison. Je cherchais en ce moment un style de combat qui me convenait. En tant que roi, j’étais en mesure d’être protégé, mais cela ne me ferait pas de mal de pouvoir me protéger, surtout si jamais cela devenait nécessaire. Car après tout, je m’étais tiré de justesse face à Gaius lors de la bataille que j’avais faite il y a pas longtemps.
« Liscia a raison, » dis-je. « Soyez franc avec moi. »
« E-Eh bien, dans ce cas... cela peut sembler dur à entendre, mais même si vous avez fait augmenter les capacités de vos poupées dans des groupes d’aventuriers, elles ne se sont pas si fortes que ça, » déclara Aisha. « J’ai l’impression que si vous leur donniez deux épées et que vous leur aviez demandé de se précipiter sur moi, cela aurait été plus difficile pour moi de traiter avec eux. »
J’avais alors réfléchi à ce qu’elle venait de me dire. « Mes tactiques, Hmm... mais ne les avez-vous pas également bloquées quand je l’ai faite avant ça ? »
« Je suppose que cela signifie que ce que vous auriez pu faire était encore pire que ça ? » déclara Liscia.
« Arg..., » murmurai-je.
Après que Liscia l’avait souligné, j’avais affaissé mes épaules. Puisque ma première tactique ne fonctionnait pas, j’avais essayé d’utiliser une composition basée sur un groupe d’aventuriers telle que celui de Juno, celle avec laquelle j’avais fait des aventures avec le Petit Musashibo, mais... le résultat avait été une misérable défaite.
« Après tout, dans un groupe d’aventuriers, il y aurait un mage, » Aisha avait dit ça sans avoir l’air de trop s’en soucier. « Si ces boucliers avaient été renforcés avec de la magie, j’aurais eu du mal à les percer, et si j’avais eu des sorts lancés sur moi au lieu de flèches, il aurait été plus difficile de répondre face à cela. »
Ce qu’elle avait dit était que cela aurait été plus « difficile » pour elle, plutôt que de ne pouvoir « faire » face à ces choses. Tout cela n’aurait servi qu’à montrer à quel point Aisha était ridiculement puissante.
« Nous pouvons parler de mages autant que vous voulez, mais je ne peux pas utiliser la magie élémentaire ou la magie de renforcement..., » dis-je. Je ne pouvais utiliser aucune magie, donc je ne pouvais pas l’utiliser pour donner un enchantement élémentaire aux armes portées par les poupées que je contrôlais avec les Poltergeists Vivants ou encore être capable de leur faire lancer des sorts de feu ou de glace.
« Peut-être que si j’allais dans une école de magie, ou dans un endroit comme cela afin de m’entraîner, alors pourrais-je apprendre comment le faire ? » demandai-je.
« Non, ce n’est pas possible, » Liscia avait rapidement rejeté mon idée. « Ce que je veux dire par là, c’est que je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un ayant une aptitude en magie noire qui fut capable d’utiliser un autre élément. »
Elle avait ensuite expliqué cela plus en détail. « Les quatre éléments principaux, le feu, l’eau, la terre et le vent, manipulent le magicium se trouvant dans l’atmosphère afin de produire divers phénomènes, et l’élément lumière interfère avec le magicium se trouvant dans le corps afin d’accélérer le processus naturel de guérison ou de permettre de renforcer le corps. L’élément noir n’a aucune sorte de capacité comme ça. Alors... il faut que vous abandonniez cette idée. »
« Il semble donc que je pourrais m’entraîner autant que je le voulais, je ne deviendrais jamais un mage, » dis-je.
Après tout, après que j’eus la chance d’être appelé dans un monde avec de la magie, mais alors... je suis en quelque sorte déçu. J’avais alors fait baisser mes épaules tout en pensant ça.
« Qu’est-ce que vous racontez ? » demanda Liscia avec un regard exaspéré. « Vous savez, l’élément noir n’est pas si commun que ça ! Je n’ai vu jusqu’à maintenant que trois personnes avec cet élément. »
« Trois ? » demandai-je. « En supposant que deux des trois personnes sont Tomoe et moi... Qui est la troisième ? »
« Ma mère. Ou du moins d’après ce que j’ai entendu dire, » répondit Liscia. « Bien qu’elle n’ait jamais voulu me dire quel était son pouvoir. »
Hmm... Dame Elisha peut utiliser la magie noire, Hmm, pensai-je. Dame Elisha est la mère de Liscia. Si je me souviens bien, Dame Elisha était celle qui avait hérité du trône, mais elle est partie en laissant le contrôle du pays à son mari, Sire Albert, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion de parler, mais elle sourit toujours et semble être une personne aimable.
« Mais avec les capacités que j’ai, je ne vois aucune possibilité de me défendre..., » dis-je.
« Reposez-vous, Sire ! Je serai toujours là à vos côtés afin de vous défendre ! » déclara Aisha, frappant sa poitrine avec fierté. Alors qu’elle semblait fiable, je commençais à me sentir encore plus pathétique.
« C’est assez misérable pour un héros d’avoir besoin de filles qui le défendent..., » dis-je.
« Que dites-vous après tout ce temps ? » dit Liscia brusquement. « Pour commencer, vous n’avez jamais été un héros. »
Je savais parfaitement qu’elle avait raison... mais ne pourrait-elle pas le dire avec un peu plus de considération pour mes sentiments ? Je pensais qu’elle aurait pu le faire, mais après ça, elle avait dit, « D’ailleurs, le fait de déléguer les tâches que vous ne pouvez pas gérer n’est-elle pas l’une de vos forces, Souma ? Vous nous protégez tous d’une manière que vous seul pouvez faire. » Elle avait souri avec tendresse quand elle déclara la fin.
Aisha acquiesça en signe d’accord. « La princesse a raison ! Sire, vous protégez le pays dans lequel nous vivons tous, alors laissez-nous vous protéger à notre tour ! »
Après qu’elles présentèrent ça ainsi, je me sentais toujours aussi pathétique, mais j’étais un peu heureux. Je pourrais être un roi peu fiable, et seulement un héros de nom, mais j’ai juste besoin de les protéger à ma manière... non, je veux les protéger. Je me sentais ainsi au fond de mon cœur.
« Votre Majesté ! » cria une voix. Puis, je me retournai pour voir Juna en uniforme de marine s’incliner devant moi avec une main posée sur sa poitrine.
« Sire Hakuya vous recherche, » déclara Juna. « Il a dit qu’il souhaite discuter des districts de la ville. »
« D’accord, » dis-je. « J’arrive tout de suite. »
Je m’étais alors levé et j’avais enlevé la terre qui était sur moi. Laissant le nettoyage de la zone aux soldats, j’avais fait venir avec moi Liscia et Aisha jusqu’au bureau des affaires gouvernementales.
Il était maintenant temps pour moi de faire ce que j’étais capable de faire.
***
Au moment où j’étais arrivé au bureau des affaires gouvernementales, Hakuya et le capitaine de la Garde Royale, Ludwin, m’attendaient.
Je m’étais assis à mon bureau, tandis que Liscia, qui avait été ma secrétaire depuis un moment, et Juna, qui faisait la même chose ces derniers temps parce que nous manquions de personnel, se tenaient derrière moi, de chaque côté. Aisha se tenait près de la porte, agissant en tant que garde. Dernièrement, c’était devenu la norme pour nous de travailler avec cette formation.
Une fois que j’avais pu confirmer que tout le monde était prêt, un Hakuya un peu endormi avait exposé une carte des districts de Van qu’il avait préparée. « J’ai terminé ma proposition pour le redécoupage de Van, alors je voulais que vous y jeter un coup d’œil. »
À la demande de Hakuya, j’avais regardé la carte. Les murs carrés de la ville étaient verticaux, tandis que les lignes représentant les routes principales couraient vers le palais princier au centre. Chacune de ces routes principales avait des routes latérales qui partaient avec un angle droit à intervalles réguliers, ce qui lui donnait une grille de carrés, comme un plateau de Go. C’était comme une carte de l’une des anciennes capitales du Japon, Heijo-kyo ou Heian-kyo, que vous pourriez voir dans les manuels d’histoire.
Les résidences des nobles étaient regroupées dans le nord-est, tandis que les ateliers étaient regroupés dans le sud-ouest. Les garnisons pour les gardes avaient été réparties uniformément tout au long, et cela semblait très efficace.
J’étais resté silencieux. Je m’étais penché en arrière sur ma chaise, levant les yeux vers le plafond, puis j’avais soupiré. « ... Hakuya. »
« Oui, Sire, » répondit-il.
« Ceci va trop loin, » dis-je.
En quoi consiste cette mise en page axée sur l’efficacité ? pensai-je.
Ane san rokkaku tako nishiki, je me sentais comme si j’avais besoin de chanter la chanson de la route de Kyoto, ou j’allais me perdre.
En fait, si nous changeons beaucoup trop de choses, il serait plus rapide de brûler toute la ville du château et de repartir de zéro, pensai-je. Essaies-tu de me transformer en Empereur Néron ?
« Je suis désolé, » déclara Hakuya. « Quand j’ai vu le chaos présent dans l’agencement de la ville, j’ai été obligé de le rendre plus efficace... »
Hakuya semblait comprendre ce que je voulais dire par là. Il avait alors souri ironiquement et il pointa du doigt vers les rues principales. « Cependant, en tant que mesure contre les incendies, la ville doit être divisée en districts. Je pense que poser ces routes principales serait une nécessité. »
« Je suis d’accord avec ça, mais, pour tout le reste, j’aimerais que les changements reflètent la volonté des personnes qui vivent ici, » dis-je. « Quel genre de ville veulent-ils faire, comment veulent-ils le rendre plus vivable pour eux ? Je veux que les personnes qui vivent ici pensent à ça. Je veux dire par là que si nous décidons tout nous-mêmes, ils vont probablement y faire opposition. »
« J’ai déjà contacté certains des architectes qui vivent ici, mais... voulez-vous vraiment faire réfléchir les habitants ? » demanda Hakuya avec scepticisme. « Avec l’atmosphère actuelle de la ville, ils sont susceptibles de le transformer en une œuvre d’art avant-gardiste. »
« Une ville artistique, hein... cela pourrait être intéressant à sa manière, » dis-je. Il pourrait aussi être bon d’essayer de construire des galeries d’art et des musées.
... Attends, hein ? Le marché semble déjà se transformer en quelque chose comme Ameyoko. Si je construis un tas de galeries et de musées en plus, j’ai l’impression que Van va se retrouver de plus en plus comme Ueno. Peut-être que je devrais aussi construire un zoo et arrêter pour aujourd’hui.
Si j’empruntais le pouvoir de Tomoe, cela serait facile à accomplir. Je pourrais déjà recréer la Montagne des Singes.
Cependant, Hakuya secoua la tête. « Van sera la ville sur notre ligne de front face à Amidonia. À ce stade, nous ne pouvons pas leur permettre d’avoir trop de chose fantastique présente lors de sa conception. »
« ... Je suppose que non, » dis-je. Car après tout, nous ne pouvons pas compter sur une ville artistique pour être particulièrement défendables.
« Dans ce cas, je suppose que tout en facilitant la vie, nous devrons maintenir la fonction de Van en tant que ville militaire, » dit-il.
« Je suppose que c’est comme ça que ça doit être », dis-je. « S’il vous plaît, faites avancer les choses dans cette direction. »
« Compris, » Hakuya s’inclina et quitta la pièce. Après ça, je m’étais tourné vers Ludwin.
« Comment progresse le déploiement du réseau de transport ? » demandai-je.
« Sire, » dit-il. « L’Armée de Terre et vos forces directement contrôlées dans l’Armée Interdite font tous les efforts pour réaliser cet objectif. Une route pour Van se situant sur le territoire du Royaume a déjà été achevée, et nous commençons les travaux des routes vers les petits villages voisins qui sont actuellement sous notre contrôle. Et aussi... nous avons construit huit ponts sur les rivières, mais... »
« Mais quoi ? » le questionnai-je. L’homme semblait évasif.
Ludwin m’avait regardé comme s’il ne comprenait pas ce que je voulais dire. « Sire. À l’heure actuelle, y a-t-il une raison de déployer un réseau de transport jusqu’à Van ? D’accord, je comprends l’importance de la mise en place de routes d’approvisionnement militaires. Cependant, si nous construisons des routes et des ponts vers les villes plus petites se trouvant autour de Van à une époque où l’Empire ne reconnaît pas notre souveraineté ici, cela n’aurait-il pas été inutile quand nous serons poussés à leur rendre ces terres ? »
« C’est vrai... bien sûr, je suis sûr que l’Empire demandera le retour de Van à la Principauté, » déclara Liscia. « Mais c’est un peu exagéré de penser que Julius et sa clique n’utiliseront pas les routes et les ponts que nous construisons. » Elle fronça les sourcils.
« Cela ne sera pas le cas, » Hakuya avait immédiatement rejeté l’opinion de Liscia. « Même si nous retournons Van et que le prince héritier Julius revient ici, il n’utilisera jamais l’infrastructure construite par le royaume. Peu importe ce que c’est, il travaillera afin d’éliminer toute trace de l’influence du royaume dans Van. Il ne peut pas se permettre de les garder par commodité, car il pourrait y avoir un attachement pour le royaume chez le peuple de Van. »
« Pour ma part, j’utiliserais tout ce que je pourrais, Amidonien ou non, » dis-je.
« Hehe. Je suis sûr que vous le feriez, Sire, » Juna déclara ça avec un sourire. « N’avez-vous pas utilisé leur commandant féminin avec la voix rauque en tant que chanteuse ? »
« Oh, vous parlez de Margarita Wonder, » dis-je. « Elle était une bonne trouvaille. »
J’avais initialement embauché Margarita seulement comme chanteuse, mais dernièrement, elle avait aussi organisé les concours de chant amateur. J’avais profité de son courage qui lui avait permis de devenir commandant dans ce pays patriarcal en dépit d’être une femme, et en vue de la façon dont elle parlait franchement, et cela même aux hommes, cela la rendait populaire auprès des femmes partout dans le monde. Oh, j’avais commencé un peu trop à diverger. Bon, oublions Margarita et concentrons-nous pour l’instant sur Julius et ses disciples.
« Je le sais..., » dis-je. « Si c’est ce qui va se passer, alors essayons de jouer un peu avec eux. »
« Jouer avec eux ? » demanda Liscia.
« Nous allons mettre nos noms sur les ponts, » dis-je. « Il y en a bien huit, n’est-ce pas ? Eh bien, nous allons faire sculpter les noms de Pont Souma, Pont Liscia, Pont Albert, Pont Hakuya, Pont Ludwin, Pont Poncho Ishizuka et le Pont Aisha sur leurs rambardes. Si les ponts eux-mêmes disent : “Ce pont a été construit grâce au Royaume d’Elfrieden”, la faction anti-royaume est sûre de les détruire, n’est-ce pas ? »
« Saviez-vous que vous pouviez être un sacré numéro, Souma ? ... » Liscia avait dit avec un soupir, à moitié impressionné, à moitié abasourdi.
Cependant, parce qu’il n’y avait pas d’objection, cette idée avait été réalisée comme je l’avais proposée. Et aussi, pour que cela n’ait pas d’importance s’ils étaient détruits, nous avions confirmé qu’ils ne devaient être construits que pour être robustes, sans aucun aspect artistique.
C’était tout ce qui devait être réglé pour l’instant. Une fois que nous avions vu Ludwin et Hakuya quitter la pièce avec les plans et les politiques que nous venions de décider, Liscia m’avait alors demandé. « Si l’Empire exige que nous retournions Van, pensez-vous toujours qu’il serait difficile de leur refuser ça ? »
Je pouvais seulement hocher la tête en réponse à cette question. « Eh bien, oui... Je n’ai nullement l’intention de changer mon plan d’ensemble, mais je ne peux pas nous voir forcer la main à Madame Jeanne. Ce serait une énorme perte pour l’image de l’Empire. Nous n’avons pas le pouvoir de nous battre avec eux maintenant, donc si l’Empire nous voit comme hostiles, ce serait un échec diplomatique. »
« N’avez-vous pas dit que vous avez rencontré Jeanne Euphoria ? » demanda Liscia. « Est-ce vrai que l’invocation du héros était leur manière de montrer quelques considérations envers notre pays ? »
J’avais alors dit. « Oui, c’est bien ça. »
« Quand vous êtes-vous rendu compte de ça ? » demanda-t-elle.
« Quand j’ai entendu que l’Impératrice Maria était surnommée la Sainte, » dis-je. « Je pensais que quiconque étant considérée comme une sainte ne ferait jamais quelque chose de trop malsain. Cela dit, d’après ce que Madame Jeanne m’a dit, Madame Maria n’aime pas trop avoir ce titre. »
« Avez-vous fait confiance à ce titre ? » demanda Liscia.
« Les personnes adoptent des titres parce qu’ils sont commodes, » dis-je. « Et parce qu’ils sont bien commodes, ils essaieront aussi de les maintenir. »
Dans une nation comme l’Empire qui couvrait une vaste étendue de territoire et incorporait de nombreuses personnes de diverses origines raciales et culturelles, un titre comme « sainte » devait être utile pour accumuler du pouvoir. Parce qu’après tout, cela lui avait permis de hisser le drapeau d’une résistance humaine unie en réponse à la menace du Domaine du Seigneur-Démon. C’est pourquoi Maria avait choisi d’agir comme une sainte, continuant à porter un titre dont elle ne se souciait pas.
« En interprétant la demande de l’Empire sous un jour positif, et en tenant compte de tout cela, cela serait probablement quelque chose comme ça... Voilà ce que je pensais, » dis-je.
C’était quelque chose que je n’étais pas sûr avant d’avoir parlé à Jeanne. Mais après avoir parlé à Jeanne, j’étais certain de ça.
L’Empire Gran Chaos n’était pas un empire maléfique, comme ceux qui apparaissent dans les histoires, ou même une superpuissance orgueilleuse. Il était juste un autre puissant pays, essayant désespérément de se maintenir à flot.
« Voilà pourquoi nous ne pouvons pas baisser nos gardes, » dis-je. « Face à un adversaire sérieux, il n’y a pas de place pour la négligence ou la fierté. »
« C’est vrai, » répondit Liscia. « Nous devons faire face à cela avec résolution. »
Liscia et moi avions tous deux hoché la tête, tout en ayant des regards graves.
Cela sera demain que Jeanne Euphoria viendrait, accompagnant Julius, prince héritier d’Amidonia, en tant qu’émissaire pour négocier le retour de leur territoire.
☆☆☆
Partie 2
— 21e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — La Muraille de Van
« Oh, quelle vue ! Quelle vue ! » criai-je.
En regardant vers le bas des murailles du château, il y avait un peu plus de 50 000 soldats de l’armée d’Elfrieden en formation autour de Van. En face d’eux se trouvaient, selon une estimation approximative, plus de 50 000 soldats de l’Armée Impériale en formation, avec environ 5 000 soldats supplémentaires de l’armée amidonienne à leurs côtés, pour un total combiné d’environ 60 000 hommes. Il y avait un plus grand nombre de troupes ici que lors du dernier engagement.
« Est-ce le moment d’être impressionné ? Et si cette armée nous attaquait ? » demanda Liscia avec exaspération. Elle était debout à côté de moi.
« Il n’y a pratiquement aucune chance que nous gagnions, » dis-je. Puis je regardai Hakuya, qui se tenait aussi à côté de moi. « N’est-ce pas ? »
« En effet, c’est correct, » dit-il en hochant la tête. « En nombre de troupes, en nombre de commandants, équipement, entraînement, moral. Peu importe lequel de ceux que vous choisissez de regarder, notre pays est derrière l’Empire dans chacune de ses catégories. En cas de guerre, nos forces n’ont aucune chance de gagner. »
Le flux de la guerre était censé être décidé par les cieux, la terre et les personnes. C’est-à-dire, l’avantage temporel du ciel, l’avantage territorial de la terre, et l’unité harmonieuse entre les personnes.
L’avantage temporel était donné à l’Empire, principal promoteur de la Déclaration de l’Humanité, tandis que l’avantage territorial résidait dans les forces de la principauté. Si l’on me demandait si le royaume avait une unité harmonieuse qui pourrait s’opposer à ces deux-là, j’aurais dû dire non. Il n’y avait pas longtemps que l’Armée de Terre et l’Armée de l’Air m’avaient prêté allégeance, alors même qu’elles pourraient être motivés à combattre les envahisseurs amidoniens, il serait difficile de maintenir leur moral contre les forces impériales qui leur étaient de loin supérieures.
Bref, nous n’étions pas supérieurs aux forces combinées de l’Empire et d’Amidonia dans l’une de ces trois catégories.
« J’aurais souhaité que nous ayons pu au moins avoir l’avantage de l’équipement..., » dis-je.
L’un des types de troupes que la force impériale avait et que je pouvais voir d’ici était des rhinosaurus portant des canons. J’avais entendu dire que les rhinosaurus étaient utilisés comme armes de siège, mais il semblait que l’Empire les utilisait comme plates-formes d’artillerie mobiles.
En fait, j’avais eu la même idée, mais avant que nous puissions charger des canons sur les rhinosaurus, ils avaient besoin d’être entraînés pour ne pas être surpris quand ils entendaient le bruit des tirs de canons. Nos rhinosaurus avaient été rassemblés avec les compétences de négociation de Tomoe, et donc, sans temps disponible pour la formation, ce plan avait été abandonné.
C’était frustrant de voir qu’un type de troupe que j’avais inventé était déjà utilisé par l’Empire, mais, bien, c’était quelque chose qu’un amateur militaire serait certainement capable de trouver. S’il y avait une demande pour eux, la plupart des idées de ce genre auraient déjà été mises à profit.
Eh bien, de toute façon, avec les choses comme elles étaient, nous ne pouvions pas nous battre.
Pour commencer, je n’avais jamais eu l’intention de me battre. Mais si nous avions été dans une position où nous pouvions avoir un avantage, cela aurait été une carte de plus sur la table des négociations. Dans l’autre sens, la force étalée devant mes yeux qui pourraient facilement nous vaincre était une carte dans la main de l’autre.
Alors que je savais que cela arriverait, c’était encore une situation difficile qui se présentait devant moi.
« Sire, il y a un type de troupe que je ne connais pas, » Aisha, qui surveillait les forces ennemies à distance, avait dit ça.
« Un type de troupe avec lequel vous n’êtes pas familier ? » demandai-je.
« Il y a un groupe vêtu dans une armure de plates toute noire ! » déclara-t-elle.
« Sont-ils entièrement en noir ? » demandai-je. « ... Attendez, wôw. Je suis étonné que vous puissiez voir ça. » À cette distance, les personnes semblaient aussi petites que les grains de riz.
« Les elfes sombres ont de bons yeux ! » Aisha gonfla sa poitrine avec fierté. « Ce groupe en armure noir porte des armes assez longues de plusieurs types. »
« C’est probablement l’“Unité d’Armures Magiques” ou encore “Unité d’Armures Anti-Magies, » expliqua Hakuya.
Maintenant, il y avait un mot inconnu.
« L’Unité d’Armures Magiques ? » demandai-je.
« Je suppose que vous pourriez les appeler la version anti-magie du piquier lourd, » répondit Hakuya. « Cette armure noire produit en tout temps une barrière qui bloque tout type de magie. Quand ils forment des rangs et avancent, il est dit que chaque pas qu’ils font est un autre pas où le territoire de l’Empire se développe. Ils sont le trésor de l’Empire, qui en est extrêmement fier. »
Hmm... Si je me souviens bien, les piquiers sont une unité avec de longues lances destinées à être utilisées contre la cavalerie, n’est-ce pas ? pensai-je. Mes connaissances viennent du fait d’avoir joué à des jeux de simulation de guerre, mais il s’agit d’un type de troupe qui forme une phalange contre la cavalerie qui charge, qui sort ses lances et qui repousse la charge. Si je me souviens, ils peuvent arrêter la cavalerie, dont la mobilité est leur point fort. Selon la situation, je pense qu’ils peuvent être un type de troupe puissant, mais parce que la tactique est avant tout une tactique d’attente, ils peuvent être difficiles à utiliser.
« Même s’ils peuvent annuler la magie, sont-ils vraiment un trésor ? » demandai-je.
Hakuya m’avait regardé avec consternation, puis il m’avait demandé ça à mon tour. « Vous souvenez-vous de la raison pour laquelle les armes à poudre n’ont jamais été développées sur ce continent ? »
« Puisque la magie est plus puissante et a une meilleure portée, elles n’étaient pas nécessaires. Est-ce correct ? » demandai-je. « C’est pourquoi seulement les canons ont été mis au point, mais ils étaient destinés à être utilisés en mer, où la magie est plus faible, ou pendant un siège, où ils peuvent encore faire du bon travail. »
« Tout à fait, » répondit Hakuya. « Il y a aussi le fait que les peaux de créatures vivant sur ce continent sont dures et résistantes, donc une arme à poudre ordinaire ne pouvait même pas les blesser. »
En d’autres termes, le fait qu’ils ne pouvaient pas les utiliser pour la chasse était une autre raison pour laquelle les armes à poudre n’avaient jamais été développées.
Si les personnes ici avaient développé le fusil, alors elles auraient su qu’il était possible d’augmenter le pouvoir de pénétration de la balle en le faisant tourner, et donc les choses auraient pu être différentes. Cependant, c’était une invention qui était venue parce que le mousquet (Le mousquet hinawaju du Japon était équivalent au premier mousquet), qui tirait simplement une balle, s’était déjà propagé. Ils n’avaient même pas la base pour que cette recherche se produise.
Alors que je pensais que je devrais peut-être développer le fusil pour eux, Hakuya avait dit. « Pour couronner le tout, nous avons des sorts attachables dans ce monde. Certains objets défensifs sont meilleurs que d’autres, mais ils ont souvent un sort qui réduit les dégâts qui leur sont attachés. L’inverse est également vrai, et une arme aura normalement un sort attaché qui augmente ses dégâts pour percer cette défense. »
« Et puis, zut ! » dis-je. « Cela ressemble trop à un jeu de tape-taupe... »
« Avec tout le respect que je vous dois, je crois que c’est la façon dont la technologie progresse, » déclara Hakuya. « Et pour les sorts attachés aux armes et aux armures, plus la masse de l’objet est grande, plus il peut être puissant. En d’autres termes, dans ce monde, la balle est plus faible que la flèche et la flèche est plus faible que la lance. »
Est-ce que cela signifie que même si je développe le fusil, les petites balles n’auront pas beaucoup de puissances en elles ? pensai-je. Une unité de tireurs semble de moins en moins pratique. Eh bien, je ne veux pas transformer ce pays en une société d’armes à feu, alors ça ne me dérange pas vraiment.
Hakuya continua. « Dans un monde comme celui-ci, il y a un groupe sur lequel la magie et le bombardement par wyvernes ne fonctionnent pas, les charges de cavalerie ne peuvent pas passer, et parce qu’ils sont de taille humaine, ils ne peuvent pas être ciblés avec des canons. Ce groupe en armure noire se déplace lentement vers l’avant. Du point de vue de leurs ennemis... »
« ... cela sonne quelque peu horrifiant, c’est vrai..., » dis-je. « Ils ressembleraient aux armées de l’enfer. »
Dans une bataille sur un champ de bataille dégagé, ils sont probablement invincibles, pensai-je. Si je pouvais me battre quelque part comme une colline ou un marécage avec de mauvaises bases, ou si je pouvais les attirer quelque part avec des tas de pièges et briser leur formation, alors les entourer...
Mais ces idées reposaient toutes sur moi en combattant dans une bataille défensive. Il était difficile pour l’attaquant de choisir où se battre. En ce sens, je pouvais voir pourquoi ils parlaient de chaque pas de l’expansion du territoire de l’Empire.
« De plus, l’Empire a d’autres unités puissantes en plus de l’Unité d’Armures Magiques, » déclara Liscia tout en regardant vers l’ennemi. « Ils ont les chevaliers-griffons, qui rivalisent non seulement avec la cavalerie-wyverne, mais avec les chevaliers-dragons en ce qui concerne la puissance. Ils ont une unité de mages qui dépasse largement les nôtres en nombre et surclasse les nôtres en puissance. Ils ont une unité de rhinosaurus entraînée au combat. Si nous combattons l’Armée Impériale, cela signifie que nous devons tous les prendre en même temps. »
Pourquoi, oui... oui, je le sais, pensai-je. L’ennemi avait bien plus que l’Unité d’Armures Magiques.
Il s’agissait de la pensée superficielle d’un amateur qui m’avait laissé croire que si je pouvais choisir l’emplacement de la bataille, alors je pourrais ainsi gagner.
« ... Nous ne sommes vraiment pas à la hauteur de l’Empire, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Souma..., » Liscia avait l’air inquiète, alors je lui ai souri.
« Ça n’arrivera pas tout de suite, » avais-je alors dit. « Mais finalement, je vais construire cela dans ce pays pour qu’il puisse se tenir côte à côte avec eux. »
J’avais alors frappé des mains, donnant le signal.
« Maintenant, que diriez-vous d’aller accueillir Madame Jeanne ? » demandai-je.
Ils étaient dans la salle d’audience de Van.
Dans cette zone, avec des couleurs et des décorations beaucoup plus ostentatoires que ceux de Parnam, la plus jeune sœur de l’impératrice Maria de l’Empire Gran Chaos, Jeanne Euphoria, et le fils aîné du Prince Souverain d’Amidonia Gaius VIII, Julius, se tenaient sur un tapis à plusieurs pas en dessous de moi alors que j’étais assis sur le trône.
Donc ce jeune homme était Julius. Il avait l’air d’être dans le milieu de la vingtaine, un bel homme avec un air de génie calculateur, tout comme Hakuya, mais Julius semblait encore plus froid et austère. Il semblait réprimer ses émotions, mais dans ses yeux je pouvais voir son hostilité envers moi qui vacillait comme une flamme bleu pâle.
En revanche, Jeanne était vraiment magnifique. Il s’agissait d’un territoire ennemi pour elle, donc le courage qu’elle avait montré en venant ici sans gardes du corps, avec uniquement Julius à ses côtés, m’avait profondément impressionné.
Afin de pouvoir saluer ces deux personnes, nous nous étions alignés avec Liscia et Hakuya de chaque côté de moi, et Aisha derrière moi en diagonale, debout en tant que garde du corps.
Voyant cela, Jeanne pencha la tête sur le côté. « C’est une surprise. Je m’attendais à ce que notre réunion compte un grand nombre de soldats. »
« Si j’apportais trop de soldats à la réunion, cela ne ferait que vous rendre mal à l’aise, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Je vois, » dit-elle. « Vous êtes une personne courageuse. »
Jeanne avait dit comme si elle était impressionnée, mais à l’intérieur, je souriais avec ironie.
C’était simplement ce que j’avais lu une chronique historique dans laquelle un certain dirigeant avait accueilli un envoyé ennemi avec une attitude semblable à celle de Jeanne. Cet envoyé avait dit des choses comme. « Est-ce une manifestation de respect dans votre pays de placer autant de troupes avec vous afin de rencontrer une seule personne ? » et « Où êtes-vous un lâche qui ne se sent pas en sécurité sans que ses soldats le protègent ? » Il avait humilié ce dirigeant, et je venais juste de m’en souvenir, et donc... J’avais décidé de ne pas laisser Jeanne pouvoir me faire ça.
« Bien sûr, avec celle qui est derrière vous, vous devez vous sentir tout à fait en sécurité, » Jeanne regarda avec perspicacité Aisha. Peut-être était-ce parce qu’ils partageaient quelque chose de commun en tant que guerriers, mais elle avait jugé avec justesse de la capacité d’Aisha. « Je peux dire qu’elle est une bonne guerrière. Si je demandais un combat contre elle, il pourrait s’avérer difficile pour moi de gagner. Vous avez une bonne vassale, Sire Souma. »
« ... Merci, » dis-je.
Il n’y avait aucun moyen pour moi de savoir à quel point elle était sérieuse avec ses louanges, mais à en juger par la crispation d’Aisha, Jeanne ne devait pas être sous-estimée en tant que guerrière.
« Vous aussi, » continuai-je. « C’est très courageux de votre part d’affronter le roi d’une autre nation sans amener une escorte de gardes. Ne vous inquiétez-vous pas de ce que je pourrais vous faire assassiner ici ? »
« Je suis venu en tant qu’envoyée de paix, » Jeanne sourit. « Pourquoi devrais-je avoir peur qu’on décide de me faire du mal ? »
Je pourrais dire qu’elle était tout à fait une bonne actrice. Elle n’avait peut-être pas de gardes avec elle ouvertement, mais peut-être des agents secrets étaient-ils entrés pour la surveiller. Même maintenant, quelque part où nous ne pouvions pas les voir, ils pourraient être en concurrence féroce contre Juna et ses marines.
Après ça, j’avais regardé Julius. « Ceci est notre première rencontre. Je suis Souma Kazuya. »
« ... Je suis le Prince Souverain d’Amidonia, Julius, » ne cachant pas l’hostilité présente dans ses yeux, Julius se donna ce titre. Il devait en avoir hérité à la mort de Gaius VIII. Du fait que nous occupions Van, il n’avait probablement pas encore été officiellement couronné, mais moi (en tant que roi provisoire) j’étais dans le même bateau, donc je ne l’avais nullement signalé.
« Maintenant, écoutons pourquoi vous êtes tous les deux venus ici, » dis-je.
Julius avait immédiatement ouvert sa bouche. « Permettez-moi d’aller droit au but. J’exige que vous nous redonniez immédiatement Van. »
« Sire Julius... » Jeanne sembla troublée par son explosion, mais Julius continua, ne se souciant nullement d’elle.
« Notre nation est signataire de la Déclaration de l’Humanité. Dans le texte de l’accord, il est dit : “Le déplacement des frontières nationales par la force sera jugé irrecevable.” Le Royaume d’Elfrieden a occupé Van par la force. En tant que tel, conformément à la déclaration, je suis venu ici avec Mme Jeanne, un émissaire envoyé par l’Empire Gran Chaos, pour obtenir la restitution de Van et de ses environs. »
« Cela semble terriblement égoïste, » j’avais alors mes coudes sur les accoudoirs du trône et mes joues sur mes paumes, lançant un regard noir à Julius. « Vous avez commencé par envahir Elfrieden en premier. D’abord, vous essayiez de vous développer par la force, puis, lorsque vous perdez, vous vous tournez vers la Déclaration de l’Humanité pour avoir une protection, et vous vous accrochez à la puissance de l’Empire afin de chercher la récupération de votre territoire. Ne pensez-vous pas que c’est pathétique ? »
« La décision d’envahir Elfrieden était celle de mon père, Gaius, réalisé de son propre chef, » déclara froidement Julius.
« Vous l’avez accompagné lors de cette campagne, alors vous partagez son crime, » dis-je. « D’ailleurs, avant de commencer à négocier le retour de votre territoire, n’est-ce pas une excuse pour envahir mon pays par la même occasion ? »
« Argg... »
« Sire Julius, » déclara Jeanne. « Sire Souma a raison. Nous sommes dans la position de demander qu’il rende votre terre. Nous devons commencer par leur montrer votre sincérité. »
Julius semblait profondément mortifié par cette pensée, mais avec sa seule ligne de vie, Jeanne, le pressant de le faire, il recula à contrecœur, puis, toujours à contrecœur, il baissa la tête. « ... Alors que l’invasion de votre pays était uniquement la décision de notre ancien dirigeant, Gaius, c’était mon propre manque de vertu qui m’a empêché de l’arrêter. Permettez-moi de m’excuser pour ça. »
Cela ne ressemblait pas vraiment à des excuses, mais il semblait que c’était tout ce qu’on pouvait s’attendre de sa part.
Julius avait continué à parler. « Cependant, c’est votre pays qui porte atteinte à nos frontières. En tant que signataires de la Déclaration de l’Humanité, nous avons le droit de demander à l’Empire de nous rendre notre territoire. »
« ... Voici ce que vous dites Julius, mais quel est le point de vue de l’Empire ? » demandai-je, faisant tourner la conversation vers Jeanne.
Elle avait haussé les épaules. « L’Empire préférerait ne pas aider Amidonia, qui n’a vraiment que ce qu’elle mérite... mais, en tant que signataires de la Déclaration de l’Humanité, nous n’avons pas d’autre choix que de répondre à leur demande. »
« Fondamentalement, vous dites que l’Empire demandera que nous retournions tous les territoires occupés, y compris Van ? » demandai-je.
« Ce serait ce que cela signifie, oui, » dit-elle.
Ouais, pensai-je. Je pensais que l’Empire prendrait cette position. C’est un peu agaçant de voir Julius agir comme si c’était sûr qu’ils le feraient, mais tout cela est dans les limites de ce à quoi je m’attendais. Alors, laissez-moi aussi leur donner la réponse que je m’attendais à donner.
« Je refuse, » répondis-je.
« Quoi... !? » Jeanne en eut le souffle coupé.
Julius était momentanément à court de mots. Peut-être qu’il ne s’était pas attendu à un tel rejet. Cependant, il s’était immédiatement repris et alors, il avait dit après avoir pris une expression furieuse. « Êtes-vous sain d’esprit !? Pour oser défier la Déclaration de l’Humanité ! »
« Mon intention n’est pas de défier la Déclaration de l’Humanité, » dis-je. « Cependant, je ne peux pas respecter la façon dont Amidonia fait les choses. D’abord, vous envahissez le territoire d’Elfrieden, puis quand nous lançons une contre-invasion, vous vous plaignez de nous à propos de ce changement de frontière par la force. Cela ne résiste pas à la raison. »
« C’est... Tout cela a été décidé par l’ancien dirigeant Gaius, de son propre chef, » bredouilla Julius.
« C’est du pur sophisme, et vous le savez, n’est-ce pas ? » demandai-je.
Julius semblait ne pas savoir quoi dire au début, mais il répondit. « Dites ce que vous voulez, cela ne changera pas le fait que les habitants de mon pays vivent sous votre occupation. Moi, en tant que dirigeant de ce pays, je dois libérer mon peuple. »
C’était son argument. La libération de l’occupation, hein.
« Je me demande si les habitants de Van veulent être libérés, » dis-je.
« Quoi ? » s’exclama Julius.
« Sire Julius, » dis-je. « N’avez-vous pas vu les rues de Van en venant jusqu’ici ? »
En réponse à ma question, les yeux de Julius s’étaient écarquillé, et il m’avait immédiatement lancé un regard furieux. « Van est la cité où je suis née et où j’ai grandi. Je la connais mieux que vous. »
« Vraiment... ? Eh bien, que pensez-vous de la couleur de Van en ce moment ? » demandai-je.
« La couleur ? » demanda-t-il d’une manière hostile. « J’ai vu un certain nombre de maisons avec leur toit et leurs murs peints de couleurs criardes et insipides, mais qu’en est-il ? »
C’était ça... Eh bien, peut-être qu’il n’était pas injuste de les décrire comme insipides.
« Nous avons chacun notre sens de l’esthétique, donc je ne commenterai pas cela, » dis-je. « Cependant, Sire Julius. Si les personnes étouffaient sous le joug de notre oppression, pensez-vous qu’elles voudraient rendre leurs toits et leurs murs plus colorés ? »
J’avais soigneusement choisi mes mots, afin de ne pas pousser Julius dans un accès de rage.
« Si un dirigeant est oppressif, les personnes vont essayer d’agir d’une manière qui ne se démarque pas des autres. C’est ainsi, car s’ils devaient attirer l’attention en faisant quelque chose de voyant, on ne sait pas quel genre de catastrophe leur arriverait. Donc, plus les personnes sont opprimées, et moins vous les entendrez se plaindre. Elles ne montrent pas leurs sentiments ou leurs mentalités, gardant leurs véritables sentiments enfouis profondément dans leurs cœurs. Elles ne rêveraient jamais de faire quelque chose comme peindre leurs toits et leurs murs avec des couleurs voyantes. »
Après ça, j’avais fait une pause pendant un petit moment afin de pouvoir regarder Julius dans les yeux.
« Maintenant, dites-moi, de quelle couleur étaient les couleurs de Van quand vous et votre père étiez là ? » demandai-je.
En réponse à ma question, Julius serra la mâchoire. Bien sûr, il le savait parfaitement.
Quand j’étais entré dans Van, la couleur que j’avais ressentie ici était le gris.
Les rues labyrinthiques, qui n’étaient même pas correctement divisées en districts, avaient seulement eu des maisons avec des murs gris et des toits en terre, sans le moindre soupçon de personnalité. Même si elles n’avaient pas fait partie d’un schéma de couleurs unifié, elles avaient toutes semblé standardisées parce que les habitants de cette ville n’avaient pas été libres dans leurs pensées.
« Entre Van sous mon autorité, et Van quand elle était sous votre domination, qui ressemble plus à “sous occupation” ? » demandai-je.
« Vous... Êtes-vous en train de dire que nous étions oppressifs ? » cria Julius.
« Oui, parce que c’est un fait que vous l’étiez, » dis-je. « Il semble que la majeure partie de votre budget national allait aux dépenses militaires. Les taxes que paient vos habitants étaient censées être rendues aux personnes sous la forme de bien-être. Au lieu de maintenir votre ville, ou vos routes, ou l’industrie de soutien, vous avez saigné votre peuple avec de lourdes taxes qui ne sont finalement allées que dans l’armée. Qu’est-ce que c’est si ce n’est pas une manière de régner oppressive ? »
« Sale Chien ! » Julius cria, se précipitant vers moi.
« Sire Julius ! » déclara Jeanne en tendant la main pour l’arrêter.
Alors que Julius s’arrêtait après seulement un demi-pas, il grinçait toujours des dents dues à la frustration. Je ne leur avais pas permis de porter des armes pendant l’audience, mais cela aurait été une situation risquée si Jeanne n’était pas intervenue.
« Aisha, enlevez également la main de votre garde, » dis-je.
« ... Oui, Sire, » déclara Aisha.
J’avais été capable de sentir la soif de sang derrière moi, alors j’y avais mis un terme. Sa voix semblait abattue, comme une enfant qui avait été grondée.
Bien qu’elle n’avait pas à se sentir si abattue, car la raison pour laquelle je pouvais aller vers un affrontement avec Julius était que je me sentais en sécurité en sachant que, si cela se passait mal, Aisha était là afin de me protéger.
« Sire Souma... Je vous demanderais de ne pas causer d’agitation chez Sire Julius, » Jeanne objecta, avec un soupir.
« Je ne lui ai dit que la vérité, » répondis-je. « Gouverner la nation et fournir un soulagement aux personnes... ne sont-elles pas les deux devoirs d’un dirigeant ? Cependant, de leur côté, ils ont lourdement taxé la population afin de payer leurs dépenses militaires inutiles. N’est-ce pas la définition même de l’oppression ? »
« Et à qui revient la faute ? » cria Julius. « Si la famille royale d’Elfrieden n’avait pas volé de terres à mon grand-père... ! »
« Pas encore ça... » En entendant Julius débiter les mêmes arguments usés, j’avais laissé échapper un soupir. « La famille royale d’Amidonia appelle à tout moment à la vengeance contre Elfrieden, mais ni vous, ni même Gaius ne participiez à ces événements. De plus, je ne suis pas présent dans ce monde depuis aussi longtemps. Alors, quelle rancune auriez-vous pu avoir contre moi ? »
« Ah ! C’est..., » répondit Julius.
« C’est plutôt votre pays qui est celui qui a continuellement essayé de faire du mal au mien, » dis-je. « ... Hakuya. »
« Oui, Sire, » Hakuya sortit deux morceaux de papier enroulés à l’intérieur d’un tube cylindrique et en tendit un à chacun d'eux.
Sur le papier avait été écrit un certain nombre de noms. Quand ils virent ces noms, Jeanne semblait confuse, mais Julius avait un regard clairement visible sur son visage comme s’il venait de mordre quelque chose de désagréable.
« Qu’est-ce... que c’est que ça ? » demanda Jeanne.
Après s’être incliné, Hakuya commença à expliquer. « Les noms que vous voyez écrits ici sont des nobles du Royaume d’Elfrieden qui ont été incités à la sédition par la Principauté d’Amidonia. Certains d’entre eux se sont soulevés pendant le règne de l’ancien roi et ont été réprimés. Amidonia les a incités à le faire, fomentant la rébellion, les tentant à l’aide de la corruption, et les encourageant à adopter une position non coopérative envers la famille royale. »
« Oh mon dieu..., » quand Jeanne se retourna froidement vers lui, Julius serra la mâchoire.
On aurait dit qu’ils essayaient d’attiser la rancune des trois ducs, alors j’avais demandé à Hakuya d’y jeter un coup d’œil. Et, franchement, que n’avions-nous pas trouvé comme trucs louches ? Je pouvais voir sur la liste les noms des nobles corrompus qui avaient pris part au soulèvement, mais certains des noms que j’ai vus appartenaient à des nobles qui avaient refusé de prendre parti dans le récent conflit. Quand je serai revenu à la capitale royale, j’allais devoir faire quelque chose à ce sujet.
« Madame Jeanne, » déclara Hakuya. « Alors qu’ils se font l’éloge de la Déclaration de l’Humanité, la Principauté d’Amidonia se livre à toutes ces magouilles dans les coulisses. Il est difficile de voir comment ils peuvent parler de la vengeance contre notre royaume après avoir fait tout cela. »
« Même quand il s’agit de cette vengeance, ils ne l’évoquent que quand cela leur profite, » j’avais fixé Julius du regard pendant que je parlais, suivant l’exemple de Hakuya. « “Notre pays est pauvre à cause du royaume, tout le monde a faim à cause du royaume, nos habitants souffrent sous leur dur labeur à cause du royaume, les lourds impôts que nous prélevons vont à l’armée et non aux habitants à cause du royaume.” »
« Où voulez-vous en venir ? » demanda Julius.
« C’est terriblement pratique, » dis-je. « Si vous utilisez simplement cette excuse pour vous enorgueillir du thème de la vengeance, vous pouvez cacher vos erreurs politiques et rediriger la colère de votre peuple vers Elfrieden. »
« Sale chien ! Comment osez-vous dire cela !? » s’exclama Julius tout en se précipitant vers moi.
« Sire Julius ! » déclara Jeanne d’un ton brusque, l’arrêtant à nouveau.
Puis elle tourna un regard tout aussi dur dans ma direction. « Sire Souma, je crois que je vous avais demandé de ne pas le troubler ainsi. »
« ... Désolé, » dis-je. « C’est juste que nous voulons que vous sachiez que nous sommes aussi furieux du comportement d’Amidonia. »
« C’est... je comprends, » répondit Jeanne.
« Merci beaucoup, » dis-je. « Maintenant, j’ai une proposition à vous faire. »
Je m’étais tourné vers eux, comme si je leur disais, maintenant, il est temps de se mettre au travail.
« Pourrions-nous faire sortir Sire Julius ? » demandai-je.
Le visage de Julius se contorsionna de rage. « Ne sois pas absurde ! Pourquoi devrais-je être retiré des négociations qui détermineront le sort de la capitale de mon pays !? »
Un visage intelligent et beau montrant toute cette colère était au moins cinquante pour cent plus intimidant que celui d’une personne ordinaire qui aurait été dans le même cas. Avant de venir dans ce monde, j’aurais probablement été submergé par son attitude menaçante. Mais... maintenant, j’avais passé environ une demi-année en tant que roi, traitant avec des gens très effrayants tels que Gaius lui-même, pour des questions de vie et de mort, après tout cela, ce niveau d’intimidation n’était pas une pression suffisante pour me décourager.
« Franchement, c’est simple, » dis-je. « Et pour commencer, je n’ai même pas besoin de négocier avec Amidonia. »
« Qu’est-ce que vous avez dit !? » cria-t-il.
« Je suis à la table des négociations parce que je veux que l’Empire reconnaisse ma souveraineté sur Van, » dis-je. « L’Empire prend la position qu’ils ne peuvent pas reconnaître le changement de frontières dû à l’exercice de la force, alors ils sont ici pour négocier parce qu’ils veulent que je retourne Van, n’est-ce pas ? Dans ce cas, l’affaire peut être réglée entièrement par des négociations entre le royaume et l’Empire. »
Cela avait toujours été une négociation entre le royaume et l’Empire. La principauté n’avait jamais été plus qu’une simple spectatrice. Si son ressentiment allait arrêter le bon déroulement des négociations, je serais plus heureux de le voir retiré d’eux. Jeanne semblait aussi comprendre cela.
« ... Sire Julius, » déclara-t-elle. « Puis-je vous demander de me laisser gérer cela ? »
« Madame Jeanne !? » s’exclama-t-il. « Mais... »
« Ces négociations n’iront nulle part avec vous deux qui tenez l’autre à la gorge, » déclara Jeanne. « L’Empire ne veut pas passer son temps à arbitrer les disputes des autres nations. Je vais certainement récupérer Van, alors je voudrais que vous me laissiez m’occuper de ça. »
« C’est... très unilatéral de votre part, n’est-ce pas ? » demanda Julius avec colère. Il semblait prêt à continuer à se disputer, mais Jeanne le coupa net.
« Alors l’Empire n’aura plus rien à faire avec cette affaire, et vous pourrez négocier par vous-même. À mon avis personnelle, la faute incombe à cette occasion à Amidonia. Nous faisons ce que nous pouvons pour vous aider parce que vous êtes signataire de la Déclaration de l’Humanité, mais si vous vous trouvez incapable de nous faire confiance, l’Empire se retirera tout simplement de ces négociations. »
Julius savait que la principauté ne pouvait pas récupérer Van seule. Si l’Empire laissait entendre qu’ils pourraient se retirer des négociations, il n’y avait rien qu’il pouvait dire.
Julius avait l’air angoissé, étouffant les mots. « Allez-vous... nous faire récupérer Van ? »
« Je le jure sur le nom de ma sœur, l’impératrice Maria Euphoria, » déclara-t-elle.
« Je compte sur vous, » Julius inclina la tête vers Jeanne, puis quitta la salle d’audience.
Après l’avoir vu, Jeanne et moi nous regardâmes et soupirâmes.
« ... Je suis désolée, » déclara Jeanne. « Nos signataires peuvent être si nombreux. »
« ... Je comprends votre douleur, » répondis-je.
Nous avions alors tous deux souri. Afin de cacher nos vrais sentiments, nous avions naturellement tous les deux souri. L’air de danger avait disparu de la pièce, mais l’air était toujours aussi tendu. Non, au contraire, c’était encore plus tendu qu’avant.
Ces pourparlers décideraient de ce qui allait se dérouler d’ici pour le royaume et l’Empire, ce qui était probablement inévitable.
