Chapitre 2 : Les bêtes doivent mourrir
Table des matières
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Chapitre 2 : Les bêtes doivent mourrir
Partie 1
Ainsi, quelques années passèrent.
En fait, cela ne faisait que trois jours. Par des crises de pantomime intense, Mitsuha avait réussi à faire comprendre aux parents de Colette ce qu’elle voulait. Du moins, elle l’espérait. D’abord, elle leur avait demandé la permission de rester en échange d’une aide à la maison. Elle les avait également informés de son intention de se rendre dans la ville la plus proche et avait demandé un approvisionnement en nourriture et en eau pour le voyage. Enfin, dans une rafale de gestes, elle avait demandé des directives pour s’y rendre.
Mitsuha avait depuis longtemps abandonné l’apprentissage de leur langue. Elle n’avait pas pu apprendre grand-chose en quelques jours. Mitsuha estimait que tant que la grande ville avait des citoyens qui parlaient japonais — ou du moins anglais — elle pourrait mettre la main sur un téléphone pour appeler l’ambassade ou quelqu’un au Japon. Elle n’aurait alors aucun problème pour rentrer chez elle, et une fois rentrée, elle ne serait plus jamais dans une autre situation où la langue locale lui serait utile. Elle enverrait des remerciements à ses bienfaiteurs, bien sûr, mais seulement avec l’aide d’un traducteur.
Une autre chose que Mitsuha avait saisie de ses discussions avec la famille, c’était qu’ils pensaient qu’elle était une enfant. Ce n’était pas du tout surprenant, surtout si l’on considérait qu’elle semblait mineure selon les normes japonaises. À leurs yeux, elle n’avait que dix ans, douze tout au mieux.
Vous savez quoi ? Je suis d’accord avec ça. En tout cas, dans la grande majorité. C’est pratique pour moi, alors je vais jouer le jeu ! Si Colette a huit ans, ça ne me dérange pas d’être son amie de douze ans.
Il s’était avéré que c’était une coutume locale pour les familles d’accueillir des orphelins ou des enfants reniés. Il n’était pas rare que ces garçons et ces filles finissent par épouser les vrais enfants des parents adoptifs une fois qu’ils avaient grandi. Cela était donc toujours considéré comme une occasion propice.
« Maintenant, tu es vraiment notre enfant ! » et tout ça.
La majorité d’entre eux s’étaient mariés dans d’autres familles, bien sûr, mais ils avaient tout de même traité ceux qui les avaient adoptés comme leurs vrais parents.
C’était un petit village, alors tout le monde ici se considérait dès le départ comme étant tous de la même famille. La mentalité derrière cette pratique pourrait se résumer ainsi :
« Il vaut mieux s’occuper des orphelins et des enfants perdus que de les remettre aux autorités. Pourquoi perdre du temps à chercher des parents qui sont partis depuis longtemps ou qui ont abandonné leurs enfants ? »
Maintenant, il était facile de comprendre pourquoi les parents de Colette étaient si gentils avec Mitsuha et ne semblaient pas considérer sa présence comme un événement important. Elle partirait bientôt de toute façon, alors ça n’avait pas tant d’importance pour elle.
Dans cet état d’esprit, pourquoi Colette a-t-elle passé une demi-journée à me raconter tout ça ? À agiter les bras comme une folle, à dessiner son arbre généalogique avec des bâtons… C’était quoi le problème ? Une fille faisant partie d’une branche généalogique quelconque avait perdu ses parents et avait été recueillie par une famille qui avait un fils. Elle avait fini par l’épouser, et maintenant ils s’occupent tous les deux de leurs parents âgés et… Attends, pourquoi me regardes-tu comme ça !?
Si vous mettiez de côté la pression déconcertante de Colette, les jours suivants de Mitsuha avaient été plutôt paisibles. Elle aidait de diverses façons, dont la cuisine. Même si la famille n’avait pas d’épices ou d’appareils modernes, Mitsuha avait appris à cuisiner auprès de sa mère alors qu’elle était à l’école primaire et en savait assez pour s’en sortir. Les plats qui en résultaient étaient si bons qu’Erene, la maîtresse de maison, était visiblement irritée.
