Rougo ni Sonaete Isekai de 8-manmai no Kinka wo Tamemasu – Tome 1 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Mitsuha va dans un autre monde

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Chapitre 1 : Mitsuha va dans un autre monde

Partie 1

Une jeune fille se tenait au sommet d’une falaise abrupte, les mains posées sur la balustrade en bois patinée qui la séparait des profondeurs en contrebas. Son regard était jeté sur l’horizon lointain. Oh, mais ne vous inquiétez pas, le suicide était la dernière chose à laquelle elle pensait.

Elle s’appelait Mitsuha Yamano. Ses cheveux noirs raides et longs tombant sur les épaules encadraient un visage jeune sans un soupçon de maquillage. Ne mesurant qu’un mètre cinquante, l’enfant de dix-huit ans était souvent prise pour une collégienne ou, ce qui est encore plus offensant, pour une élève d’école primaire.

Il y a six mois, Mitsuha avait perdu sa famille bien-aimée — sa mère, son père et son frère aîné — à la suite d’un accident bizarre, la laissant sans parents proches. Elle en avait des lointains, bien sûr, mais on pouvait compter le nombre de fois qu’ils s’étaient rencontrés sur les doigts d’une main, et il était probable qu’ils ne se reverraient plus jamais.

Après avoir géré les funérailles et autres formalités administratives, Mitsuha s’était retrouvée avec une grosse somme due à l’héritage et à l’assurance, et avec ceci, un bon nombre d’ennemis. Un oncle particulièrement avide et sa femme avaient cherché à lui arracher l’argent avec des mots cruels et de l’intimidation. Quelques indésirables de l’école de Mitsuha avaient même flâné à l’extérieur de chez elle pour essayer de prendre tout ce qu’ils pouvaient. Au moment où Mitsuha avait été en mesure de chasser tous ceux qui poursuivaient sa fortune, le fardeau mental l’avait conduit à échouer ses examens d’entrée à l’université.

Perdre toute sa famille avait été déjà assez dur en soi, mais le frère de Mitsuha — qui avait deux ans de plus qu’elle — était son idole. C’était sûrement la personne qu’elle avait le plus regretté de perdre. La douleur, le stress causé par la gestion des séquelles et le profond découragement qui avait suivi l’avaient empêché de se concentrer entièrement sur ces études. À ce moment-là, du moins, elle s’était presque entièrement remise de la douleur d’avoir échoué à ses examens.

Désireuse de changer d’air, elle avait décidé de visiter une destination touristique locale. En fait, l’appeler ainsi aurait pu être trop généreux — le « point d’observation », comme on l’appelait, n’était rien de plus que la pointe d’une côte déchiquetée. Un petit nombre de commodités modestes, comme des clôtures en bois, des jumelles à jetons et des toilettes publiques, ornaient le secteur. Mais Mitsuha n’avait besoin de rien de plus. Tout ce qu’elle voulait, c’était contempler la mer et profiter de sa tranquillité.

Par un après-midi de semaine aussi ordinaire, les seuls autres visiteurs du site étaient un couple d’étudiants, une paire de conjoints âgés et un trio de voyous à la tête épaisse et dont l’intelligence rivalisait avec les rochers en contrebas. Mitsuha, d’autre part, avait le potentiel académique d’entrer dans n’importe laquelle des innombrables universités à travers le pays. Malheureusement, une seule d’entre elles se trouvait suffisamment proche de la maison que ses parents lui avaient laissée, et ses normes d’entrée étaient extrêmement élevées. Peut-être qu’elle aurait pu les franchir si elle avait pu donner le meilleur d’elle-même, mais cet exploit s’était avéré trop difficile pour elle dans son état actuel.

À l’origine, Mitsuha n’était pas opposée à fréquenter une université éloignée de chez elle, mais maintenant qu’elle était seule, elle ne voulait plus quitter la maison de ses parents. Ils l’avaient construit à partir de rien, et avec l’absence des membres de sa famille, les souvenirs qu’ils avaient laissés derrière eux étaient trop précieux pour qu’elle les lâche. C’était cet attachement qui avait influencé le choix de Mitsuha de ne passer que les examens d’entrée de son université locale.

Et bien… Qu’est-ce que je fais maintenant ?