« Peut-être, avez-vous délibérément fait enrager Julius pour préparer le terrain ? » demanda Jeanne.
Je secouai la tête avec un sourire ironique. « Je voulais lui dire la plupart des choses que je lui ai dit. À cause de son père et lui, le rétablissement du royaume a été retardé et j’ai dû faire beaucoup de travaux inutiles. Je voulais évacuer un peu tout cela. »
« Vraiment ? » déclara Jeanne, ne semblant pas se soucier de tout ça. Puis Jeanne porta une main à sa poitrine, faisant une révérence. « Permettez-moi de me présenter une fois de plus, Sire Souma. Je suis Jeanne Euphoria, émissaire de l’Empire Gran Chaos. Je viens représenter ma sœur Maria Euphoria. »
« Bienvenue, Madame Jeanne, » dis-je. « Je suis le roi (provisoire) d’Elfrieden, Souma Kazuya. »
Pour recommencer les choses, Jeanne et moi nous nous étions représentés.
Jeanne avait été un peu taciturne auparavant, mais elle prenait maintenant un ton enjoué, complètement en désaccord avec ce qu’elle était avant. Elle avait alors souri à Liscia qui se tenait à côté de moi. « Je suis soulagée de voir que vous allez bien, Princesse Liscia. »
« Vous semblez être en bonne santé, Madame Jeanne, » déclara Liscia, tout en lui retournant le sourire.
« Hm ? Vous connaissiez-vous toutes les deux ? » demandai-je.
« Oui, » répondit Liscia. « Nous nous sommes rencontrés juste une fois, quand nous étions plus jeunes. N’était-ce pas avant que le Domaine du Seigneur-Démon n’apparaisse ? »
« Oui, c’est le cas, » répondit Jeanne. « Si je me souviens bien, c’était au moment où j’ai forcé le ministre responsable des négociations avec votre ancien roi, Sir Albert de m’emmener avec lui. En raison de notre âge très semblable, nous avons joué ensemble. »
Je vois, pensai-je. Comme elles sont toutes deux des personnes appartenant à la royauté, elles ont ce genre de liens.
Jeanne regarda le corps de Liscia de haut en bas avant de dire. « Vous devez être encore plus forte maintenant que vous étiez à l’époque. Je peux le dire juste en vous regardant. »
« Je pourrais dire la même chose de vous, » répondit Liscia. « À l’époque, je n’ai jamais réussi à vous mettre à terre une seule fois. »
Wôw, attendez ! Comment cela peut être un jeu le fait de mettre à terre l’autre !? pensai-je.
« Vous étiez toutes les deux des garçons manqués, » murmurai-je.
« Même le doux Marx était en colère contre nous, » déclara Liscia, nostalgique.
« Notre ministre des Affaires étrangères était aussi en larmes, » Jeanne eut un petit rire. « Hahaha ! »
Non, non, ce n’est pas un sujet de plaisanterie... Je me sentais mal pour Marx et ce ministre de l’Empire dont je n’avais jamais vu le visage.
« Eh bien ! De toute façon, nous nous sommes assez souvenus de l’ancien temps, » commença Jeanne. « Je pense qu’il est temps que nous parlions à cœur ouvert. »
« Je le sais, » dis-je. « Pour commencer, passons à autre chose. »
Je voulais saisir cette occasion pour parler franchement avec l’Empire. Afin de rendre cela possible, le site de réunion devait être un endroit où les deux parties se sentiraient à l’aise. J’allais aussi vouloir un stylo et du papier.
« Mais, d’abord... Liscia, pouvez-vous faire appeler Serina pour moi ? » demandai-je.
Liscia acquiesça, quittant la pièce. Peu de temps après, une femme en uniforme de femme de ménage entra.
Il s’agissait de la servante personnelle de Liscia, la servante en chef Serina. La femme de chambre, une beauté intellectuelle qui était légèrement plus âgée que moi, souleva légèrement l’ourlet de sa jupe-tablier et fit une révérence. « Je suis venue à votre demande, Votre Majesté. »
« Serina, » dis-je. « Le dirigeant d’Amidonia... non, le Prince Souverain d’Amidonia, Julius, est dans la chambre des visiteurs. Il est fort probable que je parle encore un moment avec Madame Jeanne, alors commencez le banquet sans nous et faites en sorte qu’il soit le bienvenu. »
Après que je lui eus donné cet ordre, Serina s’inclina respectueusement. « Très bien. Dans ce cas, je voudrais avoir la permission d’ouvrir une bouteille de tequeur très âgé de la cave à vin du château. »
Au moment où elle avait dit ça, j’avais cru voir une lueur suspecte dans les yeux de Serina.
Veut-elle boire cette boisson alcoolisée, peu importe comment elle le demandait ? Me demandai-je. Elle a l’air d’être le genre de femme qui à l’air coincé et sérieux, mais peut-être qu’elle est en fait une buveuse. Est-ce qu’elle dit que c’est pour notre invité, alors qu’elle voudrait elle-même le boire ?
« Je vais laisser cette affaire à votre discrétion, » dis-je finalement. « Tant que notre invité s’amuse bien. »
« Compris. Je vais verser la part de Sire Julius et le divertir personnellement, » avec ces mots et un sourire glacial, Serina s’inclina et sortit de la pièce.
Son sourire m’inquiétait, mais elle avait dit qu’elle le divertirait, alors j’avais pensé que c’était probablement correct. En pensant à cela, j’avais regardé à côté de moi pour voir Liscia et Hakuya grimaçant.
« Qu’est-ce qui se passe avec vous deux ? » demandai-je.
« Souma... le tequeur est un alcool très connu pour être extrêmement fort, » répondit Liscia.
« Il a un goût agréable, cela encourage la consommation excessive d’alcool. Cependant, si quelqu’un qui n’est pas habitué à boire le fait, il l’enverra rapidement au pays des rêves. Normalement, c’est le genre de chose que vous en buviez quelques gouttes mélangées dans un verre de thé ou de jus, » expliqua Hakuya, ayant l’air d’avoir mal à la tête.
« Hein !? Attendez. Si elle lui verse des verres de cette chose, » commençai-je.
« Le banquet sera terminé au moins dix minutes après son début, » répondit Hakuya.
« Elle n’a donc aucunement l’intention de le divertir !? » m’exclamai-je.
La femme de chambre Serina. Elle avait une élégante beauté, elle s’acquittait parfaitement de ses devoirs, elle était polie et elle pouvait aussi faire preuve d’une grande considération, ce qui la rendait parfaite en tant que femme de chambre. Cependant, elle était aussi un peu trop sadique.
Quand il s’agissait de jolies filles, elle voulait toujours les tourmenter et les taquiner. Non qu’elle fasse tout ce qui pourrait leur faire du mal. Elle aimait juste éveiller un peu leur sens de la honte.
Tout en restant seul avec Serina, Julius n’avait aucune chance.
Eh bien, le but du banquet est toujours d’empêcher Julius de découvrir ce qui se passe lors de nos négociations avec l’Empire, pensai-je. Si elle le fait boire jusqu’à un état d’ébriété, c’est aussi une façon de le faire...
« ... Juste pour cette fois-ci, je me sens mal pour Julius, » déclara Liscia avec des yeux aussi impassibles que ceux d’un poisson mort. « Serina, elle aime juste jouer avec des types vantards comme lui. »
« I-Il semble que vous ayez une expérience personnelle avec cette..., » dis-je.
« Chaque fois que je me comportais mal, c’était Marx qui me grondait, mais Serina était toujours chargée de me discipliner, » répondit Liscia. « Bien sûr, Serina est une femme de ménage, donc elle ne pouvait pas me punir physiquement. Non, elle est allée chercher plutôt des attaques psychologiques. Si seulement... Si seulement elle ne connaissait pas cette chose... Non, il y a aussi, n’est-elle pas là... ? Arg, pourquoi a-t-elle toujours, toujours besoin de me voir aux pires moments ? »
Alors que j’essayais de consoler Liscia, qui tenait sa tête dans ses mains, je laissai échapper un soupir. « Quelle quantité de matériel de chantage a-t-elle sur vous... ? »
« Hehe. C’est vraiment un... pays intéressant, » dans le coin de mon œil, je vis Jeanne qui faisait de son mieux pour retenir un sourire.
Après cela, nous avions changé de lieu et nous avions été avec Jeanne jusqu’au bureau des affaires gouvernementales. C’était parce que, si nous devions nous asseoir et négocier longuement, je pensais que c’était le meilleur endroit pour le faire.
Il était assez grand pour contenir un nombre raisonnable de personnes, et il y avait beaucoup de stylos et de papiers là-bas. Être capable de mettre facilement la main sur tous les documents dont nous pourrions avoir besoin était un autre point en sa faveur.
... Cependant, lorsque Jeanne entra dans la pièce, la première chose qui avait attiré son attention fut le lit dans le coin.
« Sire Souma, à quoi sert ce lit ?? » demanda-t-elle.
« C’est le mien, » dis-je. « Je suis bien trop occupé pour avoir ma propre chambre. »
« Dormez-vous dans le bureau des affaires gouvernementales !? » demanda-t-elle.
« J’ai honte de l’admettre, mais oui, » ce fut Hakuya et non pas moi qui lui répondit, et cela semblait profondément embarrassant.
Cependant, ce n’était apparemment pas le fait que j’avais dormi dans le bureau lui-même qui avait surpris Jeanne. « Je n’ai jamais pensé qu’il y aurait un roi qui ferait les mêmes choses que ma sœur... »
« Pardon ? » demandai-je, étonné.
Sa sœur... Cela ne veut-il pas dire Madame Maria ? Hein !? L’Impératrice dort-elle également dans le bureau des affaires gouvernementales ? pensai-je.
Avant que je puisse lui demander la moindre chose, Jeanne avant répondue d’un ton embarrassé. « Bien sûr, elle a sa propre chambre, mais quand elle est occupée par le travail administratif, elle dort dans un lit qui a été installé dans le bureau. De plus, dans le cas de ma sœur, elle ne se contente pas d’un simple lit. Elle a apporté un bon et très confortable lit. Cela fait que c’est encore pire. »
Je restai silencieux devant cette révélation.
Je me demande pourquoi, pensai-je. En ce moment, je ressens une parenté incroyable avec la Sainte de l’Empire.
« Ma sœur doit se rendre compte qu’elle est la souveraine d’un vaste empire, » déclara Jeanne. « Je ne cesse de lui dire de ne pas le faire, et de considérer à quoi cela ressemble pour ses vassaux, mais tout ce que je reçois en retour est : “Je ne vois pas le problème. Je dors si bien dans ce lit.” Elle ne m’écoute pas du tout. »
Après que Jeanne ait dit cela avec un soupir, pour une raison inconnue, Hakuya hochait la tête. « Je vous comprends parfaitement. Je ne sais pas combien de fois j’ai conseillé à Sa Majesté d’avoir sa propre chambre et d’y dormir. Pourtant, chaque fois que je le fais, il me repousse avec un simple, “Mais c’est plus efficace ainsi”. »
« Oh, je comprends bien, » déclara Jeanne. « Je sais qu’elle est fatiguée de son travail, mais j’aimerais qu’elle se demande un peu plus comment ses subordonnés la voient. Surtout depuis que ma sœur a cette image d’être une sainte, je préférerais qu’elle ne fasse rien de trop malséant. »
« Je peux également comprendre cela, » déclara Hakuya. « J’ai abandonné sur ce front. Sa Majesté a peut-être le titre de “héros”, mais tout ce qu’il fait est tellement... »
Les deux n’arrêtent pas de dire : « Je comprends, je comprends », pensai-je. Pourquoi semble-t-il autant en accord ?
« Je pense que c’est bien que quand Sire Souma le fait, au moins il le fait de manière calculée, » déclara Jeanne. « Car quand ma sœur le fait, c’est juste de la paresse. Elle peut être aussi un peu tête en l’air, quelquefois... »
« Eh bien, au moins c’est mignon, » répondit Hakuya. « Dans le cas de Sa Majesté, je pense que c’est pire parce qu’il l’a planifié. Pourquoi le roi qui écoute si bien ses sujets en matière de gestion de l’état prétend-il ne pas entendre les mots que je lui dis quand il s’agit de le conseiller sur sa vie personnelle ? »
« Je vois que vous avez aussi beaucoup souffert, Sire Hakuya, » déclara Jeanne.
« Non, non. Madame Jeanne, vous avez dû avoir pire, » répondit Hakuya.
Jeanne et Hakuya étaient vraiment en train de s’entendre à merveille. Ils semblaient pouvoir échanger une poignée de main ferme à tout moment.
Et ainsi, ici même, maintenant, « l’Association des Victimes de Maîtres Paresseux » avait été formée. Il s’agissait d’une blague dont je ne pouvais pas en rire. Ça devenait gênant pour moi, et je voulais faire avancer rapidement la conversation sur un autre sujet, mais si je les interrompais maintenant, j’allais me faire gronder et me faire gifler avec un éventail de papier, alors j’avais décidé de me taire un peu plus longtemps.
Je regardai attentivement leur conversation s’installer peu à peu, puis, me raclant la gorge à haute voix, je fis signe à Jeanne de s’asseoir à la longue table se trouvant au milieu de la pièce. « Eh bien ! De toute façon, asseyez-vous. Passons aux négociations. »
« Ah... C’est vrai. Très bien, » l’expression de Jeanne avait changé, et elle s’était assise à la table.
Une fois que nous étions assis l’un en face de l’autre à la longue table, Jeanne m’avait regardé dans les yeux et avait commencé. « Je suppose que le premier ordre du jour est votre occupation actuelle de Van. »
Je n’avais rien dit en retour.
« Bien que je regrette vraiment de devoir le dire, j’ai donné ma parole à Sire Julius, de sorte que l’Empire a un rôle à remplir ici, » dit-elle. « Pourriez-vous s’il vous plaît leur redonner la ville de Van ? »
« Il n’y a pas besoin de se précipiter à la conclusion comme ça, » dis-je. « Je veux dire, c’est une chance rare pour le chef du royaume et le numéro deux de l’Empire de négocier directement. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles je veux saisir cette opportunité pour discuter, et beaucoup d’informations que je veux partager. Laissons tout sujet qui pourrait nous mettre tous les deux dans une mauvaise humeur pour après tout cela. »
Jeanne prit un air pensif, mais finalement elle hocha la tête. « ... Eh bien. Dans ce cas, je voudrais faire venir ici les bureaucrates de mon pays qui se tiennent à l’extérieur du château. Est-ce que ce serait acceptable ? »
« Je vais vous le permettre, » dis-je. « Bien qu’ils devront d’abord passer une fouille au corps. Est-ce qu’il y a quelqu’un ? »
Alors que je demandais la fin en direction de l’entrée, Serina m’avait répondu, « Pardonnez-moi, » puis elle entra dans la pièce.
Attends ! Pourquoi Serina est là !? pensai-je.
« ... Ne vous ai-je pas demandé de faire que Sire Julius s’amuse en attendant ? » demandai-je.
« J’ai déjà fini avec le divertissement, » répondit Serina avec un air nonchalant sur son visage.
C’est seulement le début du soir, mais Julius est déjà saoul ? pensai-je, incrédule. Serina... vous êtes vraiment une femme terrifiante.
« Il y a-t-il un problème, Sire ? » demanda-t-elle.
« Oh ! Non... s’il vous plaît, faites rassembler nos bureaucrates et ceux qui sont venus avec Jeanne. Assurez-vous au moins d’effectuer une recherche rapide pour les armes et autres outils du genre. »
« Très bien, » déclara-t-elle avant de faire une élégante révérence avant de partir.
S’il y avait une personne dont je ne voudrais jamais être son ennemi, c’était elle.
☆☆☆
Chapitre 4 : Le Pacte
Partie 1
Le congrès avait dansé à un rythme vertigineux.
« Comment s’est passée votre récolte dans l’Empire cette année ? » demandai-je.
« Heureusement, cette année, la plupart de nos cultures ont bien fonctionné, » déclara Jeanne. « Notre récolte de blé, en particulier, était très fructueuse. Comment cela s’est-il passé à Elfrieden ? J’ai entendu que vous faisiez face à une crise alimentaire. »
« Nos rendements s’améliorent régulièrement, » dis-je. « En partie parce que l’effort de replantation a commencé à temps, je ne crois pas que nous ayons à craindre une crise alimentaire. Cela dit, j’ai quelques doutes sur les réserves alimentaires. Même si la récolte était bonne cette année, si nous avions une mauvaise récolte l’an prochain, ou l’année suivante, il pourrait y avoir une rechute vers une crise alimentaire. »
« Je suis sûre que c’est un problème que tous les pays partagent, » déclara Jeanne. « Il y a peu de choses à faire qui peuvent être faites à part prier pour une bonne récolte. »
Pendant que Jeanne et moi parlions, les bureaucrates du royaume et de l’Empire s’occupaient en silence de leurs affaires, mais néanmoins activement.
Certains tenaient frénétiquement un journal des procédures. Une fois un engagement pris sur papier, un accord verbal était aussi bon qu’un contrat. Ils écoutaient attentivement, s’assurant qu’aucun mot n’ait été manqué.
D’autres vérifiaient qu’il y avait une compréhension mutuelle de ce que ces mots signifiaient, afin de s’assurer que rien n’était mal interprété. Il y avait aussi ceux qui avaient pris de l’avance sur les documents qu’ils avaient préparés, comparant les marchandises et les matériaux dont chaque nation avait un excédent ou un déficit. Parce que nous ne partagions aucune frontière terrestre, il serait difficile de faire du commerce direct, mais si les deux parties partageaient cette information, alors quelque chose pourrait être élaboré par une tierce partie.
La scène était vraiment un champ de bataille.
Hakuya examinait les documents qui lui étaient présentés, tandis que Liscia était mon aide.
Seule ma garde du corps, Aisha, se tenait debout et immobile, mais elle ne voulait probablement pas avoir à se retrouver mêlé à des chiffres. Avec le grand nombre de personnes présentes, elle était très attentive à ses devoirs de garde du corps, mais elle en avait marre.
... Ça n’a pas été comme ça depuis un moment, pensai-je.
La façon dont les choses allaient si rapidement me rappela les jours après que je venais de prendre le trône.
Normalement, dans les affaires étrangères, même si les chefs d’État ne se rencontraient que pendant dix minutes, les bureaucrates de chaque pays allaient négocier pendant des semaines, et peut-être des mois.
Les choses étaient si chargées que le royaume et l’Empire n’avaient pas eu la possibilité de discuter depuis l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon. Incidemment, la première chose que Jeanne et moi avions acceptée était la reprise de la navette diplomatique entre l’Empire Gran Chaos et le Royaume d’Elfrieden.
« En parlant de produits alimentaires, j’ai trouvé que ces boulettes de racine de lys étaient vraiment délicieuses, » déclara Jeanne. « Je crois que l’ingrédient principal était la racine du lys envoûtant. Je voudrais bien savoir comment vous les récolter. »
« Je suis heureux de vous dire, » dis-je. « De ce que Poncho me disait, il a appris la méthode d’une tribu de montagne se trouvant à l’intérieur de l’Empire. Si vous demandez leur aide, cela devrait être simple à faire. »
« Oh Mon Dieu ! Il y avait vraiment une tribu comme ça dans l’Empire ? » demanda Jeanne. « Même si c’est mon propre pays, je dois admettre honteusement que je ne le savais pas. »
« C’est comme ça que ça se passe, » dis-je. « Il peut être difficile pour quiconque de voir ce qui se trouve à ses pieds. »
La même chose était arrivée pour notre pays. Je veux dire par là que quand j’avais lancé l’appel. « Peu importe ce que c’est, mais, si vous avez un talent particulier, venez me le montrer, » j’ai eu un certain nombre de personnes qui s’était présentées. Mais si je continuais à creuser, il y aurait probablement bien plus de personnes de ce genre.
Pour développer ce pays, il faudra que je les trouve, pensai-je pour moi-même.
En buvant le café que Serina avait préparé pour moi, j’avais regardé Jeanne. « Maintenant, puisque je vous ai donné des informations sur les boulettes de la racine de lys, je voudrais des informations en retour. »
Jeanne, qui buvait du thé noir, posa sa tasse de thé sur sa soucoupe et inclina sa tête sur le côté. « Quelle information cela pourrait-il être ? »
« Je pense que de la nourriture pour de la nourriture est un commerce équitable, » dis-je. « Y a-t-il des ingrédients utilisés dans l’Empire qui ne sont pas couramment consommés ailleurs ? »
« ... Dans ce cas, je sais juste la chose, » déclara Jeanne, un sourire malicieux sur les lèvres. Je ne savais pas trop quoi penser, mais elle semblait qu’elle avait un incroyable as dans sa manche.
Alors, Jeanne avait dit avec confiance. « La viande de monstre. »
« Pourriez-vous répéter, s’il vous plaît ? » demandai-je.
« Il est possible de manger de la viande de monstre, » répéta-t-elle.
Viande... Monstre ! Attendez ! Est-elle sérieuse ? pensai-je.
« Les monstres dont vous parlez... Est-ce ceux du Domaine du Seigneur-Démon ? Pas ceux en provenance des Donjons ? » demandai-je.
« Tout à fait, » déclara Jeanne. « Ils ont un goût étonnamment normal. »
« En avez-vous vous-même mangé !? » m’exclamai-je.
C’est plus sauvage que ce à quoi je m’attendais avec sa belle apparence, pensai-je. Mais quand même, elle a mangé des monstres du Domaine du Seigneur-Démon... Quand j’ai entendu parler du kobold qui a épargné Tomoe et les loups mystiques, je pensais que la négociation avec le Domaine du Seigneur-Démon pourrait être une option, en fonction de la situation. Oh ! Mais il y a à la fois des « monstres » et des « démons », n’est-ce pas ? Si je me souviens bien, les kobolds tombent sous la catégorie des démons.
J’avais demandé avec hésitation à Jeanne. « Avez-vous mangé... par hasard un Kobold ? »
Après que j’eus posé la question, Jeanne avait réagi en état de choc, secouant rapidement la tête. « Dieu m’en préserve ! Je n’ai mangé que des monstres ressemblant à des animaux ! Je ne voudrais pas aller manger des démons, avec leurs corps humanoïdes. »
« Non, c’est juste que je ne connais pas vraiment la distinction, » dis-je.
« ... Je vois, » déclara Jeanne. « C’est normal, car après tout, le Royaume d’Elfrieden ne partage pas de frontière avec le Domaine du Seigneur-Démon. »
Jeanne acquiesça, satisfaite. « Très bien. Ceci est quelque chose comme une parenthèse, mais permettez-moi de vous fournir les informations que notre pays possède sur le Domaine du Seigneur-Démon, ainsi que sur les Démons et des Monstres. »
Elle avait commencé lentement à expliquer tout cela pour moi.
« Tout d’abord, même dans notre pays, nous n’avons aucune information sur les raisons pour lesquelles le Domaine du Seigneur-Démon est apparu, » déclara Jeanne. « Honnêtement, tout ce que nous pouvons dire est qu’un jour, c’est sorti de nulle part. »
« Donc même l’Empire ne le sait pas... ? », demandai-je.
« Tout à fait, » déclara Jeanne. « Ainsi, dans le Domaine du Seigneur-Démon, il y a des créatures aberrantes qui forment des hordes, mais qui ne démontrent aucune intelligence, dévorant violemment toute vie qu’ils rencontrent. Il y a aussi ceux comme les kobolds, qui se comportent presque comme des armées bien ordonnées et ont peu de différences avec les races de l’humanité. Afin de distinguer les deux, nous appelons les Monstres ceux qui étaient là avant et les Démons qui sont ceux arrivés après. »
J’avais tellement entendu parler de ça de l’ancien roi, Albert.
Dans les parties les plus septentrionales du continent, une dimension appelée le « Monde des Démons » était apparue et des monstres de toutes tailles et de toutes formes s’étaient déversés, plongeant les Pays du Nord dans le chaos. Les forces de l’humanité avaient formé une alliance et organisé une force punitive à envoyer, mais la tentative s’était soldée par un échec.
Dans le monde des démons, il y avait des « monstres », qui avaient une intelligence minimale (ou, selon certains, non), ainsi que des « démons », qui étaient des combattants intelligents et puissants. Cette perte leur avait été infligée par les démons. Après cette bataille, l’humanité avait perdu les moyens de se défendre contre les monstres apparus depuis le Monde des Démons. Les pays du Nord avaient été dévastés les uns après les autres, et les monstres avaient étendu leur portée pour couvrir tout ce qui s’appelait maintenant le Domaine du Seigneur-Démon.
Après que je lui ai expliqué ce que j’avais entendu d’Albert, Jeanne hocha la tête, affichant un regard sombre. « C’est tout à fait exact. Et l’Empire Gran Chaos était celui qui dirigeait cette force punitive. Celui qui la commandait était l’ancien empereur, mon père. »
L’Empire menait donc la force punitive, pensai-je. Eh bien ! étant donné qu’elle était la plus forte parmi les nations de l’humanité, je suppose que cela aurait dû être le cas.
« Alors, cela signifie-t-il que l’Empire a pris contact avec les démons ? » demandai-je.
« Si vous voulez dire la guerre contre eux... alors oui, » répondit Jeanne. « Cependant, ma sœur et moi ayant neuf et sept ans à l’époque, nous ne les avons pas vus nous-mêmes. Cependant, avec le passage du temps, et comme nous avons analysé les déclarations de ceux qui ont été touchés par la menace du Domaine du Seigneur-Démon, la situation à l’époque est devenue claire pour nous. »
« Quelle est cette situation ? » demandai-je.
« Tout au début, lorsque de nombreux pays ont péri, d’innombrables vies ont été perdues et un nombre encore plus important de personnes ont été déplacées pour devenir des réfugiés, » répondit Jeanne. « Mais toutes ces attaques ont été faites par des monstres. »
J’avais alors dit. « Les Monstres ? Et aucun n’a été l’œuvre des Démons ? »
« Tout à fait. À ce moment-là, du moins, » Jeanne fit une pause pour prendre une gorgée de son thé, puis elle regarda dans sa tasse pendant qu’elle continua. « La première fois que les démons ont été repérés, c’est quand ils ont rencontré la force punitive lors de cette bataille. La force punitive a été anéantie par les démons. Après cela, avec notre capacité à faire la guerre qui avait diminué, l’humanité a été incapable de repousser les attaques des monstres, et nous avons été contraints de nous retirer sur une portion considérable de territoire. »
« Donc, en bref, la création du Domaine du Seigneur-Démon était un processus en deux étapes ? » demandai-je.
La première étape avait été les attaques des monstres apparus soudainement. La deuxième étape avait été quand les démons avaient détruit la force punitive, et les forces affaiblies de l’humanité avaient été attaquées par des monstres. C’était probablement arrivé un peu plus tard, mais l’attaque qui avait conduit Tomoe et les loups mystiques à devenir des réfugiés avait vraisemblablement été fait lors de la deuxième étape.
Jeanne acquiesça, continuant. « Il semble que les dommages causés différaient grandement entre les monstres et les démons. Pendant les attaques de monstres dans la première étape, j’ai entendu dire que c’était un spectacle terrible à voir. Les monstres ont craché du feu, incendiant des villes, dévorant des soldats et des civils, sans se préoccuper de leur âge ou de leur sexe. J’ai entendu dire que dans les villes et les villages qu’ils ont frappés, il ne restait plus que les restes de leurs festins. »
Donc, ils étaient de véritables monstres, Hmm, pensai-je. Ces êtres monstrueux avaient envahi le pays comme des sauterelles, et même l’humanité n’était plus qu’une proie pour eux.
« Ensuite, lors de la deuxième étape, l’attaque effectuée par les démons était vraiment une guerre, » déclara Jeanne. « J’entends qu’ils ont agi de manière organisée, écrasant la force punitive avec la force écrasante de leur bras. Et aussi, même s’il n’y en a pas beaucoup, nous avons des déclarations de ceux qui prétendent que leurs villages avaient été attaqués par les démons. Ces situations varient, et dans certains cas, si la population fuyait, elle n’était plus attaquée, tandis que dans d’autres cas, les démons violaient et pillaient, exécutant des massacres. »
« ... Comme l’aurait fait l’une des races de l’humanité, n’est-ce pas ? » dis-je.
La façon dont les dommages avaient varié d’un endroit à l’autre était un point sur lequel cette similitude était particulièrement forte. Même au sein de la même armée, lorsqu’il y a à la fois des unités disciplinées et des unités indisciplinées, la situation après chaque occupation sera différente. Quand nous avions occupé Van, j’avais pris l’exemple de quelques soldats pour essayer de garder toutes mes armées en ligne, mais si je ne l’avais pas fait, je pouvais dire avec certitude qu’il y en aurait eu qui auraient abusé de leur force sur la population civile.
Monstre et Démons..., pensai-je.
« D’où pensez-vous que la différence vienne ? » demandai-je. « Les démons ont-ils évolué à partir des monstres ? »
« “Ils ont gagné la conscience en mangeant des cerveaux humains !”... Voilà ce qu’un groupe de religieux ont crié pendant un certain temps. Mais il s’agit d’une aberration..., » déclara Jeanne. « Si c’était le cas, il y aurait beaucoup plus de démons là-bas. Depuis que les lignes de front se sont enlisées dans une impasse, ce ne sont que les monstres qui nous ont attaqués. Eh bien, vous pourriez également dire que c’est pourquoi nous avons été en mesure de maintenir le statu quo. »
... En d’autres termes, nous ne savons tout simplement pas qui sont vraiment les démons et les monstres, pensai-je.
J’avais alors dit. « En y pensant, quand nous creusions un étang de sédimentation près de Parnam, nous avons trouvé beaucoup de fossiles de monstres. Ils étaient apparemment d’une strate qui aurait été à la surface il y a plusieurs milliers d’années. »
« Qu’est-ce que c’est... qu’un “Fossile” ? » demanda Jeanne.
Oh, ce n’est pas encore une connaissance commune dans ce monde ? pensai-je.
« Pour le dire simplement, ce sont des os laissés dans la terre par des créatures vivantes et qui sont mortes depuis très longtemps, » dis-je. « Il y a beaucoup de choses qui ont un effet sur le processus, mais les os se fossilisent après une longue période. Cependant, même si les os ne sont sous terre que depuis quelques milliers d’années, ils peuvent quand même être appelés fossiles. »
« Je vois... Cela signifie-t-il qu’il y a eu des monstres à la surface il y a plusieurs milliers d’années ? » Jeanne avait un regard pensif.
Je ne m’attendais pas à sa réaction si calme. Car après tout, quand j’avais dit à Liscia la même chose, elle avait été assez choquée.
« ... je m’attendais à ce que vous soyez plus surprise, » dis-je.
« Quand on y pense, avant même l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, il y avait des monstres qui vivaient dans des donjons, » déclara Jeanne. « Ne pouvait-il pas y avoir un donjon là-bas ? »
« Il semble que notre pays n’a aucun dossier de cela, historique ou légendaire, » répondis-je. « Cependant, étant donné que c’était il y a des milliers d’années, je ne peux pas nier qu’il est possible que ce soit assez loin en arrière pour qu’il n’y ait même pas de légendes. »
« Hmm... peut-être devrions-nous nous pencher également là-dessus dans notre territoire, » déclara Jeanne.
S’il le faisait, je ne pouvais pas demander un meilleur résultat.
« J’aimerais beaucoup que vous fassiez ça, » dis-je. « Le royaume prévoit d’effectuer des fouilles à travers le pays afin d’enquêter sur la question. »
« S’il vous plaît, dites-nous si vous apprenez quelque chose, » déclara Jeanne. « Bien sûr, nous ferons la même chose de notre côté. »
« D’accord, » dis-je en hochant la tête.
L’Empire avait beaucoup plus de territoire que le royaume. S’ils étaient disposés à enquêter, je pourrais m’attendre à d’autres découvertes. Bien sûr, j’avais toujours l’intention de poursuivre nos recherches dans le royaume.
Cela avait établi un accord formel pour le royaume et l’Empire pour l’échange des informations sur les fouilles et la recherche d’indices.
Jeanne fit une pause afin de pouvoir reprendre son souffle, terminant par la même occasion sa tasse de thé. « Maintenant, je pense que nous nous sommes fortement éloignés du sujet des monstres qui étaient comestibles. »
« Oh, c’est vrai... Nous en parlions avant ça, » j’avais également fini poliment le reste de ma tasse de café, puis j’avais demandé à Serina de revenir avec une autre tasse pour chacun d’entre nous.
Après que j’eus reçu mon café et que Jeanne avait pris son thé, nous avions repris la discussion.
« La viande que nous mangions provenait d’un serpent ailé, » déclara Jeanne.
« Un serpent ailé ? Comme un dragon ? » demandai-je,
Je me rappelais qu’il y avait un dieu nommé Quetzalcoatl en Amérique Centrale et du Sud qui était aussi un serpent ailé, mais je ne me trouvais plus sur la Terre, et elle l’avait appelé un monstre, donc il était probablement plus naturel de supposer que c’était quelque chose comme un dragon.
C’était mon hypothèse, mais Jeanne secoua négativement la tête. « Non. Ce n’était rien d’aussi impressionnant. C’était juste un serpent géant avec quatre ailes d’oiseau. »
C’est quoi ça ? pensai-je. Cela ressemble à une vraie chimère.
« Je suis étonné que vous ayez décidé de manger quelque chose comme ça..., » dis-je.
« Il goûtait vraiment comme n’importe quel serpent, » répondit Jeanne. « C’était plus comme du poisson que du poulet. C’était franchement assez savoureux. »
J’étais surpris qu’elle ait à la base mangé du serpent, mais... eh bien ! Ils étaient mangés dans certains pays sur Terre. Alors que je pensais à la viande de serpent, l’image qui me vint à l’esprit était la fausse viande de poisson de Rashomon [1] de Ryunosuke Akutagawa [2], que j’avais lu dans ma classe de littérature moderne, mais... peut-être que c’était savoureux ?
« N’êtes-vous pas censé être une princesse ? » demandai-je. « Car il s’agit d’un truc bizarre que vous avez mangé là. »
« Je suis aussi le commandant de l’armée, » répondit Jeanne. « Si nous pouvons vivre de la terre, nous aurons des rations supplémentaires. »
« C’est... bien pensé de votre part, » dis-je.
« Maintenant, quant à ce qui m’a fait penser à essayer de manger un monstre, c’était quand un de nos éclaireurs est revenu et a rapporté avoir vu “les restes d’un monstre qui semblait avoir été cuisiné par des démons.”, » déclara-t-elle.
Il y avait un autre mot là dedans qui avait attiré mon attention. « Venez-vous bien de dire “cuisiné ?” Pas simplement mangé cru ? » demandai-je.
« Tout à fait, » répondit Jeanne. « Les os semblaient avoir été coupés avec une lame, et à en juger par la tête carbonisée laissée derrière, nous pouvions déduire qu’il avait été probablement rôti en entier, puis coupé et mangé. Cela m’a fait penser que, si nous attrapions un monstre de la même variété, nous pourrions envisager d’essayer de le manger. » Jeanne avait pris l’un des petits gâteaux qu’elle avait sur son assiette, puis elle l’avait mis dans sa bouche et l’avait mangé. « Bien sûr, j’ai vérifié que ce n’était pas toxique en premier. Vous devez bien l’imaginer ? Je l’avais donné aux animaux afin de les nourrir avant que je laisse les hommes l’essayer. Puis, une fois que sa comestibilité avait été établie, nous l’avons mangé dans l’ordre du plus bas au plus haut gradé. »
« Il n’est pas facile de tester la présence de poison dans la nourriture..., » dis-je.
« Donc, quand je l’ai mangé, il avait un goût assez classique, mais rafraîchissant, » déclara Jeanne. « C’était savoureux d’une manière normale pour un tel aliment. »
« Eh bien, je ne suis pas trop préoccupé par la saveur, il y avait quelque chose de plus intéressant dans ce que vous venez de me dire, » dis-je.
Ce qu’elle avait dit à propos de Démons mangeant des monstres était beaucoup plus choquant que le fait qu’ils soient comestibles. Fondamentalement, cela signifiait que les Démons ne voyaient pas les Monstres comme étant la même race générale qu’eux.
J’aimais le poulet et le porc. Mais peu importe comment leurs visages les faisaient ressembler à des cochons ou à des vaches, je ne penserais jamais à manger des orcs ou des minotaures. Et comparé à manger quelque chose avec un corps humanoïde, même un serpent était préférable. Peut-être que les Démons avaient ressenti la même chose.
Après avoir pensé à cela, j’étais arrivé à une certaine hypothèse. « Eh, Madame Jeanne. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-elle.
« Se pourrait-il que les Démons et les Monstres soient équivalents à ce que nous appellerions “les personnes” et les “animaux” ? » demandai-je.
Au moment où je l’avais dit, l’air semblait s’être gelé. Non seulement Jeanne, mais également Liscia et Hakuya avaient ouvert grands les yeux en état de choc.
Hein !? Ai-je dit quelque chose de si surprenant ? pensai-je.
« ... Qu’est-ce qui vous incite à penser ainsi ? » demanda Jeanne, effaçant toute trace d’expression de son visage.
J’avais pensé à expliquer ma raison... puis j’avais hésité un instant. Ce que j’allais dire pourrait sembler discriminatoire, selon la manière dont mon discours était interprété. Bien sûr, je ne le pensais pas de cette façon, mais je pourrais toujours offenser, selon la façon dont les gens le prenaient.
... Peut-être que je devrais d’abord préparer le terrain, pensai-je.
« Hmm... Je préfère que ce que je vais vous dire ne soit pas entendu par un trop grand nombre de personnes, » dis-je.
« ... Très bien, » répondit-elle.
Après que Jeanne les avait regardés, les bureaucrates impériaux avaient arrêté leur travail, puis ils s’étaient déplacés discrètement hors du bureau. J’avais également fait partir mes propres bureaucrates, en demandant à Aisha de veiller à ce que personne n’écoute. Les seules personnes qui restaient dans la pièce étaient Jeanne, Liscia, Hakuya, Aisha et moi. J’avais regardé Liscia, qui était à côté de moi en train d’enregistrer le contenu des discussions.
« Liscia, je veux également que vous arrêtiez de mettre sur le papier la teneur de notre discussion, » dis-je.
« D’accord, » répondit Liscia, avant d’arrêter d’écrire avec sa plume. Maintenant, le contenu de notre réunion n’était pas couché sur le papier.
Dans cette pièce si calme que l’excitation précédente semblait un mensonge, Jeanne haussa les épaules. « Si vous devez d’abord faire vider la pièce avant ça... cela semble être quelque chose de dangereux. Alors, quel genre de déclaration explosive êtes-vous sur le point de faire tomber ? »
« Désolé, » dis-je. « C’est juste que ce que je vais dire pourrait être considéré comme discriminatoire. »
« Discriminatoire ? Dans une conversation sur les Démons et les Monstres ? » Jeanne semblait douter de ce que je venais de dire, mais j’avais choisi mes mots avec soin alors que je continuais à parler.
« Tout à fait. Vous avez demandé ce qui m’a fait penser à cela, » dis-je. « Eh bien ! C’est parce que... je ne peux pas faire la différence entre les animaux et les monstres de ce monde. Les animaux de ce monde sont plus grands que les miens, avec de gros crocs et des défenses pointues, et une apparence généralement agressive. Si les animaux de votre monde apparaissaient dans le mien, les habitants de là-bas penseraient certainement qu’ils sont des monstres. »
Surtout s’ils voyaient des choses comme le rhinosaurus. Si une créature géante comme elle apparaissait dans mon monde, cela causerait probablement une panique. Avec leurs énormes corps, ils ressemblaient à des dinosaures, ou à quelque chose provenant d’un film de monstre.
« Hmm... C’est donc ainsi ? » Jeanne inclina la tête vers le côté. Ne connaissant pas les animaux de mon monde, elle ne pouvait pas imaginer ce que je ressentais de mon côté.
« C’est comme ça, » dis-je. « Et, si je devais aller un peu plus loin, j’ai du mal à voir la différence entre les races comme les hommes-bêtes ou les dragonewts et les démons. »
Elle en avait eu le souffle coupé alors qu’elle était en état de choc. « C’est... »
J’avais levé la main afin de l’arrêter. « Oui, je sais. Si les hommes-bêtes m’entendaient dire ça, ils se fâcheraient et diraient : “Ne nous englobez pas avec eux”. Mais, quand même, pour moi, en tant que personne qui vivait dans un monde sans démons ni hommes-bêtes, il est difficile de voir la différence. »
Quand j’avais vu Kaede pour la première fois au café-chantant, la Lorelei, à Parnam, je n’avais pas été capable de faire la différence entre sa race, les renards mystiques et les loups mystiques de Tomoe.
À l’époque, j’avais demandé. « Ils sont tous deux des chiens, alors ne pouvons-nous pas les regrouper tous les deux comme des chiens mystiques ? »
Au moment où je l’avais dit, Liscia avait rétorqué ça. « Si vous dites cela, vous aurez les loups mystiques et les renards mystiques en colère. Les Kobolds sont des chiens mystiques, donc ce serait comme si l’on mélangeait les humains avec les singes, » et elle m’avait prévenu de ne pas le faire.
À l’époque, je venais d’accepter que ce fût ainsi, mais quand j’y avais réfléchi un peu plus longuement, quelle était la différence entre les loups mystiques ou les renards et les kobolds ?
« Pouvez-vous me donner la différence entre les loups mystiques ou les renards et les kobolds ? » demandai-je.
« Bien sûr que je le peux, » répondit Jeanne. « Les loups mystiques et les renards ont des oreilles et des queues, mais leurs visages et leurs corps ne sont pas très différents des humains. D’autre part, les Kobolds ont des visages de chiens. »
« Mais n’y a-t-il pas des hommes-bêtes avec des visages d’animaux ? » demandai-je.
Pour donner un exemple de mon côté, notre général de l’armée, Georg Carmine en était un. Si cet homme-lion apparaissait au Japon, tout le monde penserait qu’il était une sorte de démon.
Après que je l’ai souligné, Jeanne avait croisé les bras et avait gémi. « Quand vous le dites comme ça... cela a du sens. Hmm... Oh ! Je sais ! Les Kobolds sont couverts de fourrure. En d’autres termes, alors que les hommes-bêtes ont des traits d’animaux, peut-être que les kobolds ne sont-ils pas que des chiens qui marchent sur deux pieds en essayant de ressembler à un humain ? »
« Dans ce cas, comment distingueriez-vous les démons sans poil, ou ceux qui ont le poil court ? » demandai-je. « Avec ce raisonnement, les hommes bêtes ne seraient-ils pas comme les orcs et les minotaures, qui ont des corps semblables à des humains musclés ? »
« Argg, » s’exclama Jeanne.
Après que j’eus écrasé son argument, Jeanne y avait réfléchi un moment, puis avait dit : « J’abandonne », levant les mains en signe de reddition. « Avant aujourd’hui, je n’ai jamais pensé aussi en profondeur à la différence entre les humains et les démons. Lorsque vous l’avez souligné, pour la première fois, j’ai réalisé que je distinguais les personnes des démons de manière instinctive. »
« Vous avez raison..., » murmura Liscia. « Maintenant qu’on nous le demande directement, je ne peux pas trouver une seule différence déterminante entre les deux. »
« Je me demande pourquoi nous ne l’avons jamais remarqué avant aujourd’hui..., » murmura Hakuya.
Ils avaient tous acquiescé à ça.
C’était probablement la compréhension commune de la plupart des habitants de ce monde. En le regardant d’une autre manière, cela signifiait que les personnes de ce monde pouvaient instinctivement distinguer les personnes et les démons.
Pour expliquer d’un point de vue japonais, même parmi ceux qui aiment les palourdes dans leur soupe miso, beaucoup étaient probablement dégoûtés même en regardant simplement des mollusques terrestres comme des limaces.
Et aussi, les personnes qui allaient réagir en étant choqué face aux vidéos d’aborigènes d’Australie mangeant des larves d’insectes à l’intérieur des arbres pouvaient tout à fait manger sans problème des crevettes (crues), qui avaient la même apparence une fois décortiquée.
Il était naturel que l’environnement dans lequel nous étions élevés et nos coutumes d’avoir un effet sur la façon dont nous comprenons les choses.
Peut-être que la compréhension de ce monde vis-à-vis des démons était quelque chose comme ça ?
« Dans mon monde, les humains sont la seule race d’humanoïde pensant, » expliquai-je. « Je vivais dans un monde sans elfes, ni hommes-bêtes, ni dragons, ni démons, donc je n’ai aucun moyen qui me permet de les distinguer. À mes yeux, les démons ressemblent à l’une des races de l’humanité. »
« S-Sire ! » Aisha avait lâché ça depuis sa place debout près de la porte. « ... Est-ce que peut-être vous nous détestez, nous, les elfes sombres ? » Elle m’avait regardé comme si elle était un chiot abandonné.
J’avais souri face à ça. « Non, pas du tout. Une elfe à la peau foncée est également adorable. Bien sûr, il en va de même pour une beauté humaine plus orthodoxe. »
La première partie était destinée à Aisha, tandis que la seconde visait Liscia.
Quand elles m’avaient entendu, Aisha avait crié « Le pensez-vous vraiment ? », avec son visage débordant de joie, tandis que Liscia avait dit. « Oui, oui ! Merci, » d’une manière assez sèchement, mais avec un sourire clairement visibles sur ses lèvres qui montrait qu’elle n’était nullement dérangée par le compliment.
Jeanne les regarda avec un sourire ironique. « Je peux voir à quel point vous êtes aimé. »
« Elles sont une bien meilleure garde du corps et une meilleure fiancée que je ne pourrais mériter, » dis-je.
« Eh bien, comme c’est adorable... Ouf. » Jeanne s’affala sur sa chaise. « Je suis contente que vous ayez gardé ça entre nous. Si vous aviez dit tout cela sans vider la salle, j’aurais peut-être dû tuer les bureaucrates de mon pays. »
Les tuer !? N’est-ce pas un peu violent, alors que c’est sorti de nulle part ? Pensai-je,
« E.. Est-ce vraiment quelque chose dont vous auriez besoin pour aller si loin ? » bafouillai-je.
« Cela l’est, » répondit Jeanne. « Si la façon dont vous parliez s’était répandue, cela ne ferait pas qu’aggraver l’opinion que le peuple a de vous. Cela aurait pu causer la guerre à travers tout le continent. N’est-ce pas, Sire Hakuya ? »
« Vous avez entièrement raison, » déclara Hakuya. « J’aurais aimé pouvoir l’apprendre plus tôt. » Hakuya me regardait avec du reproche dans ses yeux.
Hein, est-il en colère contre moi ? pensai-je, surpris.
« Sire, vous devez comprendre ça, » déclara Hakuya. « Si ce que vous avez dit à propos de “Il est difficile de distinguer les démons des hommes-bêtes” se propageait, cela ne ferait que donner à un pays suprémaciste humain comme la Principauté d’Amidonia, ou les hauts-elfes du Royaume des Esprits de Garlan, qui pensent qu’ils sont le peuple choisi, un matériel parfait à utiliser pour attaquer leurs ennemis. Les hommes-bêtes et les dragonewts seraient expulsés comme s’ils étaient des démons, ou accusés de possible conspiration avec l’ennemi, et seraient soumis à une persécution indue. »
Je me rappelais que le Royaume des Esprits de Garlan était une nation insulaire au nord-ouest du continent.
Il s’agissait d’un pays composé de deux îles, une grande et une petite, mais l’île plus petite avait été abandonnée face à des attaques de monstres, et une partie de l’île plus grande était ainsi occupée. Apparemment, du moins... Je ne pouvais aller que sur ouï-dire, parce que le pays avait des politiques très isolationnistes et très peu d’informations avaient filtré hors de l’île.
Les races elfiques avaient tendance à avoir beaucoup de magnifiques hommes et femmes, et cette tendance était particulièrement forte avec les hauts elfes. Ils s’appelaient eux-mêmes le peuple élu de Dieu, méprisaient les autres races, et détestaient avoir une interaction avec eux.
Il semblait que même maintenant, avec des monstres envahissant le monde, cela n’allait pas changer.
Dans un pays comme Garlan ou Amidonia, c’était vrai, ils essaieraient probablement d’utiliser cette information pour affirmer la supériorité de leur propre race. En fait, Amidonia avait déjà réussi à fomenter la haine envers Elfrieden pour rendre leur peuple plus facile à gouverner. Il y avait des pays qui utiliseraient la haine et les préjugés.
Jeanne acquiesça. « Sire Hakuya dit vrai. De plus, ce n’est pas quelque chose que les pays multiraciaux comme le mien ou le vôtre peuvent ignorer. Si ce genre de pensée devait sévir, nous verrions les étincelles de la violence interraciale dans notre propre pays. Si nous avions un conflit interne, en plus des menaces externes auxquelles nous sommes confrontés... »
« ... Désolé, » dis-je. « Je n’avais pas pensé jusque là. »
J’avais sincèrement incliné la tête. Ils avaient tous deux fait une bonne argumentation. Il y avait des choses plus importantes en jeu que ma réputation. Je devais être plus prudent avec mes paroles.
Pendant que je réfléchissais à mes actions.
« Ce n’est pas nécessaire, » déclara Jeanne en hochant négativement la tête. « Si vous ne me l’aviez pas fait remarquer, je ne l’aurais jamais remarqué. Il s’agit d’une question épineuse, mais c’est mieux que de nous faire surprendre un jour par une telle situation. Car désormais, nous pouvons nous préparer nous-mêmes pour faire face à ça. »
« Je suis reconnaissant que vous m’ayez dit cela, » dis-je. « ... Pourtant, en ce moment, je ne peux pas penser à des contre-mesures efficaces. »
Après que j’eus dit ça, Jeanne baissa les épaules en poussant un soupir. « La Déclaration de l’Humanité dénonce la persécution des groupes minoritaires, mais c’est un accord entre les États. S’il s’agissait d’une politique nationale... si par exemple, quelqu’un dans l’administration donnait l’ordre de les persécuter..., nous pourrions intervenir, mais si ce sont des citoyens ordinaires qui le font, tout ce que nous pouvons faire, c’est appeler la responsabilité du pays. »
« D’ailleurs, il y a des pays comme le nôtre qui n’ont même pas signé la Déclaration de l’Humanité, » dis-je. « En plus de cela, si vous essayez d’intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays, cela suscitera le mécontentement, ce qui pourrait, dans le pire des cas, conduire à la guerre. »
« Je suis d’accord avec vous, » déclara Jeanne. « De plus, nous n’avons pas à notre disposition toutes les informations pertinentes sur les Démons et les Monstres. Avec autant de facteurs incertains, il est dangereux de se précipiter vers des conclusions. »
En fin de compte, il avait été décidé que l’Empire et le Royaume continueraient à discuter de ce problème.
