Wortenia Senki – Tome 10 – Chapitre 1 – Partie 3

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Chapitre 1 : Akimitsu Kuze

Partie 3

Et pour être honnête, personne ne pouvait dire lequel des trois avait la bonne réponse. Pas même Liu Daijin, leader de la faction modérée, ne pouvait répondre à cette question. Une réforme radicale ne ferait rien d’autre que de créer une opposition, qui coûterait la vie à de nombreuses personnes. Mais si la situation ne changeait pas rapidement, la nature tordue de ce monde plongerait davantage d’innocents dans cet environnement infernal. Une réforme rapide et radicale ou une approche lente de réconciliation, ce ne sera qu’avec le recul que l’on pourra dire laquelle des deux était la meilleure. Le problème était que même les douze anciens de l’Organisation avaient des avis partagés sur la question.

« Je vois… Changer avec assurance la structure sociale de ce monde. Je suppose que c’est la conclusion à laquelle on arrive si on ne peut pas retourner dans notre monde… », dit Koichiro, pensif.

Pour quelqu’un de leur monde, cette Terre était un véritable enfer. La structure sociale était tout simplement trop différente, et dans le mauvais sens du terme. On pourrait presque dire qu’elle était trop archaïque. Une personne issue d’une époque féodale aurait pu s’adapter, mais une personne issue d’une société plus moderne aurait eu du mal à le faire.

Même en tenant compte du fait que les pays se sont développés différemment, c’était vrai pour presque tous les autres mondes, surtout maintenant, au XXIe siècle. La plupart des pays défendaient des idéaux de liberté et d’égalité, où les droits de l’homme sont au premier plan. Mais lorsqu’ils avaient été confrontés à la réalité qu’ils ne pouvaient pas retourner chez eux, ceux de l’autre monde avaient dû s’adapter à ce monde. Ils n’avaient guère d’autre choix que de le faire.

« Je crois que ce sont les radicaux qui ont aidé à fonder l’Empire d’O’ltormea ? », demanda Koichiro.

« C’est exact. Nous leur avons prêté toute l’aide possible en tant qu’organisation, mais les radicaux ont toujours l’initiative. Même maintenant, ils ont beaucoup d’influence sur les échelons supérieurs d’O’ltormea. », répondit Zheng

« Mes seuls souvenirs d’O’ltormea sont ceux d’un petit pays au centre du continent qui suppliait sans cesse qu’on l’aide contre les invasions… Personne ne les considérait comme importants à l’époque. »

Zheng hocha la tête. Quiconque connaissait la situation d’O’ltormea à l’époque serait choqué de voir à quel point ce pays s’était développé.

« Il s’est développé au point d’être considéré comme l’un des trois grands de ce continent. Les radicaux ont dû investir beaucoup pour les aider », dit Koichiro en se moquant.

Le prédécesseur de l’Empire d’O’ltormea, l’ancien Royaume d’O’ltormea, était faible au point d’être ridicule. Il avait peu de territoire et aucune exportation notable. Ses seules industries étaient les plus courantes : culture, élevage et exploitation d’une poignée de mines de fer. Ils avaient juste assez pour être autosuffisants, mais rien de plus. Sans produits de base à vendre à d’autres pays, ils n’auraient pas les fonds nécessaires pour importer les fournitures nécessaires en cas de sécheresse ou de catastrophe naturelle. Leur puissance nationale était réduite.

La seule chose qui leur convenait, pour ainsi dire, était qu’ils étaient un royaume montagneux avec peu de prouesses économiques. Ils n’avaient pas à redouter les invasions de leurs voisins. Pour les pays environnants, renverser le royaume demanderait quelques efforts, mais ne rapporterait pas grand-chose. Il y avait d’autres pays plus lucratifs à attaquer.

Mais aussi pauvre que soit le pays, sa classe dirigeante recherchait toujours la prospérité et le plaisir. Les nobles utilisaient leur autorité pour gouverner à leur guise. Et non seulement la famille royale n’avait rien fait pour les arrêter, mais elle les avait même encouragés pour qu’ils conservent le trône.

Tout cela changea après la disparition de Koichiro, lorsque l’ancien royaume d’O’ltormea avait envahi et occupé son voisin, le royaume de Tenne. Et comme une maladie ravageant rapidement un patient non préparé, le Royaume d’O’ltormea s’était répandu au centre du continent, étendant ses frontières.