Par contre, pour fendre du bois, c’était une tout autre histoire. Est-ce que cela compte au moins comme travaux ménagers ? N’est-ce pas quelque chose que le père était censé faire tout seul ? Après avoir murmuré de telles plaintes, Mitsuha avait rapidement appris que la préparation du bois de chauffage était en fait le travail d’Erene et de Colette. Alors qu’elle luttait pour les aider, Mitsuha avait trouvé la hache lourde et difficile à utiliser. Elle avait souvent manqué sa cible. Même quand elle touchait la cible, la lame s’était coincée dans le bois et elle n’avait pas réussi à l’arracher pour pouvoir terminer le travail.
Finalement, sa peau avait commencé à peler et ses muscles commencèrent à souffrir. Elle était essoufflée et ses jambes tremblaient sous elle. Il n’avait pas fallu longtemps avant qu’elle reçoive l’ordre de faire autre chose. Pourquoi Colette est-elle si douée pour ça ? Regarde-la faire ! Ces bûches volent…
Le lendemain, Mitsuha et Colette étaient allées dans les bois pour chercher de la nourriture. Chacune d’elles avait reçu un panier, mais Mitsuha avait fini par les porter tous les deux. Non pas parce qu’elle avait confiance en ses talents de chercheuse de nourriture, mais parce que cela permettait à Colette de se déplacer plus facilement et de travailler sa magie « enfant de la nature ». Une idée sans doute intelligente.
Attendez, c’était la forêt dans laquelle je me promenais, n’est-ce pas ? Mitsuha l’avait réalisée. C’est comme ça que Colette m’a trouvée. Je dois me faire pardonner parce que j’ai dû sûrement gâcher sa session de recherche de nourriture ! Elle se mit ainsi à ramasser le plus de plantes possible. Colette lui avait montré des échantillons de ce qu’elle devait chercher, afin qu’il n’y ait pas de problèmes… du moins le pensait-elle. Il s’était avéré qu’ils ne poussaient que dans des endroits spécifiques, et qu’il fallait savoir où chercher. Elle n’aurait eu aucune chance d’en trouver sans l’aide de Colette. Bon, ce n’est pas comme si j’allais faire carrière dans ça. C’est bon tant que je peux aider un peu.
Juste au moment où les paniers étaient pleins au tiers, Colette s’était soudainement arrêtée. Mitsuha la regarda. La plus jeune fille était devenue pâle. Elle avait fait signe à Mitsuha de poser les paniers, et c’était exactement ce qu’elle avait fait, même si elle ne savait pas pourquoi elle le faisait. Colette recula lentement d’un pas et chuchota, « Kel kolore, maltoneis... »
Oh, c’est l’une des phrases qu’ils ont fait en sorte que je l’apprenne. Alors que Mitsuha avait décidé qu’elle n’apprendrait pas la langue, elle avait mémorisé quelques mots pour rendre la communication un peu plus facile. Après tout, il était presque impossible de s’en sortir sans savoir comment dire « oui », « non », « eau », « nourriture », « faim », « donne-moi ça », etc. Les paroles de Colette signifiaient qu’il y avait bête dangereuse en proche, ce qui signifiait…
Attendez, QUOI !? Mais on m’a dit que les bêtes sont rares par ici ! Colette m’a littéralement fait un dessin pour me dire ça ! Mitsuha se sentait paniquée. « Rare » ne veut pas dire qu’il n’y en a jamais. Je suis vraiment bête. Elles avaient toutes les deux reculé silencieusement, laissant les paniers derrière elles. Mitsuha avait supposé qu’elles viendraient les chercher une fois que la bête serait partie ou traquée.
Dommage qu’il n’y ait pas moyen de sauver ce qu’on a collecté. Le produit ne séchera pas correctement dans ces conditions, donc tout sera ruiné d’ici notre retour. Peu importe. La vie est bien plus importante que quelques plantes. On doit juste s’éclipser, et… Attendez, on va au vent ! C’est vraiment mauvais !
Mais attendez une seconde. Aussi surhumaine qu’elle soit, il est impossible que Colette ait pu remarquer la bête avant qu’elle ne nous remarque, donc cela ne sert à rien de se faufiler. Alors pourquoi ne s’en prend-elle pas à nous ? N’a-t-elle pas faim ? Chasse-t-elle d’autres proies ? Est-ce un herbivore ? Oui, c’est vrai, on a affaire à un vrai thriller aux heures de grande écoute. Qu’est-ce qu’il attend, alors ? Penses-y… Réfléchis-y ! Allez, cerveau, tu es un PC bourré de connaissances aléatoires !