Nous avions rappelé les bureaucrates et la conférence s’était poursuivie jusqu’à ce que la nuit arrive. À cette heure de la journée, les personnes commençaient à avoir faim.
Notes
- 1 Rashomon : Rashōmon est une nouvelle écrite par Akutagawa Ryūnosuke. Elle parut en 1915 dans la revue Shinshichô. Elle explore le dilemme d’un homme confronté à l’alternative « mourir de faim ou voler ».
- 2 Ryunosuke Akutagawa : Ryūnosuke Akutagawa (芥川龍之介, Akutagawa Ryūnosuke ?), né le 1er mars 1892 à Tokyo et mort le 24 juillet 1927 à Tokyo, est un écrivain japonais.
☆☆☆
Partie 2
Jeanne était une invitée importante d’un autre pays, alors normalement j’aurais probablement dû organiser un banquet pour elle, mais le temps était précieux pour nous deux, alors j’avais décidé que nous allions manger lors de la réunion.
Cela demandait quelque chose que nous pouvions manger pendant que nous travaillions, alors j’avais décidé de servir à Jeanne et à son entourage un certain type de pain que je réfléchissais pour savoir si je devais ou non le faire répandre dans tout le pays.
Quand Jeanne avait mangé ce petit pain, sa réaction avait été...
« C’est incroyable ! » s’exclama Jeanne. « Il semble erroné de mettre un aliment de base sur un autre aliment de base, mais une fois que vous mordez dedans, les deux textures contrastées sont parfaites. Et la sauce tomate lui donne une belle saveur acidulée. De plus, en mettant un plat que vous mangiez normalement avec une assiette sur un pain, cela nous permet de le manger d’une seule main ! Je vous tire mon chapeau pour cette idée ! Quelle merveille ! »
... Elle avait loué sans retenue ma recette.
Pensiez-vous que c’était un sandwich ? Dommage. Il s’agissait d’un sandwich-spaghetti à la viande [1].
La vérité était, je voulais faire un pain yakisoba [2], mais je ne pouvais pas réussir à reproduire cette sauce épaisse. C’est pourquoi j’avais utilisé des pâtes et de la sauce tomate, qui existaient déjà dans ce monde, pour créer un pain-spaghetti. Au fait, je n’avais pas abandonné la réplication de la sauce. Poncho faisait des recherches en ce moment même.
« Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai remis en question votre santé mentale, mais c’est vraiment très bon, » déclara Liscia.
« Ni le pain ni les pâtes ne sont nouveaux, mais c’est une expérience assez nouvelle de les manger ensemble comme ça, » déclara Hakuya.
Liscia et Hakuya semblaient ainsi les apprécier.
Maintenant que la crise alimentaire était plus ou moins résolue, je pensais que, plutôt que des idées décalées comme du gelon udon, il serait peut-être bon d’étaler à la place quelques plats de la Terre. Développer nos traditions culinaires améliorerait le pouvoir et l’image de marque de notre pays, et pourrait également conduire à un afflux d’argent étranger.
Maintenant, en ce qui concerne Aisha, qui était la plus susceptible de creuser dans ces sortes de nouveaux plats avec brio...
« Om, Hmmm, Hmmm ! »
Même si elle se tenait derrière moi en tant que garde du corps, elle était activement en train d’engloutir des pains-spaghettis.
Heu, attendez, Aisha, pensai-je. Combien en avez-vous déjà mangé ?
Ce qui avait autrefois été une montagne de petits pains sur l’assiette avait été réduit à moins d’une légère colline. Même à une époque comme celle-ci, l’elfe sombre affamée était la même.
Une fois que nous avions fini de manger nos pains et pris une courte pause, Jeanne aborda la question qu’avait provoquée notre rencontre pour en discuter. « Hmm... Et maintenant ! Ne pensez-vous pas qu’il serait le moment opportun que nous passions au sujet de votre occupation de Van ? La position de l’Empire est que, conformément à la Déclaration de l’Humanité, nous ne pouvons pas accepter les changements de frontières provoqués par l’utilisation de la force militaire. Nous exigeons que le Royaume d’Elfrieden rende Van et la région qui l’entoure à la Principauté d’Amidonia. »
« La position du Royaume est que nous ne pouvons pas accepter cette demande, » répondis-je. « La Principauté d’Amidonia a été les agresseurs dans ce conflit. Je pense que nous sommes justifiés quant à nos actions, n’est-ce pas ? »
« Vous pourriez aussi être vu comme les ayant incités à agir, vous en rendez-vous compte ? » demanda Jeanne.
« Ils ont fait beaucoup de choses pour interférer dans nos affaires internes, » répondis-je. « Ce n’est pas juste pour eux de se plaindre dès qu’on leur retourne la situation. L’Empire est-il d’accord avec ça ? Si vous acceptez leur comportement scandaleux, les signataires et les non-signataires de la Déclaration de l’Humanité vous prendront à la légère à partir de maintenant. »
« Oui, je le sais, » répondit Jeanne. « Voilà pourquoi l’Empire est prêt à forcer Amidonia à payer des réparations appropriées. Dans cette affaire, je pense que l’Empire n’a d’autre choix que de punir les deux côtés. »
Ben oui... Je pensais que ce serait votre réponse, pensai-je.
Parce qu’Amidonia était signataire de la Déclaration de l’Humanité, l’Empire n’avait d’autre choix que de se tenir à leurs côtés et d’exiger qu’Elfrieden rende leur territoire. Mais s’ils permettaient à Amidonia de s’en tirer avec leur comportement scandaleux, ils inviteraient les autres signataires à agir en toute impunité, ce qui créerait une résistance de la part des non-signataires. Cela signifiait qu’ils devaient imposer des sanctions sévères à Amidonia, afin de garder les autres états signataires sur le droit chemin. L’Empire avait la puissance de le faire.
J’avais regardé Jeanne, comme si je voulais la tester. « Et si nous ne nous conformons pas, vous aurez recours à la force militaire ? »
« Ce n’est pas ma méthode préférée... mais si le besoin s’en fait sentir, je n’aurai pas le choix, » déclara Jeanne. « En ce moment, le nombre de troupes que l’Empire a apporté est égal à votre Armée Royale, mais je suis convaincue que nous avons le pouvoir d’anéantir les forces du royaume et de la principauté en même temps, si besoin est... »
Le Corps des Armures Anti-Magies, les escadrons de griffons et les rhinosaurus portant des canons... Je m’étais souvenu des nombreux types de troupes qu’ils possédaient et qui seraient puissants lorsqu’ils se battaient contre les murs du château. Il n’y avait aucun indice comme quoi elle se vantait dans les paroles de Jeanne.
« ... Je parie que vous pourriez, » dis-je. « Mais nous ne voulons pas nous battre. » Je posai mes coudes sur la table, croisant mes doigts devant ma bouche. « Voilà pourquoi je voudrais trier chacune de nos intentions ici. »
« Nos intentions, dites-vous ? » demanda Jeanne.
« Oui, » répondis-je. « L’Empire ne veut pas reconnaître les changements de frontières. Voilà pourquoi vous demandez que le royaume redonne Van. Est-ce correct ? »
« ... Oui. C’est bien ça, » Jeanne hocha la tête.
Après avoir eu confirmation des intentions de l’Empire, j’avais continué, « Maintenant, quant à notre intention, nous voulons réduire le pouvoir de la Principauté d’Amidonia, qui continue à s’engager dans des actions hostiles envers notre pays, afin de s’assurer qu’ils ne pourront plus influencer à nouveau notre pays. En outre, nous voulons qu’ils payent pour nous avoir envahis. Nous avons pris Van pour exiger ce coût. »
« ... Je vois, » répondit Jeanne. « Alors, vous n’avez aucun désir particulier de garder Van. En d’autres termes, un retour inconditionnel de la ville est hors de question, mais si la principauté paye un prix approprié, vous êtes prêt à leur redonner. »
C’était bon de voir qu’elle était rapide quant à comprendre mes explications. Quand j’avais hoché la tête, Jeanne avait tourné un regard dur vers moi. « Voulez-vous exiger la tête de Sire Julius ? »
« Cela ne vaut même pas autant qu’une ville entière, » dis-je.
« Est-ce... de l’argent que vous voulez ? » demanda-t-elle.
« C’est le cas, » acquiesçai-je. « Si la principauté paye des compensations à notre pays, nous leur redonnons Van. Vous avez vous-même dit que l’Empire veillerait à ce que la principauté payerait un prix convenable pour leurs actions, ce qui devrait être parfait, n’est-ce pas ? »
En regardant à long terme, retourner un territoire qui pourrait produire de la richesse indéfiniment s’il était géré correctement en échange d’un paiement unique était négatif. Cependant, parce qu’il s’agissait d’un territoire Amidonien jusqu’à tout récemment et en tenant compte des relations avec l’Empire, ce n’était pas une mauvaise décision.
En attendant, pour l’Empire, ils auront rempli leur devoir envers la principauté en assurant le retour de leurs terres, et ils pourraient avertir les autres signataires, « Si vous agissez comme Amidonia, votre territoire ne sera peut-être pas saisi, mais vous devrez payer des réparations. » Cela contribuerait également à établir la confiance avec les non-signataires.
Jeanne soupira. « Sire Julius ne l’aimera certainement pas... »
« Je n’ai pas de pitié à cause de la racine du problème, » dis-je. « Faites-le payer en monnaies impériales. Après tout, Sire Julius n’est pas très brillant quand il s’agit de l’économie. Il va probablement penser qu’il peut juste frapper des pièces de faible qualité pour les réparations. »
« Vous faites participer notre pays à cela ? » demanda Jeanne.
« Désolé de vous le dire, mais l’Empire partage une certaine responsabilité quant au comportement scandaleux d’Amidonia, » répondis-je. « Vous devrez donc au moins m’en donner autant. »
« ... Je n’ai pas de bonne réponse à ça, » après un haussement d’épaules et un sourire ironique, Jeanne se glissa soudainement dans une expression plus sérieuse. « J’ai une question pour vous. Pourquoi le Royaume d’Elfrieden ne se ralliera-t-il pas à la Déclaration de l’Humanité de ma sœur ? Si vous étiez signataire, je ne pense pas que le Royaume et l’Empire auraient fini par se regarder ainsi l’un envers l’autre. » Jeanne jeta un coup d’œil à Liscia et ajouta. « J’hésite à le dire devant la Princesse Liscia, mais quand il s’agit de savoir pourquoi le roi précédent, Sire Albert, n’a pas signé la Déclaration de l’Humanité... eh bien, je peux le comprendre. Ce n’est pas vraiment qu’il a choisi de ne pas le signer, c’est plus comme... »
« S’il ne pouvait pas décider de signer ou non, » Liscia avait fini la phrase pour elle. « Il est tellement indécis. »
Liscia avait laissé tout sortir et elle avait ainsi dit ce que Jeanne hésitait à dire. Jeanne lui adressa un regard plein d’excuses et avait dit. « C’est exactement ça, » avec un hochement de la tête.
Elle avait continué. « Cependant, dans votre cas, je pense que vous voyez la menace posée par le Domaine du Seigneur-Démon, ainsi que la nécessité pour toute l’humanité de s’unir dans la bataille contre lui. Au début, je pensais que c’était parce que vous ne pouviez pas nous faire confiance, en tant que responsables à la base de votre convocation dans ce monde. Mais, plus tôt, vous avez dit que vous ne portez aucun ressentiment envers nous sur ce que nous vous avons fait subir. Si c’est le cas, alors pourquoi n’adopteriez-vous pas la Déclaration de l’Humanité de ma sœur ? »
Quand elle m’avait regardé droit dans les yeux et avait demandé ça, elle m’avait posé une énigme.
Je ne pouvais pas lui donner maintenant la vraie réponse. Mais si je devais mentir, ou ignorer complètement la question, cela nuirait probablement aux relations avec l’Empire.
Après avoir réfléchi un moment, j’avais commencé à parler lentement et calmement. « C’est... ce que nous appelons une “légende” de mon monde. Il y a très longtemps, il y avait deux dieux, l’un à l’est et l’autre à l’ouest. »
Notes
- 1 Sandwich-spaghetti à la viande : Une recette que vous pouvez trouver ici http://www.foodrecipeshq.com/spaghetti-burger-pasta/.
- 2 Pain yakisoba : Combinaison d’un pain avec du yakisoba.
Les yakisoba (焼きそば, littéralement nouilles sautées) sont originaires de Chine sous le nom chao mian (炒面, chǎo miàn, « nouilles sautées »), connues également sous le nom cantonais, chow mein, mais sont entièrement intégrées à la cuisine japonaise à l’instar des rāmen.
Même si le terme soba (sarrasin) fait partie du mot, les yakisoba ne sont pas faites de sarrasin, mais sont similaires aux rāmen et produites à partir de farine de blé.
Les yakisoba sont généralement accompagnées d’une sauce spéciale semblable à la sauce pour okonomiyaki.
☆☆☆
Partie 3
Le Dieu de l’Orient avait dit. « Le monde devrait être égal. Ainsi, je vous le dis, ô humains, vous devez chacun labourer les champs pendant la même durée de temps, et les récoltes doivent être partagées uniformément entre tous. »
D’un autre côté, le Dieu de l’Occident avait dit. « Le monde devrait être libre. Ainsi, je vous le dis, ô humains, chacun de vous doit labourer les champs, et ceux qui travaillent le plus durement peuvent prendre une quantité de récoltes équivalente à leurs efforts. »
Le Dieu de l’Orient avait alors dit ça au Dieu de l’Occident. « Avec tes méthodes, les riches deviennent plus riches et les pauvres s’appauvrissent. Dans un monde comme celui-ci, un conflit surgira entre les riches et les pauvres. »
Le Dieu de l’Occident avait alors dit. « Si ceux qui travaillent le plus durement reçoivent autant que ceux qui travaillent moins, ils perdront leur motivation à travailler. Si cela se produit, le montant total à partager diminuera et la société dans son ensemble sera plus pauvre. »
Et ainsi, les deux dieux s’étaient regardés l’un et l’autre. Le conflit entre ces dieux avait influencé les pays qui avaient décidé de vénérer chacun d’eux.
Alors que les pays de l’Occident et de l’Orient se regardaient les uns les autres, chacun pensant, nous avons raison, et ils ont tort, les plus troublés par tout cela furent les pays pris au milieu.
Si les pays qui croyaient à ces deux dieux déclenchaient une guerre, ils seraient les premières victimes. Leurs maisons et leurs champs seraient tous déchirés par cette guerre. Quand ils pensèrent à ça. Eh bien, qu’allons-nous faire à ce sujet ? Les pays proches de la frontière avaient eu un éclair de perspicacité.
« Je le sais ! Il peut être inévitable qu’ils se regardent les un et les autres, mais nous avons juste besoin d’établir des règles qui empêcheront une guerre de se produire ! »
Et ainsi, les pays qui vivaient près des frontières s’étaient réunis avec de nombreux pays de l’Occident et de l’Orient pour établir ces règles.
L’un d’eux avait dit. « Ne laissons pas les frontières être modifiées par la force militaire. »
Un autre avait dit. « Laissons les habitants de chaque pays prendre des décisions pour eux-mêmes. »
Un autre avait dit. « Organisons des échanges culturels entre l’Orient et l’Occident et essayons de nous entendre. »
***
« Quelle est cette histoire ? » s’écria Jeanne.
Alors que j’avais soudainement commencé à lui raconter une vieille légende, elle m’avait regardée d’un air empli de doute. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroulait, ses yeux s’ouvraient peu à peu dus à la surprise. Jeanne avait semblé être calme et posée jusqu’à ce point, mais cela avait maintenant disparu.
Liscia et Hakuya avaient des regards similaires clairement visibles sur leurs visages.
Jeanne avait alors fait claquer ses mains sur la table, puis elle se pencha plus près de moi. « En mettant de côté le processus, ces règles qu’ils ont décidées sont fondamentalement la Déclaration de l’Humanité ! Alors, comment s’est-il passé après ça ? »
Jeanne était impatiente d’avoir une réponse, mais j’avais doucement secoué la tête.
« Quant à ce qui est arrivé ensuite. Je ne peux pas encore vous le dire, » dis-je.
« Sire Souma ! » s’écria Jeanne.
« Mais je sais comment l’histoire s’est terminée, » dis-je.
« Est-ce que ces dirigeants... n’ont pas fait assez de choses pour empêcher la guerre ? » demanda Jeanne inquiète, mais je secouai la tête.
« Non, au moins à l’époque où ces deux dieux se regardaient mutuellement, ils étaient capables d’éviter le pire scénario qui était une guerre totale entre les deux dieux, » répondis-je. « Finalement, le Dieu de l'Orient s’est désagrégé, et parce que ce dieu avait perdu la capacité de se battre, le Dieu de l'Occident avait été soulagé et avait cessé de regarder dans cette direction. »
« Ceci ressemble à une fin heureuse, » déclara Jeanne. « Où est le problème ? »
« Eh bien ! Si c’est là où se terminait l’histoire, alors cela aurait été un “ils vécurent heureux pour toujours”, » dis-je.
« Alors, l’histoire n’est donc pas terminée ? » demanda-t-elle.
« ... C’est tout ce que je peux vous dire pour le moment, » dis-je. « Désolé, mais je ne peux pas vous révéler plus de mes cartes. »
J’avais interrompu la conversation avec un ton plus fort. Jeanne semblait vouloir continuer à me presser, mais elle avait abandonné quand elle avait vu le regard présent dans mes yeux.
J’avais alors déclaré cela à Jeanne. « Ne vous inquiétez pas. Vous le saurez assez tôt, mais je ne causerai pas de problèmes à l’Empire. »
« ... Vous m’inquiétez à me dire ça ainsi, » dit-elle.
« Je voudrais que vous me fassiez confiance, » dis-je. « Notre pays aimerait marcher à côté du vôtre. Tant que l’Impératrice Maria reste fidèle à son idéal d’unir l’humanité face à la menace du Domaine du Seigneur-Démon, je vous promets que le royaume ne deviendra jamais l’ennemi de l’Empire. »
Jeanne semblait toujours emplie de doute. « N’allez-vous pas rejoindre la Déclaration de l’Humanité ? Pourtant, vous nous demandez quand même de vous faire confiance ? »
« La Déclaration de l’Humanité n’est pas le seul pacte possible, » dis-je. « Pour certaines raisons que je dois taire pour le moment, nous ne pouvons pas participer à la Déclaration de l’Humanité, mais notre pays voudrait former une alliance indépendante avec l’Empire. Et cela en secret. »
« Une alliance secrète... dites-vous ? » demanda Jeanne.
J’avais fermement hoché la tête. « Nous avons finalement réussi à stabiliser la situation à l’intérieur de nos frontières. De là, j’ai l’intention de réformer l’armée, en créant un système qui me permettra de déplacer toutes mes forces avec une volonté unifiée. De plus, j’ai réussi à briser les crocs d’Amidonia lors de cette guerre. Notre pays est enfin libre de pouvoir déplacer ses forces. »
Jeanne n’avait rien dit.
« Alors, voici ma proposition, » dis-je. « À l’heure actuelle, l’Empire envoie des troupes pour aider l’Union des Nations de l’Est, n’est-ce pas ? »
« ... Oui, » dit-elle en hochant la tête. « Il s’agit d’un conglomérat de petits et moyens États, dont la plupart ont signé la Déclaration de l’Humanité. En tant que chef de cet accord, il est naturel que nous envoyions des troupes là-bas. »
« Oui, c’est ça, » dis-je. « Puis-je vous demander de laisser à partir de maintenant cette tâche à notre pays ? »
« Êtes-vous sérieux en me disant ça !? » Jeanne avait haussé la voix à cause de la surprise.
Voici ma proposition :
Au centre de ce continent se trouvait l’impénétrable Chaîne de Montagnes de l’Étoile du Dragon, où vivaient de sages dragons. Si les monstres et les démons venaient au sud, ils devraient contourner ces montagnes à l’est et à l’ouest.
Si cela arrivait, je suggérais que l’Empire résiste à leur avance à l’ouest, alors que le royaume y résisterait de l’est.
En termes pratiques, cela signifiait que si l’Union des Nations de l’Est était menacée par la menace du Domaine du Seigneur-Démon, le royaume enverrait des renforts. Cependant, il y avait un processus requis.
« Dans le cas où cela se produirait, et que l’Empire, en tant que responsable de la Déclaration de l’Humanité, recevrait une demande de renforts de la part de l’Union des Nations de l’Est, vous nous feriez une demande de renforts, » dis-je. « Au moment où mon pays enverra des troupes, je veux que cela prenne la forme du fait que nous répondons à une demande de l’Empire. »
« ... Cela semble plutôt être une façon détournée de faire les choses, » déclara Jeanne. « Pourquoi ? »
« Bien que nous n’ayons pas encore la force nationale d’être appelés une grande puissance, nous sommes la deuxième plus grande nation par la masse si vous excluez le Domaine du Seigneur-Démon, » dis-je. « S’ils apprenaient que les premier et deuxième plus grands pays du continent travaillent main dans la main, il y aura des pays qui seraient automatiquement inquiets quant à ça. Ceux qui se trouvaient entre nous deux... comme la Principauté d’Amidonia, l’État mercenaire de Zem et la République de Turgis... je parle particulièrement d’eux. C’est pourquoi, autant que possible, je ne veux pas que l’on sache que l’Empire et le royaume coopèrent. »
« Je vois. D’où la raison de l’alliance secrète, » dit-elle.
Jeanne avait fait une expression pensive. Elle devait être en train de peser les avantages et les inconvénients de ce pacte. Cependant, il n’y aurait pas de désavantages pour l’Empire dans mon offre.
Ils sauveraient les fonds de guerre qui seraient allés à la défense de l’est, et ils pourraient épaissir leurs défenses sur le côté ouest de leur propre pays, où ils partageaient une frontière avec le Domaine du Seigneur-Démon. S’il y avait quelque chose dont ils pouvaient se méfier, c’était de nos intentions.
Après un certain temps, Jeanne acquiesça. « Je ne vois aucun mal à accepter votre proposition. Mais, y a-t-il le moindre mérite au fait que vous assumiez ce devoir ? »
« Si j’étais pressé de répondre, je pourrais dire que c’est afin de construire une confiance avec l’Empire, » dis-je. « Cela, et aussi parce que vu que nous participerons à la guerre, je voudrais que vous cessiez d’exiger des subventions de guerre. »
« Bien sûr, » déclara Jeanne. « Il s’agit de quelque chose que nous demandons qu’aux pays qui ne sont pas impliqués dans la guerre... Mais, êtes-vous vraiment sûr ? J’ai l’impression que ce n’est nullement assez pour vous. »
« Eh bien ! Quand l’existence même de l’humanité est en jeu, il faut penser plus loin qu’une simple analyse coût-bénéfice, » dis-je. « D’ailleurs, si nous agissons comme si ce n’était pas notre problème après que notre pays fut devenu stable, les autres pays ne le verront pas d’un bon œil. »
« Je vois..., » Jeanne croisa ses bras, gémissant alors qu’elle y pensait. « Dans ce cas, il s’agit de savoir si nous pouvons collaborer étroitement. L’Empire et le royaume sont sur les côtés opposés du continent. Cela va prendre du temps pour que nous puissions communiquer. C’est bien que nous puissions vous rediriger les demandes d’aide, mais si les renforts n’arrivent pas à temps, ça serait terrible. »
« Nous avons déjà une idée de la façon de gérer cela, » dis-je. « Hakuya, apportez-le-moi. »
« Certainement, Sire, » déclara Hakuya.
Hakuya se leva et quitta la pièce, revenant bientôt avec une boîte en bois de la taille d’un jeu de cartes. Il avait ensuite offert la boîte à Jeanne.
Jeanne accepta la boîte, la regardant d’un air dubitatif. « Qu’est-ce que ça pourrait être ? »
« Essayez de l’ouvrir, » dis-je. « Je voudrais que vous la donniez à Madame Maria. »
« Est-ce... un récepteur ? ... Ah ! » Il semblerait que Jeanne l’avait compris.
Dans la boîte il y avait un simple récepteur, comme ceux que j’avais utilisés quand j’avais lancé mon ultimatum aux trois ducs.
« Ce récepteur est réglé sur la même fréquence que l’un des joyaux détenus par notre pays, » dis-je. « Quand vous retournerez à l’Empire, je voudrais que vous m’envoyiez l’un des simples récepteurs de l’Empire. Bien sûr, il devrait être réglé à la même fréquence que l’un des joyaux détenus par l’Empire. De cette façon, nous pourrons nous contacter à tout moment. »
En d’autres termes, en utilisant des récepteurs simples et un joyau dans chaque pays, nous établirions une ligne directe entre l’Empire et le royaume. Contrairement aux joyaux, les simples récepteurs étaient facilement transportables.
Si l’un des deux pays appelait le simple récepteur du destinataire avec une demande de pourparlers, l’autre devait juste aller à l’endroit où se trouvait le joyau et ils pouvaient commencer immédiatement. Cela nous permettrait seulement de transmettre la vidéo et l’audio, donc il ne serait pas possible de signer quoi que ce soit, mais si nous avions des bureaucrates pour aller et venir avec les documents, même cela deviendrait possible.
Jeanne avait été très impressionnée par cette proposition. « Avec cela, vous pouvez facilement tenir des réunions avec ma sœur, qui ne peut pas se permettre de quitter l’Empire. Je ne sais pas quoi dire, Sire Souma. Votre créativité me fait trembler de peur. »
« Vous le faites aller hors de proportion, » dis-je. « C’était assez ordinaire d’avoir quelque chose comme ça dans mon Ancien Monde. »
« Et vous pensez que c’est parfaitement ordinaire... Euh, Sire Souma ? Je voudrais votre permission de pouvoir dire quelque chose d’un peu fou, » déclara Jeanne. « Est-ce que ça vous convient ? »
Quelque chose de fou ? Qu’est-ce qu’elle va dire par là ? me demandai-je.
« Je vais vous le permettre, » dis-je.
« Je vous remercie. Maintenant... Princesse Liscia, » déclara Jeanne.
« Hein ! Moi !? » Liscia parut surprise de voir la conversation se tourner soudainement vers elle, mais Jeanne continua.
« Envisageriez-vous la possibilité de restaurer Sire Albert sur le trône ? » demanda Jeanne. « Si vous agissiez ainsi, l’Empire vous soutiendra avec tout ce qu’il a comme pouvoir. »
Recommande-t-elle de me détrôner ? Je suis dans la pièce, avez-vous oubliée ? pensai-je.
Liscia sembla d’abord déconcertée, mais quand elle revint à elle, elle répondit avec colère, son visage devint de plus en plus rouge. « Que suggérez-vous tout d’un coup ? Je ne ferais jamais ça ! »
« Oh, où est le mal ? » demanda Jeanne. « Pour commencer, il s’agit du royaume de Sire Albert. Alors je voudrais que vous nous donniez, s’il vous plaît, le nouvellement libéré Sire Souma pour qu’il nous rejoigne ! S’il vient, je lui donnerai le poste de chancelier ou n’importe quelle autre position qu’il voudra ! Et zut ! Je suis même prête à offrir ma sœur comme un bonus supplémentaire, alors s’il vous plaît, devenez notre Empereur ! »
Non, si vous essayez d’offrir votre sœur comme une bouteille de détergent... ne traitez-vous pas un peu trop légèrement l’Impératrice ? pensai-je.
Liscia était indignée face à cette proposition. « Réalisez-vous vraiment ce que vous êtes en train de dire !? »
« Tout à fait, je suis saine d’esprit, » déclara Jeanne. « La façon dont Sire Souma réfléchit est en avance sur notre temps. Je veux voir l’Empire que ma sœur et lui créeraient en étant ensemble. Si nous avions su qu’il était ainsi, nous n’aurions jamais accepté vos subventions de guerre. Nous aurions dû insister pour que Sire Souma vienne auprès de nous. Il n’est pas trop tard, envisageriez-vous de venir maintenant dans l’Empire ? »
« Évidemment que non ! » Liscia avait fait claquer ses mains sur la table. « J’ai besoin... le royaume a besoin de Souma ! »
Liscia avait crié cela d’un ton menaçant, montrant ses dents. Ce n’était pas uniquement Liscia. Aisha derrière nous dégageait une aura grognonne. Sa main avançait également lentement vers son arme.
J’aimais qu’elles se soucient autant de moi, mais Jeanne était, techniquement, une invitée importante d’un autre pays. Je ne pouvais pas les laisser être trop hostile envers elle.
J’avais tapoté la tête de Liscia en lui disant. « Allons, allons ! Calmez-vous Liscia. Je ne vais nulle part, d’accord ? »
« ... Je suis désolée, » dit-elle. « J’ai perdu mon sang froid. »
« Aisha, arrêtez, jeune fille ! » ordonnai-je. « Ne mettez pas votre main sur cette arme ! »
« E-Est-ce que la façon dont vous me traitez n’est pas un peu indigne !? » objecta Aisha.
Ignorant cela, je me retournai pour faire face à Jeanne. « Je suis désolé, mais je ne peux pas accéder à cette demande. J’ai entendu dire que Madame Maria est charmante, mais je veux rester ici et être le roi dans ce pays où Liscia, ainsi que les autres personnes qui me sont chères sont présentes. »
« Ouah... Je le savais, » déclara Jeanne. « Mais je pense vraiment que c’est regrettable que vous ressentiez ça. »
Puis, elle avait dit. « Merci de m’avoir permis de dire quelque chose de fou, » Jeanne inclina la tête. « Maintenant, revenons au sujet de l’alliance. C’est quelque chose de trop important pour que je puisse décider cela de ma propre initiative. Maintenant que vous m’avez fourni un merveilleux système pour que nos deux chefs d’État puissent discuter avec le Joyau de Diffusion de la Voix, je pense qu’il vaudrait mieux que vous en parliez directement avec ma sœur. Pour le moment, j’aimerais que quelques membres de votre corps diplomatique viennent dans l’Empire. Je vais également laisser quelques membres de notre bureaucratie ici, alors s’il vous plaît, ramenez-les au royaume avec vous. »
« Je vois. Cela devrait faciliter la coordination de la suite des événements, » dis-je. « Très bien... mais qu’en est-il de ça ? Que se passerait-il si nous confions à chacun le titre d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire au représentant de notre corps diplomatique, pour ensuite établir une ambassade dans la capitale de chacun de nos deux pays ? Car après tout, il est inefficace d’aller et venir entre nos deux pays chaque fois que nous décidons de quelque chose. »
« C’est une idée de génie ! » s’exclama Jeanne. « J’examinerai immédiatement cette possibilité. Ma parole... la sagesse jaillit du Roi Souma comme l’eau d’une source chaude. »
Encore une fois, ce n’était pas comme si cela avait été mon idée. Si elle me jugeait trop bien, cela allait juste me faire me sentir plus gêné... Mais, bon, mettant cela de côté, Jeanne et moi avions continué après cela à parler de diverses choses.
Par exemple, nous avions parlé de la façon dont Madame Maria voulait abolir l’esclavage.
Depuis longtemps, Madame Maria avait apparemment voulu abolir le système, qui était un foyer pour la traite des êtres humains, mais elle cherchait maintenant à utiliser la menace imminente du Domaine du Seigneur-Démon pour le faire au nom de l’unité nationale. Même si la politique était difficile à faire passer en temps de paix, elle avait reconnu qu’elle pouvait le forcer à passer à travers maintenant, et elle avait rapidement réagi à l’occasion. Il semblait qu’elle était plus qu’une rêveuse idéaliste.
J’étais également en faveur de l’abolition, mais je sentais que c’était trop soudain, alors je leur avais demandé d’attendre. Des changements soudains, même bons, provoquaient toujours le chaos. La Révolution Française, avec son appel à « liberté, égalité et fraternité », s’était terminée par les purges du Règne de la Terreur et le mouvement du Printemps Arabe pour la démocratisation (même si je ne voulais en aucun cas condamner le mouvement lui-même). Avec mes connaissances de précédents comme ceux-là, je devais être prudent.
C’est pourquoi j’avais dit à l’Empire que l’émancipation devait être faite pas à pas. Si possible, je voulais qu’ils avancent au même rythme que le royaume.
Et, bien, avec des sujets importants comme celui qui se présentait les uns après les autres, les bureaucrates des deux nations étaient en pleine frénésie. Même tard dans la nuit, une fois la conférence terminée, ils avaient continué.
Ils seraient probablement debout toute la nuit. Avec un regard de côté vers ces bureaucrates, j’avais emmené Liscia et Jeanne jusqu’à la terrasse du bureau des affaires gouvernementales.
Parce qu’il était tard dans une nuit en automne, il faisait assez froid. J’avais demandé à Serina de nous apporter du lait chaud dans des tasses en bois, et même si ce n’était pas vraiment pour célébrer la fin des pourparlers, nous avions partagé un toast.
Liscia avait levé sa tasse. « Pour la gloire de l’Empire. »
Jeanne avait levé sa tasse. « Au développement du royaume. »
J’avais levé ma tasse. « À l’amitié entre nos deux nations. »
« « « Santé !! » » »
Nous avions entrechoqué nos tasses en bois.
Il y avait du lait chaud dans les tasses, donc après le toast, nous ne pouvions que les savourer (parce que si nous les renversions, nous nous brûlerions), mais... oh, c’était bon. Une chose que j’appréciais depuis mon arrivée dans ce monde était le délice du lait. Il était non pasteurisé (ils traitaient probablement directement dans un seau en métal, comme vous le verriez dans Nello et le chien des Flandres [1], puis il le refroidissait avec de l’eau de rivière ou de puits), de sorte que la saveur était vraiment intacte. Le compromis était que ce n’était pas totalement sûr, mais... cette texture était irrésistible !
« Ce fut une conférence très fructueuse, » déclara Jeanne alors que j’étais réchauffé par le délicieux lait chaud. « Nous avons parlé pendant assez longtemps, n’est-ce pas ? Nous sommes presque rendus à l’aube. »
« ... Maintenant que j’y pense, j’ai l’impression que nous avons parlé de beaucoup de choses aujourd’hui que nous n’avions pas vraiment à faire dès le premier jour, » dis-je.
Comme le fait que nous avions pris la peine d’organiser une ligne de communication permanente en utilisant le service du Joyau de Diffusion de la Voix, je pensais que nous aurions pu mettre de côté un certain nombre de sujets que nous avions couverts aujourd’hui pour une date ultérieure. Je me sentais mal pour les bureaucrates des deux nations dont la charge de travail avait augmenté à cause de nous.
« Peut-être parce qu’il était si tard dans la nuit, nous nous sommes étrangement excités..., » dis-je.
« Pouvez-vous vraiment nous blâmer ? » déclara Jeanne avec un sourire. « Pour ma part, j’étais ravie de trouver de nouveaux amis fiables. »
Amis... Hmm, pensai-je.
Certes, même si notre alliance était secrète, nous et l’Empire pourrions maintenant être appelés amis. Quant à l’influence que cette alliance secrète aurait sur le monde... Je ne pouvais pas encore être sûr, mais c’était rassurant de savoir que d’autres pays pourraient partager mes valeurs. L’Empire avait dû ressentir la même chose.
Jeanne afficha soudainement une expression sérieuse. « J’ai quelque chose à vous dire, à vous mon ami de l’est. »
« Qu’est-ce que c’est ? Mon ami de l’ouest, » dis-je.
« Il s’agit du Seigneur-Démon, censé habiter le Domaine du Seigneur-Démon, » dit-elle.
Le Seigneur-Démon. Si je devais utiliser ma connaissance des Jeux de Rôle, c’était l’être qui régnait sur les démons et les monstres. Bien qu’il n’ait pas été confirmé, l’ancien roi, Sire Albert, m’avait dit qu’il y avait apparemment un être comme ça dans le Domaine du Seigneur-Démon.
« Avez-vous vu le Seigneur-Démon ? » demandai-je.
« Non, » répondit Jeanne. « Mais en plus, personne n’a prétendu l’avoir vu. Ceux qui ont pénétré le plus profondément dans le Domaine du Seigneur-Démon étaient la force punitive initiale, mais elle a été presque complètement éradiquée. »
« Hein !? Alors comment savez-vous qu’il y a un Seigneur-Démon ? » demandai-je.
« Quand la force punitive a été détruite, il y avait un groupe de démons censés être capables de parler, et il y avait un mot qu’ils déclaraient souvent, » dit-elle. « Les chercheurs de mon pays ont émis l’hypothèse que ce mot pourrait être le nom du Seigneur-Démon. »
À ce moment-là, Jeanne fit une pause, puis elle prononça le mot comme si elle l’annonçait.
« Ce mot était... “Divalroi”, » déclara-t-elle.
« Divalroi... Seigneur-Démon Divalroi ? » demandai-je.
« Exact. Ils disent que c’est le nom du Seigneur-Démon, » Jeanne acquiesça d’un air sombre.
Seigneur-Démon Divalroi, euh... Hmm ? pensai-je.
« Le Seigneur-Démon Divalroi... le Seigneur-Démon Divalroi... Seigneur-Démon... Divalroi, Seigneur-Démon..., » murmurai-je.
Hein !? Qu’est-ce que c’est ça ? Je me souviens d’avoir entendu cette phrase quelque part, pensai-je. Est-ce une sensation de déjà vu ? ... Non, ce n’est pas ça. Cela me semble familier. Quelque part... Je l’ai entendu quelque part. Quelque part ailleurs qu’ici. Pas dans ce monde. Dans l’autre monde ?
Non, attends. Pourquoi penserais-je à la Terre ? Il ne devrait pas avoir de Seigneur-Démon sur Terre. Je ne connais pas de Divalroi. Du moins, je ne devrais pas..., cependant, il y a quelque chose de présent dans un coin de mon esprit.
« Qu-Qu’est-ce qui ne va pas, S-Souma ? » s’exclama Liscia.
Quand j’avais repris mes esprits, Liscia soutenait mon corps. On aurait dit que j’avais serré ma tête entre mes mains et que j’avais trébuché. Liscia et Jeanne semblaient inquiètes, alors je leur avais souri.
« Je vais bien, » dis-je. « Je viens d’être frappé par une vague soudaine de fatigue. »
« Hmm... après tout, il est si tard, » déclara Jeanne. « Que diriez-vous d’arrêter là pour cette nuit ? »
Parce que Jeanne aussi disait ça, nous avions décidé de nous revoir demain dans la salle d’audience avec Julius présent pour annoncer ce qui avait été décidé aujourd’hui, puis nous étions tous allés nous reposer.
J’avais alors demandé à Serina de montrer à Jeanne une chambre d’amis, pendant que Liscia et moi nous nous dirigions vers la chambre que Liscia utilisait. Je voulais aller dormir le plus tôt possible, mais mon lit était dans le bureau des affaires gouvernementales. Je ne pouvais pas dormir correctement avec les bureaucrates qui travaillaient juste à côté de moi, alors j’avais pensé que j’emprunterais un coin dans la chambre de Liscia.
« Souma... allez-vous vraiment bien ? » me demanda Liscia d’un air préoccupé au moment où nous avions atteint sa chambre.
« ... Je vais bien, » dis-je. « J’étais juste un peu fatigué. »
« Vous mentez ! » explosa-t-elle. « Vous êtes régulièrement resté debout pendant trois nuits d’affilée ! Je ne vais pas croire que vous soyez fatigué après être resté debout pendant seulement une nuit ! »
« Non, je pense que c’est assez mauvais et que c’est ce qui vous a mis la puce à l’oreille..., » dis-je.
Liscia soupira. « Venez ici ! »
Liscia s’était assise sur son lit, puis elle m’ordonna de m’asseoir à côté d’elle. Le fait d’être assis à côté d’une jolie fille sur son lit était une situation qui aurait dû faire battre fortement mon cœur, mais l’attitude sans fioriture de Liscia m’avait intimidé à lui obéir docilement.
Après l’avoir décidé... au moment où je m’étais assis, Liscia avait attrapé ma tête et l’avait poussée sur ses genoux. C’était mon premier oreiller de cuisses depuis longtemps. Je pouvais entendre la douce voix de Liscia au-dessus de moi.
« Je ne sais pas ce qui vous l’a causé, mais quand vous êtes fatigué, laisse-moi vous faire plaisir, » déclara Liscia tout en me frottant le front.
« ... Désolé, » dis-je. « Et merci beaucoup. »
« Hehe. Je vous en prie, » déclara Liscia.
J’avais alors fermé les yeux, laissant la tension s’éloigner de mon corps. Quand j’avais entendu le nom de « Seigneur-Démon Divalroi », j’avais ressenti une vague d’incertitude à cause du sentiment que j’avais déjà entendu le nom. Cela n’avait pas été résolu, mais le simple fait d’avoir la tête caressé ainsi avait fait que mon cœur se sentait plus léger.
Grâce à Liscia, pendant le petit moment qu’il m’aura fallu pour m’endormir, je n’avais plus à me sentir inquiet.
Notes
- 1 Nello et le chien des Flandres : Nello et le chien des Flandres (A Dog of Flanders) est une comédie dramatique américaine réalisée en 1999 par Kevin Brodie, d’après le roman de Maria Louise Ramé.
☆☆☆
Chapitre 5 : Le Retrait
— 22e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental
Il était midi, le jour après avoir forgé une alliance secrète avec l’Empire du Gran Chaos.
Une fois de plus, Jeanne et moi avions rencontré Julius dans la salle d’audience.
Alors que nous étions tous dans la même position que la veille, Hakuya, qui se tenait devant moi, légèrement sur le côté, s’avança vers Julius et lui présenta un morceau de papier détaillant la décision prise lors des discussions d’hier.
« L’Armée Royale quittera Van et retournera chez elle au Royaume d’Elfrieden, » déclara Hakuya.
L’expression hautaine de Julius avait montré qu’il voyait cela comme la conclusion naturelle, mais quand il avait entendu ce qui était venu ensuite, son visage avait changé de couleur.
« À titre de condition, la Principauté d’Amidonia est condamnée à payer des indemnités de guerre au Royaume d’Elfrieden, » déclara Hakuya. « Ceci doit être séparé de toute rançon négociée pour le retour des prisonniers de guerre. »
« Ce n’est pas possible ! » Julius se fâcha sur Jeanne. « Madame Jeanne ! Qu’est-ce que cela veut dire ? »
« La signification de ceci... ? » Jeanne haussa les épaules. « C’est la conclusion logique. Comme demandé, je crois bien que j’ai correctement négocié la restitution de votre terre, n’est-ce pas ? »
Julius semblait ne pas pouvoir accepter le résultat. « Est-ce une sorte de blague !? Des indemnités de guerre ? Cela donne l’impression que nous sommes une nation vaincue ! »
« Compte tenu de votre situation actuelle, il est difficile de dire le contraire, » déclara Jeanne. « Car après tout, vous avez perdu votre capitale. »
« Non ! Nous n’avons pas encore perdu ! » cria Julius. « Ils ont seulement pris une seule ville ! »
« ... Alors vous êtes libre de faire ce que vous voulez, » déclara Jeanne. « L’Empire va se laver les mains de cette affaire. Selon ce que vous voulez, vous pouvez faire la paix ou faire la guerre. »
Julius se mit à gémir, à court de mots.
Voyant sa réaction, Jeanne soupira. « Quant à cette cité... J’ai de gros doutes sur le fait que vous pouvez faire une croix sur votre capitale alors que c’est qu’une seule ville perdue, mais je crois que vous vous êtes tourné vers nous pour obtenir de l’aide parce que vous n’étiez pas en mesure de reprendre la ville vous-même, oui ? Dans ce cas, vous avez perdu la guerre. L’Empire, sous le couvert de la Déclaration de l’Humanité, a fourni un moyen pour vous de rétablir les changements à vos frontières. Nous ne pouvons désormais plus intervenir. »
« Mais, les indemnités de guerre... » se plaignit Julius.
« Sire Julius, » Jeanne lui lança un regard froid, qui semblait le repousser. « Cette affaire a profondément attristé ma sœur, Maria. Vous avez envahi un État souverain en profitant d’une faille dans la Déclaration de l’Humanité, Déclaration qui a été faite afin d’unir toute l’humanité face à la menace posée par le Domaine du Seigneur-Démon. En tant que chef de ce pacte, nous ne pouvons pas le laisser faire sans contestation. »
« C’était... notre ancien souverain, Gaius, » bredouilla Julius.
« Même si c’était le cas, » déclara Jeanne. « Vous portez toujours la responsabilité de ne pas l’avoir arrêté. Quoi qu’il en soit, afin de m’assurer qu’aucun autre signataire de la Déclaration de l’Humanité ne s’engage dans de telles actions imprudentes, je crois que de graves conséquences sont nécessaires, je vais donc devoir faire un exemple pour eux. »
Wôw... Elle dit tout poliment, mais fondamentalement ce qu’elle dit est, « Je vais faire un exemple de vous pour garder les autres signataires en ligne », hein ? pensai-je.
Julius se tenait là, tremblant avec ses mains dont le poing était serré, son visage était un masque tordu de rage et d’angoisse. « ... Et si je refuse ? »
« Je vous l’ai déjà dit ça, » déclara Jeanne. « Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. L’Empire s’en lavera les mains et la Principauté d’Amidonia sera expulsée de la Déclaration de l’Humanité. »
Julius haleta sous le choc. « Attendez ! Si vous faites cela, notre pays... »
« Tout à fait, » déclara Jeanne. « “S’ils ne sont pas signataires de la Déclaration, ce n’est pas une violation si nous les attaquions.”. C’est à dire, votre... pardonnez-moi, mais l’interprétation de votre père pourra ainsi être appliquée à Amidonia. »
La Principauté d’Amidonia était entourée de quatre nations sur ses quatre côtés. À l’ouest se trouvait l’état mercenaire de Zem, qui professait une neutralité éternelle malgré l’envoi de mercenaires. Au sud se trouvait la République de Turgis, un état non-signataire ayant une politique nationale d’expansionnisme vers le nord. Au nord se trouvait l’État Pontifical Orthodoxe de Lunaria, qui avait un ensemble unique de valeurs qui différaient de ses voisins. Et enfin, à l’est se trouvant le Royaume d’Elfrieden.
En mettant de côté ce que nous pourrions faire nous-mêmes, s’ils perdaient maintenant la protection de la Déclaration de l’Humanité, il était tout à fait possible que les trois autres les engloutissent.
Leur ancien dirigeant, Gaius, avait maintenu son pays en se joignant à l’Empire, en concluant un contrat avec Zem pour leurs mercenaires, en intimidant le Royaume d’Elfrieden qui avait son précédent dirigeant timide, Albert, et en affichant sa puissance militaire dans les pays du nord. Il avait les capacités pour mener une politique étrangère équilibrée. Pouvait-on dire que Julius avait le même talent ?
Même s’il avait le talent, le jeune Julius avait-il le genre d’autorité dont il aurait besoin pour faire les démarches nécessaires ?
L’héritage de l’autorité était meilleur quand elle était faite progressivement, tandis que le précédent dirigeant vivait encore. Cependant, Gaius n’était plus. Julius devait maintenant faire face au difficile problème de la gestion externe de la menace des puissances étrangères, tout en gardant le contrôle interne de ses propres vassaux. Si, au cours de ce processus très important, son pays était retiré de la Déclaration de l’Humanité, il perdrait la capacité de compter sur l’autorité de l’Empire, alors il se retrouverait rapidement dans une situation d’échec et mat.
Julius avait parfaitement compris cela, alors il avait baissé la tête face à Jeanne, son visage plein d’amertume. « ... J’accepterai votre plan. »
« C’est une sage décision, Sire Julius, » dit Jeanne.
Julius avait l’air mortifié, mais je ne pouvais pas me permettre de faire preuve de pitié ici, alors je n’avais rien fait.
Une fois cette question réglée, nous avions négocié le montant précis.
Nous avions demandé deux années de budget national d’Amidonia, divisé en paiements annuels sur une période de dix ans, avec la stipulation qu’il devait être payé en monnaie impériale. En d’autres termes, ils payeraient 20 % de leur budget national chaque année pendant dix ans.
Bien sûr, Julius objecta face à ça. Cependant, Jeanne l’avait convaincu (contraint ?), lui faisant finalement accepter la demande. Il s’agissait de priver Amidonia, qui avait dépensé la moitié de son budget annuel en frais militaires, de son financement militaire. Tant qu’ils réduisaient les dépenses militaires, je ne pensais pas qu’il leur serait impossible de le payer, mais Amidonia allait-elle le faire ?
« Madame Jeanne, » dis-je. « S’il y a des retards de paiement... »
« Effectivement, » déclara Jeanne. « L’Empire soutiendra le Royaume d’Elfrieden pour l’annexion de Van. »
« Arg..., » Julius avait l’air frustré, mais il ne pouvait rien dire.
Après avoir confirmé cela, j’avais fait une proposition. « Cependant, Madame Jeanne, je pouvais parfaitement les voir retarder le paiement pendant qu’ils renforcent les défenses autour de Van. Même avec le consentement de l’Empire, il serait ainsi difficile de reprendre la ville. En tant que tel, je voudrais quelque chose de valeur équivalente en garantie. »
« Garantie ? » demanda Jeanne.
« Un objet que nous conserverons jusqu’à ce que les indemnités de guerre soient entièrement payées, » dis-je. « Si les réparations ne sont pas payées, nous acquerrons la propriété de cet objet. Bien sûr, si les indemnités sont correctement payées, l’objet leur sera restitué. »
« Je comprends... Alors, qu’est-ce que vous voulez ? » demanda Jeanne.
« Un Joyau de Diffusion de la Voix, » répondis-je.
« Quoi... ! Notre pays n’en a qu’un ! » rugit Julius.
Avec le niveau actuel de la technologie, ils ne pouvaient pas en créer un autre. S’il était évalué comme un actif, il était probablement égal à une année du budget national d’Amidonia.
Mais même ainsi, j’avais alors dit. « De toute façon, vous ne l’utilisez pas du tout. Où est le mal à nous laisser l’avoir ? »
« Ne soyez pas absurde ! Ne voulez-vous pas inciter mon peuple à la révolte !? » cria Julius.
« Il s’agit d’une simple question de changer la fréquence, » dis-je. « C’est tout ce qu’il faudrait pour vous empêcher de recevoir des émissions faites par Elfrieden. »
« Arg... Eh bien, oui..., » Julius avait semblé angoissé, mais il l’avait accepté étonnamment facilement.