Mitsuha s’était demandé si elle devait réessayer les examens l’an prochain ou se concentrer plutôt sur l’obtention d’un revenu. L’hypothèque restante sur la maison de Yamano avait été remboursée à la mort de son père, et le paiement de l’assurance vie de ses parents l’avait rendue assez riche. Cependant, quatre années d’études universitaires et de frais de subsistance permettraient de puiser largement dans cette réserve.

Pour cette raison, Mitsuha avait pesé le pour et le contre quant à l’option d’entrer immédiatement sur le marché du travail. Bien qu’elle ne toucherait pas un salaire aussi élevé qu’avec un diplôme d’études universitaire, il n’y avait pas d’entreprises à proximité qui étaient si généreuses. De plus, un diplôme ne garantissait guère un emploi bien rémunéré à notre époque.

Mitsuha avait également envisagé la possibilité qu’elle puisse se marier et avoir des enfants à l’avenir. Il serait déjà assez difficile de jongler avec une famille et un emploi à temps plein, la dette de l’université ne ferait qu’empirer les choses. Tout bien considéré, l’université ne semblait tout simplement pas en valoir la peine quand l’autre option, plus viable, était de commencer à travailler et à épargner.

Ce n’est pas comme si j’allais obtenir un travail de rêve ou quoi que ce soit d’autre, se disait-elle en regardant la mer.

« Et bien, qu’avons-nous là ? Tu sèches l’école, petite dame ? »

Une voix huileuse, qui venait de derrière, l’avait fait sortir de ses pensées. Mitsuha se retourna et se retrouva coincée par trois sinistres sourires. Le délinquant qui avait parlé avait les cheveux décolorés et semblait avoir une vingtaine d’années.

« Tu veux traîner avec nous ? On va te faire passer un bon moment, t’emmener dans un endroit sympa, te chercher quelque chose à manger… et voir où ça nous mène, hein ? »

C’est reparti pour un tour. Ils pensent clairement que je suis une gamine qui sèche les cours, pensa Mitsuha, complètement dépitée. Alors que beaucoup de femmes aimaient paraître plus jeunes qu’elles ne l’étaient, Mitsuha était une adulte et ne trouvait donc aucun plaisir à être traitée comme une collégienne. Mais révéler qu’elle avait en fait dix-huit ans ne ferait que les rendre plus confiants, alors elle avait choisi de garder ce fait pour elle.

Mais était-ce vraiment important ? Le groupe d’hommes qui l’avait précédée essayait d’aller chercher une fille qu’ils croyaient être au collège, alors peut-être qu’ils ne se seraient pas du tout souciés de son âge. Bien que l’opinion de Mitsuha à l’égard de ces chasseurs de jupons était faible dès le départ, elle ne voulait pas accepter une alternative encore plus désagréable : qu’ils s’en prendraient à une élève du primaire !

Quoi qu’il en soit, ce n’était pas des gens avec qui elle voulait interagir, mais ce serait une situation difficile à fuir. Les trois délinquants assoiffés l’avaient empêchée d’avancer, et seul un plongeon vers sa mort l’attendait derrière elle. Piégée contre la clôture de bois, elle ne trouvait aucun avantage à utiliser contre eux.

Utilisant la voix la plus jeune qu’elle pouvait avoir, elle leur dit :

« Désolé, monsieur…. Je ne peux pas venir avec vous. Maman et papa viennent me chercher ! »

Mitsuha espérait que cette comédie les convaincrait, qu’elle n’était vraiment qu’une enfant qui attendait ses parents, une cible bien au-delà de la portée acceptable de ces voyous. Contre son gré, cependant, le blond scanna le périmètre pour confirmer l’absence de ses parents.

Il s’avança, la saisit par le bras et grogna :

« Viens avec nous ! »

Ses acolytes avaient également avancé, envoyant Mitsuha dans la panique. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle, espérant voir l’un des passants lui donner un coup de main, mais ils faisaient tous des efforts faramineux pour ne rien voir.

Allez comprendre, personne ne veut jouer les héros. Je n’ai pas le choix. Je m’en occuperai moi-même !

