Wortenia Senki – Tome 9 – Chapitre 3 – Partie 1

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Chapitre 3 : Le deuxième obstacle

Partie 1

Face aux vastes plaines qui s’étendaient sous la falaise sur laquelle il se trouvait, Ryoma poussa un profond soupir. Il se tenait sur un terrain élevé, surplombant la frontière entre les plaines de Notis et la forêt au nord de celle-ci. Un court trajet vers le sud les mènerait à leur destination, Fort Notis.

« Eh bien, d’une manière ou d’une autre, nous avons traversé les montagnes… »

En termes de temps, il leur avait fallu environ trois semaines pour arriver ici. Depuis qu’ils étaient entrés dans les montagnes au sud de Memphis, ils avaient dû se déplacer lentement le long des contreforts, afin de ne pas attirer l’attention d’O’ltormea.

Parmi les soldats que Grindiana lui avait donnés, plusieurs centaines n’avaient pas survécu au voyage. Bien sûr, lorsque Ryoma avait élaboré ce plan, il avait gardé à l’esprit que ces pertes étaient tout à fait possibles. Après tout, il avait basé cette stratégie sur l’exemple de la traversée des Alpes par Hannibal Barca, où des dizaines de milliers de soldats étaient morts pendant le voyage.

Cela dit, le voyage de Ryoma n’était pas parfaitement comparable à celui d’Hannibal. Hannibal avait traversé les Alpes enneigées en plein hiver, tandis que Ryoma avait dû traverser une région grouillante de monstres. Mais ils étaient identiques dans le sens où ils avaient traversé un territoire inexploré le long d’un chemin sans piste pour infiltrer le territoire ennemi.

Choisir de ne pas écarter le groupe d’Olivia était le bon choix.

Ryoma repensa aux aventuriers à qui il venait de payer le reste de la récompense et avec qui il s’était séparé. Après que lui et les jumelles aient repoussé l’attaque de l’Aigle Royal, ils s’étaient rendus au campement prévu pour la journée et s’étaient regroupés avec Olivia et les autres.

Olivia les regarda tous les trois comme s’ils étaient des fantômes. Rencontrer quelque chose de l’ampleur de l’Aigle Royal était quand même généralement une sentence de mort. Les seuls qui pouvaient même blesser une telle créature étaient des archers armés d’arcs puissants, ou des mages doués de magie verbale.

Mais la façon dont Ryoma s’était porté volontaire pour être le leurre avait un sens. Le fait que le chef de l’expédition ait non seulement agi comme un leurre, mais ait également tué le monstre dans le processus, fit disparaître tout mécontentement ou plainte que les soldats avaient à son égard.

En effet, à la suite de cet incident, les soldats d’Helnesgoula avaient complètement abandonné leur scepticisme initial, et on pouvait en dire autant du groupe d’Olivia. Ils ne voulaient clairement pas s’attirer la colère de trois personnes capables de vaincre un Aigle Royal.

Ce n’est pourtant pas comme si j’avais fait grand-chose là-bas…

L’Aigle Royal respirait déjà à peine après avoir été frappé par la magie des sœurs Malfist. La seule contribution de Ryoma fut d’enfoncer Kikoku dans le cœur d’un Aigle Royal mourant.

Malgré cela, ils avaient pu techniquement le vaincre ensemble. Il s’agissait juste de savoir à quel point on voulait que la vérité soit précise. Pourtant, les sœurs Malfist, qui étaient les plus performantes ici, avaient activement dirigé toutes les louanges et le crédit vers Ryoma. Insister pour mettre les choses au clair me semblait être un effort inutile.

Je suppose que je dois juste considérer ça comme une aubaine.

Le malentendu des soldats sur ce qui s’était passé joua en faveur de Ryoma. Alors que cette pensée lui traversait l’esprit, Sara lui chuchota à l’oreille par-derrière.

« Maître Ryoma… Sakuya vous attend à la tente. »

En entendant ce rapport, les yeux de Ryoma se rétrécirent fortement. Selon les informations que Sakuya était sur le point de livrer, son plan pourrait avoir besoin d’une révision importante.

