Chapitre 3 : L’invasion de l’Est
Partie 6
« N’y pensez plus. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider, Votre Altesse. »
Sudou haussa les épaules avec la même expression plaisante que d’habitude.
Il avait sûrement réalisé la gravité de la situation, mais ses manières n’avaient pas changé.
« Hmph… N’êtes-vous pas un peu trop calme, Sudou ? »
Shardina savait très bien que ce qu’elle insinuait ici était une fausse accusation, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de laisser transparaître son sarcasme. Plus elle était consciente de la gravité de la situation, plus elle se sentait anxieuse et pressée.
« Eh bien, paniquer ne servirait à rien ici… Bien que je comprenne parfaitement votre anxiété, Votre Altesse. »
Sudou était resté plutôt imperturbable face aux sarcasmes de Shardina. En fait, son ton semblait encore plus détendu qu’auparavant.
« Je suppose qu’on peut simplement résumer en disant que l’armée de Xarooda n’était pas du tout stupide… Je crois qu’elle est dirigée par le général Belares. Un véritable héros chevronné. Je l’ai pris pour un homme trop influencé par les positions du roi et des ministres, mais il a finalement choisi cette approche… Haha, j’avoue que je suis impressionné. »
« Je vous rappelle que vous êtes impressionné par leur décision de venir me prendre la tête. », dit Shardina, jetant un regard perçant dans la direction de Sudou.
Sudou avait simplement enroulé ses lèvres en un sourire.
« Cela avait été dit en plaisantant, Votre Altesse… Je ne faisais que louer la suite. Après tout, je doute que Belares ait ordonné cette charge en croyant qu’ils réussiront à vous tuer. »
La réponse de Sudou rendit Shardina confiante en la justesse de ses soupçons.
« C’est comme je le pensais… Donc vous pensez que c’est aussi leur point de vue ? »
« Oui… à en juger par leur façon de se battre, ils espèrent nous faire tomber avec eux. Je ne les vois pas essayer de faire de cette bataille une bataille d’usure. Xarooda ne devrait jamais choisir de le faire, car notre puissance nationale est bien plus grande que la leur. Le fait qu’ils aient choisi de le faire de toute façon par leurs propres moyens… »
« Un pays tiers… Ils veulent que le royaume d’Helnesgoula rejoigne le giron. »
« Oui, selon toute vraisemblance… »
À ce moment-là, Sudou ne souriait plus. Son regard était comme une lame froide et aiguisée, portant une intensité que seul un homme ayant survécu à d’innombrables champs de bataille pouvait dégager.
« Ils ont probablement réalisé qu’ils ne pourront pas surmonter leur infériorité stratégique, et ont décidé de tout risquer sur cette charge. Si imprudent… »
« C’était probablement la décision unilatérale du général Belares. Les ministres de Xarooda n’accepteraient jamais de prendre un pari aussi dangereux. », conclut Sudou.
« Oui, j’ai tendance à être d’accord… »
Shardina acquiesça amèrement.
« Aucun roi n’approuverait un plan aussi téméraire. Cela voudrait dire attirer Helnesgoula sur leur territoire juste pour qu’ils se battent contre nous. »
« La suite dépend de la façon dont nous pouvons minimiser nos pertes… Si nos effectifs tombent en dessous de la moitié de nos forces d’origine… »
« Oui, je sais. Si nous perdons autant de soldats, notre conquête de Xarooda prendra plus de temps. »
« Et j’imagine qu’Helnesgoula ne restera pas sans rien faire… Ils vont envahir Xarooda et profiter de notre invasion pour servir leurs propres intérêts. Ou peut-être que Xarooda ira leur demander de l’aide. Helnesgoula se fiche de ce qu’il adviendra de Xarooda, tant qu’ils s’opposeront à nous. »
Occuper Xarooda n’avait en fait pas été si difficile. Vu la force de l’Empire d’O’ltormea, on pourrait même dire que c’était simple. Même si Rhoadseria et Myest envoyaient leurs renforts, l’Empire gagnerait probablement.