C’est fait. J’ai trois possibilités.
Un : il prend son temps pour s’assurer qu’on ne s’échappe pas. Mais a-t-il vraiment besoin de faire ça sachant qu’il a à faire à des enfants comme nous, n’est-ce pas ?
Deux : Il nous voit comme des jouets et joue avec nous juste pour s’amuser. Dans ce cas, il se serait montré pour essayer de nous faire peur.
Trois : Il nous utilise comme cibles d’entraînement pour ses jeunes.
Deux jeunes filles courant pieds nus n’étaient pas très rapides, elles ne pouvaient donc pas s’échapper. De plus, la bête n’aurait pas à craindre que ses petits soient blessés par une sorte de contre-attaque. Ouais, les filles humaines sont de parfaites cibles pour la première chasse des petits. Bien que l’une d’entre nous ne soit plus vraiment une « fille », mais gardons cela secret. C’était juste une supposition de la part de Mitsuha, mais il était clair qu’elles étaient en danger.
Mitsuha s’était creusé la tête pour trouver la meilleure issue. Devraient-ils gagner du temps ? Elle n’avait aucune idée de l’heure à laquelle les villageois allaient devoir venir les chercher. Peut-être à la tombée de la nuit ? Mais viendraient-ils alors ? Les parents de Colette le feraient évidemment, mais d’autres pourraient trouver ça trop dangereux. Sans parler du fait qu’elles ne tiendraient pas assez longtemps.
Mitsuha se retourna et aperçut quelques créatures qui se cachaient entre les arbres. Une grande chose ressemblant à un loup et quelques autres plus petites… J’avais raison. Ils ne peuvent pas grimper aux arbres, n’est-ce pas ? se demanda-t-elle en balayant rapidement la zone à la recherche d’arbres aux branches basses. Les loups se préparaient à faire un mouvement, alors elle s’était décidée de se rendre vers le premier arbre qu’elle voyait dans les environs.
« Colette ! »
Mitsuha cria, puis elle attrapa la main de la fille et la rapprocha d’elle. Les branches de l’arbre étaient hors de portée, trop difficiles à grimper pour les bêtes, et malgré leur minceur, elles seraient assez stables pour supporter Colette. Mitsuha la serra par les aisselles, la souleva du sol et la poussa dans l’arbre.
« Mitsuha ! »
Colette avait crié son nom et avait dit d’autres mots qu’elle ne comprenait pas. Tout en l’ignorant, Mitsuha déplaça ses mains de ses aisselles vers ses pieds et la poussa vers le haut. Elle avait vite compris ce que Mitsuha était en train de faire et avait commencé à grimper à l’arbre toute seule. Une fois qu’elle avait atteint la première branche, elle s’était assise dessus.
« Mitsuha ! »
Elle cria de nouveau, et tendit sa petite main aussi loin qu’elle pouvait le faire.
« Désolée. »
Mitsuha sourit et secoua la tête.
« Je ne suis pas douée pour grimper aux arbres, et celui-là ne nous retiendra probablement pas toutes les deux. Au revoir, ma jolie ! »
Les bêtes commencèrent lentement à s’approcher — leur proie étant restée sur place, elles avaient pu penser qu’elles abandonnaient. Confirmant ce que Mitsuha avait entrevu plus tôt, une bête adulte avait émergé à côté de trois de ses enfants. Ils ressemblaient beaucoup à des loups, alors elle avait choisi de supposer qu’il s’agissait de vrais loups.
Elle leur avait lancé un bâton pour les distraire. Celui-ci ne les avait pas touchés, mais ils avaient compris que c’était un signe d’agressivité, et de leurs lèvres sortaient en une série de grognements. Bien. On vient de passer du niveau « proie faible et facile » à « proie qui résiste ». Je vais attirer leur agressivité sur moi, alors tout ce que j’ai à faire, c’est de les emmener loin d’ici ! Elle avait ainsi couru aussi vite que possible de l’endroit où Colette était assise. Celle-ci criait : « Mitsuha, Mitsuha, Mitsuha, Mitsuha, Mitsuhaaaaaaaa ! »
Elle n’avait pas mis longtemps à se mettre à haleter. Je me lève toujours tôt, car j’ai plein de choses à faire le matin. Et je suis vite à court d’énergie, car il y a des tonnes de choses que je n’ai jamais faites. En dehors du cours de gym, mes seules séances d’entraînement étaient des matchs d’airsoft où mon frère m’a entraînée, donc je suis aussi faible que j’en ai l’air. J’ai de bons réflexes, mais je serais mauvaise dans un marathon.
