Chapitre 5 : Qu’en est-il de l’homme qui a ouvert la cage à oiseaux
Table des matières
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Chapitre 5 : Qu’en est-il de l’homme qui a ouvert la cage à oiseaux
Partie 1
Deux semaines après que Lise soit devenue propriété de la Reine, Lux avait appelé Takumi pour le voir dans son bureau. C’était dans le château.
« Salut, marchand d’esclaves. Cette fois, tu as vraiment répondu à mes attentes de façon positive, » déclara Lux.
Lux avait l’air totalement différent de la dernière fois, car il parlait en étant de bonne humeur. D’un autre côté, Takumi avait laissé échapper un bâillement apathique.
« Ouais, peu importe, je suis content d’entendre ça… Ai-je déjà mentionné que te voir de bonne humeur à Fairstadt m’énerve un peu ? Parce que c’est ainsi et que c’est étrange. Peut-être que je comprends pourquoi Kunon se donne à fond quand elle est près de toi, » déclara Takumi.
« Tu aurais pu m’épargner ta remarque idiote et éviter de m’énerver aussi. Mais bon, grâce à toi, la Reine m’a entraîné dans son plan, alors je vais fermer les yeux pour l’instant, » déclara Lux.
« Merci. De toute façon, pourquoi m’as-tu appelé jusqu’ici ? » demanda Takumi.
Lux s’était redressé avec une expression aigrie sur son visage. Il savait que leur conversation n’allait pas être agréable.
« Commençons par la bonne nouvelle. La Reine a assigné leur territoire à tes subordonnées chevalières. C’est l’endroit que tu as demandé, » déclara Lux.
Pendant qu’il parlait, Lux avait sorti un document de son bureau et l’avait remis à son interlocuteur.
« Enfin… maintenant, beaucoup de choses vont être plus faciles, » déclara Takumi.
« Beaucoup de choses, hein… ? Je ne peux pas baisser ma garde quand tu es impliqué… Qu’est-ce que tu fais cette fois ? Ne va pas trop loin, ou tu devras faire face à un type gênant, » déclara Lux.
Lux plissa légèrement les yeux pendant qu’il poursuivait la conversation.
« Elvis t’a reconnu comme son ennemi. Il vaudrait mieux que tu n’attires pas trop son attention, » déclara Lux.
« Crois-tu que je vais rester planquer seulement pour ça ? » demanda Takumi.
« Bien sûr que non. Mais il est sûrement la personne la plus gênante de tout le royaume. Ce que je vais dire vaut aussi pour toi — les personnes les plus effrayantes sont celles qui sont difficiles ou impossibles à lire, » déclara Lux.
Lux avait soutenu son menton avec sa main tout en tapant à plusieurs reprises sur le bureau avec un doigt.
« Il n’était pas seulement derrière les expériences de la formule de loi de l’archevêque Crest. J’ai entendu dire qu’il était en contact avec de nombreuses grandes compagnies des districts du nord pendant l’ancien empire, et il a aussi des contacts avec Denmerg. Il doit chercher quelque chose et cacher son véritable objectif… mais rassembler des informations sur lui n’aide pas à tout reconstituer, » déclara Lux.
Peu importe l’inexpérience de Lux, il était toujours un Seigneur Supérieur avec tous les privilèges qu’il incluait. Cela signifiait que s’il ne pouvait pas comprendre ce qu’Elvis prévoyait malgré ses recherches sur lui, le chef de la Fortesea était particulièrement doué pour couvrir ses actions.
« La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’il prépare quelque chose de l’ombre. Garde les yeux ouverts, d’accord ? » demanda Lux.
« Oui, bien sûr. Devrais-je donc aussi trouver un moyen de recueillir des informations sur lui et de les partager avec toi ? » demanda Takumi.
« Je savais que tu serais allé droit au but, mais je ne veux pas que tu fasses quelque chose d’imprudent. Pour être honnête, ce serait un coup dur si nous devions te perdre maintenant, » déclara Lux.