Ils avaient utilisé ce dispositif pratique pour rien de plus qu’une déclaration d’intention au début de chaque année, donc Julius le militariste n’avait probablement pas réalisé sa vraie valeur. Il se pouvait donc qu’il ne l’eût reconnu que pour sa valeur matérielle. Alors que je pensais à ça...
« Sire. Puis-je vous dire un mot ? » demanda Hakuya, puis il vint chuchoter quelque chose à l’oreille. Alors que j’entendais ce qu’il avait à me dire, j’avais froncé les sourcils.
« C’est... surtout pour satisfaire vos propres intérêts, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Que dites-vous ? » demanda Hakuya. « La connaissance est de la sagesse cristallisée. »
« ... Eh bien, c’est bon, » dis-je. « Sire Julius. »
« ... Quoi ? » demanda Julius.
« En tant que pièce additionnelle, nous aimerions prendre les livres se trouvant dans les archives de ce château, » annonçai-je.
Il s’agissait de ce que Hakuya avait proposé. Nous prendrions la garde des livres d’Amidonia ramassant la poussière dans les archives d’Amidonia.
Dans ce monde, le papier était encore précieux et les livres n’étaient pas distribués à grande échelle. Il était tout à fait possible qu’Amidonia ait des livres dans ses archives qu’Elfrieden n’a pas. De plus, dans le cas des livres, il serait possible de les copier pendant que nous les avions en notre possession.
Julius renifla avec mépris. « Très bien. Mais ne touchez à rien d’autre. Je ne vous permettrais pas de prendre nos armes ou armures. »
« Saviez-vous que nous en avons déjà vendu une grande quantité pour amasser des fonds afin de construire le réseau de transport se trouvant ici ? » dis-je. « Nous avons dépensé cet argent dans cette ville, donc même si vous le demandez, nous ne pouvons pas nous y plier. »
« Arg ! Alors, ne les touchez plus ! » s’écria Julius.
« ... Très bien, » dis-je.
Les armes étaient-elles vraiment plus importantes que les livres ? C’était la bonne décision, étant donné qu’il était entouré de pays, il ne pouvait pas baisser sa garde, mais il ne semblait pas comprendre à quel point il était effrayant que les écrits recueillis de son peuple, la cristallisation de leur sagesse, fuient hors de son pays.
Après que j’eus regardé Jeanne, je vis qu’elle devait penser la même chose que moi, parce qu’elle affichait un sourire ironique.
Maintenant, avec la question des indemnités réglée, nous avions décidé de régler d’autres questions.
« J’exige que les soldats de mon pays qui ont été faits prisonniers par le Royaume d’Elfrieden me soit restitué, » demanda Julius.
« Très bien, » dis-je. « Cependant, vous devrez payer une rançon pour ceux qui appartiennent à la noblesse ou à l’aristocratie. »
« ... Compris, » répondit Julius.
« En outre, nous avons enquêté et réalisé une liste de criminels de guerre qui ont attaqué des villages et se sont livrés au pillage lors de votre invasion effectuée contre notre pays, » dis-je. « Tous les prisonniers qui figurent sur ces listes seront jugés en vertu des lois de notre pays, et nous ne pouvons donc pas vous les restituer. »
La mesure extrême imaginée avec Hakuya, l’utilisation des monstres fictifs de type pierrots de flammes afin d’inciter les habitants à évacuer, avait réussi à faire aller hors du chemin des forces Amidoniennes la plupart des résidents de la région. Cependant, cela ne signifiait pas qu’il n’y avait eu absolument aucune victime.
Les armées de la principauté semblaient avoir envoyé des éclaireurs dans toutes les directions, et ceux qui avaient eu la malchance de les rencontrer avaient été tués. Je veillerais à ce qu’ils payent pour le sang innocent de mon peuple qu’ils avaient répandu.
« Nous demanderons également que ceux dont les noms figurent sur la liste et qui restent dans votre pays nous soient remis, » dis-je. « Et seulement une fois que tout cela sera terminé que nous pourrons commencer à vous rendre les prisonniers. »
« ... Bien, » répondit Julius sous peu, acceptant la liste des criminels de guerre de Hakuya. « À ce propos, Roroa est-elle parmi les prisonniers qui nous seront redonnés ? »
Roroa ? Qui ? pensai-je.
« Je ne connais personne de ce prénom, » dis-je. « Qui est-ce ? »
« Roroa Amidonia. Mon indigne sœur cadette. Elle aurait dû être à Van quand les combats ont commencé, » déclara Julius.
« Votre sœur cadette ? » demandai-je. « Lorsque les portes de Van ont été ouvertes, nous avons permis à tous ceux qui souhaitaient partir de le faire. Je pense que Margarita était la seule ayant un certain rang qui soit resté. Je n’ai reçu aucun rapport que nous ayons capturé un membre de la famille princière. »
« ... C’est bien, dans ce cas, » déclara Julius, coupant court à ce sujet comme s’il n’était plus intéressé par lui.
Sa sœur n’avait-elle pas disparu ? Il semblait terriblement blasé à propos de ce fait. N’était-il pas inquiet ?
« Si vous voulez, je pourrais demander à mes hommes de chercher quelqu’un qui l’aurait repérée, » proposai-je.
« Cela ne sera pas nécessaire, » répondit-il.
« Pas nécessaire ? » répétai-je.
Hakuya me murmura ça à l’oreille. « Il est très probablement préoccupé par une crise induite par la succession. Mes investigations indiquent que la Princesse Roroa est l’une des rares personnes dans la maison royale Amidonienne qui ait le soutien des fonctionnaires civils. Ayant accordé un traitement préférentiel à l’armée, Julius n’est pas populaire auprès des fonctionnaires civils. Il doit craindre qu’ils soutiennent Mme Roroa face à lui. »
« Même si Gaius est parti, elle est l’une de ses rares personnes restantes de sa famille, » murmurai-je en retour.
« Il s’agit d’un phénomène courant dans les familles royales, » murmura Hakuya.
« Je comprends cela, mais quand même... Je ne veux pas l’accepter, » murmurai-je.
Les guerres de succession n’avaient pas été rares dans l’histoire de la Terre. Même dans le Royaume d’Elfrieden, lorsque la mère de Liscia, Elisha était montée sur le trône, le conflit entre ses proches avait failli entraîner l’extinction de la lignée royale.
Si je me souviens bien, Machiavel lui-même avait appelé à la purge de ses opposants politiques. Toutefois..., en tant que quelqu’un qui avait connu la solitude après avoir perdu toute sa famille, je ne pouvais pas m’empêcher de penser qu’il devrait chérir sa petite sœur. Ça aurait pu être naïf de ma part, mais c’était quelque chose que je ne pouvais pas abandonner.
« Oh, c’est vrai, » dis-je. « Je voudrais parler du cas de Margarita. Nous aimerions qu’elle reste dans le royaume. Étant donné qu’elle a coopéré avec nous afin de maintenir l’ordre dans Van, je soupçonne que vous auriez du mal à décider ce qui devrait être fait avec elle. »
« Parlez-vous de la Générale Margarita Wonder ? » Julius semblait y réfléchir pendant un instant. « Si vous libérez cinq des nobles que vous détenez en échange, je peux accepter cela, » finit-il par dire.
Il devait avoir calculé sa valeur en tant que prisonnier, et il avait jugé que, comparée à un général, dont il ne savait pas quoi faire, une réduction de la rançon pour les vassaux qui lui étaient réellement fidèles serait plus bénéfique. Demander l’échange de cinq personnes en échange d’une seule personne était une décision avisée.
« Très bien, » dis-je. « Je vais accepter vos conditions. »
« ... C’était une bonne générale, oui, mais est-elle assez bonne pour que vous la désiriez si fortement ? » demanda Julius, empli de doute.
J’avais souri avec ironie. Julius, seulement capable de juger la valeur des gens par leur potentiel en tant qu’actifs de guerre, ne comprendrait pas la véritable valeur de Margarita. En tant que chanteuse, en tant qu’hôtesse, Margarita était devenue indispensable quand il s’agissait de produire des programmes pour le Joyau de Diffusion de la Voix.
Eh bien, je n’avais aucune obligation de lui expliquer cela, alors je m’étais tu.
Avec des choses en grande partie en ordre maintenant, j’avais déclaré la fin des pourparlers.
Elfrieden recevrait des indemnités de guerre en échange du retrait de Van. Amidonia reprendrait le contrôle de Van en échange du paiement d’indemnités. L’Empire avait démontré son influence en agissant comme médiateur dans ce différend.
... Pour l’instant, il s’agissait de résultats dont je pourrais être satisfait.
On pourrait dire qu’Amidonia était sortie avec une perte, l’Empire n’avait rien perdu, et Elfrieden était sorti avec des gains appropriés.
Une fois les pourparlers terminés, Julius tourna les talons, comme pour dire qu’il n’avait plus rien à dire aux personnes comme moi, mais je l’avais appelé afin de l’arrêter.
« Sire Julius ! » dis-je.
« ... Quoi !? » s’exclama Julius, ne se donnant même pas la peine de se retourner.
« Un penseur politique de mon propre monde, Machiavel, a dit quelque chose comme ça, » dis-je. « Ceux qui acquièrent une principauté avec difficulté la garderont facilement. Ceux qui acquièrent une principauté sans difficulté auront du mal à la garder. »
« Hein !? Qu’est-ce que ça veut dire ? » Julius se tourna pour me faire face, avant de me jeter un regard noir.
Je l’avais regardé droit dans les yeux puis je lui avais dit. « Je vous ai vaincu, vous et vos hommes, afin de prendre Van. J’ai expulsé la grande majorité de la noblesse et l’aristocratie, purgeant presque tous ceux qui auraient pu devenir un adversaire politique. Voilà pourquoi, si j’avais continué à diriger Van, il n’y aurait probablement pas eu de problèmes majeurs. Toutefois... pouvez-vous en dire la même chose ? Même si vous revenez dans cette ville, pouvez-vous la gouverner sans problèmes ? »
« Qu’est-ce que vous racontez ? » demanda Julius. « C’est mon pays. »
« Cependant, jusqu’à maintenant, il faisait partie d’Elfrieden, » répondis-je. « Dans l’histoire, il y a ceux qui sont devenus princes avec le soutien de parents ou de pays puissants. Vous l’avez retrouvé en utilisant l’autorité de l’Empire, c’est-à-dire les bras des autres. Ce serait ce que le penseur politique Machiavel entendait par “une principauté acquise sans difficulté”. »
Cependant, pour ceux qui volent au sommet sous le pouvoir de ces bailleurs de fonds, perdre leur soutien, c’était perdre instantanément leur fortune.
Un exemple de cela serait la façon dont l’homme Machiavel avait brandi son prince idéal, César Borgia d’Italie, qui était tombé à la mort de son soutien. Cet homme était à la fois son père et le pape, Alexandre VI.
Ou comment, au temps de la Guerre Chu-Han, quand Xiang Yu avait lutté contre Liu Bang, le fermier qui avait été présent aux côtés de Xiang Yu en tant que héros, et qui avait commencé avec d’humbles origines jusqu’à être nommé roi de Chu, avait finalement été tué quand il avait été jugé inutile.
Ayant emprunté l’autorité de l’Empire pour récupérer sa propre capitale, Julius serait sûrement méprisé par ses officiers et les habitants d’Amidonia. Et Gaius VIII, craint pour sa puissance militaire, n’était plus là.
Est-ce que Julius, qui était intelligent, mais qui manquait d’intensité, pourrait finalement garder ses officiers sous contrôle ? Serait-il capable de mieux servir les habitants de Van que moi et de gagner leur confiance ?
« Celui qui acquiert une principauté sans difficulté doit travailler dur afin de le garder, » dis-je. « Avant de commencer à parler de rancunes, je vous suggère de travailler dur sur des politiques qui profiteront à votre peuple. »
« Cela ne vous concerne pas, » tout en repoussant mes paroles de soutien, Julius était parti.
Jeanne haussa les épaules et elle leva les yeux vers le plafond.
J’avais ensuite marché vers Jeanne et lui avais serré la main. « Ces discussions auront été très fructueuses. Donnez mes salutations à votre sœur. »
« Vous avez tout à fait raison, » déclara Jeanne. « Vous prenez soin de vous, et vous aussi, Sire Hakuya. Nous devrions parfois nous plaindre de nos maîtres respectifs avec un verre à la main. »
« Cela sonne très bien à mes oreilles, » répondit Hakuya. « Je vais vous attendre avec un tonnelet. ».
Qu’est-ce que ça voulait dire ? Auraient-ils assez de choses à se plaindre qu’ils auraient besoin d’un tonnelet entier ? Après que j’eus regardé dans sa direction, Hakuya avait ouvertement détourné ses yeux.
Voyant cela, Jeanne avait fait un rire jovial. « J’espère que nous nous retrouverons du même côté lorsque nous nous rencontrerons. S’il vous plaît, veuillez parfois parler également directement avec ma sœur. »
« C’est tout à fait vrai, » dis-je. « J’attendrai avec impatience le jour où je pourrai parler directement avec Madame Maria. »
Nous avions alors échangé une poignée de main ferme.
***
Une fois que le retrait avait été décidé, le reste s’était rapidement déroulé.
Parce qu’il avait été décidé que nous restituerions Van, rester plus longtemps ferait que gaspiller nos fonds de guerres. L’Armée Royale avait retiré nos troupes de Van avec autant de démonstrations qu’elles avaient mises quand nous étions entrés pour la première fois à travers les portes. Le petit nombre de soldats amidoniens stationnés près de Van était largement surpassé en nombre, et l’Armée Impériale était toujours dans les environs, surveillant de près les deux côtés, de sorte que nous n’avions pas besoin de nous inquiéter d’être poursuivis.
J’étais au milieu de la procession, la même que lorsque nous étions arrivés, chevauchant un cheval qu’Aisha tenait par les rênes, avec Liscia sur un autre cheval à côté de moi. Quand nous étions entrés dans le château, les yeux des habitants qui regardaient l’Armée Royale étaient remplis de peur. Cependant, les choses avaient un peu changé maintenant.
Nous n’avions pas publié d’annonce officielle, mais les habitants qui bordaient la rue portaient des expressions remplies d’incertitudes. Quand elle avait vu ces regards, Liscia avait eu sur son visage un regard empli de doute.
« Pourquoi pensez-vous que toutes ces personnes font de tels airs ? » demanda-t-elle. « Je comprendrais s’ils étaient soulagés, parce qu’ils seraient heureux d’être libérés, ou heureux de nous voir enfin partir. ».
« C’est probablement... qu’ils sont inquiets, » dis-je. « Inquiet de revenir sous la domination d’Amidonia. »
« Inquiet ? Vis-à-vis du fait que la situation revienne à la manière dont elle était avant ? » demanda Liscia.
« C’est exactement la raison, » dis-je. « Ils sont inquiets, “nos vies vont-elles revenir à ce qu’elles étaient avant ?” voilà ce qu’ils se demandent, » je regardais droit devant moi alors que je parlais. « Les habitants de Van étaient opprimés par la Maison Princière d’Amidonia. Cela ne les dérangeait probablement pas quand c’était simplement une chose normale pour eux. Mais après avoir été sous notre occupation, ils ont appris que ce n’était pas ainsi que les choses devaient être. Contrairement à la Maison Princière, je leur ai donné la liberté d’exprimer leurs sentiments et leurs idées. C’est pourquoi, avec notre départ, ils craignent que le retour de Julius et de ses partisans signifie que tout cela serait à nouveau supprimé. »
Parce que, eh bien... cela serait probablement le cas. Une fois que Julius entrera dans Van, il allait naturellement s’atteler à écraser cette atmosphère détendue.
Liscia avait regardé avec pitié les personnes qui bordaient les rues. « Maintenant qu’ils ont connu le goût de la liberté, ils ne peuvent pas retourner à leurs vieilles vies. N’est-ce pas comme une dépendance ? »
« Je pense que c’est une façon appropriée de le dire, mais... ne pourriez-vous pas trouver quelque chose d’un peu plus gentil comme manière de le décrire ? » demandai-je.
« N’est-ce pas un fait avéré ? » demanda-t-elle. « Mais n’est-ce pas leur pays ? Est-ce que leurs manières de penser peuvent être changées aussi facilement ? »
J’avais alors répondu. « Dans mon vieux monde, il existe un proverbe : “Un gouvernement oppressif est plus féroce qu’un tigre”. Dans ce cas, je dirais que “la Tyrannie est plus répugnante qu’un envahisseur”. Les personnes ne bougent pas selon des codes moraux ou l’éthique. Si leur propre pays leur est bénéfique, ils le défendront contre les menaces étrangères, mais si un autre pays leur est plus avantageux, ils travailleront activement pour leur ouvrir les portes du château. »
Après que j’eus dit ça, Liscia soupira. « Quand je marche à vos côtés, je ne vois que comment les gens agissent dans les moments difficiles. »
« En avez-vous marre de ça ? » demandai-je.
« Surtout pas, continuez ainsi !! » Liscia et Aisha avaient toutes deux crié cela en même temps.
Pour une raison ou pour une autre, Aisha s’était également jointe à cette discussion.
« Aisha, pourquoi l’avez-vous également dit ? » m’écriai-je.
« Si Votre Majesté marche à mes côtés, aucune route n’est difficile ! » déclara Aisha, fièrement.
N’auriez-vous pas l’air d’être trop loyale ? Si elle continuait ainsi, elle allait se faire un surnom « Le Toutou du Roi ».
Tout en regardant Aisha, Liscia se mit à rire. « Je ressens la même chose. Si je suis avec vous, Souma, j’ai l’impression de pouvoir accepter n’importe quelle réalité. »
« ... Je vois, » dis-je. « Eh bien, revenons chez nous. »
Retournez dans notre pays, où tout le monde nous attend, pensai-je.
***
... Une semaine plus tard.
Lorsque Jeanne retourna dans l’Empire Gran Chaos et atteignit le château de la Capitale Impériale, elle fut immédiatement appelée par sa sœur, l’Impératrice Maria, sans même avoir le temps de reprendre son souffle. Bien qu'étant un peu exaspérée, elle traîna ses pieds jusqu’au bureau des affaires gouvernementales de Maria, où elle trouva sa sœur debout au milieu de la pièce, l’attendant.
Habituellement, à ce moment-là, il y avait encore des bureaucrates qui s’affairaient, mais aujourd’hui, Maria avait dû faire évacuer la pièce parce qu’elle était seule. Avec un doux sourire clairement visible sur son visage, l’élégance avec laquelle elle se tenait là, affichait un soupçon de sa prestance en tant qu’impératrice.
Jeanne posa une main sur sa poitrine, saluant Maria. « Ma sœur. Je viens à l’instant de rentrer de la capitale princière, Van. »
« C’est bon de te revoir, Jeanne, » déclara l’Impératrice. « Comment ça s’est passé là-bas ? »
« Il y a eu quelques problèmes, mais cela s’est passé plus ou moins comme nous l’avions espéré, » déclara Jeanne. « Van et le territoire environnant ont été restitués par le Royaume d’Elfrieden à la Principauté d’Amidonia. »
« Excellent, » déclara Maria. « Tu as fait du bon travail. ... Mais maintenant..., » Maria frappa dans ses mains et sourit. « C’est fini pour le mode travail. Jeanne, bienvenue à la maison ! »
Maria avait sauté vers l’avant depuis son trône et elle se précipita afin d’étreindre Jeanne.
« Ma sœur !? » L’étreinte soudaine rendit Jeanne en pleine panique « Qu’est-ce que c’est, tout d’un coup ? Tu sais, il s’agit là d’une conduite qui ne convient pas à une Impératrice. »
« Eh bien, j’étais seule, et je ne pouvais pas te voir depuis si longtemps, » se plaignit Maria. « Tout le monde en dehors de la famille me donne le traitement de Votre Majesté Impériale, et notre autre sœur est enfermée dans son laboratoire, toujours fidèle à elle-même ! »
« Ne me dis pas ça ! Tu n’es plus une enfant ! » déclara Jeanne.
Alors même qu’elle protestait, Jeanne tapota le dos de Maria. Elle était consciente de la solitude et du lourd fardeau que sa sœur devait supporter en tant qu’Impératrice, alors elle ne voulait pas la repousser.
Quand Maria lâcha prise, elle alla s’asseoir sur le magnifique lit installé dans le côté du bureau. Puis elle tapota une zone à côté d’elle, encourageant Jeanne à venir s’asseoir également.
« Alors ! Alors ! Quel genre de monsieur est Sire Souma ? » demanda Maria avec impatience.
Quand elle vit sa sœur avec ses yeux brillants, comme un enfant harcelant ses parents pour une histoire au coucher, Jeanne avait senti un mal de tête qui commençait à arriver. Cependant, il semblait improbable qu’elle soit libérée jusqu’à ce qu’elle en parle, alors Jeanne abandonna et décida de lui dire ce qui s’était passé pendant les pourparlers.
« D’accord, » céda Jeanne. « Tout d’abord, laisse-moi te dire ce qui s’est passé quand je suis allé en tant qu’éclaireur dans Van... »
Jeanne avait alors expliqué le cours des événements depuis le moment où elle avait rencontré Souma au coin d’une rue à Van jusqu’à leur accord pour former un pacte secret. Alors Jeanne racontait l’histoire, l’expression de Maria avait rapidement changé. Elle avait paru soulagée quand elle avait appris que Souma n’était pas fâché d’avoir été convoqué de force ici et qu’il comprenait parfaitement leurs intentions.
Quand elle avait entendu Souma dire. « Les Monstres et les Démons peuvent avoir la même relation que ce que ce continent appelle l’humanité et les animaux, », elle afficha une expression de surprise et d’incertitude.
Quand elle avait entendu dire que quelque chose appelé un sandwich-spaghetti à la viande avait été mangé pendant la conférence et qu’il était délicieux...
« Jeanne, ce n’est pas juste ! » cria Maria, gonflant ses joues avec colère.
Cela faisait longtemps que Jeanne n’avait pas vu sa sœur si animée en l’écoutant. Elle était probablement excitée.
La plus grande explosion d’émotion était venue quand Jeanne avait parlé du pacte secret, la proposition de Souma que l’Empire défendrait l’ouest, alors que le royaume défendrait l’est. Quand Maria avait entendu ça, elle s’était jetée sur le lit en se tenant le ventre alors qu’elle riait.
Jeanne fut surprise par la réaction de sa sœur. « Ma sœur ! Je ne pense pas que ce soit vraiment une raison de rire, n’est-ce pas ? »
« Hehehe... D-Désolée ! C’est tellement drôle, » Maria avait dit ça en essuyant les larmes qui s’étaient formées dans les coins de ses yeux en raison d’avoir trop ri.
« Drôle ? » demanda Jeanne incrédule.
« Ce que je veux dire par là... penses-y un peu plus, » déclara Maria. « Il n’y a pas si longtemps, nous devions faire preuve d’une considération particulière envers ce pays parce qu’il était tellement affaibli, mais à un moment donné, il s’est transformé en un allié digne de confiance qui peut gérer la partie orientale du continent pour nous. J’ai l’impression d’avoir été trompé par l’illusion d’une fée. »
« Eh bien... ! C’est vrai, les événements bougent à un rythme incroyablement rapide, » déclara Jeanne.
« Exacte ! C’est exactement ça, Jeanne, » le sourire de Maria avait soudainement disparu, son visage était devenu extrêmement sérieux. « He Jeanne. Te rappelles-tu de comment un héros est défini dans le royaume ? »
« C’était dans les rapports, alors oui, » répondit Jeanne. « Si je me souviens bien... c’était : “Celui qui conduira à un changement d’époque”, n’est-ce pas ? »
« Tout à fait, » déclara Maria. « Pas “Celui qui vaincra le Seigneur-Démon” ou “Celui qui conquerra le monde”, mais “Celui qui conduira à un changement d’époque”. Souma a été invoqué en tant que héros, mais tout ce qu’il fait est du travail administratif, et donc certaines personnes doutent qu’il soit véritablement un héros. »
« C’est vrai, il n’agit pas comme ce que l’on attend d’un héros, » déclara Jeanne. « Car après tout, il ne semblait pas si fort. »
Maria hocha la tête. « Tu as raison. Je pense qu’il est loin de ce que nous envisageons en tant que héros. Mais que se passe-t-il si nous évitons de nous laisser prendre par cette image et de l’évaluer plutôt comme “celui qui conduit à un changement d’époque” ? Mais avec la vitesse à laquelle les choses ont bougé dernièrement, ne sens-tu pas cela comme s’il y avait un “changement d’époque” en cours depuis qu’il est là ? »
Au moment où Jeanne avait entendu ça, elle avait dégluti.
Maria se leva et se dirigea vers le rebord de la fenêtre. « Il ressemble à une personne plus intéressante que je m’y attendais. Oh, j’espère que je pourrais bientôt lui parler en personne. »
Puis, tout en regardant vers le ciel de l’est, Maria avait souri avec douceur.
☆☆☆
Histoire Supplémentaire : L’Histoire d’un certain Groupe d’Aventuriers 3
Dans la guilde des aventuriers.
Le personnel de la guilde achetait des reliques ou des matériaux récoltés à partir de monstres trouvés dans des donjons explorés par des aventuriers, qui ainsi gagnaient leur vie en le faisant. Ils agissaient également en tant qu’intermédiaire pour les quêtes qui impliquaient des choses telles que l’éradication de bêtes dangereuses, la protection des marchands, et le massacre de monstres qui étaient sortis des donjons.
Parce que les aventuriers avaient déjà voyagé dans de nombreux pays, la guilde des aventuriers était indépendante des états dans lesquels elle opérait.
Un groupe visitait en ce moment la branche de la guilde à Parnam. Ce groupe se composait du séduisant épéiste au sang chaud Dece, de Juno, la jeune voleuse à la face de bébé et aux cheveux blonds, de l’affamé et macho Augus, du jeune prêtre doux et affable Febral, et de la mage calme et bien proportionnée Julia.
« Est-ce le groupe de Dece ? » demanda la réceptionniste. « Votre récompense pour la quête d’escorte de villageois est ici. »
La fille à la réception leur avait donné un salut superficiel et un sac plein de pièces d’argent. Le sac était légèrement gonflé, faisant briller les yeux de Juno et Augus.
« N’avons-nous pas ici plus que quelques mois de gains ? » demanda Juno, toute excitée.
« Même s’il est divisé en cinq parts, n’est-ce pas une grosse somme !? » s’exclama Augus. « Maintenant, je peux obtenir de nouveaux coups de poing articulés... Non, ou alors peut-être quelque chose de plus haute qualité ! »
Debout à côté de ces deux-là qui étaient aveuglés par l’argent de la récompense, Febral inclina la tête de côté avant de poser une question. « Même si nous sommes payés sur une base individuelle, et non pas comme un groupe, cette récompense ne semble-t-elle pas trop élevée pour la quête ? Y avait-il une sorte de bonus spécial appliqué ? »
La réceptionniste sourit et acquiesça. « Tout à fait. Cette quête a été faite par ceux du Château royal. Ils nous ont dit : “Ce qui est censé être une nouvelle race de monstre, le pierrot de flammes, est apparu au sud. Nous aimerions demander votre aide pour escorter les résidents des villages voisins pendant que nous les évacuons”. Mais, avec l’invasion prématurée effectuée par la Principauté d’Amidonia, nous avons reçu des rapports que beaucoup de nos habitants avaient rencontrés les forces de la principauté. »
« Oh, c’est donc ça, » déclara Juno. « Je les ai également rencontrées. »
La réceptionniste hocha la tête. « Heureusement, parce que les habitants des villages ont été évacués, nous avons été en mesure de minimiser les dommages causés aux citoyens du royaume par les troupes de la principauté. Cependant, en raison de l’ennui inattendu que cela a signifié pour les aventuriers, le château a émis un bonus dû au danger spécial. C’est le montant supplémentaire que vous voyez là. »
« Je vois, » dit-elle. « Cela à du sens... »
Dece et les autres avaient accepté l’argent de la récompense, puis ils se dirigèrent vers une table dans le bar qui avait été installée à l’intérieur de la guilde.
Une fois que l’argent avait été partagé de manière égale, Dece avait demandé à Febral. « Donc, à propos de ce qu’elle vient de nous dire... Qu’est-ce que tu en penses ? »
« Parles-tu de la prime due au risque imprévu ? » Febral lui demanda ça en retour, ce à quoi Dece acquiesça.
« Les villes et villages qui venaient d’être attaqués par les pierrots de flammes se trouvaient sur la route empruntée par les forces de la principauté, et parce que nous venions juste d’évacuer les habitants, les pertes humaines étaient maintenues au minimum... Je veux dire, n’est-ce pas un peu trop pratique ? » demanda Dece.
« ... Tu as raison, » répondit Febral. « Peut-être que le royaume était sur ses gardes contre l’armée de la principauté pendant tout ce temps. Auraient-ils pu se dépêcher de nous faire évacuer les résidents parce qu’ils anticipaient une attaque ? »
Quand Febral avait présenté cette théorie, Juno inclinée la tête sur le côté. « Hm ? Mais, j’ai moi-même vu les pierrots de flammes quand j’étais avec M. Petit Musashibo, tu t’en souviens ? »
« Ils ressemblaient à des torses de mannequin avec des torches pour les têtes, non ? » demanda Febral. « Cela semble être facile à faire, n’est-ce pas ? »
« Étaient-ils alors une pure invention ? » demanda Julia d’une voix détendue, à laquelle Febral hocha la tête.
« Oui. Cela semble très probable. Le roi doit avoir eu une raison de faire cela, » répondit Febral.
« Hehe. Ce n’est pas comme si cela nous importait vraiment, » Augus enveloppa son bras épais autour du cou de Febral. « Les intrigues des pays ne sont pas les tâches des aventuriers. Ce qui est important pour nous, c’est que nous finissions la quête, et que nous gagnions beaucoup d’argent pour cela. Ai-je raison ? »
Dece sourit ironiquement. « Tu as raison. Plutôt que de s’inquiéter de ça, réfléchissons à ce que nous allons faire avec tout cet argent. »
« Pour ce soir, comment se passer d’un festin, Hmmmm ? » Julia déclara cela doucement. Et puis c’était arrivé...
Quelque chose d’assez massif était entré par la porte de la guilde. Dans ses mains se trouvait un naginata, et sur son dos se trouvait un panier en osier. Son visage était couvert par du tissu de soie sous lequel se trouvaient deux adorables yeux ressemblant à des glands ainsi que des sourcils broussailleux. Qui était-ce ? Était-ce un gros cocon de mite ? Était-ce un monstre d’œuf ?
« Attends, mais c’est M. Kigurumi ! » s’exclama Juno au moment où elle s’en rendit compte.
Quand le Petit Musashibo entra dans la guilde, il se tourna vers la réceptionniste et lui tendit quelque chose. Était-ce... une lettre ?
« Oh ! Une livraison, je vois, » déclara la réceptionniste. « Merci pour vos services. »
« ... » (Petit Musashibo avait levé le pouce.)
Après avoir délivré la lettre, le Petit Musashibo se retourna pour partir vu que son travail était terminé, mais Juno n’allait pas laisser faire cela.
Elle se pencha sur le haut de sa tête. « Hey, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu. Je vois que tu es aussi de retour du sud. »
« ... » (« J-Juno ? » Petit Musashibo avait réagi avec surprise.)
Le Petit Musashibo, qui avait légèrement rétréci sous le poids de Juno, avait agité ses bras.
Juno resta sur le Petit Musashibo, frottant ses joues contre lui. « Merci de m’avoir sauvé là-bas. La principauté m’a presque rattrapée. »
« ... » (« Eh bien, je suis content que tu ailles bien, » dit-il en la tapant dans le dos.)
« Ahaha! Mais maintenant, j’y pense, n’étais-tu pas plus effrayé par le fait que je marchais toute seule comme ça ? Je parie que tu es là pour la même quête, alors tu sais, tu aurais pu compter sur nous pour obtenir de l’aide. »
« ... » (« J-Je suis honoré d’entendre ça, » répondit-il, puis il inclina la tête à plusieurs reprises.)
Le reste du groupe regardait cet échange se dérouler avec des yeux écarquillés.
« Comment peuvent-ils vraiment avoir une véritable conversation comme ça... ? » Dece se demandait ça à haute voix.
« N’est-ce pas... l’amour ? » suggéra Febral.
« Oh ! Commences-tu aussi à croire maintenant la théorie de Julia, hein, Febral ? » demanda Augus.
« Hehe, » Julia se mit à rire. « Haha. »
Pendant qu’ils en parlaient tous les quatre, la réceptionniste, qui avait lu la lettre, les appela. « Oh ! Vous là-bas. Aviez-vous pris la quête d’escorte de villageois ? »
« Hm ? Oui, c’est le cas... mais que se passe-t-il ? » demanda Dece.
La réceptionniste avait souri. « Il semble qu’il y ait une autre récompense supplémentaire pour vous de la part du château. C’était dans la lettre qui vient d’arriver. “Le travail des aventuriers a sauvé la vie de beaucoup d’habitants de ce pays, et ainsi, pour récompenser leur dur labeur, un petit banquet aura lieu au château, dans lequel ils sont les bienvenus.” Voilà ce qui est écrit. »
« Un banquet au château royal ? » Dece fronça les sourcils. Alors qu’ils avaient déjà reçu une prime de risque, un banquet semblait somptueux.
« Je ne veux pas y aller, » déclara Juno, clairement désintéressée, alors qu’elle continuait à se coller contre le Petit Musashibo. « Le château ressemble à un endroit trop étouffant. On aurait l’air si déplacé là-bas. »
« Heh heh heh. Êtes-vous sûr de vouloir dire ça ? » la réceptionniste avait rit et elle avait dit d’un ton confiant. « Ne le saviez-vous pas, mais le banquet a lieu à la Place d’Ishizuka ? »
« « Venez-vous de dire la Place d’Ishizuka ? » » demandèrent Augus et Febral en même temps.
« En as-tu déjà entendu parler ? Augus, Febral ? » demanda Dece.
Les deux hochèrent la tête avec impatience.
« Nous en avons juste entendu parler... c’était une conversation entre villageois, » répondit Augus. « Il y a un restaurant avec de la nourriture incroyablement délicieuse dans le château, disent-ils. »
« D’après ce que j’ai entendu, c’est un restaurant que le Roi Souma et le ministre de la crise alimentaire, M. Poncho Panacotta, ont installé à l’intérieur du château, » répondit Febral. « J’ai entendu dire que c’était fait pour voir si les habitants dans ce pays pourraient accepter les plats mangés dans l’Ancien Monde du roi Souma. »
« Oui oui oui, c’est la vérité ! » Pour une raison inconnue, la réceptionniste devenait très excitée quand elle parlait. « Il y a différents plats, mais tous sont rapides à manger, bon marché et savoureux. C’est vraiment une merveilleuse chose. Cependant, étant à l’intérieur du château, et étant seulement ouvert la nuit, vous ne pouvez pas manger là-bas à moins que vous y travailliez. Une fois, quand j’ai accompagné le chef de guilde au château, j’ai eu l’occasion d’aller y manger. Gloups, le goût était vraiment inoubliable. »
Quand il vit la réceptionniste essuyer la bave du coin de sa bouche avec un regard ravi présent sur son visage, Dece fut émerveillé. « Est-ce que vous allez bien ? Êtes-vous sûre qu’il n’y a pas d’ingrédients bizarres dans cette nourriture ? »
« Je suis sûre que c’est probablement superrrr, » déclara Julia. « Après tout, il s’agit de la nourriture digne d’un roi. »
Juno avait essayé de demander au Petit Musashibo, qui était en dessous d’elle. « Veux-tu aussi venir avec moi, M. Kigurumi ? As-tu aussi pris cette quête ? »
« ... » (« Oh, non, pas moi..., » répondit-il tout en plaçant ses bras devant lui et en secouant la tête)
« Quoi ? Viens avec moiiiiii, » supplias Juno. « Si tu n’acceptes pas, je vais te tirer jusqu’à là-bas. »
« ... » (« N-Non, s’il te plaît ! Arrête-toi ! » dit-il, agitant ses bras et ses jambes tout autour de lui.)
Juno avait continué à malmener le Petit Musashibo. À la fin, elle l’avait forcé à promettre qu’il assisterait au banquet.
***
Et ainsi, le soir du banquet.
Dans le château, une ancienne cave à vin dans le château qui n’était plus utilisée avait été remodelée en quelque chose comme un restaurant izakaya (bistro japonais) et avait reçu le nom la Place d’Ishizuka. C’était ici que les quelques dizaines d’aventuriers qui avaient participé à la quête d’escorte faisaient la fête.
Pour ce banquet, des tables étaient alignées au centre avec de grandes assiettes de nourriture que chacun était libre de prendre. C’était ce qu’on appelle un buffet. Les aventuriers avaient sauté avec voracité autour des plats inhabituels et délicieux. (Surtout ceux qui utilisaient la sauce soja et le miso.)
Ceci s’était produit juste au moment où le groupe de Juno, avec le Petit Musashibo qu’elle traînait avec elle, avait fini de se mettre en rang. Ils avaient réussi à obtenir tous les plats et les boissons alcoolisées qu’ils voulaient, et ils étaient retournés à leur place.
Quelqu’un s’était alors approché du podium en face de l’entrée. Il s’agissait d’une jeune fille qui portait un uniforme militaire rouge et qui avait des cheveux mi-courts.
Quand ils virent cette jeune femme...
« Quoi !? La Princesse !? » Quelqu’un s’exclama en raison de la surprise.
Il y avait des murmures pleins d’excitation qui se répandaient dans la pièce. Celle qui se tenait sur le podium était sans aucun doute la princesse Liscia, fille de l’ancien roi de ce pays et fiancée à l’actuel roi (provisoire), Souma Kazuya.
Liscia s’inclina, puis commença à parler d’une voix claire. « Vous tous, Aventuriers, je vous souhaite la bienvenue au château de Parnam. Je suis la fiancée du roi Souma, Liscia Elfrieden. Je suis ici afin de vous saluer aujourd’hui, à la place de Souma qui est actuellement indisponible en raison de sa lourde charge de travail. Je voudrais tous vous remercier d’avoir accepté la récente quête. »
Liscia s’inclina encore une fois.
Juno regarda, semblant profondément impressionnée. « C’est vraiment une princesse qui est devant mes yeux. Elle a l’air d’avoir mon âge, mais elle semble si distinguée. »
Le Petit Musashibo avait manifestement détourné les yeux quand Juno avait donné cette impression. C’était parce qu’il hésitait à appeler la princesse distinguée, étant donné qu’elle venait, récemment, de se déchaîner sur le champ de bataille.
Liscia avait alors pris un verre de vin. Puis, le soulevant haut, elle avait dit. « Merci à vous tous. Grâce à vous, beaucoup de nos citoyens ont été sauvés. Au nom de Souma, et de toutes les personnes que vous avez sauvées, je vous salue. Alors maintenant... Santé ! »
« « « Santé ! » » »
Après cela, le banquet avait vraiment commencé. Les aventuriers buvaient énormément de vin, se léchaient les lèvres après avoir mangé du tatsuta-age [1], des pains aux spaghettis, des brochettes de fruits de mer frits, et beaucoup d’autres plats pas encore communs dans ce pays.
« Ce tatsuta-age est vraiment génial. Je ne peux pas avoir assez de bière avec ça ! » Augus déclara ça avec enthousiasme, et Febral hocha la tête en signe d’accord.
« Il semble qu’ils utilisent la sauce de soja des loups mystiques pour ça, » déclara Febral. « C’est vraiment très bon. »
« Les brochettes de poulpes frites sont aussi très bonnes, » déclara Julia. « Tiens Dece, dit Ahhh ! »
« Attends ! Julia !? Es-tu déjà saoule !? » s’exclama Dece.
Ils s’étaient tous amusés. Juno, dont les yeux étaient déjà un peu flous, s’enroulait autour du corps du Petit Musashibo. Elle poussait une chope de bois pleine de bière contre sa joue. « Allez, M. Kigurumi, tu dois aussi en boire. »
« ... » (« Je suis un mauvais buveur !? » s’exclama-t-il, paniqué.)
« Si tu ne bois pas, je t’en donnerais en faisant le bouche-à-bouche, » menaça Juno.
« ... » (« Ceci va juste tacher le tissu, alors s’il te plaît ne le fais pas ! D’accord, je vais le boire par moi-même ! »)
Puis le Petit Musashibo tourna le dos à Juno. Quand elle se demandait ce qui se passait, le regardant d’un air douteux, soudain la main d’un homme sortit de la couture se trouvant dans son dos.
« Quoi !? » Cette scène choquante avait fait que Juno avait envoyé sa tête vers l’arrière. Le bras qui était sorti du Petit Musashibo avait pris la chope de bière d’une Juno hébétée avant de revenir dans le corps du Petit Musashibo. Puis, après quelques mouvements à l’intérieur, la chope vide avait été expulsée depuis son dos.
« Quoi !? Qu’est-ce que c’était à l’instant... ? » cria Juno.
Le Petit Musashibo se retourna pour lui faire face et frappa avec une main sur son épaule. « ... » (« Une illusion d’optique ! » dit-il, hochant la tête de haut en bas.)
« Hein ? Mais, tout à l’heure, j’ai vu..., » cria-t-elle.
« ... » (« Une illusion d’optique ! as-tu compris ? » Il avait incliné sa tête sur le côté.)
Tout ce que Juno pouvait dire à ce moment-là était, « Euh, d’accord, »
À partir de là, avec l’interruption occasionnelle d’une illusion d’optique, les deux burent ensemble. Alors qu’ils faisaient ça, Liscia avait furtivement regardé cela et les avait observés.
***
Vingt minutes plus tard.
« ... » (Le corps de Petit Musashibo s’était alors renversé et il était tombé sur le dos...)
Juno qui mangeait et buvait à côté de lui avait crié en raison de la surprise.
« Quoi ? Est-ce que ça va, monsieur !? N’est-ce pas un peu tôt pour que tu t’évanouisses ? » demanda Juno.
Juno secoua son corps, mais Petit Musashibo ne pouvait pas se lever, il semblait totalement hors service. Puis, un « Pardonnez-moi, un moment », avait été déclaré par une voix d’adulte.
« Hein !? » s’exclama Juno.
Quand Juno leva les yeux vers la voix qui l’interpella soudainement, la jeune fille en uniforme militaire se précipitait vers le Petit Musashibo. Il s’agissait de la princesse Liscia. Elle fut si surprise que la princesse lui parlât soudainement que sa bouche s’ouvrait et se refermait en un choc muet.
Liscia pressa son oreille contre la bouche du Petit Musashibo.
« Vous êtes à votre limite. À cause de l’alcool... Ça a du sens, » après avoir dit ça, Liscia avait fait s’asseoir le Petit Musashibo. « Je vais prendre soin de cette personne. Je vous laisse gérer les choses ici. »
« B-Bien sûr..., » Juno avait répondu, l’air absent.
Liscia regarda le visage de Juno.
« Hm ? ... Y a-t-il quelque chose sur mon visage ? » demanda Juno.
« Non, ce n’est rien, » déclara Liscia. « En tout cas, j’espère que vous vous amusez pleinement. »
Après lui avoir dit ça, Liscia s’éloigna avec le Petit Musashibo.
Juno ne savait pas trop quoi penser, ne pouvant qu’observer leurs dos.
***
« Pourquoi avez-vous poussé si loin pour pouvoir y participer ? » demanda Liscia. « Vous êtes même allé jusqu’à porter ce costume de kigurumi. »
Alors qu’ils descendaient le couloir du château, le Petit Musashibo empruntait l’épaule de Liscia pour pouvoir avancé. Une voix masculine était alors venue de l’intérieur du Petit Musashibo.
« Hey, voulez-vous vraiment me blâmer ? » demanda-t-il. « Même moi, j’ai des personnes avec qui je dois sortir et sociabiliser. »
« Vous dites ça, mais ce ne sont pas vos connaissances, ce sont ceux de ces poupées, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle. « Maintenant, dépêchez-vous et sortez de cette chose. Personne d’autre ne peut vous voir ici. »
Après que Liscia eut dit cela, le dos de la poupée s’était largement ouvert et Souma en avait émergé, dégoulinant de sueur. En plus de la chaleur du costume de kigurumi, il avait de l’alcool en lui, alors son visage était plutôt rouge. Après avoir fini de sortir du Petit Musashibo, Souma s’était assis par terre, épuisé.
Normalement, Souma contrôlait à distance le Petit Musashibo grâce à son talent, Le Poltergeists Vivant, mais aujourd’hui il devait manger et boire, alors il était entré dans le costume.
Liscia le regarda avec exaspération, prêtant l’épaule de Souma pour s’y appuyer. « Écoutez, si vous allez vous reposer, ne le faites pas ici, faites-le dans votre lit dans le bureau des affaires gouvernementales. Je vais plus tard demander à quelqu’un de ranger la poupée. »
« Ahh, je suis désolé, » déclara Souma. « Cela me serait d’une grande aide si vous pouviez le faire pour moi. »
Souma s’était appuyé sur Liscia pour se soutenir alors qu’il marchait sur des jambes tremblantes.
« Au fait, cette fille, Juno ? » demanda Liscia en se dirigeant vers le bureau des affaires gouvernementales. « Elle est mignonne, n’est-ce pas ? »
Souma détourna les yeux. « Je n’ai rien fait avec elle qui ferait que je me sentirais mal, d’accord ? »
« Oh, je n’ai jamais rien dit à ce sujet, n’est-ce pas ? » demanda Liscia.
Liscia le regardait, tandis que Souma ne pouvait pas soutenir son regard.
Si quelqu’un les avait entendus, il aurait pensé qu’ils ressemblaient à un vieux couple marié.
Notes
1 Tatsuta-age : Il s’agit d’un plat de poulet mariné qui est frit. Parfumé au saké, gingembre, mirin, et sauce soya. http://cuisineflipp.blogspot.ca/2012/01/tori-no-tatsuta-age-poulet-frit.html
☆☆☆
Chapitre 6 : Debout Devant la Cage au Lion
Cela faisait quelques jours que nous étions revenus dans la capitale royale Parnam après notre départ de Van.
En ce moment, j’étais sous le Château Parnam devant le donjon (prison). Avec seulement des bougies pour illuminer la zone, c’était sombre. Alors que vous pourriez probablement déduire cela du fait que c’était à l’intérieur du château, beaucoup de personnes de haut rang avaient été placées ici. La plupart des détenus ici étaient des prisonniers politiques.
J’étais dans ce cachot souterrain, face à un certain individu à travers un ensemble de barreaux de fer.
Après un moment de silence, j’avais parlé à la personne se trouvant dans la cellule. « Je crois qu’il s’agit de notre première rencontre en personne. Je suis le roi provisoire, Souma Kazuya. »
« C’est un honneur de vous rencontrer, » déclara l’homme-bête. « Je suis Georg Carmine. »
Après avoir prononcé ces mots, l’ancien Général de l’Armée de Terre, l’homme au visage de lion, Georg Carmine, inclina profondément la tête.
Alors que j’étais assis sur une chaise, Georg s’était directement assis sur le sol du donjon tout comme un général des Royaumes Combattants pourrait s’asseoir afin de saluer son maître.
« Je vous félicite encore une fois pour votre récente victoire, » déclara Georg, sa tête toujours inclinée.
Georg avait été emprisonné ici quelques jours avant notre retour. Jusque-là, il avait été assigné à résidence à son ancien château Randel, alors il devait avoir recueilli des informations.
« Relevez la tête, » dis-je. « C’est difficile de parler quand vous êtes ainsi. »
« Ha ha! » Georg se mit alors à rire.
Je regardais Georg alors qu’il levait son visage. Il avait un physique musclé et mesurait près de deux mètres, donc même s’il était agenouillé, ses yeux étaient à peu près au même niveau que les miens alors que j’étais assis sur une chaise. Et pour couronner le tout, l’éthos qu’il exsudait en tant que guerrier vétéran lui faisait paraître encore plus grand.
Magnifique. C’était le mot qui convenait le mieux à ce guerrier.
Ce que j’ai ressenti en lui parlant lors de la Transmission grâce au Joyau de Diffusion de la Voix n’est rien comparé à cela, pensai-je.
J’avais lutté pour ne pas être englouti par l’atmosphère qui entourait Georg. Ce sentiment était semblable à ce que j’avais ressenti quand Gaius s’était rapproché de moi. Cet homme avait un incroyable sentiment de présence, et pourtant il était le plus jeune des trois ducs. Castor avait environ 160 ans, tandis qu’Excel avait plus de 500 ans.
« L’âge apparent et l’âge réel des trois ducs ne sont-ils pas inversés ? » demandai-je. « Oh, et l’âge mental, aussi. »
Après que j’eus dit ça, Georg se mit à rire. « Vous pourriez avoir raison. En général, ils disent que plus une race a une longue longévité, et plus il lui faut du temps pour se développer mentalement et physiquement. Pour la plupart des races ayant une longue durée de vie, si vous prenez leur âge réel, multipliez-le par une centaine, le plus vieil âge possible pour un humain ou un homme-bête, puis divisez par l’âge maximal de cette race, et vous obtenez une bonne estimation de leur mental. »
Je comprends, pensai-je. Dans ce monde, où au Japon on pourrait dire « Les grues vivent mille ans, et les tortues pendant dix mille ans », on pourrait dire « Dragonewts vivent cinq cents ans, serpents d’eau pour mille », quand on parle de longue durée de vie. (Bien que, dans ce cas, ils vivent vraiment longtemps. En d’autres termes, en prenant Castor comme exemple, 160 * 100/500 = 32.) Si je regarde de cette façon, son impulsivité a peut-être un sens. Attendez ! Hein !? Halte-là.
« Selon ce raisonnement, l’âge mental d’Excel ne devrait-il pas être supérieur à 50 ans ? » demandai-je.
« ... Eh bien, c’est l’exception qui confirme la règle, » déclara Georg.
« Ne regardez pas cela ainsi en disant ça, » dis-je.
Apparemment, même Georg, qui ne semblait craindre personne, hésitait à aborder le sujet de l’âge d’Excel. Je pouvais le comprendre.
Après avoir parlé pendant un certain temps dans ce genre de conversation sans but, j’étais allé au cœur du problème. « J’ai beaucoup de choses à vous demander et à entendre alors que nous avons finalement l’occasion de nous rencontrer après tant de temps. »
« Demandez-moi, » déclara Georg.
