Chapitre 2 : La différence entre l’idéal et la réalité
Partie 3
La deuxième période avait été un entraînement sous la forme de batailles simulées.
Tout le monde s’était changé dans les uniformes d’entraînement spécifiés par l’Institut dans le vestiaire… mais le vestiaire des hommes était rempli de regards tranchants dirigés sur Alus.
« Si tu ne veux pas être ici, fous le camp d’ici. »
Alus pouvait entendre de telles remarques grossières, mais il ne ressentait pas la moindre gêne. Ayant servi dans l’armée depuis l’enfance et ayant accompli plus de choses que quiconque, des éruptions d’hostilité de ce genre avaient été pour lui un événement quotidien.
Bien sûr, au fur et à mesure que ses réalisations s’accumulaient — et son rang avec elles — les rires et le mépris avaient été réduits au silence.
Dans le passé, il avait fait semblant d’être calme, mais maintenant cela ne faisait même pas partie de son plan. Il n’avait tout simplement aucun intérêt à réagir. Il se sentait même quelque peu nostalgique lorsqu’il se baignait dans cette hostilité et ce mépris. Se changeant rapidement, il sortit du vestiaire avec un livre plus petit sous le bras.
Dans les terrains d’entraînement en forme de dôme, tout dommage physique était remplacé par la magie par un dommage mental, de sorte que même si l’évanouissement était une possibilité, aucun dommage physique ne pouvait être fait.
Les batailles simulées étaient des combats qui faisaient appel aux arts martiaux, aux armes ou à la magie. Votre adversaire dans ces batailles était affiché sur un panneau au milieu du dôme.
Un professeur était présent, mais comme les étudiants de l’Institut étaient si sérieux et dévoués, les chances que quelqu’un utilise des mouvements interdits ou triche étaient très faibles, et comme il ne s’agissait que de batailles simulées, le professeur n’y accordait que le minimum d’attention.
Le professeur avait appuyé sur le bouton de tirage aléatoire. L’afficheur montrait les noms de tous les participants qui seraient appariés les uns aux autres au hasard.
Dix groupes avaient été formés pour organiser des batailles simulées entre les 40 élèves de la classe. Afin d’empêcher les groupes d’entrer en contact les uns avec les autres, des barrières magiques avaient permis de diviser les terrains d’entraînement.
D’ailleurs, les armes étaient autorisées sur les terrains d’entraînement. Bien sûr, elles se limitaient aux armes auxquelles on appliquait du mana. Ces armes d’assistance avaient vu leur efficacité dans la conduite du mana améliorée, et étaient destinées à faire ressortir les performances originales de la magie. Ces armes ont été appelées AAR (Arme d’Assistance à la Récupération), ou dispositif.
Les épées et les lances fabriquées avec matériaux dont la seule propriété était leur dureté étaient inutiles contre les mamonos avec leurs carapaces extérieures super dures, donc aucun magicien ne les favorisait. Ce genre d’armes n’étaient destinées qu’à être utilisées contre les individus, et en porter une était comme annoncer qu’il s’agissait de civils tout à fait normaux.
Dans les terrains d’entraînement se trouvaient toutes sortes d’armes préparées par l’Institut. Étant en première année, très peu d’étudiants avaient leur propre dispositif. Ceux qui en avaient étaient ceux qui avaient été formés pour devenir des magiciens avant leur admission dans l’Institut.
Bien sûr, Alus était l’un d’eux. Mais dans ses mains, il ne se trouvait pas une arme, mais un livre sans aucun rapport avec le but de cet exercice.
« C’est vraiment d’une telle noblesse, appropriée pour toi. »
Soudain, une voix d’admiration s’éleva de quelqu’un dans l’un des coins du terrain d’entraînement.
En jetant un coup d’œil, Alus vit Tesfia au centre d’un groupe d’étudiants, avec un katana suspendu à sa taille fine.
Un katana, comme c’est vieux jeu…, pensa Alus.