Le terrain de la forêt n’était pas non plus favorable à un sprinter humain, de sorte que la bête l’avait facilement rattrapée. Il n’avait pas non plus semblé faire beaucoup d’efforts, Mitsuha s’était dit qu’il ne faisait que jouer avec elle en vue de la tuer. Seul le grand me poursuit. C’est une bonne chose, car les petits ne peuvent pas grimper à l’arbre de Colette. Ce n’était pas comme si le plus grand pouvait le faire, mais Mitsuha aurait aimé pouvoir s’en assurer en lui enlevant une de ses pattes.
Gah, je suis déjà finie ! Je dois juste m’assurer que Colette s’échappe ! pensa-t-elle. Mais un instant plus tard, elle avait fait un faux pas, elle trébucha et s’écrasa sur un arbre voisin. Si le loup grincheux n’était pas dans le tableau, il aurait été tout droit sorti d’une comédie burlesque. Ahh, je ne veux pas mourir ! Colette ! Papa ! Maman ! Frérot ! Elle paniqua, se recroquevillant sur elle-même. Alors que les crocs mortels du loup s’approchaient, divers moments de sa vie défilaient devant ses yeux.
Le sourire de Colette, les parents de Mitsuha, son grand frère… Elle l’avait adoré, car il lui avait appris toutes sortes de choses. Elle l’aimait beaucoup et pouvait toujours compter sur lui, même s’il était très… excentrique. Cela l’avait toujours ennuyée de voir à quel point il aimait utiliser les répliques qu’il tirait de romans et à quel point il avait l’air suffisant chaque fois qu’il disait la réplique parfaite au bon moment. Mais là, face à la mort, elle se demandait ce qu’il dirait dans cette situation.
À la fin, tout ce qui sortait de ses lèvres était un « FRÉROT ! » bruyant et criard.
À ce moment-là, Mitsuha avait disparu. Le loup, les mâchoires encore ouvertes, avait enfoncé sa tête dans l’arbre. Après s’être tordu de douleur pendant un moment, il s’était levé et avait bougé brusquement sa tête d’un côté à l’autre dans une confusion totale.
***
Partie 2
Avec un bruit sourd, Mitsuha tomba sur un lit. Elle s’était matérialisée de nulle part, à environ un pied au-dessus du lit, et l’endroit où elle se trouvait maintenant la laissa stupéfaite. Non pas parce qu’elle ne le connaissait pas, loin de là. Elle avait instantanément su qu’elle était dans sa propre maison. Plus précisément, elle était assise dans la chambre de son frère Tsuyoshi.
Avant même qu’elle ait pu se demander pourquoi elle s’était retrouvée dans sa chambre et non la sienne, son corps avait sauté du lit. Elle connaissait la chambre de son frère à l’intérieur et à l’extérieur. Ses jambes l’avaient amené jusqu’au bureau, et sa main s’était frayé un chemin dans le deuxième tiroir.
Hein ? C’est la chambre de Tsuyoshi, non ? Où est le loup ? Tout cela n’était qu’un rêve ? Et Colette ?, se demandait-elle, laissée loin derrière après que ses réflexes suprêmes aient pris le dessus. C’était maintenant « Spex », et non Mitsuha qui contrôlait la situation.
Chaque fois qu’elle n’avait pas le temps de réfléchir et que chaque seconde était critique, son corps passait à l’action. Elle avait couru comme une machine bien huilée alors que ses pensées s’avançaient vers le présent.
Je porte encore des chaussures, et il y a des feuilles sur mes vêtements, et je suis dans un tel état, donc… ce n’était pas un rêve ? Cela signifie que Colette est toujours… Mitsuha essaya de redresser son esprit ébranlé. Pendant ce temps, ses doigts avaient sorti un petit sac en nylon rempli de petites boulettes. Ils avaient déchiré le sac et versé le contenu dans sa poche droite. Les pastilles étaient plus lourdes qu’elles n’en avaient l’air, surtout dans ces quantités.
