Strike the Blood – Tome 3 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : L’Île d’Exil

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Chapitre 3 : L’Île d’Exil

Partie 1

Le jour suivant : samedi…

Kojou, ayant passé la nuit sans une seule seconde de sommeil, était sorti de la station de monorail de l’île du nord avec Yukina.

Le Sanctuaire des Démons de la ville d’Itogami était une ville de recherche et développement. L’île était à l’étroit avec de grandes entreprises fabriquant des produits pharmaceutiques, des machines de précision, des matériaux de haute technologie, etc., et plusieurs agences de recherche académique bien connues.

Cet endroit, la vallée Magia de la deuxième section de l’île du Nord, était connu pour avoir une concentration particulièrement élevée d’installations de recherche à grande échelle. C’était une région d’apparence futuriste avec de fortes traces d’appartenance à une île artificielle.

« … Magus Craft ? » Kojou demanda à Yukina en levant les yeux vers la carte VOUS ÊTES ICI se trouvant devant la gare.

Yukina avait déplié une note manuscrite et vérifié deux fois.

« Oui. L’adresse que Nagisa m’a donnée pour Kanase est celle de Magus Craft Incorporated, » répondit Yukina.

« … C’est une entreprise qui fabrique des robots de nettoyage, n’est-ce pas ? » marmonna Kojou en trouvant un souvenir au fond de son esprit. Il avait certainement vu le nom sur les compacteurs de déchets pour les bâtiments, les machines à polir les tapis et les robots de nettoyage ménager.

« C’est vrai. Il s’agit d’une société connue principalement pour la fabrication d’Automates à des fins commerciales. Il y a un centre de recherche ici à Ville d’Itogami, et le père actuel de Kanase y travaille, » répondit Yukina.

« … Père actuel… ? Ah oui, Kanase vivait dans une abbaye ? » demanda Kojou.

« Oui. J’ai entendu dire qu’il a recueilli Kanase après la fermeture de l’abbaye. » Tandis que Yukina prononçait les mots, elle baissa les yeux d’un regard quelque peu contradictoire. Il ne faisait aucun doute que Yukina, une orpheline élevée par l’Agence du Roi Lion, avait de l’empathie plutôt que de la pitié pour la situation de Kanon.

Kojou s’était gratté la tête avec un regard sobre. « Normalement, on pourrait penser que c’est une bonne chose, mais… après avoir vu ça hier, je ne sais pas… »

« Je suis d’accord. Il semble y avoir un peu plus dans l’histoire, » répondit Yukina.

Yukina acquiesça d’un signe de tête face à son attitude trop sérieuse. Puis, elle avait soudain levé le visage avec une apparente inquiétude.

« As-tu parlé à… Mlle Minamiya à propos de Kanase ? » demanda Yukina.

« Pas encore. Ou plutôt, je ne peux pas encore le faire. Elle ne sait peut-être pas que la fille masquée est vraiment Kanase. Nous avons besoin d’un peu plus d’infos d’une manière ou d’une autre…, » répondit Kojou.

Le visage de Kojou se tordait d’angoisse en expirant.

Bien sûr, il ne pensait pas non plus que son propre jugement était absolument correct. Il aurait mieux valu laisser Natsuki s’occuper de prévenir d’autres dégâts. Cependant, Kojou n’était pas membre de la Garde de l’île, il n’était qu’un étudiant. Il n’était pas enclin à remettre une connaissance à la Corporation de Gestion du Gigaflotteur sans aucune idée des circonstances. Il voulait au moins parler à Kanon une fois avant.

Fait inhabituel, Yukina n’avait pas du tout essayé de gronder Kojou, elle avait simplement murmuré. « Alors, on ne peut pas faire autrement… »

« Est-ce… là où elle habite ? » demanda Kojou.

« Ce bâtiment est inscrit comme étant son adresse…, » déclara Yukina.

Arrivés enfin à destination, Kojou et Yukina passèrent un moment à se tenir silencieusement sur place.

Il s’agissait d’une structure s’élevant avec agressivité entièrement recouverte de verre réfléchissant. On aurait dit un immeuble de bureaux froid et sans vie, où personne ne vivrait. Si Kanon vivait vraiment ici, cela signifierait qu’elle ne vivait pas dans une maison, mais dans un laboratoire d’entreprise.

C’était loin d’être le pire de tous, mais ce fait ne correspondait tout simplement pas à l’image qu’ils se faisaient de Kanon. Au minimum, cela ne se prêtait guère à l’élevage d’un chaton.

Alors que Kojou et Yukina entraient dans le hall d’entrée, une jeune fille à la réception leur avait parlé. « … Bienvenue. »

« Ah… Excusez-moi, nous aimerions rencontrer Kanon Kanase qui vit à cette adresse, » déclara Kojou.

Kojou avait fait un sourire maladroit et poli lorsqu’il avait déclaré le but de sa visite.

La réceptionniste leva les yeux vers Kojou avec un regard détaché. Kojou réalisa qu’elle n’était pas humaine. C’était un robot… un Automate construit pour imiter un être humain.

« Kanon Kanase de la chambre 204 est actuellement absente, » la réceptionniste parlait de façon informative, ses doigts tapant sur un clavier pendant tout ce temps.

« Savez-vous quand elle reviendra ? » demanda Kojou.

« Je n’en sais rien, » répondit l’automate.

La réaction calme et polie de la réceptionniste avait donné à Kojou un sentiment effrayant qu’il n’arrivait pas à exprimer avec des mots.

Même si elle aussi était une construction humaine, sa nature était complètement différente d’Astarte.

Astarte était un être humain fait par des moyens artificiels, mais cette réceptionniste n’était qu’une machine prétendant être humaine. Elle ne possédait pas le libre arbitre. Comme elle s’était comportée comme un être humain, malgré cela, Kojou avait vraiment flippé. Le malaise froid qu’il ressentait correspondait bien à celui qu’il ressentait provenant de tout le bâtiment de Magus Craft Incorporated.

« M. Kensei Kanase est-il chez lui ? » Yukina avait ouvert la bouche à la place de Kojou, maintenant silencieux. Ce Kensei Kanase était sans aucun doute le tuteur de Kanon.

« Pardonnez-moi, mais vous êtes qui ? » demanda l’automate.

« Je suis Himeragi de l’Agence du Roi Lion, » Yukina avait répondu à la question de la réceptionniste avec le nom de son organisation. Cela avait un peu surpris Kojou.

Il ne s’attendait pas à ce que le nom de l’Agence du Roi Lion apparaisse dans une situation n’ayant rien à voir avec sa mission officielle, de la part de la très diligente Yukina. Et la réponse correspondante de la réceptionniste dépassait aussi un peu leurs attentes.

« … Compris. S’il vous plaît, attendez là-bas brièvement. »

Pendant que la réceptionniste parlait, elle désignait un canapé pour les invités dans le hall central.

« Qu’entend-elle par “compris” ? » demanda Kojou.

« Je n’en suis pas certaine, mais ça semble bon pour nous, » répondit Yukina.

Bien qu’un peu déconcertés, Kojou et Yukina s’étaient assis sur le canapé et avaient attendu comme on leur avait dit de faire.

Le canapé de luxe était très confortable pour s’asseoir, mais il était impossible de se détendre au milieu d’un immense hall d’entrée comme celui-ci. Kojou avait l’impression qu’ils étaient exposés.

Après une quinzaine de minutes d’attente, Kojou commençant à s’ennuyer, il avait vu quelqu’un descendre de l’ascenseur à l’arrière du hall. C’était une étrangère vêtue d’un costume rouge vin.

La femme avait des cheveux blonds ornés. Avec des talons hauts, elle était probablement plus grande que Kojou. D’un seul regard, on pouvait dire que c’était une femme élégante, sensuelle et belle. Les jambes qui émergeaient de sous sa jupe serrée possédaient des lignes corporelles envoûtantes.

« Ce n’est pas… le père de Kanase, c’est ça ? » Kojou avait rétréci les yeux dans la suspicion alors qu’il murmurait.

« Un démon enregistré, semble-t-il. » Yukina avait laissé glisser la remarque de Kojou, tête en l’air, et lui avait fait cette remarque.

La femme portait un bracelet métallique d’environ cinq centimètres de large sur son bras droit au-dessus de son costume. C’était un bracelet d’enregistrement de démon de la Corporation de Gestion du Gigaflotteur.

Ces bracelets surveillaient le corps d’un démon et empêchaient l’activation de capacités spéciales, en échange, la ville d’Itogami avait accordé aux démons la pleine citoyenneté. Tant qu’ils portaient leurs bracelets d’enregistrement de démons, ils avaient le droit de recevoir une éducation ou un emploi, au même titre qu’un être humain normal.

Mais pour Kojou et les autres habitants de ce sanctuaire de démons, un bracelet d’enregistrement n’était pas du tout rare. Ce qui attirait dans les yeux de Kojou, c’était plutôt la sensualité de la présence de la femme.

« Elle est… assez belle, hein ? » Kojou avait involontairement exprimé ses pensées à haute voix en regardant comment les seins de la femme sortaient du haut de son costume. Pendant que Kojou le faisait, Yukina l’avait regardé de côté en poussant un soupir de mécontentement.

« C’est impoli, Senpai… Ou plutôt, tes yeux indécents ont déjà l’air plutôt criminels, » déclara Yukina.

Alors que Kojou était un peu choqué par ses paroles qui allaient si loin, la femme en costume rouge s’était arrêtée devant Kojou et Yukina. Un sourire séduisant avait envahi son visage, comme si elle essayait d’ensorceler ceux qui la regardaient.

« Je suis désolée. Vous ai-je fait attendre très longtemps ? » demanda-t-elle.

« Non… Nous sommes tout à fait désolés de cette visite soudaine, » répondit Yukina, refusant d’être submergée par l’autre femme. Peut-être qu’elle avait jugé, maintenant qu’elle s’était déclarée membre de l’Agence du Roi Lion, qu’elle ne pouvait montrer aucune faiblesse. Il n’y avait pas non plus de signe qu’elle était effrayée par la différence de taille entre elle et la femme en face d’elle, qui mesurait près de deux cents centimètres de haut.

En regardant Yukina, la femme en costume rouge avait montré un peu de surprise dans ses yeux.

« Vous êtes celle du dernier…, » murmura la femme.

« Ah ? » demanda Yukina.

« Non, pardonnez-moi. Je ne pensais pas qu’une Mage d’Attaque de l’Agence du Roi Lion serait si jeune, » la femme avait continué sur un ton professionnel, secouant la tête comme si rien ne s’était passé.

« Je suis Béatrice Basler du département de recherche. Je… suppose que vous pourriez dire que je suis la secrétaire de Kensei Kanase. Qu’est-ce que vous aviez à faire avec Kanase aujourd’hui ? » demanda Béatrice.

« Je suis vraiment désolée, mais je ne peux pas le dire pour l’instant. J’aimerais lui parler en personne, » Yukina l’avait dit d’une voix dure.

La femme se faisant appeler Béatrice hocha la tête, ne montrant aucun signe d’offense. « Je comprends. Malheureusement, Kanase n’est pas là aujourd’hui. »

« Il n’est pas là ? » demanda Yukina.

« C’est vrai. Kanase est actuellement hors de l’île. Notre cabinet exploite un centre de recherche indépendant sous la juridiction du Sanctuaire du Démon. C’est là où il se trouve en ce moment, » répondit Béatrice.

« À l’extérieur de l’île d’Itogami ? Et Kan… sa fille serait avec lui ? » demanda Yukina.

« Oui. J’ai entendu quelque chose du genre, » répondit Béatrice.

Béatrice avait fait un sourire courtois en hochant la tête.

L’île d’Itogami, qui flottait sur les lignes du dragon qui traversaient l’océan Pacifique, était un site particulièrement propice à la sorcellerie. Cependant, en tant qu’île artificielle, elle avait ses limites. Les effets des vagues et des courants ne pouvaient pas être complètement annulés, et toute magie nécessitant une connexion ininterrompue à la terre ne pouvait être réalisée.

Pour remédier à ces carences, des sociétés basées hors du sanctuaire des démons avaient été autorisées à utiliser plusieurs îles inhabitées qui faisaient partie de la chaîne des îles Izu. Peut-être que l’établissement de Kensei Kanase se trouvait sur une île si inhabitée.

« Savez-vous quand ils reviendront tous les deux ? » demanda Kojou avec de la tension mêlée à sa voix. Béatrice secoua la tête avec un regard de consternation.

« Ce n’est pas clair. Je ne suis pas familier avec les détails du projet dans lequel Kanase est actuellement impliqué, donc je ne peux pas dire…, » répondit Béatrice.

« Est-ce… si… !? » s’exclama Kojou.

Voyant Kojou si déprimé, la femme avait fait un sourire agréable en parlant. « Toutefois, s’il s’agit d’une question urgente, je crois qu’il serait plus rapide que vous visitiez l’installation de recherche en personne. »

« … Nous pouvons faire ça ? » Les yeux de Kojou s’étaient ouverts en grand quand on lui avait dit ça.

« Oui, bien sûr. Un avion léger fait deux allers-retours quotidiens vers l’île, alors vous pourriez l’accompagner sans problème. Je crois que vous pouvez encore le faire avec le vol de l’après-midi, » répondit Béatrice.

« Pourriez-vous… prendre les dispositions nécessaires ? » demanda Kojou.

« Compris. Par ici, s’il vous plaît, » déclara Béatrice.

Béatrice s’en alla, faisant signe à Kojou et Yukina de la rejoindre. Alors que Kojou se levait rapidement pour la suivre, pour une raison ou une autre, Yukina murmurait à elle-même en baissant les yeux. « Avion… »

« Himeragi ? » Kojou avait regardé en réponse à ça avec un regard interrogateur.

« Non, ce n’est rien du tout, » répondit Yukina.

Yukina serra les poings en secouant la tête. Ses lèvres étaient légèrement pâles tout en tremblant.