« … Répondre à tes attentes apporte autant de fruits que de problèmes, tu sais ? Les nobles m’ont envoyé des pétitions depuis l’annonce de notre combat officiel, » déclara Lux.
Takumi haussa légèrement les épaules pendant que Lux faisait une grimace en se tapotant le ventre.
Les nobles voyaient la magie comme quelque chose d’incomparable et personne ne s’attendait à ce que de simples demi-humains écrasent leurs opposants. La conséquence évidente d’une telle absurdité était un sentiment de détresse persistant pour ceux qui regardaient de haut les demi-humains depuis si longtemps.
« D’un autre côté, nous sommes maintenant des héros pour la ville basse, n’est-ce pas ? C’est la première fois dans l’histoire que certains demi-humains obtiennent le titre de chevalier, » déclara Takumi.
« Eh bien, vous êtes des héros depuis un moment maintenant. La grande compagnie héroïque qui lutte contre l’injustice, les chevaliers héroïques qui sont sortis de la ville basse… et, je suppose, les chasseurs de monstres héroïques, » déclara Lux.
Lux avait remis une enveloppe au marchand d’esclaves.
« Passons aux mauvaises nouvelles. Elvis Fortesea ordonna aux nouveaux chevaliers novices d’exterminer quelques monstres, » déclara Lux.
Takumi avait rapidement lu les documents dans l’enveloppe tandis que Lux l’abreuvait de détails.
« Elles ont été affectées au village de Renunt, qui a été attaqué par des monstres. Kunon et Karin doivent éliminer les monstres et améliorer le moral du village. De cette façon, vous ferez également taire les nobles sceptiques en leur montrant vos capacités, » déclara Lux.
L’instant d’après, Takumi fit une expression aigre.
« … Tu plaisantes, n’est-ce pas ? » demanda Takumi.
« Ne vois-tu pas le tampon officiel d’Elvis en bas ? » demanda Lux.
« Je me fiche qu’il soit authentique. Ne puis-je pas juste brûler ça et rentrer chez moi ? » demanda Takumi.
« Félicitations, tu serais accusé de trahison. La prison sera ta nouvelle maison maintenant, » déclara Lux.
Lux sourit amèrement devant le profond soupir de Takumi.
« Ne t’inquiète pas, le village de Renunt est situé au pied de la chaîne de montagnes Meld dans le Nord. C’est probablement pour ça qu’on nous signale des monstres mineurs qui attaquent le village. Ça ne devrait pas être un problème pour vous les gars, n’est-ce pas ? » déclara Lux.
Les monstres étaient des créatures vivantes dans leur monde.
Parfois, le pouvoir magique sur la terre faisait que certaines bêtes deviennent trop grandes. Ces curiosités étaient appelées « monstres », car elles étaient généralement dangereuses, et il fallait souvent les éliminer.
Mais les monstres mineurs n’étaient pas si dangereux.
Quant aux quelques fois où l’un d’entre eux avait dépassé les limites de sa capacité, même un homme fort qui avait saisi les bases des arts martiaux ou une femme qui avait su construire et poser des pièges autour d’eux aurait pu les capturer sans grand effort.
« Eh bien, ton ordre d’en haut est essentiellement de faire bonne impression sur ton patron. Maintenant, même si ces monstres sont mineurs, nous avons reçu beaucoup de rapports sur leurs attaques. Il pourrait être difficile de les affronter tous sans chevalier magique s’ils sont trop nombreux. Mais tu devrais essayer de t’en occuper et de protéger le village, » déclara Lux.
« … Combien de rapports as-tu reçus ? » demanda Takumi.
« Peut-être des douzaines ? Cependant, aucun des villages voisins n’a signalé de dégâts importants, » déclara Lux.
L’expression de Takumi s’était déformée en un instant, en entendant ces mots.
Puis, son sourire habituel était revenu pour lui fendre le visage.
« … Tant qu’on n’a pas à chasser un monstre majeur ou à répondre à des demandes insensées, tout va bien, » déclara Takumi.
« Où est ton arrogance habituelle du genre “ça va être du gâteau” ? » demanda Lux.
