Wortenia Senki – Tome 10 – Chapitre 1 – Partie 5

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Chapitre 1 : Akimitsu Kuze

Partie 5

Après avoir terminé sa réunion nocturne avec Zheng, Koichiro retourna dans le manoir de Liu Daijin. Il s’arrêta sur un coup de tête près de la chambre de Liu et frappa à la porte. Il était un peu plus de six heures du matin, et le soleil commençait à se lever. C’était un moment étrange pour rendre visite à quelqu’un, mais malgré cela, Liu ouvrit la porte et salua gracieusement son ami.

« Je vois. Alors Zheng t’a dit tout ça. »

Koichiro avait résumé ce qu’il avait entendu de Zheng.

Liu poussa alors un gros soupir.

« Permets-moi de m’excuser sincèrement, mon ami. J’aurais dû te dire tout cela moi-même lorsque tu me l’as demandé la dernière fois. En tant que patron chargé de diriger l’Organisation, c’était irresponsable de ma part. Veux-tu bien me pardonner. »

Liu se leva de sa chaise et inclina sa tête devant Koichiro. C’était la plus grande excuse qu’il pouvait présenter à un autre, à la fois en tant que Liu Daijin le chef et en tant que Liu Zhong Jian l’homme. On ne pouvait qu’imaginer le regret et la douleur derrière ce geste, mais Koichiro se contenta de se moquer.

« Ne sois pas absurde. Tu me dis ça après tout ce temps ? »

« Koichiro ? »

Liu leva la tête, fixant son vieil ami avec perplexité.

« Je sais bien ce pour quoi tu t’excuses, et je peux aussi comprendre pourquoi tu as eu tant de mal à m’en parler. Mais cette préoccupation est inutile pour moi. Quand on y réfléchit bien, je ne suis rien de plus qu’une relique. De plus, j’ai cessé d’être un membre de l’Organisation depuis le jour où j’ai disparu de ce monde. Je suis devenu un étranger. »

Koichiro posa une main amicale sur l’épaule de Liu.

« Et tu n’as pas besoin de t’excuser auprès d’un étranger, Zhong Jian. Tu as fait le choix que tu pensais être le bon. Pardonner le sort de Kuze et reconstruire l’Organisation n’était pas une erreur. L’élimination de la faction du retour au pays aurait laissé l’Organisation en ruine, et je suis sûr que beaucoup de gens de notre bord les ont également regardés avec sympathie. Insister pour les exécuter aurait brisé l’Organisation. Et même si cela n’avait pas été le cas, l’Organisation aurait mis des années de plus à s’en remettre. »

Liu ferma les yeux, sa vision se troublant de larmes.

« Koichiro… », murmura-t-il.

Pendant cinquante longues années, Liu Daijin porta la peur et le regret dans son cœur. Il s’était toujours demandé si le choix qu’il avait fait à l’époque était le bon, et cette inquiétude semblait se manifester à chaque instant.

Pendant les cinquante années où Liu Zhong Jian avait été patron, il avait travaillé sans relâche pour reconstruire et développer l’Organisation. Mais tout au long de son mandat, la question de savoir ce qu’était devenu son ami juré, qui avait disparu dans l’interstice dimensionnel, le tourmenta.

En tant que patron, il n’aurait pas dû laisser cette question le préoccuper autant. En fait, les patrons de l’époque avaient dit à plusieurs reprises à Liu qu’ils souhaitaient qu’il soit le successeur de Koichiro. Étant donné les nombreux accomplissements de ce dernier, il était logique qu’ils veuillent combler le vide qu’il avait laissé. Le nombre de champs de bataille qu’il avait conquis était important, mais plus encore, Koichiro Mikoshiba avait une certaine qualité qui attirait les gens vers lui. Si la faction du retour au pays ne s’était pas déchaînée comme elle l’avait fait, Koichiro serait sans aucun doute devenu l’un des principaux dirigeants de l’Organisation.

« Alors, tu dis que tu souhaites rencontrer Kuze ? »

Les yeux encore légèrement gonflés, Liu s’essuya le visage avec un mouchoir et regarda Koichiro assis en face de lui.

« Oui. Est-ce vraiment si difficile ? », dit Koichiro en hochant la tête.

« Je ne dirai pas… que c’est impossible, mais ça ne peut pas être arrangé immédiatement. »

Et bien que leurs factions différaient, Liu et Kuze étaient tous deux des dirigeants de la même organisation. Lui envoyer une lettre était possible, mais elle devrait passer par les mains de plusieurs membres de l’Organisation avant de parvenir à Kuze. De plus, ce dernier étant devenu un reclus qui sortait rarement en public, Liu ne savait pas où il se cachait. Toute tentative de le contacter prendrait des jours, et cela ne changerait pas même s’il mentionnait Koichiro dans la lettre. En fait, écrire sur Koichiro ne ferait qu’empirer les choses.

