Chapitre 2 : Avrora, la Douzième
Partie 1
C’était le dix-huit du calendrier lunaire, la veille du dix-neuvième jour…
Une petite silhouette se tenait au sommet d’une tour de contrôle, regardant le soleil se coucher sur le Sanctuaire des Démons.
C’était un jeune homme, peut-être douze ou treize ans. Il était vêtu d’une kandura ample, un vêtement à manches longues qui descendait jusqu’aux chevilles et ressemblait à une robe, et tout son corps était orné de bijoux en or. Il avait les cheveux noirs et la peau brune, et ses yeux dorés semblaient pénétrer l’obscurité. Son visage était encore un peu enfantin, mais son apparence générale débordait d’une solennité écrasante, rappelant celle d’un jeune lion.
Un brouillard doré se leva soudainement derrière le garçon.
Le nuage prit visiblement la forme d’un homme seul : un jeune aristocrate vampire blond aux yeux bleus portant un manteau blanc.
« — Le sanctuaire des démons de l’île d’Itogami. Une belle vue, n’est-ce pas ? »
S’adressant au jeune aristocrate, le garçon continua à contempler le paysage nocturne. Il souriait avec un mépris évident.
« Cette terre n’est qu’une chose tordue, née de la sorcellerie et de la ferraille. Un tas d’ordures. »
« Cependant, c’est un tas d’ordures avec des astuces extraordinaires. C’est ce qui rend les humains si intéressants. »
« Je vois… Alors tu es venu, Dimitrie Vattler… »
Le garçon se retourna vers le sourire sournois et irritant du jeune aristocrate et plissa férocement ses propres yeux dorés.
Vattler posa sa main sur la poitrine de son manteau et s’inclina d’une manière formelle.
« Je suis honoré que vous vous souveniez de moi, Prince Iblisveil Aziz. Pour être honnête, j’ai trouvé quelque peu inattendu qu’un descendant direct du Second Primogéniteur tel que vous vienne en personne dans un Sanctuaire des Démons en Extrême-Orient. »
« C’est un spectacle qui se prépare depuis soixante-dix ans. Je dois faire un effort approprié — comme il serait mièvre de tout laisser à des subalternes et de laisser des visages inconnus prendre les décisions, n’est-ce pas ? »
Iblisveil fit sa déclaration alors que des crocs acérés sortaient de ses lèvres.
Si on le compare au grand Vattler, il avait l’air particulièrement jeune. Pourtant, l’aura inhumaine qui flottait autour de son petit corps n’était en rien inférieure à celle de Vattler.
« J’applaudis votre sagesse, Votre Altesse. »
Le jeune aristocrate répondit avec respect. Pour sa part, Iblisveil fit claquer sa langue en observant Vattler avec un mécontentement évident.
« Je pense la même chose de toi, Vattler. Ce n’est pas censé être un champ de bataille. Quoi, es-tu venu pour consommer le quatrième Primogéniteur ? Ou bien suis-je à la place au menu ? »
« Vous plaisantez sûrement. Cette fois, je ne suis qu’un simple arbitre — le chef d’orchestre des filles, si vous voulez. »
« Les filles… ? »
Iblisveil leva un sourcil suspicieux et jeta un regard acéré sur Vattler.
« Vattler, ne me dis pas que tu vas laisser les Numérotés en liberté !? »
« Cela fait si longtemps que nous n’avons pas eu notre dernier banquet. Si ce n’était pas agréable, ce serait un tel gâchis. »
Les yeux bleus et clairs de Vattler s’étaient rétrécis alors qu’il riait.
Le prince aux cheveux noirs secoua la tête, incapable de croire à la bêtise dont il était témoin.
« Qu’est-ce que tu essaies de faire ? Attaches-tu une bombe à une bête sauvage avant de l’envoyer courir dans un entrepôt rempli de barils de poudre ? Je ne peux pas croire que j’entends ça. »
« … Mais cela a rendu ce banquet beaucoup plus vivant. »
En entendant soudainement une nouvelle voix, les deux hommes s’étaient retournés.