« Je veux dire, tant qu’on a affaire à des monstres mineurs ou de classe moyenne, c’est peut-être un problème… mais les grands peuvent utiliser la magie, tu sais ? » déclara Takumi.
Les monstres de la classe moyenne avaient des corps énormes, mais il fallait « simplement » plusieurs hommes pour en vaincre un.
D’autre part, les monstres majeurs n’avaient pas seulement des corps énormes, ils pouvaient aussi utiliser la magie. Cela signifiait que leur taille les plaçait généralement au sommet de la chaîne alimentaire, et leur magie ne faisait que confirmer cette position — ils pouvaient littéralement être des géants mangeurs d’hommes.
Le pire était que les monstres ne se régalaient pas seulement des humains, mais aussi de leurs formules magiques, ce qui signifiait qu’ils devaient être vaincus le plus vite possible.
« Si quelqu’un qui peut utiliser la magie avancée devait apparaître, ce pays pourrait être détruit, » déclara Takumi.
« Tu as raison. Nous les avons vaincus les quelques fois où ils sont apparus, mais je me souviens qu’il y a quelques années, la majorité des chevaliers magiques avaient été déployés pour en faire tomber un. Probablement que seuls les héros des villes-états de l’Ouest auraient pu y faire face seuls comme nous, » déclara Lux.
« Ouais, combattre un monstre comme ça serait une énorme douleur dans le cul. Mais les humains sont toujours plus effrayants que les monstres, » répondit Takumi.
« Je suis d’accord. Elvis t’a envoyé cette directive pour une raison. Je suis sûr qu’il prépare quelque chose… et tu devrais aussi envisager que Kiad prenne sa revanche, » déclara Lux.
Lux avait croisé ses bras sur sa poitrine, avec une expression aigre.
« J’ai entendu dire qu’il a changé de façon négative. Les gardes des couches supérieures ont dit que son arrogance a disparu et qu’il a toujours l’air fatigué et presque émacié. Il n’a pas encore mis les pieds hors de son manoir, » expliqua Lux.
« Oww, le pauvre. J’ai fait quelque chose d’horrible, » déclara Takumi.
« S’il te plaît, je sais que tu n’es pas du tout désolé… honnêtement, il le méritait. Il était plutôt désagréable à voir, donc tu as ma gratitude, » déclara Lux.
Lux haussa les épaules, puis fit face à Takumi avec un regard aiguisé.
« Quoi qu’il en soit, fais attention, d’accord ? Tu as encore beaucoup de choses à faire, » déclara Lux.
« Oui, bien sûr. Je suppose que je vais laisser mes subordonnées tranquille pour une fois, » déclara Takumi.
« … Excuse-moi ? » Lux était encore plus perplexe de voir l’expression joyeuse de Takumi.
« Je veux dire, le village de Renunt a quelques sources chaudes, non ? On a été affectés là-bas, pour pouvoir prendre une pause et profiter d’un bain pour une fois, » déclara Takumi.
« … Ne me dis pas que tu as demandé un endroit au milieu de nulle part comme ça seulement pour cette raison, » demanda Lux.
« Quoi ? Est-ce si mal ? J’aime me baigner et j’adore les sources chaudes. La raison pour laquelle j’ai accepté la demande de la Reine a été la moitié pour Lise et l’autre moitié pour les sources chaudes, » répondit Takumi.
« Je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression que ce n’est pas tout… aussi, je crois que je comprends pourquoi tu es si heureux…, » déclara Lux.
Lux sentit toutes ses forces s’épuiser pendant que Takumi mettait tous les documents dans son sac.
« Je vais prendre congé maintenant. J’ai une invitée aujourd’hui, » déclara Takumi.
« Une invitée… ? Oh, l’Archevêque Crest ? » demanda Lux.
« Exactement. J’ai entendu dire que la Reine lui a ordonné de s’entendre et d’approfondir son amitié avec la grande compagnie Suzuran. Notre chef est de bonne humeur depuis ce matin, » déclara Takumi.
« Oh… Mirta est ainsi ? Ça a l’air bien, n’est-ce pas ? » demanda Lux.
