Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 2 – Partie 2

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Chapitre 2 : Un cœur agité

Partie 2

La taille de leur pays, leur économie, leur main-d’œuvre — ils dépassaient Xarooda dans tous les facteurs imaginables. Aussi militariste que le Royaume de Xarooda avait pu l’être et aussi habile que ses chevaliers puissent l’être, le nombre était ce qui décidait des guerres.

Pour couronner le tout, Xarooda lui-même n’était pas un pays monolithique. Son territoire était délimité par des montagnes et des forêts. Et bien qu’il y ait eu des rois et des gouverneurs à travers l’histoire de Xarooda, il n’y avait jamais eu de despote. O’ltormea était unifiée sous la volonté d’un seul empereur, tandis que le roi de Xarooda ne pouvait prendre aucune décision critique sans consulter la noblesse. Même un enfant pourrait dire quel camp avait l’avantage.

Ainsi, le Général Belares avait pris des mesures pour combler l’écart entre la puissance nationale d’O’ltormea et celle de Xarooda. Et certaines de ces mesures signifiaient s’éloigner de la voie de la chevalerie. Une de ces méthodes consistait à employer cette unité de corsaires pour troubler la paix à O’ltormea.

Pour ce faire, le général Belares graciait les chefs de bandits de leur peine de mort, et les envoyait en échange semer le trouble sur le territoire d’O’ltormea.

Ces hommes menaient une vie encore plus dure que celle d’un mercenaire ou d’un aventurier. Le fait qu’ils obéissaient à Lione sans trop se plaindre était une preuve de ses capacités. Mais en entendant les mots de Joshua, Lione avait simplement plissé ses yeux dorés et ri.

« Ils ne sont pas si mauvais, mais je dois bien convenir qu’ils sont un peu turbulents. Même si un simple coup de pied au cul est généralement bien suffisant pour tout réparer. Mignon, voilà ce qu’ils sont. »

Et Lione ne mentait pas. Intégrer les subordonnés de Joshua n’avait pas été une tâche difficile pour elle. Elle ne dirigeait pas le groupe du Lion Cramoisi en tant que femme avec seulement des apparences et un comportement capricieux.

Oui, je vois ce qu’il voulait dire… Cette femme est utile. Et elle lui fait confiance.

Ryoma n’était pas présent pour ce qui allait arriver. Il se rendait à Helnesgoula, pour rencontrer la Renarde du Nord dans une rencontre qui pourrait décider du sort des trois pays de l’Est. Il avait confié la tâche de retarder l’invasion de Xarooda par O’ltormea aussi longtemps que possible aux mains de Joshua et Lione.

La plupart des gens penseraient qu’ils sont traités comme des pions jetables et paniqueraient.

Mais Joshua n’avait pas vu le moindre soupçon d’anxiété dans l’expression de Lione. Il n’y avait pas de loyauté chancelante ou de sens du devoir mal placé entre eux. C’était la preuve qu’il existait une véritable confiance entre eux deux.

« Au fait… Est-ce donc un cadeau d’adieu pour lui ? », demanda Joshua en regardant les caisses en bois qui étaient transportées l’une après l’autre derrière eux.

« Oh, ça. Les jumelles les ont achetés à Peripheria », déclara Lione tout en faisant signe de la main à l’un des soldats travaillant derrière eux afin de s’approcher.

« Oh, je vois… Des vases en céramique remplis d’huile de poisson, avec des tissus fourrés pour servir de bouchons… »

Les vases en céramique étaient globalement mal faits. Ils n’étaient pas recouverts de glaçure, et leurs formes et tailles n’étaient pas uniformes. Ils étaient assez grossiers, probablement le résultat du travail d’un apprenti dans l’atelier. Il s’agissait de vases de basse qualité, et Joshua doutait que quiconque dans sa maison, non, pas même les serviteurs travaillant sur le domaine de sa famille, utilise une poterie de si basse qualité.

Mais pour cet usage particulier, la qualité de la poterie utilisée importait peu. La taille n’était pas une préoccupation majeure, et tant que l’huile qu’elles contenaient ne fuyait pas, leur forme n’avait pas d’importance non plus.

