Chapitre 82 : L’ours s’ennuie
Les ventes aux magasins allaient bon train. Morin était à l’affût de nouveaux pains, et elle cherchait même comment faire de nouvelles sortes de sandwichs avec de nouveaux ingrédients. Lentement, nous avions construit notre menu.
L’adaptation des horaires d’ouverture s’était également bien passée. Les enfants s’étaient aussi habitués à leur travail, et y prenaient même goût.
Lorsque le travail de garde de Rulina et Gil avait pris fin, les enfants eurent l’air déçus. Le duo était très apprécié des enfants. Je suppose qu’ils finiront par devenir plus populaires, vu qu’ils avaient sauvé les enfants des clients grincheux.
Depuis qu’ils nous avaient quittés, les deux aventuriers avaient quitté Deboranay et s’étaient lancés dans des quêtes en solo ou avaient formé des groupes temporaires. De temps en temps, ils venaient dans la boutique en tant que clients.
Aujourd’hui, j’utilisais la porte de transport d’ours pour aller à la capitale afin de voir la princesse Flora. (J’adore la téléportation instantanée.) Comme la maison d’ours se trouvait dans un quartier relativement huppé, il n’y avait pas beaucoup de gens qui passaient par là. La route principale, par contre, était bondée, comme d’habitude.
Lorsque j’avais atteint la porte du château, les soldats m’avaient jeté un regard attentif. Mais au moment où je m’étais rapprochée d’eux, ils semblaient savoir qui j’étais.
« Yo. J’aimerais voir la princesse. Est-ce d’accord ? »
J’avais sorti ma carte de guilde de mon sac à ours. J’avais un permis d’entrée pour le château enregistré sur ma carte. Quand je présentais la carte, je pouvais faire apparaître le permis d’entrée en y versant du mana. Personne ne pouvait voir ce permis d’entrée autrement.
Quel était mon but ? Voir Mlle Flora, bien sûr. Je ne pouvais toujours pas entrer pour voir la princesse sans surveillance, alors ils m’avaient dit d’attendre pendant qu’ils appelaient Ellelaura. Cela n’avait pas pris longtemps.
« Yuna, ça fait longtemps ! »
« C’est bon de te revoir, Ellelaura. »
« Es-tu venue voir Mlle Flora ? »
« Oui, juste pour rattraper le temps perdu. »
J’aimerais m’arrêter et voir Mlle Flora plus souvent, mais si je me montrais trop souvent, les gens pourraient commencer à poser des questions gênantes.
Avec Ellelaura qui m’accompagnait, j’étais entrée, je m’étais dirigée vers la chambre de Lady Flora… et j’avais trouvé le roi qui attendait là.
« Votre Majesté, vous faites encore l’école buissonnière ? », dit Ellelaura, un ton enjoué dans la voix.
« Allons, Ellelaura, je prends une pause normale. Pas une pause… à la Ellelaura. »
« Pardonnez-moi, Votre Majesté, mais il se trouve que je fais mon travail en conduisant Yuna ici. »
« Tu es actuellement très assidue. »
« Actuellement ? Je prends toujours mon travail au sérieux. »
« Vraiment, et depuis quand ? »
« Eh bien, Votre Majesté, pourquoi faites-vous une pause dans la chambre de Mlle Flora ? N’avez-vous pas l’habitude de le faire dans vos propres chambres ? »
« Parce que j’ai été informé de la venue de Yuna. Je sais que Yuna voit Flora chaque fois qu’elle lui rend visite. »
Pendant que les deux se chamaillaient, Mlle Flora s’était approchée de moi.
« Bonjour, Mlle Flora. »
« Ourse, tu es venue me voir ? »
« J’ai promis, n’est-ce pas ? »
Laissant les adultes se disputer, j’avais pris la petite main de Mlle Flora dans ma marionnette ours et l’avais conduite à la table, où je lui avais fait prendre place.
« Je t’ai apporté du pudding, alors mangeons-le ensemble. », avais-je dit.
« Uh-huh. »
J’avais posé quatre puddings sur la table, ce qui avait mis fin à la dispute en un clin d’œil : Ellelaura et le roi s’étaient immédiatement assis avec nous et avaient commencé à engloutir le pudding.