Un sourire amer amincit les lèvres de Lux alors qu’il se souvenait de Mirta quand elle était plus jeune.
« Au fait, puis-je t’emprunter Elsa pour un moment ? » demanda Takumi.
« Bien sûr. Si je la laisse s’occuper de toi, mon mal de ventre va sûrement s’atténuer, » déclara Lux.
« Ne vous imposez pas votre stupide mal de ventre, frère et sœur, » déclara Takumi.
« Je ne veux pas entendre ça de sa cause vivante. Va t’amuser autant que tu le veux, » déclara Lux.
Takumi sortit de la pièce l’instant d’après avec des pas légers, en fermant la porte derrière lui. Lux pouvait enfin pousser un doux soupir de soulagement.
« Je ne peux pas du tout lire en toi…, » murmura Lux.
Ses paroles étaient dirigées vers la porte que le marchand d’esclaves gênant venait de fermer derrière lui.
***
Partie 2
La sombre salle du sous-sol était peinte de pâles nuances mélancoliques. Les faibles sources de lumière qui brillaient étaient issues des outils magiques dispersés dans la salle. La lumière naturelle n’avait jamais atteint cet endroit.
Kiad se recroquevillait sur le sol, alors que son corps tremblait. Ce qui avait été de sa silhouette musclée avait maintenant disparu. Il semblait une ou deux tailles plus petites et plus faibles qu’auparavant.
Aucune lumière ne brillait dans ses yeux de mort alors qu’il balayait la pièce de son regard.
Ce qui était posé avant ça sur son bureau jonchait maintenant le sol. Tous ses documents avaient été déchirés en morceaux et des fragments de bois gisaient près des murs — il s’agissait probablement d’anciennes chaises qu’il avait cassées.
Kiad avait été privé de son pouvoir magique. Takumi l’avait jeté dans cet enfer après leur combat.
Il ne pouvait plus activer aucune des formules de loi que son père avait recherchées pendant si longtemps.
Bien que lié par le sang à Elvis, il n’avait jamais goûté à la bienveillance ou à la pitié de son père. Tout ce qu’il avait à faire était de ne pas échouer, et s’il le faisait une fois, il n’avait pas le droit de le faire une deuxième fois.
Elvis, qui ne se souciait que du pouvoir des gens, ne voulait pas laisser ses enfants hériter de la tête de la famille uniquement parce qu’ils étaient ses fils légitimes. Sigurd — le frère cadet de Kiad — avait été choisi pour être l’héritier du trône en raison de sa diligence à suivre les ordres de son père.
Il n’avait jamais échoué lors de l’accomplissement de ses tâches.
D’autre part…, le destin de Kiad était de devenir une misérable risée si les gens apprenaient qu’il avait perdu son pouvoir magique.
« Je… Je n’échouerai plus… ! »
Il fit sortir ces mots de sa gorge, mais ses tremblements de main avaient trahi son manque de confiance.
L’image de ce sourire odieux et triomphant était gravée dans son esprit — elle scintillait sans fin, tout comme son courage.
Il avait fait son chemin dans la vie en croyant en lui-même et en agissant comme il le voulait… mais maintenant il ne pouvait plus faire un seul pas en avant — aucun avenir ne l’imaginait victorieux.
« Si seulement… Si seulement j’avais gagné cette bataille… ! »
Il croyait fermement qu’il pouvait gagner le match qu’Elvis avait arrêté. Il savait qu’il aurait pu gagner contre Takumi à l’époque. Ce n’était pas son arrogance qui parlait, c’était juste une question de fait — Kiad était à tous les coups fort et possédait la magie la plus puissante de tout le Royaume, celle de la vaillante Fortesea. Ce marchand d’esclaves n’avait aucune chance de gagner contre lui.
Cependant, Elvis n’en était pas sûr, alors les choses s’étaient passées ainsi. Son père lui avait refusé cette victoire.
« C’est vrai… ce n’était pas ma faute… ! Je n’étais pas la cause de ma défaite… ! »
Oui, son père venait de devenir vieux et lâche… il n’avait pas à se soucier de lui.