Ses bras avaient arraché un objet de l’une des étagères, puis l’avaient fixé à sa ceinture. C’était un lance-pierre « Falcon II ». Bien qu’il ressemblait à première vue à un jouet, il pouvait causer autant de dommages qu’un mini-révolver de calibre 22. Tsuyoshi l’avait entraînée à l’utiliser, et c’était une bonne tireuse.
Ensuite, ils avaient ouvert un étui en verre, en sortirent un magnifique morceau de métal et l’avaient mis dans sa poche. C’était un couteau, le « Gerber Folding Sportsman II ». Tandis que ses yeux tombaient dessus, Mitsuha se souvint des paroles de son frère :
« J’ai entendu dire qu’il y a un pays où chaque garçon reçoit un couteau pliant de son père le jour de ses dix ans. Sa forme est élégante ! Son métal est scintillant ! C’est l’aura menaçante que seules les vraies armes ont ! »
Il avait dit que c’était ce qu’il avait de mieux depuis le pain tranché, mais en fait, c’était un couteau pliant assez standard.
Les jambes de Mitsuha l’avaient portée dans les escaliers et dans la cuisine. Ses mains prirent à nouveau le relais, tirant un couteau à découper d’un tiroir près de l’évier. Les couteaux à sashimi étaient plus tranchants et plus longs, mais ils n’auraient probablement pas pu passer à travers la peau de loup sans se casser, donc les couteaux à découper étaient le choix le plus fiable. Après que la lame ait été enveloppée dans un chiffon pour des raisons de sécurité, elle avait été fixée sur sa ceinture. Ses mains dignes de confiance avaient alors saisi un torchon de cuisine d’un mètre de long, l’avaient plié et l’avaient posé sur le sol. Après l’avoir rempli d’épices comme du poivre, du shichimi et du chili, elles l’avaient enroulé et l’avaient mis dans sa poche gauche.
Comment suis-je arrivé ici depuis les bois ? Non, oublie ça, maintenant je dois sauver Colette ! Mais comment ? Attends, j’appelais mon frère et j’ai fini dans sa chambre. Est-ce que ça veut dire que je peux me transporter dans les endroits que je souhaite ? Dans ce cas, j’ai besoin de quelque chose qui puisse tuer les loups.
Mais il était trop tard, son corps avait déjà fait le travail. Avant que Mitsuha ne s’en rende compte, elle avait fini de préparer tout ce dont elle pensait avoir besoin. Après s’être assurée que ses réflexes n’avaient pas faibli ou manqué quelque chose d’important, elle avait finalement repris ses pensées. Mitsuha avait appelé cette phase « Reconnaissance ».
Puis-je vraiment y retourner ? Non, devrais-je y retourner ? Est-ce que ces armes seront suffisantes contre ces loups ? Je pourrais mourir pour de bon cette fois ! Je suis de retour au Japon, saine et sauve ! Pourquoi devrais-je y aller !? Quelle raison ai-je !? Soudainement, Mitsuha se souvint de nouveau de son frère et se demanda ce qu’il dirait de tout cela.
Elle s’était rendu compte qu’elle avait commis une erreur, mais c’était trop tard, ses mots trop rauques résonnaient déjà dans sa tête.
« Chère sœur, as-tu vraiment besoin d’une raison pour sauver une jolie fille en difficulté ? »
D’accord, d’accord, tu marques un point ! Bon sang, mon frère. Tu es bruyant, et tu es un vrai emmerdeur… Mais je t’aime toujours, bon sang !
Mitsuha réapparut dans la forêt et se cogna immédiatement le front contre un arbre. On était loin d’un retour en douceur. En regardant autour d’elle, elle n’avait vu aucun signe de son assaillant canin. Il avait dû retourner vers Colette, donc le temps était compté. Comme il n’y avait pas non plus de vent, il fallait donc faire attention à ne pas faire trop de bruit. Colette va toujours bien, j’en suis sûr. Ils ne peuvent pas grimper à cet arbre, n’est-ce pas ?