« Avant cela, » dis-je, « Ne voulez-vous pas rencontrer Liscia ? »
Georg ferma les yeux tout en restant silencieux.
Il semblerait qu’une fois après son retour à Parnam, Liscia avait demandé à rencontrer Georg. Cependant, Georg lui avait crié dessus (ou, pour être plus précis, il avait fait relayer le message par le geôlier) et l’avait chassée.
« Pour quelle raison une femme qui sera bientôt reine ira-t-elle rendre visite à un condamné !? » Avait-il crié.
Liscia avait une personnalité trop sérieuse, alors elle avait pris ces mots à cœur, et n’avait jamais tenté de revenir. Puis, comme si elle cherchait une distraction, elle s’était plongée dans le travail.
« Elle fait un visage dur, mais... Je sais qu’elle ne va pas bien du tout, » dis-je.
« La princesse et moi avons eu notre dernière discussion pendant l’ultimatum, » dit Georg. « Il n’y a maintenant plus besoin de mots entre nous. »
« Voulez-vous dire quand elle s’est coupé les cheveux ? » demandai-je.
« J’ai vu sa détermination et sa résolution dans cet acte, » dit-il. « En tant que personne, en tant que femme, la princesse est devenue une personne capable de se débrouiller seule. Je ne veux pas qu’elle émousse cette résolution en s’accrochant à un homme mourant. »
Il rejette Liscia pour son propre bien, Hmm, pensai-je. Honnêtement... Quel vieil homme têtu !
« Moi aussi, j’ai quelque chose à vous demander, » déclara Georg.
« Quoi ? » demandai-je.
« Que sont devenus les soldats de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air qui se sont révoltés contre vous à mes côtés ? » demanda-t-il. « Et que dire des nobles qui se sont livrés à la corruption avant de se rebeller ? »
« En reconnaissance de leur valeur dans la guerre Amidonienne, j’ai pardonné aux soldats de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air pour leurs crimes, » dis-je. « La maison des Vargas s’est rebellée contre moi, mais je dois prendre en compte leurs accomplissements jusqu’à l’époque de l’ancien roi. J’ai décidé que seuls Castor et Carla seront jugés pour leurs crimes. J’ai aboli le Duché de Vargas, mais j’ai permis au fils aîné déshérité d’hériter du nom de famille, et lui ai juste accordé la Cité du Dragon Rouge en tant que son seul fief. Bien que cet enfant soit encore jeune, sa mère Accela et son intendant Tolman l’assisteront dans ses fonctions. Quant à Castor et Carla eux-mêmes, afin de rembourser les accomplissements effectuer par Excel au nom de l’effort de guerre, je l’ai entendu plaidoyer et, à une date ultérieure, je jugerai personnellement ces deux personnes. »
Georg ferma les yeux et resta silencieux. Comment doit-il se sentir après m’avoir écouté ?
« Eh maintenant, en ce qui concerne les nobles corrompus... J’ai aboli leurs maisons, confisqué leurs domaines et leurs biens... et les a fait exécuter, » dis-je. « Pour ceux qui ont agi ouvertement, je l’ai fait publiquement. Pour ceux qui étaient simplement impliqués, je l’ai fait en privé. »
En vertu de l’actuelle loi, la trahison était un crime qui répandait une peine de mort pour les parents ayant jusqu’à trois degrés de consanguinité. Si, comme Georg, ils avaient correctement coupé les liens avec leurs familles, leurs parents non impliqués n’auraient pas eu à en subir les conséquences, mais la grande majorité des nobles corrompus avaient négligé de le faire. Ils devaient avoir pensé qu’ils ne pouvaient pas perdre.
Pire encore, en plus de la trahison, ils portaient des accusations de corruption, de collaboration avec Amidonia, de méfaits dans leurs propres fiefs (sous la protection de leur propre statut, ils avaient commis des meurtres, des viols, des vols, etc.. ), et ainsi de suite. De toute façon, ils avaient enfreint les lois comme des fous.
Pour ceux dont le seul crime était la trahison, comme Georg et Castor, je recevais toujours des pétitions pour épargner leurs vies, mais pour ces autres personnes, j’avais reçu des pétitions demandant que je les fasse mourir le plus brutalement possible.
« Le système de responsabilité collective est censé tenir leurs familles responsables de ne pas les avoir arrêtés, n’est-ce pas ? Les trois degrés de consanguinité ne sont-ils pas un peu trop ? » demandai-je.
« Il n’y a rien d’autre à faire pour cela, » déclara Georg. « Si les humains ou les hommes-bêtes vivent pour voir leurs arrière-petits-enfants, ils ont vécu une très longue vie, mais il y a des races qui vivent pour voir leurs arrière-arrière-petits-enfants et leurs visages tout en restant actives. À cause de cela, la punition devait aller plus loin. »
« Pourtant, trop de personnes innocentes sont mortes ! » criai-je. « Hakuya et moi avons travaillé comme des fous, et nous étions à peine capables dans le temps de réformer la loi pour couvrir seulement deux degrés de consanguinité. Nous avons également empêché l’exécution de toutes les personnes de moins de treize ans, et nous les avons confiés à des orphelinats ou à l’église, mais c’était le mieux que nous pouvions faire... »
Les moins de dix ans avaient été placés dans un orphelinat dirigé par l’État, tandis que ceux qui avaient entre onze et treize ans avaient été laissés à l’église.
La différence entre les deux était de savoir s’ils pourraient se marier et avoir leurs propres familles à l’avenir. Pour ceux de l’orphelinat, c’était possible, mais ceux donnés à l’église seraient coupés de la vie laïque et seraient incapables de se marier. De plus, parmi les personnes impliquées dans l’association, il y avait eu une femme qui avait donné naissance il y a moins d’un mois, alors elle avait aussi été laissée à l’église avec quelqu’un pour l’observer. Si elle essayait de comploter quelque chose de fâcheux à l’avenir, elle serait alors traitée comme les autres. C’était à peu près tout ce que je pouvais faire maintenant.
« Je suis... opposé au système de responsabilité collective, » dis-je. « Les seuls qui devraient être jugés pour un crime sont ceux qui le commettent. Même si elle est liée par le sang, il est inutile d’exécuter une personne innocente. Et publiquement, qui plus est. Afin de juger les crimes odieux, et comme un moyen de dissuasion contre eux, je ne peux pas abandonner la peine de mort. C’est pourquoi je ne veux pas que cette peine soit un spectacle public, et je veux réformer l’esprit des gens qui le voient comme ça. »
« Le pays est déjà à vous, » déclara Georg. « Je crois que vous devriez faire ce que vous voulez. »
« ... D’accord, » dis-je.
« Sire, est-ce difficile pour vous de prendre la vie des autres ? » demanda Georg.
Je devais avoir l’air assez angoissé, parce que Georg avait dit cela comme s’il essayait de me réconforter.
« Comment pourrait-il en être autrement ? » explosai-je. « Sur mes ordres, d’innombrables vies ont disparu. Le poids de cette responsabilité est comme si elle allait m’écraser. Bon sang ! Jusqu’à il y a six mois, j’étais une personne tout à fait ordinaire. »
« J’ai lu à ce sujet dans les lettres de la princesse, » déclara Georg. « Elle vous a encensé comme un roi parmi les rois. Elle veut vous soutenir, de tout son corps et de toute son âme. »
« Liscia est... elle fait un bon travail de soutien, » dis-je. « Mais je dois prendre une décision qui la rendra triste. Je... dois vous tuer. » J’avais placé une main sur mon front, parlant comme dans un faible gémissement. « Votre plan était brillant. Le vieux père de Hal... Glaive nous a tout dit. En rassemblant tous les nobles corrompus en un seul endroit, nous avons pu tous les rassembler d’un seul coup ainsi que leurs biens. C’était un plan splendide qui remplissait un certain nombre de lacunes que Hakuya et moi avions négligés. Mais... parce que cela ne peut être rendu public, je dois vous traiter de la même manière que les nobles corrompus. »
Il y avait deux raisons pour lesquelles cela ne pouvait pas être rendu public.
La première chose était qu’il y avait eu des morts causées par les combats entre l’Armée Interdite et l’Armée de Terre. Contrairement aux pertes de l’Armée Interdite dans la bataille de Cité du Dragon Rouge, qui se limitaient à un navire de guerre, la bataille à l’extérieur de Randel avait entraîné des pertes des deux côtés. Si nous publions les véritables intentions de Georg, les personnes endeuillées ne l’accepteraient jamais.
La deuxième raison était que les relations avec Zem, qui avait été forcé de payer une rançon pour leurs mercenaires, empireraient encore davantage. Au vu de la situation actuelle, Zem regrettait d’avoir envoyé des mercenaires du côté des perdants afin de se venger de l’annulation de notre contrat.
S’ils apprenaient que Georg et moi avions secrètement travaillé ensemble, Zem penserait que le royaume les avait manipulés. C’était en fait Georg qui l’avait fait de son propre chef, mais je pouvais difficilement les blâmer de ressentir ça. Leurs ressentiments envers nous étaient déjà assez mauvais ainsi. Cela n’avait pas besoin d’être aggravé. Il fallait l’éviter à tout prix. C’est pourquoi, dans l’état actuel des choses, le plan de Georg n’avait pas pu être rendu public.
Cela étant dit, Georg lui-même devait être conscient de ce fait. Il en avait été pleinement conscient et essayait littéralement d'emporter ce secret dans sa tombe. Comme il pouvait être têtu. Il était vraiment... un idiot.
« Hey, était-ce vraiment le seul moyen ? Était-ce ça que vous vouliez faire ? Pour souiller votre propre nom et commettre un double suicide avec les nobles corrompus, êtes-vous satisfait de cela ? » Je m’étais levé de ma chaise, claquant mon poing dans les barreaux de fer. « D’où vient cet empressement ? Nous aurions pu prendre notre temps pour purger les nobles corrompus ! La même chose vaut également pour Castor ! Il a cru que vous aviez une idée, vous a suivi jusqu’à la fin par amitié et est devenu un traître pour ça ! J’avais des postes que je voulais que vous gériez après la guerre, et maintenant mes projets sont tous tombés à l’eau ! Bien sûr, gérer tout cela en une seule fois était une grosse affaire, je vous l'accorde. Le pays a été nettoyé d’un coup et en profondeur, et mes possibilités ont ainsi augmenté, ce qui rend plus facile la mise en œuvre de mes politiques. Mais, encore une fois, c’est inutile si vous perdez la vie pour cela ! Avez-vous la moindre idée de combien cela fait mal à un État de perdre des gens talentueux !? C’est sûr et certain que cela n’est pas égal en valeur au fait de se débarrasser de ces nobles corrompus ! »
« ... » Les yeux de Georg restèrent fermés alors qu’il m’écoutait en silence.
J’avais martelé une fois de plus les barreaux de fer. « Répondez-moi, Georg ! Êtes-vous vraiment satisfait de cela !? »
« Cela va sans dire, » Georg avait calmement répondu. « À partir des racines d’un grand arbre que je pensais tel mon propre corps, il ne ferait que dépérir et mourir, mais maintenant, je vois une nouvelle pousse germer. Tout ce que je peux faire, c’est prier pour qu’elle grandisse correctement. »
« Même si ça fait tomber ce grand arbre !? » criai-je.
« C’est la joie de voir grandir la génération suivante, » répondit Georg. « Avec le temps, vous arriverez aussi à le comprendre, Sire. »
« ... Puis-je vraiment le comprendre ? » demandai-je.
« Quand un enfant sera né de votre union avec la princesse, je vous le garantis. » Répondit-il.
Je m’étais lourdement effondré sur ma chaise. Alors que je me sentais étrangement énervé, je lui avais demandé la dernière chose qui m’avait dérangé. « S’il vous plaît, dites-moi ça... Est-ce que c’est quelque chose que vous avez inventé entièrement par vous-même ? »
« Que voulez-vous dire par là ? » Georg ouvrit les yeux et demanda ça.
Ne jouez pas l’idiot avec moi ! pensai-je.
« C’est la première fois que nous nous rencontrons, » dis-je. « Pourtant, vous avez une opinion étrangement élevée de ma personne. Vous essayez de laisser ce plan entre mes mains, ainsi que Liscia, que vous aimez comme votre fille, vous la laissez entre mes mains, et quant à l’avenir de ce pays, vous me le laissez également entre mes mains. Ce n’est pas du tout normal, peu importe comment je tourne le sujet. D’où vous vient cette loyauté ? »
« L’apprentissage de vos talents inhabituels à partir des lettres de la princesse est-il insuffisant pour l’expliquer ? » demanda Georg.
« Oui, c’est insuffisant, » dis-je. « Je ne peux pas vous voir embrasser cette loyauté sur un tas de mots présent sur un papier. Si vous deviez devenir un martyr pour quelque chose, ce ne pourrait être que pour la Maison d’Elfrieden. »
Maintenant que j’y pensais, quelque chose avait commencé depuis le début.
Dès le moment où j’avais pris le trône, le chemin que j’avais dû parcourir semblait étrangement avoir été préparé pour moi.
On m’avait soudainement donné le trône, on m’avait confié le pouvoir de contrôler toute la politique nationale, on m’avait même donné un engagement avec Liscia afin de renforcer ma légitimité, et puis à un moment donné, les nobles corrompus avaient été enfumés pour moi afin de les débusquer. Quand j’avais regardé en arrière, je pouvais voir que tout avait bougé afin de me faciliter la tâche. Si c’était la volonté de quelqu’un... il n’y avait qu’une seule personne qui aurait pu le faire.
« Ce plan a-t-il été fait sur les ordres de cette personne ? » demandai-je.
« ... Je vais rester silencieux, » dit-il.
« Répondez-moi, » ordonnai-je. « Que sait-elle et que savez-vous ? »
J’avais attendu que Georg parle, mais il n’avait rien à me dire. C’était si silencieux dans le cachot que je pouvais entendre le bourdonnement dans mes oreilles. J’avais réalisé que je pouvais attendre pour toujours, cela ne changerait rien.
« Pourquoi ne me répondez-vous pas ? » demandai-je.
« Quand le moment sera venu, je suis sûr que cette personne vous le dira par elle-même, » répondit Georg.
Je me levai, tirant une petite bouteille de ma poche et la plaçant devant Georg. « Du vin empoisonné. Bien que je ne puisse pas apprécier la forme que cela a pris, je ne peux pas exécuter publiquement un homme qui a essayé de devenir un martyr pour son pays. Et aussi... Je vais offrir la même chose à ceux qui veulent se martyriser pour vous. »
Cela devait être l’œuvre de la forte personnalité de Georg, mais il y avait bien plus que quelques soldats et officiers dans l’armée qui avait dit qu’ils feraient pareil. Son ancien commandant en second, Beowulf, ainsi qu’un certain nombre d’officiers de haut rang, avait exigé qu’ils reçoivent la même punition que Georg. De plus, même parmi les soldats de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air qui avaient fait oublier leurs crimes pour leur service distingué dans la guerre contre Amidonia, il y avait ceux qui avaient dû être maîtrisés après avoir tenté de se suicider devant le château après avoir demandé que la vie de leur commandant soit épargnée. Honnêtement. J’étais malade de toutes ces personnes qui voulaient mourir.
Georg prit la bouteille avant de déclarer. « Merci beaucoup. » Ses joues se desserrèrent légèrement. Ce visage de lion menaçant ressemblait maintenant à celui d’un vieil homme heureux. Georg ouvrit la bouteille et la tint dans ma direction. « Sire. Je vous demande de prendre soin de la princesse pour moi. »
« Je peux vous le promettre, » dis-je. « Liscia est déjà une membre irremplaçable de ma famille. “Protégez votre famille, quoi qu’il arrive !”... Peu importe ce qui se passe dans le futur, c’est une croyance que je ne changerai jamais. »
Je connaissais la douleur de la solitude et je protégeais ma famille, quoi qu’il arrive.
Et cela, peu importe comment cela pourrait être inefficace.
Peut-être, sentant ma résolution, Georg hocha la tête avec satisfaction. « Cela me soulage d’entendre ça. Je serai toujours là, priant pour la gloire du Royaume d’Elfrieden et pour le bonheur et la bonne fortune de Votre Majesté, depuis l’ombre sous l’herbe et les feuilles de cette nation. À présent... je suis désolé. » Avec ces mots, Georg avait avalé le contenu de la bouteille en une seule gorgée.
Avec le temps, son corps avait commencé à s’incliner d’un côté, puis la bouteille était tombée de sa main avant de se briser sur le sol.
Avec le bruit sourd qui suivit, le donjon se tut une fois de plus. Après être tombé sur le côté... Le visage de Georg semblait sourire de satisfaction.
Je m’étais alors levé, tournant le dos à la cellule de Georg, et j’étais parti.
*Tap tap tap* quelques pas firent écho plus tard, je m’étais retourné une seule fois. «... Ne me faites pas porter tout ce fardeau. »
J’avais à nouveau regardé devant moi puis j’avais recommencé à marcher. Je ne m’étais plus retourné.
Le lendemain, la nouvelle émission de Chris Tachyon proposait un article intitulé « L’ancien Général de l’Armée de Terre, Georg Carmine, s’est suicidé en prison. »
☆☆☆
Chapitre 7 : La Promesse
Le matin, une semaine (huit jours) après notre retour à Parnam.
Dans le bureau des affaires gouvernementales du château, tout ce que l’on pouvait entendre était le grattage de ma plume et le brassage de papier pendant que Liscia me transmettait des documents. J’avais travaillé pendant mon séjour à Van, mais la charge de travail n’avait pas diminué même après mon retour à Parnam. Mais en plus, quelque chose avait augmenté.
Maintenant que le système des trois ducs s’était effondré, je devais réorganiser l’armée en toute hâte.
Afin de construire une relation d’égal à égal avec l’Empire, j’avais besoin d’augmenter les dépenses militaires pour contrer la menace du Domaine du Seigneur-Démon. En d’autres termes, afin de renforcer l’armée. Ce plan de renforcement de l’armée était celui dont j’avais parlé lors de l’ultimatum aux trois ducs, l’unification des forces armées.
Quand je regardais l’histoire de l’autre monde, la force ou la faiblesse d’une armée dépendait fortement de sa mobilité. En d’autres termes, à quelle vitesse elle pourrait aller là où elle devait se rendre, et si elle pouvait déployer la puissance de feu nécessaire.
La raison pour laquelle nous avions remporté une victoire écrasante sur les forces Amidoniennes était que nous avions été capables d’atteindre le champ de bataille avant nos adversaires. Parce que nous étions arrivés un jour en avance sur l’ennemi, nous avions été capables de combattre les forces épuisées de la principauté avec une Armée Royale bien reposée. Si nous étions arrivés simultanément, notre épuisement aurait été à peu près le même, et tandis que les forces de la principauté auraient encore été en infériorité numérique, elles auraient été enlisées et auraient combattu plus durement. Si cela s’était déroulé ainsi, le combat aurait été beaucoup plus difficile pour nous.
Afin d’atteindre la mobilité dont nous avions besoin, il faudrait déployer un réseau de transport et, en même temps, éliminer les divisions entre notre Armée de Terre, la Marine et l’Armée de l’Air, afin de créer un système qui fonctionnait sous une structure de commandement unique afin de pouvoir déployer immédiatement toutes nos forces. Ce système était propre à des forces armées unifiées.
L’Armée Interdite, l’Armée de Terre, la Marine, l’Armée de l’Air et, dernièrement, les troupes qui faisaient officiellement partie de l’Armée Interdite, mais étaient les troupes personnelles de la noblesse, seraient toutes démantelées et réorganisées en une force appelée la Force de Défense d’Elfrieden (FDE).
En organisant cette FDE, je devais faire attention à la résistance de chaque branche de l’armée, mais avec le récent soulèvement, l’Armée de Terre et l’Armée de l’Air avaient perdu leur influence. Les chefs temporaires de chaque force, Glaive et Tolman, étaient tous les deux coopératifs, donc ils ne poseraient aucun problème.
De plus, la Marine s’était rangée de notre côté et elle n’avait donc pas perdu de son influence. Ainsi, en nommant l’Amiral Excel en tant que Commandante Suprême de la FDE, nous pouvions nous attendre à très peu de résistance. Excel ne tenait pas à être consacrée comme Commandant Suprême, mais je lui avais fait accepter le poste à la condition que ce soit juste jusqu’à ce que Ludwin ait acquis assez d’expérience pour gérer le rôle.
C’était assez facile pour l’Armée de terre, la Marine et l’Armée de l’Air, mais le véritable mal de tête allait venir des forces des nobles.
Ils faisaient partie de l’Armée Interdite, mais le fait que le commandement vis-à-vis d’eux reposait sur les différents nobles les rendait difficiles à gérer.
Dans ce monde ayant des bêtes sauvages et des monstres (bien que, avant l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, ils n’existaient que dans des donjons), des voleurs, des pirates et des bandits, il fallait une certaine force policière présente dans chaque zone.
C’est pourquoi la noblesse avait formé des troupes personnelles, qu’ils avaient été obligés d’utiliser pour maintenir la stabilité dans leurs fiefs.
Cependant, dans ce pays, leurs nombres étaient excessifs. C’était l’effet des politiques expansionnistes de l’avant-dernier roi.
À cette époque, les réalisations sur le champ de bataille avaient été le chemin le plus court vers la gloire et l’avancement, de sorte que la noblesse avait l’habitude de lever des roturiers de leurs fiefs pour renforcer les rangs de leurs forces personnelles.
Malgré ce fait, si les conscrits amateurs pouvaient augmenter leur main d’œuvre, si cela entraînait une baisse de la productivité, cela ne servirait à rien. Finalement, lorsque l’ancien roi, le roi Albert, avait abandonné la politique expansionniste de son prédécesseur, la noblesse avait maintenu ses forces élargies.
Voilà pourquoi, maintenant, j’étais coincé avec la tâche de démanteler leurs forces au strict minimum afin de faire office de police. Ceux qui avaient un métier de base en dehors du métier de soldat recevraient une indemnité de licenciement et seraient mis à l’écart du service, tandis que ceux qui chercheraient à rejoindre la FDE seraient en mesure de subir des tests afin de pouvoir s’enrôler.
Alors que l’organisation serait décidée par Excel, Glaive, Ludwin et les autres responsables militaires, ils avaient examiné ma proposition et avaient constaté qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de lui donner leur approbation.
Pendant que nous travaillions, Liscia et moi étions silencieux. Il y avait une gêne présente entre nous.
... Non, j’étais probablement le seul à me sentir mal à l’aise. Liscia agissait comme toujours.
Ce jour-là, même si je lui avais dit que Georg Carmine s’était suicidé dans sa cellule, l’expression de Liscia n’avait pas du tout changé. Son visage avait été sans émotion, et mon annonce avait seulement suscité un calme « Je vois... »
Ce n’était pas que je pensais qu’elle perdrait son sang-froid. Ce n’était pas comme si je pensais qu’elle me blâmerait pour ça. Liscia n’était pas ce genre de fille, et j’en étais bien conscient.
Mais je ne m’attendais guère à ce qu’elle soit capable de suivre sa routine quotidienne de cette façon, comme si tout était normal. Je pensais qu’elle serait au moins un peu désemparée. Il n’y avait aucune raison pour que cela ne lui soit pas douloureux, d’une manière qui ne lui déchirait pas le cœur, mais quand j’avais vu Liscia agir comme si rien n’avait changé, je ne pouvais pas trouver les mots pour lui parler.
Ça aurait été plus facile si elle s’était un peu fâchée contre moi...
« Pourquoi n’avez-vous pas épargné le Duc Carmine ? »
... Peut-être. Mais non, cela n’aurait pas été mieux.
Le fait d’imaginer que Liscia m’insultait et me rabaissait suffisait à me déprimer.
Si elle voulait tout simplement me frapper, alors nous pourrions oublier tout cela après ça... Mais, non, le seul que cela aurait fait se sentir mieux aurait été moi. Honnêtement, à quoi pensais-je ?
Après avoir juré à Georg que je ferais tout pour la protéger, ne pouvais-je même pas protéger le cœur de la fille la plus proche de moi ?
« Souma, » dit-elle.
« Hein !? Quoi ? » Je levai la tête et vis Liscia qui me regardait la tête inclinée sur le côté comme si elle voulait me poser une question.
« Saviez-vous que votre plume s’était arrêtée ? » demanda-t-elle.
« ... Oh, désolé, » dis-je.
Ce n’est pas bon, pensais-je. Je dois tenir le coup.
J’étais retourné au travail. En ce moment, je dois me concentrer sur le fait de prendre soin de toutes les petites tâches se trouvant en face de moi.
Pendant que je travaillais avec cette idée en tête, on frappait à la porte. « Entrez, » dis-je, et la femme de chambre Serina était alors entrée.
« Pardonnez-moi, » dit-elle. « Les préparatifs sont terminés, et votre présence est demandée. »
« D’accord, » dis-je.
Nous avions arrêté de travailler et j’avais enfilé ma cape royale avant de me diriger vers la salle d’audience. Aujourd’hui était le jour pour récompenser ceux qui s’étaient distingués lors de la guerre avec Amidonia.
***
« Glaive Magna, » dis-je. « Votre fidélité était vraiment remarquable. En reconnaissance de cette loyauté, je vous accorde le contrôle de Randel et sa région environnante. »
« Oui, Sire, » déclara Glaive. « Avec plaisir. »
« Très bien. En outre, même si cela n’est que provisoire, je vous accorde également certains des pouvoirs que Georg occupait en tant que Général de l’Armée de Terre, » dis-je. « Jusqu’à ce qu’elles soient fusionnées dans la FDE, gardez-les en bon état. »
« Oui, Sire, » dit-il. « Je jure que je ferai tout mon possible pour répondre aux attentes de Votre Majesté. »
Celui qui se tenait devant moi alors que je me levais de mon trône afin de faire des éloges d’un ton grandiose était le père de Hal, Glaive Magna, qui s’inclinait profondément. Nous ne diffusions pas cela, donc je ne suivais pas une formalité rigide, mais il y avait une secrétaire dans le coin qui enregistrait consciencieusement chacun de mes mots, donc je devais agir d’une manière royale. C’était pour m’assurer que les futures générations qui liraient les enregistrements ne me mépriseraient pas, c’est ce que mon chambellan Marx m’avait dit, mais... honnêtement, je ne me souciais pas vraiment de ce que les personnes penseraient de moi après ma mort.
Lors de la guerre avec la Principauté d’Amidonia, le Royaume d’Elfrieden n’aurait peut-être pas gagné de territoire, mais nous avions obtenu de lourdes réparations de guerre. De plus, nous avions été en mesure de recueillir des rançons à Zem pour le retour de leurs mercenaires, et j’avais été en mesure de confisquer les terres et les biens des nobles corrompus. Le démantèlement des duchés de Carmine et de Vargas avait également été décidé.
Pour tous ces gains, il n’était pas nécessaire de récompenser les soldats. La plupart des troupes mobilisées appartenaient à l’Armée de Terre et à l’Armée de l’Air. Ils étaient suspectés de trahison, et cela avait été une bataille pour les débarrasser de ce soupçon, donc aucune récompense ne devait être donnée. De plus, pour ceux qui avaient adopté une approche attentiste au conflit, les nobles dont les forces faisaient partie de l’Armée Interdite, je n’avais pas besoin de leur offrir de récompenses, car ils n’avaient pas participé. Cela signifiait qu’ils avaient raté une bonne occasion, mais c’était leur problème, pas le mien.
Les seuls qui avaient besoin d’être récompensés étaient la Marine et mes forces directement contrôlées dans l’Armée Interdite. Ceux de la noblesse ou de la chevalerie dans l’une ou l’autre des forces recevraient des terres, mais cela viendrait des anciens fiefs des nobles corrompus et des duchés démantelés de Carmine et de Vargas. Ceux qui étaient de statut inférieur recevraient une prime en espèces.
Et ainsi, aujourd’hui, je devais donner des récompenses personnellement à ceux qui avaient le plus contribué. Il était courant de donner des titres de noblesse et des terres, mais s’ils voulaient quelque chose d’autre, ils étaient invités à négocier pour cela. Si c’était à portée de mon pouvoir de roi, et une récompense appropriée pour leurs efforts, leur demande leur serait accordée. S’ils voulaient de l’argent ou des objets rares en possession de la famille royale, c’était correct.
Il y a longtemps, un chevalier avait utilisé ce système pour demander le droit d’épouser une princesse dont il était amoureux. Il y en avait aussi un qui l’avait utilisé pour demander à un noble corrompu d’être traduit en justice. Il s’agissait d’une situation où vous ne saviez jamais quelles demandes folles pourraient venir vers vous, donc j’avais choisi de ne pas retransmettre cela avec le Joyau de Diffusion de la Voix.
Cette fois, les personnes à récompenser étaient les suivantes :
Le renégat de l’Armée de Terre qui les avait menés dans la bataille avec Amidonia, Glaive Magna.
Le Seigneur d’Altomura qui avait retardé les forces amidoniennes, Weist Garreau.
La commandante des Marines qui avait également retardé les forces Amidoniennes dans la Vallée de Goldoa, Juna Doma.
Ainsi que celui qui avait envoyé des renforts pendant la bataille à l’extérieur de Randel, le chef des elfes sombres qui vivaient dans la Forêt Protégée par Dieu, Wodan Udgard. Sire Wodan était le père d’Aisha.
Normalement, l’Amiral de la Marine, Excel Walter, aurait été la première en grade et en termes de contributions. Cependant, elle renonçait à toute reconnaissance de ses accomplissements pour demander la clémence pour les deux Vargas, donc elle ne recevrait pas de récompense.
Aussi, avant de donner ces cinq récompenses, j’avais officiellement donné à Aisha, qui m’avait défendu comme mon garde du corps autoproclamé, le poste nouvellement créé de Kochiji.
Si je devais expliquer ce qui avait changé, c’était qu’avant elle était considéré comme une mercenaire, et je payais avec mon propre argent de poche, mais maintenant, elle était à proprement parlée une véritable chevalière avec un salaire.
Incidemment, son titre, Kochiji, venait d’un petit jeu de mots sur le surnom du garde du corps de Cao Cao Xu Chu, lut Kochi en japonais. Le nom de l’original avait été écrit « Idiot de Tigre » et signifiait « un imbécile qui est fort comme un tigre », j’avais donc choisi d’écrire à la place le sien avec le personnage de « Vent de l’Ouest ».
... Ce n’était pas qu’il y avait beaucoup de choses en moi qui était obsédé sur comment cela serait écrit dans ce monde avec des kanji.
En plus de cette nomination, j’avais donné à Aisha un gantelet en provenance de la salle du trésor du château qui avait été enchanté avec un sort qui réduisait les dommages physiques et magiques (apparemment, il était appelé le Gantelet du Mur d’Acier). Pour être honnête, j’avais voulu lui donner un bouclier, car cela convenait mieux à l’image de sa position, mais Aisha utilisait une épée à deux mains, alors j’avais plutôt opté pour ça.
Aisha tenait le gantelet contre sa poitrine, bégayant et articulant difficilement ses mots à travers ses larmes. « Ohh... Votre Majesté... M-Merci beaucoup ! »
... Je suis content de voir qu’elle est heureuse, mais n’est-ce pas une réaction excessive ? pensai-je.
Tout le monde la regardait avec des sourires ironiques.
« Weist, » dis-je. « Vous m’avez bien servi afin de distraire les Amidoniens. S’il vous plaît, continuez à maintenir la stabilité dans vos terres en tant que Seigneur d’Altomura. De plus, quand la ville de Venetinova sera terminée, je suis sûr que je vais vous confier la gestion de cette cité. »
« D’accord, Sire, » dit-il. « Aussi inadéquat que je sois, je vais vous servir à mon maximum. »
Après Glaive, j’avais fini de présenter Weist ainsi que sa récompense. Il avait été décidé que Weist prendrait le poste supplémentaire de Seigneur de Venetinova, la cité côtière actuellement en construction. Alors que son fief d’origine était à la campagne, parce qu’il était dans une région de culture avec des terres fertiles, il avait rapidement gagné de l’influence. Dans la récente opération, il avait joué un rôle important en se montrant lâche devant Gaius et Julius. C’était sa récompense.
Maintenant, il était temps de récompenser Wodan Udgard, le père d’Aisha qui avait envoyé des renforts afin de nous aider dans la bataille à l’extérieur de Randel.
Il s’agissait de renforts que ni Hakuya ni moi n’avions prévus. Nous savions à quel point les elfes sombres étaient puissants, mais nous avions supposé qu’ils étaient occupés à la reconstruction après le glissement de terrain, et que pour commencer, ils n’étaient pas intéressés par les affaires en dehors de leur forêt, donc nous avions pensé qu’il serait inutile d’envoyer une demande. Cependant, contrairement à nos attentes, Wodan et son peuple avaient envoyé des troupes afin de nous aider.
Apparemment, quand Aisha était restée dans la Forêt Protégée par Dieu, elle avait d’elle-même fait la demande en mon nom. De ce que Hal m’avait dit de la bataille à l’extérieur de Randel, les nobles corrompus avaient sorti des canons et ils avaient lancé une attaque imprudente. Sans ces renforts, nos pertes auraient été beaucoup plus grandes. C’était vraiment une bonne erreur de calcul.
Je m’étais approché de Wodan, lui prenant la main afin de le remercier. « Vous avez toute ma gratitude. Je vous remercie d’avoir envoyé du renfort alors que vous êtes confrontés à des moments aussi difficiles de votre côté. »
« C’est tout naturel, » déclara Wodan. « Nous avons seulement remboursé une partie de la dette que nous avions envers vous. Quand la catastrophe est arrivée, l’unité de secours que Votre Majesté a dirigée nous a rappelé que nous avions des liens avec le monde extérieur. »
« Je suis content de l’entendre, » dis-je. « Cela me montre à nouveau que ce pays a été construit avec de nombreuses races différentes qui se réunissent. Si vous avez un souhait, vous n’avez qu’à me le dire. »
Wodan secoua la tête. « Nous vous devons déjà plus que nous ne pourrions jamais vous rembourser. Avec l’approvisionnement constant en matériel de secours que vous nous envoyez, nos guerriers ont déjà été largement récompensés. Je ne cherche rien de plus de votre part. »
« S’il vous plaît, ne soyez pas si modeste, » dis-je. « Ces renforts ne seraient pas venus sans que vous preniez la décision. Si vous le souhaitez, nous pouvons planter des arbres autour de la Forêt Protégée par Dieu afin d’étendre votre territoire. »
« Je suis reconnaissant pour l’offre, mais la forêt est bien comme elle est, » dit-il.
Hmm... Cela me laisse sur une énigme, pensai-je. Je voulais en quelque sorte montrer ma gratitude à Wodan. Cependant, peu importe ce que j’avais offert comme récompense, Wodan avait obstinément refusé de l’accepter.
« Vous n’avez vraiment rien que vous voulez ? » demandai-je.
Après que je lui ai demandé ça, Wodan avait pris un air pensif. « ... Dans ce cas, j’ai une demande pour vous, Sire. »
« Nommez-la. Si c’est en mon pouvoir, elle sera vôtre, » répondis-je.
« Alors... voulez-vous bien prendre ma fille pour épouse ? » demanda-t-il.
« Père !? » cria Aisha. Elle se tenait derrière le trône et elle semblait surprise.
Sa fille... veut-il parler d’Aisha ?
Wodan continua, souriant. « Je vois que ma petite fille qui n’a jamais montré d’intérêt pour autre chose que le combat et la nourriture est devenue une belle femme. Ce changement est venu en raison de ses sentiments envers vous, Sire. Puis-je vous demander de la prendre pour femme ? »
« Sire Wodan est appelé “Chef” dans le village dans la Forêt Protégée par Dieu, mais il est en fait de la noblesse avec la Forêt Protégée par Dieu en tant que domaine, » mon chambellan, Marx, se hâta d’ajouter ça. « Vous seriez en mesure de prendre sa fille Aisha comme votre deuxième reine primaire. »
Marx traitait des choses ici aujourd’hui au nom du Premier ministre Hakuya, qui était indisposé.
Je l’avais mentionné dans le passé, mais dans ce royaume, les reines étaient classées en catégories primaires et secondaires, et il était possible d’en avoir plusieurs de chaque catégorie.
À l’origine, il n’y avait eu qu’une reine primaire et le reste avait été soit des reines secondaires soit des concubines (maîtresses) sans pouvoir, mais un roi, il y a plusieurs générations, avait dit. « Je ne veux pas appeler ces femmes que j’aime des concubines. »
... Il devait avoir été un homme passionné.
En conséquence, toutes ses reines secondaires avaient été faites reines primaires. (La reine primaire d’origine avait été faite Première Reine, avec les autres appelés Deuxième Primaire, Troisième Primaire, et ainsi de suite, afin de les distinguer.) Et ses concubines avaient été promues en tant que reine secondaire, une convention qui avait continué à ce jour.
Pendant que j’en suis là, laissez-moi vous expliquer la différence entre une reine primaire et secondaire.
Pour devenir une reine primaire, la dame en question devait avoir un rang dans la chevalerie, la noblesse, ou plus haut. Pour faire d’une femme de statut inférieur une reine primaire, elle devrait d’abord être adoptée dans une telle famille. Ce processus n’était pas nécessaire pour une reine secondaire.
Les enfants nés d’une reine primaire avaient le droit de succession. La ligne de succession était déterminée non pas par ordre de naissance, mais les enfants nés à la Première Reine, la Seconde, et ainsi de suite. Dans les cas où il y avait un grand écart d’âge, la numérotation des reines pourrait être changée.
Inversement, alors qu’une femme de n’importe quelle classe (même un esclave ou une prostituée) pourrait devenir une reine secondaire, leurs enfants n’avaient aucun droit de succession. Cependant, ils étaient toujours de la royauté, et les maisons nobles et chevaleresques qui voulaient former un lien de sang avec la couronne essaieraient de faire que leurs fils et leurs filles s’unissent aux enfants de ces reines. C’était certainement une façon de se marier pour de l’argent.
Alors que la position ne venait pas avec un pouvoir, elle prenait également moins de responsabilités que si elle était une reine primaire, et elle était autorisée à agir plus librement, dans certaines limites. Pour les femmes de naissance commune qui n’avaient aucun intérêt pour le pouvoir, c’était souvent la position dont elles rêvaient.
Mais... faire d’Aisha ma deuxième femme primaire...
« Considérez-vous cela comme une récompense ? » demandai-je.
« En tant que père, mes sentiments sont compliqués... mais elle semble l’espérer, et un père veut toujours accorder les souhaits de sa petite fille, » déclara Wodan. « En outre, avec le fait que les habitants de la Forêt Protégée par Dieu commencent à regarder vers le monde extérieur, je pense qu’il serait utile pour eux de voir la fille de leur chef se marier dans la maison royale. Ce ne serait pas seulement afin de créer un lien entre la maison royale et la Forêt Protégée par Dieu, mais cela deviendrait également un lien symbolique entre les humains et les elfes sombres. »
Alors, ce n’était pas seulement pour l’amour de sa fille. Il y avait aussi des considérations politiques.
En l’examinant de mon point de vue, si je renforçais mes liens avec la Forêt Protégée par Dieu, j’aurais probablement à ma disposition les archers d’élite qui avaient affiché leur puissance dans la bataille à l’extérieur de Randel.
Non, même si je mets de côté ce genre de gain pragmatique... Aisha est mignonne. Si je devais me demander si je la voulais en tant que femme ou non... je le veux.
Elle avait peut-être été un peu trop loyale envers moi, mais cela m’avait permis de ressentir plus d’affections pour elle. Même si je me sentais un peu comme si je l’avais apprivoisée avec de la nourriture.
Je ne pouvais pas attendre beaucoup d’elle en tant qu’opérateur politique, mais Aisha avait plus que suffisamment de prouesses martiales pour compenser cela. Elle était le genre de femme qui serait rassurant d’avoir à mes côtés.
... Mais, est-ce vraiment correct ? J’étais retourné vers le trône, afin de regarder Liscia qui était à côté de moi.
J’avais dit à Liscia que nous n’étions que temporairement engagés pour que je puisse potentiellement sortir de cette relation. Mais, maintenant que la guerre avec Amidonia était derrière nous, mes réflexions sur le sujet avaient changé.
Des personnes étaient mortes à cause de mes ordres. Je portais le poids d’un karma beaucoup trop grand pour ne jamais pouvoir revenir dans une vie ordinaire. Je ne pouvais plus arrêter d’être roi, ou abandonner ce pays.
Je ressens la même chose dans ma relation avec Liscia. Depuis le jour où nous nous étions rencontrés, nous avions surmonté ensemble tant de douleur et de difficultés. Je ne pouvais pas rompre nos fiançailles, et je n’avais aucun désir de le faire. Si Liscia devenait ma reine, je pourrais accepter d’être roi.
... Mais, c’est une question totalement différente.
Alors que je m’étais résolu à être roi, j’avais encore des réticences à prendre plus d’une reine. Liscia, Marx et même Juna m’avaient dit à plusieurs reprises que c’était normal, mais alors que je traînais encore les idées morales du Japon moderne, j’étais hésitant.
... Et bien, ce n’était pas que je pensais que cela n’était pas sincère d’aimer plus d’une femme. Je n’étais pas si imbu de moi-même. Mais je pensais que donner une réponse immédiate ici et maintenant ne serait pas juste pour Liscia.
Je me sentirais comme si je la trompais...
Pendant que je pensais ça, Liscia m’avait regardé. Voyant que j’étais à court de mots, Liscia déclara en montrant son exaspération. « Souma, épousez Aisha comme vous devriez le faire. »
« Comme je devrais le faire... ? Mais est-ce que cela vous convient, Liscia ? » demandai-je.
« Je n’ai pas le droit de refuser, mais Aisha et son père vous ont déjà dit que tout allait bien, n’est-ce pas ? » dit-elle. « En fait, si vous ne la prenez pas, ça va probablement amener de bien plus gros mal de tête. »
« Comment ça ? » demandai-je.
Liscia avait alors souligné les aspects pratiques. « Vous êtes un roi, Souma. Il peut y avoir des situations où vous serez obligé d’épouser les filles de grands nobles ou des princesses d’autres pays dans le cadre de votre diplomatie interne ou externe. En préparation pour cela, je veux que les reines de plus haut rang soient remplies par des personnes en qui j’ai confiance. »
« Heu... Mais... je veux dire..., » balbutiai-je.
Me voyant encore hésiter, Liscia soupira. « Souma, vous êtes capable de prendre des décisions quand le pays est en jeu, mais quand il s’agit des femmes dans votre vie, vous êtes si indécis. »
« Arg ! » me lamentai-je.
« Franchement... Aisha ! » appela Liscia.
« O-Oui ! » L’elfe sombre avait sursauté dû à la surprise. Aisha se tenait dans sa position de garde du corps en attendant avec anxiété pendant qu’elle regardait les choses se dérouler.
Liscia avait mis un doigt vers elle. « Je n’abandonne pas ma position de Première Reine, entendez-vous bien ça ? Vous êtes la deuxième reine, avez-vous compris ? Si ça ne vous dérange pas, tout va bien pour moi. En fait, je m’en réjouis même. »
« D-D’accord ! Si cela me permet d’être au côté de Sa Majesté ! » cria Aisha.
Liscia hocha la tête et me regarda droit dans les yeux en disant. « J’ai mis tout en place pour vous. À présent... Traitez-la correctement. »
« ... D’accord, » dis-je lentement.
Je ne savais pas trop quoi penser. Je me sentais comme si j’avais été le futur équilibre des forces entre ces deux-là et que nous avions décidé de ça à l’instant.
Liscia avait montré tant d’énergie. Je ne pouvais pas rester sur ses tergiversations pathétiquement plus longtemps. J’étais allé jusqu’à Aisha. Aisha, la guerrière intrépide du champ de bataille, avait des yeux qui tremblaient d’incertitude.
Oh, bon sang, ne me regarde pas comme ça, plaidai-je silencieusement.
« Aisha, » dis-je.
« O-Oui ! » cria Aisha.
« Alors... voulez-vous m’épouser ? » lui demandai-je.
Elle prit une profonde inspiration. « Oui ! Ce serait avec plaisir ! »
Je m’étais abstenu de toute raillerie sur la façon dont sa réponse l’avait fait ressembler à un serveur répondant à des commandes dans un pub de style japonais. Mon visage brûlait d’embarras.
Parmi tous les sourires, je pouvais voir le visage de Sire Wodan dégoulinant de tous les sentiments compliqués du fait d’être un père.
Je lui alors avait dit, n’utilisant pas le ton que j’utiliserais habituellement comme roi, mais un ton utilisé pour ceux qui étaient au-dessus de vous. « ... C’est donc ainsi que cela se termine. Je viendrai vous donner officiellement mes salutations à une date ultérieure, Père. »
« D’accord, » dit-il, affichant un large sourire. « Je vous attendrai. Fils. »
Eh ainsi, Aisha devint ma deuxième fiancée.
Avec une deuxième reine primaire choisie...
« Eh bien, c’est un fardeau de moins dans mon esprit, » Marx avait dit ça avec une expression de soulagement. Marx avait ressenti un sentiment de crise à propos de la pénurie de membres de la famille royale provoquée par la crise de succession après le règne de l’avant-dernier roi. C’est pourquoi, bien que mon mariage formel avec Liscia n’ayant pas encore eu lieu, il me harcelait constamment, « Prenez plus d’épouses, faites plus de bébés. » Il ne semblait même pas s’en soucier s’ils étaient conçus hors du mariage.
Cela mit à part... qu’allais-je faire avec le titre de Kochiji avec lequel j’étais arrivé ? Je ne pouvais pas vraiment faire que l’une de mes reines agit comme mon garde du corps personnel.
Quand je l’avais dit à Aisha, alors...
« Laissez-moi cette charge ! Même si je deviens votre femme, je vous protégerai toujours, Sire ! » Aisha avait déclaré ça avec un large sourire, alors j’avais fini par la laisser me garder.
Pour moi, je savais qu’Aisha était solide, alors je m’étais dit que tout allait bien, mais Marx, qui était déjà ravi, se tint immédiatement la tête entre les mains. Je voulais mettre la Deuxième Reine Primaire qu’il avait finalement réussi à avoir dans une position qui était synonyme de danger. Je devais me sentir mal pour cette personne, alors qu’elle n’avait me concernant que de nouvelles choses à s’inquiéter.
Juna regarda tout cela avec un sourire un peu solitaire sur son visage, mais aucun de nous ne s’en rendit compte à l’époque.
... Juna. Vous...
À l’exception d’Excel.
Avec la récompense très mouvementée de Wodan, ce fut finalement le tour de Juna.
Je lui avais offert quelques mots de félicitations, puis je lui avais demandé ça. « Y a-t-il quelque chose que vous voulez de ma part ? »
Bien sûr, je savais quelle serait la réponse de Juna. Elle demanderait probablement que toutes ses réalisations soient comptées comme étant celles de sa grand-mère, Excel. Si Excel voulait sauver Castor et Carla, elle devait avoir autant de mérite que possible. Voici comment était la douce Juna. J’étais sûr qu’elle le ferait par égard pour Excel.
Juna me regarda droit dans les yeux et ouvrit la bouche. « Votre Majesté, je demande que toutes mes... »
« Puis-je dire quelque chose, » Excel lui coupa la parole avant qu’elle puisse finir sa phrase. « Pardonnez ma soudaine interruption. Je voudrais avoir la permission de parler. »
« Hm !? ... Permission accordée, » dis-je.
« Merci beaucoup, » Excel s’inclina et commença lentement à parler. « Comme vous le savez déjà, Votre Majesté, Juna Doma est ma petite-fille. Cependant, le père de Juna, mon fils, a été marié à la famille de marchands Doma dans la Cité Lagune. En d’autres termes, Juna est une roturière. »
J’avais entendu ça quand Juna avait révélé ses liens avec Excel. Cependant, pourquoi soulevait-elle maintenant le faible rang social de Juna ?
Excel continua. « Je lui ai donné un grade dans l’armée parce qu’elle est ma petite-fille, mais cela ne change rien au fait que Juna est l’enfant d’une famille commune. Elle n’a aucun lien dans les faits avec une maison noble. »
« ... Où voulez-vous en venir, Duchesse ? » demandai-je.
Excel ne s’était pas tourné vers moi, mais vers Juna. « Je suis sûre que tu voulais utiliser tes réalisations à mon avantage, mais cela ne sera pas nécessaire. »
« Mais, Grand-mère..., » déclara Juna.
Excel secoua silencieusement la tête. « C'est bon. Tu n’as rien à voir avec la Maison des Vargas. Tu ne devrais donc pas utiliser tes réalisations pour des personnes que tu n’as jamais rencontrées. Alors, utilise-les pour ton propre bien. »
« Grand-mère..., » murmura Juna.
« Je ne peux pas sacrifier le bonheur de ma petite-fille pour le bien de mon beau-fils et de mon autre petite-fille, » déclara Excel. « Tu n’as pas à te soucier de ça. Tu devrais avoir ton propre souhait accordé. »
Alors qu’Excel lançait son doux regard sur elle, Juna baissa les yeux et sembla se débattre intérieurement pendant un moment. Quand elle leva finalement les yeux, elle s’avança et s’agenouilla.
« Votre Majesté. J’ai une demande, » annonça Juna.
« ... Qu’est-ce que ça pourrait être ? » demandai-je.
« Si c’est possible, alors comme Aisha... Je souhaite continuer à chanter à vos côtés, » déclara-t-elle.
Pourrait-elle vouloir dire... Non, il n’y avait aucun doute sur ça, Juna m’informait qu’elle voulait que je la prenne aussi comme mon épouse.
« Sire, » Marx avait dit joyeusement. « Si vous prenez pour épouse Juna Doma, cela sera en tant que reine secondaire. Si vous souhaitez la prendre en tant que reine primaire, vous devrez tout d’abord la faire adopter dans une noble famille ou une famille de chevaliers. »
Il devait être encore plus qu’heureux d’avoir une autre candidate pour le poste de reine. Quand j’avais regardé Liscia, elle avait hoché la tête, me signalant ainsi qu’elle l’acceptait.
Mais...
« Je suis désolé, mais ce n’est pas possible. » J’avais affiché un refus clair.
Les yeux de Liscia s’écarquillèrent tandis qu’Excel demandait « Pourquoi ?». Juna avait continué à regarder le sol, alors je ne pouvais pas voir son visage.
L’air dans la pièce était devenu lourd, mais... J’espérais qu’ils attendraient d’entendre tout ce que j’avais à dire.