Il n’avait qu’à être lui-même… et à agir comme il le voulait.
Au moment où un souffle de soulagement lui avait été insufflé, il entendit quelqu’un frapper à la porte.
« J’AI DIT QUE JE NE VOULAIS RENCONTRER PERSONNE — »
« Ne t’avise pas de parler à ton père comme ça. »
Kiad avait tout de suite compris qui parlait et il s’était rétracté encore plus.
La porte s’était ouverte lentement, laissant entrer le tic-tac de la canne qui tapait sur le sol.
« Je n’ai pas vu ton visage depuis un moment… tu as une mine affreuse. »
La voix grave de l’homme correspondait à son expression pierreuse, alors qu’il regardait son fils pitoyable.
« Père… pourquoi es-tu ici ? »
« Quelle question étrange ! Un père doit rendre visite à ses fils lorsqu’ils se morfondent. »
Kiad avait claqué sa langue dans son esprit face à ces mots éhontés. Il savait que son père venait de mentir. Elvis Fortesea n’avait pas la moindre once d’amour familial en lui — ses fils n’étaient que des êtres utiles ou inutiles comme les autres.
« J’ai ordonné au marchand d’esclaves de Suzuran et à ses serviteurs de chasser quelques monstres. »
« Chasser des monstres… ? »
« Oui. Cette fois-ci, je suis inquiet, alors j’ai pris les bonnes mesures. »
Curieusement, il y avait une nuance d’émotions dans la voix d’Elvis.
« Mettons de côté ton échec, car mon sang coule dans tes veines. Contrairement à Sigurd, qui ne serait personne sans moi, tu as l’étoffe d’un vaillant Fortesea… Je suis ici pour te donner une chance de te racheter, bien que je n’aie jamais investi mon temps sur toi jusqu’à présent. Aide-moi, au lieu de pourrir dans un endroit comme celui-ci. »
Kiad leva la tête, la lumière lui revenant dans les yeux — son père l’avait loué.
« Veux-tu… me laisser me racheter ? »
« Pourquoi ne le ferais-je pas ? C’est ma considération pour mon fils. »
« Je… Je ne manquerai pas de te remercier de ta gentillesse. »
Kiad baissa la tête.
Il ne s’attendait pas à ce que son père lui montre de la pitié… mais maintenant, il pourrait se venger. Il pouvait attiser ses flammes en faisant jaillir la colère et la haine. Cet odieux marchand d’esclaves allait payer pour ce qu’il avait fait.
« J’ai déjà envoyé un message à Sigurd. Il est incompétent, mais il obéit à mes paroles. Il devrait être en route pour Renunt à l’heure qu’il est. »
« Sigurd… ? Alors, va-t-il utiliser les monstres de Denmerg ? »
« Bien sûr. Ce marchand d’esclaves pourrait entraver mes plans. Alors brûler son environnement et le laisser se tortiller de désespoir est le moins qu’il mérite. »
Tack, tack — Elvis avait poignardé le sol à plusieurs reprises avec sa canne.
Takumi n’était pas quelqu’un avec qui il pouvait s’amuser, alors il avait soigneusement rassemblé assez de ressources pour le faire tomber.
« Si j’utilise le cristal magique que l’Archevêque Crest a fabriqué pour toi, notre plan sera parfait… et il n’y a aucune chance qu’il ne le soit pas, donc il n’y a rien à craindre. »
Kiad était particulièrement attentif aux paroles de son père. Lorsqu’il avait perçu le ton glacial de la voix du vieux, il avait soudain compris que quelque chose n’allait pas.
« Alors… que dois-je faire pour toi, père ? »
« Mh ? Ne comprends-tu pas ? »
« Je m’excuse… Pour autant que je sache, le plan est de faire en sorte que Sigurd les écrase. C’est pourquoi tu lui as ordonné d’aller à… »
« Tu ne comprends pas, Kiad ? »
Son père l’avait interrompu effrontément et l’avait poignardé à la poitrine avec sa canne, un sourire éclatant déformant son visage.