Je parie que les ateliers de céramique de Peripheria étaient heureux de voir que quelqu’un leur achète tout ce stock inutile…

Joshua ramassa un vase qui était assez petit pour tenir dans sa main. Après avoir confirmé son poids à plusieurs reprises, Joshua fit un signe de tête à Lione.

« Il suffit d’allumer le tissu et de le jeter… C’est une bonne idée. »

« Oui. C’est facile à transporter, et au moment où tu le jettes par terre, l’huile à l’intérieur éclabousse tout le monde. C’est difficile de le lancer aussi loin qu’une flèche de feu, mais c’est parfait pour des moments comme celui-ci, quand on attaque d’en haut. », dit Lione en gonflant sa poitrine.

À vrai dire, l’idée de bourrer de l’huile dans ces bouteilles et de les lancer n’était pas une méthode d’attaque particulièrement bonne. Leur portée était bien plus courte que celle d’une flèche de feu, et les conteneurs étaient des consommables qui ne pouvaient pas être conservés pour une utilisation ultérieure. Ils pouvaient en obtenir suffisamment cette fois-ci, mais ils ne pouvaient pas nécessairement en obtenir un approvisionnement régulier à l’avenir si nécessaire. La quantité d’huile gaspillée pour les fabriquer était également considérable.

Mais d’un autre côté, cette méthode offrait une vitesse de combustion qui dépassait de loin celle d’une flèche de feu. C’était une méthode bien plus efficace pour brûler l’unité ennemie dans cette situation particulière. C’était une méthode utilisée dans les batailles de siège, verser de l’huile bouillante sur les murs pour tuer l’ennemi, mais cette fois, elle avait été développée pour être encore plus efficace.

« C’est une idée plutôt intéressante, cette…, est-ce ce type qui l’a inventée ? », demanda Joshua.

« Oui, cela a été fabriqué selon les instructions du garçon. Plutôt pratique », répondit Lione avec un grand sourire.

C’était un sourire innocent, comme si Joshua venait de complimenter quelqu’un de sa famille. Elle voyait probablement Ryoma comme un jeune frère gênant.

« Je vois… Alors ses exploits sont réels. »

Joshua ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin en voyant à quel point elle faisait preuve de confiance envers Ryoma.

Il avait ensuite tourné son regard vers la rangée de personnes qui se déplaçait sous eux. Ils étaient à mi-chemin du passage. Ils n’avaient plus le temps de bavarder inutilement.

« Alors nous sommes prêts, oui ? Commencez. »

Joshua fit un signe de tête à Lione, jugeant que le moment était venu.

« D’accord. Compris. »

Lione obéit, levant sa main pour que ceux qui étaient derrière eux puissent la voir.

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« Très bien, vous entendez ? On ne sait pas d’où l’ennemi pourrait frapper la prochaine fois. Dites à nos éclaireurs de garder un œil attentif sur nos environs. », cria un homme à cheval.

Un messager sprinta en avant pour relayer le message immédiatement.

« Ne sommes-nous pas trop prudents ? », demanda le vice-commandant.

« Non… Je pense que nous sommes aussi prudents que nous devrions l’être. »

L’autre homme secoua la tête.

Même si une partie de lui pensait qu’il était trop prudent, il savait aussi que de nombreux autres officiers avaient été tués par les attaques-surprises de Joshua Belares. Il n’avait pas l’intention de tomber dans le même piège que ses prédécesseurs. Et plus important encore, cette mission de transport était un devoir qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’échouer.

« Son Altesse a été très claire dans ses ordres. Ou essayez-vous de faire en sorte que j’échoue dans cette mission ? »

Cet officier était le sixième fils, et un enfant illégitime de surcroît, d’une famille de vicomtes. Il avait reçu l’éducation stricte d’un noble, mais n’était pas en mesure d’hériter de la tête de sa maison. Il avait donc choisi de devenir un chevalier.

Heureusement, sa lignée semblait lui avoir donné un certain talent. Mais en entrant dans l’armée, il n’avait pas reçu l’ordre de prendre une position sur le front. Ce n’était pas le résultat d’un mauvais traitement. D’une certaine manière, c’était même une très bonne position à recevoir. Cet homme était plus doué pour gérer les chiffres et les négociations que pour commander des gens, et ses talents étaient d’une certaine manière une aubaine pour O’ltormea.