***

Partie 2

Pour les habitants de l’île d’Itogami, flottant au milieu de l’océan Pacifique, l’avion était un moyen de transport familier. Pour cette raison, l’île d’Itogami avait accueilli six aéroports de différentes tailles.

Cela dit, les gros avions de passagers ne pouvaient atterrir normalement qu’à l’aéroport central. Les cinq autres aéroports étaient des aéroports civils avec le strict minimum au niveau de leurs installations. Les pistes ne faisaient même pas cent mètres de long. En d’autres termes, il s’agissait d’installations vraiment simples et minimales, sans aucun système d’atterrissage aux instruments ni même de lumières pour les atterrissages de nuit.

L’aéroport commercial du district nord où Kojou et Yukina avaient été amenés était l’un de ces petits aéroports. 

Le seul bâtiment situé à l’intérieur du périmètre de l’aéroport était une petite tour de contrôle. Il y avait quatre avions passagers légers légèrement sales qui se tenaient sur le dessus de la piste, mais ils semblaient avoir été laissés là après coup.

Il s’agissait très probablement d’avions à hélices de la vieille école. Ils semblaient être des avions privés appartenant à la Magus Craft.

« Bon sang, cette salope. Elle m’appelle jusqu’ici, et il s’avère qu’elle veut que je joue au guide touristique pour une sortie éducative. »

À côté des avions à hélices, attendant Kojou et Yukina, se tenait un homme aux cheveux longs, vêtu d’une veste en cuir. Il était assez grand, et en raison de sa minceur excessive, il avait un peu l’allure d’un mannequin, mais c’était sa personnalité apparemment paresseuse qui s’était immédiatement démarquée. Un air de déception profonde semblait planer tout autour de l’homme.

Alors que Yukina et Kojou se dirigeaient vers la piste d’atterrissage, l’homme leur avait fait un accueil nonchalant.

« Oh, eh bien… Bienvenue, chers invités ! Je suis Lowe Kirishima. Je suis un peu le coursier de Béatrice. Eh bien, enchanté de vous rencontrer, » déclara-t-il.

Tandis que Kojou serrait la main que lui tendait Kirishima et que Yukina échangeait des regards avec lui, Kirishima fit un sourire larmoyant en regardant l’étui de guitare sur son dos.

« Hmph, je vois. On dirait que vous n’êtes pas qu’un couple d’étudiants… Il y en a de toutes sortes ici, dans le Sanctuaire des Démons, hein ? » déclara Lowe.

« Ha-haha… »

Tandis que Kojou laissait glisser les choses avec un vague sourire, les yeux de Kojou s’arrêtèrent lorsqu’ils passèrent sur le bracelet que Kirishima portait à son poignet. Lui, comme Béatrice, était un démon. C’était probablement un type de type L... un homme bête.

Kojou et Yukina avaient embarqué dans l’avion et attendaient à l’intérieur quand Kirishima avait appelé du siège du pilote. « Il est temps de préparer cette fille pour le décollage. »

Après qu’ils se soient assis dans les sièges derrière lui, il avait remis un sac en vinyle à Kojou.

« Voilà pour vous. Sac à vomi, » déclara Kirishima.

« Hein ? »

Pendant un moment, Kojou avait été déconcerté par la raison pour laquelle on lui avait donné ceci avant même de décoller, mais il l’avait immédiatement compris dès qu’il avait jeté un coup d’œil sur le visage de Yukina, qui était adjacente. Le regard extrêmement sombre du visage de Yukina, la façon dont elle serrait ses mains l’une contre l’autre comme dans une prière — elle était presque paniquée, comme si son air calme et composé était une illusion. Nul doute que le fait de faire face à l’apôtre armé lothargien ou à l’aristocrate de l’Empire du Seigneur de Guerre ne l’avait pas à ce point déstabilisée.

« H-Himeragi ? Est-ce que ça va ? » Maintenant mal à l’aise, demanda Kojou sans réfléchir.

Mais Yukina avait fait un visage rassurant en répondant. « Bien sûr, bien sûr. Il n’y a aucun problème. »

« Ton visage est devenu blanc comme un linge…, » déclara Kojou.

« Tu l’imagines, c’est tout, » répondit Yukina.

Sa réponse avait été claire, mais sa voix était frêle. Alors que Kojou n’arrêtait pas de réfléchir, elle peut se battre en l’air comme si elle marchait sur une corde raide sans filet, donc il n’y a aucune chance que…, non ? demanda-t-il…

« … N’aurais-tu pas peur des avions, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

« Absolument pas ! Je suis après tout une chamane de l’Agence du Roi Lion, » répliqua Yukina.

Alors que l’excuse enfantine de Yukina faisait penser à Kojou, j’ai fait de meilleurs mensonges à la maternelle, il avait étouffé le sourire tendu qui menaçait de s’échapper. C’était mignon que Yukina ait eu une faiblesse inattendue comme celle-ci, mais il n’avait pas envie de se moquer d’elle quand elle le cachait si désespérément.

Yukina, qui n’avait eu d’autre choix que de vivre en tant que Chamane Épéiste pour l’Agence du Roi Lion, n’avait pas le droit de montrer sa faiblesse devant les autres. Après tout, un tel comportement lui ferait perdre la seule place qu’elle avait au monde. C’est sans doute la raison pour laquelle Yukina s’était toujours poussée et s’était comportée de façon décisive depuis qu’elle était petite fille.

Elle ne pouvait pas paraître faible, même devant des amis et des alliés de confiance. Kojou avait déjà connu un type d’isolement similaire. Il avait été probablement enveloppé par les mêmes émotions quand il était sur le terrain de basket.

Finalement, Kojou s’était lassé de l’isolement et avait arrêté le basketball. Quelqu’un comme lui n’avait pas le droit de se moquer de Yukina.

« En fait, Nagisa est aussi malade quand il s’agit d’avions… En fait, elle est malade avec n’importe quel type de véhicule. Elle tombe malade tout de suite, » déclara Kojou.

« Je te l’ai dit, ce n’est pas comme si j’avais de la difficulté avec les avions…, » répliqua Yukina.

Yukina s’opposait à l’expression directe de Kojou avec des lèvres pleurnichardes.

À peu près à ce moment-là, l’avion sur lequel ils se trouvaient avait commencé à accélérer le long de la piste en vue du décollage. Tout le corps de Yukina s’était figé au son de plus en plus fort du moteur et au tremblement du fuselage.

Voyant comment Yukina avait déjà perdu la raison, Kojou avait saisi silencieusement sa main.

« … S-Senpai ? » demanda Yukina.

« Ahh, désolé. J’ai pensé que tu te détendrais plus si je te tenais les mains. Tu ne voulais pas que je le fasse, non ? » demanda Kojou.

« Je n’ai rien dit de tel... ! » s’exclama Yukina.

Yukina parla d’un ton hâtif, tandis que ses mains frémissantes saisissaient la main de Kojou. Kojou laissa sortir un soupir exaspéré en regardant par la fenêtre.

L’avion avait immédiatement quitté l’île d’Itogami, l’océan était bleu à perte de vue. Il pouvait très grossièrement dire leur direction par l’angle du soleil, mais il n’avait plus aucun moyen de savoir où ils étaient réellement. L’avion lui-même semblait fonctionner assez bien, mais le fuselage de l’ancien avion à hélice était plus branlant que prévu, Kojou s’était inquiété de savoir s’ils allaient revenir un jour. Peut-être que le malaise de Yukina était contagieux.

« … Je me demande si le projet de recherche sur lequel le père de Kanase travaille est vraiment lié au projet des Masqués…, » Kojou murmura pour lui-même comme s’il essayait de distraire son propre esprit. Il ne s’inquiétait pas tant que ça du fait que Kirishima les entendait depuis le siège avant à l’intérieur d’un avion aussi bruyant.

« Oui… Je pense que c’est très probable, » répondit Yukina avec un regard grave.

C’était une conclusion naturelle. Avec ces runes de lumière jaillissant de toute la forme monstrueuse de Kanon, il était fort probable que Kanon ait subi une sorte de rituel pour transformer sa chair et son sang.

Un rituel de sorcellerie de haut niveau comme celle-là exigeait une organisation, plus quelqu’un qui pouvait réellement exécuter le rituel sur Kanon elle-même. Kensei Kanase, ingénieur sorcier pour une grande entreprise, ainsi que le père adoptif de Kanon, correspondant tout à fait au profil.

« Alors il a transformé sa propre fille en un monstre comme ça et l’a fait tuer sa propre espèce… ? » Kojou avait fait un clic de langue grossier en murmurant.

Cependant, Yukina avait fait un visage encore plus austère en secouant la tête. « Tu as probablement déclaré l’ordre à l’envers. »

« Ah ? » demanda Kojou.

« Kensei Kanase n’a pas modifié sa propre fille, mais plutôt…, » déclara Yukina.

« … Tu veux dire… qu’il a adopté Kanase pour pouvoir lui faire ça… ! » L’hypothèse tout à fait horrible colora le champ de vision de Kojou avec rage.

Si cette orpheline, ayant enfin trouvé une famille à elle, savait que son père ne la voyait que comme matière première pour une expérience…

Kojou ne pouvait même plus imaginer le désespoir que Kanon allait vivre à ce moment-là.

Puis, Yukina avait fait ce qui ressemblait à un sourire frêle et autodérisoire en baissant les yeux.

« J’ai peut-être beaucoup en commun avec Kanase. C’est pourquoi…, » les quelques mots que Yukina avait prononcés avaient finalement fait comprendre à Kojou la vérité sur ce qu’elle ressentait.

Certes, il y avait beaucoup de chevauchement entre Kanon et elle et quand il avait rencontré Yukina, élevée comme chaman épéiste. En ce qui concerne Yukina, un faux pas et elle aurait pu être utilisée comme cobaye à la place de Kanon. C’est pourquoi Yukina avait invoqué le nom de l’Agence du Roi Lion chez Magus Craft Incorporated pour rencontrer Kensei Kanase : elle était désespérée à sa façon pour sauver Kanon.

« Hier soir… Kanase nous a sauvés, n’est-ce pas… ? » demanda Kojou.

Se remémorant du combat mortel qu’il avait goûté au sommet de la tour de cellulaires, Kojou cherchait à s’affirmer d’une voix douce.

Yukina fit un petit souffle, souleva son visage et serra la main de Kojou plus fort. « Oui. »

Tandis qu’elle hochait la tête fermement, les yeux de Yukina disaient : et c’est pourquoi cette fois, je veux la sauver. Kojou était du même avis. En fin de compte, c’était une raison suffisante pour que Kojou sauve Kanon.

Mais comme s’ils se moquaient de leur détermination mutuelle, l’avion avait soudain tremblé et s’était mis à descendre.

« Hé, les jeunes mariés. Désolé d’interrompre votre bavardage, mais nous atterrissons, » déclara Kirishima.

Pendant qu’il parlait, Kirishima désigna une petite île flottant au milieu de la mer.

C’était une île en forme de demi-lune avec une forêt verte en son centre. Ça ne pouvait même pas avoir un rayon de plus de deux kilomètres. On aurait dit que vous pouviez faire le tour de l’île en une demi-journée. Il n’y avait aucun signe de maisons vues du ciel. C’était une île complètement inhabitée.

« Cette île est-elle un centre de recherche de la Magus Craft ? » demanda Kojou.

Alors que le Kojou qui doutait le lui demanda, Kirishima fit un signe de tête fastidieux.

« C’est juste une île sans nom, déserte, mais on l’appelle le Goldfish Bowl, » répondit Kirishima.

« Goldfish Bowl ? » demanda Kojou.

Alors que Kojou s’était tordu le cou en y pensant, qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? L’avion avait commencé un grand virage. Il entrait dans une trajectoire d’atterrissage. Le moteur était devenu encore plus bruyant, et le fuselage avait tremblé encore plus violemment.

« Accrochez-vous, la piste est un peu rude. Il n’y a aucune marge d’erreur, » annonça Kirishima.

« … Par piste, ne voulez-vous pas dire ce terrain là-bas ? » demanda Kojou.

« Ne parlez pas. Vous allez vous mordre la langue ! » s’exclama Kirishima.

« Wowhhh… Vraiment !? » demanda Kojou.

L’ancien avion à hélice s’était avancé vers le champ, avec rien d’autre que de l’herbe éparpillée sur un terrain autrement dénudé. C’était à peu près la même largeur qu’une cour d’école primaire, il n’y avait même pas de balises, encore moins de pistes en béton. Ce n’était pas quelque chose qu’on pouvait appeler une piste en toute bonne conscience.

Sans hésitation, Yukina s’était appuyée sur Kojou, mais il n’avait aucune marge de manœuvre pour rougir.

L’avion s’était posé violemment avec à peu près la même force qu’un atterrissage en catastrophe. Il avait rebondi plusieurs fois sur la surface rugueuse, puis il avait ralenti lentement. Ils s’étaient de peu arrêtés avant de tomber d’une falaise.

Kirishima, d’une main expérimentée, détacha sa ceinture de sécurité et ouvrit la porte mal ajustée.

« Nous sommes arrivés. Maintenant, descendez, les tourtereaux. J’ai un emploi du temps à tenir, » déclara Kirishima.

« On n’est pas un couple, vous savez, » Kojou s’y opposa, mais il n’y avait pas de force dans sa voix.

Tirant Yukina par les mains, Kojou avait lentement quitté l’avion. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds sur une terre solide, et il ne s’était jamais senti aussi bien.

« Les Kanase sont-ils vraiment dans un endroit comme ça ? » demanda Kojou en regardant l’île vide et inhabitée. Kirishima fit un mince sourire riche d’implications.

« Qui sait ! Je suis sûr que vous les rencontrerez bien assez tôt… Si vous vivez assez longtemps, en tout cas, » déclara Kirishima.

« … Kirishima ? » demanda Kojou.

Après avoir confirmé que Kojou et Yukina s’étaient éloignés de l’avion, Kirishima avait claqué la porte de l’avion. Le moteur de l’avion s’était mis en marche avec une grande force une fois de plus, envoyant doucement le petit avion vers l’avant.