« Que pensez-vous que la mégère Helnesgoula va choisir ? », demanda Shardina.
« Eh bien… Elle est de celles qui saisissent la victoire sans se salir les mains… » répondit Sudou, l’image de la jeune reine du royaume d’Helnesgoula faisant surface dans son esprit.
Son apparence était, honnêtement parlant, au mieux moyenne. Elle était une femme très ordinaire, comparée à la princesse Shardina ou à la reine Lupis de Rhoadseria. Sudou ne dirait pas que la disparité était comme le jour et la nuit, mais la comparaison n’était certainement pas favorable.
Mais les apparences étaient, dans ce cas, assez trompeuses. La reine d’Helnesgoula était une présence terrifiante. Une femme froide et cruelle. Une souveraine née qui sacrifierait volontiers sa propre famille si cela pouvait promouvoir ses objectifs.
En fait, Grindiana Helnecharles, la reine du royaume d’Helnesgoula, avait gagné la couronne qui reposait sur sa tête en tuant ses propres parents, y compris ses frères et sœurs de sang. Bien sûr, à l’époque, la situation à Helnesgoula nécessitait que cela soit fait. Mais même aujourd’hui, ce choix extrême était encore un acte impardonnable dans l’histoire du pays.
Sudou n’avait rencontré cette femme que deux fois auparavant, mais l’intensité de sa personnalité lui avait laissé une impression durable dans le cœur. Cette reine sage, rusée et intrigante était connue comme la mégère du Nord. Et elle ne manquerait pas cette occasion parfaite de porter un coup à O’ltormea.
« Je ne doute pas qu’elle fera entrer des troupes à Xarooda. Elle ne nous permettra pas d’être les seuls à annexer plus de territoire… Bien que je ne puisse pas dire si elle le fera comme une invasion ou dans le cadre d’un accord de médiation avec Xarooda. », déclara Sudou.
« Et dans le processus, nous nous heurterons sûrement à l’armée d’Helnesgoula, et cela donnerait à Xarooda la chance de négocier avec eux… Franchement, ils sont tellement obstinés…, » chuchota Shardina avec colère.
« Même les pays faibles ont leurs propres moyens d’assurer leur survie. »
Sudou secoua la tête en silence.
« Très bien, ainsi soit-il. Pour l’instant, nous devons gagner cette bataille. Tout le reste dépend de cela. »
Pour l’instant, ils devaient battre l’armée de Xarooda. Toutes leurs spéculations n’auraient aucun sens s’ils ne faisaient pas cela.
« Oui, aussi improbable que cela puisse être, il y a toujours une chance que nos forces soient écrasées par l’armée de Xarooda, » déclara Sudou.
Et c’était là que résidait leur plus grande inquiétude. La charge fervente de Xarooda percera-t-elle leurs lignes ou non ?
« Je… prendrai aussi le front. », dit Shardina tout en dirigeant un regard vers Sudou.
Son expression était raidie par le suspense et la peur. Elle n’avait pas besoin qu’on lui dise à quel point ce choix était stupide. Si l’ennemi en voulait à sa vie, pourquoi s’exposerait-elle à l’ennemi ? Mais malgré cela, Sudou ne s’était pas opposé à sa décision. Il avait senti sa ferme volonté, et avait également réalisé les avantages que sa proposition leur offrait.
« Je vois… Vous êtes donc prête à faire ce pari. »
« Si je vais en première ligne, les deux mille chevaliers qui me protègent rejoindront aussi le combat. Et en plus, ma participation à la bataille servira aussi à remonter le moral de nos soldats. »
Les forces d’O’ltormea en première ligne étaient déjà à la hauteur de celles de Xarooda, et il ne pouvait donc y avoir qu’une seule raison pour qu’ils soient débordés. Les chevaliers de Xarooda brûlaient d’un grand moral et ne craignaient pas la mort. Ce moral pouvait être décrit comme un sentiment d’exaltation, mais pour être plus concis, c’était aussi une sorte de frénésie, ou peut-être une soif de sang. Le fait de savoir qu’ils n’avaient pas d’autre choix et leur sens du devoir envers leur pays dominaient leur cœur.