« Je ne peux pas faire ça maintenant, » dis-je. « Vous êtes le pilier central du Projet Lorelei, le projet de création d’un programme de musique à l’aide du Joyau de Diffusion de la Voix. Vous êtes la Prima Lorelei. Vous êtes aussi très populaire auprès des personnes. Que pensez-vous qu’il se passerait si j’acceptais et que vous deveniez fiancé avec moi ? Il y aurait des émeutes. »
Après que je l’eus dit de cette façon, tout le monde semblait satisfait de cette explication. C’était encore frais dans leurs souvenirs que le Congrès du Peuple avait envoyé des pétitions disant : « Montrez plus de Juna avec le Joyau de Diffusion de la Voix. »
Dans mon Ancien Monde, il était courant que des guerres de mots se déclenchassent sur le blog d’une idole si on découvrait qu’elle avait un amant, mais dans la situation actuelle, je craignais que Parnam lui-même ne se fasse brûler. Le Royaume serait brûlé par la jalousie... Eh oui, ce n’est pas une blague drôle.
C’est pourquoi j’avais dit : « Pourriez-vous attendre un petit moment avant ça ? »
Juna sanglotait.
Quand Juna avait levé son visage, j’avais alors pensé, eh bien, c’est maladroit, quant à la manière dont je le lui ai dit, « J’ai besoin de votre force en tant que la Prima Lorelei pour produire nos programmes de diffusion. Voilà pourquoi, pour l’instant, je vous demande de rester la chanteuse du peuple. Quand plus de chanteuses se seront rassemblées, et que nous aurions formé suffisamment de personnes pour que le programme continue, je vous jure que je l’accepterais à ce moment-là. »
Après que j’eus dit cela, Juna avait frotté les larmes de ses yeux. « J’attendrai avec impatience ce jour-là, Sire. »
Au moment où elle avait prononcé ces mots, elle affichait le sourire d’une jeune fille pure et innocente.
☆☆☆
Entracte 2 : Qu’est-ce que le premier ministre aux cheveux noirs faisait ?
Ce jour-là, lorsque Souma, le roi provisoire d’Elfrieden, accueillait de nouvelles candidates pour être l’une de ses reines, il y avait deux autres personnes dans d’autres lieux qui discutaient à l’aide du Joyau de Diffusion de la Voix.
Le Premier ministre d’Elfrieden, Hakuya Kwonmin, parlait à l’image de la jeune sœur de l’impératrice Maria de l’Empire du Gran Chaos, Jeanne Euphoria, projetée par le simple récepteur se trouvant sur un bureau.
« Votre signal est clair, » déclara Hakuya. « On dirait que le simple récepteur que vous nous avez envoyé est en bon état de fonctionnement. Merci beaucoup, Madame Jeanne, de vous être démenée pour la livraison par griffon. »
« Ma sœur a compris à quel point cette ligne de communication dont parlait Sire Souma était importante, » déclara Jeanne. « Avec cela, le Royaume et l’Empire peuvent au besoin se coordonner. Il est donc naturel que nous nous dépêchions de mettre les choses en place. »
La Jeanne présente sur l’écran avait eu un large sourire.
Après la conférence avec Amidonia, Jeanne avait rapporté à sa sœur, l’impératrice Maria, les propositions de Souma : une alliance secrète avec le Royaume d’Elfrieden, l’établissement d’une ligne de communication permanente entre les deux pays, et l’échange d’ambassadeurs plénipotentiaires de chaque pays, ainsi que la mise en place d’une ambassade pour les placer chez l’autre.
Hakuya avait supposé que Maria ne refuserait pas ces idées, et, comme il s’y attendait, Maria les avait approuvées avec joie. En fait, elle s’était même roulée dans son lit en riant alors qu’elle les avait acceptées.
« Je n’ai jamais vu ma sœur comme ça, » déclara Jeanne. « Elle a dû être très heureuse. »
« Heureuse... ? » demanda Hakuya.
« Pour avoir trouvé quelqu’un qui partage ses valeurs... si vous préférez, une personne qui la comprend, » déclara Jeanne. « Il n’y en a pas beaucoup à l’intérieur de l’Empire. À savoir, des personnes qui sont capables de comprendre ma sœur. »
« Je vois, » répondit-il.
Géographiquement, ils étaient à l’ouest et à l’est, idéologiquement il y avait un idéaliste et un réaliste, et pourtant Maria et Souma, qui semblaient être diamétralement opposés, se comprennent l’un et l’autre.
Cela pourrait être intéressant, pensa Hakuya.
« Avec une réponse comme celle-là, je voudrais que ma sœur et Sire Souma puissent parler ensemble le plus tôt possible, » déclara Jeanne.
« Ils sont tous deux très occupés en ce moment, et il est difficile de faire concorder leurs horaires, » répondit Hakuya. « Quand les choses finiront par s’arranger, nous trouverons un moment pour qu’ils se parlent. »
« Oui, absolument d’accord, » répondit Jeanne.
Après cela, ils avaient eu une petite discussion (y compris afin d’exprimer leurs frustrations à propos de leurs dirigeants respectifs) pendant un petit moment, puis Jeanne avait dit. « Au fait, il y a quelque chose qui me dérange depuis un moment. Je vois beaucoup de livres derrière vous, Sire Hakuya. Où êtes-vous actuellement ? »
« ... Oh ! Ce sont des livres qui nous ont été fournis par Amidonia comme garantie pour les réparations de guerre, » répondit-il. « Il y a un bon nombre d’entre eux dont je veux pouvoir faire des copies avant qu’ils doivent être retournés. Je travaillais donc à les cataloguer jusqu’à récemment. »
« Le Premier ministre lui-même les classe ? » demanda Jeanne, surprise.
« Bien sûr, j’ai du personnel pour aider, mais c’est un passe-temps pour moi, » répondit Hakuya. « J’aime vraiment trier les livres. Je les divise en catégories, les range dans l’ordre. J’en feuillette parfois un qui capte mon attention, puis je tire un plaisir en regardant la bibliothèque bien ordonnée une fois que mon travail est terminé. Les livres sont la sagesse humaine. Les progrès d’un pays. Quand je pense à eux disposés devant moi sur une étagère, et qu’ils sont disponibles pour que je puisse les lire quand je veux... »
Quand elle vit Hakuya parler avec éloquence de ses livres, les yeux de Jeanne s’écarquillèrent.
Si vous mentionnez le nom Hakuya, l’orgueil du royaume, le Premier ministre à la robe noire, lui qui était célèbre comme l’un des génies découverts par Souma, alors vous parlerez de l’homme qui avait utilisé sa ruse pour se moquer de Gaius VIII de la Principauté d’Amidonia.
Après l’avoir elle-même rencontré, Jeanne avait eu une impression de lui en tant qu’individu astucieux et intelligent. Cependant, quand Hakuya avait parlé de livres, ses yeux étaient ceux d’un jeune garçon. Cet écart avait fait que le cœur de Jeanne battait la chamade.
« ... Je suppose que vous aimez les livres, n’est-ce pas ? » demanda Jeanne.
Hakuya était revenu à lui. Il avait rapidement retrouvé son habituelle expression d’intelligence, mais le bout de ses oreilles était un peu rouge. « Pardonnez-moi. Vous voyez, je peux me laisser emporter quand il s’agit de livres. »
« Hehe. J’ai l’impression d’avoir vu un côté inattendu de votre personne..., » répliqua-t-elle.
« Est-ce si inattendu ? » demanda Hakuya. « Personnellement, je pense que je ferais un meilleur bibliothécaire qu’un Premier ministre. »
La raison pour laquelle Hakuya avait reçu une audience avec Souma était que son oncle avait dit ça. « À ton âge, tu dois arrêter de rester assis à ne rien faire d’autre que lire des bouquins. Va donc faire quelque chose d’utile à la société ! » Et il l’avait inscrit à la section Don de Sagesse de l’événement Si Vous Avez Un Don sans demander son avis.
Il avait gagné cette compétition, et quand il avait eu son audience avec Souma, il avait été charmé par le jeune roi. En pensant que, peut-être, Souma pouvait amener ce pays qui était sur le point de s’effondrer à pouvoir se remettre sur pied, Hakuya avait abandonné le métier de rat de bibliothèque et avait offert ses services, pour constater qu’à un moment donné, il était devenu Premier ministre.
La vérité était que, alors que Hakuya voulait soutenir le règne de Souma, il avait voulu le faire en tant que conseiller de Souma et du Premier ministre de l’époque, Marx. Cependant, Marx était parti et l’avait recommandé en disant qu’il était un meilleur Premier ministre que lui-même. À cause de cela, Hakuya ne pouvait pas lire les livres qu’il voulait, et ses jours étaient devenus très occupés.
« Hmm... Alors, si nous devions vous arranger un poste de Bibliothécaire en Chef des Archives impériales, viendriez-vous dans notre pays ? » demanda Jeanne. « J’imagine que nos archives ont une collection de livres plus étendue que celle du royaume. »
« Ahh. C’est une proposition séduisante, tout à fait, » répliqua-t-il.
« Mais ne pouvez-vous pas le faire ? » demanda Jeanne.
« Si vous m’aviez demandé avant que j’offre mes services, je suis sûr que j’aurais sauté sur l’offre sans hésitation, » répondit-il.
De nos jours, Hakuya pensait que ces journées chargées n’étaient pas si mauvaises. Il y avait eu un temps où, pour Hakuya, l’histoire était une chose à trouver dans les livres. Cependant, maintenant il sentait que c’était une chose qu’ils feraient par eux-mêmes. Quand il servait sous les ordres de Souma, celui qui essayait de faire avancer ce pays, il avait l’impression d’être l’un des personnages clefs de l’histoire. Ce n’était pas une mauvaise sensation.
« Mais maintenant, je souhaite avancer dans une nouvelle ère aux côtés de Sa Majesté et des autres, » continua-t-il. « Puis, une fois que j’aurais trouvé mon successeur, j’espère devenir historien et rapporter ce qui s’est passé en ces temps. »
« Une retraite confortable, Hmm..., » déclara Jeanne. « Cela peut être un luxe dans les temps où nous vivons. »
Elle avait probablement raison. Les temps étaient trop durs pour permettre une retraite facile. La menace du Domaine du Seigneur-Démon empiétait lentement au nord, et divers pays forgeaient des alliances pour faire avancer leurs propres buts, ou s’opposer les uns aux autres. Pour permettre à Hakuya d’avoir sa retraite tranquille, tout cela devrait être résolu. Quant à savoir si cela était possible, même avec toute la sagesse de Hakuya, il ne pouvait pas voir la réponse à cette question.
« Eh bien, j’attendrai avec impatience notre prochaine discussion, Sire Hakuya, » déclara-t-elle.
« Moi de même. Reparlons-nous prochainement, Madame Jeanne, » répondit-il.
La transmission fut coupée du côté de Jeanne.
Wôw... Hakuya expira, puis se leva. Il tendit la main vers la pile de livres amidoniens.
Ces précieux livres n’avaient pas été bien traités pendant qu’ils étaient à Amidonia, et ils avaient cruellement besoin d’être réparés. Si Hakuya ne les avait pas pris en charge, certains de ces livres auraient pu être perdus pour toujours.
Avec un soupir, Hakuya tendit la main et prit un livre. Dès qu’il eut fait ça...
« Monsieur le Premier Ministre, » déclara une voix d’homme.
Il y avait un homme en vêtements noirs agenouillé dans un coin de la pièce. Il y avait aussi un tissu noir autour de son visage, et il avait l’air de se fondre dans l’obscurité de la pièce fermée et faiblement éclairée.
Hakuya avait alors demandé à l’homme, « Où en sont les préparatifs ? »
« Ils avancent rapidement. Toutefois..., » l’homme semblait hésiter.
Hakuya fronça les sourcils. « Quelque chose est-il arrivé ? »
« C’est que... j’ai l’impression que les choses vont trop bien, » déclara l’homme. « Presque comme s’il y avait la volonté d’un autre acteur en jeu ici. »
« Je vois..., » répondit Hakuya.
Hakuya congédia l’homme, puis feuilleta le livre qu’il avait ramassé.
Quand il avait pris les livres dans les archives d’Amidonia comme garantie contre les réparations de guerre, Hakuya avait eu une certaine attente. Il s’était attendu à ce qu’il y ait des registres de famille et des documents concernant les droits et les propriétés. Car après tout, ces sortes d’écrits avaient tendance à être dans les archives de la capitale d’une nation. Avoir ces livres en main, c’était comme saisir le cœur même de la nation.
Quand il avait conseillé à Souma de prendre les livres en garantie, c’était parce que la famille royale Amidonienne était plus encline aux affaires militaires, et il avait espéré qu’ils ne se rendraient pas compte de leur importance. Cependant, contrairement aux attentes de Hakuya, il n’y avait qu’un seul livre de cette variété dans la collection qu’il avait saisie.
Ce livre, celui que Hakuya tenait maintenant, était sur la généalogie récente de la famille royale d’Amidonia. Quand il l’avait feuilletée, il y avait un morceau de papier plié coincé entre la dernière page et la couverture.
Quand Hakuya déplia le morceau de papier, il vit qu’il y avait un dessin d’un petit animal avec des cercles noirs autour de ses yeux et qui fermait l’une de ses paupières alors qu’il tirait la langue.
Quand il vit cela, Hakuya cligna des yeux plusieurs fois, puis il se mit à rire. « Je vois. Il devrait certainement y avoir quelqu’un comme ça à Amidonia. »
« Qu’est-ce que c’est, professeur ? » demanda soudainement une voix.
Hakuya se retourna et vit Tomoe, le regardant d’un air absent. Il était gêné d’avoir été attrapé après avoir baissé sa garde, et il s’éclaircit la gorge pour le masquer.
« Tiens ! Tomoe, je suis désolé, je ne vous ai pas remarqué arriver, » déclara-t-il.
« Eh bien, je viens à peine d’arriver, » répondit Tomoe. « Je suis entré parce que j’avais l’impression que vous aviez fini de parler. Vous aviez l’air de vous amuser, n’est-ce pas ? Que regardiez-vous ? »
« Oh ! Ça ? » Hakuya avait montré à Tomoe une photo avec un petit animal dessiné dessus.
Hakuya lui tendit le morceau de papier, puis le tint à distance, puis le tint au plafond pour le regarder, avant de basculer finalement la tête sur le côté. « Pourquoi cet animal était-il si drôle ? Je dois admettre qu’il est mignon. »
« Il s’agit d’un dessin d’un animal appelé un raton laveur de bronze, » reprenant le morceau de papier, Hakuya tapota Tomoe sur la tête et lui déclara. « On dit souvent qu’ils jouent des tours aux gens. »
☆☆☆
Chapitre 8 : Crime et Châtiment
Partie 1
— Au début du 11e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — à minuit.
Cela s’était passé dans le domaine d’un certain noble au sein du Royaume d’Elfrieden.
Dans le manoir du noble important qui était le seigneur de ce domaine, douze silhouettes sombres étaient présentes pour une réunion secrète dans l’obscurité.
« Que faites-vous de cette convocation ? » demanda l’un d’eux.
« De tous les nobles dans ce pays, nos quatorze familles ont été convoquées. Il est probable que le royaume s’est accroché à nous, » déclara un autre.
« Il y a ainsi eu des rapports sur les chiens de la robe noire qui reniflaient autour de nous, » déclara un troisième.
« Alors, leur intention avec cette convocation est..., » déclara l’un des hommes.
« ... sans aucun doute, pour faire un exemple avec les autres, » acheva un autre.
« Pour faire un exemple ? N’est-ce pas un piège ? » L’un d’entre eux suggéra cela d’une voix hystérique.
Un autre avait sèchement ri. « Hehe Hehe Hehe. Contrairement aux nobles qui se sont livrés à la corruption, nous n’avons pas été pris la main dans le sac alors que nous commettions des crimes. Sans avoir de preuve d’un délit perpétré afin de nous condamner, ce roi et le vêtu de noir ne peuvent pas nous traduire en justice. »
« Je vois... C’est pourquoi il fait un exemple avec les autres, » déclara l’un des nobles.
« Effectivement, » l’un d’eux était d’accord avec ça. « Pour nous garder en ligne en nous faisant penser : “Demain, ça pourrait être moi”. »
« Deux des trois ducs sont déjà tombés, et les nobles qui n’ont pas participé à la dernière guerre ont perdu leur influence. S’il peut nous garder tranquilles, il n’y aura plus rien pour arrêter ce roi. »
« Hmph... Tout comme le roi l’a prévu, » déclara l’un d’eux. « Ou était-ce le plan de celui en robe noire ? »
« Peu importe lequel d’entre eux est derrière ça. Mais, si nous le regardons d’un autre point de vue, nous pouvons dire que c’était la meilleur des choses que le roi pouvait faire contre nous. »
« Hehe hehe, vous avez raison, » un autre avait ri. Puis il avait ajouté ça avec un ricanement. « Voilà pourquoi, pour l’instant, nous devons faire profil bas. Nous devons agir d’une manière qui n’irritera pas ce roi, et ainsi, cela ne lui donnera pas de raison de nous punir. Non, si quoi que ce soit arrive, nous devons coopérer avec ce que le roi fait. »
« Ça me gêne de le faire, » répliqua un autre noble, irrité face à cette pensée.
« Ce n’est pas grave... Je doute que cela dure longtemps, » le ricaneur avait répondu ainsi. « Une fois tous les obstacles éliminés, je suis sûr que le roi se précipitera avec des politiques révolutionnaires à un rythme encore plus rapide qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Une réforme prise trop vite engendrera une résistance. Nous avons seulement besoin de soutenir ces personnes de l’ombre. Plus il en exécutera, plus ce roi sera considéré comme un tyran, et cela ne fera qu’accroître la résistance. »
Les autres hommes acquiescèrent, impressionnés par les paroles de l’homme.
« Je vois. Alors, il ne pourra pas y rester longtemps, » déclara un autre homme.
« Effectivement. Quand le moment viendra, nous pousserons le roi hors du pouvoir et placerons quelqu’un de plus malléable sur le trône. »
« Quand cela sera accompli, nous pourrons faire revenir les choses dans la situation dont elles étaient sous le règne du roi Albert. »
« La poussée est pour l’instant avec ce roi. Nous ne devons pas être pris dedans. Pour l'atteindre, nous devons pour le moment faire ce que le roi exige. Mais, en temps voulu... »
Les hommes avaient ri sombrement.
Puis l’un des hommes posa une question. « Que faisons-nous des maisons de Jabana et de Saracen ? Les têtes dirigeantes n’ont-elles pas changé ? »
« Laissez les être ainsi. Si elles déplaisent au roi, elles ne pourront plus maintenir leurs maisons. Donc, il s’agit de leurs préoccupations et nullement les nôtres. Ce n’est pas quelque chose dans laquelle nous devrions nous impliquer. »
« Bien sûr. Maintenant, Messieurs, je vous demande à tous de suivre le plan que nous venons d’adopter. »
« D’accord. Afin de reprendre notre ère. »
« « « Afin de reprendre notre ère. » » »
Cependant, ils n’avaient pas réalisé qu’il y avait un observateur dans l’obscurité.
***
Il s’agissait d’un après-midi ensoleillé. Aujourd’hui encore, j’aidais Souma avec son travail administratif.
« D’accord, Liscia, » déclara Souma. « Donnez pour moi ces papiers à Hakuya. »
« J’y vais, » répondis-je.
Après avoir pris les papiers de Souma, j’étais prête à quitter le bureau, quand...
« Liscia ! » Souma m’avait alors appelée.
Alors que je me demandais ce que ça pourrait être, je m’étais retournée. Souma semblait essayer de dire quelque chose, mais ça ne sortait pas. Oui, c’était comme s’il essayait de me dire quelque chose et ne pouvait pas trouver les mots, ou qu’il continuait d’ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais qu’il hésitait !
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je.
« Ah... ! Non, Hmm... ce n’est rien, » dit-il.
« D’accord... Eh bien, je vais maintenant y aller, » dis-je.
J’avais quitté Souma et j’étais sortie du bureau des affaires gouvernementales. Après avoir fermé la porte, j’avais malgré moi soupiré.
Souma s’était probablement senti obligé de me dire quelque chose à cause de ce qui s’est passé avec le Duc Carmine.
Zut... Ce n’est pas quelque chose dont Souma doit se sentir responsable, pensai-je.
Même quand on m’avait dit que le Duc Carmine s’était suicidé dans la prison, je n’avais pas perdu mon sang-froid. Cet homme que j’avais respecté comme un père et un enseignant était mort, mais je me sentais étrangement calme. Ceci m’avait surprise.
Ce n’était pas que je n’étais pas triste. En fait, j’avais l’impression que mon cœur avait été déchiré. Mais malgré ça, j’étais capable d’agir comme mon moi habituel. C’était sûrement... parce que j’avais eu quelque chose comme une prémonition que cela se passerait comme ça. C’était comme si le Duc Carmine que je connaissais avait choisi le chemin de la ruine, prenant avec lui toute l’obscurité qui avait infesté ce pays. Et que Souma accepterait sa détermination à le faire.
Georg Carmine et Souma Kazuya.
Georg Carmine était un grand homme que je tenais en haute estime. Il était fort et noble, un guerrier qui résumait tout ce à quoi je devais aspirer. Je le respectais, et je pensais que je voulais être comme lui.
Et, en ce qui concerne Souma... il était l’homme que j’avais décidé, de ma propre volonté, de soutenir.
J’avais vécu une vie largement détachée de l’amour et de la romance, alors je n’étais pas sûre de ce que je ressentais pour lui. En tant que membre de la maison royale, je n’avais jamais eu de grands espoirs pour ce que serait mon mariage.
Mais quand j’avais vu le sourire rayonnant d’Aisha quand elle était devenue sa deuxième fiancée, ou le sourire de Juna quand il lui avait dit : « Je vous le jure, je vous prendrais à mes côtés (comme ma femme), » j’avais alors ressenti une certaine douleur dans la poitrine.
... Je savais maintenant. Il s’agissait probablement de ce genre de sentiment. J’avais ressenti avec force que Souma pourrait tout à fait avoir ce genre de sentiments.
C’était quelque chose que deux hommes qui étaient importants pour moi avaient décidé. Même si c’était triste, même si c’était douloureux, je devais l’accepter ou je me moquerais de leur résolution. J’avais choisi de croire en leurs décisions.
C’est pourquoi, quand j’avais entendu parler de la mort du Duc Carmine, je n’avais pas sorti ma frustration sur Souma.
Le Duc Carmine n’aurait pas voulu que j’endommage notre relation. C’est pourquoi, si je restais là comme d’habitude au côté de Souma, je rendrais hommage au Duc Carmine. C’était comme ça que je me sentais.
Je continuerais à croire en Souma. Peu importe la décision qu’il aura prise, je l’accepterais et je resterais à ses côtés.
Aujourd’hui se trouvait être le jour du jugement pour le Duc Vargas et Carla. En tant qu’amie, mon désir d’épargner Carla était resté inchangé. Mais peu importe la décision de Souma, j’étais prête à l’accepter. Peu importe quelle conclusion tragique cela pourrait conduire.
Et pourtant...
Eh, Souma, pensai-je. Pourquoi avez-vous un air si peiné sur votre visage ?
Une atmosphère étrange était tombée sur la grande salle du château de Parnam.
Il s’agissait de l’endroit où la condamnation de Castor et Carla allait être prononcée.
En réponse aux plaidoyers de la Duchesse Walter, qui avait grandement contribué à l’effort de la récente guerre, Souma avait pris le droit de les juger devant les tribunaux, et il le ferait en personne. Ce n’était pas un acte louable pour un roi de s’insérer dans les affaires des tribunaux, mais la Duchesse Walter était allée jusqu’à rendre toutes les autres récompenses pour ses services distingués afin de faire la demande, alors il avait été en mesure de forcer à travers ça.
Et maintenant, Souma pourrait juger personnellement ces deux personnes.
Les habitants étaient positionnés plus ou moins là où ils seraient dans la salle d’audience.
Souma était assis plus haut que les autres, utilisant une chaise qui, bien que n’étant pas le trône, était encore assez impressionnante, avec Aisha et moi le flanquant de chaque côté. La position d’Aisha en tant que garde du corps n’était plus en diagonale derrière lui, mais directement à côté de lui. Il s’agissait d’un changement fait pour refléter son nouveau statut en tant que candidate pour devenir une reine. Cela signifiait inévitablement qu’elle était au centre de l’attention de toutes les personnes présentes et donc, Aisha semblait tendue.
Puis, en regardant vers le sol, il y avait l’ancien Général de l’Armée de l’Air, Castor Vargas, et sa fille, Carla. Ils étaient tous deux agenouillés, avec les mains liées derrière le dos. Tous les deux, peut-être parce qu’ils s’étaient résolus à accepter leur sort à ce stade, étaient assis droit.
Entre eux se tenaient le Premier Ministre Hakuya et la Duchesse Walter, face à face. Le rôle de Hakuya était de faire ce qu’il fallait pour qu’ils soient poursuivis pour leurs crimes, tandis que la Duchesse Walter devait défendre Castor et Carla. Dans un procès normal, le procureur et la défense se disputeraient sur la question de savoir si un crime avait été commis, mais à cette occasion, les deux crimes étaient déjà connus et confirmés.
À cause de cela, le travail de Hakuya était de chercher une punition pour leurs crimes, alors que le travail d’Excel était de défendre leurs actions et de chercher une punition plus clémente. Si sa défense était couronnée de succès, leur punition serait allégée, et si elle échouait, ils feraient face à la punition que Hakuya cherchait. Par conséquent, il ne pourrait y avoir aucune conclusion d’innocence.
Aussi, pour observer ce procès, il y avait une longue table tournée de côté avec quatorze nobles assis en une seule rangée. Souma m’avait dit qu’il demanderait leur avis pendant le procès.
On m’avait dit que leur sélection était aléatoire, mais... était-ce vraiment le cas ? Les nobles semblaient se chuchoter l’un à l’autre.
Peu importe ce qu’il a en réserve, je ne serai pas surprise, pensai-je. Car après tout, c’est une situation qui a été imaginée par Souma.
Alors qu’il n’y avait pas eu beaucoup de cas où le roi prenait le droit de juger par les tribunaux, à l’occasion, cela était déjà arrivé. Cependant, dans ces cas-là, le roi avait normalement rendu un verdict qui ne pouvait pas être contesté. Ce format de procès, où le roi avait tenu un procès où il serait le juge, était inouï. Il s’agissait d’une forme de procès sans précédent. Je ne pouvais pas prédire tout ce qui pourrait arriver.
« Maintenant, commençons le procès de Castor et Carla, » Souma avait déclaré ça d’une voix calme.
Hakuya avait lu les crimes dont ils étaient accusés. « L’ancien Général de l’Armée de l’Air Castor Vargas et sa fille, malgré le transfert légitime du trône à Sa Majesté, ont résisté à son autorité et ont même rejeté son ultimatum, levant leurs épées contre l’Armée Interdite. Le crime de trahison s’applique donc dans ce cas. Par conséquent, je crois qu’il est approprié que leurs terres et leurs biens soient saisis et qu’ils soient passibles de la peine de mort. »
Je m’attendais à ça. Hakuya proposait la peine de mort pour les deux criminels.
... Bien sûr, c’était ainsi. La trahison était un crime suffisamment grave pour entraîner la peine de mort pour tous les parents jusqu’à trois degrés de consanguinité.
Le nombre de personnes touchées était réduit au strict minimum parce que le Duc Vargas avait tenu compte des conseils de la Duchesse Walter et avait formellement coupé les liens avec sa famille. En outre, en reconnaissance du service distingué de la Duchesse Walter dans la guerre, il avait été décidé que le jeune frère de Carla, Carl, qui avait été renié et laissé aux soins de la maison de Walter, hériterait de la maison des Vargas avec juste la Cité du Dragon Rouge et la zone autour d’elle comme fief. La fille d’Excel, qui était aussi la mère de Carla et Carl, servirait de conseillère.
Quand Hakuya eut fini de présenter la punition qu’il demandait, c’était au tour d’Excel de défendre les deux personnes et de demander une moindre punition.
Dans ses délibérations antérieures, les offres de la Duchesse Walter qui étaient « J’offre ma tête en échange de leurs deux vies, ou le retour au Roi de tout le duché de Walter à l’exception de la Cité Lagune ». Mais elles avaient déjà été rejetées. Prendre sa tête était hors de question, et s’il détruisait les trois duchés, cela mettrait le reste des nobles sur la défensive contre Souma.
« Il était stupide que Castor et Carla se révoltent contre Votre Majesté, » déclara Excel. « Cependant, ils ne l’ont certainement pas fait pour essayer d’usurper votre position. C’est leur loyauté envers l’ancien roi, Sire Albert, et leur amitié avec le Général de l’Armée de Terre, Georg Carmine, qui les ont égarés. Bien sûr, Sire Albert vous avait officiellement cédé le trône et il est impensable que l’un de vos vassaux ait des doutes à ce sujet. »
Après ça, elle continua après quelques secondes de délais. « Cependant, le changement soudain de dirigeants a jeté dans la confusion non seulement Castor, mais également beaucoup d’autres personnes. Carla a seulement suivi Castor par le fait qu’elle est sa fille. Aucun des deux n’avait des ambitions pour leur propre bien. Heureusement, il n’y a pas eu de victimes parmi leurs sujets ou l’Armée Interdite pendant la bataille de la Cité du Dragon Rouge. Ne pourrez-vous pas au moins épargner leurs vies ? »
En s’inclinant, la Duchesse Walter avait cherché à réduire la gravité de leurs crimes.
Souma était assis là à l’écouter parler.
Il était si inexpressif qu’il était impossible de lire sur son visage ce qu’il pouvait penser. Je pense que probablement, il réprimait ses émotions pour ne pas les montrer.
Ayant entendu les arguments de l’accusation et de la défense, Souma ouvrit la bouche. « Castor. Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ? »
« Non, » Le Duc Vargas avait déclaré ça avec fermeté. « Il n’y a pas de besoin d’entendre les paroles d’un commandant vaincu. S’il vous plaît, séparez cette tête de mes épaules. »
« ... Je vois, » répondit Souma.
« Il n’y a qu’une chose que j’aimerais dire, » déclara le Duc Vargas. « Je suis celui qui a commencé la guerre. Carla n’a fait que suivre mes ordres. Je voudrais également prendre sa punition. Peu m’importe si vous me torturiez ou si vous décidez de m’humilier en public. Mais, s’il vous plaît, ne pouvez-vous pas épargner la vie de Carla ? »
Tandis qu’il était encore attaché, le Duc Vargas s’inclina pour que sa tête touche presque le sol.
Voyant ce que son père orgueilleux faisait, les yeux de Carla s’ouvrirent de surprise. « Père ! »
Cependant, Souma laissa échapper un soupir, mais son expression resta impassible. « J’ai entendu dire que celle qui dirigeait l’Armée de l’Air au cours de cette bataille n’était nulle autre que Carla. Puis-je vraiment laisser ce crime impuni ? Vous devez savoir que cela pouvait arriver quand vous avez levé le drapeau de la rébellion. »
« Argh..., » Le Duc Vargas se mordit la lèvre. Cependant, il n’avait rien rajouté.
Cette fois-ci, Souma regarda Carla. « Carla. Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ? »
« ... Non, » Carla secoua faiblement la tête.
« Est-ce tout ? N’avez-vous rien d’autre à dire ? » demanda Souma.
« Dans ce cas, il y a une chose que je voudrais dire. Je m’excuse pour mon manque de sagesse. Lisc... La princesse a essayé de servir de médiatrice entre nous, mais nous avons obstinément refusé de l’écouter, » après avoir dit ses mots, Carla avait penché sa tête.
Pendant que Carla était en prison, elle avait dit qu’elle ne voulait pas devenir un fardeau en nous demandant d’intercéder en sa faveur. Elle avait probablement ressenti maintenant la même chose.
« Ne me demanderez-vous pas pardon ? » demanda Souma.
« Je ne le ferais pas. Jugez-moi comme bon vous semble, » répondit-elle.
« ... Je vois, » répondit Souma.
Souma détourna son regard sur les deux condamnées, puis il déclara aux nobles assis à l’arrière. « Maintenant, j’aimerais entendre ceux d’entre vous qui sont réunis ici. Ces personnes-là ont, dans leur insouciance, levé le drapeau de la rébellion contre moi, l’actuel roi. Que pensez-vous comme jugement approprié pour ces fous ? J’aimerais beaucoup entendre vos opinions sans réserve. »
Souma avait dit cela avec un regard qui, même à mes yeux, semblait un peu effrayant. Pendant un moment, selon moi, quelque chose ne tournait pas rond. La façon dont il l’avait dit, c’était comme s’il avait déjà pris sa décision. Bien qu’il avait dit qu’il voulait entendre leurs opinions, c’était comme s’il disait, « Je ne peux pas imaginer que l’un d’entre vous oserait s’opposer à l’exécution de ces traîtres. Est-ce bien le cas ? » afin de les intimider. C’était comme s’il agissait afin de contraindre les nobles à regarder le procès...
Normalement, Souma écouterait n’importe quelle opinion, la mettant en application s’il sentait que c’était juste, mais ce qu’il faisait maintenant était exactement le contraire de sa manière d’agir.
Quand je considérais cela et que je regardais les nobles... ils venaient tous de maisons avec de sombres rumeurs tourbillonnant autour d’elles ou des maisons qui avaient refusé à plusieurs reprises de s’impliquer quand il y avait eu une crise. Se pourrait-il que Souma ait eu l’intention d’utiliser Carla et son père pour faire un exemple et forcer ces personnes à lui jurer leur loyauté ?
Il était en train d’afficher son pouvoir et de leur dire, « Si vous ne voulez pas que cela vous arrive, alors obéissez-moi ». C’était l’impression que j’avais eue.
Puis, l’un des nobles se leva et haussa la voix. « Votre Majesté ! Quand vous le dites comme ça, vous donnez l’impression que leur punition est déjà décidée ! »
L’orateur était un jeune homme avec un visage bien masculin. Il avait peut-être le même âge que Halbert. Mais il n’avait pas la même carrure que Halbert. Il semblait être un jeune homme sérieux et bon enfant.
« Qui est cette personne ? » demanda Souma.
« Il est à la tête de la Maison des Saracen, Piltory Saracen, » répondit Hakuya.
Piltory déclara après ça. « Je comprends que ce soit un endroit pour déterminer le poids de leur crime. Si vous faites cela, forçant votre volonté sur nous tous, alors ce procès n’a aucune raison d’être ! »
« Ga ha ha ! C’est bien dit, jeune Saracen ! » Un autre des nobles avait dit ça, se levant d’un coup sur ses pieds. Avec ses cheveux gris cendré peignés en arrière, et une barbe épaisse de la même couleur que ses cheveux, il s’agissait d’un grand homme musclé qui commençait à montrer les signes de la vieillesse.
Hakuya plissa les yeux, déclarant le nom de cette personne. « Il s’agit du chef de la Maison de Jabana, Sire Owen Jabana. »
« Ô Premier ministre à la robe noire, » répondit l’homme. « Le Duc Vargas ici présent a défendu ce pays pendant plus de cent ans, ce qui est une plus longue durée que depuis que je suis né. Il peut manquer de maturité, mais je doute que ses sentiments envers ce pays aient changé. Il s’est élevé contre Sa Majesté non par cupidité personnelle, mais parce qu’il était prêt à mourir en raison de son amitié avec Georg Carmine. »
« Vous suggérez que sa trahison n’est pas grave parce qu’elle a été faite au nom de l’amitié ? » demanda Hakuya en le fusillant du regard.
« Nullement, » déclara Owen, tout en secouant la tête. « Ce n’est pas ce que je dis. Le trône avait été officiellement transmis à Sa Majesté le Roi Souma, donc je veux seulement dire que le Duc Vargas a agi d’une manière inconsidérée. Ce n’est pas un crime qui peut être pardonné. Cependant, le Duc Vargas a déjà été dépouillé de sa position, de sa renommée, de ses terres et de ses atouts. N’est-ce pas, peut-être, un peu trop de choses à faire maintenant que de prendre sa vie ainsi que celle de sa fille en plus de tout ça ? »
« “Pardonner au traître” est-ce ce que vous dites ? » demanda Hakuya.
« Vieux comme je suis, je pense qu’il serait regrettable de ne pas le faire, » déclara Owen. « Le Duc Vargas est une personne qui pourrait commander des troupes pendant encore deux à trois cents ans. Y a-t-il quelqu’un dans ce pays qui pourrait diriger l’Armée de l’Air aussi bien que lui ? »
Peut-être enhardi par les mots d’Owen, Piltory avait commencé encore une fois à s’argumenter avec force. « Sire ! Vous-même, n’avez-vous pas dit : “Si vous avez un don, je vais le mettre à profit” ? Allez-vous perdre un don rare comme le sien !? Je ne peux pas croire que le Duc Vargas, un homme qui a dévoilé ses crocs contre vous parce qu’il avait confiance en son ami, est en quelque sorte inférieur à nous, des nobles qui, d’une façon opportuniste, avons refusé de prendre parti ! Je vous en supplie ! Faites comme l’a dit la duchesse Walter et allégez leurs peines ! »
Ayant écouté leurs paroles, Souma ferma les yeux pendant un instant, puis il donna l’ordre. « ... Emmenez-les. »
À cet instant, des soldats avaient encerclé les deux hommes et les avaient emmenés hors de la pièce. Owen avait obéi silencieusement aux soldats avec une expression déçue, tandis que Piltory continuait à crier, « Sire ! S’il vous plaît, reconsidérez votre position ! » même pendant qu’il était escorté hors de la pièce.
Une fois qu’ils avaient été emmenés, un silence désagréable était tombé sur le hall. Tout le monde retenait son souffle, incapable de dire quoi que ce soit jusqu’à ce que Souma rompe de lui-même le silence. « Y a-t-il d’autres opinions ? »
Les opinions des autres nobles étaient toutes une variante de « Condamnez-les tous les deux à la peine de mort. »
« La loi est la loi. »
« Si vous laissez passer ça, cela donne un mauvais exemple à vos autres vassaux. »
« Tout imbécile qui s’opposerait à Votre Majesté ne peut être d’aucune utilité. »
Et cela avait continué comme ça pendant un moment. Alors que ce qu’ils disaient semblait raisonnable, il était clair qu’ils pensaient. « Nous ne voulons pas déplaire au roi tout comme les deux premiers nobles. »
... je... j’avais du mal à le comprendre. Certes, les nobles restants craignaient Souma, et ils auraient du mal à s’opposer à lui. Cependant, quand j’avais comparé les deux nobles qui avaient été expulsés avec les douze qui étaient restés, j’avais dû m’interroger quant à savoir quel groupe serait vraiment celui apportant le plus de bénéfice à Souma et au pays.
... Non. Ne doute pas de lui. J’ai décidé de croire en Souma, n’est-ce pas ? pensai-je.
Je m’étais alors pincé les cuisses. Alors que je tentais désespérément de réprimer mon conflit intérieur, j’avais entendu Souma murmurer. « C’est quelque chose... qui doit être fait. »
Souma ?
« Je comprends vos positions, » Souma se leva et plaça sa main droite vers le haut.
Quand ils virent ce geste, les yeux de la Duchesse Walter s’écarquillèrent, les nobles retinrent leur souffle, et Castor et Carla baissèrent la tête en signe de démission..
Souma baissa la main en donnant un bref ordre. « Faites-le. »
Dans l’instant suivant, il y avait eu le bruit du déplacement de lames dans l’air et du sang qui était éclaboussé. Et alors...
... douze têtes étaient tombées au sol.
☆☆☆
Partie 2
Le livre auquel je m’étais référé en décidant comment je devrais agir en tant que roi était Le Prince.
Le Prince de Machiavel fut appelé « le livre du diable » et pendant des centaines d’années après sa publication, il fut attaqué par l’église chrétienne. Les parties les plus souvent distinguées étaient : « Chapitre VIII — De ceux qui sont devenus princes par des scélératesses » et « Chapitre XVII — De la cruauté et de la clémence, et s’il vaut mieux être aimé que craint.. »
Le chapitre VIII avait pour thème. « Même si un bon souverain peut perdre son pays, celui qui a saisi son État par des moyens ignobles et traîtres peut, par la suite, vivre le reste de sa vie en paix, sans subir la rébellion de son peuple. » Machiavel avait dit : « Je crois que cela découle de la mauvaise utilisation de la cruauté ».
En outre, au chapitre XVII, il avait aussi annoncé que les hommes étaient des créatures égoïstes, et si on leur demandait de faire du mal à l’une des deux personnes, ils choisiraient de faire du mal à une personne qu’ils aimaient au lieu de le faire à une personne qu’ils craignaient. Cela signifiait « il est beaucoup plus sûr d’être craint que d’être aimé ».
Il avait également dit. « Quand un prince est avec son armée, il est tout à fait nécessaire pour lui de ne pas tenir compte de la réputation de la cruauté, » indiquant également. « Hannibal de Carthage n’a fait face à aucune dissension parmi ses troupes ou contre lui-même, que ce soit dans la victoire ou dans la défaite. Cela ne vient de rien d’autre que sa cruauté inhumaine. »
L’église chrétienne, qui avait prêché l’amour, avait attaqué ces portions de texte, en disant. « Qu’est-ce que cela veut dire ? Recommande-t-il que les princes, qui devraient régner par la vertu, se livrent à des actes de cruauté !? » Cela les avait mis en colère, et Le Prince avait été interdit.
Puis, en partie à cause de sa réputation établie en tant que livre du diable, son contenu n’avait pas été examiné de près, les énoncés extrêmes ayant reçu le plus d’attention. Il en était arrivé au point où des erreurs de lecture telles que « Le Prince approuve l’usage de la cruauté » ou « Le Prince dit de massacrer tous ceux qui s’opposent à vous » étaient apparues sans contestation. On avait également vu des appels occasionnels pour réévaluer cette tendance.
Cependant, ce que je voulais dire avec fermeté était que : Machiavel n’a pas donné beaucoup de détails sur les cruautés.
Au chapitre VIII, il avait dit : « Celui qui usurpe un État doit déterminer et exécuter tout d’un coup toutes les cruautés qu’il doit commettre, pour qu’il n’ait pas à y revenir tous les jours, et qu’il puisse, en évitant de les renouveler, rassurer les esprits et les gagner par des bienfaits. Celui qui, par timidité ou par de mauvais conseils, se conduit autrement se trouve dans l’obligation d’avoir toujours le glaive en main, et il ne peut jamais compter sur ses sujets, tenus sans cesse dans l’inquiétude par des injures continuelles et récentes. Les cruautés doivent être commises toutes à la fois, pour que, leur amertume se faisant moins sentir, elles irritent moins ; les bienfaits, au contraire, doivent se succéder lentement, pour qu’ils soient savourés davantage. » Mais quand il s’agit du contenu pour le démontrer, il avait seulement énuméré des faits historiques, et à aucun moment Machiavel lui-même n’avait dit. « Faites-le comme ça ! »
C’était la même chose au chapitre XVII. Il avait crédité les actes merveilleux d’Hannibal à sa cruauté inhumaine, mais il n’avait pas précisé quelle était cette cruauté. Maintenant, quelles étaient ces cruautés que Machiavel disait devoir être faite en même temps, ou la cruauté qui était le fardeau qu’un prince devait supporter ?
Premièrement, Machiavel avait dit dans le chapitre XVII que, « Le prince qui veut se faire craindre doit s’y prendre de telle manière que, s’il ne gagne point l’affection, il ne s’attire pas non plus la haine » et avait noté que, pour éviter d’être détesté, « Il doit s’abstenir d’attenter, soit aux biens de ses sujets, soit à l’honneur de leurs femmes. » Puis, dans la même section, il avait dit. « S’il faut qu’il fasse périr quelqu’un, il ne doit s’y décider que quand il y aura une raison manifeste, et que cet acte de rigueur paraîtra bien justifié. »
Cela pourrait être reformulé en ça. « Même si un prince a une cause juste, il ne doit pas porter la main sur la terre, les biens ou les femmes de son sujet, et le meurtre n’est permis qu’avec une cause valable. (C’est-à-dire que le fait de tuer sans cause n’est pas permis.) »
En d’autres termes, quand Machiavel avait parlé de « l’usage des cruautés », il l’avait limité à « l’assassinat de ceux pour qui vous avez une raison. » Par conséquent, jusqu’où ces meurtres justifiables peuvent-ils être autorisés ? Est-ce qu’il disait, comme l’avait condamné l’église, que vous devriez « tuer tous vos ennemis » ?
Je savais bien que les opinions étaient partagées sur ce point, mais je croyais que la réponse était « Non. »
C’était parce que, dans le chapitre XX du Prince, Machiavel avait dit lui-même ceci : « Les princes, et particulièrement les princes nouveaux ont, éprouvé les hommes qui, au moment de l’établissement de leur puissance, leur avaient paru suspects, leur étaient plus fidèles et plus utiles que ceux qui d’abord s’étaient montrés dévoués. »
Avec ceux qui avaient pu être hostiles au début, s’ils avaient besoin d’aide pour subvenir à leurs besoins, ils pourraient être facilement gagnés à sa cause. Une fois qu’ils avaient été gagnés, ils travaillaient désespérément pour dissiper la mauvaise impression qu’ils avaient laissée, et ils étaient donc beaucoup plus utiles que ceux qui, ne s’étant pas opposés au nouveau prince au début, vivaient dans la sécurité.
Pour un exemple dans l’histoire du Japon, le féroce général qui avait servi sous Nobunaga Oda, Katsuie Shibata, devrait servir d’exemple facile à comprendre.
Quand le frère cadet de Nobunaga s’était révolté contre lui, Katsuie s’était au début rangé du côté du frère cadet, mais s’était ensuite rendu et était devenu son vassal. De là, Katsuie rendit un service distingué sous Nobunaga et devint son principal serviteur. Cependant, si ses efforts avaient été jugés insuffisants, il aurait pu être banni comme Hidesada Hayashi, qui s’était rendu avec lui. Cela avait dû faire partie de la raison pour laquelle Katsuie avait travaillé avec un tel désespoir.
Maintenant, revenons sur le sujet. Ce que Machiavel voulait dire quand il parlait de « cruauté » n’était pas « Assurez-vous de tuer tous ceux qui vous opposent », ou quelque chose comme ça.
Par conséquent, que voulait-il dire exactement ?
Pour répondre à cela, il fallait se tourner vers les exemples historiques que Machiavel avait utilisés de « cruautés bien utilisées. »
Quand Syracuse avait été attaqué par les Carthaginois, Agathocles avait trompé et tué les sénateurs et les personnes influentes, puis, une fois qu’il avait consolidé son propre pouvoir, il avait repoussé l’attaque carthaginoise.
Afin de s’emparer du pouvoir de sa ville natale de Fermo, Oliverotto avait trompé et tué son oncle qui était son patron avec les citoyens d’influence, puis avait tenu Fermo pour une seule année.
Quant à l’homme que Machiavel avait brandi comme son prince idéal, Cesare Borgia, il avait assassiné ceux qu’il avait réconciliés et avait consolidé son pouvoir. Parmi ceux qu’il avait tués était le Oliverotto susmentionné.
Machiavel avait approuvé ces actions. Et ce que nous pouvions voir à partir de ces exemples, c’est que la cible des cruautés était des alliés dans votre propre camp.
Les sénateurs, qui auraient pu être des alliés en tant que membres du même camp, mais qui auraient entravé ses politiques.
Le père qui empêchait quelqu’un de devenir prince. Et enfin, ceux qui s’étaient réconciliés et devenaient des alliés, mais qu’on ne pouvait pas faire confiance sur le fait qu’il n’allait pas se retourner contre lui une fois de plus.
Ces sortes d’alliés gênants, ou pour le dire plus fortement, les ennemis potentiels dans son propre camp, avait été la cible des cruautés selon Machiavel.
On pouvait en dire autant de la « cruauté » au chapitre XVII.
Hannibal aurait été craint par ses hommes à cause de sa cruauté inhumaine, mais si nous devions juger la qualité de cette « cruauté », en regardant l’exemple contrasté qu’il donnait de Scipion, ce qu’il voulait dire par là commençait à apparaître. Scipion était un grand général, mais ses hommes le trahirent, et les gens sous son règne se révoltèrent contre lui. La raison en était que sa trop grande indulgence l’empêchait de punir ses partisans quand ils se livraient à des abus.
En bref, Machiavel disait qu’Hannibal, qui était l’opposé de Scipion, était capable de condamner correctement ses alliés, ce qui le rendait craint par ceux qui servaient sous ses ordres, et peu importe qu’il ait gagné ou perdu, ils ne l’avaient jamais trahi.
Si nous pensions à la cible du « bon usage des cruautés » de Machiavel comme étant des alliés qui pourraient à l’avenir devenir des ennemis, avec son autre affirmation dans Le Prince que lorsque les États voisins sont en guerre, vous devez indiquer clairement de quel côté vous êtes, car si vous essayiez de rester neutre, vous échoueriez généralement. Nous pouvions commencer à voir quelles étaient les pensées sous-jacentes de Machiavel.
Fondamentalement...
« Ne faites pas confiance aux opportunistes qui rejoignent le camp qui gagne en ce moment. »
... C’était à peu près ça.
Machiavel avait servi comme diplomate à une époque où l’Italie était en proie à des intrigues et des trahisons.
Il avait dû voir d’innombrables cas où les choses avaient été poussées sous le tapis parce que quelqu’un ne voulait pas en faire beaucoup. Et tout cela pour finalement finir par voir ceux dont les transgressions avaient été oubliées devenant une source majeure de problèmes plus tard. C’est pourquoi il avait dit que, même si elle était jugée « cruelle », la source de la maladie devait être tranchée à sa racine.
C’est pourquoi j’avais fait décapiter ces douze nobles.
Plus de dix hommes vêtus de noir se tenaient derrière les douze nobles décapités. Leurs visages étaient couverts de tissu noir, et ils portaient des vêtements noirs qui ressemblaient à des tenues de ninja. Dans leurs mains, ils tenaient des épées ensanglantées. Cela rendait évident qu’ils étaient ceux qui avaient décapité les nobles.
L’intrusion soudaine et le meurtre avaient fait que tout le monde déglutit. Mon expression était restée inchangée. Hakuya n’avait pas changé d’un iota son expression. Mais nous étions les seuls dans ce cas.
« Hein !? Souma ! » s’exclama Liscia.
« Sire ! Vous autres, qui êtes-vous ? » cria Aisha.
Liscia et Aisha avaient toutes deux dégainé leurs épées et s’étaient avancées afin de me protéger, mais j’avais simplement posé une main sur l’épaule de chacune d’elles.