La question de savoir comment Lionel Eisenheit, qui n’était alors que le troisième prince du royaume, avait gagné la guerre contre le royaume de Tenne et avait commencé cette expansion rapide était l’un des plus grands mystères de l’histoire du continent occidental. La vérité derrière tout cela, cependant, était douloureusement décevante.

Le vieux royaume d’O’ltormea avait un allié qui le soutenait, un allié assez puissant pour assurer la victoire. C’était effectivement une explication plutôt décevante pour un si grand exploit. Mais le royaume d’O’ltormea était dans une situation grave. Il était comme une cruche trouée, et l’Organisation l’alimentait continuellement en eau, juste assez pour qu’elle reste pleine.

Pourtant, même si l’Organisation de l’époque possédait de grandes mannes financières, ses coffres n’étaient pas illimités. Il était clair que les dirigeants de l’Organisation avaient agi avec beaucoup de détermination et de courage. Affaiblie par les conflits entre ses factions, l’Organisation dans son ensemble tenta de retrouver sa force, et firent donc ainsi un pari désespéré en misant sur un cheval improbable.

C’est du moins ce que Zhong Jian m’a dit…

Avant l’échec du rituel de contre-appel, l’Organisation était divisée en deux factions. La faction du retour au pays s’efforçait activement d’utiliser le rituel pour rentrer chez elle, bien qu’elle soit consciente de ses défauts. Liu Daijin, en revanche, dirigeait la faction des opposants. Ils étaient contre l’utilisation du rituel de contre-appel.

Ces deux factions étaient en conflit. Un affrontement militaire avait eu lieu lorsque la faction du retour au pays essaya de forcer l’activation du rituel. De nombreux camarades de Koichiro et Liu s’étaient battus les uns contre les autres, chacun au nom de la justice qu’ils défendaient. Et tout cela s’était terminé en tragédie pour Koichiro Mikoshiba et ses subordonnés.

En conséquence, la faction du retour au pays scella le rituel de contre-appel et annonça officiellement que son utilisation était strictement interdite. En d’autres termes, ils avaient renoncé à rentrer chez eux. La faction de l’opposition accepta cette décision, et ainsi le schisme fut réparé.

En réalité, aucune des deux factions n’avait le choix. Elles devaient se réconcilier. Étant donné l’état des choses à l’époque, toute nouvelle querelle aurait entraîné l’effondrement de l’Organisation. Certains membres de la faction d’opposition avaient demandé l’exécution des membres de la faction du retour, pour montrer l’exemple, mais la plupart des membres de la faction d’opposition avaient sympathisé avec les motifs de la faction du retour. Ils étaient tous également des victimes, appelés dans ce monde contre leur gré. Ils souhaitaient donc bien évidemment rentrer chez eux.

Cependant, dans le même temps, l’incident du rituel de contre-appel laissa l’Organisation avec une blessure saignante, et donc l’appel à l’exécution fut sérieusement envisagé. Mais même au sein de la faction d’opposition, certains demandèrent à ce que la faction de retour au pays soit graciée. Certains le demandaient par empathie, d’autres craignaient que la perte d’autant de membres n’affaiblisse encore plus l’Organisation. Mais surtout, ils craignaient tous la présence de l’Église de Meneos.

Après de longs débats, Liu Zhong Jian et sa faction d’opposition choisirent de se réconcilier avec la faction du retour, choisissant de reconstruire l’Organisation, sans savoir que cette issue ne ferait que déclencher de nouveaux conflits.

Koichiro soupira. Ce n’était pas leur meilleure décision… Ils auraient dû au moins s’assurer que quelqu’un était en place pour garder un œil sur l’autre faction ou pour donner une chance aux deux factions d’échanger leurs opinions.

Liu Daijin, c’était ainsi que Liu Zhong Jian avait été connu. Le titre de Daijin signifiait « Le Grand et le Sage ». Sa nature tolérante et miséricordieuse, ainsi que sa capacité à diriger l’Organisation aussi longtemps qu’il l’avait fait, lui valut ce titre.

Cependant, cette même tolérance pouvait être exploitée. Il avait tendance à croire au bon côté des gens. Ce n’était pourtant pas un défaut en soi, un homme tolérant était préférable à un homme qui ne faisait que suspecter et douter des intentions des autres. Mais Liu était en charge de l’Organisation. Il guidait et commandait les gens.