Malgré son petit gabarit et son regard de chérubin, l’intelligence et la force physique de Mitsuha n’étaient pas à prendre à la légère. Et par-dessus tout, Mitsuha avait du cran. C’était cette qualité qui lui avait permis de protéger son héritage de ceux qui voulaient le saisir.

Son corps avait bougé avant qu’elle puisse penser, envoyant un coup de pied vers le haut directement dans l’aine du gars blond. Sans même faire le moindre bruit, il s’était mis à genoux, se tordant de douleur. De l’écume sortait du coin de ses lèvres, et il s’effondra rapidement, couché et immobile entre ses camarades.

« QU’EST-CE QUE TU FOUS, SALOPE ?! »

Ces paroles dignes d’un gangster étaient sorties de la bouche d’un des délinquants restants, et dans sa rage, il avait poussé Mitsuha vers l’arrière de toute sa force.

« Ah… ! »

Elle avait sursauté quand son dos était entré en contact avec la clôture en bois et qu’un bruit de fissure inquiétant avait atteint ses oreilles. Elle s’était alors retrouvée en plein vol, à la merci de la gravité.

Huuuhhhh ?!

« AAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHH ! »

Je tombe ! Je suis en train de tomber ! JE SUIS EN TRAIN DE TOMBER ! JE SUIS EN TRAIN DE TOMBEEEEEEER ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir ! JE NE VEUX PAS MOURIR !

Tout en criant à pleins poumons, Mitsuha avait prié du fond du cœur pour que quelqu’un l’aide.

JE NE VEUX PAS MOURIR ! JE NE VEUX PAS MOURIR !

« WAAAAAAAAAAAGHHHH ! »

Mitsuha entendit un étrange craquement, accompagné d’un cri qui n’était pas le sien, juste au moment où sa conscience la quittait.

 

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Partie 2

« Où suis-je ? »

Mitsuha regarda autour d’elle.

De l’écorce, des feuilles, de l’herbe, beaucoup d’arbres… Oui, je suis dans une forêt. Hé, attendez, attendez une seconde ! Je viens de tomber d’une falaise ! Il n’y avait que des vagues et des rochers au fond, non ?!, pensa-t-elle, déconcertée. Mais elle n’était pas en train de se plaindre de ce nouveau développement. Se réveiller dans une forêt au hasard, ce n’est pas génial. Mais c’est bien mieux que de se transformer en traces rouges sur des rochers !

Avec de telles pensées en tête, Mitsuha se leva par réflexe et vérifia son état. Oui, « par réflexe ». Qu’il s’agisse d’une habitude ou d’une sorte d’adaptation, Mitsuha avait toujours été ainsi depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir. Dans la plupart des cas, elle avait donné la priorité à l’action (on pensait pourtant qu’elle réfléchissait avant d’agir). Elle ne pensait pas que c’était tout à fait normal, mais les recherches superficielles pour identifier cette maladie n’avaient pas porté ses fruits.

Imaginez un instant qu’une balle volait vers vous. Vous auriez généralement deux choix : l’esquiver ou l’attraper. Vous ne perdriez pas votre temps à penser, Oh, regardez, il y a une balle qui arrive. Que dois-je faire ? Est-ce que je l’attrape ? Ou l’esquiver ? À gauche ? Peut-être à droite ?

D’un autre côté, vous ne feriez jamais d’actes réfléchis. Selon Mitsuha, le temps était un luxe qui permettait une réflexion et une stratégie approfondies. En un clin d’œil, vous ne pouviez compter que sur votre intuition pour traiter l’information dont vous disposiez afin de choisir la meilleure marche à suivre. Selon ses propres termes, les réflexes étaient le premier secours du mouvement. Ces réflexes se limitaient généralement à des mouvements physiques de base, mais dans son cas, ils semblaient s’appliquer à un plus large éventail d’actions, bien qu’elle n’ait pas entièrement compris pourquoi.

Un ami avait dit une fois à Mitsuha :

« Tu ne te demandes jamais pourquoi tu fais des trucs après les avoir faits, n’est-ce pas ? »

C’était ainsi que notre cher protagoniste avait reçu le surnom de « Spex », abréviation de « Spinal Reflex ».

Enlevez une lettre et ça devenait vraiment obscène, bon sang !

