Wortenia Senki – Tome 6 – Chapitre 5 – Partie 8

***

Chapitre 5 : Feu impitoyable

Partie 8

« Alors ? Comment se passent les préparatifs de votre côté ? »

Ryoma était allé droit au but, tout en étant intérieurement frappé par l’apparence de Simone.

Il y avait une limite à la façon dont il pouvait la regarder de face alors qu’elle était habillée comme ça, mais il devait y avoir une raison pour qu’elle ait demandé qu’ils se rencontrent personnellement comme ça malgré le danger que cela représentait.

« Nous avons déjà acheté deux bateaux, qui sont actuellement à quai à Myspos. »

Simone sortit une carte dans un sac en cuir qu’elle portait et l’étala sur la table.

Myspos était une ville portuaire située à l’extrémité orientale du royaume de Helnesgoula. Bien qu’elle ne puisse pas tout à fait rivaliser avec Pherzaad, qui était le plus grand port du continent occidental, elle était tout de même l’un des plus grands ports disponibles.

Alors que Ryoma construisait une forteresse en Wortenia, Simone commençait à préparer ses navires à Myspos.

« Deux navires, hein… ? Quelle est leur taille ? »

« Deux galions, le plus grand que j’ai pu trouver en vente. Leurs équipages sont tous des marins chevronnés qui ont aussi l’expérience du combat naval. »

« Je vois. Eh bien, je dirais que c’est un peu drastique. »

« J’ai gardé à l’esprit la possibilité de les convertir en navires de guerre. »

Simone répondit catégoriquement à la question implicite de Ryoma.

C’était une façon de dire que malgré le fait que ces navires avaient été achetés grâce aux fonds de la compagnie Christof, cela ne la dérangeait pas que Ryoma les utilisait comme force de guerre navale si nécessaire. Ryoma l’avait regardée avec un sourire légèrement exaspéré.

« C’est un pari fou que vous prenez ici. »

Ryoma savait qu’il avait déjà jeté son dévolu sur Simone, ce qui signifiait qu’ils allaient soit couler soit nager ensemble. Mais il n’attendait pas d’elle autant de considération ou de gentillesse. Ces navires de commerce étaient loin d’être bon marché, alors le fait de dire à Ryoma qu’il pouvait les utiliser pour la guerre s’il en avait besoin était une preuve de grande détermination.

Simone écouta les mots de Ryoma avec un sourire silencieux et dirigea vers lui un regard interrogateur.

« Et qu’en est-il du port ? »

En décidant de coopérer, le duo avait clairement défini leurs rôles respectifs dans l’accord. Simone devait obtenir des navires et un flux de marchandises pour la péninsule, tandis que Ryoma devait éliminer les pirates et établir un port dans la péninsule de Wortenia. Ryoma s’était déjà occupé des pirates, mais Simone n’avait reçu aucun rapport concernant le port.

Elle ne doutait pas des capacités de Ryoma, mais cela faisait seulement quelques mois qu’il était parti pour Wortenia. Il était naturel qu’elle se sente anxieuse. Mais le sourire de Ryoma restait calme.

« Oui, tout est réglé. Nous avons des magasins et des maisons, et même une muraille. Nous avons juste besoin de plus de monde », dit-il.

À cette réponse, Simone se tut et le regarda fixement avec des yeux inébranlables.

On dirait qu’il est vraiment prêt…

Elle pouvait voir qu’il ne mentait pas, elle poussa alors un profond soupir. Dans les quelques mois qui avaient suivi sa rencontre, cet homme avait créé une infrastructure dans cette terre maudite.

Cet homme…

Si elle devait mettre un nom sur les sentiments qui remplissaient son cœur, ce serait la peur… Non, de la crainte. La peur était liée au rejet, tandis que la crainte était liée à l’obéissance. Ses traits de visage n’étaient pas tout à fait ceux d’un bel homme. Et même si son physique était impressionnant, il ressemblait par ailleurs à un jeune homme normal.

Mais Simone le savait. Il avait exterminé les pirates. Elle ne disposait que d’informations fragmentaires et ne connaissait donc pas les détails, mais elle supposait qu’aucun des pirates ni même un membre de leur famille n’était encore vivant. Elle avait utilisé un des marchands de Myspos pour envoyer des gens à Wortenia le vérifier. Cette ville, qui était cachée dans un bras de mer, avait été réduite en cendres, les bâtiments et les cadavres carbonisés avaient été laissés tels quels.

Cet homme avait décrit l’image des oiseaux picorant les cadavres brûlés comme un spectacle infernal. Simone pensait que le sort des pirates était horrible, mais elle pensait que c’était leur juste récompense. Elle pensait que, même s’il ne fallait pas respecter la loi de trop près, il n’était pas non plus bon de l’ignorer totalement.

Il était vrai qu’il y avait certaines lois déraisonnables et illogiques, mais dans l’ensemble, les lois étaient nécessaires au gouvernement. Ainsi, si Ryoma et ses camarades avaient fait preuve de clémence envers les pirates, Simone aurait peut-être choisi de ne plus coopérer avec eux. Les pirates étaient effectivement utiles comme force de combat, mais certains de ses subordonnés avaient vu des membres de leur famille se faire enlever par des pirates et ne leur pardonneront jamais.