« Aïe… ! Que… ? »
Kiad avait laissé échapper une voix muette quand il avait regardé en bas pour voir le bout de la canne qui le transperçait.
« Je vois… donc il t’a fait quelque chose. Étant donné que tu ne peux pas utiliser la magie ou activer des outils magiques, il a dû gâcher ta formule magique, hein… ? »
Elvis n’avait cessé de poignarder la poitrine de son fils, son expression ne changeant jamais. Son regard sans cœur lui donnait l’impression de regarder un ver de terre.
« C’est la considération que je te porte. Mon plan serait parfait sans toi… alors, n’aie pas peur de l’avenir et parts dans le même ciel que celui dans lequel dorment tous les héros. »
« Ne… fais pas ça ! Tu ne veux quand même pas dire que je devrais mourir ici… !? »
Kiad saisit la canne qui le poignardait, essayant de se défendre, mais les bras fins du vieil homme étaient incroyablement forts, et progressivement ses coups perforants devinrent plus durs.
« Tu es un échec, Kiad. »
Quand sa canne avait empalé son fils, il l’avait tordue et avait vu Kiad cracher une quantité inquiétante de sang.
« Tu es bien trop incompétent et tu n’as jamais su le remarquer. Tu n’es qu’un bon à rien qui pense trop à lui-même, et tu n’as même pas suivi mes traces. Ton ambition couvée, presque inexistante, n’est qu’un fragment de sagesse… mais laisse-moi te dire quelque chose. »
Ses paroles froides avaient coupé Kiad comme un couteau alors qu’il s’apprêtait à le poignarder à nouveau dans le trou qu’il avait creusé sur sa poitrine.
« La seule raison pour laquelle tu étais en vie était pour te laisser te reproduire afin que le sang de Fortesea puisse continuer à couler dans ce monde après ma mort… c’était la seule attente que j’avais pour toi, et pourtant tu ne pouvais pas être à la hauteur de cela aussi. Tu n’es qu’un porc inutile qui rampe sur cette terre. »
Elvis n’avait jamais cessé de poignarder son fils pendant qu’il parlait.
« Pourtant, j’ai trouvé une certaine valeur dans ton inutilité. Même un déchet comme toi pourrait être utile contre cet odieux marchand d’esclaves. Réjouis-toi, car ta fin a maintenant un sens qu’elle n’aurait pas eu autrement. D’abord, tu as laissé ce marchand d’esclaves prendre le dessus sur toi — tu as été ridicule de danser sur sa paume comme une marionnette — puis tu l’as laissé t’enlever Lise, et enfin tu l’as laissé détruire ta formule magique, qui était quelque chose d’inviolable. Personne ne doit le savoir. »
Lorsque la conscience de son fils avait commencé à s’estomper, Elvis s’était souvenu de quelque chose et avait arrêté un moment son attaque de fou.
« Bon… J’ai failli oublier de te le dire. C’est la première fois que tu m’es utile, mon cher fils. »
Son expression était rocailleuse et froide alors qu’il regardait la lumière dans les yeux de Kiad s’éteindre.
***
Partie 3
Takumi était retourné à Suzuran après la réunion.
« Salut les gars. Désolé d’avoir été si long… qu’est-ce qui se passe ici ? » demanda Takumi.
Un grand bruit l’avait frappé lorsqu’il avait ouvert la porte.
Il avait alors vu une petite foule à l’étroit dans la salle à manger. Les trois membres les plus célèbres de Suzuran, Kunon, Karin et Mirta, l’équipe des tâches spéciales Jill et Geiz, les membres d’honneur de la force semi-humaine Aigle et Levin, leurs amis de toujours Lilia et Killfer et bien d’autres étaient réunis là.
Pour une raison inconnue, Lise était projetée très haut dans les airs au milieu de cette foule.
Karin se retourna pour voir qui était venu, et Takumi qui regardait la scène avait été abasourdi, se demandant probablement en lui ce qui se passait en ce monde.