« Désolé pour la lune de miel. C’est de la faute de Béatrice, pas de la mienne, d’accord ? » déclara Kirishima.

Avec un signe de la main à travers la fenêtre, c’était les paroles d’adieu de Kirishima. Alors qu’il saisissait le sens de ces mots, l’expression faciale de Kojou s’était figée en raison de la terreur. En toute hâte, Kojou avait couru après l’avion qui accélérait.

« A… attendez, papy ! » s’écria Kojou.

« Qui diable appelez-vous papy !? J’ai encore vingt-huit ans… ! » cria Kirishima.

Au fur et à mesure que l’avion décollait du sol, les cris de Kirishima s’étaient calmés.

Kojou était hors de lui alors qu’il fixait le petit avion qui s’éloignait et semblait disparaître dans le ciel pâle.

« … Foutez-moi la paix ! » s’exclama Kojou.

Les puissants rayons du soleil tropicaux avaient fait scintiller la mer bleue.

***

Partie 3

C’est un quart d’heure plus tard que Kojou était sorti de son état de choc.

Bien que la situation semblait désespérée, il était peut-être trop tôt pour le dire.

Même s’il avait gardé un espoir en tête, l’avion qui avait disparu au-dessus de l’horizon n’était pas revenu, il ne lui restait que les voix cruelles et moqueuses des oiseaux qui les entouraient. Ils avaient été abandonnés sur une île complètement inhabitée. Béatrice Basler les avait trompés.

Tandis que Yukina se tenait immobile en état de choc près de la falaise, Kojou l’appelait timidement. « Euh… Himeragi, vas-tu bien ? »

En réponse, Yukina avait regardé avec une expression pensive avant d’abaisser son visage dans l’abattement. Elle se sentait sans doute responsable de ne pas avoir vu le plan de Béatrice et Kirishima malgré la puissante capacité de sa vision spirituelle dont elle était fière, à juste titre, en tant que jeune fille de sanctuaire.

« Je suis désolée, Senpai. C’est de ma faute, » déclara Yukina.

« Tu n’as pas à t’excuser pour ça, Himeragi. Je me suis fait avoir, moi aussi, tout comme toi, » déclara Kojou.

« Non, j’ai été très imprudente, même si je m’attendais à ce que la Magus Craft soit impliquée dans l’incident du Masqué, » déclara Yukina.

« Eh bien, je ne suis pas sûr que ce soit de l’insouciance, mais plutôt… d’avoir été secouée par toute cette histoire d’avion…, » déclara Kojou.

« Ce n’est pas ça du tout ! J’ai été tout simplement imprudente ! » s’exclama Yukina.

Yukina avait continué à bluffer pour aller de l’avant même maintenant, incapable d’une manière ou d’une autre de faire cette concession. Eh bien, c’est très bien, pensa Kojou en utilisant le capuchon de son parka pour bloquer une partie des rayons du soleil.

« Donc ça veut dire que Béatrice est dans le coup avec le père de Kanase, hein… ? Merde. Aller à leur rencontre sans le dire à Natsuki s’est complètement retourné contre nous…, » déclara Kojou.

Réalisant sa propre erreur de jugement, Kojou ne pouvait que le regretter maintenant.

Natsuki et ses pairs n’étaient pas encore au courant du lien entre le Masqué et la Magus Craft Incorporated. Tout retard supplémentaire dans l’enquête ne ferait qu’aggraver la situation de Kanon.

Il ne savait pas à quoi Kensei Kanase voulait utiliser le corps de sa fille, mais maintenant il aurait encore plus de temps précieux pour mener son expérience.

« Je suppose que oui. Ils nous ont vraiment eus. Je n’aurais jamais imaginé que le quatrième Primogéniteur puisse être envoyé hors de l’île d’Itogami par de tels moyens, » déclara Yukina.

Yukina avait parlé d’un ton qui, d’une certaine façon, avait suinté des regrets. Elle était probablement choquée que Kojou, l’individu qu’on lui avait assigné de surveiller, puisse être rendu complètement impuissant avec une telle facilité. Kojou s’était senti un peu en conflit, alors qu’il s’opposait à ça en sortant son téléphone portable.

« … Hors de portée… des chiffres. Même si j’utilise le GPS, cette île ne sera sur aucune carte, n’est-ce pas ? Inutile, » grogna Kojou en coupant le courant. « Je suppose qu’on pourrait avoir de la chance et qu’un bateau passerait par là… Probablement pas, hein ? »

« En premier lieu, le passage des avions de passagers et des navires dans les eaux autour d’un sanctuaire de démons est limité par la loi, » Yukina l’avait calmement informé du fait désagréable.

Ce n’était pas comme si Kojou pensait que Béatrice et Kirishima les auraient jetés dans un endroit où le sauvetage était facile ou probable. Il valait mieux ne pas s’attendre à ce que l’aide arrive avant un certain temps.

« Nous devrons penser à comment quitter cette île plus tard. D’abord, examinons l’île. Nous devons d’abord obtenir de l’eau, » déclara Yukina.

« De l’eau ? » demanda Kojou.

« Oui. De la nourriture et un abri après cela, de préférence tant que nous avons encore de la lumière, » déclara Yukina.

Yukina avait sorti sa lance d’argent de l’étui de guitare se trouvant avant ça sur son dos. Il semblait qu’elle avait l’intention de l’utiliser pour couper des branches d’arbres afin de créer un chemin à travers la forêt.

« … Cela donne l’impression d’être comme des marins naufragés sur une île déserte, hein ? » Kojou parlait sans aucune tension dans sa voix.

Yukina soupira et regarda Kojou en réponse. « Nous n’en donnons pas l’impression, nous sommes vraiment sur une île déserte. »

« C-C’est vrai… Si personne ne nous sauve, dans le pire des cas, nous pourrions vivre ici ensemble pour le restant de nos jours. C’est comme une mauvaise blague…, » déclara Kojou.

Kojou s’agrippa à sa tête en regardant au-dessus de la petite île, complètement coupé de la civilisation. Pour un homme moderne choyé comme Kojou, l’idée de vivre sans dépanneurs, supermarchés, Internet, télévision, électricité et eau courante suffisait à le terrifier. Il était d’autant plus effrayé qu’alors que Yukina et lui étaient laissés dans un environnement aussi primitif, Kanon serait placé dans un danger encore plus grand. Il ne pouvait même pas former les mots pour décrire le pire des scénarios.

Cependant, pour une raison inconnue, Yukina avait un regard blessé dans les yeux lorsqu’elle fixait Kojou.

« Dans le pire des cas, dis-tu… Être seul avec moi est-il si négatif… n’est-ce pas ? » demanda Yukina.

« Hein ? » demanda Kojou.

« Non, ce n’est rien du tout, » répondit Yukina.

Se détournant vers lui pendant qu’elle parlait, Yukina se dirigea vers la forêt. Sa lance avait creusé un tronc d’arbre sous les yeux de Kojou avec ce qui ressemblait à une attaque déchaînée.

« Euh… Himeragi ? n’es-tu pas, euh, contrariée ? » demanda Kojou.

« Non. Je ne suis pas du tout contrariée. Je marque simplement le chemin pour que nous ne nous perdions pas, » déclara Yukina.

« Je… Je vois. C’est logique, » répondit Kojou.

Tandis qu’il prononçait ces mots, se sentant néanmoins comme s’il ne pouvait pas être tout à fait d’accord, Kojou marchait après Yukina, avançant dans la forêt.

Il était plus facile de marcher dans la forêt qu’il ne l’avait imaginé, probablement parce que le feuillage dense des arbres obstruait la lumière du soleil, empêchant l’herbe de pousser en dessous. La roche volcanique nue s’était transformée en une pente descendante douce qui s’était poursuivie jusqu’à une petite crique.

Dès le départ, la région autour de l’île d’Itogami était une zone tropicale avec une grande quantité de précipitations. Un ruisseau clair coulait entre les brèches de la roche exposée, transportant l’eau qui remontait des sources de l’île. Au moins, il semblait qu’ils n’auraient aucun problème pour obtenir de l’eau douce.

« … Himeragi ? » demanda Kojou.

Yukina qui avait continué à marcher sans même jeter un regard en arrière, s’était soudain arrêtée juste au moment où elle défrichait la forêt. Elle avait l’impression d’être en conflit lorsqu’elle regardait la pente d’une falaise voisine. Kojou suivit son regard, plissant ses yeux, et…

« Hé, est-ce… un bâtiment ? » demanda Kojou.

« Ah non… C’est…, » répondit Yukina.

Éveillée par la voix de Kojou, Yukina le regarda, semblant un peu incertaine sur la façon de présenter les choses.

Au milieu de la pente se trouvait un mur de béton noirci. La surface était fissurée, avec de la mousse qui poussait dessus, mais il n’y avait aucun doute que c’était de fabrication humaine.

« Alors quoi, il y a vraiment un centre de recherche de la Magus Craft ? Je ne m’attendais pas à ça, » déclara Kojou.

« Non, il ne devrait pas y avoir… Mais…, » déclara Yukina.

« Je ne peux rien dire d’ici, alors allons-y. Qui sait ! Peut-être que quelqu’un vit sur cette île et Kirishima et elle ne le savent pas, » déclara Kojou.

« Senpai !? Attends, s’il te plaît, c’est…, » cria Yukina.

Alors que Kojou courait vers l’avant, ignorant les efforts de Yukina pour l’arrêter, il s’approcha du bâtiment avec une approche frontale toute droite. Son esprit entrevoyait la possibilité de pièges posés par Kirishima et eux, mais c’était très loin de la réalité.

Mais alors qu’il s’approchait du mur, il s’était rendu compte de la raison pour laquelle Yukina avait essayé de l’arrêter.

C’était un bâtiment très étrange. Il était à peu près aussi grand qu’un immeuble d’appartements de deux étages. Bien qu’encastrés dans du béton épais, les trous dans le mur n’avaient même pas de fenêtres en verre. En regardant à l’intérieur, la structure n’avait pas de meubles, ni même d’ampoules. Ça ne ressemblait en rien à ce dans quoi quelqu’un vivrait vraiment.

« C’est… une casemate, » Yukina, ayant rattrapé Kojou, murmura en levant les yeux vers le bâtiment.

« Casemate ? » demanda Kojou.

« Une structure défensive construite pour empêcher l’approche des forces ennemies en temps de guerre. C’est comme un fort, » expliqua Yukina.

« Les gens ont fait la guerre même sur une île comme celle-ci ? » demanda Kojou.

« Je n’en sais rien. Cependant, ce n’est pas une structure particulièrement ancienne, » répondit Yukina.

Après avoir dit ces mots, Yukina était entrée dans la sombre casemate sans hésitation. Tandis que Kojou la suivait, son visage s’était renfrogné devant la sensation qui lui avait été transférée à travers les semelles de ses chaussures. Des cylindres de métal faiblement scintillants étaient éparpillés sous leurs pieds comme des branches tombées d’un arbre. C’était des douilles de mitrailleuses.

« Il semblerait que… cela soit des signes d’une fusillade…, » Yukina parla avec un soupir apparent dans sa voix.

En regardant tout autour, il y avait d’innombrables cavités et fissures apparemment laissées par des coups de feu partout sur les murs de la casemate. D’après la saleté en surface, les marques de balles n’étaient pas vieilles. Tout au plus, ils avaient été faits ici ces dernières années. Cependant, ils n’avaient aucune idée de qui avait attaqué cette île, ni dans quel but. Après tout, ils n’avaient jamais entendu parler de pirates opérant dans les mers autour de l’île d’Itogami. Même s’il y avait des pirates, ils n’avaient aucune raison de se donner la peine de débarquer sur une île déserte comme celle-ci et de jouer à la guerre.

« Je ne vois pas non plus de cadavres, » regardant à l’intérieur de la casemate déserte, Yukina murmura cela.

Certes, contrairement au grand nombre de douilles de balles, il n’y a eu aucun signe de morts. Même les sens améliorés de vampire de Kojou ne pouvaient localiser aucune trace de sang versé.

« Ouais, maintenant que tu le dis. Honnêtement, c’est mieux pour nous, » répondit Kojou.

« On a de la chance que le toit soit intact. Cela réduit la main d’œuvre nécessaire à l’installation du campement, » annonça Yukina.

« Attends, n’as-tu quand même pas l’intention de dormir ici ? » demanda Kojou.

Tandis que Kojou faisait une expression consternée, Yukina lui avait jeté un regard qui semblait lui demander : « Y a-t-il un problème ?

« J’ai… un peu peur qu’un fantôme puisse sortir ou… quelque chose… quelque chose…, » balbutia Kojou.

« … Senpai, pourquoi as-tu peur de quelque chose comme un fantôme ? Tu es un vampire, n’est-ce pas ? » Yukina semblait sur le point de craquer.

Kojou se tordait les lèvres dans un regard boudeur. « Même toi, tu as peur des avions, Himeragi. »

« Ce n’est pas vrai ! Je n’ai pas du tout peur d’eux ! » s’écria Yukina.

Le visage de Yukina était rouge alors qu’elle faisait sa réplique. Kojou soupira un peu et leva les yeux vers le toit de la casemate.

« Mais ils ne nous ont rien laissé pour tenir le coup. J’aurais aimé qu’ils aient au moins laissé une radio derrière eux, » déclara Kojou.

« … Ce n’est peut-être pas très… drôle… Mais maintenant que nous ne pouvons pas partir par nos propres moyens, nous n’avons d’autre choix que d’attendre les secours ensemble… Même si c’est… le pire des cas, » déclara Yukina.

Pour une raison ou une autre, Yukina était revenue à son ton boudeur dans sa voix quand elle parlait, se penchant en avant là où elle se tenait.

« Sauvetage… Secours, hein… ? » demanda Kojou.

Kojou poussa un doux soupir alors qu’il regardait par le port à mitrailleuse vers l’horizon.