« Ça va. Ce sont mes subordonnés, » dis-je.
Liscia s’exclama. « Vos subordonnés... Hein... !? »
Tandis que Liscia semblait toujours perplexe, l’un des hommes en noir s’approcha. Alors que les autres hommes portaient tous des vêtements noirs quelconques, celui-ci était le seul qui portait une armure noire laquée. Il avait près de deux mètres de haut, avec une corpulence musculaire qui était visible même à travers son armure. De son cou vers le bas, il ressemblait à une sorte de Chevalier Noir, mais son visage était recouvert d’un masque de tigre noir. L’homme au masque de tigre noir s’agenouilla devant moi, inclinant la tête. « Maître. La mission est terminée. »
L’homme dans le masque de tigre noir avait une voix grave qui convenait à son apparence.
Liscia inhala de surprise. « Cette voi... quo !? »
Liscia avait commencé à dire quelque chose, mais j’avais tenu son épaule plus serrée. Liscia me regarda avec surprise, mais quand je secouai la tête... il semblait qu’elle avait compris ce qui se passait. Elle avait doucement rengainé son épée.
Quand j’avais regardé Excel, elle semblait également avoir compris la situation générale. Il y avait une légère colère pas tout à fait cachée dans son sourire.
« Je vais insister... pour avoir une explication appropriée de tout cela plus tard, » elle semblait dire ça silencieusement. Quand une beauté comme elle se fâchait, c’était un spectacle incroyable à voir.
Je sentis un vent froid me couler le long de ma colonne vertébrale alors que je tapotais Aisha sur l’épaule, qui n’avait toujours pas baissé sa garde.
« Aisha, rengainez également votre épée, » dis-je.
« M-Mais..., » dit-elle.
« Son nom est Kagetora... “Le Tigre de L’Ombre.” Il est le chef de l’agence de renseignement, les Chats Noirs, qui relèvent directement de ma personne, » dis-je.
Alors que je disais ça, les agents des Chats Noirs avaient brandi leurs épées devant eux à l’unisson.
J’avais été pris par les services secrets de l’Empire à Van, la capitale d’Amidonia, alors j’avais récemment organisé cette unité sous mon commandement direct pour me concentrer sur les opérations de renseignements.
Pour être plus précis, j’avais considérablement augmenté le nombre d’agents qu’avait déjà Hakuya, affiné leurs compétences, amené Kagetora avec ses superbes capacités de commandant pour les diriger, puis les réorganisais en une unité sous mon commandement direct.
Il s’agissait d’une unité avec beaucoup de mystères. Les identités des membres étaient inconnues. On ne savait pas non plus pourquoi, bien que l’unité n’ait été que formellement organisée l’autre jour, ils pouvaient déjà agir dans un tel unisson.
Le plus grand mystère était l’identité de Kagetora. La façon dont il avait commandé son unité comme si ces membres étaient ses propres bras et jambes. C’était presque comme s’il était un général-vétéran, mais y avait-il quelqu’un comme ça dans ce pays ? Qui pourrait-il être ? Personne ne connaissait sa véritable identité.
« ... Eh ! Souma, » Liscia demanda lentement. « Est-ce que Kagetora... »
« Personne ne connaît sa véritable identité. Compris ? » demandai-je.
« Ah, d’accord..., » répondit-elle.
Liscia avait l’air de ne pas savoir quoi dire, mais elle hocha la tête. J’avais immédiatement donné un ordre à Kagetora et aux Chats Noirs.
« Une fois que les corps des nobles auront été éliminés, contactez les unités de l’Armée Interdite qui sont à l’affût autour de leurs demeures. Ils doivent charger et sécuriser des preuves. S’il y a une résistance, supprimez-la. »
« À vos ordres, » répondit Kagetora.
Les Chats Noirs avaient immédiatement commencé à nettoyer les corps dès qu’ils entendirent l’ordre.
Kagetora regarda Liscia une dernière fois, puis quitta la grande salle. Une fois qu’ils étaient tous partis, Liscia m’avait regardé d’un air un peu sec.
« ... Vous allez m’expliquer tout ça après, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.
« Oui. Je le sais déjà, » dis-je. « Mais je ne sais pas par où commencer... »
« Peut-être que vous pourriez commencer par expliquer pourquoi vous avez tué les nobles, » déclara Liscia.
« Eh bien, oui, ce serait votre première question..., » dis-je.
J’avais lentement commencé à expliquer mes raisons pour ce meurtre.
« Maintenant, quant à la raison pour laquelle ces douze personnes devaient mourir, ils étaient aussi connectés à Amidonia, » dis-je. « C’est quelque chose que Hakuya et Georg avaient confirmé à travers leurs enquêtes indépendantes. »
« Voulez-vous dire qu’ils étaient des espions pour Amidonia ? » demanda-t-elle.
J’avais hoché négativement ma tête. « Ce n’est pas tout à fait exact. J’ai dit “aussi”, n’est-ce pas ? Ils étaient connectés à Amidonia, aux nobles corrompus, et aussi à notre côté. »
« Hein !? Que voulez-vous dire par là... ? » demanda Liscia.
« Ils étaient des opportunistes, » dis-je. « Ils sont du côté de ceux qui gagnent. »
Ces nobles avaient toujours coopéré avec ceux qui étaient du côté des vainqueurs, afin d’éviter eux-mêmes les ennuis.
Quand le royaume avait été en déclin, ils avaient eu des connexions souterraines avec la Principauté d’Amidonia. Quand la guerre civile avait éclaté, ils avaient soutenu les nobles corrompus dans l’ombre, tout en restant eux-mêmes non impliqués. Ils avaient toujours fomenté le mécontentement tout en assurant comme ça leur propre sécurité. Ils avaient fait ça seulement en pensant à leur propre profit et à leur propre conservation.
« Ils ont profité en fournissant des fournitures et du personnel aux groupes de résistance, et si le camp gagnant était le vainqueur, ils écraseraient leurs alliés actuels pour gagner des acclamations pour eux-mêmes, » dis-je. « Si la suspicion se tournait vers eux, ils fomenteraient la rébellion ailleurs, de façon à empêcher l’enquête de les rattraper. Il semble qu’ils l’ont fait encore et encore sous le règne de votre père. »
Ayant appris ce qui se passait dans les coulisses pendant le règne de son père, Liscia était à court de mots. « Non... »
« Maintenant, ce qui les rendait dangereux, c’est qu’ils ne se sont jamais directement rebellés, » dis-je. « Quand l’avantage était de notre côté, ils agissaient presque comme des vassaux loyaux, il était donc difficile de les traduire en justice. C’est parce que quand les choses se passaient selon nos plans, ils faisaient leur travail. »
Après quelques secondes, je continuai à parler. « Plus un dirigeant est confiant dans sa capacité à maintenir le pouvoir, plus il a de patience, plus il veut faire confiance à ses vassaux, et plus il tombera dans un piège comme celui-là. Il penserait. “Si je peux construire une administration stable, ça devrait aller. Il n’y a pas besoin de réduire le nombre d’alliés que j’ai,”. »
« Mais... ne les avez-vous pas fait tuer ? » demanda Liscia.
« C’est parce que je ne vois pas mon règne être stable, » répondis-je. « En fait, je pense qu’un jour je serai peut-être obligé de rester au carrefour du destin. Quand ce moment viendra, je vous garantis que ces opportunistes m’auraient certainement blessé. Je ne veux pas que vous, ou Aisha, ou Juna, ou l’une des personnes qui m’est importante soit blessée, et puis j’aurais alors pensé : “Si seulement je m’étais occupé d’eux à l’époque”. Si cela arrivait, je deviendrais probablement fou. Voilà pourquoi, ici et maintenant, j’ai décidé d’étouffer tout ça dans l’œuf. »
Dans Le Prince de Machiavel, il avait dit ceci. « J’imagine qu’il peut être vrai que la fortune dispose de la moitié de nos actions, mais qu’elle en laisse à peu près l’autre moitié en notre pouvoir. »
Dans ce monde, l’ascension ou la chute d’une personne serait décidée selon que ses actions étaient adaptées à l’époque où elle vivait. Cependant, cela ne peut être jugé que par ceux qui viendront plus tard. Nobunaga Oda, Napoleon... Même s’ils étaient des génies en leur temps, une fois que les temps ne leur correspondront plus, ils seraient détruits.
Machiavel avait comparé la fortune à une rivière en furie.
Il avait dit que, si le changement soudain de la fortune ne pouvait pas être arrêté, si l’on se préparait à ce changement, son flux pouvait être rendu moins effréné et dangereux.
L’important était de ne pas être optimiste sur sa situation, mais d’être résolu et de faire ce qui devait être fait quand cela devait être fait.
À ce propos, Machiavel avait dit : « La fortune est femme. Pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse. Elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu’à ceux qui agissent froidement ». Une façon d’annoncer qui contrarierait toute féministe qui l’aurait entendu. En mettant de côté son choix de mots, afin de m’assurer que les racines de la calamité ne sont pas restées, j’avais donné l’ordre d’abattre ces douze nobles ici.
Après qu’elle ait entendu mon explication, Liscia hocha lentement la tête. « Je comprends votre raisonnement, Souma. Que ferez-vous des Maisons de Saracen et de Jabana, celles que vous avez fait sortir ? »
« Permettez-moi d’expliquer cela, » déclara Hakuya s’avançant d’un pas. « Les Maisons de Saracen et de Jabana avaient travaillé aux côtés des douze autres sous leurs anciens chefs, mais cette connexion entre eux s’était rompue avec leur mort. L’actuel chef de la Maison des Saracen, Sire Piltory, est un beau jeune homme qui excelle à la fois avec la plume et l’épée, tandis que le chef de la Maison Jabana, Sire Owen, est un homme au sang chaud, sobre et honnête. On peut compter sur eux pour servir Sa Majesté sans duplicité. Je crois que vous pouviez voir cela de la façon dont ils ont agi tout en étant conduits hors de la grande salle. »
« ... Donc, vous avez alors montré une certaine discrétion sur qui devait être exécutée, » déclara Liscia.
« C’est exact, » répondit Hakuya en hochant la tête. « Ceux qui ont été exécutés l’ont tous été pour une raison ou pour une autre. Maintenant, nous étudions leurs demeures dans la capitale, recueillant des preuves de ce que c’était pour chacun d’entre eux. La punition pour le crime et la découverte de la preuve sont dans le mauvais ordre, ce qui n’est guère louable, mais je vous demande de nous comprendre. »
Après avoir dit ça, Hakuya baissa la tête.
Il essayait probablement de me soutenir. En lui disant que je n’avais pas tué ces douze personnes sur ma seule suspicion, il essayait d’empêcher que cela fasse quelque chose d’étrange à ma relation avec Liscia.
Liscia semblait comprendre aussi cela, alors elle n’insista pas davantage. « D’accord. Je comprends pour ces douze, mais si les deux autres étaient d’accord avec vous, Souma ? Les auriez-vous aussi tués ? »
Hakuya secoua négativement la tête. « Dans ce cas, le plan était pour moi de les provoquer. Bien que, s’ils avaient tenté de gagner la faveur de Sa Majesté comme les douze autres Maisons, nous aurions eu peu d’utilité pour eux après ça. »
« Vous aviez pensé aussi loin..., » Liscia me regarda, scandalisée.
Non, ce genre de plan qui impliquait de lire les caprices du cœur des gens est le rayon de Hakuya, pensai-je. Je pense que je n’ai pas cette personnalité désagréable...
Me voyant détourner les yeux, Liscia laissa échapper un soupir de résignation. « Alors, qu’arrive-t-il maintenant à Carla et à son père ? »
« ... J’arrive à ça, » j’avais marché pour me tenir devant un Castor enchaîné. Ayant vu tout ce qui venait de se dérouler, il avait l’air stupéfait. La lame qu’il s’attendait à tomber sur son cou était tombée sur celle d’un autre. Il n’était pas étonnant qu’il soit si perplexe.
« Castor Vargas, » dis-je. « Parce que vous avez refusé de tenir compte de mon ultimatum, vous êtes coupable de trahison. »
Castor inclina la tête. « ... Je comprends. »
Puis il baissa la tête encore plus bas qu’avant, posant cette fois-ci son front contre le sol. « Voilà pourquoi, je vous en supplie. Ce crime est seulement de mon fait. Alors, s’il vous plaît, épargnez la vie de Carla. »
« Vous n’êtes pas celui qui décide de cela, » dis-je, froidement. « Ceci est votre jugement. Votre crime de trahison est évident... Cependant, comme Piltory et Owen l’ont dit plus tôt, je reconnais votre contribution à ce pays en l’ayant protégé pendant plus de cent ans. J’ai déjà pris votre poste, vos terres, vos biens et même votre nom de famille. Par conséquent, je vais épargner votre vie, et cela uniquement. »
Je m’étais tourné vers Excel, qui regardait silencieusement pour voir comment les choses se développaient.
« Castor sera laissé sous votre garde, » dis-je à Excel. « Cependant, il lui est interdit d’entrer dans l’ancien Duché de Vargas, et aussi interdit de contacter son fils Carl, ou la mère de son garçon, Accela. Excel, votre beau-fils est celui qui a fait tout ça, alors vous devrez le surveiller de près. »
« Ah ! ... D’accord. Il sera fait selon vos ordres. » Il y avait des larmes dans les yeux d’Excel alors qu’elle effectuait une révérence.
Quand elle releva son visage, j’avais vu sa bouche prononcer les mots « Merci beaucoup, » vers moi. Je n’avais affiché aucune réaction, passant à Carla.
Même si son père avait été épargné, Carla portait encore une expression calme.
« Carla, » dis-je, « vous êtes coupable du même crime. De plus, vous n’avez pas le parcours distingué de Castor quant au fait d’avoir protégé le pays pendant cent ans. C’est triste à dire, mais je ne vois pas comment je pourrais diminuer votre punition. »
« ... Je comprends, » répondit-elle rapidement.
« A -Attendez ! Tuez-moi à la place ! » s’exclama Castor, enfonçant presque son visage contre le sol en désespoir de cause. « Carla a levé sa lame sur vous à mes ordres ! Alors, laissez mes anciens faits d’armes être utilisé pour Carla... »
« Emmenez-le loin d’ici, » ordonnai-je.
Mes assistants l’avaient alors traîné hors de la pièce. Il avait continué à crier. « Je vais prendre sa place ! » jusqu’à ce qu’il soit sorti de la pièce, mais je n’étais pas obligé de l’écouter.
Une fois que les choses s’étaient calmées, j’avais continué. « Vous avez clairement commis le crime de trahison. Cependant, si je laissais le cerveau de ça, Castor, vivre, cela me ferait mal de tuer sa fille. Par conséquent, je vais épargner votre vie, mais vous allez vivre comme une esclave. Vos propriétaires seront la famille royale... c’est-à-dire Liscia et moi-même. »
La deuxième plus lourde punition dans ce monde était les travaux forcés en tant qu’esclave criminel. Il n’y avait pas de telle chose comme l’emprisonnement à vie. Ceux qui deviendraient des esclaves criminels, à moins d’être amnistiés, seraient forcés de faire un dur labeur sans fin dans des endroits comme les mines de charbon. Bien que, dans le cas de Carla, parce que j’avais choisi de donner sa propriété à la famille royale, elle ne serait pas obligée d’aller trimer jusqu’à sa mort dans les mines de charbon et elle sera gardée dans la maison royale comme servante qui devait être d’une soumission absolue.
« ... D’accord, » Carla avait accepté mon ordre, hochant faiblement la tête.
Excel était sur le point de dire quelque chose, mais elle s’abstint finalement de le faire. Elle devait avoir décidé qu’il valait mieux ça par rapport au fait qu’elle soit tuée. Hakuya ferma en silence les yeux, tandis qu’Aisha était agitée par l’atmosphère de la pièce. Et enfin, Liscia avait regardé ce que je ferais en silence, son expression étant restée immuable.
« Je vous donnerai d’autres indications plus tard, mais, pour l’instant, j’ai un ordre à vous donner, » dis-je.
« ... Comme vous le souhaitez, » répondit-elle.
Je m’étais approché de Carla, qui penchait la tête, puis je m’étais accroupi à côté d’elle avant de murmurer un certain ordre pour qu’elle soit la seule à pouvoir l’entendre. Les yeux de Carla s’étaient écarquillées.
☆☆☆
Partie 3
Quand Souma murmura silencieusement l’ordre, je doutai de mes propres oreilles.
« ... S’il en est ainsi, alors, tuez-moi, » m’avait murmuré Souma.
Quand il avait vu mes yeux s’élargir de surprise, Souma m’avait regardée avec un regard sérieux sur son visage. « Pas maintenant, bien sûr. Si je deviens un tyran, je veux que vous soyez celle qui m’arrêtera. Avec votre capacité martiale, ne pourriez-vous pas facilement me tuer ? »
Le tuer s’il devient un tyran... !? Pourquoi me disait-il ça si soudainement ? Me demandai-je.
J’avais gardé ma voix basse alors que je lui demandais ça. « Pourquoi diriez-vous ça ? Et pourquoi à moi, entre toutes les personnes vivantes ? »
« Parce que les autres dont Liscia ne pourraient pas le faire, » Souma murmura, un sourire troublé présent. « À un moment donné, je me suis retrouvé entouré de nombreuses personnes dont je me souciais énormément. Tout récemment, je me suis fiancé à une autre personne en plus de Liscia. Je parle d’Aisha, qui est là-bas. »
Il s’est fiancé à cette elfe noire sans que j’en entende parler !? pensai-je, stupéfaite. Est-ce que Liscia l’a accepté ? Bien, connaissant sa personnalité, elle est probablement pragmatique à ce sujet...
« Eh bien... Félicitations ! » murmurai-je.
« Merci, » murmura-t-il en réponse. « Donc vous voyez, j’ai de plus en plus de personnes qui m’importent. En soi, c’est une bonne chose, mais quand je pense à ce qui se passerait si, un jour, je devenais ivre de pouvoir et devenais un tyran... ça commence à me faire peur. Si cela arrivait, je me demande si Liscia, ou les autres, pourraient m’arrêter comme ils le devraient. Comprenez-vous ça ? »
« Liscia vous arrêterait, » murmurai-je. « Vous connaissez bien sa personnalité collet monté. »
« Pourrait-elle vraiment le faire ? » rétorqua-t-il toujours en murmurant. « Bien sûr, si je commençais à me livrer à trop de débauche, ou si je commençais à massacrer les citadins, elle me réprimanderait pour ça. Mais si j’avais une bonne justification, tout comme je l’ai fait cette fois-ci, le ferait-elle vraiment ? Les purges individuelles ne sont pas vraiment un problème en elles-mêmes. Mais quand ils se produisent à plusieurs reprises, vous atteignez finalement un point de non-retour. Quand cela arrivera, Liscia, ainsi que les autres, pourront-ils m’abandonner ? »
C’est... Non, probablement pas, réalisai-je.
« Ce n’est pas à moi de le dire, mais... Liscia est amoureuse de vous, » murmurai-je. « Si vous tombez en enfer, je suis sûre qu’elle sera là à côté de vous. »
Liscia était une fille trop sérieuse et trop dévouée. Probablement, peu importe ce qui se passerait, elle suivrait Souma loyalement jusqu’à cette fin amère.
Souma hocha la tête. « Je le sais. Aisha ressent la même chose. Pensez-vous que Juna ferait peut-être pareil ? De toute façon, il y a beaucoup de personnes qui essaieront de souffrir à mes côtés. Je ne veux pas ça. S’il y avait une révolution en réponse à mon règne tyrannique, ce ne serait pas seulement moi qui serais exécuté, mais également Liscia et les autres personnes qui comptent pour moi. Je ne veux pas que Liscia, ou une autre personne finissent comme Marie Antoinette. »
Marie... qui ? pensai-je.
Alors que j’avais encore un point d’interrogation planant au-dessus de ma tête, Souma murmura avec un air sérieux. « C’est pourquoi, Carla, avant que ceux dont je me soucie puissent souffrir avec moi, je veux que vous preniez le rôle de mettre fin à tout ça. »
« ... Je suis maintenant une esclave, » murmurai-je. « Vous devrez déjà savoir que si je tue mon maître, le collier va me tuer. »
« Oui, » murmura-t-il en retour. « Donc, s’il vous plaît, ne le faites que si vous êtes également prête à mourir. Et, si je parviens à remettre la couronne à la génération suivante, je vais vous libérer de tout ça. »
Cet homme... il dit les choses les plus incroyables comme si elles n’étaient rien pour lui, pensai-je, assommée devant tout ça.
Souma m’avait dit que s’il devenait un tyran, je devais devenir la lame qui le frapperait. Puis, après l’avoir tué, je devrais mourir. En me gardant à ses côtés comme son esclave, il espérait m’utiliser comme un moyen de dissuasion personnelle contre le fait qu’il devienne un tyran.
« Vous ne... montrez vraiment aucune pitié, » murmurai-je.
« Je m’efforce de faire tout ce qui est nécessaire pour ceux dont je me soucie, » murmura-t-il.
« Je pensais vis-à-vis de vous-même, » murmurai-je. « Bien que je suppose que le sens est toujours à l’envers. »
J’avais pensé la même chose dans la bataille avec Amidonia, mais cet homme se traitait beaucoup trop mal. S’il ne prenait pas mieux soin de lui-même, il allait causer beaucoup de soucis à ceux qui l’entouraient.
Liscia, tu es tombée amoureuse d’un homme vraiment pénible..., pensai-je pour moi même.
C’était vrai. Afin de protéger d’un avenir triste la vie amoureuse de ma meilleure amie, j’avais décidé d’agir comme son moyen de dissuasion.
Assise tout droit, je m’étais alors très largement inclinée. « J’ai entendu votre ordre. Jusqu’à ce que vienne le jour où je devrais agir, je vais travailler de mon mieux pour vous, en priant pour que ce jour n’arrive jamais. »
Souma hocha la tête de satisfaction face à ma réponse. « En ce moment, nous n’avons aucun travail destiné exclusivement à une esclave. Pour l’instant, vous rejoindrez le groupe des servantes. Mais... eh bien... Euh, vous obtiendrez les détails de la femme de chambre en chef par vous-même. »
Alors qu’il m’avait donné cet ordre, il avait semblé un peu hésitant vers la fin. Je me demandais ce qui se passait, alors j’avais suivi le regard de Souma pour voir une belle servante qui semblait avoir une vingtaine d’années et qui sourirait joyeusement.
Alors que je me demandai ce qui se passait avec elle, je réalisai que Liscia regardait dans ma direction, et qu’une expression de pitié absolue était présente sur son visage.
... Hein !?
***
Avec le procès de Castor et de mon amie Carla, Souma, Aisha et moi retournions au bureau des affaires gouvernementales quand soudainement, Souma trébucha devant nous.
« Souma ! » criai-je.
« Sire ! » cria Aisha.
Quand Aisha et moi avions essayé de le soutenir, Souma avait mis une main sur le mur. « Je vais bien. J’ai simplement trébuché, » répondit-il alors qu’il faisait un signe pour nous d’arrêter avec sa main libre.
« Mais..., » dis-je.
« Tout va bien, » dit-il. « J’aimerais être seul pendant un petit moment. »
Puis il était allé dans le bureau des affaires gouvernementales par lui-même.
De l’aperçu que j’avais eu de son visage de profil, il semblait pâle et malade. Laissée seule dans le couloir, j’avais entamé une conversation avec Aisha, qui avait également été laissée là et se tenait à mes côtés dans un état second.
« Il y a un instant, il était dans son état habituel, » dis-je. « Mais que pensez-vous qu’il lui est arrivé tout à coup ? »
« Je ne suis pas moi-même entièrement sûre de ça, » répondit Aisha. « Cependant... »
« Cependant ? » demandai-je.
« Il ressemblait à un soldat revenant de sa première bataille, » répondit-elle, affichant un air troublé. « Comme quelqu’un... qui venait de tuer pour la première fois. »
« Vous voulez dire par là qu’il se sent mal de la façon dont il a tué les douze nobles ? » demandai-je.
Mais Souma ne l’avait-il pas fait parce qu’il avait cru que c’était nécessaire ? Si c’est le cas, il n’avait rien à regretter. D’ailleurs, Souma avait connu sa première bataille dans la guerre avec la Principauté d’Amidonia. Il avait renversé le prince Gaius VIII d’Amidonia, et il avait fait exécuter les nobles corrompus après cela. Ce n’était pas une première pour lui.
Quand je lui avais souligné ça, Aisha hocha négativement la tête. « C’est de la pure spéculation de ma part, mais lorsqu’il l’a fait avec Gaius, c’était dans une situation de “tuer ou d’être tué”. Les nobles corrompus avaient clairement manifesté leur intention de se rebeller contre lui. Cependant, dans le cas de ces douze nobles, ils ne tentaient pas dans l’immédiat de nuire à Sa Majesté. Même s’il sait qu’il serait dangereux de les laisser en vie, il se demande quand même si c’était la bonne décision de les tuer. Dans son cœur, peut-être qu’il ne peut pas tout à fait accepter cela. »
Aisha regarda, inquiète, la porte du bureau des affaires gouvernementales.
Il ne peut pas accepter ça... Hmm..., pensai-je.
... Tout à fait. Je pensais que l’interprétation d’Aisha était correcte. J’avais entendu de la bouche même de Souma qu’il venait d’un monde paisible. Il n’y avait pas eu de guerres depuis quelque temps.
Parce qu’il était venu d’un monde comme ça, Souma détestait vraiment que des personnes meurent. Mais il n’était pas trop optimiste pour penser que tout pouvait être pris en charge sans sacrifices. Voilà pourquoi les politiques de Souma avaient toujours été axées sur la minimisation du sacrifice tout en maximisant le gain.
C’était un état d’esprit naturel pour le dirigeant d’une nation. Cependant, dans le propre cœur de Souma, il n’était pas si insensible qu’il pouvait accepter même ces sacrifices minimisés.
« Hé, Aisha, » dis-je. « Que faites-vous pour soutenir un soldat comme ça ? »
« Eh bien... Je n’ai jamais fait partie de l’armée, donc je ne suis pas experte en la matière. Mais j’entends souvent qu’il vaut mieux leur faire oublier ça, » répondit-elle.
« Leur faire oublier ça ? » répétai-je.
« J’entends par là que leurs officiers supérieurs et les soldats plus âgés les inviteront à boire du vin et que des femmes viendraient également pour les aider à se défouler, » répondit Aisha. « C’est le genre de chose que seul le temps peut guérir, donc ils les empêchent d’y penser trop profondément et de se briser. »
Du vin, ou l’autre chose... Hmm, pensai-je pour moi-même. Dans ce cas...
***
Le procès avait commencé à midi. Maintenant, c’était vraiment la nuit.
J’étais allongé seul dans mon lit. Le bureau des affaires gouvernementales était complètement noir avec toutes les lumières éteintes.
Il y avait beaucoup de travail pour moi. Mais, juste pour aujourd’hui, j’avais demandé à Hakuya de me laisser me dérober à mes devoirs. Je n’avais pas la volonté de faire quoi que ce soit. Hakuya l’avait compris. Je souhaitais vraiment pouvoir m’endormir. Mais, contrairement à cet espoir, j’étais toujours éveillé.
Si j’utilisais juste un peu ma tête, ça pourrait aider à m’endormir, alors j’avais décidé de réfléchir si l’exécution était justifiée ou non.
En l’examinant sur le long terme, je pensais que l’exécution des douze nobles avait été nécessaire. Si je les avais laissés en vie, et si quelqu’un avait été blessé par la graine de la calamité qu’ils sèmeraient, j’étais sûr que je l’aurais regretté. Mais, eh bien... maintenant, je tenais désespérément ma poitrine, essayant de ne pas regretter de les avoir tués.
« Toutes les cruautés doivent être menées d’un seul coup. »
« Un prince ne doit pas se préoccuper d’une réputation de cruauté. »
« Pour éviter la destruction, il vaut mieux choisir de se battre. »
« Quand le moment de votre décès arrive, il est trop tard pour les regrets. »
J’avais sans cesse retourné dans ma tête les idées de Machiavel. Mais tout ce que je faisais était à la recherche d’une excuse.
Si je devais regretter quelque chose, je préférais que j’aie choisi un chemin qui ne blessait pas ceux dont je me souciais le plus. Je pensais m’en être convaincu avant de prendre la décision, et je me sentais mal à l’aise d’avoir encore hésité malgré cela.
Pendant que je réfléchissais à ça, la porte s’ouvrit soudainement. J’avais simplement bougé la tête pour vérifier, et Liscia et Aisha se tenaient là devant moi.
Dans un vêtement plutôt provocateur...
« Hein !? » J’avais réagi sous le choc.
Elles portaient toutes les deux ce qui ressemblait à de minces robes de chambre qui descendaient à peine là où cela masquerait un hypothétique sous vêtement.
Peut-être qu’elles ne portaient rien sous les robes, parce que le décolleté qui se dégageait de l’endroit où les deux parties de la robe se rencontraient, ainsi que les cuisses nues qui sortaient de dessous... tout cela était terriblement captivant. Dans la lumière qui venait du couloir au-delà de la porte ouverte, les courbes de leurs silhouettes étaient accentuées d’une manière provocatrice. Cela faisait ressortir la taille d’Aisha et sa silhouette galbée, tandis que le corps bien équilibré de Liscia était également magnifique.
C’était peut-être un peu trop pour moi d’encaisser tout ça à la fois, mais je les avais regardées pendant un moment, ravi du spectacle.
... Honnêtement, si je n’avais pas été si déprimé à ce moment-là, toute la raison aurait probablement disparu par la fenêtre en un instant. Cependant, dans mon état d’esprit actuel, tout semblait plus comme une mauvaise blague.
« ... Qu’est ce que vous croyez faire là ? » demandai-je.
Mon ton était si effrayant que je m’en étais moi-même étonné. Non, ce n’était pas ce que j’aurais dû dire, et je le savais bien. C’était comme si je relâchais ma frustration sur elles.
J’avais gardé mon ton aussi calme que possible et je m’étais corrigé. « Je croyais vous avoir demandé de me donner du temps pour moi. »
« Nous ne pouvons pas vous laisser seul quand vous êtes comme ça. Pouvons-nous maintenant venir ? » Liscia avait rejeté mes objections alors qu’elle venait vers moi avant de s’asseoir sur le bord du lit où j’étais couché.
Aisha avait également dit. « P-Pardonnez moi pour l’intrusion, » et après ça, elle était venue de l’autre côté de Liscia avant de s’asseoir poliment à côté de moi.
Si j’avais tourné ma tête à gauche ou à droite, il y avait chaque fois les fesses d’une belle fille. Je ne pouvais que couvrir mes yeux avec un bras, regardant droit devant moi. « Qu’est-ce que c’est... ? Qu’est-ce que vous voulez vous deux... ? »
« C’est... Eh bien... vous pourriez dire que nous voulons vous aider à oublier..., » répondit Liscia.
« Pardon ? » demandai-je, totalement abasourdi.
« En tout cas ! Vous pouvez faire ce que vous voulez avec nous ! » s’écria Liscia.
« C-Comme c’est la première fois que je fais une telle chose, alors je compte sur vous, Votre Majesté !! » cria Aisha.
« Vous pouvez faire ce que vous voulez avec nous »... « Je compte sur vous » que disent ces deux-là ? pensai-je.
« Écoutez... Je ne suis pas d’humeur pour le moment, » dis-je.
« Ohh, si seulement nous avions eu Mademoiselle Juna ici avec nous, » déclara une Aisha déçue.
Non, en ce moment, Juna est en train de s’occuper de la procédure de transfert de la Marine, compris ? soupirai-je... Oh, peu importe. Je suis sûr qu’elles le font parce qu’elles sont inquiètes.
Pendant que je pensais ça, Liscia avait commencé à gigoter. « Hmm, Souma... »
« Quoi ? » demandai-je.
« Il fait un peu froid ici, alors pour l’instant, ne peut-on pas vous rejoindre sous les couvertures ? » demanda Liscia.
Elle tremblait donc, euh... Eh bien, c’est normal. Car après tout, nous sommes presque en hiver. Elles doivent avoir froid dans ces tenues, pensai-je.
Avant que je puisse dire. Ce ne serait pas un problème si vous vous étiez habillée correctement, les deux filles s’étaient précipitées sous mes couvertures. Il s’agissait d’un lit simple, ce qui en faisait que nous avions à peine la place pour trois personnes. Et donc, inévitablement, les deux arrivantes s’étaient retrouvées collées contre moi. C’était assez proche pour que je puisse sentir leurs cœurs battre.
« Wôw, » déclara Liscia. « C’est agréable et chaud, Hmm... »
« Effectivement, » dit Aisha. « Je pourrais facilement m’endormir comme ça. »
« Toutefois, vous savez, ceci est ma chambre et mon bureau, » je ne pouvais que faire un sourire ironique en réponse à leurs commentaires. Cependant... Eh bien... c’était effectivement vraiment chaud.
Mes soucis d’avant semblaient fondre. Voilà à quel point la chaleur des autres filles était importante. En ayant simplement quelqu’un à côté de moi, mon cœur s’était senti plus léger.
Je pouvais me rappeler que je les protégeais et que je voulais les protéger.
« Vous deux, » dis-je.
« Hm !? » dit Liscia.
« Quoi ? » demanda Aisha.
« Merci beaucoup, » dis-je.
Au moment où j’avais dit ça, elles avaient toutes les deux souri alors qu’elles étaient placées de chaque côté de moi.
Puis, peut-être parce que nous étions tous fatigués, nous nous étions tous les trois endormis.
☆☆☆
Épilogue : La Paix est Encore Lointaine
Cet endroit était maintenant la garderie qui avait été créée depuis un bon moment dans le château. C’était surtout un endroit où les personnes qui travaillaient dans le château, comme les femmes de ménage, laissaient leurs enfants.
« Monsieur le Roi ! Viens jouer avec nouuus ! » cria l’un des enfants.
« Monsieur le Roi, laisse-nous aller sur tes épaules ! »
Je ne disais rien.
Assis sur le tapis, un adorable petit garçon aux oreilles de loup d’environ trois ans jouait avec une fillette humaine. Pendant ce temps, une fille aux oreilles de chat qui avait à peu près le même âge avait occupé mes genoux et elle s’amusait dessus. La queue de chat qui avait poussé à son arrière-train se balançait frénétiquement d’avant en arrière.
« Hmm, je ne peux pas actuellement me lever. Alors, monte par toi-même, » dis-je.
« « Super ! » » les enfants crièrent.
Deux enfants qui étaient couchés sur le sol avant ça commencèrent à grimper sur mon dos. Eh oui, ils étaient sacrément adorables. Je m’étais habitué à les prendre sur mes épaules et à ce qu’il touche mon visage.
« Hehe. Votre Majesté, vous êtes vraiment populaire auprès des enfants, » Tomoko, la mère biologique de Tomoe, ma petite sœur bien-aimée, nous regardait avec un sourire alors qu’elle pliait le linge des enfants.
Quand nous avions pratiquement forcé Tomoe à devenir ma petite-sœur adoptive, nous avions aussi demandé à Tomoko de s’installer ici pour travailler à l’école maternelle. À ce propos, le petit garçon qui utilisait sa main couverte de bave pour toucher mon visage en ce moment était son fils aîné (le vrai petit frère de Tomoe), Rou.
« Grand frère, » déclara Tomoe. « Je suis contente que vous jouiez avec Rou et ses amis. Mais êtes-vous sûr que ça va ? Est-ce que Grande Sœur ne sera-t-elle pas encore en colère contre vous... ? »
Tomoe, qui était restée ici afin d’aider sa mère alors qu’elle n’avait pas à travailler avec des rhinosaurus, était occupée à apaiser un bébé. Quand j’y pense, Tomoe n’avait que dix ans. Quelle enfant bonne et fiable qu’elle était !
« C’est bon, » dis-je. « Je n’ai plus de gros arriérés de travail à franchir. D’ailleurs, j’ai laissé mes Poltergeists Vivants dans le bureau des affaires gouvernementales pour continuer le travail. »
« Oh, je vois, » répondit Tomoe. « Alors, vous pouvez jouer pendant la journée. N’est-ce pas gentil, Rou ? »
« Ouais ! » Rou leva la main droite.
Il est trop mignonnnnnn, pensai-je.
J’aimais vraiment les enfants. Je pourrais les regarder marcher avec de petits pas hésitants pendant toute la journée. Cela stimulait une envie protectrice présente en moi. Quand ma grand-mère et mon grand-père étaient en vie, j’avais après tout souvent été aidé à lire des livres à l’école maternelle locale.
Après ça, j’allais jouer avec les enfants pendant un certain temps.
« C’est une vision incroyable de votre personne, Maître, » déclara une voix féminine.
Au moment où je m’étais retourné pour voir qui m’avait parlé, Carla se tenait là. Elle était dans une tenue de femme de ménage.
« Eh bien, je ne veux pas entendre ça de votre part, Carla, » dis-je.
« ... Je suppose que c’est vrai, » dit Carla, en baissant les épaules. Car franchement, quand je la regardais...
« C’est terrifiant à quel point cet uniforme de femme de chambre vous va mal, » dis-je.
« S’il vous plaît, ne me dites pas ça... J’ai la même impression que vous, » dit-elle.
Pour commencer, Carla était un dragonewt, donc elle était déjà venue avec plus d’accessoires qu’une personne normale. Elle avait une queue, des ailes de dragon et de petites cornes. Si vous lui faisiez porter un uniforme de femme de chambre, c’était trop de traits de caractère empilés sur une personne, et elle rayonnait de trop de personnalité.
« Pour couronner le tout, la jupe de cette tenue n’est-elle pas très courte ? » demandai-je.
« N-Ne regardez pas ! » dit Carla en tenant le devant de sa jupe.
Les servantes du château portaient des tenues de femmes de ménage classiques avec des jupes longues, mais avec celui que Carla portait en ce moment, elle semblait plus appropriée pour travailler dans un café à servante. La jupe ne descendait qu’au-dessus de ses genoux, et c’était une tenue de femme de chambre très aérée. Cela faisait d’autant plus ressortir sa silhouette.
« Arg... la femme de chambre en chef... a dit de porter celui-ci..., » Carla marmonna, énervée.
« Ahh... Je pensais bien que ce pourrait être le travail de Serina, » dis-je.
La femme de chambre en chef, Serina, était une femme de chambre talentueuse, mais elle avait un côté sadique réservé aux filles mignonnes comme elle. Apparemment, elle aimait leur faire porter des tenues embarrassantes, puis regarder les filles passer par la honte et l’agonie provoquée par ça.
De plus, plus une fille était forte, plus elle aimait les brimer, ce qui signifiait que Liscia et Carla étaient au milieu de sa zone de frappe favorite. Liscia m’avait raconté des histoires avec un regard distant et mélancolique dans les yeux.
Que Bouddha sauve ces deux-là.
« Mais bon... Cela ne fait-il pas une semaine depuis le début ? » demandai-je. « Votre période d’entraînement est-elle maintenant terminée ? »
« E-Entraînement... Argg... Ahh..., » Carla avait serré sa tête.
Non, mais, sérieusement, qu’est-ce qui vous est arrivé ? Me demandai-je. N’étiez-vous pas sensé seulement être formé aux compétences de base dont vous aurez besoin dans le cadre de votre travail de femme de chambre ?
« Le... Le fouet..., » murmura-t-elle.
« Fouet !? » m’exclamai-je.
« Elle a utilisé le fouet... pour me frapper..., » continua-t-elle.
« Était-ce si violent ? » demandai-je.
« De plus, c’était spécial, avec un sortilège magique présent dessus, » répondit Carla. « Ça ne laissait pas une marque là où elle m’a frappé... Mais... Il générait pour moitié de la douleur et pour moitié un grand plaisir. »
Qu’est-ce qu’il y a avec ce fouet ? Ce n’est pas pour discipliner, alors n’est-ce pas pour les briser ? pensai-je.
« Selon la femme de chambre en chef, “La douleur vous empêche de céder au plaisir, tandis que le plaisir vous permet de supporter la douleur en chatouillant vos côtes.” Bien que je sois tombée pour devenir une esclave et une servante, je ne me laisserai pas réduire à l’inutilité, alors j’étais déterminé à apprendre correctement mon métier, mais... ce fouet me fait peur. Peut-être que ce serait plus facile si j’avais pu tomber dans le plaisir... »
« C’est parce que les troupes de servantes sont les chiennes du maître, » une voix déclara ça, toute joyeuse. « Nous n’avons aucune utilité pour une truie pervertie. »
« HAAAAA!? » Carla hurla.
Quand elle se retourna, Serina se tenait là avec un léger sourire. Étant donné ce que venait de faire Carla, qui avait courageusement plongé dans le champ de bataille et qui là avait hurlé comme ça... à quel point Serina était effrayante ?
« Y a-t-il un problème, Sire ? » demanda Serina.
« ... Non, ce n’est rien, » dis-je.
Désolé, mais tant qu’elle n’a pas de vue sur moi, je vais jouer l’ignorance, pensai-je. Ça va aller, Carla. Je suis sûr que vous ne mourrez pas... Physiquement, au moins. Émotionnellement, je n’en suis pas si sûr.
« Alors, Carla, » déclara Serina en faisant un large sourire. « Je crois que je vous ai demandé de faire le lit de Sa Majesté dans le bureau des affaires gouvernementales, n’est-ce pas ? »
« Heu, eh bien... Ramasser les couvertures d’un homme que je connais personnellement est bien trop embarrassant, alors je..., » commença Carla.
« Qu’est-ce que vous racontez ? » demanda Serina. « Si vous vous appelez vous-même une femme de chambre, alors quand Sa Majesté et la princesse seront [censuré], et vous devrez faire le lit où ils auront [censuré] et [censuré] alors que tout sera [censuré] de [censuré], tout en gardant un visage impassible. »
« Je-j’espère vraiment qu’au moins, vous m’épargnerez ça ? » Carla avait dit ça alors que son visage tournait rapidement vers une nuance de rouge vif.
Attendez, hein ? Liscia et moi n’avons-nous pas été indirectement mis dans l’embarras ici aussi ? Je me sentais vraiment gêné en ce moment.
Cerise sur le gâteau, Tomoe avait demandé à sa mère, « Maman, c’est quoi [censuré] ? », laissant sa mère dans une situation où elle avait du mal à répondre.
Ne dites pas des choses devant un enfant qui vont affecter leur développement émotionnel, pensai-je.
Alors que je pensais ça, Serina inclina la tête sur le côté. « À ce propos, Sire. Est-ce que ça va aller pour vous ? »
« Hein !? » m’exclamai-je.
« Eh bien, c’est juste que je vois quelqu’un courir après vous, Sire, » déclara Serina en souriant.
Après que Serina avait dit cela avec un sourire, je m’étais retourné pour voir.
« Oh, merde ! » dis-je.
J’avais fait descendre Rou de mon dos, puis j’avais essayé en toute hâte de fuir, mais... J’avais été saisi fermement par le col.
« Gwah! » criai-je.
« Gahahah! Je vous cherchais, Votre Majestééééé ! »
Au moment où je m’étais retourné, un homme musclé qui commençait tout juste à montrer des signes de vieillesse, avec ses cheveux gris peignés en arrière et une barbe de la même couleur, se tenait là avec un sourire autoritaire.
Quand j’avais jugé Castor et Carla, il était l’un des deux nobles qui n’avaient pas été intimidés par moi et avaient continué à les défendre. Il s’agissait du chef de la Maison de Jabana, Owen Jabana.
Après le procès, je l’avais embauché en tant qu’éducateur personnel et conseillé (et entraîneur d’arts martiaux). Je parlerai plus à ce sujet plus tard dans une parenthèse.
Oh ! Au fait, comme pour l’autre personne qui les avait défendus, Piltory Saracen de la Maison des Saracen, quand j’avais expliqué les mauvaises actions de l’ancien chef de la maison (son père), il avait dit. « Ma parole... Je ne peux pas croire que mon père ait fait de telles choses. Je ne peux pas vous offrir une excuse appropriée. Sachant ce que je sais maintenant, je suis prêt à vous servir jusqu’au bout, Sire. Je passerais par n’importe quel péril pour vous. »
Il semblait penser de la façon dont vous pourriez attendre d’un jeune homme sérieux de la noblesse, alors je lui avais donné la mission très dangereuse qu’il cherchait. La mission d’être « l’Ambassadeur spécial dans l’Ambassade du Royaume d’Elfrieden qui sera établie dans l’Empire du Gran Chaos ». Nous étions encore dans une phase expérimentale, donc on ne pouvait pas dire jusqu’à quel point l’extraterritorialité le protégerait.
Maintenant, retour à Owen.
Owen était le type qui pouvait vociférer la vérité à ceux qui le dominaient.
De son propre aveu. « Ces vieux os n’ont plus rien à perdre. Je vais vivre le peu qui reste de ma vie pour être fidèle à moi-même ! »
Il avait dit qu’il ne lui restait pas beaucoup de temps, mais j’avais l’impression que même si je le tuais, il reviendrait d’une manière ou d’une autre jusqu’à moi...
Si je gardais quelqu’un comme ça à mes côtés, qui pouvaient dire en toute franchise la vérité à son dirigeant, cela réduirait mes chances de m’éloigner du bon chemin. Alors même que j’avais peut-être ordonné à Carla de mourir pour m’arrêter si cela arrivait, je préférerais partir à la retraite sans me faire tuer.
Donc, après quelques discussions, j’avais pris Owen à mon service pour qu’il m’aide à m’éduquer, mais...
« Gahaha, Sire ! Si vous étiez libéré de tout travail administratif, vous auriez dû me le dire ! Venez, nous allons commencer notre entraînement pour la journée ! » déclara Owen.
J’étais resté silencieux.
Il semblait que, dans l’esprit d’Owen, l’éducation comprenait l’éducation physique, et chaque fois que j’étais libéré de mes tâches administratives, il essayait de m’entraîner. S’il m’attrapait, cela signifiait que je devais courir, faire des exercices, simuler des batailles, tout ce qui se trouvait au menu d’entraînement pour un soldat nouvellement recruté.
« Non, j’ai Aisha qui m’entraîne déjà, donc..., » dis-je.
« Qu’est-ce que vous dites là ? La Princesse de la Forêt Protégée par Dieu, madame Aisha, est trop gentille avec vous, Sire ! Elle ne fait que vous entraîner avec vos marionnettes ! » répondit-il.
« Vous êtes trop bruyant ! » dis-je. « Mais, si j’utilise mes marionnettes, au moins je peux me battre. »
« Et que ferez-vous quand vous vous trouvez dans une situation où vous ne pouvez pas les utiliser ? » demanda Owen. « Votre vie est la vie de ce pays lui-même. Si un assassin vous attaquait, si vous pouvez repousser les attaques de l’ennemi pendant quelques passes d’armes, ou même uniquement une passe d’armes, vos gardes du corps pourront arriver à temps jusqu’à vous. Cette passe d’armes décidera de la vie ou de la mort de notre pays. Cette passe d’armes apportera la gloire à notre pays. »
Arg. Parce qu’il avait raison, il n’y avait rien que je puisse dire. Alors que j’avais baissé mes épaules, Carla, que Serina avait également saisie par le col, me regarda avec un peu de sympathie.
« Maître, je vois que vous avez aussi du mal..., » déclara Carla.
« Vous aussi, » dis-je sans émotion.
« Venez ! Venez ! Sire ! Nous allons au terrain d’entraînement ! » déclara Owen.
« Vous aussi, Carla, » gronda Serina. « Vous devez vous dépêcher et apprendre à faire un lit. »
Et donc, nous avions tous deux été traînés dans des directions différentes.
Quelques jours plus tard, nous avions reçu un rapport qu’une rébellion avait éclaté à Amidonia.
***
« Après tout, c’est comme si mon frère ne pouvait pas gagner, » déclara Roroa.
Dans une chambre d’une auberge dans une ville près de Van, la première princesse d’Amidonia regarda les deux personnes se trouvant avec elle. L’un d’eux, l’ancien ministre des Finances, Colbert, secoua la tête.
« Ce pays a déjà été vaincu, » déclara Colbert. « Les négociations visaient seulement à limiter les dégâts. Je pense qu’il est trop dur de blâmer le Seigneur Julius. »
Julius dégagea une impression froide, mais il évalua à sa juste valeur la capacité de Colbert en matière de finance et, en partie à cause de leur âge rapproché, les deux avaient formé une amitié. Colbert n’avait pas pu se résoudre à critiquer son employeur et ami.
Roroa sourit ironiquement à Colbert, le voyant agir ainsi. « Peut-être pas, mais s’il y a des réparations de guerre à payer, ceux qui souffrent seront les habitants de la ville. Nous l’appelons la capitale, mais c’est juste une cité. La zone autour d’elle n’est pas si productive. Ne devrait-il pas laisser le royaume la garder un moment et éviter de prendre la responsabilité de la guerre ? Nous ne sommes pas encore totalement battus, et si nous laissions le territoire tel quel, l’Empire et le Royaume ne pourraient rien dire de plus. Si cela nous avait permis de surmonter la crise actuelle, il lui resterait un certain nombre de mouvements qu’il aurait pu jouer. »
Roroa avait dit ça comme si ce n’était pas une grosse affaire.
Sébastien, l’autre personne qui était avec elle, haussa les épaules. « Tout le monde ne pouvait pas accepter cela si facilement. Les personnes n’agissent pas uniquement sur l’arithmétique des profits et pertes. Vous voyez, nous avons tous des choses auxquelles nous sommes émotionnellement attachés. Le Seigneur Julius en a, vous en avez aussi... et je suis sûr que le jeune roi d’Elfrieden en a aussi. »
« Moi et Souma également ? » demanda Roroa.
« Oui, » répondit Sébastien. « De la même manière que l’esprit d’Amidonia était précieux pour le Seigneur Gaius et le Seigneur Julius, les sourires des hommes et des femmes qui vivent dans la principauté sont précieux pour vous, n’est-ce pas ? Seriez-vous capable de les mettre de côté parce que votre arithmétique vous le dit ? »
« ... Je vois, » répondit Roroa.
C’est vrai, c’est ce que je veux protéger, pensa Roroa. Est-ce que Souma a aussi quelque chose à quoi il est attaché, que cela soit rentable ou non ?
