Chapitre 6 : Monde extérieur
Partie 1
Quant à Alice, pendant ce temps…
Après qu’elle et Tesfia se soient séparées, le groupe d’Alice avait avancé le long de leur route désignée. Tant qu’ils n’avaient pas pris le mauvais chemin, ils se dirigeaient actuellement vers le quartier général, qui se trouvait à 4 km au sud-est du point de départ.
Un certain temps s’était écoulé depuis qu’ils s’étaient séparés et étaient entrés dans la forêt, mais ils n’avaient toujours pas rencontré de mamonos.
Alice avait l’impression d’être écrasée par la pression alors qu’elle marchait.
Considérant le but de la leçon, elle savait que le combat ne pouvait être évité, mais quelque part au fond d’elle-même, elle espérait encore qu’elle n’aurait peut-être pas à affronter de mamonos.
« Mlle Alice, vous n’avez pas à être si anxieuse. »
Soudain, la superviseure s’était approchée et l’avait appelée. Elle parlait d’un ton calme et plein de compassion, après avoir vu à quel point Alice était ébranlée.
En termes de classement, la superviseure du groupe d’Alice, l’étudiante de deuxième année Senniat, avait un classement similaire au sien, mais ayant eu plus de formation et une position d’ancienneté, elle était plus calme.
De plus, étant à l’arrière du groupe, elle avait une vue d’ensemble du groupe et avait vu l’état dans lequel Alice se trouvait à partir de là.
« Merci beaucoup, » Alice l’avait vivement remerciée pour sa gentillesse. L’instant d’après, elle détourna le regard, embarrassée par son malaise.
Comparé aux autres groupes, celui d’Alice était lent. C’était en partie parce qu’Alice, à l’avant, se déplaçait très prudemment, mais on ne pouvait pas y faire grand-chose dans le monde extérieur. Des racines d’arbres anormalement grands bloquaient leur chemin, et avec les arbustes envahissant tout, il était difficile d’avoir une bonne vision par ici.
Il était même difficile de dire s’ils marchaient droit, et il était donc naturel qu’ils perdent confiance dans leur capacité à atteindre le quartier général.
Alice s’était servie de son naginata pour franchir les obstacles, recevant des égratignures sur ses bras et ses jambes, pendant qu’elle avançait sur leur chemin.
Ce type de formation, où l’étudiant le mieux classé allait ouvrir la voie, n’était pas particulièrement inhabituel parmi les groupes. Bien qu’il n’y ait pas de règle absolue, les étudiants étant affiliés à l’Institut, ils avaient tendance à dépendre d’une structure de haut en bas basée sur les classements. En fait, il était tout à fait naturel qu’un groupe de jeunes se fie à ce genre d’ordre transitoire lorsqu’ils se trouvaient dans une situation qui les remplissait d’anxiété.
Une heure après avoir commencé leur marche, le groupe avait finalement atteint une clairière. Leur vitesse avait été inférieure à la moitié de la normale, et ils n’étaient qu’à mi-chemin du quartier général. Par rapport à l’endroit où ils venaient d’arriver, où les grands arbres étaient serrés les uns contre les autres, ils avaient ici une vue beaucoup plus dégagée depuis cette clairière.
Ils avaient décidé de s’arrêter et de faire une courte pause.
Devant eux se trouvait un arbre particulièrement haut. La vue des feuilles épaisses et abondantes, froissées par le vent et la lumière du soleil qui les traversait, était mystérieuse. S’ils n’étaient pas devenus magiciens, ils n’auraient jamais vu ce spectacle.
Il y avait aussi des forêts dans le domaine humain, mais elles étaient artificielles. Avec ces arbres qu’on laissait pousser librement, c’était comme si tout bougeait.
Cependant, leur admiration pour les arbres naturels avait été soudainement coupée court, et ils avaient été ramenés à la réalité parce que quelque chose d’inattendu s’était produit.
« — ! »
Une dissonance grinçante, comme un rire étrange, retentit à côté d’eux.
Une méfiance réflexive avait surgi chez les élèves, leurs corps se crispant.
Peu de temps après, il était apparu avec désinvolture de derrière un arbre, ne montrant aucun signe de prudence en voyant le groupe d’Alice.
Ce n’était pas un chien errant. Il avait la couleur noire unique aux mamonos. Ses canines anormalement bien développées semblaient aussi tranchantes qu’un couteau.
« Eep… !? » Quelqu’un derrière Alice avait poussé un cri de peur.
Ce n’était pas à cause de son apparence répugnante, mais plutôt à cause des yeux rouges du mamono qui s’étaient soudainement focalisés, fixant les élèves. Il avait l’air affamé. Un hurlement ravi retentit, comme s’il avait trouvé une proie délicieuse.
Et puis… « Pas possible ! »
Ces mots venaient instinctivement de la bouche d’Alice.
Derrière le mamono se trouvait une autre silhouette. C’était encore un autre mamono. Ils étaient probablement du même genre, mais le cou épais du second mamono était un peu tordu, et son visage étrange, semblable à celui d’un loup, était anormalement incliné en diagonale.