Le soupir de Kojou ne pouvait pas atteindre l’île d’Itogami, qui était maintenant très très lointaine.

***

Partie 4

« Il est en RETARDDDDDDD ! » Asagi Aiba avait gémi de mécontentement en regardant son smartphone.

Elle était dans le salon d’un certain appartement au septième étage de l’île du sud.

La tenue d’Asagi pour ce jour-là était beaucoup plus simple que celle qu’elle portait normalement. Cependant, elle s’était préparée longtemps pour s’assurer qu’elle soit habillée de la tête aux pieds avec des vêtements de ville tout neufs. En raison de ses cheveux, Asagi s’enorgueillit personnellement de son apparence de jeune femme.

« Combien de temps cet idiot va-t-il me faire attendre… ! »

À côté d’une Asagi indignée se trouvaient un carnet de croquis vierge et un jeu complet de matériel de peinture. Elle avait obtenu la promesse de Kojou de l’aider à faire ses devoirs d’art au pied de la lettre, prenant du temps au milieu de sa journée libre pour venir l’accueillir à la résidence Akatsuki. Pourtant, après tout cela, Kojou n’était pas là. Apparemment, il était arrivé tard la veille au soir et était reparti tôt le matin, sans un seul mot à Asagi, bien sûr.

« … Désolée que Kojou te cause des ennuis, Asagi. »

Nagisa Akatsuki avait baissé sa tête en s’excusant alors qu’elle était assise à côté d’Asagi. Apparemment, la petite sœur diligente de Kojou se sentait responsable de la conduite de son frère aîné absent.

Asagi avait fait son expression sarcastique habituelle, faisant un sourire de bonne humeur à Nagisa. Après tout, elles avaient appris à très bien se connaître au cours des quatre dernières années.

« Tu n’as pas besoin de t’excuser, Nagisa. C’est la faute de l’idiot qui a promis d’être là et qui est parti. J’ai aussi été assez bête pour le croire. Je le jure, il est juste…, » déclara Asagi.

« Ouais… mais je me demande vraiment où Kojou est allé. On n’arrive pas du tout à l’avoir sur son portable, et on dirait que Yukina est aussi partie depuis ce matin, » déclara Nagisa.

« À nouveau cette étudiante transférée… ? » demanda Asagi.

Tch ! Asagi fit claquer la langue face aux murmures occasionnels de Nagisa. Après tant de « coïncidences » similaires, même Asagi avait remarqué que c’était plutôt étrange.

Les absences de Kojou étaient montées en flèche au cours de la dernière moitié de l’année, mais elles étaient devenues particulièrement longues et fréquentes après l’arrivée de l’étudiante transférée. Et sans faute, chaque fois qu’il disparaissait sans prévenir, elle était impliquée. Il y avait à tous les coups une sorte de secret entre eux.

Bien sûr, si Asagi l’avait voulu, elle aurait pu chercher facilement les vraies couleurs de Yukina Himeragi. Elle était convaincue qu’elle pouvait plonger dans diverses bases de données publiques et obtenir instantanément tout ce dont elle avait besoin, depuis sa date de naissance jusqu’à ses relevés bancaires. Mais Asagi n’avait pas l’intention de faire une telle chose.

Ce n’était pas le style d’Asagi de choisir un combat qu’elle savait à l’avance qu’elle allait gagner. Les secrets étaient quelque chose qui ne devrait être exposé en plein jour qu’après avoir franchi un obstacle approprié. C’est pourquoi Asagi était si vénérée en tant que la « Cyber Impératrice », l’incarnation vivante de la fierté du hacker.

Tandis que Nagisa versait du nouveau café dans leurs tasses, elle parlait comme si elle se souvenait soudainement de quelque chose. « Ah, mais s’ils sont ensemble, peut-être qu’ils aident Kanon… »

« Kanon… ? Tu veux dire Kanon Kanase ? La blonde platine ? » Asagi était mystifiée quand elle avait demandé cela en réponse. La Sainte du collège était assez célèbre. Même Asagi connaissait son nom et son apparence.

« J’ai dit à Kojou d’aider Kanon à trouver un nouveau foyer pour des chats errants, » expliqua Nagisa. « cependant, les circonstances rendent l’histoire un peu longue… tee-hee… »

Nagisa avait fait son sourire heureux habituel. Au fil de l’histoire, Kojou avait cru à tort qu’un garçon avait avoué à sa petite sœur, au point de faire irruption sur le toit de la bâtisse du collège.

D’habitude, Asagi se moquait d’un frère aîné qui ne supportait pas d’être séparé de sa petite sœur, mais tout ce qu’elle faisait était de faire un léger rire et de regarder Nagisa avec douceur. Aujourd’hui encore, Asagi n’avait jamais oublié la vue du jeune garçon rendant visite à sa petite sœur gravement blessée quatre ans auparavant.

« Prendre soin d’un chat errant… Maintenant que j’y pense, Kojou demandait à tout le monde dans la classe s’ils pouvaient élever un chaton, » murmura Asagi en se rappelant son comportement étrange de la veille. Nagisa acquiesça d’un signe de tête.

« C’est vrai. Alors, voyons voir… Ah, ça veut dire qu’ils pourraient être à l’abbaye, » déclara Nagisa.

« Abbaye ? » demanda Asagi.

« Ouais. Il y a les ruines d’une abbaye derrière l’école où Kanon vivait autrefois. Elle s’occupait des chats là-bas en secret. Je pourrais t’y emmener. Y va-t-on tout de suite ? Je dois de toute façon aller à l’école pour le club, » expliqua Nagisa.

Nagisa avait parlé en levant les yeux vers l’horloge sur le mur. Il était une heure et demie. Le temps, même vu de l’intérieur d’un appartement, était lumineux et ensoleillé à un degré vraiment ridicule.

« Hmm… de toute façon, attendre ici ne me convient pas beaucoup. D’accord, allons-y, » déclara Asagi.

Asagi se leva, tenant toujours son smartphone bien-aimé.

***

Partie 5

Il restait un bâtiment à l’intérieur du parc qui reposait au sommet de la colline en pente douce. Le bâtiment était une abbaye en ruines.

« Caducée… Comme l’a dit le fichier des renseignements. »

La jeune fille avait émis un murmure peu impressionnant après avoir confirmé que le relief sculpté dans le toit était comme ce qu’elle avait prévu.

C’était une grande et mince fille. Son teint de peau était clair, ses cheveux présentaient une couleur châtain pâle. La beauté élégante et raffinée de son visage rappelait une fleur fièrement épanouie. Elle était Sayaka Kirasaka — Danseuse de guerre chamanique de l’Agence du Roi Lion.

« Est-ce l’abbaye où Kanon Kanase vivait ? C’est joli, vu qu’elle est abandonnée depuis des années, » murmura Sayaka.

Les sourcils galbés de Sayaka se levèrent en regardant autour d’elle à l’intérieur du bâtiment en ruines.

Il n’y avait aucun signe de présence humaine à l’intérieur. Les murs fissurés et les meubles cassés étaient probablement des vestiges de l’incident qui s’était produit cinq ans auparavant.

C’est cet incident qui avait déclenché la fermeture de l’abbaye, dispersant tous ceux qui habitaient à l’intérieur de l’abbaye aux quatre vents. Personne n’avait sûrement vécu ici depuis ce temps-là.

Mais mystérieusement, il n’y avait même pas une bouffée de poussière. Apparemment, quelqu’un venait régulièrement nettoyer l’endroit. C’était certainement une piste cruciale pour la mission actuelle de Sayaka. Mais…

« Achoo! »

Une soudaine sensation de démangeaison avait fait sortir un petit éternuement à Sayaka. La cause en était de minuscules particules flottant dans l’air à l’intérieur de l’abbaye malgré le nettoyage régulier.

« Des poils de chat ? » murmura Sayaka.

Le bruit de ses éternuements résonnait dans toute l’abbaye. Sentant une légère perturbation de l’air avec la réverbération, Sayaka avait regardé dans son dos de manière réfléchie.

« … Qui est là !? »

Tout en gardant sa posture défensive, elle avait tendu la main vers l’étui à instruments sur son dos. La poignée d’argent scintillante d’une longue épée se détachait de l’espace dans le boîtier.

« C’est inutile de se cacher de moi… alors veux-tu bien sortir ? » demanda Sayaka.

Tandis que Sayaka faisait son avertissement glacial, une petite voix rieuse sortit de derrière un pilier. « Tu m’as eu », dit la voix avec un écho qui évoquait un sourire tendu.

« … Salut. »

Le mot, prononcé sans la moindre déchirure de tension, était venu au moment où l’élève en uniforme d’écolier avait montré son visage. C’était un lycéen aux cheveux courts, hérissés et peignés à l’envers, avec une paire d’écouteurs suspendus à son cou.

« Le même uniforme que Kojou Akatsuki ? Vous étiez avec Dimitrie Vattler pendant cet incident…, » déclara Sayaka.

« Ahh, l’étais-je vraiment ? Merci pour tout à l’heure, » déclara l’autre.

Motoki Yaze sourit d’un air embarrassé.

Ce n’était pas la première rencontre de Sayaka avec lui. Pour une raison quelconque, cet étudiant avait été sur les lieux de l’incident terroriste qui avait secoué la ville d’Itogami, il avait suivi l’incident jusqu’à sa conclusion.

« Si vous me demandez… qui je suis, “le camarade de classe de Kojou Akatsuki” est la seule réponse que je peux vous donner, » déclara Yaze.

Yaze se gratta le visage d’un regard quelque peu contradictoire. Sayaka continua à le regarder fixement.

« Ce qui veut dire que vous n’avez pas l’intention de révéler qui vous êtes vraiment, non ? » demanda Sayaka.

« Euh, eh bien, ah, s’il vous plaît, ne soyez pas indiscrète à ce sujet. Nous sommes tous les deux dans le pétrin si on commence à poser des questions. Qui est une danseuse de guerre de l’Agence du Roi Lion à la recherche d’un tel endroit ? » demanda Yaze.

Une expression perplexe s’était emparée de Sayaka, car on parlait si facilement de sa propre identité à haute voix. Elle ne pouvait pas cacher son irritation avec le ton de la voix de Yaze qui savait tout.

« Quel est… votre but ici ? » demanda Sayaka.

« Je veux passer un marché avec vous. Je suis moi aussi un peu dans le pétrin, » Yaze parlait d’une voix plutôt douce.

Sayaka ne pensait pas que son comportement était un jeu d’acteur. « Un marché ? »

« Ouais. Et ma condition pour le marché est que vous ne parliez de moi à personne d’autre, ni à Kojou, ni à Yukina Himeragi, » déclara Yaze.

Tandis que Yaze donnait son explication curieusement détournée, Sayaka comprit.

Le garçon sous ses yeux savait que Yukina Himeragi était l’observatrice de Kojou Akatsuki. Mais sa position serait rendue très difficile si Yukina ou Kojou en prenaient conscience. En d’autres termes, sa mission était de surveiller dans quelle direction allaient les choses avec Kojou et Yukina… Soudain, tout avait pris un sens.

« Si vous acceptez cette condition, je vous fournirai des informations. Je pense qu’il s’agit d’une information très utile de votre point de vue, » déclara Yaze.

« … “Information” ? » Sayaka répéta froidement le mot en réponse. Elle n’avait aucune raison de faire des concessions.

Face à son attitude, Yaze abaissa ses épaules et répondit sèchement. « L’endroit où se trouve Kojou Akatsuki. »

« … Hah!? Ce n’est pas comme si ça m’intéressait de savoir cela… ! » déclara Sayaka.

La voix de Sayaka semblait stridente alors qu’elle faisait son objection. Elle ne savait pas pourquoi il lui avait fait ce genre d’offre. Après tout, quelle valeur cette information avait-elle pour Sayaka… ?

Voyant Sayaka si visiblement agitée, Yaze avait fait une grimace qui disait, Whoa, mine terrestre.

« Apparemment, Kojou a quitté l’île, » déclara Yaze.

« … Le quatrième Primogéniteur est-il à l’extérieur du Sanctuaire des Démons ? » demanda Sayaka.

L’expression de Sayaka s’était durcie. Ce n’était pas qu’elle faisait entièrement confiance à ce que Yaze disait, mais même si ce n’était pas expressément lié à sa mission, si son histoire était vraie, c’était certainement un sujet de grave préoccupation.

« Bien sûr, Yukina Himeragi est avec lui…, » déclara Yaze.

« Euh… gh… »

« Vous voyez, pour l’instant, c’est plutôt mauvais s’ils s’impliquent dans toute cette affaire avec Kanon Kan —, » parlant d’un ton de voix apathique, Yaze avait soudain coupé ses mots.

Le regard de Sayaka devint plus vif quand le nom de Kanon Kanase passa à travers ses lèvres. Cependant, pour une raison quelconque, Yaze semblait être dans un tourbillon de détresse alors qu’il se tenait la tête.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Sayaka.

Sayaka regarda Yaze avec une expression réservée. Yaze transpirait des grosses gouttes.

« C’est mauvais… Correction, c’est le pire des cas. Pourquoi sont-elles venues ici ? » demanda Yaze.

« Elles ? » demanda Sayaka.

Quand Sayaka avait incliné la tête, la porte branlante avait grincé, elle avait senti que quelqu’un entrait dans la bâtisse. L’atmosphère tendue s’était effondrée lorsqu’une voix légèrement zézayante et ensoleillée s’était fait entendre.

« Hellooo ! Kanon, tu es là ? Ta Kojou est venue me voir ? »

Celle qui était sortie de derrière le mur fissuré était une écolière de petite taille.

C’était la petite sœur de Kojou Akatsuki. Ses yeux ronds étaient particulièrement grands quand elle regardait Yaze alors qu’il s’accroupissait.

« Ah, Yaze ? » déclara Nagisa.