Elle s’était approchée de lui. « Bienvenue à nouveau. Comment s’est déroulée ta discussion avec Lux ? »
« Oh, on a parlé de territoire et tout ça… attends, pourquoi diable jettent-ils Lise en l’air ? » demanda Takumi.
« Eeeeehhhhh bien… quand nous avons commencé la fête de bienvenue de Lise, Lilia a crié que le gagnant du jeu de boisson aurait gagné le droit de serrer Lise dans ses bras, mais ensuite Jill a gagné et Aigle a commencé à pleurer et à le supplier de lui donner ce droit, et… je suppose que les choses se sont terminées ainsi, » répondit-elle.
« Je ne comprends pas comment on en est arrivé là. J’ai des frissons…, » répondit-il.
« Honnêtement, je ne comprends pas non plus vraiment tout ça…, » répondit-elle.
Karin avait pointé la foule juste à temps pour voir Lise, qui avait été libérée à l’instant même, courir vers eux pour chercher de l’aide.
« Aidez-moi ! Ils vont me briser si ça continue ! » cria Lise.
« NHHH ~ ! Le simple fait de toucher Lady Lise me fait éclater de joie ! » cria Aigle.
« Arrête ! Surtout toi, l’oiseau ! Je veux que tu arrêtes de t’en prendre à moi ! » cria Lise.
Lise s’était cachée derrière Takumi alors que l’immense charpente d’Aigle se rapprochait d’eux.
« NYUUUHHH ! QUE DOIS-JE SUIVRE MAINTENANT, LA FOI DANS MON CŒUR OU LA LOYAUTÉ DANS MON CERVEAU ~ !? » cria Aigle.
« Bon sang, ta foi te demande-t-elle de courir après les enfants ? Et aussi, baisses un peu le volume de ta voix stupide, » répliqua Takumi.
« HAAAHHH ! JE TE DEMANDE PARDON ! » cria l’homme oiseau.
« Levin, punit cet oiseau turbulent, » ordonna Takumi.
« Quoi ? C’est une punition pour moi aussi, n’est-ce pas !? » s’écria Levin.
« Si vous ne vous comportez pas bien, Kunon va vous imposer une certaine discipline, » déclara Takumi vers les deux demi-humains.
« SEIGNEUR LEVIIIN ! JE VEUX MOURIR MAINTENANT ! » cria Aigle.
« Alors, laisse-moi faire, Aigle ! Allons chercher notre prix auprès de la Sœur Kunon ! » déclara Levin.
Les gens qui les regardaient riaient à gorge déployée en ce moment.
Takumi les ignora et tourna son regard vers Lise, qui avait jusqu’alors tiré sa manche… et elle était là, les bras grands ouverts.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Takumi.
« Tout le monde m’a serrée dans ses bras… c’est maintenant l’occasion de remplir ton devoir, » déclara Lise.
« Qui a décidé que le fait de te serrer dans leurs bras était mon devoir… ? » demanda Takumi.
« Il serait injuste que tu sois le seul à ne pas le faire, » déclara Lise alors qu’elle rougissait légèrement en détournant son visage de lui, mais elle garda les bras grands ouverts.
Takumi sourit avec ironie en la soulevant rapidement. « Regarde comme tu voles haut ~ ! »
« Cela a été beaucoup plus pétillant que prévu. Laisse-moi descendre, s’il te plaît », lui demanda-t-elle.
« Oh, allez, ne dis pas ça. Ne vois-tu pas ? » demanda Takumi.
Takumi avait désigné la foule d’un signe de tête, et Lise avait tourné la tête pour regarder par là : tout le monde souriait.
Les personnes les plus proches et les deux clowns riaient à gorge déployée de la scène drôle, ceux qui avaient ignoré ces idiots arboraient un sourire ironique, et ceux qui avaient gardé un peu de distance étaient entraînés dans l’ambiance par la vivacité.
Des races différentes avaient abattu les murs qui les séparaient… c’était très nostalgique, comme si le monde entier avait oublié ce sentiment jusqu’à ce moment.
« C’est une vue magnifique, non ? » demanda Takumi.
Lise avait souri joyeusement devant le sourire de Takumi.
