Chapitre 1 : Les nuages de la guerre s’amoncellent
Partie 1
Un unique navire de classe Galion connu sous le nom d’Atalante naviguait sur une mer sereine, se dirigeant vers les régions du nord-est du continent. Il naviguait si vite qu’on ne pouvait que supposer que ses voiles étaient bénies par le vent du dieu. Et si les voiles étaient effectivement bénies par une sorte de vent, ce n’était pas un vent accordé par les dieux.
« Rapport ! Le port de Sirius est visible au nord-est ! », cria l’un des observateurs.
La terre était faiblement visible à l’horizon.
« Compris. Je vais appeler le capitaine Brass », répondit l’un des hommes d’équipage qui descendit sur le pont.
« Hmm, oui, c’est effectivement la ville de Sirius… »
Le capitaine bronzé regarda dans un télescope, confirmant qu’ils étaient presque à la ville portuaire.
« Hey ! Nous sommes presque au port. Commencez les préparatifs pour l’accostage. »
Ne pas avoir à attendre le vent et avoir constamment un vent arrière… Cela fait des voyages rapides, hein ? pensa Brass en refermant son télescope.
Ils avaient quitté la ville de Myspos, à l’extrémité orientale d’Helnesgoula, à la fin du neuvième mois. Et maintenant, quatre jours plus tard, ils étaient arrivés à Sirius. Et s’il était vrai que, contrairement à la dernière fois, ils n’avaient pas navigué le long de la côte, mais avaient choisi de naviguer directement en pleine mer, un voyage aussi court défiait toujours la logique de ce monde.
Je n’étais pas sûr de ce qui allait se passer au début, mais j’ai eu raison d’accepter sa proposition… Je pensais que ce n’était qu’un amateur effronté, mais je suppose que la plaisanterie s’est retournée contre moi cette fois-ci.
Le visage de Brass se tordit en un sourire d’autodérision. C’était arrivé trois nuits avant qu’il ne parte pour ce voyage. Il avait vécu pendant des années comme un homme de la mer, et bien que ce garçon ait été quelque peu respectueux, il lui avait aussi dicté sa route et lui avait demandé de réduire la durée du voyage.
Selon la logique établie, compte tenu du temps qu’il leur faudrait pour attraper le bon vent, le voyage devait durer entre dix jours et quinze jours. Aussi, lorsque Brass s’était entendu dire avec désinvolture de terminer le voyage en une semaine, il avait dû sérieusement douter de la santé mentale de Ryoma Mikoshiba. C’était bien trop ridicule pour être considéré comme la demande frivole d’un amateur. Mais en regardant les faits qui s’alignaient maintenant devant ses yeux, il pouvait comprendre pourquoi il avait fait cette demande.
Brass avait tourné son regard vers le groupe assis à l’arrière du navire. Lors du voyage de retour de Sirius à Myspos, ils avaient tous eu le mal de mer et étaient pratiquement inutiles, mais cette fois-ci, les choses étaient différentes. Ils étaient tous, après tout, jeunes et à peine âgés de quinze ans. Et aucun d’entre eux n’était en plus marin. Ces jeunes gens vêtus d’une armure de cuir noir étaient des soldats au service de la Maison Mikoshiba. Et même s’ils étaient des novices n’ayant aucune expérience de la navigation à bord d’un navire, ils étaient désormais plus importants et plus fiables que les marins les plus expérimentés.
« Comment est le vent, Capitaine Brass ? Devrions-nous le rendre un peu plus fort ? »
L’une des filles du groupe l’interpella, remarquant son regard.
« Non, si on le rend plus fort, il y a des chances que vous déchiriez les voiles. D’ailleurs, nous sommes presque arrivés à Sirius. Gardez la vitesse comme elle est pour le moment. Merci, Mlle Mélissa. »
Bien que la fille soit assez jeune pour passer pour sa fille, Brass l’avait appelée avec le respect qui lui était dû. À bord de ce vaisseau, cette jeune fille et ses compagnons étaient d’une certaine manière encore plus importants que le capitaine lui-même.
« Compris. Alors nous allons garder la vitesse du vent comme ça. »
Mélissa lui adressa un sourire et inclina la tête.
Il la regarda simplement avec de l’affection dans les yeux. Il avait l’impression de regarder sa propre fille… Tous les navires de ce monde étaient soit des voiliers, soit des galères. Chacun avait ses avantages, mais en termes de capacité de transport et d’autonomie, les voiliers étaient préférés comme navires de commerce et de transport. Parmi tous les navires à voiles, la classe des galions offrait la plus grande capacité de chargement.
Sa coque était oblongue et son tirant d’eau était faible, ce qui lui permettait de prendre facilement de la vitesse. Sa grande capacité de chargement en faisait également un navire extrêmement pratique. Mais le galion, comme tous les navires à voiles, avait la faiblesse critique d’être dépendant des caprices du vent pour se déplacer. Il utilisait plusieurs voiles pour naviguer.
Certains voiliers étaient également équipés de rames, mais cela nécessitait d’embarquer des rameurs. Et ces rameurs avaient naturellement besoin de nourriture et d’eau, ce qui signifiait moins de place pour stocker les marchandises. C’était pourquoi les voiles étaient utilisées comme principale force motrice d’un navire à voiles.
Les conditions météo et la direction du vent étaient donc des facteurs importants. Heureusement, ce monde était similaire à Rearth en ce sens que les navires avaient été améliorés de manière à utiliser non seulement des voiles carrées et des voiles avant-arrière, mais aussi un certain nombre de voiles auxiliaires. Celles-ci permettaient aux navires d’avoir un certain degré de mouvement même lorsqu’ils naviguaient avec un vent de face.