« Motoki ? Que fais-tu dans un endroit comme… ? »

Une autre fille avait suivi, mais ses pieds s’étaient arrêtés quand elle avait remarqué Sayaka. C’était une lycéenne qui portait des vêtements de ville raffinés. C’était une belle fille à l’air urbain, avec son air fantaisiste et aristocratique qui rappelle celui d’un chat.

« Aaaa !! »

« Aaaa !! »

Toutes deux élevèrent la voix et désignèrent l’autre presque simultanément.

« Vous êtes la tueuse en série qui a attaqué Kojou il n’y a pas longtemps !? » s’écria la lycéenne.

« L-La bimbo de K-Kojou Akatsuki !? » s’écria Sayaka.

Les deux filles étaient sous le choc face à la déclaration de l’autre. Toutes deux élevèrent la voix une fois de plus.

« Qui traitez-vous de bimbo ? » s’écria la lycéenne.

« Je ne suis pas une tueuse en série, vous savez !? » s’écria Sayaka.

Comme si c’était sur le point de devenir un match en cage, les deux femmes s’approchèrent l’une de l’autre et se regardèrent fixement avec force, comme si elles voulaient que l’autre meure.

Les yeux de Nagisa s’ouvrirent en grand, n’ayant aucune idée de ce qui se passait.

« Euh… ah, quoi ? Qu’est-ce qui se passe !? Hé, Yaze, dis-moi ! » demanda Nagisa.

Regardant sur les côtés des visages de Sayaka et d’Asagi, Nagisa avait furieusement giflé Yaze tout en restant penchée sur son dos.

D’un regard fatigué, Yaze mit ses joues dans ses mains et murmura faiblement, « Laisse-moi en dehors de ça… »

***

Partie 6

« Kojou Akatsuki, héritier de la lignée Kaleid Blood, te libère de tes liens… ! »

Debout sur une zone rocheuse de la côte secouée par de violentes vagues, Kojou avait levé la main droite.

Là où il avait montré du doigt, une brume cramoisie de sang frais avait jailli.

Finalement, la brume sanglante avait été remplacée par une masse de foudre, émettant une lueur dorée ainsi qu’une poussée magique d’une force incroyable. L’énergie électrique massive et volatile devint une colonne de lumière qui s’éleva dans le ciel.

« … Vas-y, Vassal Bestial Numéro Cinq, Regulus Aurum ! »

Un lion géant enveloppé d’éclairs émergea au-dessus de la tête de Kojou. C’était Regulus Aurum — l’un des douze vassaux bestiaux dont Kojou avait hérité du quatrième Primogéniteur précédent.

Grâce au fait que Kojou avait bu le sang compatible de Yukina, il avait reconnu Kojou comme son nouveau maître, ce qui lui permettait de l’invoquer de cette manière, mais cela ne signifiait pas qu’il était facile à contrôler. C’était vraiment un Vassal Bestial difficile à utiliser, une petite erreur et il devenait fou, détruisant sans discernement tout ce qui l’entourait.

Comme il portait une attention particulière aux détails, Kojou envoya le lion vers la mer.

Si Kojou n’arrivait pas à contrôler le Vassal Bestial ici, il ferait sans doute frire une petite île comme celle-ci en un clin d’œil et la jetterait à l’eau en un rien de temps. Bien conscient de cela, il était extrêmement prudent.

Les griffes épaisses en forme d’épée du Lion de foudre s’approchaient calmement de la surface de la mer. Maîtrisant sa puissance autant qu’il le pouvait, Kojou libéra le pouvoir du Vassal Bestial — .

À cet instant, l’air avait cédé complètement, car une force électrique massive s’était déversée dans la mer d’un seul coup.

L’énergie écrasante avait fait bouillir l’eau de mer en un seul instant, provoquant son évaporation et sa transformation en une explosion de vapeur. Avec un énorme rugissement et une forte secousse de l’air, les ondes de choc s’étaient dispersées et avaient fait trembler le sol.

« … Pas bon, hein ? Bwah ! » Kojou expira de consternation, essuyant son visage trempé d’eau de mer. Alors — .

« Qu’est-ce que tu crois faire, Senpai ? »

Derrière son dos, Kojou entendit la voix basse et feutrée de Yukina.

La Chaman Épéiste de l’Agence du Roi Lion, dégoulinant de la tête aux pieds, fixa du regard Kojou.

Des gouttelettes d’eau transparentes roulaient sur son visage, sa chair nue était facilement visible à travers son uniforme humide. Apparemment, l’explosion qui s’était produite à ce moment-là avait envoyé une grande quantité d’embruns qui se dispersa, y compris juste au-dessus de sa tête.

Kojou avait été beaucoup plus près du centre de l’explosion, mais le fait qu’elle avait subi beaucoup plus de « dommages » qu’il ne l’avait subit l’avait quelque peu gêné.

« J’ai entendu dire qu’il y avait un moyen de pêcher avec une décharge électrique, alors ça m’a fait réfléchir…, » déclara Kojou.

« Par conséquent, as-tu utilisé un Vassal Bestial pour tenter de ramasser du poisson ? » demanda Yukina en bougeant ses avant-bras trempés vers le haut. Kojou hocha timidement la tête.

« Mais c’est… Ça ne va pas marcher, n’est-ce pas ? » demanda Kojou.

« Apparemment non, » Yukina avait soupiré de résignation.

L’attaque du Vassal Bestial de Kojou avait causé d’importantes destructions environnementales dans la région. Une grande quantité de sable avait été projetée du fond de la mer qui s’était creusée, bouillant la surface de l’eau. Il était fort probable que les poissons qui avaient nagé dans la région avaient été pulvérisés en morceaux. La force en avait beaucoup trop fait.

D’une manière ou d’une autre, Kojou pouvait comprendre pourquoi le gouvernement japonais avait interdit la pêche par électrocution.

« Alors… qu’est-ce que tu fais ici, Himeragi ? » demanda Kojou.

« Le dîner est prêt, alors je suis venu t’inviter, » déclara-t-elle.

« D’accord… merci, » alors qu’il remerciait Yukina, Kojou grimpa sur la falaise.

Yukina, qui avait reçu une formation de survie de l’Agence du Roi Lion, avait en vérité effectué un travail très habile en empilant des pierres pour construire un foyer, allumant facilement un feu à partir des branches sèches qu’elle avait recueillies.

Elle avait utilisé des branches sèches à la place d’une table pour servir le repas qu’elle avait préparé.

Un doute s’était installé sur Kojou en regardant la cuisine qui s’y trouvait.

« Euh… Qu’est-ce que c’est ? » demanda Kojou.

Kojou avait désigné les plats relativement orthodoxes. Il y avait des fruits enveloppés dans des enveloppes fibreuses dures.

« Les noix de coco, » répondit Yukina avec un soupçon de triomphe. Je vois, pensa Kojou en acquiesçant.

« … Et ce truc blanc ? » demanda Kojou.

« Tranches de noix de coco, » répondit Yukina.

« Donc ça veut dire qu’il y a…, » commença Kojou.

« Noix de coco hachée et lamelles de noix de coco. Et ça, c’est de la soupe de noix de coco avec de l’eau de mer, » répondit Yukina.

« C’est de la cuisine plutôt créative, » répliqua Kojou.

Kojou avait transmis ses pensées avec des mots soigneusement choisis. Comme les noix de coco étaient les seuls ingrédients avec lesquels elle pouvait travailler, il n’y avait pas d’autre plat, il n’était pas vraiment en mesure de se plaindre. Au contraire, il aurait dû faire l’éloge des talents de lance de Yukina pour avoir été capable d’utiliser ce stupidement long Snowdrift Wolf pour trancher des noix de coco comme ça.

« Quel goût ça a ? » demanda Yukina en espérant que Kojou prenne une gorgée de la soupe à la noix de coco.

« Hm… je suppose que je doive dire que ça a le goût de noix de coco ordinaire, » répondit Kojou.

Yukina soupira.

« En y repensant, Nagisa m’a parfois fait mal au ventre quand on était petits et j’ai accepté qu’elle joue aux jeux ménagés…, » déclara Kojou.

« La raison pour laquelle une telle chose te vient à l’esprit en ce moment me dérange un peu, mais comme tu ne sembles pas être de bonne humeur, je m’abstiendrai d’insister sur ce point, » les joues de Yukina étaient gonflées quand elle avait regardé Kojou.

Kojou ne le remarqua pas du tout en regardant la mer, illuminée par le soleil couchant.

« Si on est coincés ici pendant des jours, Nagisa va s’inquiéter. Nous sommes partis sans dire un mot, après tout. Eh bien, puisque c’est dimanche demain, elle ne sera probablement pas si inquiète que ça…, » déclara Kojou.

Juste au moment où il disait cela, les yeux de Kojou s’ouvrirent en grand. Il s’était soudain souvenu de quelque chose de très important.

« … Senpai ? » demanda Yukina.

Yukina regarda Kojou avec inquiétude. Kojou se retourna à ce moment-là.

« Uh-oh. J’ai promis d’aider Asagi avec ses devoirs d’art aujourd’hui. Elle va être furieuse, je le sais, » déclara Kojou.

« Une promesse avec Aiba… ? » murmura Yukina d’une voix qui semblait rassise. Puis, elle était soudain devenue sérieuse.

« C’est peut-être une petite raison d’espérer, » déclara Yukina.

« … Ce serait sympa, » répondit Kojou.

Kojou hocha la tête en réalisant où Yukina voulait en venir.

En premier lieu, Asagi remarquerait sûrement que Kojou n’était pas sur l’île d’Itogami. Et connaissant sa personnalité, elle n’était pas du genre à laisser tomber. Elle pourchasserait Kojou jusqu’aux confins de la terre juste pour lui donner une remontrance pour avoir brisé sa promesse.

Avec ses compétences suprêmes en piratage informatique et l’ordinateur central de la Corporation de Management du Gigafloat à sa disposition, il était tout à fait possible qu’elle réalise le lien entre Kojou, Yukina et Magus Craft.

« Mais si elle ne fait pas attention en s’approchant trop de Magus Craft, elle risque de se mettre en danger, elle aussi… Il y a donc ce problème. Plus important encore, on ne peut pas laisser Kanase avec eux comme ça, » déclara Kojou.

Le dilemme était de savoir comment essayer de sauver quelqu’un sans mettre quelqu’un d’autre en danger. C’était une source de grande angoisse pour Kojou, surtout maintenant qu’il était impuissant à faire quoi que ce soit à ce sujet.

Un léger sourire était apparu à Yukina en regardant Kojou être si sérieux.

« … Tu t’inquiètes vraiment pour les autres, Senpai… Même si tu es sur une île déserte sans retour possible, » déclara Yukina.

« Je sais, je sais. Ce n’est pas vraiment le moment ou l’endroit pour s’inquiéter des autres, » répliqua Kojou.

Les lèvres de Kojou s’étaient tordues de honte. Mais Yukina secoua doucement la tête, murmurant d’une voix qu’il pouvait à peine entendre. « Non… Je pense que c’est l’un de tes… assez bons points, Senpai. »

« … Hmm ? » demanda Kojou, déconcerté. Elle le regarda avec un sourire taquin.

« C’est une belle vue, n’est-ce pas ? » Yukina parlait pendant que la brise côtière jouait avec ses cheveux mouillés.

Les rayons du soleil couchant avaient magnifiquement mis en valeur le côté de son visage encore assez jeune.

Ça ressemblait à un mirage. Pendant un moment, les yeux de Kojou avaient été captivés par la scène.

« Oui… Je suppose que oui, » répondit Kojou.

Il hocha la tête avec un soupir mélangé. Bientôt, la nuit tomberait — .

***

Partie 7

C’était un cybercafé sur l’Île Ouest. Trois personnes étaient entassées dans une cabine destinée à une seule personne, le visage serré, retenant leur souffle en regardant l’image défiler sur l’écran devant elles.

« Compris… Voilà. Ryogami Heavy Industries, Inc. Aerostellar RA II. »

Asagi avait arrêté l’avance rapide de la vidéo et avait agrandi l’image. Les données de l’image étaient grossières, remplies d’artefacts. L’image montrait un avion juste avant le décollage. Il s’agissait d’un vieil avion à hélices d’une capacité de quatre personnes.

« Un avion d’affaires appartenant à la Magus Craft, hein ? »

Yaze sourit audacieusement en regardant le logo de l’entreprise sur le fuselage.

Asagi tapa silencieusement sur le clavier. Les deux personnes assises côte à côte à l’arrière de l’avion avaient été agrandies davantage. L’un était un garçon portant un parka avec un visage à l’air apathique, l’autre était une fille de petite taille avec un étui à guitare.

« Ça vient d’une caméra de surveillance de l’aéroport, donc la qualité n’est pas très bonne, mais c’est certainement Kojou et l’étudiante transférée, » déclara Asagi.

« … On dirait que oui. Sais-tu où ils vont ? » demanda Yaze.

« D’après le plan de vol, on s’attendait à ce qu’ils se rendent dans un centre de recherche exclusif, mais c’est probablement faux, hein… ? Mais à en juger par le temps de vol, je ne pense pas qu’il ait volé si loin, » répondit Asagi.

Tout en s’engageant dans la conversation, Asagi avait continué à exécuter des programmes qu’elle s’était préparés elle-même sur place. Les virus qui avaient eu une vie courte et passagère agissaient maintenant comme des familiers pour une cybersorcière et avaient commencé à envahir les installations liées à la Magus Craft les unes après les autres.

Asagi avait ensuite utilisé ses droits d’administrateur de serveur de la Corporation de Management du Gigafloat. L’IA de soutien qui était son « partenaire » avait démarré. C’était Mogwai — l’avatar des cinq supercalculateurs qui géraient toutes les fonctions urbaines de l’île Itogami.

« Comment cela avance-t-il, Mogwai ? » demanda Asagi.

« Cela arrive. Comme on l’attend d’une grande entreprise, ses finances publiques sont à fleur de peau…, » déclara Mogwai.

Mogwai, en train d’envahir le siège américain de la Magus Craft Incorporated, parlait parfois avec un ton très humain.