Quand Koichiro était à ses côtés, cela ne posait pas un problème. Il pouvait toujours couvrir et compenser ce qui manquait à son ami. Mais avec Koichiro parti de l’autre côté de l’interstice dimensionnel, il n’y avait personne qui réalisait les défauts de Liu Daijin et pouvait les couvrir comme il le faisait. Ce fossé conduisit à la division actuelle entre les factions modérée et radicale.

« Et ? Qui dirige la faction radicale maintenant ? », demanda Koichiro, exprimant son plus grand doute.

C’était quelque chose que Liu Daijin ne voulait pas lui dire, peu importe combien de fois il le demandait.

Pourtant, son visage en disait long, pensa Koichiro, se souvenant de l’expression amère et angoissée du visage de son vieil ami.

En vérité, il ne voulait pas déshonorer la volonté de Liu en posant cette question. Mais étant donné sa situation, il devait confirmer ce qui se passait.

« Son nom est Kuze… Maître Akimitsu Kuze. », dit gravement Zheng.

Koichiro ferma les yeux. C’était comme il l’avait soupçonné. Il comprit alors pourquoi Liu refusait d’en parler.

C’est vraiment lui…

Toutes les pièces s’étaient mises à leurs places.

« J’aurais dû supposer qu’il avait survécu. », dit Koichiro en hochant la tête.

Akimitsu Kuze était autrefois un ami de Koichiro, encore plus proche que Liu Zhong Jian. Ils étaient proches en âge, ils étaient tous deux japonais, et ils venaient tous deux d’une famille d’artistes martiaux traditionnels. Tous deux furent convoqués à peu près au même moment et entrèrent sous la protection de l’Organisation par des circonstances similaires. Koichiro avait bien évidemment de nombreux amis dans son passé. Kuze et Liu n’étaient que deux de ses anciens compagnons, et Koichiro donnerait sa vie pour chacun d’entre eux. Mais s’il devait en choisir un seul, il n’hésiterait pas à choisir Akimitsu Kuze.

Koichiro mena de nombreuses batailles dans son passé, et Kuze était à ses côtés dans chacune d’entre elles. Durant les premiers jours de l’Organisation, Koichiro était considéré comme la lance qui abattait de nombreux ennemis de l’Organisation, mais il était toujours accompagné d’Akimitsu Kuze, le bouclier de l’Organisation, qui combattait comme son compagnon.

Non, pas comme un bouclier. C’était plutôt un poignard imbibé de poison.

Quoi qu’il en soit, le fait était que Kuze apporta à l’Organisation plus de butins de guerre que n’importe quel autre membre.

Mais leur étroite amitié connut un jour une rupture critique, le jour où Koichiro se retrouva projeté dans son monde d’origine, au milieu d’une bataille autour de l’utilisation du sort de contre-appel développé par la géniale chercheuse Adelina Berezhnaya.

Akimitsu… Tu ne peux toujours pas pardonner ce monde, hein… ?

Il pouvait encore se souvenir de l’agonie et de la haine peinte sur le visage d’Akimitsu Kuze. De tous ses camarades, Kuze était celui qui tenait le plus à rentrer chez lui. Tous les membres de l’Organisation partageaient cet objectif, mais dans le cas de Kuze, sa passion brûlait différemment des autres.

Ce n’était pas une simple haine pour ce monde infernal. Kuze avait une raison claire et nette de retourner au Japon à tout prix. Il était le fils aîné de parents aisés qui vivaient près de la préfecture de Kyoto. Son père était sévère, mais intellectuel, et sa mère était une femme dévouée qui soutenait son père en toutes circonstances. Il avait également une sœur de huit ans sa cadette.

Il avait été instruit dans les arts martiaux traditionnels de la famille depuis son enfance. Bien que leur entraînement soit éprouvant et sévère, c’était quand même un foyer idéal. Mais plus une chose était idéale, plus elle se révélait fragile au moment où tout doit voler totalement en éclats.

Un jour, un homme était devenu fou sous l’influence de drogues stimulantes, poignardant d’innocents piétons en plein jour. Dix personnes étaient mortes et sept furent gravement blessées dans cet incident macabre. Il fit alors la une des journaux. Koichiro se souvient encore de ce crime, un demi-siècle plus tard, la cruauté pure et simple l’avait marqué.

Les parents de Kuze faisaient partie de ceux qui étaient morts dans cet incident.

Kuze était étudiant diplômé lorsqu’il perdit ses parents de cette manière choquante et terrible. Kuze avait vécu avec sa sœur, agissant comme son parent de substitution. Le seul point positif était que leur statut de riches leur permettait de vivre ensemble dans une relative stabilité financière.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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