Senniat vacilla, et dit d’une voix paniquer. « Deux classes E ! Loups Féroces ! Nous devrions battre en retraite, Mlle Alice. » Une classe E surpasse largement la classe F, et deux exemplaires en même temps étaient arrivé !
Mais Alice secoua la tête devant la proposition de Senniat. « C’est impossible. Ils nous rattraperaient tout de suite, » répondit-elle courageusement, mais sa voix tremblait. Malgré tout, son cerveau avait gardé un minimum de sang-froid, ce qui lui avait permis d’analyser la situation.
En ce moment, avec le temps qu’elle avait passé à s’entraîner avec Alus et sa modeste fierté qui la soutenait, elle arrivait à peine à garder sa maîtrise de soi.
Elle s’était vite rendu compte qu’il ne serait pas si facile de s’échapper dans ce terrain inconnu. Surtout contre les mamonos, qui vivaient ici. De plus, en essayant de s’échapper dans les bois, là où c’était difficile à voir, le pire scénario était que le groupe se perd de vue.
Mais surtout, les adversaires étaient des mamonos de type loup. Ils étaient manifestement doués pour poursuivre leur proie. Même s’ils essayaient désespérément de s’enfuir, ils se feraient très probablement attraper dans un court laps de temps.
« Alors je gagnerai du temps, et vous pourrez l’utiliser pour vous échapper. » Senniat, se sentant responsable en tant que superviseure, proposa de servir de leurre, mais Alice refusa aussi.
C’était en partie dû à sa disposition à ne vouloir blesser personne, mais il y avait une raison plus importante en jeu. Alice avait un plan en tête et était convaincue qu’il allait réussir. Elle avait déclaré avec fermeté. « Je vais prendre ça. Vous pouvez utiliser des sorts défensifs, n’est-ce pas ? C’est pourquoi je veux que vous les utilisiez pour gagner du temps si le pire arrive. »
« Huh!? Vous seule ne serez pas…, » déclara Senniat.
Il n’y avait presque aucune différence entre le classement de Senniat et celui d’Alice. C’est pourquoi Senniat avait essayé de dire que ce serait encore plus difficile pour Alice toute seule, mais Alice ne la laissait pas finir. « Non ! Ça va aller. Et si je ne m’occupe que d’un seul d’entre eux, ça ne devrait pas être trop dur. C’est pourquoi je veux que vous me donniez tous vos forces après avoir vaincu l’un d’entre eux, » conclut-elle doucement, en se tournant vers les autres membres du groupe.
La première chose qu’Alice devait faire pour les membres de son groupe — qui tremblaient de peur — était de leur donner confiance. D’autant plus qu’il y aurait probablement encore plus de batailles après cela. Elle avait l’impression que quelqu’un avait dit un jour que c’était la chose la plus importante pour aider les magiciens qui étaient sur le point de céder face à la peur des mamonos.
Non, plus précisément, elle l’avait entendu le mentionner par hasard pendant sa formation. Ne sous-estimez jamais le pouvoir d’un mamono, mais la vérité demeure qu’il peut être vaincu par votre propre pouvoir.
En gravant cela dans sa mémoire et en le sculptant dans son corps, cela avait servi de source de courage, quoique temporaire, devenant une force motrice qui lui avait permis de contrôler son mana et de bouger son corps.
C’est pour ça qu’Alice avait pu s’approcher des mamonos, naginata en main.
Son cœur battait à toute allure… ses jambes tremblaient. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était d’avancer sans trébucher. Son raisonnement pour aller de l’avant malgré sa peur était son sens des responsabilités en tant que magicienne de rang supérieur, et sa confiance en elle après s’être entraînée pour cet instant.
Après s’être rapprochée, Alice s’arrêta. Comme pour montrer à quel point elle était confiante, elle avait pris une grande respiration. Elle tremblait encore, mais avait essayé de faire semblant d’être détendue. Bien sûr, ce n’était pas suffisant pour se tromper, mais cela avait aidé à calmer son cœur qui battait.
Avec une ferme détermination, Alice avait versé du mana à travers son AAR. « — ! ! » Quand elle l’avait fait, son expression s’était transformée en surprise.
Pendant un moment, elle avait été mystifiée par la fluidité du mana, mais elle s’était vite rendu compte de la raison. Maintenant que j’y pense… J’ai fait de mon mieux. Elle pouvait physiquement sentir les résultats. Heureuse, malgré la situation, elle souriait à elle-même.
En même temps, une mystérieuse confiance s’installa en elle, l’aidant à apaiser sa peur d’affronter les mamonos. Oui, ça va aller !
Elle s’était encouragée à renforcer son esprit combatif et avait senti son mana prendre la forme de sa lame avec aisance. Elle s’était ensuite approchée de ses adversaires, la peur d’avant ne se trouvait plus en elle.
Alice commença lentement à faire tourner son naginata, la vitesse initiale devenant bientôt plus rapide au point de provoquer la lumière de son mana sur son AAR pour créer une illusion optique d’orbes lumineux l’entourant.
Elle bougeait doucement les pieds, insensible au poids et à la force centrifuge de sa lance, grâce à la technique de la lance gravée dans son corps. En plus de sa magie, elle avait aussi une habileté incroyable avec son naginata.