Peut-être que tous les êtres humains avaient la capacité de penser et de prendre des décisions en un instant, mais ils avaient omis de recourir à des processus de réflexion plus approfondis pour comprendre pourquoi ils les avaient pris.

Ah, mais nous sommes partis dans une tangente maintenant. Il est temps de la maîtriser et de revenir à ce qui compte vraiment, d’accord ?

OK, je ne suis blessée nulle part, et j’ai l’air à peu près normale. J’ai mon portefeuille, ma clé de maison… Mais qu’en est-il de la carte d’étudiant que j’ai depuis trois ans ?! Oh, c’est vrai. J’ai eu mon diplôme. Mitsuha avait également vérifié le grand sac à bandoulière qui était tombé avec elle et l’avait trouvé encore rempli de son parapluie, de mouchoirs et d’un sac d’épicerie en plastique. Ce dernier, selon elle, était particulièrement sous-évalué.

Après s’être assurée qu’elle avait tous ses membres et ses biens, Mitsuha avait vérifié son environnement. La forêt était relativement dense et la zone dans laquelle elle avait débarqué ne montrait aucun signe d’activité humaine. Elle ne voyait aucun sentier piétonnier et ne pouvait pas détecter les gens à proximité.

Je suppose que je vais devoir marcher, pensa-t-elle, alors qu’elle était déjà en marche.

Deux heures passèrent, et Mitsuha s’épuisa rapidement. Peu de rayons de lumière avaient traversé la canopée, à peine assez pour éclairer son chemin. Sans aucune idée de l’endroit où elle se dirigeait, tout ce que Mitsuha pouvait faire, c’était aller de l’avant, en évitant les arbres et les rochers sur son chemin. Elle sentait qu’il était tout à fait possible qu’elle tourne en rond, alors elle avait commencé à marquer certains des objets qu’elle voyait. Quand elle ne les voyait pas une nouvelle fois, elle interprétait cela comme un signe encourageant.

Je dois partir d’ici avant qu’il fasse nuit. Qui sait quels prédateurs vivent dans ces bois ? Je suppose que je pourrais dormir dans un arbre s’il le fallait, mais je me vois très bien me retourner et tomber de là. Je dois aussi trouver de l’eau… Y a-t-il un ruisseau ou quelque chose à proximité ? Quelques fruits juteux devraient aussi suffire.

« Bon sang, je suis fatiguée. »

Mitsuha marchait depuis environ quatre heures. Sur un bon sentier pédestre, elle ne se serait pas fatiguée aussi rapidement, mais elle se promenait à travers les sous-bois sauvages de la forêt. Ses muscles étaient devenus raides et ses pieds palpitèrent. Le soleil commençant aussi à se coucher, elle avait donc décidé de grimper dans le premier arbre acceptable qu’elle rencontrera afin de passer la nuit ici.

Bien sûr, je ne dormirai probablement pas très bien, mais venir ici la nuit, c’est du suicide. Mon corps n’y résistera pas. De plus je ne verrais plus rien dans le noir, je ne serais plus qu’une délicieuse proie pour les chasseurs nocturnes qui rôdent autour.

Le matin suivant, Mitsuha était éreintée. Elle avait repris sa marche au lever du soleil, il y a trois heures, bien qu’elle n’ait pas pu dormir de toute la nuit. Non seulement elle avait peur de tomber de l’arbre qu’elle avait choisi, mais elle ne possédait aucune couverture ou quoi que ce soit d’utile, même de loin, pour la protéger les branches dures et noueuses.

« Ah ! »

Elle avait poussé un cri aigu en entendant un bruit désagréable venir de sa cheville gauche.

Sa fatigue corporelle et sa somnolence l’avaient distraite, alors elle avait fait un faux pas et s’était tordu la cheville sur une racine. Merde, ça fait mal, jura-t-elle intérieurement.

Cependant, elle l’avait enduré. Ce n’était pas comme si elle avait le choix. Rester en place n’améliorerait pas sa situation, et ce n’était pas comme si elle pouvait guérir miraculeusement si elle se reposait. Non, elle se forcera à continuer de marcher jusqu’à ce qu’elle trouve un village ou, au minimum, un sentier pédestre. Ce ne serait pas un choix idéal pour sa jambe, mais c’était mieux que la mort.