Il enquêtait sur la comptabilité de la Magus Craft. Il avait traversé plusieurs couches de pare-feu et reconstruisait des données qui semblaient concerner des comptes cachés et des transactions commerciales passées.

« Heh-heh… Trouvé. Cette partie sent vraiment suspect, » déclara Mogwai.

« … Terrains privés achetés par l’intermédiaire de filiales ? » Asagi inclina la tête en regardant la carte affichée à l’écran. « Pourquoi achèteraient-ils des îles inhabitées en entier comme celle-ci ? Et c’est en dehors de la juridiction du Sanctuaire des Démons, n’est-ce pas ? »

« L’histoire de couverture est que c’est pour les touristes…, » répondit Mogwai.

« C’est à moins de trente minutes aller simple de l’île d’Itogami… Horaires pratiques pour les allers-retours avec un vieil avion à hélices. »

En regardant les caractéristiques de l’avion privé de la Magus Craft, Asagi avait reniflé par le nez.

Mogwai avait fait un gloussement et un rire sarcastique. « J’ai enfin trouvé quelque chose d’intéressant. Voici la liste de leurs principaux clients. »

« … L’armée des États confédérés d’Amérique ? C’est quoi, une grosse commande de robots de nettoyage ? »

Alors qu’elle reconstituait les informations disparates, Asagi avait remis en question les données incongrues sous ses yeux. Cependant, elle pensait que Mogwai était la dernière IA qui ferait de telles erreurs de base.

« Je vois. J’ai enfin compris à quel jeu ils jouent… »

Yaze fit un murmure de mécontentement à la place d’une Asagi perplexe. Il semblait avoir une idée de ce que la Magus Craft faisait sous la table.

« Asagi Aiba… Qui êtes-vous ? » demanda Sayaka.

Même Sayaka, peu encline à la technologie de l’information elle-même, pouvait comprendre que la capacité d’Asagi à gérer l’information numérique dépassait largement la norme. Bien qu’elle n’aurait pas dû être aussi surprise qu’un résident du Sanctuaire des Démons n’était pas un être humain normal, la capacité d’Asagi était tout de même clairement exceptionnelle. Elle pouvait accepter le fait que c’était la fille qui avait détruit le Nalakuvera.

« Vous n’êtes pas seulement avec la Corporation de Management du Gigafloat, vous êtes en mesure d’entrer par effraction dans le siège social de la Magus Craft si facilement…, » déclara Sayaka. « Je pensais déjà que vous ne pouviez pas être une personne moyenne pour que le Front de l’Empereur de la Peste Noire pose les yeux sur vous, mais… »

Alors qu’un regard émerveillé se posait sur le visage de Sayaka, Asagi leva les yeux avec un léger ennui. Elle avait fait un signe de la main comme si c’était un ennui.

« Désolée, mais je ne suis qu’une lycéenne normale. Je travaille à temps partiel pour la société de gestion, ici et là, » répondit Asagi.

« Ha ? À temps partiel ? » demanda Sayaka.

Cette fois, Sayaka était sous le choc. En matière de guerre de l’information, Asagi Aiba était un monstre au même titre que l’était le quatrième Primogéniteur dans le monde réel. Mais même ainsi, elle n’en était pas encore venue à elle-même réaliser le fait…

Choquée par le danger que cela pouvait représenter, Asagi avait parlé. « Kirasaka… c’est ça ? Eh bien, qui êtes-vous ? Pouvez-vous vraiment sauver Kojou et Yukina ? »

« Laissez-moi m’en occuper. Je peux utiliser mes relations pour envoyer un navire de la Garde côtière, » Sayaka acquiesça d’un signe de tête.

Même si ce n’était pas la mission qui lui avait été assignée, le suivi du quatrième Primogéniteur, Kojou Akatsuki, était la priorité absolue de l’Agence du Roi Lion. Et c’était le devoir naturel et attendu de Sayaka de sauver son Observatrice, Yukina, qui avait été emmenée dans le processus.

En outre, il semblait que la disparition de Kojou et Yukina n’était pas après tout sans rapport avec la mission même de Sayaka.

En utilisant le nom de l’Agence du Roi Lion, Sayaka avait pris rendez-vous avec Kensei Kanase. Il y avait des choses qu’elle voulait lui demander en tant que tuteur de Kanon Kanase. Si Sayaka était allée chez la Magus Craft avant Yukina et Kojou, c’était peut-être elle qui se serait retrouvée sur l’île.

« … Des liens, hein ? » Comme on pouvait s’y attendre, Asagi murmura avec une méfiance totale.

Cependant, Sayaka ne pouvait pas invoquer ici son propre titre. Si elle révélait qu’elle faisait partie de l’Agence du Roi Lion, elle dévoilerait l’identité de Yukina, et le secret de Kojou Akatsuki serait révélé avec elle. Ce serait probablement désagréable pour Asagi.

Mais heureusement, Asagi ne semblait pas avoir l’intention de découvrir l’identité de Sayaka. Au lieu de cela, elle avait regardé droit dans les yeux de Sayaka de face.

« Alors… »

« Alors… »

« Quelle est votre relation avec Kojou ? » demanda Asagi.

« Quelle est votre relation avec Kojou Akatsuki ? » demanda Sayaka.

Asagi et Sayaka se fusillèrent du regard l’une et l’autre, les deux paires de lèvres se serrant fort dans l’ennui.

Toutes deux y mettaient beaucoup de force, comme si la première à détourner le regard tombait morte sur place, la tension à l’intérieur de la cabine à l’étroit s’accroissait. Peut-être qu’il ne pouvait tout simplement pas supporter l’atmosphère dense quand…

« Attendez, attendez un peu…, » Yaze s’interposa d’une voix pleine d’esprit. « Nous pourrons tous en parler pacifiquement quand Kojou et Yukina seront de retour sains et saufs… En ce moment, ce bâtard et Yukina sont ensemble sur une île déserte… Ça pourrait créer une situation du genre Adam et Ève. »

La déclaration irresponsable de Yaze avait donné un coup d’envoi à Asagi et Sayaka, leurs sourcils frémissants.

« … Oui. C’est mauvais, n’est-ce pas ? » déclara Asagi.

« Certainement, c’est comme vous dites, Motoki Yaze, » répondit Sayaka.

Les deux filles expirent simultanément, voyant cela, Yaze soupira doucement de soulagement.

Sayaka sortit de la cabine avec un balancement de sa longue queue de cheval. Sans prévenir, elle avait pris l’étui à instruments placé contre le mur.

« Vous m’avez été d’une grande aide. Je vous remercie, Asagi Aiba, » déclara Sayaka.

« Il n’y a pas de quoi. Plus important encore, pourriez-vous me dire une dernière chose ? » demanda Asagi.

« … Oui, si c’est quelque chose à quoi je peux répondre, » répondit Sayaka.

Sayaka réagit d’un signe de tête au regard provocateur d’Asagi. Devant l’attitude franche de Sayaka, un sourire satisfait se fit entendre sur le visage d’Asagi.

« Pourquoi vous intéressez-vous à Kanon Kanase, Kirasaka ? » demanda Asagi.

Avec un peu d’hésitation, Sayaka lui avait après tout dit la vérité. « C’est… Il y a quelqu’un qui veut la rencontrer. Escorter cette personne est mon devoir. »

Il n’y avait pratiquement aucun doute que Kojou et Yukina avaient visité la Magus Craft dans le but de rencontrer Kanon Kanase.

Si tel était le cas, Asagi Aiba n’était pas vraiment une spectatrice. Elle avait le droit de savoir la vérité.

« … Escorte ? » demanda Asagi.

« Oui. Mais la personne a disparu alors qu’elle se rendait sur l’île d’Itogami, » répondit Sayaka.

Sayaka s’agrippa à son étui d’instrument, semblant mortifiée alors qu’elle murmurait.

Elle avait disparu avant même d’avoir mis le pied sur l’île d’Itogami. Ce n’était pas la faute de Sayaka. Cependant, elle avait quand même maudit le fait qu’elle n’avait pas été capable de protéger la personne qu’elle était chargée de protéger.

« Donc la raison pour laquelle vous êtes venue ici est…, » commença Asagi.

« Parce que j’ai pensé qu’enquêter sur Kanon Kanase pourrait me donner une piste sur la personne disparue liée à ma mission. Grâce à ça, je sais maintenant que la Magus Craft est mon principal suspect, » déclara Sayaka.

« Je vois, » répondit Asagi.

Asagi hocha la tête, même si son expression montrait un manque de compréhension. Puis, elle avait immédiatement formé la question sur ses lèvres.

« Dans tous les cas, qui est la personne que vous devez protéger ? » demanda Asagi.

« C’est…, » après un moment d’hésitation, Sayaka lui dit.

C’était un nom qui avait apporté des expressions de choc non seulement au Yaze lié à ce monde, mais aussi à une civile ordinaire comme Asagi.

***

Partie 8

« … Je ne peux pas dormir, » murmura Kojou.

Étendu sur le lit de palmiers durs, Kojou leva les yeux vers le ciel sombre.

Il ne savait pas l’heure exacte, mais il n’était probablement pas encore 20 heures. Ce n’était pas le moment pour un lycéen moderne de s’endormir, c’était doublement le cas pour un vampire nocturne.

Il n’y avait aucun signe de Yukina dans la casemate transformée en zone de repos. Elle était dehors de garde.

Yukina avait insisté sur le fait qu’ils devaient se relayer, même la nuit, pour ne pas rater les navires qui pourraient passer à proximité, Kojou n’avait fait aucune objection. Il imaginait aussi que le fait de dormir tous les deux sous le même toit pourrait rendre les choses un peu inconfortables. Mais en y repensant rationnellement avec le recul, il ne pouvait qu’y voir un gaspillage d’efforts.

« … Ouais, on a regardé toute la journée et on n’a pas vu passer un seul bateau, alors quoi, il va passer maintenant ? » murmura Kojou.

Kojou se leva en expirant lentement.

Il s’était rendu compte que sa gorge se desséchait et il avait pensé, je vais aller voir Yukina et aller boire un peu d’eau.

« Hey… Himeragi… es-tu réveillée ? » demanda Kojou.

Kojou s’était faufilé dans les escaliers et était sorti de la casemate en appelant Yukina par son nom.

Cependant, Yukina n’avait pas répondu. Il n’y avait que l’écho creux de la voix de Kojou dans l’obscurité.

Il n’avait vu non plus aucun signe d’elle vers la falaise.

Sa lance, avec qui elle se promenait toujours, avait également disparu.

« Himeragi… ? » demanda Kojou.

L’absence inattendue de Yukina avait frappé Kojou d’une solitude instinctive.

Mais en regardant autour de lui, il savait bien sûr qu’il était possible qu’elle soit simplement allée dans la zone pour elle.

Mais l’insistance étrangement obstinée de Yukina à insister pour qu’il s’endorme d’abord pendant qu’elle prenait le quart de nuit le dérangeait alors qu’il y pensait maintenant. Il sentait qu’elle préparait quelque chose.

« … »

Le vague malaise à l’intérieur de la poitrine de Kojou augmenta encore.

Yukina avait dit qu’elle connaissait une variété de sorts, mais qu’ils n’étaient pas exactement sa spécialité.

Mais cela ne voulait pas dire qu’elle était complètement incapable de les utiliser. Si tel était le cas, cela aurait pu signifier qu’elle avait une méthode de contact à distance, comme la résonance spirituelle ou la projection astrale.

Et si le danger accompagnait l’emploi de tels sorts…

Elle se tairait et le ferait elle-même pour que Kojou ne puisse pas l’arrêter. Vu sa personnalité, c’est exactement ce qu’elle ferait. S’il s’est avéré que Kojou y pensait trop, alors cela serait une bonne chose. Mais Kojou ne voyait pas d’autre raison à son absence.

« Que Himeragi… ! Si tu es mon Observatrice, veille sur moi jusqu’au bout, bon sang ! » s’exclama Kojou.

Alors qu’il exprimait son mécontentement, Kojou quitta la casemate et se dirigea vers la forêt.

La lumière de la jeune lune n’était que fiable, l’intérieur de la forêt était épais et sombre. Mais les yeux de Kojou avaient plutôt retransmis le paysage en relief plus net que sous la lumière du jour. De penser que des pouvoirs de vampires qui ne sont normalement qu’un ennui seraient utiles dans un moment comme celui-ci, pensa Kojou avec regret.

« Où va-t-on ? » murmura Kojou.

S’appuyant uniquement sur son intuition, Kojou s’était dirigé vers le centre de l’île. En trébuchant plusieurs fois sur les racines noueuses des différents arbres, il s’était frayé un chemin sur la pente douce lorsque son champ de vision s’était soudainement élargi.

Là se trouvait une source enveloppée par les arbres de la forêt et la brume.

L’eau semblait jaillir d’une cavité creusée dans la roche par une caldeira. D’innombrables piliers de pierre sortaient de la surface de l’eau extrêmement claire, créant une belle scène d’un autre monde.

Soudain, il entendit un bruit d’eau au loin.

Kojou changea la direction de son regard par réflexe, retenant son souffle en se tenant debout.

Éclairée par le clair de lune, il y avait une femme dans la source.

Pendant un moment, son corps mince et féerique l’avait fait prendre pour Yukina. Mais ce n’était pas elle.

Ses cheveux étaient argentés, et ses yeux pâles. Sa silhouette était très éloignée de celle d’une Japonaise. C’était une belle fille et elle ressemblait à une déesse de la lune.

La sainte baigneuse, le corps immergé dans l’eau froide, se leva en silence.

Des gouttelettes d’eau claires coulaient, dessinant des lignes souples sur sa chair pâle.

« Kanase…, » Kojou murmura ce mot depuis ses lèvres sans y réfléchir.

La fille au milieu de la source ressemblait beaucoup à Kanon Kanase. Mais non.

L’aura de cette fille était décidément différente de celle de Kanon. Elle était un peu plus grande que Kanon et son visage était plus adulte.