Même Alus, qui avait vu toutes sortes d’armes dans l’armée, ne connaissait que quelques magiciens qui utilisaient un katana comme AAR. En ce qui concerne les AAR, une épée à double tranchant était plus utilisable qu’un katana à un tranchant, et était ainsi bien plus courante.
« Cette arme est transmise dans ma famille depuis des générations. Comme j’ai toujours utilisé ça, c’est ce à quoi je suis le plus habituée. » Tesfia était probablement la seule sur le terrain d’entraînement à avoir son propre AAR. La seule de sa classe, et peut-être même la seule de son année scolaire selon les autres.
Les étudiants en voie de devenir des magiciens à part entière allaient devoir découvrir leurs propres caractéristiques magiques tout en continuant à étudier, tout en découvrant quel type d’arme fonctionnait le mieux pour exploiter leur plein potentiel. C’est pourquoi il était courant de n’obtenir un dispositif personnel qu’à la fin de ses études à l’Institut.
Inversement, cela signifiait que presque tous les magiciens à part entière avaient leur propre AAR. Le rôle d’un AAR était d’aider à l’infusion du mana. Cela allait améliorer la conductivité.
Plutôt que de créer directement du feu ou de l’eau, le passage du mana à travers votre AAR réduit les fuites. Vous n’aviez pas non plus besoin d’utiliser une incantation pour servir de déclencheur chaque fois que vous vouliez lancer un sort.
En fait, le développement de l’AAR avait commencé avant la systématisation de la magie. Les armes traditionnelles utilisées par l’humanité, armes à feu et armes blanches, s’étaient révélées totalement inutiles contre les mamonos. Bien qu’ils soient capables de rayer leurs carapaces externes dures, ils ne pourraient pas leur infliger une blessure mortelle.
Les AARs avaient été créés en se disant selon le principe qu’il fallait être capable de percer les carapaces externes des mamonos et de les tuer.
À l’époque de leur création, un AAR n’était qu’une arme dure et incassable, dont la létalité augmentait en la dotant de mana, mais les AARs modernes s’étaient développés bien au-delà des originaux. En gravant sur toute la lame avec des formules magiques qui avaient été créées par une combinaison de caractères inintelligibles oubliés — également appelés les sorts perdus — il était possible d’utiliser l’arme comme catalyseur pour faire de la magie.
Par ce processus, l’humanité avait réussi à omettre l’étape du chant d’incantation, et elle avait gagné assez de puissance pour affronter les mamonos.
C’est pourquoi, même s’ils étaient des magiciens, aucun d’entre eux n’utilisait des baguettes en bois comme dans les contes de fées, parce qu’elles n’étaient pas pratiques à utiliser comme armes. Les AAR avaient donné la priorité à l’aide à la magie. Il était difficile de graver des baguettes avec des formules magiques, ce qui les rendait inadaptées.
Alors que l’admiration tombait sur Tesfia, elle jeta un coup d’œil à Alus et fit un bruit de claquement de lame. La lame qui sortait de son fourreau était pleine de sorts perdus gravés.
Elle semblait provoquer Alus, mais il avait l’intention de traverser cette période en paix également. Il ne voulait pas lâcher le livre qu’il lisait, ne serait-ce qu’un instant pendant les pauses.
Finalement, le mélange des noms avait pris fin et les noms de ses camarades de classe qu’il ne connaissait pas étaient apparus l’un après l’autre sur l’écran. Le nom d’Alus était apparu pour le troisième terrain d’entraînement après que les noms pour le premier terrain d’entraînement, et le deuxième terrain d’entraînement aient été révélés.
Le nom de Tesfia avait été inscrit pour le huitième terrain d’entraînement. Heureusement, ils n’étaient pas sur le même terrain d’entraînement, mais comme ils étaient proches, il était clair qu’il finirait par être comparé à elle par les spectateurs.
En le regardant de haut, ils pouvaient se rassurer sur leurs propres possibilités. L’établissement d’un classement clair avait permis à chacun de comprendre qui était supérieur.