L’expression de Mlle Flora alors qu’elle savourait le pudding avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase de la discussion que je menais avec moi-même. J’avais sorti un morceau de papier de ma réserve d’ours et l’avais posé devant Ellelaura et le roi.
« Qu’est-ce que c’est ? », demanda le roi tout en plissant les yeux.
« La recette du pudding. S’il vous plaît, utilisez-la pour en faire pour Mlle Flora. »
« Vous êtes sûre ? »
« Tant que cela rend Mlle Flora heureuse. Je ne sais pas non plus quand je pourrai revenir ici, alors la création du pudding vous incombe à tous. »
« En effet. J’accepte gracieusement votre cadeau. Rassurez-vous, je ne partagerai les instructions qu’avec mon chef personnel, en qui j’ai confiance. »
« Ne vous inquiétez pas trop si cela se sait, pas besoin de punir qui que ce soit. »
« Ne vous inquiétez pas. Il n’y a personne parmi les chefs royaux qui pourraient divulguer des informations. »
« Mais il pourrait y avoir des gens qui les volent. »
Il y avait des voleurs d’informations, quel que soit le monde dans lequel on se trouvait. Il suffisait de prendre un livre d’histoire. Vous pouviez vous approcher de la fuite zéro, mais vous ne pouviez pas l’atteindre.
« S’il y a quelqu’un qui voudrait voler une recette de la famille royale, je lui donnerai une punition appropriée. Ne vous inquiétez pas. », dit le roi avec un sourire aigu de lion
terrifiant ! Mais bon, au moins il prenait ça au sérieux.
« Et sachez que je ne vous reproche pas de ne venir qu’occasionnellement. Nous sommes un peu loin de Crimonia, après tout… mais peut-être que déménager ici pourrait résoudre ce problème. »
« Je soutiens ce que vous dites, Votre Majesté, mais je ne peux pas permettre que cela se produise en considération de Crimonia. », dit Ellelaura.
Oh non. Allaient-ils commencer à se battre pour moi ou quelque chose comme ça ?
« Je pensais faire un saut jusqu’à l’océan pendant un moment », avais-je dit rapidement.
« L’océan ? », répéta Ellelaura.
« Oui. Il y a un océan à l’est de la capitale, non ? »
J’avais eu ce scoop la dernière fois que j’étais passée par la capitale. J’avais entendu dire que si on continuait vers l’est, on atteignait l’océan. Je ne savais pas si c’était loin, mais j’y arriverais si je chevauchais mes ours assez longtemps.
« Quoi ? Veux-tu aller à l’océan ? »
Le roi s’était gratté le menton, perplexe.
« Je veux manger des fruits de mer. »
« Tu fais tant pour la nourriture », avait-il songé.
Je suis japonaise — comment pourrais-je lui expliquer ? Si je ne pouvais pas avoir du riz ou du miso, je voulais au moins des fruits de mer. Des calamars grillés et des takoyaki seraient parfaits maintenant. Ou plus tard. Ou toujours ?
« Oublier les joies de la nourriture est une grande perte dans la vie. Puisque les gens doivent manger pour vivre. », avais-je déclaré.
« Ça fait vraiment réfléchir », dit le roi, en mettant une bouchée de pudding dans sa bouche.
« J’aimerais qu’il y ait un océan près de Crimonia », avais-je dit en soupirant.
« Il y en a un », dit Ellelaura.
« Hein ? »
Je m’étais figée.
« Mais, pouvez-vous vraiment l’appeler ainsi ce qui est près de Crimonia ? », dit le roi
« Pouvez-vous tous les deux ralentir une seconde et expliquer ? »
« Oui, oui. Tu connais la grande montagne au nord-est de Crimonia, n’est-ce pas ? », avait-il demandé.
J’avais hoché la tête. Je pouvais la voir depuis la ville. C’était en fait plus une chaîne de montagnes, d’après ce que je pouvais voir.
« Si vous escaladez cette montagne, vous atteignez un océan. Mais c’est un vrai calvaire de le gravir ou de le contourner. »
Il y avait donc bien un océan au-delà de cette montagne géante. Si proche et pourtant si loin !