Avec la lueur du ciel en arrière-plan, une jeune fille légèrement vêtue était apparue dans l’air avec un battement de ses cheveux vert clair. Ses yeux étaient comme de profonds bassins de jade. Elle possédait une beauté forte et charmante, rappelant celle d’un léopard sauvage.
Sa mignonne petite dent sortait de là et elle avait souri à Vattler avec tendresse.
« C’est bien approprié pour le Seigneur de la guerre perdu — quel représentant plein d’esprit à envoyer. »
« Quoi… !? La Fiancée du Chaos… ! » s’exclama Iblisveil d’une voix étouffée. Naturellement, même lui ne pouvait dissimuler son malaise face à la puissance démoniaque oppressante qui émanait de la jeune fille aux cheveux verts.
La fille était la Fiancée du Chaos — le Troisième Primogéniteur, dirigeant de la Zone du Chaos, le Dominion d’Amérique Centrale.
« Cela m’agace quelque peu que Grand-père soit vraisemblablement bien au courant… De penser que le troisième Primogéniteur viendrait en personne, » dit Iblisveil.
Vattler était également surpris. Il tomba à genoux et inclina profondément la tête tandis que ses lèvres se brisaient en un sourire de joie à l’idée de cette rencontre fortuite avec un ennemi puissant.
« Je n’aime pas qu’on m’appelle par ce nom. Vous pouvez m’appeler Giada. »
La Fiancée du Chaos, l’un des plus anciens et des plus puissants vampires, affichait un sourire audacieux en parlant.
Puis, son regard s’était déplacé vers une quatrième personne qui se tenait dans un coin de la tour.
« C’est aussi valable pour toi aussi. »
« — Compris. Il en sera ainsi, dorénavant, Giada Kukulkin. »
Une jeune Japonaise vêtue d’un uniforme d’écolière avait répondu à la Fiancée du Chaos. Ses cheveux étaient attachés en une triple tresse, et elle portait des lunettes démodées. C’était une fille ordinaire, portant un livre sous un bras. Pourtant, à elle seule, elle fit face à l’un des trois plus puissants vampires avec aisance. Ses yeux ne montraient aucun signe de peur, ni de tension.
Iblisveil fixa la jeune fille, impassible, en grognant. « Hmph. L’un des trois saints de l’Organisation du Roi Lion à cette époque. Jeune. »
Sans sourciller, la jeune fille avait reconnu Iblisveil d’un simple mouvement des yeux.
« - Votre Altesse Aziz, s’il vous plaît, soyez informé pour une référence future : Je suis Koyomi Shizuka. Je suis reconnaissante au troisième Primogéniteur, au duc d’Ardeal et à vous-même de m’avoir accordé votre temps ce soir. »
Koyomi avait fait un pas vers les vampires. En conséquence, tous les regards s’étaient portés sur elle, faisant d’elle le centre d’attention.
« Alors maintenant…, » murmura Giada avec amusement. Elle examina les personnes rassemblées dans la tour de contrôle. « Il reste donc Zaharias de Nelapsi ? »
En entendant cela, le visage jeune et symétrique du prince de la dynastie déchue se tordit en une grimace et cracha :
« Et c’est ainsi que j’entends son nom maudit. Un simple marchand d’armes avec ses mains sur une région autonome se prend pour un seigneur ? »
Koyomi avait légèrement baissé les yeux et avait secoué la tête.
« Balthazar Zaharias, président du gouvernement autonome provisoire de Nelapsi, ne sera pas présent. Il a déclaré qu’il se conformerait à votre décision concernant la question pour ce soir. »
Iblisveil avait l’air en colère et se murmurait à lui-même : « Une sage décision. S’il se montrait devant moi sans réserve, je lui arracherais sûrement la tête des épaules. Maudit parvenu. » Puis il jeta un regard à Koyomi, conservant son expression aigre. « Laissez-moi vous demander, Organisation du Roi Lion : Pourquoi nous avez-vous fait venir ici ? En fonction de votre réponse, je pourrais avoir votre sang en compensation, Bookmaker ou pas. »
« Il y a une seule chose que je dois vous rapporter à tous, » répondit Koyomi, imperturbable par les paroles menaçantes du prince. « … Dodekatos… s’est réveillée. »
« Quoi !? » Iblisveil s’exclama, les yeux plissés de surprise. L’air même frissonna.