Elle possédait une majesté renforcée d’une confiance absolue, l’enveloppant d’une aura écrasante, même en jouant dans l’eau sans un seul soupçon de vêtement.

En effet, sans un seul soupçon de vêtement…

« Att… Dans un moment pareil ! Merde… Donnez-moi une pause ! » s’exclama Kojou.

Kojou avait soudain fait un petit gémissement alors qu’il se couvrait la bouche.

Il sentit ses canines palpiter et une sensation de sécheresse se fit dans sa gorge. Son champ de vision s’était contracté et s’était teinté de rouge à mesure qu’il se remplissait d’un désir sauvage et violent. C’était des pulsions vampiriques, le pire inconvénient de la transformation physique de Kojou en vampire.

La fille aux cheveux argentés leva le visage, peut-être en entendant la voix angoissée de Kojou.

Ses yeux pâles et résolus regardèrent Kojou droit devant elle.

— Leurs yeux s’étaient rencontrés.

Un instant après que Kojou eut ressenti ce sentiment, le goût du sang qui tourbillonnait dans sa bouche lui apporta un étrange sentiment de soulagement.

Les pulsions vampiriques n’avaient pas duré longtemps. L’essentiel était, puisque c’était la soif du sang et rien de plus, le goût du sang faisait disparaître l’envie comme si elle n’avait jamais été là — même si le sang était le sien.

« … »

Kojou secoua la tête avec agacement alors qu’il essuyait le sang qui coulait encore.

Son nez saignait quand cela se réveillait. C’était un caprice pratique pour supprimer les pulsions vampiriques, mais ce n’était certainement pas élégant. Les gens qui ne connaissaient pas les circonstances en voyant Kojou à ce moment-là en concluaient qu’il n’était qu’un pervers maladroit qui saignait du nez en regardant une femme alors qu’elle prenait son bain.

La fille aux cheveux argentés avait déjà disparu. Il avait regretté de ne pouvoir s’excuser auprès d’elle.

Puis, alors que Kojou levait la tête, il sentit soudain quelque chose de frais et de métallique toucher la nuque.

« … Ne bouge pas, s’il te plaît. »

Il s’agissait de la voix de Yukina qu’il avait entendue derrière lui. Sa voix était sans inflexion, rappelant celle d’une lame. Kojou réalisa que c’était la pointe de sa lance d’argent qui était pressée sur sa propre artère carotide.

« H… Himeragi !? »

« Je te l’ai dit, ne bouge pas. Si tu regardes en arrière, je l’enfonce. Après tout, tu reviendras à la vie même si je te tue…, » Yukina l’avait informé d’un ton trop sérieux pour être du bluff. Kojou ne savait ni quand elle l’avait soutenu, ni pourquoi elle était si en colère.

« Hime... ragi ? Euh, qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda Kojou.

« C’est ma réplique. Je pensais t’avoir demandé de dormir avant moi, Senpai, » soupira Yukina en réfléchissant à la question. Il sentit que le moindre balancement de ses cheveux envoyait des gouttelettes d’eau qui tombaient. Pourquoi est-elle mouillée ? pensa Kojou, enveloppé de suspicion.

« J’ai essayé de dormir, mais… quand je me suis réveillé, tu n’étais pas là, alors je me suis inquiété…, » déclara Kojou.

« Alors tu es venu jeter un coup d’œil ? » demanda Yukina.

« N... non ! » répondit Kojou.

« Je vais vraiment être en colère si tu te retournes tout de suite ! » déclara Yukina.

Kojou sentit la pression de la lame augmenter contre son cou tandis que Yukina parlait avec un ton agité. Il se demandait pourquoi ses cheveux étaient mouillés et pourquoi elle était si troublée. Maintenant que j’y pense, le fait d’avoir de l’eau de mer dans ses cheveux semblait vraiment la déranger, se souvient-il.

« Attends… Himeragi, ça veut dire que tu prenais aussi un bain !? » demanda Kojou.

Alors que Kojou posait timidement la question, les mains de Yukina, agrippées à sa lance, tremblaient.

La brume nocturne autour de la source avait été épaisse, et les piliers de pierre et les rochers jaillissant de l’eau créaient de nombreux angles morts. Il aurait été très facile pour Kojou de ne pas voir Yukina se baigner.

« Si c’est ce que c’était, tu aurais pu me le dire dès le début…, » déclara Kojou.

« Puisque c’est toi, je pensais que si je te le disais, tu viendrais jeter un œil. Tout comme tu l’as fait en vérité, » déclara Yukina.

Yukina avait parlé sur un ton plein de confiance. Kojou parla, tout naturellement offensé. « Il n’y a aucun moyen que je vienne jeter un coup d’œil auprès de quelqu’un comme toi ! »

« … Quelqu’un comme moi… c’est ça ? Est-ce que c’est le cas ? » demanda Yukina.

Yukina avait parlé d’une voix très glaciale. Kojou n’avait plus la moindre idée de la raison pour laquelle la fille était en colère. Yukina lâcha un soupir silencieux de « bonté divine », et puis, soudainement, elle avait eu un mauvais pressentiment… « … Alors, c’était qui que tu regardais, Senpai ? »

« Eh bien, il y avait une fille qui ressemblait à Kanase juste là… Attends, ce n’est pas comme si je l’avais regardée ! On a juste croisé les yeux, c’est tout ! » déclara Kojou.

Yukina soupira en laissant glisser doucement la réfutation de Kojou. « Kanase, tu dis ? »

« Elle était plus grande que Kanase… Ah, euh, par plus grande, je veux dire… du point de vue du développement… Je ne veux pas dire comme ça, je veux dire, tu sais, l’âge…, » déclara Kojou.

Kojou avait senti le regard froid de Yukina sur lui alors qu’il luttait pour trouver une excuse.

« Une Kanase adulte, c’est ça ? Plus grande… ? » demanda Yukina.

« Euh, je dis les choses telles qu’elles sont, tu n’as pas besoin d’être contrariée…, » déclara Kojou.

« Je ne suis pas particulièrement contrariée, » Yukina pressa et appuya la lance contre lui alors qu’elle parlait d’une voix pleine de colère.

« D-D’accord, » répondit Kojou.

« Alors, où est cette dame en ce moment ? » demanda Yukina.

« Ah, euh, elle était là jusqu’à ce que juste avant ton arrivée, mais…, » répondit Kojou.

Pendant que Kojou parlait, il déplaçait son regard vers la paroi opposée de la source. Mais tout ce qui restait là, c’était la surface calme et miroitante du bassin.

« … il semble qu’elle soit partie, » Yukina avait parlé d’une voix calme.

« C’est ce qu’il semblerait, » gémit Kojou en regardant la source recouverte de brouillard. Il n’y avait aucune trace de quelqu’un qui y avait déjà été. Kojou avait l’impression que même lui devrait commencer à se demander si tout cela n’était pas qu’une illusion.

« Senpai… Puis-je t’emprunter ce parka ? » demanda Yukina.

« Ahh, ça ne me dérange pas vraiment, mais…, » répondit Kojou.

Ainsi, Kojou avait remis le parka qu’il portait à Yukina. Il sentit le léger bruit de vêtements qui volaient et de fermetures qui se refermaient.

« Tu peux te tourner par là maintenant, » annonça Yukina.

Le poids de la lance sur la nuque de Kojou avait finalement disparu.

Le sentiment soudain de soulagement avait épuisé les forces de Kojou lorsqu’il avait regardé derrière lui. Avec la sombre forêt nocturne en toile de fond, Yukina avait sa lance dans ses mains alors qu’elle se tenait au clair de lune. Ses jambes nues et souples, tendues vers le bas à partir de l’ourlet du parka blanc et ample. Il semblait qu’elle ne portait vraiment rien du tout sous le parka.

Kojou fixait involontairement quand Yukina avait encore une fois poussé la lance vers lui.

« S’il te plaît, ne me fixe pas. Mon uniforme n’est pas encore sec, donc on ne peut rien y faire. Tout ça c’est que tu m’as trempée avec de l’eau de mer, Senpai…, » déclara Yukina.

« O-Ouais. Je suis vraiment désolé pour ça, » répondit Kojou.

Voyant Kojou s’excuser sincèrement, Yukina répondit. « C’est bon maintenant, » et elle poussa un soupir.

Puis, encore pieds nus, elle avait commencé à marcher le long du bord de la source.

« Himeragi ? » demanda Kojou.

« Il y a une piste qui suggère que quelqu’un est passé par ici. Suivons la suite, » déclara Yukina.

« Crois-tu ce que j’ai dit tout à l’heure ? » demanda Kojou, un peu surpris. Yukina le regarda en réponse, semblant surprise que Kojou pense le contraire.

« Même si tu ne peux t’empêcher de regarder parce que c’est dans ta nature, Senpai, j’espère que tu n’es pas quelqu’un qui inventerait un mensonge aussi insignifiant…, » déclara Yukina.

« Je-Je vois…, » répondit Kojou.

Kojou avait exprimé son mécontentement, ne sachant pas du tout si cela signifiait que Yukina lui faisait confiance ou non.

La complexité du terrain donnait l’impression d’être plus, mais ce n’était pas une grande source. Kojou et Yukina étaient arrivés tout de suite à l’endroit où il avait vu la fille aux cheveux argentés.

Comme Yukina l’avait dit, il y avait un chemin qui menait de l’ombre de quelques rochers jusqu’à l’arrière de l’île. À l’autre extrémité de la longue pente descendante s’étendait l’océan sombre de la nuit.

Alors que Kojou et Yukina s’étaient déplacés pour descendre le sentier de la colline, ils s’étaient soudainement arrêtés. Ils remarquèrent un grondement puissant venant de la côte.

« Ce son… »

Alors que Kojou grimpait sur le rocher le plus proche, ses yeux se figèrent. Son champ de vision était mauvais, obstrué par les branches d’arbres denses et envahi par la végétation. Mais il pouvait voir quelque chose à la surface de l’eau, immergée dans l’obscurité de la nuit, qui envoyait des éclaboussures blanches à mesure que cela avançait.

« Un bateau !? Quelqu’un est venu nous sauver… !!? » s’exclama Kojou.

« S’il te plaît, attends, Senpai. C’est… ! » s’exclama Yukina.

Yukina s’était déplacée pour vérifier Kojou, car il semblait prêt à partir en hâte, anticipant l’arrivée d’une équipe de secours.

Au fur et à mesure que l’embarcation s’approchait, Kojou réalisa pourquoi Yukina l’avait arrêté.

Il était clair d’après la silhouette de l’embarcation qui s’approchait que quelque chose n’allait pas.

Il y avait le bruit étrange et les embruns d’eau étaient trop intenses. Il y avait également le fait que la coque noire semblait se fondre dans l’obscurité. Un coussin d’air en forme de jupe faisait flotter l’embarcation à la surface de l’eau, un grand ventilateur monté à l’arrière la faisait bouger à une vitesse incroyable. Alors qu’il se dirigeait vers l’île, ignorant le récif, Kojou se rendit compte qu’il avait vu un appareil de ce type dans un film de guerre.

C’était un aéroglisseur amphibie utilisé pour débarquer des marines sur les côtes ennemies.

« Magus Craft… ! » murmura Yukina en remarquant le logo de l’entreprise sur les conteneurs que le navire transportait.

De multiples projecteurs montés sur le pont convergèrent en un seul point.

Le faisceau de lumière qui était assez lumineux pour aveugler les yeux balaya lentement l’île déserte, chassant la nuit. Il s’était déplacé avec la persistance d’un chasseur à la recherche de gros gibier.

Enfin, la lumière, assez brillante pour éblouir les yeux dans la nuit, illumina la forêt où se cachaient Kojou et Yukina.

« Senpai ! » s’écria Yukina.

En réponse à la voix grondante de Yukina, Kojou s’était précipité dans l’herbe.

« Ils… nous ont repérés ? » s’exclama Kojou.

Le projecteur, déjà passé au-dessus d’eux, était revenu une fois de plus.

De nouveaux projecteurs s’étaient allumé les uns après les autres, enveloppant la forêt d’une lumière aussi brillante que le soleil du milieu de la journée.

En arrivant à terre ferme, la porte du navire de débarquement s’était ouverte.

Des soldats portant des armures noires sur tout le corps avaient alors débarqué. Réalisant en état de choc que leurs mains tenaient des fusils militaires de gros calibre, les yeux de Kojou et de Yukina s’étaient rencontrés.

***

Partie 9

« Qu’est-ce qu’une unité de Magus Craft fait, ici et maintenant !? N’étaient-ils pas contents de nous laisser pourrir !? » demanda Kojou.

Kojou avait maudit sa malchance alors qu’ils s’enfuyaient dans les bois.

Depuis qu’il avait hérité du pouvoir du quatrième Primogéniteur, Kojou s’était retrouvé dans différents types de problèmes, mais être attaqué par un peloton armé était une première pour lui. C’était le genre d’expérience qu’il aurait préféré ne pas vivre.

« Baisse-toi ! » ordonna Yukina.

Yukina poussa Kojou vers l’avant et sauta sur lui.

Alors que Kojou et Yukina s’enchevêtraient et tombaient en avant, une rafale de balles de mitrailleuses passa par dessus leur tête. L’air s’était échappé en un cri lorsque les balles l’avaient traversé, faisant tomber quelque chose semblable à une pluie d’éclats provenant des arbres qu’elles traversaient.

Le parka fin transmettait la sensation de douceur de Yukina, mais Kojou n’avait pas le temps de s’en rendre compte. Les deux individus avaient roulé côte à côte parmi les grandes racines de l’arbre.

« Pas même un avertissement !? Ils sont sortis de nulle part… ! » s’exclama Kojou.

« Ils tirent directement… cela veut dire qu’ils n’ont pas l’intention de nous laisser en vie, aucun de nous deux, » déclara Yukina.

L’expression sur le visage de Yukina avait changé quand elle avait repris sa lance.

Même s’ils étaient vêtus d’une armure complète de plaques épaisses, les soldats de Magus Craft se déplaçaient rapidement.