Si Ryoma avait choisi de s’allier avec les pirates, il était clair que cela aurait tôt ou tard entraîné un problème majeur. Et pourtant, Ryoma avait choisi de les éliminer. Elle le trouvait un peu mou puisqu’il avait libéré les esclaves qu’il avait achetés, mais apparemment, il était tout à fait capable d’être impitoyable lorsque la situation l’exigeait. Son cœur était capable de discerner froidement le risque et le mérite.

Mon jugement sur lui… était correct. Cette pensée avait traversé le cœur de Simone.

Elle lui prit la main comme si elle agrippait à des pailles dans ses tentatives de maintenir la compagnie Mystel à flot. Mais il s’était avéré que sa main n’était pas une paille, mais une corde solide. Une personne qui n’était que gentille ou impitoyable ne pouvait pas gouverner les gens pendant longtemps. Seul un homme qui possédait ces deux qualités pouvait se tenir au sommet.

Un hégémon…

Le mot fit surface dans son esprit, et une secousse parcourus le long de sa colonne vertébrale.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Ryoma avec un soupçon d’inquiétude.

Apparemment, elle avait gardé son regard fixé sur lui, ce qui l’avait quelque peu troublé.

« Rien, mes excuses. »

« Vous allez bien ? »

« Oui. »

Simone baissa la tête.

Ryoma la regarda, pas tout à fait convaincu, mais continua à parler.

« Eh bien, notre ville est assez bien construite, donc nous avons juste besoin d’habitants. »

Ils avaient déjà des bâtiments prêts à accueillir des gens, il ne restait donc plus qu’à faire venir des gens dans cette ville qu’il avait construite.

« Compris. Nous allons faire venir les esclaves de Myspos aussi vite que possible. »

« Oui, les avez-vous choisis selon ce que je vous ai demandé ? »

« Oui, un millier de garçons et de filles en bonne santé, âgés de dix à quinze ans. Nous les avons déjà sécurisés sur place. »

En achetant des esclaves à Xarooda et Helnesgoula plutôt qu’à Epire, le comte Salzberg avait moins de chances de le remarquer. C’était pour cette même raison que Simone avait acheté ses navires à Myspos.

« Très bien. Les crocs et les peaux des monstres devraient faire l’affaire, non ? »

Simone fit un signe de tête sans paroles. Les crocs et les peaux collectés auprès des monstres vivant dans la péninsule de Wortenia avaient été vendus pour un prix assez élevé. Ils devaient être chassés périodiquement, leurs peaux et leurs crocs servaient donc à fabriquer d’importants produits d’exportation locaux.

« Au fait… La rumeur dit que vous avez rencontré des demi-hommes. Est-ce vrai ? », demanda Simone.

C’était une question posée par curiosité, mais l’expression de Ryoma changea en l’entendant.

« Qui vous a dit ça ? »

Il la regarda fixement, ce qui provoqua un moment de stupéfaction chez Simone.

Il ne la regardait pas comme un ennemi, mais la lumière froide et vive qui émanait de ses yeux était réelle. Un silence s’était installé entre eux pendant un certain temps, après quoi le regard de Ryoma s’était adouci.

« Ah, désolé… C’est juste que c’est un problème un peu compliqué. »

Ryoma s’excusa avec un sourire, réalisant qu’il faisait pression sur Simone.

Il n’avait pas l’intention de l’intimider, mais l’évocation de ce sujet lui fit jeter un regard furieux sur elle malgré lui.

« Que s’est-il passé ? Avez-vous vraiment rencontré les demi-hommes ? » demanda Simone, en prenant une profonde inspiration pour tenter de stabiliser sa respiration.

Pour Simone, les demi-hommes étaient une espèce éteinte. En fait, c’était ce que pensaient tous les habitants de ce continent, à l’exception de quelques-uns. Il y avait parfois des rumeurs selon lesquelles ils existaient encore dans les régions inexplorées du continent, mais tout cela était du domaine des commérages.

Simone ne croyait pas vraiment que Ryoma avait rencontré des demi-hommes. Elle pensait que c’était juste une rumeur sans fondement, née du croisement d’une théorie existante selon laquelle les demi-hommes avaient une communauté cachée sur Wortenia avec le fait que Ryoma avait été nommé gouverneur de la péninsule.

Elle n’en avait fait qu’un sujet de conversation et n’avait pas voulu approfondir le sujet, mais vu la réaction de Ryoma, elle avait réalisé que c’était probablement plus qu’une simple rumeur. Exposée au regard interrogateur de Simone, Ryoma expliqua tout, non sans avoir poussé un soupir.

Ce qu’il lui avait raconté était une histoire qui n’était en aucun cas vague ou ambiguë. Et plus Ryoma en racontait à Simone, plus son regard s’assombrissait.

Parce que c’était l’histoire des demi-hommes, et de la sombre haine qu’ils nourrissaient envers l’humanité…

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire