Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 1 – Partie 3

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Chapitre 1 : Ceux qui vivent dans l’ombre

Partie 3

« C’est ce que vous dites ? Ce garçon ne m’avait pas l’air si dangereux… »

« Je suis d’accord. Bien qu’il soit admirable qu’il ait pu rassembler des soldats tout en gouvernant une région reculée comme Wortenia, la guerre se décide par le nombre. Il ne peut pas aller sur le champ de bataille avec seulement cinq cents soldats, et former une unité mixte avec un noble inconnu n’apporterait également pas grand-chose. »

Les autres acquiescèrent. Son jugement était raisonnable. Il fallait un ordre de chevaliers, 2 500 chevaliers, pour vraiment changer le cours d’une bataille. Mobiliser une unité de moins de cinq cents hommes à elle seule était pour le moins risqué. Dans une vraie bataille, il devrait former une unité mixte avec les forces d’un autre noble.

Mais si tel était le cas, l’unité de Ryoma Mikoshiba ne serait qu’une partie d’une armée. Et aussi compétent que Ryoma puisse être, s’il ne pouvait pas opérer efficacement avec l’autre noble avec lequel il serait associé, les capacités de combat de ses forces diminueraient considérablement.

« Oui, je comprends cela. Mais quand même, je ne peux pas m’empêcher de ressentir ce sentiment… »

Un silence s’abattit sur la pièce, et les regards de tous les participants à la table ronde se rassemblèrent sur celui qu’ils appelaient « Monsieur ». Il possédait trop de pouvoir, tant au niveau de son autorité que des prouesses martiales qu’il possédait, pour qu’aucun d’entre eux ne se moque de ses paroles et ne les qualifie de délires.

« Ryoma Mikoshiba va-t-il vraiment interférer avec l’invasion de l’Empire, comme cet homme ? »

« La possibilité qu’il le fasse est bien réelle. Il est vrai que ses forces sont trop faibles pour changer le cours de la bataille, mais il est assez ingénieux pour entraîner des troupes d’une telle force… Si nous n’agissons pas prudemment, notre pacte avec la princesse Shardina pourrait être révoqué. »

Tous les hommes présents dans cette pièce avaient une chose en commun. Ils étaient tous hautains et avides de pouvoir, affamés par la chance de gagner plus de gloire et d’autorité. Et ils étaient tous des gouverneurs issus de grandes familles nobles de Xarooda, qui possédaient de vastes terres.

Mais leur plus grand point commun était qu’ils étaient tous des traîtres au royaume, qui vendraient leur pays si cela pouvait leur apporter gloire et pouvoir.

« On s’est occupé du général Belares lors de la première bataille, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu depuis. »

« Oui, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour rendre difficile le rassemblement des troupes, mais rien de ce que nous avons fait depuis n’a fonctionné. Et puisque cet homme a dû aller compliquer les choses, nous devons repenser notre plan de fond en comble. »

La bataille des plaines de Notis avait été l’escarmouche d’ouverture de l’invasion de l’est par l’Empire d’O’ltormea. Les agents d’O’ltormea avaient réussi à bloquer le flux de renseignements, empêchant Xarooda de prendre des mesures défensives suffisantes. Normalement, cette seule bataille aurait dû sceller le destin de Xarooda.

Et même s’il était impossible de rassembler tous les soldats du pays, repousser une invasion O'ltormean avec les seules forces appartenant directement au royaume aurait été bien trop téméraire.

Cela dit, en temps normal, ils auraient été en mesure d’enrôler des soldats des environs de la capitale et des nobles près des zones frontalières, ainsi que de faire appel à des soldats volontaires. Mais en réalité, les seules forces que Xarooda avait déployées dans la bataille des plaines de Notis étaient vingt mille chevaliers. Arios Belares avait été loué comme un maître général, mais même avec lui à la barre, charger dans la bataille était imprudent.

Et la cause de cette décision résidait dans les machinations qu’effectuaient les hommes réunis autour de cette table ronde.

Et pourtant, bien qu’O’ltormea ait gagné la bataille des plaines de Notis et soit en position de prendre d’assaut les territoires de Xarooda par la force, un homme se dressait sur le chemin des plans de Shardina.

« Joshua Belares. Les rumeurs disaient que le troisième fils du Général Belares était un rustre grossier, alors pourquoi, pourquoi… ?! Comment a-t-il pu être une telle épine dans le pied de la princesse Shardina pendant une année entière ? »

Les hommes avaient tous poussé des soupirs d’exaspération. Il n’y avait aucun nom qu’ils voulaient moins entendre maintenant que celui de Joshua Belares. Ils avaient réussi le grand exploit d’éliminer le général Belares de l’équation, mais dès qu’il était parti, ce jeune homme était apparu pour effacer complètement leur réussite.

« Les gens l’ont présenté dernièrement comme une sorte de héros de guerre. Certains des nobles qui ont maintenu une approche attentiste ont même décidé de lui envoyer des renforts. »

« Apparemment, il a utilisé le terrain montagneux pour employer des tactiques non conventionnelles. J’ai appris que les unités de ravitaillement de la princesse Shardina ont subi de lourdes pertes… »

« Faire pression sur lui maintenant serait une mauvaise idée. Même si je répugne à refuser les demandes de la princesse Shardina, nous ne pouvons pas être trop clairs sur nos intentions. »

« Ce qui veut donc dire que le moment est mal choisi pour le faire assassiner. »

Les hommes échangèrent des regards et baissèrent leurs têtes en silence. Ils n’étaient pas contre le recours à l’assassinat, et ils ne ressentaient aucune culpabilité à l’idée de tuer un jeune homme qui se battait pour défendre leur pays. Ils ne voulaient simplement pas prendre de risque. Mais après un long silence, celui qu’ils appelaient « Monsieur » entrouvrit finalement les lèvres.

« Hmm, peu importe. De toute façon, nous n’avons pas de mouvement à faire pour l’instant. Nous pourrons décider après avoir vu comment se déroule le conseil de guerre de demain. »

Les autres s’exclamèrent d’un commun accord.

« Maintenant, prions tous pour notre prospérité », dit-il.

Les hommes prirent tous les verres à vin posés sur la table ronde.

« Tous au nom de la prospérité de notre clan. »

« “‘Au nom de la prospérité.’” »

Ils burent tous le liquide, puis fracassèrent les verres contre le sol simultanément.

« Personne… Personne ne se mettra en travers de notre chemin », chuchota celui qu’on appelait « Monsieur ». Ce dernier piétina les éclats de verre qui jonchaient le sol.

C’était comme s’il essayait d’écraser un insecte sous ses pieds…

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Le lendemain du match sur le terrain de manœuvre, plus de 30 personnes s’étaient réunies dans une grande salle de réunion du château.

« Telle est la situation dans notre pays. J’espère qu’aujourd’hui nous pourrons discuter de notre position et trouver un moyen de sortir de cette impasse », déclara Grahalt.

Une carte de Xarooda était étalée sur la grande table, avec des pièces de jeu posées dessus pour signifier les unités déployées et les forteresses.

« Nous avons besoin de votre aide pour protéger notre pays », dit Julianus Ier, qui était assis près de Grahalt.

Ils avaient utilisé une grande salle de réunion du château pour le premier conseil de guerre des nations orientales unifiées. Des généraux et des capitaines chevaliers sélectionnés de Myest, Rhoadseria et Xarooda étaient tous réunis dans une même pièce, ainsi que des nobles de haut rang en charge des relations diplomatiques et des affaires économiques. Ils s’y rencontrèrent tous pour la première fois.

Parmi les personnes réunies se trouvait le roi de Xarooda, Julianus Ier. Ce seul fait montrait à quel point la position de Xarooda était sombre. Tout conseil de guerre auquel assistait le roi était voué à être critique.

« Non, je pense que nous devrions maintenir les lignes de front et demander à nos voisins de resserrer l’étau autour d’O’ltormea ! Heureusement, le troisième fils du général Belares maintient les lignes de front. Nous devrions faire bon usage du temps qu’il nous offre. », s’exclama un noble enthousiaste.

Un chevalier assis à côté du noble lui coupa la parole.

