Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 3 – Partie 1

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Chapitre 3 : La renarde du Nord

Partie 1

Ryoma et Orson Greed furent guidés vers une pièce, et se trouvaient maintenant devant sa porte, où un homme les accueillit avec un sourire. Mais Ryoma pouvait voir que derrière ce sourire, ses yeux étaient animés d’une volonté farouche.

« Vous êtes donc le Seigneur Ryoma Mikoshiba et Sire Orson Greed… J’ai entendu dire que vous étiez des messagers de Xarooda… »

L’homme regarda Ryoma avec curiosité.

« Vous êtes assez jeunes. Mais le fait qu’on vous ait confié la volonté d’un pays montre que vous devez être tout à fait capable. »

Malgré la soudaineté de leur visite, son expression ne trahissait pas une once de mécontentement.

« Ce long voyage a dû être assez épuisant. Pourquoi n’entrez-vous pas pour prendre du thé et des friandises ? »

Sur ce, l’homme fit signe à Ryoma et Orson d’entrer dans la chambre d’amis et de s’asseoir sur un canapé, comme pour dire que tout cela était prévu.

Ils avaient vraiment prévu notre arrivée… Eh bien, s’ils ne pouvaient pas le faire, il n’y aurait eu aucune raison de traiter avec eux, murmura Ryoma en voyant l’expression de l’homme.

Dès qu’ils s’étaient présentés aux portes du château, on les avait fait entrer sans leur demander de prouver leur identité, puis on les avait conduits dans cette pièce. Ce seul fait indiquait clairement que les gens d’Helnesgoula gardaient un œil sur Ryoma, ou du moins recueillaient des informations sur ses actions.

Même avec leurs capes brodées des armoiries de la maison royale de Xarooda, ils avaient été autorisés à entrer. N’importe qui pouvait probablement préparer des manteaux comme ceux-ci sans trop de difficultés, ils ne pouvaient donc pas compter comme une preuve indiscutable de leur allégeance…

« Je m’excuse de ne pas m’être présenté en premier… Je suis Arnold Grisson. Mon rang est celui d’un général de l’armée d’Helnesgoula, et ma position est celle de commandant suprême du front oriental. »

Arnold Grisson était un homme mince au visage pâle. Il semblait avoir une trentaine d’années, et bien qu’il mesurait environ 180 centimètres, son corps ne pouvait pas être qualifié de musclé. En regardant le dos de sa main, Ryoma avait remarqué qu’il était frêle, ce qui impliquait que l’homme n’était pas en très bonne santé.

Ses cheveux blonds étaient séparés en deux, et malgré son jeune âge, il y avait déjà quelques mèches blanches ici et là. Peut-être le résultat du stress et de l’inquiétude, pensa Ryoma. Il portait une paire de lunettes à monture argentée, et dans l’ensemble son apparence ne donnait pas l’impression qu’Arnold Grisson était un homme de guerre. S’il s’était présenté comme un marchand ou un érudit, Ryoma aurait eu plus de facilité à le croire.

Mais ses yeux seuls racontaient une histoire complètement différente. Des yeux bleus et aigus qui semblaient percer les autres, comme ceux d’un aigle.

Ryoma s’était incliné poliment après avoir pris un siège.

« Nous nous excusons sincèrement pour cette visite soudaine, Seigneur Grisson. Le Royaume de Xarooda est actuellement menacé de ruine, aussi nous vous demandons de nous pardonner de venir sans préavis. Je suis Ryoma Mikoshiba. Assis à mes côtés se trouve le capitaine de la garde monarchique de Xarooda, le Seigneur Orson Greed. »

« Oh… pour quelqu’un de si jeune, vous respectez l’étiquette. J’ai entendu dire que vous étiez à l’origine de statut roturier, mais je vois que vous vous êtes habitué à votre position. », fit remarquer Grisson tout en regardant le visage de Ryoma calmement.

Grisson enleva ensuite ses lunettes et essuya les verres. Sa remarque ne comportait aucune nuance malveillante. Il semblait que son opinion sur Ryoma était en fait positive.

Je me demande néanmoins si c’est vraiment ce qu’il ressent… Ryoma réfléchit avec méfiance.