Giada avait ri d’une belle voix, aussi raffinée que si l’on jouait de la harpe.
« Vraiment… Le douzième Sang de Kaleid qui a été scellé — Avrora Florestina, oui ? Comme c’est amusant. »
« … Avrora ? Ont-ils fait des pieds et des mains pour donner un nom à Dodekatos ? » murmura Iblisveil, choqué par les propos du troisième Primogéniteur.
Est-ce qu’ils donnent aussi des noms aux poulets destinés à la table du dîner ? son expression de surprise l’avait proclamé.
« Quelque chose de fait sur un caprice stupide, » avait-il marmonné en secouant la tête avec un soupir exaspéré.
Vattler avait été le dernier à ouvrir la bouche.
« … Le MAR a donc retiré le sceau ? C’est plutôt inattendu, » dit-il doucement.
Le Magna Ataraxia Research était en possession de Dodekatos, déterrée trois ans auparavant. Du point de vue d’une société à but lucratif telle que le MAR, Dodekatos n’avait aucune valeur au-delà de celle d’un simple sujet de test. Ils n’auraient pas dû avoir d’intérêt à retirer son sceau.
« Celle qui a réveillé Dodekatos est Veldiana Caruana, fille de feu le Duc Caruana, » expliqua Koyomi. « Elle est entrée illégalement dans le MAR et a employé la Clé du cercueil — . »
« Vraiment ? » dit Vattler, les coins de ses lèvres se retroussant en signe d’amusement.
« Entré illégalement, vous dites… Je vois. Alors, restons-en là. »
Le jeune aristocrate hocha un peu la tête avec un sourire significatif. Koyomi n’avait pas répondu.
D’un air désinvolte, Giada fit une remarque : « En tout cas, avec ça, les douze sangs de Kaleid ont été réunis. »
Iblisveil souleva une objection.
« Mais la maison Caruana n’a pas de territoire à elle, et c’est à Zaharias qu’elle le doit. »
« Oui. Par conséquent, elle n’a pas les qualifications requises pour devenir électrice. »
« Alors qui va servir à sa place, Organisation du Roi Lion ? » Avec un regard furieux, Iblisveil lança la question à Koyomi comme pour la tester.
Imperturbable, la fille aux lunettes continua.
« Dodekatos participera au banquet. Cependant, nous ne reconnaissons pas Veldiana Caruana comme l’électrice. Nous serons ceux qui fourniront le lieu. »
Iblisveil ricana férocement.
« Une simple nation insulaire d’Extrême-Orient rivaliserait-elle d’égal à égal avec notre Dominion ? Ce n’est pas une mauvaise réponse du tout, mais puis-je en déduire que le gouvernement de votre nation préparera un enjeu approprié ? »
« Bien sûr. Après tout, on ne peut pas faire de pari sans enjeu. »
Alors qu’Iblisveil la harcelait du regard, Koyomi croisa son regard et répondit.
« Alors je vous le demande, qu’allez-vous parier ? » avait-il dit. « N’oubliez pas que même ce sale trafiquant d’armes joue le destin de sa propre nation sur cette affaire, tout comme nous. Si vous pouvez fournir quelque chose de comparable, alors tout va bien. »
Les yeux d’Iblisveil brillaient d’un éclat cramoisi et il riait. Il n’aurait pas été surprenant qu’une personne normale perde la tête rien qu’en étant exposée à un tel effroi. Mais Koyomi n’avait montré aucune émotion, elle avait simplement ouvert sa main droite en grand.
« Nous parions sur cette île. »
Derrière elle se trouvait le paysage nocturne de l’immense île artificielle. Le sanctuaire des démons connu sous le nom d’île d’Itogami —
« Cette terre, et la vie des cinq cent soixante mille personnes qui y vivent. »