Elle était retournée à l’endroit où elle avait laissé Colette, ignorant le museau pointu qui lui léchait la peau. Il lui avait fallu néanmoins plus de temps pour parcourir la distance qu’elle ne l’avait fait lors de sa diversion initiale. Une fois arrivée, elle s’était cachée derrière un arbre voisin. Les quatre loups aboyaient sur Colette. Elle avait l’air terrifiée, mais indemne. Mitsuha avait sorti le couteau pliant de sa poche, déplia la lame et la fixa soigneusement dans sa ceinture. Elle avait ensuite pris le lance-pierre dans sa main gauche et s’était servie de sa droite pour préparer des balles.
Ces balles étaient faites d’acier, ce qui était un peu inhabituel étant donné que le plomb était la norme pour les balles de lance-pierres. Selon Tsuyoshi :
« Celles-ci sont bon marché et faciles à produire en série, ce qui les rend parfaites pour l’airsoft. De plus, elles sont lourdes, mais pas assez dures pour rebondir, ce qui veut dire qu’elles piquent comme l’enfer. Mais ces bébés sont en acier ! Tire dessus de près et tu perceras ta cible. C’est la munition la plus virile qui soit ! »
Mitsuha avait des pastilles d’acier, mais comme elle était face à des bêtes ayant une peau épaisse, elle s’était rangée du côté de l’avis fervent de son frère. Chargeant une balle d’acier dans le lance-pierre, elle avait pointé son arme vers l’avant et avait tiré la balle aussi loin qu’elle le pouvait. Mitsuha pouvait sembler faible de l’extérieur, mais cela n’était dû qu’à sa taille. Elle était assez forte pour tirer le caoutchouc tendu, sa seule limite réelle était la portée.
Bien sûr, cela signifiait que ses tirs seraient plus faibles que, disons, ceux de Tsuyoshi. Elle aurait probablement dû frapper un point faible pour abattre le loup adulte, et ne pouvait qu’espérer que ses petits ne soient pas aussi résistants. Tsuyoshi possédait également une arbalète, mais elle ne l’avait jamais utilisée auparavant, et son rechargement devait probablement prendre beaucoup de temps. Donc, elle — ou Spex, peut-être — avait choisi de ne pas le prendre.
Mitsuha avait fait de son mieux pour viser soigneusement, mais ses mains tremblaient tellement qu’elle avait choisi de lâcher prise. Elle entendit le sifflement de la pastille qui volait dans l’air, puis un cri strident. L’un des enfants loup s’effondra.
L’ai-je touché à la tête ? Il n’y a pas de muscles à cet endroit, donc je suppose que cela lui a percé le crâne ou du moins lui a causé une commotion cérébrale.
Son coup était en fait destiné à l’adulte. Après tout, c’était la plus grande menace présente, alors elle voulait au moins l’affaiblir. D’un autre côté, en abattre un était suffisant. C’était bien mieux que de disparaître, en tout cas. Le grand loup n’avait aucune idée de la raison pour laquelle sa progéniture s’était effondrée, alors il courut auprès de lui, complètement perplexe. Oui, c’est toujours mon tour !
Mitsuha avait soigneusement préparé et tiré une deuxième balle. Celle-ci avait frappé l’adulte, mais seulement sur sa cuisse droite. L’animal n’avait pas du tout souffert et, bien sûr, la bête maintenant en état d’alerte avait les yeux rivés sur elle. Si le regard pouvait tuer, alors cela l’aurait tuée sur le coup. Les jeunes loups remarquèrent où l’adulte — probablement leur mère — regardait et se précipita vers elle. Leur maman avait l’air déconcertée pendant une seconde, puis elle s’était contentée de se tenir sur place, ce qui avait permis à ses petits d’aller se faire tuer. Elle pensait toujours que Mitsuha était une enfant sans défense.
Mitsuha avait rapidement tiré une troisième balle. Celui-là n’avait rien touché. On ne peut pas s’attendre à faire mouche à tous les coups. Elle avait claqué la langue avec frustration alors qu’elle préparait son quatrième tir, probablement le dernier avant qu’ils ne soient trop proches d’elle. Elle sentait qu’elle commençait à paniquer, mais la distance qu’ils avaient avec elle rendait son dernier tir plus précis et plus puissant. Smack ! L’un des deux petits restants s’était effondré. Elle l’avait touché à la gorge, un vrai point faible.