Mais même cette solution avait ses limites. Si le vent s’arrêtait complètement et que la mer était totalement calme, un voilier normal sans rames était essentiellement bloqué sur place, bercé par l’eau jusqu’à ce que le vent se remette à souffler. Et puisque le contrôle de la météo était au-delà de ce qu’un homme peut faire, un marin coincé dans cette situation difficile ne pouvait que prier Dieu de l’aider.
Du moins, jusqu’à maintenant…
Ce que Mélissa et ses camarades faisaient n’était pas une tâche difficile. Déclencher une tempête de vent comprimé était la base de la thaumaturgie du vent. La seule différence était qu’au lieu de le relâcher de manière comprimée, ils avaient dispersé le vent progressivement sur une plus grande surface. Il avait très peu de puissance d’attaque, mais le navire n’avait besoin que d’un vent léger pour se déplacer. Une rafale trop forte serait en fait préjudiciable, car elle pourrait déchirer les voiles.
Cela signifiait que l’inexpérience des jeunes soldats était en fait précieuse ici. Et voir leurs sorts être si significatifs et efficaces avait rempli de joie le cœur de Mélissa et de ses camarades, surtout parce qu’ils étaient conscients de leur inexpérience. C’était le moyen idéal de renforcer leur expérience et leur compétence en thaumaturgie.
Le fait qu’on ait besoin d’eux et que l’on compte sur eux avait rempli leurs expressions de confiance. Ils étaient aussi sans doute ravis de revenir à Sirius après un mois de voyage. La plupart des gens redoutaient cet endroit comme une zone neutre maudite, mais la ville de Sirius était, sans aucun doute, une seconde ville natale pour eux.
« Maintenant, écoutez ça ! Mlle Simone nous a demandé de ne rien dire à personne de ce que nous verrons dans cet endroit, compris ?! », cria Brass aux marins, le changeant ainsi de son attitude sereine.
Les marins avaient tous acquiescé aux ordres de leur capitaine et avaient commencé à descendre l’ancre. Ils avaient déjà fait quatre fois le voyage de Myspos à Sirius et en avaient un peu marre qu’on leur dit de se taire encore et encore. Ils comprenaient cependant pourquoi on leur disait de se taire, et ce qui se passerait s’ils ignoraient cet avertissement.
Leur premier voyage à Sirius leur avait laissé une impression saisissante. Le paysage urbain était correctement divisé en secteurs. Les routes étaient larges, spacieuses et pavées de pierre. Les murs étaient assez hauts et entouraient toute la ville.
En soi, cela ne les aurait pas surpris outre mesure. On pouvait trouver des villes de cette taille sur le territoire de n’importe quel autre noble. Mais la surprise venait du fait qu’une telle ville avait été construite sur la péninsule de Wortenia, et en quelques mois seulement.
« Capitaine… Est-ce que mes yeux me jouent des tours ? », demanda l’un des marins à Brass, en se frottant les yeux alors que le paysage urbain de Sirius apparaissait.
Brass ne lui avait pas demandé ce qu’il avait vu. Lui aussi avait du mal à croire ce qu’il voyait.
« Ne t’inquiète pas. Tu vois très bien », avait-il dit.
« Alors c’est réel… », marmonna le marin.
« Oui. La ville devient de plus en plus grande. »
Cela faisait six mois que Brass et son équipage étaient arrivés à Sirius. Elle était juste assez prête pour permettre au port de fonctionner, et avait encore à peu près la taille d’un village de pêcheurs que l’on pouvait trouver n’importe où. Mais chaque fois que le navire de Brass revenait d’un voyage, la ville avait changé. Rien que le port construit le long de la côte avait doublé sa taille d’origine à présent. Non, il correspondait aux installations d’amarrage de Myspos maintenant.
On ne peut pas le dire à quelqu’un d’autre. Et tout le monde se moquerait de nous même si nous le faisions… Ce qui est pire…
Cette pensée avait traversé l’esprit de Brass. Après tout, si c’était n’importe où ailleurs, on pourrait supposer que des dizaines ou des centaines de milliers de personnes avaient été tuées à la tâche au nom de la construction d’un si grand dock, mais on était dans la péninsule de Wortenia. Ce n’était pas une option. Il y a quelques mois, Brass avait transporté un millier d’esclaves de Myspos à Sirius à bord du Merallion — le galion de Simone.
Mais même avec ce nombre en tête, le spectacle qu’il avait sous les yeux ne lui semblait pas plausible. D’autant plus qu’il savait que tous les esclaves qu’il avait amenés étaient de jeunes garçons et filles aux corps sous-développés. Ils avaient été soumis à des abus par leurs esclavagistes et étaient tous extrêmement faibles et émaciés. Ils n’avaient pas l’air d’être capables de travailler. Ils avaient été correctement nourris à bord du vaisseau, mais il était difficile de croire que leur endurance se rétablirait aussi rapidement.
Je comprends pourquoi la petite dame insiste pour que nous gardions sous silence toute cette affaire…
Le regard de Brass s’était tourné vers la poupe, où se trouvait le groupe de Mélissa. Il avait un peu compris l’astuce se cachant derrière ce spectacle incroyable.
« Qu’est-ce que vous regardez comme ça ? J’ai dit allez-y et préparez-vous à jeter l’ancre. »
Refoulant sa curiosité, Brass gronda un groupe de marins qui fixaient l’horizon, bouche bée.
Brass savait très bien que la curiosité était un vilain défaut…
merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre.