Strike the Blood – Tome 6 – Chapitre 2 – Partie 4

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Chapitre 2 : Le deuil prématuré

Partie 4

L’alchimiste — Kou Amatsuka — se tenait à l’intérieur d’un petit couvent à moitié détruit.

À l’intérieur de la chapelle, l’air sentait la fumée d’une fusillade, mais seulement en traces ténues. Tout autour d’Amatsuka, d’innombrables caisses de munitions côtoyaient des mitraillettes négligemment abandonnées. Ces armes faisaient partie de l’équipement standard de la Garde de l’île. Cependant, il n’y avait aucun signe des gardes qui les avaient portées — seulement des sculptures métalliques impitoyablement abandonnées qui leur ressemblaient.

Transmutation : une technique secrète d’alchimie haut de gamme qui permettait à Amatsuka de transformer les êtres vivants en métal d’un simple toucher. En dépit de leur puissant équipement anti-sort, les membres de la Garde de l’île ne faisaient pas exception.

Amatsuka, seul, avait massacré les « gardiens » de l’île qui protégeaient l’abbaye.

« Hmm. »

Après avoir éliminé les obstacles sur son chemin, Amatsuka joua avec sa canne bien-aimée en regardant une gravure encastrée dans un mur de l’abbaye. Il s’agissait d’un relief en métal, une grande œuvre d’art épaisse de deux ou trois feuilles de tatami.

La forme gravée dessus était assez abstraite, ce qui rendait difficile la compréhension de ce qui était affiché. Mais dans un soudain moment de clarté, il vit une femme prendre forme. Elle était belle, avec des traits exotiques, dans la fleur de sa jeunesse. Pendant un moment, Amatsuka avait été saisi d’affection en regardant le relief.

La tranquillité de l’instant fut rompue lorsque des bruits de pas résonnants signalèrent que des hommes faisaient irruption. Derrière lui, trois individus étaient entrés, piétinant négligemment l’intérieur du bâtiment.

Amatsuka regarda gracieusement derrière lui, en souriant. « Salutations, Senmu. Votre arrivée est plus tôt que prévu. »

L’homme chauve d’âge moyen hocha la tête. « Nous avons déjà dépassé l’heure promise… Combien de temps as-tu l’intention de me faire attendre, Amatsuka ? »

Le dénommé Senmu ne mesurait même pas cent soixante-dix centimètres, mais sa combinaison de masse musculaire et de graisse rendait sa présence écrasante, voire étouffante. Il avait l’air d’un homme d’affaires rusé et sans pitié.

Amatsuka répondit d’un ton léger. « Ah-ha-ha, désolé pour ça. Mais même sans la racaille de la Garde de l’île, il y avait toujours la garde que Kensei Kanase avait mise en place. Lever un tel sort n’est pas quelque chose que vous voulez précipiter. »

Senmu semblait habitué au comportement extrêmement irrespectueux d’Amatsuka, se satisfaisant d’un simple grognement irrité. Il déplaça ses yeux vers le relief et éclata d’un rire grossier.

« Très bien. En tout cas, c’est le vrai Sang du Sage, n’est-ce pas ? »

Quelle impolitesse ! Le visage d’Amatsuka se tordit de dégoût et il secoua la tête.

« Penses-tu vraiment que je puisse faire une erreur dans l’héritage laissé par mon Maître ? »

Senmu ignora le regard et s’approcha de l’œuvre d’art. « Pourtant, cela ressemble à une sculpture ordinaire… »

« C’est parce qu’il reste endormi, » dit l’alchimiste en prenant un air sérieux. « Dans cet état, c’est une simple masse de métal. Kensei Kanase a bien choisi. Certes, cela se remarque beaucoup moins que les tentatives grossières de le cacher complètement. Mais… »

Il plongea une main sous son manteau et en sortit une gemme transparente, ronde et cramoisie. C’était la pierre précieuse qu’il avait volée dans le laboratoire de Kensei Kanase.

Amatsuka s’approcha du mur et il effleura la surface avec ses doigts. En cet instant, le métal subit un changement dramatique.

« Tu vois ? Il s’est réveillé. »

La surface frémit et ondula tandis que quelque chose comme un tentacule sortit et s’enroula autour de sa main, essayant d’attirer la pierre précieuse en son sein. Cela ressemblait à une amibe qui se réveillait d’un état catatonique — une amibe faite de métal brillant, lustré et aussi écarlate que le sang.

Senmu examina la pierre précieuse dans la main d’Amatsuka. « Je vois… Alors c’est le noyau dur ? »

« Oui. C’est le catalyseur magique créé pour contrôler la forme de vie liquide métallique hautement autopropagatrice et amalgamée — le Sang du Sage. »

Amatsuka retira la pierre précieuse de la sculpture avant qu’elle ne soit complètement submergée. L’amibe cramoisie s’était encore agitée plusieurs fois avant de redevenir un relief métallique solide. Mais il était maintenant clair pour toutes les personnes présentes que ce n’était pas une simple gravure.

Il était fort probable que Kensei Kanase lui ait donné la forme d’un relief pour dissimuler qu’il s’agissait en fait d’un liquide cramoisi, une forme de vie métallique dotée d’une volonté propre.

Bien sûr, ce n’était pas un produit du monde naturel. Seule l’alchimie, l’art secret de réarranger la composition de la matière, pouvait produire quelque chose d’amorphe, d’éternel et d’immuable, donnant naissance à une vie contraire à toutes les lois de la nature…

Si quelqu’un pouvait transférer sa propre âme dans un tel support, cela constituerait la naissance d’un être humain véritablement immortel et non vieillissant. C’est le joyau écarlate connu sous le nom de noyau dur qui était l’unité de contrôle capable de rendre un tel miracle possible.

« Avec sa conscience transférée dans le noyau dur, celui qui fusionne avec le sang spirituel conserve sa propre volonté. En remplaçant la chair et le sang par du vif-argent, on obtient ainsi une “vie” quasi éternelle. Ce à quoi mon maître est parvenu est le summum de l’alchimie. »

En touchant la surface du relief, Senmu semblait pouvoir se mettre à baver à tout moment. Dans ses yeux, il y avait une soif presque sans fond de pouvoir et de vengeance.

« L’immortalité — et assez de pouvoir magique pour rivaliser avec un Primogéniteur vampirique — est incluse. La forme de vie parfaite… Avec un tel pouvoir, j’aurais à genoux devant moi les gens du siège social qui m’ont viré du conseil et envoyé dans ce trou perdu. Je tiendrais la famille qui la possède par la gorge — . »

« Cela semble plutôt amusant. Tiens. »

Amatsuka, parlant comme si cela ne le concernait pas, avait tendu le noyau dur à Senmu.

Alors que les yeux de l’homme s’emplissaient de suspicion, il découvrit que la sphère était plus lourde qu’elle semblait. Il avait sans doute trouvé le cadeau étrange, d’autant plus que le Sang du Sage était l’un des idéaux poursuivis par tous les alchimistes. Jusqu’a aujourd’hui, seule la Grande Alchimiste d’antan, Nina Adelard, avait réussi à le créer — .

Cet Amatsuka n’était sûrement pas quelqu’un d’assez généreux pour remettre le joyau que certains appelaient le pinacle de l’alchimie sans une très bonne raison.

Senmu avait alors demandé, « Ce noyau dur… C’est un souvenir de ton maître, oui ? Honnêtement, cela ne te dérange pas de me le donner ? »

« Bien sûr que non. Un homme doit tenir ses promesses. »

C’était pourtant la réponse d’Amatsuka, prononcée avec un sourire fier. Et n’ouvrant que le col de son manteau, il exposa une partie de sa propre poitrine, montrant le corps bizarre et effrayant en dessous.

Son côté droit n’avait pas du tout l’air humain. Il était malade, partiellement consumé par le métal lustré et brillant, à moitié dévoré par le sang de sage — la même forme de vie liquide métallique qui composait la sculpture dans le mur.

À la place du cœur, une étrange pierre était incrustée au centre de sa poitrine. Elle ressemblait beaucoup au noyau dur, mais la couleur de la pierre était d’un noir impur. Elle semblait déformée et fissurée, apparemment, Amatsuka pouvait conserver une forme humaine grâce à cette pierre noire.

« Même si je ressemble à ça, je te suis toujours reconnaissant. Après tout, c’est toi qui m’as sauvé alors que j’aurais dû mourir il y a cinq ans, Senmu. Grâce à cela, j’ai pu construire le Noyau factice — . »

« Hmph. C’est la bonne attitude, Amatsuka. »

Senmu hocha la tête, satisfait, tandis qu’il caressait amoureusement la gemme cramoisie.

Il était employé d’un fabricant de machines assez connu au Japon, bien que ce ne soit pas son véritable titre. Un scandale interne à l’entreprise lui avait fait perdre son poste et l’avait réduit à un poste sans valeur. Et lorsqu’il avait rencontré Amatsuka, il avait décidé d’utiliser le sang du sage pour se venger.

« Ne t’inquiète pas, » ajouta l’homme. « Ta loyauté sera richement récompensée. Bientôt, j’aurai la société entière dans ma main ! »

« Je n’en attends pas moins, Senmu. C’est une bonne décision pour nous deux. »

Ses préoccupations exprimées, Amatsuka s’était éloigné du mur. D’un geste silencieux de sa canne, les deux gardes du corps de Senmu s’étaient retirés. Senmu était maintenant le seul à rester debout devant le relief.

« Hmm… Je vois maintenant. Ce trou ici ? »

Senmu avait poussé le noyau dur dans une fissure située à peu près au centre du relief. Le changement qui en résulta fut instantané et dramatique : le relief cuivré s’était transformé en un liquide cramoisi qui s’était répandu sur le mur. De grandes quantités s’étaient déversées dans la chapelle exiguë, donnant l’impression que l’autel était trempé dans le sang.

Puis, le vif-argent couvrant différentes surfaces se transforma en une énorme goutte d’eau cramoisie qui frétillait comme si elle était vivante. Elle se précipita vers Senmu, possesseur du noyau dur, et commença à tourbillonner depuis ses pieds pour recouvrir de plus en plus son corps.

Entouré par le sang macabre du sage, Senmu avait ri de plaisir.

« Oh, regardez-le bouger. Regardez, ce sang brillant ! C’est comme le meilleur des vins, n’est-ce pas, Amatsuka ! »

Même à ce moment-là, le fluide cramoisi continuait à engloutir son corps, consumant déjà toute sa poitrine.

Mais ses gardes du corps avaient l’air terrifiés.

« Senmu ! »

« C’est dangereux, reculez, s’il vous plaît ! »

Cependant, l’homme les regarda fixement et cracha, vivement irrité. « De quoi parlez-vous ? C’est l’événement principal ! »

« Senmu ! »

« Fwa-ha-ha… Je le sens… Je comprends. C’est donc mon corps qui fond — ! »

Il abandonnait sa chair humaine inférieure pour gagner un corps immortel de métal. L’énergie magique gargantuesque qui se déversait en lui lui donnait un sentiment de plaisir et de toute-puissance.

Mais son assimilation par le sang du sage s’arrêta à mi-chemin, d’une manière à laquelle il ne s’attendait pas. Une partie du métal liquide se souleva, et une nouvelle silhouette humaine se forma dans le fluide.

« Nn !? »

Le liquide cramoisi prenait la forme d’une jeune femme. Elle semblait avoir dix-huit ou dix-neuf ans, et son visage ressemblait beaucoup à la statue d’une beauté étrangère.

Les coins des lèvres d’Amatsuka s’étaient retroussés en signe de délice. « Mon Dieu, oh mon Dieu… »

Il était clair sur son visage qu’il attendait qu’elle apparaisse.

Senmu avait éclaté de rire. « Oh, alors c’est la Grande Alchimiste, Nina Adelard ! » s’écria-t-il.

Il n’y avait aucun signe qu’il était perturbé par l’émergence soudaine de cet obstacle.

Le sang du sage et le noyau dur étaient tous deux des créations de la grande alchimiste d’antan, Nina Adelard. Il était naturel de s’attendre à ce que le réveil du sang du sage soit accompagné du réveil de sa propre maîtresse.

Amatsuka jeta un regard froid aux gardes du corps en expliquant. « Sa conscience, préservée par le noyau dur, a été réveillée. Si cela continue, Nina Adelard retrouvera son corps et revivra pleinement. En d’autres termes, personne ne peut obtenir le Sang du Sage tant qu’elle n’est pas éliminée. »

La belle femme née dans le métal avait déjà pris une forme humaine presque parfaite. Des cheveux noirs brillants se répandaient dans son dos et des gouttelettes pourpres se dispersaient, révélant sa riche chair brune.

De son côté, l’expression de Senmu s’était transformée en angoisse.

« Gaah... !? »

Le corps de l’homme, qui avait autrefois presque pris le contrôle du Sang du Sage, était en train de perdre son intégrité physique et de se décomposer. Maintenant que sa véritable propriétaire, Nina Adelard, était apparue, il avait commencé à se purger du corps étranger. Perdant déjà sa cohérence physique, Senmu implorait désespérément de l’aide.

« Mon corps est… en train d’être dévoré… Amatsuka ! Fais quelque chose, Amatsuka ! »

L’alchimiste sourit froidement et fit un seul signe de la canne dans sa main gauche. De quelque part était venu un bruit de craquement, comme des dents qui mordaient.

« Ne t’inquiète pas. Ce sera bientôt fini — . »

La gorge de Senmu avait laissé échapper un cri avant même qu’Amatsuka ait fini de parler.

Le dos de l’homme, qui avait à peine gardé sa forme originale, s’était rétracté alors que le métal liquide empiétait de plus en plus sur lui. Des pierres précieuses noires apparurent sur toute sa chair — il s’agissait de noyaux factices qu’Amatsuka avait construits. L’alchimiste avait expliqué qu’ils étaient nécessaires pour contrôler le Sang du Sage, et les avait donc incorporés dans le corps de Senmu. Cependant, le véritable objectif d’Amatsuka n’était rien d’aussi petit que le contrôle du métal lui-même.

« J’ai attendu ce moment, Maîtresse… depuis le moment où tu as réveillé le Sang du Sage. Sans ton noyau dur, le sang spirituel ne serait que de la ferraille. Cependant, une fois fusionné avec le sang du Sage, tu es immuable. Par conséquent, pour voler le Sang du Sage, je dois te détruire de l’intérieur alors que tu n’es pas encore dans un état complètement éveillé… comme ceci. »

Amatsuka poussa un rire aigu lorsque les noyaux factices du corps de Senmu se fendirent, libérant les rituels qui y étaient gravés. Un ichor d’un noir profond coula dans le métal liquide cramoisi comme le poison se déversant dans un étang. Les Noyaux factices, déchaînés, avaient déchiré le corps de Senmu.

« Aaaaargh, Amatsuka ! Espèce de salaud — !? »

Les gardes du corps s’étaient précipités pour tenter de sauver leur patron, mais ils avaient eux aussi été consumés par le métal liquide et dissous.

Seule une partie du haut du torse de Senmu était restée et il demanda faiblement. « Pourquoi, Amatsuka… ? Pourquoi m’as-tu trahi… ? Voulais-tu monopoliser le Sang du Sage pour toi-même !? »

Amatsuka avait ri d’un air moqueur. « Ce n’est pas du tout ça, Senmu. C’est plutôt le contraire. »

Finalement, la corruption des noyaux factices avait également absorbé le corps presque éveillé de Nina Adelard. Chaque recoin de son beau corps avait noirci, s’était fissuré et s’était brisé en petits morceaux.

« Je te suis vraiment reconnaissant, Senmu, alors je vais accéder à ton désir. Ton corps vivra pour toujours en tant que partie du Sang du Sage — ! »

Amatsuka avait ri comme un adolescent déculpabilisé en tournant le dos à ce qui était autrefois Senmu.

Derrière lui, le Sang du Sage noir de jais gémissait sinistrement et commençait à se débattre violemment telle une bête blessée.

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Claramiel

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