« Oui, c’est merveilleux… et tu l’es aussi, puisque tu l’as réalisé, » répondit-elle.
Ses paroles étaient douces alors que ses lèvres se recroquevillaient dans le plus pur et innocent des sourires.
La personne dans les bras de Takumi n’était pas l’enfant lugubre qui avait toujours peur et s’inquiétait de son environnement : c’était la petite fille qui avait gagné sa liberté après avoir été enfermée si longtemps.
Pensant cela, il ne pouvait s’empêcher de lui sourire en réponse.
« J’ai rempli mon devoir maintenant, n’est-ce pas ? Combien de temps dois-je continuer à te serrer dans mes bras comme un enfant ? » demanda Takumi.
« … Je ne suis pas une enfant. Mais pour cette fois, je vais fermer les yeux là-dessus, » répondit Lise.
« Oh, merci. C’est ta fête de bienvenue, n’est-ce pas ? Va donc t’amuser avec tout le monde, » déclara Takumi.
Il l’avait déposée au sol délicatement puis il l’avait poussée légèrement vers la foule animée. Lise acquiesça avant de s’approcher joyeusement des gens.
L’instant d’après, Takumi avait commencé à marcher avant de parler. « Karin, je te laisse le reste. »
« D’accord, mais… où vas-tu ? » demanda Karin.
« Elsa m’attend. Je dois aller avec elle. »
« As-tu un nouvel emploi ? Alors, laisse-moi…, » commença Karin.
« Non, j’y vais seul. “Je te laisse le reste” signifie que tu dois rester ici, » déclara Takumi.
Takumi lui avait montré un sourire troublé en lui ébouriffant les cheveux.
« Arrête ! Combien de fois dois-je te dire que je suis plus vielle que to —, » commença Karin.
« C’est pourquoi je te laisse le soin de tout faire, » répondit Takumi.
Il l’avait ensuite frappée sur le front et l’avait laissée ici. L’elfe avait eu l’air perplexe lorsqu’elle fixa son dos jusqu’à ce que la porte, se refermant derrière lui, la cachant à sa vue.
La ville basse était comme toujours bruyante. Takumi avait pris une grande respiration — que même un flatteur ne pourrait pas qualifier de « propre », « agréable » ou « parfumée » — avant de faire face à Elsa.
« Merci de votre sollicitude, Elsa Fairstadt, capitaine de la Garde, » déclara-t-il.
Il avait essayé d’être drôle, mais Elsa, qui l’attendait devant la porte, n’avait pas changé d’expression.
« Je t’ai déjà dit d’arrêter de faire comme si nous ne nous connaissions pas. C’est pourquoi je suis inquiète, » déclara Elsa.
« Je vois… mais ne vas-tu pas un peu trop loin ? » demanda Takumi.
Takumi regarda autour d’eux en haussant les épaules.
Des dizaines de soldats avaient les yeux sur lui, et tous avec la même expression lugubre qu’elle. Ils étaient tous des gardes de la ville basse.
« J’ai pris cette mesure pour ne pas te faire fuir. Si tu essaies, je serai obligé de prendre ta tête, » déclara Elsa.
« C’est assez brutal, mais je suppose que tu ne fais que ton travail. Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de résister. Je me comporterai bien, » déclara Takumi.
« … Merci pour ta collaboration. Suis-moi donc selon les formalités, » déclara Elsa.
Elsa avait percé Takumi de son regard acéré après avoir pris une profonde inspiration.
« Takumi, marchand d’esclaves de Suzuran, vous êtes soupçonné d’avoir assassiné le prince Kiad Fortesea. Vous devez me suivre à la centrale et assister au procès de l’inquisition, où votre culpabilité sera discutée. »
Elsa s’était alors mordu la lèvre en comprenant qu’elle venait d’annoncer une condamnation à mort.
« Vous êtes en état d’arrestation. »
Elle avait parlé fort, avec une expression amère sur son visage alors qu’elle faisait face au sourire de Takumi.
« D’accord. Je viens avec vous, » déclara Takumi.