« Tu as rencontré Souma, n’est-ce pas, Sébastien? » demanda-t-elle. « En regardant les émissions, il semblait être un gars intelligent et drôle. Qu’as-tu pensé en le rencontrant en personne ? »
« Eh bien, laissez-moi réfléchir... Il ressemblait à un jeune homme ordinaire, capable d’écouter les opinions des autres et, plus que toute autre chose, il donnait l’impression d’être quelqu’un qui appréciait les personnes qui lui étaient proches. »
« Le contraire complet de mon vieux père, hein, » Roroa hocha la tête. « Mais, dans ce cas, il y a encore une chance. »
Roroa secoua son poing fermé en cercles. C’était le geste qu’elle avait fait avant de lancer des dés en jouant à un jeu de société.
« Cela fonctionnera-t-il en ma faveur ou non ? Je pensais que mes chances étaient de cinquante-cinquante, mais peut-être qu’après tout ce n’est pas si mal comme pari. Il fera un bon adversaire pour le plus grand pari de la vie d’une fille célibataire. »
« Princesse... Êtes-vous absolument certaine de cela ? » demanda Colbert.
Colbert affichait un regard inquiet, mais Roroa avait dit d’un air sérieux. « Nous devons le faire. Oncle Herman va garder les choses sous contrôle dans le sud. Mais quelque chose sent le poisson mort au nord. Nous avons des informations disant que les forces de l’État Pontifical Orthodoxe de Lunaria s’étaient approchées de la frontière. »
Sur ce continent, il y avait deux religions majeures, les adorateurs de la Matriarche Dragon et l’Orthodoxie Lunaire. Le centre de cette dernière foi, l’État Pontifical Orthodoxe de Lunaria, était une théocratie dangereuse dotée d’un système de valeurs unique. Avec ce pays qui semblait sur le point de mourir, ils pourraient essayer quelque chose.
Roroa se leva, se tourna vers les deux autres personnes puis elle frappa dans ses mains. « Maintenant, voici où nous allons devoir agir. À partir de maintenant, nous ne laisserons pas mon frère, l’État pontifical, ou Souma faire ce qu’ils veulent. Nous serons les derniers à en rire ! »
Roroa parlait fièrement, gonflant sa maigre poitrine.
Puis, mentalement, elle ajouta. Et, Souma, vous allez rire avec nous. Bien que, contrairement au nôtre, le vôtre sera probablement un sourire crispé !
Roroa sourit comme une enfant espiègle qui venait de trouver un nouveau tour à faire.
☆☆☆
Histoire courte en prime : Le pacte secret d’Aisha et Juna
— Fin du 10e mois, 1 546e année, Calendrier Continental — Château de Parnam
« Aisha, puis-je vous demander de mettre cette commode ici, s’il vous plaît ? » demanda Juna.
« Compris, » répondit Aisha.
Aisha plaça lentement la commode qui était plus grande qu’elle dans le coin de la pièce. Même après avoir porté seule une commode assez lourde pour faire trembler la pièce quand elle l’avait posée, Aisha n’était même pas légèrement essoufflée.
Juna avait fait un sourire désolé à Aisha. « Merci. Et aussi... Je suis désolée. Je ne devrais pas vous obliger à faire ça, à vous qui serez la deuxième reine primaire de Sa Majesté. Vous m’aidez dans mon déménagement... »
Aisha avait ri. « Hahaha, ce n’est pas assez de poids pour me causer de vrais soucis. En outre, Madame Juna, vous serez aussi l’épouse de Sa Majesté un jour, de sorte que nos positions sont égales. »
C’était arrivé il y a quelques jours. Elles étaient toutes les deux fiancées au roi Souma Kazuya d’Elfrieden. Actuellement, seules ses fiançailles avec Aisha avaient été rendues publiques, mais il avait été décidé que ses fiançailles avec Juna seraient annoncées lorsque son travail comme idole serait dans une situation qui serait propice.
Cependant, annoncé ou non, c’était un fait qu’elles étaient ses fiancées, et ainsi une chambre avait été faite au Château de Parnam pour Juna. Pourtant, s’il avait engagé des accompagnateurs supplémentaires pour l’aider, il y aurait eu un risque que les détails de leurs fiançailles soient divulgués au public, alors Aisha utilisait sa force pour l’aider dans son déménagement.
« C’est tout, je crois. Faisons une pause, » suggéra Juna.
« D’accord, » répondit Aisha.
Elles s’assirent après ça toutes les deux à une table et demandèrent à l’un des domestiques qui attendaient dans le couloir d’aller chercher de l’eau bouillante. Juna transféra l’eau que la servante apporta dans une théière en verre avec des feuilles de thé, puis attendit un peu avant de verser deux tasses de thé.
« J’ai reçu de la tisane au Lorelei, le café chantant où j’étais hébergée avant, comme cadeau d’adieu, » déclara-t-elle. « Bien que ce ne soit pas comme si j’allais quitter Parnam. »
« Madame Juna, allez-vous vivre au château à partir de maintenant ? » demanda Aisha.
« Oui. » Juna acquiesça. « C’est proche du studio du Joyau de Diffusion de la Voix, et de plus... si je dois servir d’intermédiaire entre Sa Majesté et Grand-mère, il me semble qu’il vaille mieux que je sois aux côtés de Sa Majesté le plus souvent possible. »
« Hmm... Est-ce vraiment tout ce qu’il y a comme raison ? » Aisha demanda avec un sourire significatif en savourant son thé.
Juna avait abandonné et avait avoué en riant. « Bien sûr, même si je n’avais pas ces raisons, je voudrais être aux côtés de Sa Majesté. »
« Hourra, hourra ! » Aisha sourit, ayant entendu exactement ce qu’elle voulait entendre.
Juna déposa sa tasse de thé, posant ses coudes sur la table en regardant Aisha. « Aimez-vous vraiment Sa Majesté ? »
« Bien sûr, » répondit Aisha. « Le jour de notre première rencontre, j’ai juré corps et âme à Sa Majesté. »
« Mais n’était-ce pas un serment de loyauté en tant que guerrière elfe sombre ? Quand avez-vous commencé à le considérer comme un homme ? » demanda Juna.
« Cela devait être... quand le désastre a frappé la Forêt Protégée par Dieu, » répondit Aisha avec un regard de tendre nostalgie. « Je suis assez confiante en ma propre force quant au fait que je ne perdrais pas contre n’importe quel homme. »
« Je sais. J’en suis bien consciente, » Juna hocha la tête. Il aurait été juste d’appeler Aisha la plus forte du royaume. Ce n’était pas seulement qu’elle ne perdrait pas dans un concours de force contre n’importe quel homme, mais c’était aussi le cas en combat singulier. Aisha pouvait submerger même les vétérans aguerris au combat.
Aisha secoua la tête en silence. « Pourtant, là, ma force ne signifiait presque rien. Alors que mes capacités martiales me permettaient de me frayer un chemin à travers n’importe quel bain de sang, j’étais impuissante devant la puissance de la nature. Quand le village m’a appris la nouvelle, je suis restée là sans savoir quoi faire. C’est alors que Sa Majesté a dit. “Laissez-moi faire !”, » déclara Aisha avec un large sourire. « Il a dit “Je n’ai aucune force, mais je suis en mesure de faire bouger beaucoup d’individus.” Et “S’il y a des vies qui peuvent être sauvées, alors je vais en sauver autant que je le peux”. L’homme que je croyais plus faible que moi, qui avait besoin de ma protection, était plutôt celui qui me protégeait. Cela m’a rendue si heureuse, et il était si fiable... Je me suis accrochée à la poitrine de Sa Majesté et j’ai pleuré. »
« Oui... Je comprends pourquoi vous êtes tombée amoureuse de lui. » Juna était satisfaite. Quelqu’un qu’elle croyait plus faible qu’elle avait montré qu’il était fort d’une autre manière et il avait été capable de la protéger. C’était aussi ce qui avait convaincu Aisha.
« Je voudrais aussi vous poser la même question, Madame Juna, » déclara Aisha. « Vous avez été envoyée par la Duchesse Walter comme agent de liaison, n’est-ce pas ? Vous étiez en contact avec Sa Majesté dans le cadre de votre mission, alors quand êtes-vous venue à désirer ardemment être avec lui ? »
« C’est une bonne question, » dit Juna. « Je pense que dans mon cas, j’ai été attiré par la faiblesse de Sa Majesté. »
« Sa... “Faiblesse” ? » demanda Aisha.
« Oui. Juste avant de lancer l’ultimatum, Sa Majesté se mettait à rude épreuve, » déclara Juna.
Aisha avait séjourné dans la Forêt Protégée par Dieu pendant ce temps, elle n’en avait entendu parler que par les autres, mais elle savait que Souma se sentait épuisé par le conflit à venir avec les trois ducs et la Principauté d’Amidonia.
« Malgré cela, il faisait une belle façade au profit de la princesse Liscia, » poursuit Juna. « Il n’a pas dû vouloir lui montrer sa faiblesse. Le fait de regarder Sa Majesté travailler pour porter le lourd fardeau de gouverner le pays, même avec cette fragilité... J’en suis venue à penser, que ce soit en tant qu’agent de liaison ou non, que je voulais être là pour l’appuyer. »
« Je vois... Ça vous ressemble beaucoup, madame Juna. » Aisha fit un signe de tête satisfait et mit un biscuit à thé dans sa bouche. « Mmf, qu... d j’y p... s de ce.. e f... on... »
« Je ne comprends rien de ce que vous essayez de dire, alors continuez quand votre bouche sera vide, » déclara Juna.
« ... Excusez-moi, » dit Aisha. « Mais quand j’y pense de cette façon, c’est assez mystérieux. Nous aimons toutes les deux le même homme, et pourtant je suis tombée amoureuse de lui pour sa force, tandis que vous êtes tombée amoureuse de lui pour sa faiblesse. »
« C’est tout à fait naturel, » déclara Juna. « Les individus ont autant de visages que la lune dans le ciel nocturne. Un visage fort, un visage faible, un visage doux, un visage cruel... Je suis sûre que si on demandait à Liscia, il y a de fortes chances qu’elle soit tombée amoureuse d’un autre de ses visages. »
« Hee Hee. Je suis sûre que vous avez raison, » déclara Aisha en souriant. Mais elle avait soudain fait une expression sérieuse, se penchant de près et chuchotant à Juna, « D’ailleurs, comme nous sommes déjà seules, j’aimerais parler de ce sujet. »
« “Ce sujet” ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demanda Juna. Rien ne lui vint à l’esprit, mais elle répondit en chuchotant, prise dans l’atmosphère conspiratrice.
Les yeux d’Aisha s’écarquillèrent, comme pour dire : « Avez-vous oublié ? »
« C’était quand je suis allée à Parnam avec Sa Majesté ! » déclara-t-elle. « Cette fois, quand on est allés au Lorelei, vous me l’avez dit, vous en souvenez-vous ? Quand j’ai demandé : “Si nous étions huit, pensez-vous que nous ne pourrions avoir Sa Majesté qu’un seul jour par semaine”, vous avez répondu : “Si nous nous invitons l’une et l’autre pendant nos journées, nous pourrons avoir plus de temps avec lui”. »
« Ah..., » s’exclama Juna.
Maintenant que vous le dites, je l’ai dit, n’est-ce pas, Juna se souvient. C’était quelque chose qu’elle avait dit à Souma pour qu’il l’entende, une petite blague pour faire battre son cœur, mais apparemment Aisha avait pris cette proposition au sérieux.
« Mais, même en m’incluant, il n’a que trois fiancées, non ? » déclara Juna. « Vous aurez plus d’un jour par semaine... »
« Non. Sa Majesté est le roi, donc je suis sûre qu’il finira par prendre d’autres épouses pour des raisons politiques, » déclara Aisha. « Ça ne fait pas de mal d’y penser maintenant. »
« ... Je suppose que vous avez raison, » déclara Juna.
Juna avait convenu que plus elle pouvait passer de jours avec Souma, mieux c’était. Plutôt que d’être optimiste quant à l’avenir, il serait préférable qu’elle soit toujours à la recherche de cartes à jouer. C’est quelque chose qu’elle avait appris de l’homme qui sera bientôt son mari.
« Mais vous voudrez des jours où vous l’aurez pour vous toute seule, n’est-ce pas, Madame Juna ? » demanda Aisha.
« Oui. Et si on prenait en considération notre propre condition physique et qu’on planifiait un emploi du temps ensemble..., » répondit Juna.
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Ces pourparlers secrets s’étaient poursuivis tard dans la nuit.
☆☆☆
Histoire courte en prime : La joyeuse réunion de famille de Liscia
— Vers la fin du 10e mois, 1 546e année, Calendrier Continental — Château Parnam.
Ce jour-là, après avoir gagné la guerre contre Amidonia et traversé sans encombre les négociations d’après-guerre, l’Armée royale d’Elfrieden, dirigée par le roi provisoire Souma, fit son retour triomphal dans la capitale royale, Parnam. Liscia rendait maintenant visite à son père, l’ancien roi Albert, et à sa mère, Elisha, dans leur chambre.
« Père, Mère. Je suis de retour, » déclara-t-elle, en les saluant d’une manière formelle à l’aide d’un salut militaire. Elle était aussi venue là afin de faire son rapport.
Le couple qui était assis sur la terrasse avait accueilli leur fille avec le sourire.
« Ohh, c’est bon de te voir à la maison et en sécurité, » déclara Albert.
« Bienvenue à la maison, Liscia, » ajouta Elisha.
Liscia s’était au début sentie soulagée par leurs sourires, mais ensuite elle avait remarqué que sa petite sœur Tomoe était assise sur les genoux de sa mère, affichant un regard troublé sur son visage.
« Pas encore... » soupira Liscia. « Père, Mère... vous embêtez encore Tomoe ? »
Depuis qu’ils avaient adopté Tomoe, ils l’avaient aimée et l’avaient chouchoutée comme un chat de compagnie (bien que, vu qu’elle était une louve mystique, c’était peut-être plus précis à dire comme une louve de compagnie ?) Liscia pensait que parce qu’elle avait déjà été un garçon manqué à cet âge, et n’avait pas été une fille adorable, ils étaient heureux d’avoir une petite fille qui agissait d’une manière appropriée.
« Tomoe est aussi rentrée aujourd’hui, non ? Faites donc preuve d’un peu de retenue, » se plaignit Liscia.
« Mais cela fait si longtemps que nous n’avons pas pu la voir depuis la dernière fois, » déclara Elisha en caressant la tête de Tomoe.
Albert hocha aussi la tête. « Nous nous sentions très seuls avec nos deux filles bien-aimées parcourant Amidonia. N’est-il pas naturel que nous voulions passer du temps avec elles à leur retour ? »
« Ne voyez-vous pas l’air troublé sur le visage de Tomoe ? » demanda Liscia.
« Grande Soeur, je vais bien, vraiment. Cependant, c’est un peu trop d’honneur..., » déclara timidement Tomoe, en essayant de jouer le rôle de médiateur. Elle ne voulait probablement pas que les autres se battent pour elle.
Liscia se pinça les tempes, secouant la tête avec consternation. « Tomoe, tu ne peux pas les gâter comme ça. »
« N’est-ce pas quelque chose que tu devrais plutôt nous dire ? » lui demanda Albert.
« De qui crois-tu te moquer ? C’est vous deux qui êtes gâtés ici, » répondit Liscia.
« Liscia, viens t’asseoir avec nous. » Elisha avait laissé Tomoe descendre de ses genoux et avait fait signe à Liscia de venir.
Liscia s’était assise à contrecœur à table avec eux. Tomoe s’était assise à côté d’Albert, toute la famille était maintenant assise à la même table. Puis Elisha se leva et vint se placer derrière Liscia.
« Mère ? » demanda Liscia.
« Oh, Liscia, tu es vraiment allée jusqu’à te couper les cheveux, » déclara Elisha en passant ses doigts dans les cheveux courts de Liscia. « Les cheveux d’une fille, c’est sa vie, tu sais. Comment as-tu pu soudainement les couper comme ça ? »
« J-Je voulais montrer ma détermination à ce moment-là..., » répondit Liscia, boudant. Si elle avait hésité un peu dans sa défense, c’était parce qu’elle avait elle-même compris que, même si elle avait voulu montrer sa détermination au duc Carmine, se couper les cheveux à cette occasion avait été une décision hâtive. C’était bien que Souma ait dit. « Les cheveux courts vous vont aussi bien ». S’il avait dit. « Je préférais ça avant, » cela aurait été trop triste.
Elisha gloussa, sachant ce que ressentait sa fille. « Mais, eh bien, tu portais tes cheveux comme ça il y a longtemps. »
« L’a-t-elle fait ? » demanda Tomoe, ce qu’Elisha approuva d’un signe de tête.
« Oui. Cette fille était un garçon manqué, qui ne se comportait pas du tout comme une petite fille, » répondit Elisha.
« M-Mère ! Arrête ! Pas devant Tomoe, » dit Liscia en hâte, mais Elisha posa une main sur sa joue et poussa un petit soupir.
« Quand Liscia avait ton âge, elle rejoignait déjà les gardes du château pour l’entraînement du matin. Je voulais qu’elle fasse pousser ses cheveux pour que je puisse les attacher de façon mignonne, mais elle m’a dit : “Les cheveux longs gêneraient mon entraînement” et elle ne voulait pas les laisser pousser. »
Tandis que Tomoe l’écoutait avec admiration, Albert lui chuchota à l’oreille. « Le garçon manqué vient du côté d’Elisha. Je n’ai aucun don pour les arts martiaux, comme tu peux le voir. J’ai entendu dire que, dans sa jeunesse, Elisha était... »
« Chéri ? Disais-tu quelque chose ? » demanda Elisha avec un large sourire.
Albert s’était assis bien droit. « P-Pas un mot ! »
Pendant que Tomoe souriait avec ironie face aux bouffonneries de son père adoptif, Elisha continuait. « C’était quand tu avais quatorze ans ? Tu as soudainement commencé à les faire pousser, n’est-ce pas ? Quelqu’un t’en a-t-il parlé à l’académie ? »
« Argh..., » marmonna Liscia. Peut-être qu’Elisha avait mis le doigt dans le mile. « L’une de mes amies de classe m’a dit : “Liscia, tu es cool, mais tu n’es pas vraiment une fille, hein ?” Je me suis disputée et je lui ai dit : “Si je laisse pousser mes cheveux, alors j’aurais moi aussi l’air d’une fille,”... et je les ai laissés pousser depuis. C’est pourquoi je n’étais pas si attaché à les garder aussi longs, cependant... »
« Mais tu étais si fringante et charmante avec tes longs cheveux, Grande Sœur ! » s’écria Tomoe.
« Hahahaha, merci. » Liscia avait fait un rire embarrassé.
Elisha avait souri. « Crois-tu que tu vas les faire repousser maintenant ? »
« J’y réfléchis encore. Il est vrai qu’il m’a dit que j’étais belle dans les deux cas, » répondit Liscia.
« Tu veux dire que notre futur beau-fils l’a fait, » déclara Albert. « Je suis très soulagé de voir que vous êtes si proches. »
Liscia réalisa qu’elle en avait trop dit et avait rougi.
Albert avait laissé échapper un rire joyeux. « Si jeune et innocente. Et il y a six mois à peine, tu nous en voulais en nous disant : “Comment avez-vous pu décider de mes fiançailles sans même me consulter ?” »
« Je ne suis pas mécontente des fiançailles, mais sachez que je ne me suis pas encore remise du fait que vous en ayez décidé ainsi sans jamais me consulter ! » s’écria Liscia. « À cause de vous, nous avons traversé tant de choses au cours des six derniers mois. »
« Mais vous avez réussi à surmonter tout cela ensemble, n’est-ce pas ? » demanda Albert, regardant Liscia avec une expression de douceur sur son visage. « Au cours des six derniers mois, ce pays a commencé à changer en douceur, mais de façon significative. Cependant, rien de tout cela n’aurait pu arriver avec toi seule, Liscia. Je suis sûr que notre gendre n’aurait pas pu non plus le faire seul. Grâce à lui, qui a déblayé la route et avec ton appui, je crois que vous avez été en mesure de faire avancer ce pays de façon importante. »
« L’avons-nous vraiment fait ? » Liscia avait l’air dubitative quant à la relation qu’elle entretenait avec Souma. Depuis que Souma avait le trône, elle avait fait de son mieux pour le soutenir, mais elle n’était pas certaine de ce qu’elle avait été capable de faire. Ce n’était pas quelque chose qu’elle pouvait savoir par elle-même.
Elisha lui avait donné un sourire doux. « Tu t’en sors bien, Liscia. »
« Mère ? » demanda Liscia.
« Tu as fait plus qu’il en faut pour subvenir aux besoins de ton futur époux, » déclara sa mère. « Je me suis assise sur le trône pendant un certain temps, pour pouvoir te dire qu’avec un grand pouvoir vient une grande responsabilité. Elle broie l’âme de celui qui le tient. Naturellement, ils perdent la capacité de s’inquiéter pour les autres, et ils finissent par aussi se perdre de vue. Ça ne lui est pas arrivé. Même après avoir couru partout pour reconstruire ce pays, après avoir vécu une guerre civile et une guerre avec une force étrangère, il n’a pas oublié de prendre soin de toi. Ce collier était un cadeau de sa part, n’est-ce pas ? »
Liscia avait touché le collier autour de son cou.
« Son âme est toujours en bonne santé, » déclara sa mère. « Je ne peux pas dire s’il en est conscient ou non, mais c’est ta présence qui l’a soutenu et qui l’a fait rester ainsi. »
« Ma présence soutient Souma..., » murmura Liscia.
Je l’espère, pensa Liscia.
« Merci, Père, Mère, » déclara Liscia.
Liscia avait un sourire doux comme celui d’Elisha.
☆☆☆
Histoire courte en prime : Séance conjointe de Jeanne et Hakuya consacrée aux plaintes
Sur une idée du roi provisoire Souma, une ligne directe avait été installée entre le Royaume d’Elfrieden et l’Empire du Gran Chaos à l’aide d'un Joyau de Diffusion de la Voix.
Cette ligne d’assistance téléphonique devait permettre aux bureaucrates des deux pays de rester en contact régulier afin que des réunions puissent être organisées entre Souma et l’impératrice Maria. Cependant, parce qu’ils étaient tous les deux très occupés et qu’il y avait également un décalage horaire entre eux, il n’avait pas été facile d’organiser leur rencontre.
Par conséquent, lorsqu’il y avait des choses qui dépassaient les capacités des bureaucrates, mais qui n’étaient pas assez importantes pour que Souma et Maria doivent en discuter, le Premier ministre du Royaume, Hakuya, et la jeune sœur de l’impératrice et générale des forces armées de l’Empire, Jeanne, s’entretenaient à leur place, puis présentaient un rapport. Hakuya et Jeanne parlaient avec cette méthode en moyenne une fois tous les cinq jours afin d’échanger des informations.
D’abord, ils discutaient de questions très importantes qui nécessiteraient un rapport à Souma et Maria, puis ils échangeaient des opinions sur des questions de politique dans les deux nations, et avec le temps qu’il leur restait, ils discutaient des événements récents. Bien que ces bavardages soient presque toujours des plaintes au sujet de leurs maîtres respectifs...
La réunion d’aujourd’hui n’était pas différente. Une fois leur réunion terminée, les deux individus avaient eu une discussion animée sur tout ce qui n’allait pas avec les maîtres qu’ils servaient.
« Soupir... Pourquoi ma sœur doit-elle être si négligente ? » Jeanne s’était plainte.
« Que s’est-il passé ? » demanda Hakuya.
Jeanne avait l’air épuisée de l’autre côté de l’émetteur-récepteur simple, affichant un sourire ironique qui semblait dire : Que pouvez-vous vraiment faire, sinon rire.
« Avant, je vous ai raconté comment ma sœur avait apporté un lit au bureau des affaires gouvernementales comme Sire Souma, n’est-ce pas ? C’est arrivé l’autre jour. Comme d’habitude... et bien, c’est un problème qui, je dois l’avouer, devient lui aussi une habitude... quand elle s’est réveillée, ma sœur est allée travailler directement à son bureau, mais, allez-vous me croire ? Elle portait toujours son pyjama. C’est une pièce où les bureaucrates de sexe masculin entrent et sortent, comprenez-vous ? »
« C’est..., » Hakuya n’arrivait pas à trouver les mots pour ça.
Les rumeurs disent que la sainte de l’Empire, l’impératrice Maria, était une femme d’une grande beauté. D’après ce qu’il avait vu du beau visage de sa jeune sœur, ces rumeurs étaient probablement vraies. Ce ne serait pas bon pour les bureaucrates de voir une si belle femme travailler en habits de nuit.
Jeanne soupira encore une fois avant de déclarer à voix haute. « Heureusement, ma sœur ne dort pas en nuisette ou tout autre habit qui rendrait sa silhouette apparente. L’habit qu’elle avait couvrait tout son corps, mais quand je l’ai vue travailler en portant un bonnet de nuit plutôt que la couronne... Cette fois, je n’ai pas pu m’empêcher de lui crier dessus. “Tu es l’impératrice ! S’il te plaît, réfléchis un peu plus à la façon dont les gens te voient !” Voilà ce que je lui ai dit. »
« ... Je comprends votre douleur, » déclara-t-il.
« Je connais le fardeau qui pèse sur ma sœur, donc je ne veux pas la harceler pour qu’elle se comporte trop comme une impératrice... mais cette fois, c’était trop..., » avait gémi Jeanne.
« Je ne pense pas qu’il y avait autre chose que vous auriez pu faire, » déclara Hakuya. « Je suis sûr que si j’avais été à votre place, je l’aurais aussi grondée. »
Jeanne se sentait probablement coupable que, même si elle connaissait le lourd fardeau de sa sœur, elle devait quand même la gronder. C’était sa position. Hakuya avait essayé d’apaiser ces inquiétudes.
« Même si nous étions trop généreux et tolérions le pyjama, le bonnet de nuit est tout simplement un pas de trop, » l’assure-t-il.
« Euh !? C’est ça le problème !? » s’exclama Jeanne.
« La tête du souverain est l’endroit où repose la couronne, » déclara Hakuya très sérieusement. « Un souverain ne doit jamais se tenir devant ses vassaux avec quelque chose d’aussi décontracté à sa place. Si je voyais ça, je pourrais démissionner sur le champ. »
C’était un raisonnement étrange qu’il puisse accepter le pyjama, mais pas le bonnet de nuit. Jeanne fut embrouillée un moment, mais elle éclata bientôt de rire.
« Bwahah... Vous avez raison, on ne peut pas laisser passer le bonnet de nuit..., » déclara Jeanne.
C’était sûrement une tentative de plaisanterie de la part de Hakuya. Afin de tenter de remonter le moral de Jeanne, il avait raconté une blague ridicule avec une conclusion complètement impossible. Jeanne avait gloussé.
« Est-ce que Sire Souma a déjà fait quelque chose comme ça ? » demanda Jeanne.
« Sa Majesté n’est pas un rustre, » déclara Hakuya. « Il est plutôt méticuleux et raisonnable. Je suppose qu’on peut dire que c’est un partisan de l’efficacité. Le fait qu’il dorme au bureau des affaires gouvernementales est dû au fait qu’il pensait que ce serait plus efficace. C’est d’autant plus grave qu’il est difficile de le critiquer pour cela. »
Cette fois, c’était au tour de Hakuya d’afficher un visage aigre.
« Mais, efficace ou pas, il ne travaille pas en pyjama, n’est-ce pas ? » demanda Jeanne.
« Sa fiancée, la Princesse Liscia, le tien en laisse quand il s’agit de telles choses, » répondit Hakuya. « Travailler en pyjama... serait pire que ça, oui, mais Liscia l’a un jour trouvé endormi dans ses vêtements pour qu’il puisse aller directement au travail à son réveil. Elle l’a fait asseoir par terre pour qu’elle puisse lui en parler longuement. »
Depuis lors, Souma s’était assuré de se changer en chemise de nuit avant de s’endormir. Même le roi provisoire qui ignorerait les traditions inutiles ne pourrait pas résister à une réprimande de la princesse Liscia.
« Hee hee hee hee hee ! Ils forment un bon couple, » déclara Jeanne.
« Oui. Il se trouve que je le pense aussi, mais..., » Hakuya avait l’air d’éviter de dire quelque chose.
Jeanne inclina la tête sur le côté en questionnant. « Il y a un problème ? »
« Non... C’est juste que, récemment, la princesse Liscia semble avoir été influencée par Sa Majesté. » Hakuya pensait à Souma et aux habitudes alimentaires récentes des autres. « La vérité, c’est que récemment, Sa Majesté a cuisiné ses propres repas, voyez-vous. Depuis qu’il a acquis ce grain appelé “riz” des loups mystiques, il prépare des œufs frits et de la soupe miso pour l’accompagner. Le genre de repas qu’il peut manger avec deux bols et une seule assiette. »
« C’est... terriblement simple, » dit Jeanne.
Il était normal qu’un repas royal soit un peu plus extravagant. C’était en partie pour montrer l’autorité de celui qui se tient au-dessus des autres, et en partie parce que si un roi mangeait quelque chose de trop étrange, ses vassaux le regardaient de haut pour cela.
« Liscia ne s’est-elle pas fâchée contre lui ? » demanda Jeanne.
Hakuya soupira. « Eh bien, voyez-vous, la Princesse Liscia adore ces repas. »
« Quoi !? » s’écria Jeanne.
« La princesse Liscia a de l’expérience dans une école militaire, elle est donc habituée aux repas simples, » expliqua Hakuya. « En vérité, il semble qu’elle serait de son côté plus contrariée de devoir manger dans un style formel. Maintenant, en ce qui concerne les nouvelles reines candidates, Madame Aisha et Madame Juna, Madame Aisha vivait dans la Forêt Protégée par Dieu, et mange tout ce qui est comestible, alors que Madame Juna est de naissance commune, et elle n’a donc aucune résistance à manger ces sortes de repas. Tout à l’heure, je les ai vus tous les quatre manger ce menu avec beaucoup d’enthousiasme. »
Hakuya avait baissé ses épaules dans la consternation.
Jeanne ne pouvait que sourire avec ironie. « Je pense que c’est bien qu’ils s’entendent si bien, mais c’est un problème, n’est-ce pas ? En tant que roi d’une nation, Sire Souma devra sans aucun doute prendre d’autres épouses que ces trois-là. Quand ce moment viendra, il aura des problèmes si elles ne sont pas du genre à accepter un tel repas. »
« Précisément, » déclara Hakuya. « Je doute que la fille d’une autre famille royale ou noble le fasse. En vérité, si le nombre de personnes capables de savourer ce genre de repas avec enthousiasme augmente, ce sera aussi un problème. »
« Ma sœur se joindrait à eux sans problème, j’en suis sûre. » Jeanne imaginait sa sœur à la même table que Souma, en train de manger joyeusement un repas simple... Oui, d’une façon ou d’une autre, ça convenait parfaitement à sa sœur.
« Au fait, est-ce que par hasard ces repas sont bons ? » demanda Jeanne.
« Oh oui. Tout à l’heure, je les ai rejoints, et ils étaient vraiment très bons, » répondit Hakuya. « L’œuf au plat aromatisé au bouillon de soupe était délicieux. Il avait une saveur simple, mais profonde. »
« Ça a l’air délicieux rien qu’en vous entendant le décrire, » déclara Jeanne. « J’aurais aimé pouvoir l’essayer la dernière fois que je suis venue... Ahem. Dans ce cas, ne serait-il pas plus rapide d’utiliser cette délicieuse nourriture pour conquérir de nouvelles reines ? »
« Je suppose que je devrais considérer cet angle..., » murmura Hakuya.
Et pendant qu’ils en parlaient, le temps de leur discussion s’était terminé.
« Eh bien, Madame Jeanne, je pense que nous devrions en rester là pour aujourd’hui, » déclara Hakuya.
« Tout à fait. J’attends avec impatience notre prochaine chance de nous parler, Sire Hakuya, » déclara Jeanne.
« Moi aussi, » il s’était arrêté. « J’espère que nous n’aurons pas à nous plaindre de quoi que ce soit de nouveau le moment venu. »
« Je suis tout à fait d’accord, » répondit-elle.
Les deux individus affichaient tous les deux des sourires moqueurs lorsqu’ils avaient fermé la communication.
☆☆☆
Histoire courte en prime : Dans le camp de réfugiés
À l’extérieur des murs du château qui entouraient Parnam, la capitale du royaume d’Elfrieden, il y avait un endroit où de nombreux taudis avaient été construits. Il s’agissait d’un bidonville où vivaient les réfugiés déplacés par l’expansion du Domaine du Seigneur-Démon. Ces réfugiés, qui avaient fui ici pendant le règne de l’ancien roi Albert, vivaient en s’entraidant et en se soutenant mutuellement. L’affaire des réfugiés qui avaient fui le domaine du Seigneur Démon avait été une source d’ennuis pour toutes les nations touchées. Il avait été traité de diverses manières, allant de la conscription dans les armées et leur positionnement sur les lignes de front, à leur travail jusqu’à l’os comme une source de main-d’œuvre bon marché.
Dans cette situation, le médiocre, mais doux Albert avait toléré en silence l’existence de ce camp de réfugiés. Bien que son successeur, le roi Souma, n’ait pas été en mesure de les aider activement à s’intégrer, il avait ordonné à son ministre de la Crise alimentaire, Poncho, de leur fournir une aide alimentaire.
Pendant que Poncho était en Principauté d’Amidonia, il avait fourni une aide alimentaire d’urgence aux habitants de Van, et ici dans le Royaume Elfrieden, il avait fait la même chose.
Ainsi, Poncho portait un bandana et un tablier en forme de robe appelé kappogi (l’idée de Souma), comme une vieille dame de la cafétéria, et prenait l’initiative en servant des repas aux réfugiés.
« Nous servons de la nourriture ici, » s’exclama Poncho, debout devant un pot cylindrique, louche à la main. « Cette fois, nous avons la soupe miso des loups mystiques et une soupe de porc faite avec des boulettes de lys de la Principauté d’Amidonia. Tout le monde en rang, s’il vous plaît, et ne poussez pas et ne poussez pas, d’accord ? »
« La fin de la ligne est là, » ajouta Tomoe. « Il y en a bien assez, donc pas la peine de se dépêcher. »
Tomoe, qui malgré son statut de réfugiée, était maintenant la petite sœur adoptive du roi Souma, avait aidé Poncho. En plus de Tomoe, il y avait beaucoup d’autres loups mystiques qui aidaient à servir de la nourriture. Alors qu’ils avaient obtenu le droit de vivre dans la capitale en échange de leur savoir-faire dans la fabrication de sauce soja et de miso, les loups mystiques avaient autrefois vécu dans le camp de réfugiés. Grâce à cela, ils avaient un sentiment de camaraderie avec leurs compatriotes réfugiés et l’argent qu’ils gagnaient en produisant du miso de marque Kikkoro et de la sauce soja leur servait de soutien.
C’est alors qu’une jeune fille s’était approchée de Poncho et Tomoe alors qu’ils servaient de la nourriture. « Merci pour votre dur labeur, Poncho, Tomoe. »
La jeune fille avait environ dix-sept ans et portait des vêtements aux couleurs de terre qui rappelaient les vêtements des Amérindiens. Comme pour représenter son exubérance, c’était une fille belle, saine et athlétique avec une peau bronzée et des bras et jambes musclés. Quand ils avaient remarqué la fille, Poncho et Tomoe lui avaient souri.
« P-Pourquoi, Madame Komain. Ça fait un bail, » déclara Poncho.
« Bonjour, Komain, » dit Tomoe.
Elle s’appelait Komain. Elle était la sœur cadette du chef qui tenait tout le monde ensemble dans ce camp de réfugiés. Quand Poncho enleva son bandana et commença à s’incliner devant elle à plusieurs reprises, Komain paniqua.
« P-Poncho, ne baissez pas la tête devant quelqu’un comme moi. C’est vous qui nous soutenez. Ça me fait mal au cœur de vous voir faire ça, » déclara Komain.
« Ah !... Je-Je suis désolé, » alors même qu’il disait cela, Poncho continuait à incliner la tête devant elle. C’était le produit de sa propre personnalité timide, donc même si elle le lui avait fait remarquer, ce n’était probablement pas quelque chose qu’il pouvait corriger facilement. Komain l’avait compris, alors tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de sourire avec ironie.
« Je pense que vous pourriez vous permettre d’être un peu plus autoritaire, n’est-ce pas ? » demanda Komain.
« Argh. J-Je suppose que vous avez raison. Si Madame Serina était là, elle dirait : “En tant que personne qui se tient au-dessus des autres, s’il vous plaît, soyez plus fier de vous” et elle s’énerverait contre moi. Ahahaha..., » déclara Poncho.
Poncho affichait un sourire troublé. Depuis qu’elle avait été charmée par la nourriture qu’il préparait, la servante en chef, Serina, s’était constamment impliquée dans les affaires de Poncho. Souma l’avait remarqué et lui ordonnait formellement de l’assister de plus en plus souvent. Cependant, aujourd’hui, elle avait eu d’autres travaux à faire au château, alors Serina n’était pas présente.
« Serina ? Est-ce votre femme ? » Komain, qui ne connaissait pas Serina, pencha la tête sur le côté et demanda.
Poncho secoua la tête en hâte. « N-Non, ce n’est pas ma femme ! Bien que je compte sur elle, elle est comme une collègue. À cause de mon apparence, je suis toujours célibataire. »
Poncho répondit humblement, mais Tomoe pencha la tête sur le côté dans la confusion. La relation entre Poncho et Serina n’était-elle vraiment que celle de collègues ? Même aux yeux de Tomoe, dix ans, ils semblaient très proches.
Komain avait également réagi avec surprise. « Est-ce vrai ? Eh bien, vous avez du succès avec les femmes du camp de réfugiés, vous savez ? »
« S-S’il vous plaît, ne me taquinez pas avec des blagues comme ça, » déclara Poncho.
Poncho semblait penser qu’elle plaisantait, mais Komain disait la vérité. Le moyen le plus rapide d’atteindre le cœur d’une personne était de passer par l’estomac. Il y avait beaucoup de femmes dans le royaume, la principauté, et même ici dans le camp de réfugiés qui aimaient Poncho pour les délicieux plats qu’il faisait. Cependant, en raison de son manque de confiance en lui, Poncho ne le réalisa pas du tout. Il ne voyait pas ce genre de chose, mais Komain trouvait son humilité et son manque d’arrogance agréables.
« Nous vous sommes tous reconnaissants envers vous et au roi Souma, vous savez ? » déclara Komain. « Vous nous soutenez quand nous n’avons nulle part où aller et aucun foyer où retourner, et nous vous en remercions sincèrement. »
« Ah ! De rien, » Poncho avait ri timidement en réponse aux mots de remerciement sincères de la jeune fille.
Komain avait souri. « Je vais faire le tour et dire à tout le monde que vous distribuez de la nourriture ! »
Cela dit, elle s’était empressée de partir avec un sentiment d’urgence. La façon dont, avant qu’elle ne soit hors de vue, elle avait fait demi-tour une fois pour saluer Tomoe et Poncho était mémorable.
Poncho l’avait vue avec un sourire, mais le sourire avait disparu, remplacé par un regard pensif. Quand Tomoe l’avait remarqué, elle lui avait demandé : « Qu’est-ce qui ne va pas, Poncho ? Vous avez l’air déprimé. »
Poncho était revenu à la raison. « Ah ! Non... Je pensais à ce qui allait arriver à Komain et aux autres à partir de maintenant. »
« À partir de maintenant... ? » demanda Tomoe.
Poncho hocha la tête avec un regard solennel sur son visage. « En ce moment, nous leur offrons notre soutien, mais nous ne pouvons pas laisser les réfugiés comme ça pour toujours. La gentillesse seule ne suffit pas pour gouverner un pays. Éventuellement, Sa Majesté, le Premier ministre ou quelqu’un d’autre tentera de régler le problème sous-jacent. Komain et les autres pourraient être forcés de prendre une décision difficile. Quand ce moment viendra, j’ai peur que son sourire s’assombrisse. »
La gentillesse seule ne suffit pas pour gouverner un pays.
Les paroles de Poncho résonnaient fortement dans le jeune cœur de Tomoe. Mais...
« Ça va aller, » déclara Tomoe en souriant à Poncho.
« Mademoiselle Tomoe ? » demanda-t-il.
« Grand Frère Souma est vraiment gentil, » déclara-t-elle avec confiance. « Il n’est pas imbu de lui-même, même si c’est un roi, et il veille toujours sur moi, une ancienne réfugiée. Mon professeur... Hakuya est aussi une personne très chaleureuse, même s’il n’en a pas l’air, ne le saviez-vous pas ? Je suis son élève numéro un, et je le dis, donc je dois avoir raison. » Tomoe serra les mains derrière son dos et regarda vers le château. « Si ces deux-là ont quelque chose de prévu, ce ne sera certainement pas si dur. Je suis sûre qu’ils trouveront quelque chose. »
C’était une confiance sans fondement, mais Tomoe n’en doutait pas du tout. Elle croyait que les gens qu’elle aimait ne laisseraient jamais les gens dans la tristesse.
Poncho avait alors déclaré. « Je suis sûr que vous avez raison » et il hocha la tête. « J’aimerais faire confiance à Sa Majesté et à tous les autres. »
« D’accord ! » cria Tomoe.
« Maintenant, travaillons dur pour distribuer de la nourriture ! » Poncho était d’accord.
Quand il avait dit cela, Poncho avait retroussé ses manches et avait tenu sa louche bien haut.
☆☆☆
Histoire courte en prime : Entraînement des femmes de chambre
Cela s’était passé lors d’un bel après-midi au début de l’automne.
« Maintenant, faites comme je vous l’ai dit, » ordonna Serina.
« Ou-oui, madame ! » répondit Carla.
La femme de chambre en chef, Serina, et Carla, qui avait été affectée l’autre jour au Corps des Femmes de Chambre, étaient ensemble dans le studio de danse du Château de Parnam. Tandis qu’elles se tenaient devant un grand miroir placé sur le mur, Serina plaçait dans la tête de Carla tout le savoir-faire dont elle aurait besoin en tant que servante.
Cependant, tandis que Serina portait un uniforme de bonne avec la jupe longue classique, Carla en portait une avec une jupe évasée qui ne descendait qu’au-dessus de ses genoux et qui accentuait sa poitrine, le genre de tenue de femme de chambre qui n’aurait pas semblé déplacée dans un café japonais moderne pour les maids. Il va sans dire que c’était l’œuvre fière de la servante sadique. Carla, qui était obligée de le porter pour la première fois, était rouge vif d’embarras.
En ce moment, elle s’entraînait à marcher gracieusement avec cinq livres minces sur le dessus de sa tête. Carla avait réussi à marcher à un rythme rapide sans que les cinq livres empilés avec désinvolture sur sa tête bougent d’un millimètre.
« Hmm... Comme prévu, ceux qui ont une formation dans les arts martiaux sont à un niveau différent, » déclara Serina tenant un petit fouet, impressionnés par le fait qu’elle se tenait bien droite. « Ce doit être parce que vous avez une base solide. C’est quelque chose que la plupart des individus ont du mal à accepter au début. »
« Hehe hehe, pour un guerrier, pouvoir bouger son corps est le plus élémentaire des principes de base, » répondit Carla, gonflant sa poitrine avec fierté, comme pour dire : Qu’est-ce que tu dis de ça ?
« Ne vous emportez pas. » Serina avait fait claquer le fouet sur la croupe de Carla, ce qui l’avait fait un peu sauter.
« Outch !? » s’écria Carla.
Le fouet utilisé par Serina avait été enchanté spécialement. Il ne laisserait aucune trace là où il frappait, mais il s’attaquerait à l’endroit qu’il frappait avec un mélange de plaisir et de douleur à moitié-moitié. Apparemment, il s’agissait d’un objet d’entraînement qui utilisait le plaisir pour empêcher la victime d’essayer de se prémunir contre la douleur, tandis que la douleur l’empêchait de s’adonner à ce plaisir.
Carla protesta les larmes aux yeux, « À quoi cela servait-il, servante en chef !? »
« Je crois que je vous ai appris ceci, » déclara sévèrement Serina. « Qu’est-ce que vous dites quand on vous fait l’éloge ? »
« Ah... ! “C’est gentil de votre part de me dire ça.” » Carla se hâta de serrer les mains devant elle et lui fit un léger salut.
Serina hocha la tête. « Oui. En tout temps, une servante doit rester humble. »
« Oui, madame ! » déclara Carla.
« À ce rythme, il serait peut-être préférable que vous appreniez le reste sur le tas, » déclara Serina. « Maintenant, dois-je vous montrer comment faire les lits ? Allons à un autre endroit. »
« Oui, madame ! Bien reçu, servante en chef. » Carla dit avec un salut, recevant un autre coup de fouet de la part de Serina.
« Aïe !? » s’écria Carla.
« Ne saluez pas. On peut jurer fidélité à la maison royale, mais ce n’est pas l’armée, » déclara Serina.
« J-Je comprends, » déclara Carla, les larmes aux yeux, en frottant ses fesses douloureuses qui n’arrêtaient pas de se faire frapper.
☆☆☆
Les deux filles avaient quitté le studio de danse et elles marchaient maintenant dans le couloir vers une chambre avec un lit.
« C’est quand même un peu inattendu, » Serina avait déclaré cela tout d’un coup.
Carla inclina la tête sur le côté. Elle marchait derrière elle. « Inattendu ? À propos de quoi ? »
« Quand Sa Majesté m’a ordonné de vous former comme domestique, j’ai pensé que vous résisteriez davantage, » déclara Serina. « Parfois, une dame qui était autrefois de la noblesse est forcée de devenir une servante. Dans bien des cas, sa fierté l’en empêche et elle éprouve une résistance à l’exécution de ses tâches. Bien que vous ayez été réduite à l’esclavage, vous étiez autrefois la fille de l’un des trois ducs, n’est-ce pas ? »
« ... Je l’étais, » répondit Carla.
« J’avais pensé qu’il faudrait d’abord que je commence par écraser votre attitude hautaine. Mais, malheureusement... Je veux dire, heureusement... Je n’ai pas été obligée de faire ça, » déclara Serina.
Elle a commencé à dire « malheureusement », n’est-ce pas ? pensa Carla.
Carla avait senti un frisson couler le long de sa colonne vertébrale. Les filles coquines seraient la proie idéale pour cette femme de chambre sadique au possible. Elle briserait leur fierté et les transformerait en chiens, aptes à servir leur maître n’importe où. Carla était profondément soulagée qu’elle ne corresponde pas à ce profil.
« Il me semble que vous ayez accepté votre poste de femme de chambre, n’est-ce pas ? » Serina se retourna et demanda à Carla. « Vous étiez une noble femme et une soldate. Que pensez-vous de votre situation actuelle ? »
« Ce n’est pas comme si ça ne m’avait pas laissé un peu perplexe, » avait admis Carla. « Il y a beaucoup de travail auquel je n’ai pas l’habitude, et parce que j’étais toujours à la recherche de la gloire sur les champs de bataille, je n’ai jamais vraiment agi comme une fille. »
Ayant décidé qu’elle ne pouvait rien cacher à cette femme de chambre, Carla avait révélé ses vrais sentiments.
Le regard de Serina devint dur. « Alors... n’êtes-vous pas satisfaite de votre situation ? »
« Non ! Pas du tout ! » Carla l’avait nié en toute hâte, puis elle avait ri avec ironie et s’était gratté la joue. « Je suis un peu perplexe, mais je ne suis pas du tout insatisfaite. Au contraire, je vous suis reconnaissante. »
« Reconnaissante... vous dites ? » demanda Serina.
« Oui. Après avoir commis un crime à cause de ma propre stupidité, ma meilleure amie et celui sur lequel elle veille m’ont sauvé. Je suis sûre... que j’ai dû leur causer beaucoup d’ennuis, » répondit Carla.
Bien qu’il y avait eu les intentions de nombreuses personnes différentes en jeu, et il s’agissait d’une situation sans explication simple, mais le résultat était quand même que Carla avait participé à une rébellion contre le roi Souma. Ceux qui avaient sauvé Carla étaient sa meilleure amie, Liscia, et l’homme que Liscia aimait, le roi Souma. C’était un fait acquis qu’elle serait exécutée pour son crime, mais ils en avaient fait une esclave (et, en plus, ils l’avaient traitée comme une servante, sous prétexte qu’il n’y avait pas de travail pour les esclaves dans le château), ce qui avait dû leur causer beaucoup de problèmes.
« Je ne suis peut-être plus dans l’armée, mais je veux servir ces deux-là dans toute la mesure du possible, » déclara Carla. « C’est pour ça que je veux apprendre vite mon métier de femme de chambre. »
« ... Une belle aspiration. » Le ton dangereux de Serina avait disparu. Elle avait probablement testé la détermination de Carla en tant que femme de chambre. Elle semblait satisfaite des réponses qu’elle avait reçues.
« Oh, mais... peut-on faire quelque chose pour cette robe de femme de chambre ? » demanda Carla, remuant d’embarras. « Mes cuisses sont très exposées et ça m’inquiète... »
« Pourquoi est-ce que c’est ainsi ? » demanda Serina. « Je trouve que ça vous va très bien. »
« Mais, quand je m’accroupis, eh bien... Je crains que les gens ne voient..., » déclara Carla.
« Carla..., » déclara Serina en soupirant de consternation. « Vous êtes devenue femme de chambre après être devenue esclave. Si je vous traitais comme les autres servantes, ce serait un mauvais exemple. En fait, comment pensez-vous que vos collègues se sentent en vous voyant travailler dans cette tenue ? »
« Je pense qu’elles ont pitié de moi, » répondit Carla.
Chaque fois qu’elles la voyaient être jouée par... euh, instruite par... Serina, les autres servantes l’avaient traitée beaucoup plus chaleureusement que n’importe qui aurait pu s’attendre à traiter une esclave. C’est parce qu’avec Carla, le sadisme de Serina n’était pas dirigé vers elles (ou du moins, son attention était plus dispersée).
« Cela signifie que les vêtements que vous portez ont un sens derrière eux, » déclara Serina.
« Femme de ménage en chef..., » Carla fixa Serina dans les yeux. « ... Non, je suis presque sûre que c’est simplement parce que vous adorez ça, non ? »
« Bien sûr, » répondit Serina avec nonchalance. « Je n’en ai jamais assez de vous voir vous remuer en raison de l’humiliation. »
« Ne vous sentez-vous même pas un peu coupable ? » demanda Carla.
« Bon, allons-y. J’ai encore vraiment beaucoup de tâches à vous apprendre, » déclara Serina.
« Argh..., » Carla marmonna. « Compris... »
Les jours de souffrance de Carla ne faisaient que commencer.
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Illustrations
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