Ce dernier savait que dans ce monde, croire ce que les gens disaient pour argent comptant était extrêmement dangereux. C’était d’autant plus vrai lorsque la personne en question était un noble. Ainsi, alors que l’attitude de cet homme semblait plutôt amicale, Ryoma savait qu’il pouvait très bien cacher ses véritables intentions. Peut-être regardait-il Ryoma avec dédain, comme le faisaient les nobles de Xarooda.

Ryoma avait constaté à maintes reprises que les personnes influentes de ce monde avaient tendance à être impulsives. Ils se croyaient privilégiés et protégés par le système de classes de ce monde, et ne ressentaient donc aucun besoin de réguler la façon dont ils s’adressaient aux autres.

Les nobles étaient, pour la plupart, des monstres hautains, froids et cruels.

Mais même cette réalité avait ses exceptions. Et les exceptions apparentes pouvaient présenter une apparence amicale comme un moyen de cacher leurs crocs mortels et venimeux. Quelles que soient les véritables intentions d’Arnold Grisson, Ryoma ne pouvait pas se permettre de se détendre en ce moment. Les négociations étaient encore devant lui.

Je vais devoir faire particulièrement attention à lui…

Il s’était préparé au cas où un adversaire inattendu tenterait de le frapper. Bien sûr, il savait qu’il ne fallait pas le laisser paraître. Lui aussi était capable de cacher ses intentions et de simuler un sourire.

Je vais d’abord devoir prendre le contrôle de la conversation et voir quelle est son attitude.

Et pour ce faire, Ryoma entra directement dans le vif du sujet.

« Je m’excuse, mais nous sommes assez pressés par le temps, je vais donc devoir aller droit au but de notre visite ici. »

Rendre ses intentions aussi claires n’était pas conventionnel dans les négociations, mais à l’inverse, c’était précisément pour cette raison que cela pouvait surprendre l’autre partie. Et une personne surprise pourrait accidentellement révéler ses véritables intentions.

Mais cette négociation n’était pas le genre d’endroit où une telle ruse enfantine pouvait fonctionner.

« Très bien. Je n’ai personnellement pas trop le temps de bavarder tranquillement. »

Grisson haussa les épaules, incitant Ryoma à poursuivre.

« Notre affaire ici est très simple. Nous demandons que le Royaume d’Helnesgoula nous aide, car nous sommes actuellement en position d’infériorité dans notre guerre avec O’ltormea. », dit Ryoma.

Grisson leva un sourcil, son expression semblant quelque peu surprise. Le sourire froid sur ses lèvres, cependant, reflétait ses véritables sentiments.

« Hoh. Vous êtes là pour demander notre aide… », chuchota le général Grisson.

« Oui… Je vous en prie. », dit Ryoma en acquiesçant sèchement.

Les deux hommes se regardèrent de l’autre côté de la table pendant un moment, un silence s’installant sur eux. C’était comme s’ils essayaient de discerner les intentions de l’autre. Mais alors, Grisson sépara brusquement ses lèvres.

« Oui, je suppose qu’étant donné la situation actuelle de Xarooda, vous ne viendriez pas ici pour d’autres affaires… »

Grisson s’arrêta là, ses lèvres se recourbant en un rictus.

« Mais vous êtes persistant. C’est comme être harcelé par un mendiant des bas-fonds. »

Sa voix était sereine et posée, mais le dédain contenu dans ses mots était intense. Même si son pays était assez grand pour être appelé la Bête du Nord, parler ainsi à l’envoyé diplomatique d’un autre pays était inacceptable.

Ces mots étaient un coup puissant, le genre de coup que l’on ne portait que lorsqu’on était prêt à partir en guerre.

Et c’était pourquoi ces mots étaient probablement un résumé de sa véritable intention. Non… Pas seulement les siennes. C’était probablement la véritable intention des dirigeants d’Helnesgoula.

« Comment osez-vous ! »

Greed cria alors son indignation.

Il était vrai que c’était son camp qui venait demander de l’aide, et Greed savait très bien que, puisqu’il venait en tant que représentant de Xarooda, ses paroles et ses actions avaient des implications sur l’ensemble du royaume. Mais malgré tout, il ne pouvait pas tolérer l’insulte de Grisson.

Mais alors que Grisson s’était levé en colère, Ryoma leva une main pour l’arrêter. Il tourna ensuite son regard vers Grisson, comme si rien ne s’était passé. Si Ryoma avait raison sur les intentions d’Helnesgoula, leur manque de patience et l’utilisation d’un tel langage étaient compréhensibles.