Koichiro était un homme du passé pour l’Organisation, un homme mort. Dans la société moderne, il n’était pas impossible qu’une personne soit enregistrée comme morte pour réapparaître vivante plus tard. Mais pour changer son statut de mort à vivant, il fallait passer par des procédures légales assez fastidieuses auprès des autorités. Cette situation était à peu près la même, sauf que l’authenticité douteuse de la survie de Koichiro rendrait les choses encore plus lentes. Au pire, cela pourrait être considéré comme une sorte de complot contre la faction radicale, ce qui ne ferait que provoquer une effusion de sang inutile.

Il était parfaitement compréhensible qu’ils aient du mal à croire qu’une personne disparue dans l’interstice dimensionnel soit simplement revenue cinquante ans plus tard. Les choses étaient différentes avec Liu, puisque l’information lui était parvenue directement et qu’il connaissait Koichiro personnellement. Mais tout ceci était surtout surtout un coup de chance. Les choses ne seraient pas aussi simples dans le cas de Kuze.

« Donc le seul moment certain où je pourrais le rencontrer serait l’assemblée générale annuelle ? », demanda Koichiro.

« J’ai bien peur que ce soit le cas… », dit Liu en hochant la tête.

L’assemblée générale était une réunion annuelle pour les patrons de l’Organisation régnant sur les opérations clandestines du continent occidental. Tous les patrons et membres de haut rang étaient tenus d’y assister, à moins qu’ils n’aient une raison justifiée, peut-être une guerre en cours dans leur région ou une santé défaillante qui les empêchait de voyager. C’était un jour où même Kuze, qui refusait de se montrer en public, allait devoir se dévoiler. Liu avait, en effet, parlé à Kuze lors de l’assemblée générale de l’année dernière. Ils avaient même partagé un verre.

« Il reste encore du temps avant que cela n’arrive… », dit Koichiro en fronçant les sourcils.

« Oui. Mais heureusement, cette année, la réunion se tiendra près du Royaume de Rhoadseria. Juste à temps pour l’extraction de ta petite-nièce et les retrouvailles avec ton petit-fils. »

Actuellement, douze anciens appelés patrons dirigeaient l’Organisation. Le lieu de la réunion alternait entre le territoire de chaque patron.

« Alors c’est d’autant plus pratique… », dit Koichiro.

« En effet », approuva Liu en hochant la tête.

« Cependant, il y a quelques points problématiques dont je dois discuter avec toi avant que tu ne rencontres Kuze. »

Il dirigea alors un regard acéré vers Koichiro.

« Zheng a dû sûrement t’en parler, non ? »

Liu n’avait pas précisé ce qu’il voulait dire, mais Koichiro comprit tout de suite.

« Tu parles bien de cet homme. Akitake Sudou. »

Liu Daijin hocha la tête gravement.

« Son rang dans l’Organisation n’est pas très élevé. C’est un cadre supérieur, mais en apparence, il n’est pas allé aussi loin. Il y a cependant trop d’aspects inquiétants chez lui. Surtout quand il s’agit de son traitement de ton petit-fils… »

« Oui, Zheng me l’a dit. Mais il y a certaines choses qui n’ont toujours pas de sens. »

D’après ce que Zheng avait dit, Akitake Sudou était un homme globalement mystérieux. Il avait un rang bien inférieur à celui de l’aide de Kuze, Kikukawa, mais son influence était vaste. Parce qu’il était capable de mobiliser l’unité d’exécution, il avait effectivement plus de pouvoir que Kikukawa. Ce fait était assez impressionnant, car toute sortie de l’unité d’exécution de l’Organisation, les Chiens de chasse, devait être rapportée directement à Kuze.

De plus, Sudou avait rédigé la plupart des stratagèmes et des stratégies de la faction radicale. Et tandis que l’Organisation se concentrait actuellement sur la manipulation de l’Empire d’O’ltormea, Sudou était également en charge de ces opérations.

Malgré tout cela, Sudou n’avait montré aucun désir de s’attribuer le mérite de ces réalisations. Il ne semblait pas avoir envie d’être promu.

Pourtant, l’aspect le plus frappant de Sudou était son traitement de Ryoma Mikoshiba. Ryoma avait commencé à interférer avec ses plans peu après sa convocation, en tuant le mage de la cour d’O’ltormea, Gaius Valkland, et en fuyant le pays. En soi, cela aurait dû causer un certain nombre de problèmes à Sudou, qui commandait à l’époque l’unité de renseignement de l’Empire d’O’ltormea. Mais peu de temps après, Ryoma était intervenu de manière inattendue dans la guerre civile du Royaume de Rhoadseria. Cela força Sudou à conclure ses tentatives de jeter le pays dans le chaos d’une manière insatisfaisante. Et plus récemment, lors de l’invasion du Royaume de Xarooda, il mena une petite force à travers la frontière montagneuse de Xarooda, renversant Fort Notis et forçant la force d’invasion d’O’ltormea à battre en retraite.

Avec autant de complots avortés, on aurait pu imaginer que Sudou était hors de lui, en colère. Mais le rapport qu’il avait remis il y a quelques jours ne laissait entrevoir aucune émotion de ce genre.

Peut-être qu’il connaît mon nom ?