Ils avaient rapidement rattrapé Yukina et Kojou malgré l’incertitude dans la forêt.

Estimant qu’ils ne seraient pas en mesure de se débarrasser de leurs poursuivants, Yukina s’était tournée de façon décisive.

« Senpai, veux-tu bien patienter 15 secondes ? » déclara Yukina.

Laissant ces mots à Kojou, elle avait soudain couru sur le sol, sautant dans la forêt peu éclairée.

« Himeragi !? Wôw !? » s’exclama Kojou.

Peut-être qu’en détectant sa position à cause de la fuite de Yukina, les impacts de balles s’étaient groupés plus près de l’endroit où se cachait Kojou. Un nuage de poussière avait flotté dans l’air, avec des étincelles projetées à l’endroit où les balles avaient touché les rochers voisins. Kojou ne pouvait pas soutenir Yukina, il ne pouvait même pas lever la tête.

Mais la lumière argentée qui scintillait venant d’elle avait fait disparaître les coups de feu, alors qu’il pensait avant ça qu’ils allaient durer éternellement.

« … Coup de tonnerre ! »

Yukina, descendant de la cime des arbres comme un oiseau de proie, envoya à l’un des soldats en armure un coup de pied sec vers l’arrière de la tête. Même la protection d’une armure épaisse n’altérait en rien ce que les vertèbres cervicales pouvaient supporter, en particulier contre une attaque brutale de Yukina qui était capable de détruire l’intérieur d’un corps humain même à travers une armure.

Son coup de pied, qui pouvait même faire tomber une grosse bête d’un seul coup, avait facilement fait voler le soldat. De plus, Yukina avait projeté sa lance avant de toucher le sol. Elle avait coupé les fusils des soldats en deux, en utilisant le bout de sa lance pour les abattre. Tout s’était passé en un instant, Kojou n’avait même pas eu le temps de cligner des yeux.

« Ça va, Himeragi !? » Enfin libéré des tirs concentrés, Kojou courut vers Yukina et les quatre soldats tombés au combat.

Mais Yukina avait sauté en arrière avec un regard de choc sur son visage. « Senpai, ce n’est pas encore fini ! »

« … Eh !?? »

Un soldat vêtu d’une armure recouverte de plaques noires s’était levé sous les yeux de Kojou. Son cou, brisé par le coup de pied de Yukina, était resté à un angle incroyablement tordu. Malgré cela, il ne montrait aucun signe de douleur.

« Éclair ! » Yukina avait frappé du coude le flanc d’un autre soldat qui se levait de la même façon.

Il s’agissait d’une attaque brutale directement dans une brèche dans l’armure. Le flanc du soldat s’était effondré, son corps s’était fortement incliné.

Le coup aurait certainement dû casser un certain nombre de côtes et endommager les organes internes. Malgré cela, le soldat ne s’était pas effondré. Il avait saisi les jambes de Yukina et l’avait hissée à l’envers.

« Eeek !? »

Tenant la parka du mieux qu’elle pouvait, Yukina avait fait tournoyer sa lance et avait frappé le soldat à la poitrine avec. Comme un chat, elle se retourna et atterrit sans un bruit. Alors…

« Daaaaa — ! »

Kojou les envoya tous les deux voler avec son poing. C’était un coup avec une force brutale qui utilisait toute sa force vampirique. Les soldats avaient facilement volé, s’écrasant sur les rochers derrière eux. Mais…

« … Vous plaisantez !? Je ne me retenais pas !! » s’exclama Kojou.

Même avec leur armure recouverte de plaques déformées et tordues, les soldats se relevèrent calmement. Cette fois, c’était le visage de Kojou qui pâlissait.

Il n’avait senti aucune énergie magique de leur part. Ils ne semblaient pas être des hommes bêtes, des vampires, des zombies ou des sorciers. Mais cette résistance inhumaine aux dommages et cette puissance de combat…

Étant donné que Magus Craft les avait envoyés, il avait été sur ses gardes, mais c’était des ennemis encore plus difficiles que prévu.

En outre…

« Guo — ! !? »

« Senpai !? »

Kojou avait essuyé des tirs par-derrière et était tombé sur place. La balle n’avait fait qu’effleurer le bout de son épaule. Pour un vampire aux capacités de régénération élevées, ce n’était qu’une égratignure, mais la douleur était toujours une douleur, immortelle ou non.

« Je suis désolée, Senpai… Nous sommes encerclés, » revenant apparemment pour couvrir un Kojou blessé, Yukina murmura une expression grave en murmurant.

Kojou se sentait désespéré lorsqu’il sentit les échos des pas de tous côtés. D’autres soldats avaient apparemment encerclé Yukina et Kojou alors qu’ils étaient aux prises avec les premiers qu’ils avaient rencontrés.

Bien sûr, si Kojou libérait ses Vassales Bestiaux, même des milliers de soldats armés n’étaient pas une menace. Les Vassales Bestiaux de Kojou pourraient les effacer de la surface de la Terre en un instant.

Mais les Vassales Bestiaux de Kojou ne savaient pas ce qu’était la retenue. Retenir un peu sa force n’avait pas de sens. Ces créatures maîtrisées étaient identiques aux bombes, ils détruisaient la zone dans laquelle ils avaient été convoqués sans faire de distinction entre amis et ennemis. Le pouvoir destructeur des Vassales Bestiaux du quatrième Primogéniteur ne devait pas s’adresser aux opposants humains.

Même si ses ennemis étaient des troupes armées, Kojou ne pourrait pas le faire s’il n’était pas prêt à les massacrer tous.

« Que dois-je faire ? » s’exclama Kojou en hésitant.

L’instant d’après.

« … !? »

Avec un grondement orageux, un rayon de lumière était venu, empalant les troupes en armures noires juste sous les yeux de Kojou et Yukina.

Un deuxième rayon de lumière s’était abattu sur les soldats qui les entouraient d’un seul coup.

Les rayons étaient en fait des coups de feu. Deux balles avaient été tirées, et les soldats tenaces qui les entouraient avaient été détruits, sauvant Kojou et Yukina de leur situation difficile.

« Êtes-vous en sécurité tous les deux ? »

Du haut d’un rocher voisin, ils entendirent une voix complètement dépourvue de tout sentiment de tension.

Calmement, une belle femme aux cheveux argentés se tenait là. C’était la fille que Kojou avait vue à la source, celle dont le visage ressemblait à celui de Kanon Kanase.

Elle ne ressemblait pas à un soldat, mais elle portait un blazer qui ressemblait à un uniforme militaire et des bottes lacées. Ses bras tenaient un pistolet surdimensionné et magnifiquement décoré ressemblant à un instrument de musique en laiton.

Elle avait tiré une cartouche d’or avec le pistolet à un coup sur les soldats qui la poursuivaient sans la moindre indécision. Le canon lâcha un incroyable faisceau de lumière, éblouissant les troupes blindées noires.

« Un pistolet magique… !? » s’écria Yukina en état de choc en réalisant la vraie nature du pistolet.

« Venez ici tant que vous en avez l’occasion. Vite, » déclara la fille inconnue.

La jeune fille aux cheveux argentés avait fait un sourire élégant en les faisant un signe de la main.

Kojou et Yukina hochèrent la tête l’un vers l’autre et s’approchèrent de la fille aux cheveux argentés. En tirant sur les soldats sans hésitation, Kojou n’avait pas confiance en elle, mais ils n’avaient pas d’autre choix.

« Qui sont… ? »

« Je suis La Folia Rihavein. Alors on se retrouve, Kojou Akatsuki, » la fille aux cheveux argentés sourit élégamment en répondant à la question à moitié posée par Kojou.

« Comment connaissez-vous mon nom ? » demanda Kojou.

« Vous êtes Kojou Akatsuki, n’est-ce pas ? Le quatrième Primogéniteur qui est apparu au Japon ? » demanda La Folia.

En regardant la surprise de Kojou, la jeune fille qui se faisait appeler La Folia cligna des yeux avec curiosité lorsqu’elle lui renvoya sa question.

« Oui… Je le suis, mais…, » répondit Kojou.

« C’était ma dernière munition, » déclara La Folia.

La Folia avait ignoré Kojou, déconcerté, lorsqu’elle avait fait avancer la conversation.

Elle avait moins l’impression d’être peu encline à écouter Kojou que d’avoir l’impression que dominer la conversation était tout simplement l’ordre naturel des choses. Grâce à cela, elle s’était montrée plus autoritaire que son ton ne le suggérait à lui seul.

Étant donné ses vêtements élégants et aristocratiques et son pistolet doré brillant, elle avait probablement été élevée comme une dame. Elle se comporte comme une princesse, pensa Kojou avec un léger étonnement.

« Et ils sont quoi ? » demanda Kojou.

« Des Automates de la Magus Craft, probablement ici pour me poursuivre, » déclara La Folia.

« Des automates ? Je vois, ça veut dire…, » déclara Kojou.

Kojou se souvint de la façon dont les soldats tués par le pistolet magique avaient éclaté dans une pluie d’éléments métalliques. Il pouvait comprendre comment les soldats-machines pouvaient continuer à se déplacer même après s’être fait casser les côtes et le cou cassé.

« Ce vaisseau est sans équipage. Vos vassales bestiales peuvent sûrement le couler, Kojou Akatsuki ? » La Folia lui avait demandé en montrant du doigt la péniche de débarquement qui restait en attente au sommet de la côte.

« Si je coule ce bateau, ça veut dire qu’on ne peut pas non plus quitter l’île, n’est-ce pas ? » demanda Kojou.

La Folia répondit calmement aux doutes de Kojou. « Même si nous avions capturé le bateau, il ne peut être actionné que par télécommande à partir de son vaisseau mère. Le plus grand danger vient des automates encore à bord du vaisseau. »

Il ne pensait pas qu’elle mentait, car son regard était plein d’orgueil aristocratique qui ne laissait aucune place à la fraude ou à la tromperie.

« Senpai, ils arrivent, » Yukina avait donné son avertissement près de l’oreille de Kojou. Il pouvait voir une nouvelle masse de troupes dans la direction où elle pointait sa lance.

Mince, pensa Kojou en penchant la tête alors qu’il s’exposait juste devant les soldats.

Kojou s’était avancé sans aucune protection lorsque les soldats avaient ouvert le feu.

Cependant, les balles ne l’avaient jamais atteint, car son pouvoir magique s’était répandu et s’était transformé en un éclair pâle qui avait enveloppé tout le corps de Kojou, et les balles avaient simplement rebondi.

« Désolé, mais c’est comme ça que ça va se passer, » déclara Kojou.

Cela dit, Kojou avait placé en avant son bras droit.

Même en sachant que ses adversaires n’étaient que des machines, il ne se sentait pas à l’aise de détruire quoi que ce soit avec une forme humaine. Mais maintenant qu’ils avaient tiré les premiers, il avait mis ça de côté.

« … Allez, Regulus Aurum ! »

Une énorme énergie magique avait jailli du bras de Kojou. Cela s’était transformé en éclairs déchaînés, qui avaient ensuite pris la forme d’un énorme lion. C’était quelque chose facilement de la taille d’un char, il rugit et faucha les troupes en armures noires.

Vu qu’on disait que le Vassal Bestial d’un Primogéniteur pouvait rivaliser avec les catastrophes naturelles, la robustesse des Automates protégés par des plaques n’avait aucun sens.

Chaque coup de Regulus Aurum, lui-même une masse d’énergie électrique explosive, créait une onde de choc géante à très haute température, ou bien cela les assaillait d’ondes électromagnétiques mortelles.

Insatisfait de n’avoir fait que jeter des déchets que représentaient les soldats qui les poursuivaient, le lion de foudre était devenu un éclair violet et s’était déplacé vers la côte. Il détruisit l’embarcation amarrée, ne laissant aucune trace, et rugit jusqu’aux cieux.

Devant son propre Vassal Bestial, Kojou se tenait la tête dans la consternation.

Il n’y avait pas que les Automates qui avaient été détruits. Le long d’une ligne de plusieurs centaines de mètres de long, la belle forêt avait été brûlée à blanc, la terre creusée, la face même du terrain altérée. Tels étaient les vestiges laissés par le Vassal Bestial de Kojou. C’était comme ça même si Kojou avait essayé de limiter les dégâts autant qu’il le pouvait.

Devant la puissance du Vassal Bestial du quatrième Primogéniteur, même Yukina était gelée sur place, les yeux grands ouverts.

La seule qui avait un sourire satisfait était La Folia.

« Magnifique, Kojou Akatsuki. C’était Regulus Aurum… Le cinquième Vassal Bestial d’Avrora Florestina, n’est-ce pas ? » demanda La Folia.

« Qui êtes-vous… ? » demanda Kojou.

Faisant un long soupir, Kojou fixa La Folia du regard.

Oui. Il aurait dû s’en assurer plus tôt.

Pour qu’elle connaisse non seulement la vraie nature de Kojou, mais aussi le nom du quatrième Primogéniteur précédent, elle n’était pas une petite fille riche ordinaire. En plus de ça, Magus Craft était après elle.

La Folia regarda calmement Kojou en réponse.

Ses yeux étaient bleus, comme un glacier. La même couleur que les yeux de Kanon Kanase.

« Comme je l’ai dit, je suis La Folia Rihavein, » elle avait parlé avec une expression pleine de majesté.

Yukina sursauta en regardant La Folia. Il semblait qu’elle avait une idée de ce qu’était vraiment la fille aux cheveux argentés.

Jetant un regard malicieux sur Yukina, La Folia sourit. C’était un visage souriant qui convenait à son âge.

« Je suis La Folia, fille aînée de Lucas Rihavein, du royaume d’Aldegia d’Europe du Nord. Je porte donc le titre de princesse d’Aldegia, » annonça La Folia.

Saisissant doucement l’ourlet de sa jupe courte, La Folia s’était courbée avec élégance.

Kojou ne pouvait que regarder la fille qui s’était déclarée princesse.

***

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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