Pour commencer, Xarooda était dans une position où il demandait de l’aide à Helnesgoula. Si une provocation aussi minime était suffisante pour attiser leur colère, ils ne seraient pas en mesure d’agir correctement lorsque le besoin s’en ferait sentir.

Et en plus, il testait probablement notre caractère et nos motivations.

Mettre intentionnellement en colère l’autre partie pour jauger sa réaction était une tactique que Ryoma utilisait souvent. Il savait donc que succomber à la colère et exprimer son indignation ici serait un mauvais choix. Grisson ne ferait que profiter d’eux de cette façon.

« Je suis sûr que cela doit faire cet effet après tout ce temps… », dit Ryoma comme si tout allait bien.

Grisson avait plissé les sourcils. Il semblait avoir senti quelque chose dans la manière douce dont Ryoma avait esquivé son insulte.

« Cela fait plus d’un an que nous occupons Memphis. Vous nous avez envoyé de nombreux messagers, nous demandant de venir en aide à Xarooda. Je pense que ce fait seul devrait vous dire tout ce que vous devez savoir sur notre politique en la matière. »

« Oui, je comprends cela. De votre point de vue, qu’O’ltormea occupe maintenant Xarooda serait pratique. Stabiliser le territoire après la chute du pays leur prendrait du temps, et c’est là que vous prévoyez de frapper… N’est-ce pas ? »

Le général Grisson rit de bon cœur, avec une expression bien plus sombre que tout ce qu’il avait montré jusqu’à présent. C’était le rire d’un carnivore, se léchant les lèvres à la vue d’une proie.

« Je vois que vous avez deviné nos intentions, Seigneur Mikoshiba… Vous êtes aussi perspicace que les rumeurs le disent. Hmm, je comprends mieux pourquoi vous vous êtes élevé si jeune du statut de roturier au rang de noble. Votre compréhension de la situation est impressionnante. »

Grisson coupa alors ses mots, et leva la tasse de thé sur la table jusqu’à ses lèvres avant de poursuivre.

« Vous avez tout à fait raison. Nous n’avons aucun intérêt dans la survie de Xarooda. Vu la situation, le plus que Xarooda puisse nous offrir est une cession de leur territoire, mais ce n’est pas suffisant pour faire pencher la balance… Du moins pas quand la guerre totale avec O’ltormea est de l’autre côté, hmm ? »

Au moment où ces mots avaient atteint ses oreilles, le visage de Greed était devenu livide. C’était la pire chose qu’il puisse entendre. Mais contrairement à Greed, Ryoma avait calmement et soigneusement répété les mots de Grisson dans son esprit.

C’est exactement comme je le pensais… Dans ce cas…

Les mots du Général Grisson étaient vrais. Helnesgoula n’avait aucune raison de sauver Xarooda, du moins pas au point d’affronter volontairement O’ltormea. Plutôt que d’accepter des conditions bancales comme la cession d’un territoire, il serait beaucoup plus facile pour eux de laisser O’ltormea occuper le pays, puis de le réoccuper sous la bannière de la « libération ».

Bien sûr, il faudrait trouver le bon timing pour le faire. Cela ne fonctionnerait bien avant la stabilisation du régime d’occupation d’O’ltormea, lorsque la haine et l’agitation s’enveniment dans le cœur des roturiers de Xarooda.

Tant que les citoyens de Xarooda vivant dans les territoires n’étaient pas tous massacrés ou forcés d’émigrer ailleurs, un nouveau dirigeant serait toujours obligé de faire face à la possibilité d’une révolte. C’était pourquoi Helnesgoula n’avait fait aucun mouvement pendant l’année qui s’était écoulée, depuis qu’ils avaient occupé la ville frontière, Memphis.

Mais Ryoma pouvait dire que Grisson n’avait pas divulgué toute la profondeur de leurs plans.

« Bien sûr que non. », affirma Ryoma suite à la déclaration de Grisson sans changer son expression.

Cela fit changer l’expression de Grisson. Ses yeux étaient remplis de confusion et de suspicion. L’attitude et les mots de Ryoma étaient incohérents et contradictoires. Du moins, c’était la seule façon dont Grisson pouvait les interpréter.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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