Sans s’emparer d’une arme, Alus s’était dirigé vers le troisième terrain d’entraînement, en feuilletant les pages de son livre.
Son adversaire était un garçon qu’il ne connaissait pas. C’était un camarade de classe, mais Alus ne s’intéressait pas à lui.
Les cheveux courts et ébouriffés du garçon étaient d’un brun rougeâtre caractéristique et, comme prévu, ses yeux inclinés se remplissaient de mépris lorsqu’il regardait Alus. Dans sa main se trouvait un AAR emprunté de type sabre.
Les 20 élèves qui n’avaient pas de combats à effectuer étaient devenus des spectateurs, et c’était exactement ce qu’Alus avait prévu. La moitié d’entre eux avait choisi de regarder le match de Tesfia sur le huitième terrain d’entraînement, tandis que l’autre moitié avait regardé le match d’Alus. Ils espéraient qu’il mangerait la poussière.
D’habitude, les spectateurs se bousculaient d’attentes et d’analyses, essayant de deviner qui gagnerait, mais en ce moment, leurs yeux indiquaient qu’ils étaient tous en train de se moquer de lui.
Que faire… ?
La raison pour laquelle Alus avait réfléchi à ce qu’il faut faire, c’est parce qu’il avait senti un regard particulièrement aiguisé sur lui. Alice était parmi les étudiants qui assistaient à son match, mais il ne l’avait pas senti de sa part.
Ce regard empli de doute était collé à lui, suivant de près chacun de ses mouvements. Même si c’était quelque chose d’étrange, les inquiétudes d’Alus étaient ailleurs.
En fait, il avait déjà renoncé à ce match. Au contraire, il voulait perdre exprès pour pouvoir en finir rapidement. Bien que cacher son rang en faisait partie, il ne voulait vraiment pas perdre son temps.
Cela dit, même s’il voulait perdre, il n’avait pas l’intention de subir de dommages.
Il pensait à un moyen de perdre sans attaquer, et sans laisser les spectateurs s’accrocher à son véritable objectif… Il avait été facile pour Alus, de tromper les spectateurs et le professeur y compris Alice et Tesfia.
Le seul qui pesait sur son esprit était le propriétaire de ce regard aiguisé.
Il ne savait pas qui c’était, mais ses compétences étaient probablement à trois chiffres. Si c’était le cas, ils ne devaient pas être capables de réaliser ce qu’Alus faisait… mais il soupira à quel point c’était inconfortable d’être observé !
« Tu parles d’un coup de chance. C’est parfait pour moi pour essayer les fruits de mes efforts quotidiens à cœur joie. Ha, c’est comme frapper dans un punching-ball, » déclara l’adversaire d’Alus en se moquant de lui.
L’un des concurrents avait une épée AAR tandis que l’autre ne tenait qu’un livre. Pour les spectateurs, le résultat était déjà déterminé.
La sonnerie avait retenti pour signaler le début du match, sans donner à l’un ou l’autre le temps de confirmer l’arme de l’autre partie.
L’élève avait commencé à courir. Ses mouvements d’amateur étaient insupportables pour Alus. Il avait été impressionné par le fait que son adversaire n’était pas gêné de faire cela devant des spectateurs.
On aurait dit qu’il imbibait du mana dans son épée AAR, mais le mana qui couvrait l’épée était terriblement lent et épais. Même les fonctions d’assistance n’avaient pas pu l’aider à améliorer ça.
Alus avait égalé la vitesse trop lente de l’épée et avait fait croire qu’il l’avait à peine esquivée à la dernière seconde. Entre les attaques, ses yeux parcouraient les pages de son livre tout en continuant sa lecture. En fait, il n’avait même pas besoin de suivre l’épée avec ses yeux.
Son adversaire avait reculé, mettant de la distance entre eux, et avait versé beaucoup de mana dans son épée. En réponse à cela, la formule magique gravée sur la lame avait commencé à briller en rouge.
« Tranchant brûlant. »
Répondant à cette voix, des flammes s’étaient enroulées le long de la lame.
Merci pour le chapitre.