Sans même jeter un coup d’œil à son frère décédé, le dernier petit sauta au niveau des yeux. Mitsuha avait déjà jeté le lance-pierre, arraché le couteau de sa ceinture et déballé la serviette. Dotée d’une excellente vision dynamique et de bons réflexes, Mitsuha n’avait eu aucun problème à éviter le jeune loup inexpérimenté qui s’approchait d’elle. Après l’avoir fait, elle avait frappé avec son couteau et l’avait tranché au niveau du cou, l’envoyant au sol comme les deux autres. Et puis…
« AWOOOOOOOOOOO ! »
Un hurlement glaçant le sang avait résonné dans la forêt. Ses enfants avaient été tués, tous les trois. Même s’ils respiraient encore, le destin cruel n’avait montré aucune pitié pour les bêtes ayant des blessures aussi graves. Ses chers enfants, qui lui avaient été donnés par ce fort et robuste mâle alpha. Elle avait travaillé si dur pour les élever, et ils étaient si près de l’âge adulte, mais maintenant elle les avait perdus à cause d’une proie sans griffes, sans dents et sans poils.
Haine. Haine. Haine. Haine. Tuer. Tuer. Tuer. TUER, c’était tout ce qui se passait dans l’esprit de la mère loup lorsqu’elle fonçait vers Mitsuha.
La voilà qui arrive ! Mais elle s’était préparée. Elle avait en quelque sorte éliminé les jeunes, mais cela ne lui avait donné le droit qu’à un combat contre le boss. Les enfants loups étaient inexpérimentés, mais celle-ci ne l’était pas. Il ne serait pas facile de la piéger, et Mitsuha était une humaine au corps mou qui n’aurait aucune chance contre elle dans une bagarre en tête-à-tête, alors il n’y avait qu’une seule chose qu’elle pouvait faire.
Pendant que le loup chargeait, Mitsuha fixa sa prise sur le couteau dans sa main droite et mit sa main gauche dans sa poche. Un mètre 50 centimètres… un mètre… 50 centimètres… Maintenant ! Elle avait balancé sa main gauche tout en sautant vers la gauche.
« GROAAAH ! »
Le loup avait gémi et il retomba sur le sol, entouré d’un nuage d’épices. Avec leurs sens super aiguisés, les animaux sauvages ne pouvaient probablement pas supporter tout ce poivre et ce chili ! Même Mitsuha était en mauvais état, avec du liquide jaillissant de ses yeux et de ses narines.
Mais elle devait utiliser cette chance si elle voulait gagner. Luttant contre la douleur dans les yeux, le nez et la gorge, elle leva le couteau à découper et se lança sur le loup. Malheureusement, les vrais animaux sauvages avaient été bâtis pour résister aux attaques humaines. Même s’il ne pouvait ni voir ni sentir, un loup mature n’était pas assez faible pour laisser sa proie l’abattre sans se battre. Elle grinçait des dents et frappait avec ses griffes.
Mitsuha ne voyait pas un moyen sûr de s’approcher sans qu’il la griffe ou la mordille, mais elle ne pouvait pas perdre trop de temps, car l’avantage qu’elle avait obtenu de sa bombe à épices s’amenuisait chaque seconde.
Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que mon frère fer-oh, pas maintenant ! Elle avait essayé de lutter contre l’envie, mais c’était sans espoir, elle imaginait déjà ce que son frère allait faire.
Comme toujours, son cerveau avait sélectionné les bonnes pièces dans les archives « Mais que dirait Tsuyoshi ? »
« Une personne vraiment forte est férocement fière et a le courage de le montrer »
Sa voix avait résonné dans sa tête, suivie d’un :
« Sais-tu que les loups ne peuvent pas fermer leur bouche s’ils ont quelque chose coincé dans la gorge ? »
Ça semblait un fait si inutile à savoir. Jusqu’à maintenant, bien sûr !
T’as pas intérêt à t’en prendre à moi, mon frère ! Si je perds mon bras, c’est de ta faute ! Merde, à quoi je pense !?
« Pourquoi s’inquiéter de perdre un bras ou une jambe ? Tu n’as pas vu de films où les gens remplacent leurs membres par des tronçonneuses ou des mitrailleuses ? Des bras et des jambes en métal ! »
GAH ! Tu vis vraiment dans ma tête, n’est-ce pas !? Même la mort ne t’empêche pas d’être un emmerdeur ! Bon peu importe.