« Il y a même un port de mer. La plupart des gens ne s’y rendent pas à cause de la montagne, mais… je suppose que tu as tes ours, non ? », dit Ellelaura
J’avais bien mes ours ! Je n’aurais pas besoin de me rendre à l’océan depuis la capitale, et c’était plus proche… si je pouvais franchir les montagnes.
« Yuna a des ours ? », dit le roi en fronçant les sourcils.
« Yuna les invoque. »
« Eh bien, eh bien ! Tu es tout simplement pleine de surprises ! »
« Ce sont des ours très gentils et mignons. »
Ellelaura semblait presque fière d’eux. Et plus elle les décrivait, plus le roi et Mlle Flora étaient fascinés.
« Il est ainsi plus facile de se rendre à la capitale », avais-je admis.
« As-tu des ours ? », demanda Mlle Flora.
« Des ours, hein ? », répéta le roi.
Lady Flora avait une étincelle dans les yeux et le roi lui-même semblait fasciné. Inévitablement, je m’étais préparée à convoquer mes ours… en plein milieu de la chambre de la princesse.
« Vous êtes vraiment sûr de vous ? », avais-je demandé.
Le roi haussa les épaules.
« Ehh. »
Eh bien, c’était la personne la plus distinguée du pays, et j’avais obtenu sa permission, j’avais invoqué Kumayuru.
« Un vrai, véritable ours. Fascinant ! »
« Un ours ! »
Mlle Flora s’était approchée de Kumayuru, mais le roi s’était contenté de regarder et n’avait pas essayé de l’arrêter. Ils semblaient terriblement blasés à propos de tout ça.
« Tu en as un autre, pas vrai ? », demanda Ellelaura.
« Tu en as d’autres ? »
J’avais tendu ma main gauche et invoqué Kumakyu.
« Un ours blanc, je vois. Comme c’est rare. »
Le roi s’était approché et avait touché Kumakyu.
« Il est vraiment docile. »
« Tant que vous ne faites rien aux ours, ils ne vous feront rien. »
« Ours blanc ! »
Mlle Flora, qui étreignait Kumayuru, fut surprise par le pelage blanc de Kumakyu.
Ne montrant aucune crainte, Mlle Flora commença à jouer avec Kumayuru et Kumakyu. Elle était montée sur Kumayuru et avait chevauché l’ours en faisant le tour de la pièce.
« Yuna, qui donc es-tu », dit le roi, en regardant mes ours.
« Je suis une aventurière de rang D. »
« Une aventurière de rang D qui peut vaincre dix mille monstres ? »
Quoi, était-ce un problème ?
« En fait, Yuna, es-tu toujours de rang D même si tu as vaincu ces dix mille monstres ? »
« Parce que, comme nous le savons tous, c’est un groupe de rang A qui passait par là qui les a vaincus », avais-je dit fermement.
« Tu aurais dû tout dévoiler. »
« Je préfère ne pas le faire. »
« Tu portes cette tenue et pourtant tu fuis l’attention », avait dit le roi, l’air exaspéré.
Oui, c’était effectivement la même chose. Quelle brillante analyse de la part de Sa Majesté.
« Si tu avais reconnu que tu les avais vaincus, tu aurais pu t’élever au rang B. », continua le roi
Au rang B, hein ? Je pouvais cacher ça, mais ça suscitait quand même des questions, et les questions pouvaient mener à l’histoire du « vaincu dix mille monstres ». Nah.
« Oh, au fait, Yuna, tu n’as pas encore reçu de récompense de Sa Majesté ? »
« C’est elle qui les a refusées, Ellelaura. Ce n’est pas ma faute. »
En échange, je lui avais demandé de promettre de garder le silence à mon sujet. J’avais passé ce marché pour pouvoir vivre en paix, même si je savais qu’il avait aussi demandé à Cliff de me soutenir quand il s’agissait de ma boutique. Mais, puisque Sa Majesté et Cliff gardaient le silence sur ce sujet, je n’allais pas en parler.
La conversation s’était vite calmée. Bien que j’avais essayé de rentrer à la maison, Lady Flora ne voulait pas lâcher Kumayuru et Kumakyu.
« Non. Je veux jouer plus. »
Eh, pourquoi pas. Je pourrais rester au château jusqu’au dîner.
merci pour le chapitre
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