Les mamonos se précipitèrent férocement sur Alice après qu’elle eut fait un nouveau pas. Leurs griffes acérées étaient prêtes, ils l’avaient attaquée en ligne droite.
« “Réflexion” »
Elle n’avait pas crié le nom du sort parce que sa technique d’incantation était inférieure. C’était une manifestation de son esprit combatif, destiné à s’encourager et à aider à visualiser clairement le sort, renforçant ainsi son effet.
La fonction originelle de Réflection était de refléter le mana lui-même. Son effet sur les agressions physiques était négligeable. Cependant, les griffes qui s’approchaient rapidement rebondirent sur un mur invisible.
Soulagée, Alice se souvient des paroles d’Alus. C’était quelque chose qu’il lui avait dit pendant son entraînement de contrôle du mana.
Pour commencer, de nombreux mamonos génèrent constamment du mana dans leur corps. Dans leur cas, leur corps noir est lui-même un AAR. C’est pourquoi on pourrait dire que les surfaces de leurs corps sont toujours enveloppées de mana.
Il avait aussi dit qu’à cause de cela, les simples attaques physiques n’avaient aucun effet sur eux.
C’est pourquoi Alice s’était dit que si tout leur corps était couvert de mana, Réflection devrait permettre d’annuler leurs attaques dans une certaine mesure.
Il ne serait pas étrange que les magiciens actifs l’aient appris de première main, mais les seuls étudiants qui l’avaient remarqué sont ceux qui avaient du potentiel.
Bien sûr, ce n’était pas suffisant pour vaincre les mamonos.
Alice avait donc limité sa cible à l’un des mamonos sautant à reculons. Elle avait versé de la force dans ses jambes, s’élançant sur le sol avec des mouvements fluides, se rapprochant rapidement à distance d’attaque.
Elle avait ensuite libéré une frappe, en ajoutant sa propre énergie cinétique à la rotation de son naginata.
Lorsque le naginata avait touché sa cible, elle avait fait pivoter sa lame horizontalement, suivie d’une autre frappe allant de sa jambe vers le haut jusqu’à son dos.
En lâchant un cri effrayant, le corps noir du mamono avait été profondément entaillé deux fois. Il avait été soulevé du sol par l’impact de l’attaque. Ignorant sa fente crânienne, il sauta de force et tenta désespérément de contre-attaquer.
Mais au moment suivant, son instinct l’avertit que quitter le sol familier pour sauter en l’air serait fatal.
« Maintenant ! »
Alice n’avait pas manqué sa chance. Elle avait jeté un coup d’œil à toutes les cours sur le combat qu’elle avait reçues d’Alus.
Une rapide entaille de son naginata avait été suivie d’une rotation libre, ce qui lui avait permis de hacher complètement le mamono.
En sentant une bonne réponse dans son swing final, Alice avait parfaitement arrêté son AAR après avoir coupé à travers le corps du mamono. Comme prévu, sa frappe avait détruit le noyau du mamono. Son corps meurtri s’était peu à peu effondré.
« Je l’ai fait ! … Tout le monde, il n’en reste plus qu’un… ! » Alice se retourna pour regarder son groupe avec joie. S’ils avaient tous sauté ensemble sur lui, ils devraient être capables de le battre… mais avoir baissé la garde pendant un moment était une gaffe dont elle aurait payé le prix.
Les magiciens habitués au monde extérieur ne devaient pas baisser leur garde jusqu’à ce que leurs ennemis aient été complètement détruits. À l’instant où ils étaient sortis dans le monde extérieur, toutes les autres pensées devaient été poussées dans un coin de leur esprit.
« Attention ! »
Immédiatement après ce cri, le mamono restant derrière Alice poussa un cri étouffé.
Pendant que sa voix criarde se fit entendre, les griffes et les crocs du mamono avaient rebondi sur une barrière semi-circulaire placée autour d’Alice.
C’était la spécialité de Senniat, Voile Spiralé.
Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un superviseur, une barrière épaisse faite de vent et de vibrations de l’air avait été créée en un clin d’œil.
« … Je vous remercie beaucoup, » déclara Alice.
« Vous avez du cran et la capacité de réagir et d’appliquer ce que vous avez appris. Mais… vous pouvez aussi être un peu distraite. » Senniat ressemblait moins à un superviseur qu’à une sœur aînée en soulignant l’oubli d’Alice avec un petit sourire.
Mais elle s’était ensuite tournée vers le mamono restant. « Vous devriez tous vous joindre à nous. Allez-vous demander à Mme Alice de tout faire toute seule ? »
Bien qu’Alice ait été réprimandée, ses actions avaient inspiré le reste de son groupe, ravivant leur esprit combatif. Ils s’agrippaient fermement à leurs AAR, n’ayant plus la peur dans les yeux.
Ils s’étaient positionnés autour d’Alice. L’autre Loup Féroce était désavantagé sur le plan numérique et, grâce au travail d’équipe entre les membres du groupe, ils avaient réussi leur première élimination en toute sécurité.
Merci pour le chapitre.