Il était devenu une figure de proue du département de l’approvisionnement d’O’ltormea. S’occuper de l’approvisionnement signifiait affronter les marchands rusés dans une véritable bataille de mots. La quantité de fournitures consommées par une armée était en effet énorme, et d’autant plus en temps de guerre. Selon le contrat signé, des sommes d’argent suffisamment importantes pour construire une ou deux forteresses pouvaient changer de mains. C’était, à toutes fins utiles, une bataille sans armes.

Et cet homme avait remporté victoire après victoire sur ce champ de bataille. Grâce à ses succès, il avait gravi les échelons, devenant le chef de la division de l’approvisionnement de Fort Notis. Cependant, étant donné sa formation de chevalier, il n’était pas anormal pour lui de vouloir accumuler des mérites sur un vrai champ de bataille. Cette mission était donc vraiment spéciale pour cet homme.

« Vous plaisantez sûrement… »

Son lieutenant secoua précipitamment la tête aux paroles provocantes de son supérieur.

L’homme devait sûrement plaisanter. Mais donner une mauvaise réponse à cette plaisanterie pourrait entraîner un châtiment pour ce lieutenant. Après tout, une différence de classe était un fondement absolu dans ce monde. Il serait chanceux de s’en sortir avec une simple rétrogradation. Au pire, les têtes de sa famille pourraient voler au sens le plus littéral du terme.

Bien sûr, son supérieur ne ferait pas quelque chose d’aussi déraisonnable sans raison. Mais c’était seulement pour dire qu’il ne le ferait pas, pas qu’il ne pourrait pas.

« Alors, taisez-vous et faites ce qu’on vous dit… L’échelle et l’importance de cette mission dépassent tout ce que nous avons fait auparavant… Vous le comprenez, hein ? »

Sur les ordres de Shardina, un grand nombre de soldats et une montagne de fournitures furent rassemblés des quatre coins d’O’ltormea et envoyés à Fort Notis. Mais peu importait la quantité de fournitures stockées dans leur dépôt si elles ne pouvaient pas être transportées jusqu’aux lignes de front.

Le lieutenant acquiesça sans mot dire à la question de l’homme. Leur mission pouvait très bien décider de la bataille à venir. Mais ce sens du devoir et cette détermination s’effriteraient bien trop rapidement et bien trop facilement…

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« On commence ! Vous êtes prêts ?! »

Plus de deux cents soldats hochèrent la tête à l’exclamation de Lione et commencèrent à chanter comme un seul homme.

« “‘Notre Mère la Terre, étend tes bras robustes pour protéger tes enfants du malheur ! Mur de pierre !’” »

De grands murs, de ce qui ne pouvait être décrit que comme des rochers, s’élevèrent du sol. Mais ce n’était qu’un simple mur. Il y avait bien d’autres façons d’utiliser la magie verbale pour tuer un homme, et donc l’utilité de ce sort sur le champ de bataille était au mieux réservée à offrir une couverture contre les flèches.

Ou du moins, c’était ce que tout le monde croyait jusqu’à ce jour…

Lione donna un autre ordre : « Repoussez-les ! »

« Ooooh ! Poussez-le ! Tirez, tirez ! »

Les soldats se conformèrent à ses ordres et jetèrent leur poids contre les murs.

« Mettez-y plus de force ! »

« Quoi !? Toute la nourriture que vous avez ingurgitée n’a-t-il servi à rien ?! Allez, vous pouvez pousser plus fort que ça ! »

Des murs pesant plusieurs tonnes furent progressivement poussés vers l’avant. Avec ce poids, même eux, avec leur force musculaire renforcée par la magie martiale, ne pouvaient pas facilement les pousser. Leurs visages devinrent rouges alors qu’ils travaillaient en escouades de plusieurs personnes. Leurs muscles se gonflèrent et le sang était pompé intensément dans leurs veines. Et finalement, leurs efforts furent évalués à leur juste valeur.

« Continuez et laissez-le tomber en bas de la falaise ! »

« “‘Oooooooh !’” »

Avec une dernière poussée, les soldats utilisèrent tout ce qui restait de leur force pour pousser les murs de pierre par-dessus le bord de la falaise, où ils dégringolèrent d’une centaine de mètres, aplatissant les forces d’O’ltormea en contrebas…

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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