Le cœur d’abord, puis la technique, puis le corps. Il était vrai qu’en matière de combat, l’état émotionnel était le facteur le plus critique. Et si le cœur se brisait, peu importe le niveau de compétence ou la force du corps. Shardina n’avait plus qu’un seul moyen de battre Xarooda, et c’était d’allumer le feu du moral dans les esprits défaillants de ses soldats.
« Je suis sûr que le moral des soldats s’améliorera si vous rejoignez leurs rangs. Et avec vos gardes participant à la bataille, ils devraient pouvoir tenir jusqu’à l’arrivée des détachements, mais… »
Sudou était à la traîne. En termes de probabilité, ils étaient susceptibles de gagner. Avec l’entrée de leur commandant au front, les chevaliers d’O’ltormea allaient combattre avec une vigueur renouvelée. Mais du point de vue d’un officier de terrain, l’offre de Shardina n’était que trop dangereuse.
Le principal risque se trouvait au niveau de sa sécurité, et peu importe ce qu’elle choisirait, cela n’offrirait pas de garanties absolues. C’était une situation où l’on ne pouvait pas discerner si elle allait absolument gagner ou perdre cette bataille.
« Je réalise le danger que cela représente… » a dit Shardina.
Ces mots poussèrent Sudou à se préparer à ce qui pourrait arriver en tant que tacticien.
C’est l’un de ses points forts en tant que personne… Ainsi que pour toute l’Organisation et même O’ltormea, perdre ici est un petit revers… Je suppose que je devrais me préparer à toute éventualité.
S’ils remettaient cette décision, ils finiraient par perdre avant d’avoir décidé quoi que ce soit, et ce serait une conclusion insensée. Il ne restait plus qu’à croire au choix de Shardina comme commandant suprême.
« Très bien, compris. Je vais rapidement faire envoyer vos escortes sur le front, » dit Sudou tout en inclinant la tête devant Shardina.
C’était le plus grand honneur qu’il avait pu manifester envers le choix courageux de son commandant.
Ce jour-là, la bataille des plaines de Notis s’était terminée par une victoire o'ltorméenne lorsque leurs détachements avaient pris les chevaliers xaroodiens dans une attaque-surprise et avaient décimé leurs forces. Cependant, on ne pouvait pas parler de victoire absolue pour l’Empire d’O’ltormea.
O’ltormea avait remporté la victoire en réclamant la vie du général Xaroodian, Belares, mais ce n’était que le résultat des stratagèmes de Shardina. L’armée xarodienne perdit 16 000 hommes, tandis que les forces d’O’ltormea perdirent 17 000 hommes. Leurs pertes furent à peu près égales, mais les pertes obligèrent l’Empire d’O’ltormea à interrompre temporairement son invasion du royaume de Xarooda.
Ayant pris le contrôle des territoires nobles le long de la frontière xarodienne, Shardina fit de la région son fief, où elle espérait reconstituer ses forces, mais elle ne put immédiatement recommencer son invasion du royaume. Comme elle l’avait d’abord soupçonné, le royaume d’Helnesgoula, également connu sous le nom de monstre du nord, avait franchi les frontières nord de Xarooda, montrant ses crocs aux forces de l’empire.
Ce fut le début d’une bataille à trois entre les trois pays d’O’ltormea, Xarooda et Helnesgoula.
Le fait que le royaume de Xarooda soit devenu un creuset de troubles allait donner à Ryoma Mikoshiba le temps dont il avait tant besoin. Un temps précieux qui allait assurer sa survie…
merci pour le chapitre
Merci pour ce travail.