« Très bien. Dis-lui que j’arrive tout de suite. »

Sara s’était inclinée et fit demi-tour, partant précipitamment. Ryoma commença à la suivre, mais s’arrêta après quelques pas.

« Et maintenant… Comment les dés vont-ils tomber ? », murmura-t-il pour lui-même tout en jetant un regard en arrière vers les plaines qui s’étendaient sous la falaise.

C’était comme s’il échangeait des regards avec un ennemi invisible…

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« Alors ? Comment ça s’est passé ? »

Ryoma s’adressa à Sakuya à l’instant même ou il entra dans la tente. Celle-ci l’attendait sur un genou. L’attitude de Ryoma ne pouvait pas être qualifiée de courtoise, et les chevaliers d’Helnesgoula qui les entouraient étaient assez décontenancés par l’insensibilité dont il faisait preuve.

Cependant, personne n’avait l’intention de l’interpeller à ce sujet. Pas après qu’il les ait menés à travers trois semaines de voyage éreintant. Pour faire simple, ils s’étaient habitués à lui.

« Seigneur. Comme je le soupçonnais lors de mon enquête préliminaire, le Fort Notis n’a pas de points faibles particuliers que nous pourrions exploiter. »

« Très bien… Passer à l’offensive avec les effectifs dont nous disposons est-il impossible ? »

« Oui. Ils ont trois couches de murs et un fossé… Il nous faudrait des dizaines de milliers de personnes pour les assiéger avec succès. »

Ryoma le savait déjà, mais les défenses de Fort Notis étaient blindées.

C’est bien ce à quoi je m’attendais

Fort Notis était quand même la ligne de survie de l’armée d’invasion. Et les provisions accumulées entre les murs de la forteresse ne faisaient que contribuer à son imprenabilité.

Pourtant, Helena et les autres ne pouvaient pas se cacher indéfiniment dans le Fort Ushas. Helena était connue comme la déesse blanche de la guerre de Rhoadseria, et avec elle se trouvait la Tempête — Ecclesia Marinelle, le célèbre général de Myest. Et ils avaient aussi Joshua Belares, qui était effectivement au même niveau qu’un général.

Face à trois puissants généraux, même une armée dirigée par Shardina Eisenheit elle-même ne renverserait pas la forteresse facilement. Mais le combat pouvait être inconstant et soumis au hasard. La moindre inattention pouvait bouleverser le cours de la bataille. Et il était probablement préférable de supposer que l’ennemi voudrait en finir le plus rapidement possible.

Néanmoins, ça ne sert à rien de demander l’impossible… Nous allons devoir avancer notre programme.

Ryoma posa cette question à Sakuya avec le faible espoir qu’elle ait découvert une sorte d’ouverture qu’ils pourraient exploiter. Mais s’il n’y en avait pas, il n’y avait rien à faire.

Le fait de devoir utiliser la tactique qu’il était sur le point d’employer ne lui faisait pas plaisir, mais étant donné la situation, il ne pouvait pas laisser ses préférences personnelles être un facteur dans sa décision.

« Ont-ils changé le capitaine responsable des défenses du fort ? », demanda Ryoma.

« Non. C’est toujours Greg Moore », dit Sakuya en secouant la tête.

Ryoma gloussa dans son cœur.

Moore, la Lame du Dieu de l’Eau… J’étais un peu inquiet quand j’ai appris que Shardina réorganisait ses forces, mais tout se passe comme prévu.

Le personnel n’avait pas changé depuis leur précédente enquête. Avoir un autre capitaine responsable de la sécurité du fort aurait été un problème majeur pour Ryoma, mais heureusement, ce n’était pas le cas.

« Très bien… Nous avancerons donc comme prévu. Vous vous souvenez tous de la procédure, n’est-ce pas ? », dit Ryoma.

À cette question, l’atmosphère s’était refroidie dans la tente.

« Bien sûr. Nous allons vous montrer la puissance des chevaliers d’Helnesgoula, Seigneur Mikoshiba », dit l’un des chevaliers, ce à quoi ses collègues élevèrent la voix en signe d’encouragement.

Ryoma acquiesça en silence.

*****

Alors que le village brûlait, fumant sous ses yeux, Sara écarta les lèvres d’un air morose.

« C’est déjà le troisième… »

Ryoma détourna son regard d’elle.

Nous n’avons pas le choix…

Ils savaient que ça allait arriver, ils étaient préparés à ça. Mais c’était quand même un travail décourageant. Ils brûlaient sans discernement les villages autour de Fort Notis. Attaquer les villages de l’ennemi et les piller pour obtenir des provisions était considérée comme une tactique viable sur le champ de bataille, mais Ryoma aurait préféré ne pas avoir recours à cela.

Nous devons le faire si nous voulons détruire le fort.

Il n’allait pas s’excuser, mais Ryoma n’avait pas fait cela par désir de tourmenter les habitants d’O’ltormea. Il n’avait tout simplement pas d’autre recours. À cet égard, le rasage de ce village faisait partie de sa stratégie, et Sara le savait. Elle était plutôt pâle, mais elle faisait son travail.

Pourtant, ce village se porte probablement mieux que les autres…

Les villageois se rassemblaient sur la place du village. Tant qu’ils n’essayaient pas de se défendre et de causer des ravages inutiles, ils n’avaient pas besoin de mourir, et Ryoma leur avait dit qu’ils étaient autorisés à prendre tous leurs objets de valeur et leur nourriture avec eux. Il était pourtant difficile de savoir à quel point cela les avait aidés. Se retrouver sans foyer dans ce monde pouvait être assez difficile. Mais quand même, il voulait éviter les meurtres et les pillages inutiles autant que possible.

Et il avait une autre raison de le faire : il avait besoin que ces villageois survivent à tout prix.

Mais Ryoma ne savait pas dans quelle mesure les soldats qui attaquaient les autres villages suivaient ses ordres. Helnesgoula et Xarooda étaient des ennemis acharnés d’O’ltormea depuis de nombreuses années, et les citoyens de chaque pays étaient remplis d’une sombre haine pour les habitants de leurs pays rivaux. Les soldats avaient donc pu prendre l’absence de Ryoma comme une chance d’évacuer cette haine.

Et le fait qu’ils fassent cela semblait presque naturel. Ils avaient reçu l’ordre de faire croire que le rasage était le fait de bandits, alors ils volèrent, brûlèrent et ravagèrent sans pitié. Et même dans le contexte d’une guerre, c’était un spectacle macabre. Mais d’un autre côté, c’était aussi la conséquence du choix de ces villageois. Ils n’auraient pas dû vivre dans un pays militant qui choisissait activement la guerre.

« Seigneur ! Ennemis par-derrière ! »

L’un des ninjas d’Igasaki, qui faisait office de vigie, se précipita vers Ryoma.

Ryoma acquiesça à son rapport.

Greg Moore… Il avance, comme je le pensais.

Étant donné l’importance de Fort Notis, ils ne pouvaient pas facilement envoyer des soldats du fort, même si les citoyens de leur pays étaient attaqués. Aussi solide que soit le fort, il ne pouvait rien défendre sans soldats à ses postes. Mais si l’on examinait la situation sous un autre angle, cette vérité évidente éclairait une autre conclusion.

Il a probablement envoyé le même nombre de troupes dans les autres villages…

Heureusement, Greg Moore était un commandant compétent. Même s’il était le commandant responsable de la sécurité du fort, il comprenait l’agitation qui régnait sur le territoire d’O’ltormea. C’était un officier remarquable, à tous points de vue.

Et c’était exactement pour cela qu’il faisait le jeu de Ryoma.

« Très bien, nous ne devrions pas rester ici plus longtemps. Dépêchez-vous et battez en retraite ! » ordonna Ryoma, ses lèvres se retroussant en un rictus.

Il avait compris que sa proie fonçait dans le piège qu’il avait préparé.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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