« Que dites-vous ? ! Nous allons faire le jeu d’O’ltormea en faisant ça. Ils veulent que nous restions assis sans rien faire pendant qu’ils occupent nos territoires un par un ! Heureusement, nous avons les renforts de Myest et Rhoadseria. Et malgré la perte du général Belares, nous avons encore les nobles des régions centrales du pays et leurs troupes. Nous devons consolider nos forces restantes et chasser O’ltormea de nos frontières d’un seul coup ! »

Avec ces deux opinions opposées comme catalyseur, les personnes environnantes partirent dans un débat animé.

« Calmez-vous. À mon avis, nos trois pays seuls ne sont pas en mesure d’avoir une chance. Nous devrions attendre que le Royaume d’Helnesgoula rejoigne également la mêlée. »

« C’est ce qui se passe depuis le début de la guerre, mais cela fait un an et ils n’ont fait aucun progrès. »

« Pourtant, même avec l’aide de Myest et Rhoadseria, notre nombre de soldats est limité. Tenir la ligne plus longtemps serait difficile. Nous devons attirer Helnesgoula dans la guerre. Ne devrions-nous pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la gagner ? »

« Es-tu un imbécile ? ! Helnesgoula ne nous aidera pas ! Tu sais très bien comment ils appellent leur reine ! »

« En effet ! Elle retardait paresseusement nos messagers avec des réunions tout en déplaçant sournoisement ses armées vers notre frontière ! Elle cherche sans doute à nous voler des territoires ! »

« Précisément. Ils ont occupé une ville frontalière et n’ont plus fait aucun mouvement depuis, mais ce n’est pas pour autant qu’ils nous prêteront main forte ! »

Les nobles les plus âgés soulignèrent que le plus grand défi d’O’ltormea était leur ligne d’approvisionnement et avaient insisté pour que Xarooda entre dans un état de guerre prolongé. Pendant ce temps, les plus jeunes chevaliers affirmaient que passer à l’offensive serait essentiel pour maintenir le moral des soldats roturiers enrôlés.

Chaque opinion avait ses mérites. Les anciens notèrent qu’O’ltormea attaquait une zone centrale du continent qui était entourée de pays rivaux, ce qui faisait de la guerre prolongée une possibilité favorable. Les plus jeunes chevaliers, quant à eux, préconisaient une attaque immédiate et décisive, ce qui était compréhensible étant donné la puissance nationale limitée de Xarooda.

Chacun utilisa ses connaissances et sa sagesse pour faire des suggestions proactives et argumenter. Mais alors qu’ils le faisaient, Ryoma, Lione et les sœurs Malfist étaient assis dans un coin de la pièce comme pour éviter d’attirer l’attention, observant les débats d’un regard froid.

« Hmph, et vous appelez ça une discussion animée… ? À ce rythme, ils vont perdre avant d’avoir pris une quelconque décision. Quel est l’intérêt de crier à l’évidence si tard dans la guerre ? », chuchota Ryoma.

Lione esquissa un sourire en coin. Ryoma était assez prévenant pour ne pas le dire à voix haute, mais même ainsi, ce n’était pas quelque chose qu’il devait dire dans un conseil de guerre. Pourtant, il y avait une raison évidente pour laquelle Lione ne l’avait pas réprimandé.

Le garçon est dur… Mais ce n’est pas comme si je pouvais défendre ces gens. Le fait est qu’ils ne sont vraiment pas assez intelligents…

Le contenu de cette dispute avait déjà été deviné et prédit par Sakuya, qui était absente du conseil de guerre. Et donc pour Ryoma, tout cet échange n’était qu’une farce. Pour commencer, la puissance nationale de Xarooda représentait moins d’un tiers de celle d’O’ltormea. Ce n’était qu’en s’unissant avec les deux autres pays de l’Est qu’il pouvait espérer égaler l’Empire.

Mais la puissance nationale de Rhoadseria était affaiblie par sa guerre civile, et Xarooda lui-même avait perdu une grande partie de sa puissance militaire lors de sa défaite dans les plaines de Notis. Il était vrai que l’armée d’O’ltormea était entourée de rivaux de tous côtés, mais on pouvait en dire autant de Xarooda. Ils avaient Helnesgoula à leur frontière nord-ouest, et les royaumes du sud à leur frontière sud, et chacun d’entre eux regardait Xarooda avec avidité pour avoir une chance de voler des terres.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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