Mitsuha avait sauté sur le loup. Venir de l’arrière avait semblé être son meilleur choix, mais il l’avait remarquée et il avait montré ses crocs à son égard. Elle avait balancé le couteau à découper et avait évité tout dommage, puis elle l’avait attaqué. Elle était maintenant sur son dos, s’accrochant de toutes ses forces. Il ne pouvait pas l’attaquer avec ses membres dans cette position, et il ne pouvait pas tourner sa tête assez pour mordre — attends, il peut le faire !? Je ne savais pas que les cous de loup pouvaient se tordre comme ça !
Sans autre choix, elle avait fait le pari de sa vie et avait enfoncé son bras gauche profondément, profondément dans la bouche du loup.
« GEH ! »
Le loup étouffa, referma ses crocs sur le bras de Mitsuha pendant qu’il essayait frénétiquement de serrer ses mâchoires. L’humain s’accrochait à un loup, le loup avait l’humain sur lui, mais leur bataille ne faisait que commencer.
Alors qu’elle saisissait le corps du loup, Mitsuha perdit son couteau à découper. Mais malgré tout ce chaos, grâce à un miracle, elle avait toujours une arme sur elle, la belle lame que son défunt frère avait si chèrement aimée.
« G-GERBER FOLDING SPORTSMAN TWOOOOOOOO! »
Elle avait crié le nom de mémoire — elle pensait que cela lui aurait plu — car elle l’avait pris dans le revers.
Poignarder ! Poignarder ! Poignarder ! Poignarder !
C’était un petit couteau dans les mains d’une fille faible. La lame n’était pas allée en profondeur, mais s’était enfoncée suffisamment pour percer la peau et causer des dommages décents. Mitsuha avait largement dépassé ses limites maintenant, au-delà de toute montée d’adrénaline. Elle était à peine consciente et son sens de la prudence l’avait quittée depuis longtemps. Ses jambes tenaient le loup dans un étau écrasant, et avec son bras gauche dans la gueule de la bête, elle était à peu près fixée dans cette position.
Poignarder ! Poignarder ! Poignarder ! Poignarder !
J’ai mal au bras.
Poignarder ! Poignarder ! Poignarder ! Poignarder !
Je ne sens plus ma main.
Poignarder ! Poignarder ! Poignarder ! Poignarder !
Il fait sombre. Quand le soleil s’est-il couché ?
Poignarder ! Poignarder ! Poignarder ! Poignarder !
Frère… Où es-tu ? Où es-tu ?
Le loup s’était battu et s’était débattu, mais n’avait pas réussi à s’en débarrasser. La petite taille et la légèreté de la jeune fille avaient joué en sa faveur. Le bras dans sa bouche l’empêchait de respirer, sans parler des coups de couteau. Il ne pouvait pas rassembler autant de force qu’avant et sentait que quelque chose d’important sortait de son corps. Si le loup avait été capable de penser humainement, il aurait perdu la tête à cause de la panique.
C’est quoi ce truc sur moi ? Une proie ? Non ! C’est autre chose ! C’est dégoûtant ! Effrayant ! Qu’est-ce que c’est que ça !? Qu’est-ce qui se passe !? Non, non, non, non ! À l’aide ! Aide —
Peu de temps après, tout était silencieux, et rien ne bougeait. Non, deux des jeunes loups respiraient encore, mais c’était tout. Finalement, on entendit le bruit d’une petite fille qui descendait d’un arbre. Elle avait regardé d’un côté à l’autre et avait remarqué quelque chose qui l’avait rendue haletante.
C’était un loup et une fille, couchés par terre si près l’un de l’autre qu’ils étaient comme enlacés. Le sang sur la bête et le bras de la fille, qui était logé dans la bouche du loup, était suffisant pour supposer que le combat avait été fatal. La fille de l’arbre avait rapidement couru vers eux et avait vérifié si l’autre fille avait un pouls et d’autres blessures, et elle avait été soulagée de constater que son état était stable. Elle avait ensuite ramassé une lame en forme de couteau qui se trouvait à proximité, avait tué les jeunes loups qui respiraient encore et s’était enfuie au village.
Prudente et impitoyable, c’était à quoi ressemblait Colette.
Merci pour le chapitre
La première image est tirée du manga……est-ce normal de la retrouver ici ?
La preuve : https://mangadex.org/chapter/128997/25