Cette possibilité n’était qu’une parmi tant d’autres. La première était qu’Akitake Sudou connaissait Koichiro, soupçonnait Ryoma d’avoir un lien de parenté avec lui en raison de leur nom de famille commun, mais distinctif, et le traitait avec indulgence en conséquence.

Cela pouvait être le cas. Koichiro était un guerrier qui avait servi l’Organisation à ses débuts, et son nom était devenu une légende, même aujourd’hui. Mais Sudou allait-il vraiment tolérer autant d’obstructions à ses plans justes parce que Ryoma pouvait être apparenté à une personne célèbre, d’autant plus qu’il n’avait jamais vraiment confirmé un lien entre les deux ? S’il avait vraiment voulu le savoir, il aurait pu poser la question à Ryoma lorsqu’il l’avait rencontré pendant la guerre civile de Rhoadseria. Mais il ne l’avait pas fait. Pourquoi ?

Cela amena Koichiro à la deuxième possibilité. Et si Sudou croyait que les interventions de Ryoma étaient réellement bénéfiques ?

Cela paraissait irréaliste pour Koichiro. Les dégâts causés par Ryoma n’étaient pas assez importants pour influencer les échelons supérieurs de l’Organisation ou son influence globale. Mais en même temps, ils n’étaient pas si insignifiants qu’on puisse simplement les balayer sous le tapis. Les interventions de Ryoma avaient obligé Sudou à changer radicalement ses plans. Heureusement, il était là pour réviser les choses sur place à chaque étape du processus, mais on ne sait pas combien de temps il pourra continuer à le faire. Dans cette situation, il serait plausible de penser qu’il agirait pour éliminer le fauteur de trouble. Après tout, Sudou avait l’autorité pour déployer les chiens de chasse. Il aurait pu sembler exagéré de les envoyer contre un seul chiot, mais Ryoma avait entravé l’Organisation en de trop nombreuses occasions.

Liu Daijin avait beau regarder les exploits de Ryoma avec une pointe de sourire, il était difficile de le défendre aux yeux de l’Organisation. Si la faction radicale ordonnait son assassinat, le seul moyen de l’en empêcher serait de le recruter, afin qu’il compense ses pertes par ses services.

Ryoma Mikoshiba en avait tout simplement trop fait.

Cependant, les choses étaient différentes en pratique. Les rapports de Sudou n’avaient pas montré que Ryoma était si dangereux. On aurait presque dit qu’il essayait de minimiser la menace que représentait Ryoma. On aurait même pu croire que Sudou le soutenait et l’encourageait activement.

Il n’y a que deux raisons pour lesquelles il ferait ça. Soit il est persuadé que l’Organisation sera capable de le manipuler comme un pion, soit il veut simplement semer le chaos sur le continent. Mais je ne peux pas confirmer laquelle des deux est la bonne…

Si c’était l’option numéro un, cela ne poserait aucun problème pour l’Organisation. Mais ce serait bien différent s’il s’agissait de l’option numéro deux. Lancer le continent dans une guerre chaotique serait un mauvais coup à jouer pour eux.

« Je devrais peut-être parler à ce Sudou », dit Koichiro en soupirant.

« Compris. Je vais demander à Kikukawa de lui en parler. Sudou devrait être dans la capitale d’O’ltormea en ce moment, pour remettre son rapport sur l’expédition Xarooda à l’Empereur. Mais comme il est normalement en charge des opérations de renseignement à Rhoadseria, nous devrions pouvoir organiser une rencontre entre vous deux là-bas. »

« Entre ça et Asuka, j’ai demandé trop de faveurs, Zhong Jian », s’excusa Koichiro.

« Et tout ceci ne te concerne pas, Koichiro. Je t’ai demandé de m’aider à guider Zheng, et ta petite-nièce est comme une famille pour moi aussi. Il en va de même pour ton petit-fils, et je ne considère pas le fait d’aider la famille comme un quelconque problème. », répondit Liu en souriant gentiment.

Liu se leva de son siège et ouvrit la porte d’une étagère située en face de son lit.

« Tu bois si tôt le matin ? », demanda Koichiro tout en se fendant d’un sourire amer devant les caractères chinois imprimés sur le pot que Liu avait sorti.

« Le petit-déjeuner n’est-il pas dans trente minutes seulement ? »

Ignorant la question de Koichiro, Liu ouvrit le sceau sur le pot. L’odeur d’un alcool coûteux remplit la pièce.

« Ah, ne dis pas ça, Koichiro. Considère ça comme une récompense pour toute l’aide que je t’apporte et joue le jeu. », dit Liu tout en remplissant silencieusement une tasse d’alcool.

Ce jour-là, les deux hommes partagèrent silencieusement des boissons jusqu’à ce que Zheng se présente pour leur dire que le petit-déjeuner était prêt. C’était comme s’ils offraient leurs toasts aux étoiles capricieuses du destin qui avaient conduit à ces retrouvailles cinquante ans plus tard, comme pour se souvenir de leurs nombreux amis, emportés par les courants du temps.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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