Quelques heures de plus étaient passées depuis. Mitsuha n’était pas tombée sur de la nourriture ou de l’eau pour soulager sa faim ou sa soif, et la douleur au niveau de sa cheville gauche n’avait fait que s’intensifier. Elle avait passé tellement de temps à penser à sa situation qu’elle en avait eu assez.

Après tout, j’ai tout mon temps.

Hier, elle n’avait été inconsciente qu’une vingtaine de minutes, peut-être une demi-heure. Elle avait vérifié l’heure de sa montre au moment où elle s’était réveillée. Ce qui rendait ce fait particulier, c’était que, de la falaise où Mitsuha se trouvait avant ça, il n’y avait pas de forêt de cette taille à laquelle on pouvait raisonnablement accéder en si peu de temps. De plus, Mitsuha était tombée d’une falaise, il était donc improbable qu’elle en soit sortie indemne. Cela l’avait conduite à trois conclusions possibles :

Un : je suis morte, et c’est l’au-delà.

Deux : je suis à l’hôpital quelque part, dans le coma, et tout ça n’est qu’un rêve.

Trois : J’ai été enlevée par des extraterrestres et emmenée loin, très loin… Moi aussi, j’aime bien la science-fiction, vous savez !

Après un bref moment de contemplation, elle s’était dite à elle-même, j’aimerais vraiment que ce soit le troisième ! Je ne suis pas fan des deux autres !

Mettant de côté le mystère de son arrivée, Mitsuha avait réaffirmé son désir d’atteindre la civilisation. Si elle découvrait qu’elle était encore au Japon, elle s’adresserait à la police sinon, elle se rendrait à l’ambassade du Japon la plus proche.

Lors de son troisième jour dans la forêt, Mitsuha était très fatiguée. Elle s’était réveillée l’après-midi du premier jour, et c’était encore le matin, si bien qu’il ne s’était écoulé qu’environ une journée et demie. Désespérée et privée de nourriture et d’eau, elle avait pris un pari en mangeant des feuilles de plantes. Elle pouvait tolérer la faim, mais la soif l’avait vaincue. À ce rythme, elle sentait que la mort n’était pas loin derrière.

J’ai dû me reposer bien plus qu’hier. J’ai l’impression de trébucher sur toutes les autres pierres ou racines. Mes bras et mes jambes sont couverts de bleus, et la douleur à la cheville me rend folle. J’ai l’impression que ça s’est répandu dans le reste de mon corps. Malgré tout, elle avait fait preuve de volonté et avait continué d’avancer. Sinon, elle mourrait.

Finalement, alors que son sens du temps était parti depuis longtemps et que sa conscience s’était assombrie, elle avait fini par trouver un chemin. Il était juste assez large pour une personne, alors elle doutait presque qu’il ait été pavé par des humains.

Ne me dites pas que c’est une piste d’animaux, je vous en supplie… Cette découverte l’avait amenée à se détendre si rapidement que, après trois jours de mouvements quasi constants, ses jambes avaient enfin cédé. Elle s’était effondrée au sol et avait immédiatement perdu connaissance.

◇ ◇ ◇

« Je ne reconnais pas ce plafond », murmura Mitsuha.

Malgré sa confusion, une petite partie d’elle était ravie de pouvoir prononcer l’une des trente premières lignes qu’elle avait toujours voulu dire.

Laissez-moi réfléchir… Si je ne suis pas complètement folle à ce point, j’ai passé des jours à errer dans une forêt qui n’aurait jamais dû être là au départ, et je me suis évanouie dès que j’ai trouvé un chemin. Maintenant, je suis allongée dans le lit d’un étranger, regardant un plafond que je n’avais jamais vu auparavant.

Après avoir rectifié ses pensées, aussi bizarres soient-elles, elle se rendit compte de ce qui se passait. Elle était dans la chambre à coucher d’une cabane confortable décorée de meubles minables. Malgré l’humilité de la pièce, tout semblait propre et en ordre.

Quelqu’un m’a-t-il sauvée ? se demanda-t-elle. Son esprit était encore dans le flou, mais elle était consciente de son besoin le plus fort et le plus immédiat, elle avait faim et soif.

« De l’eau ! Quelqu’un peut me donner à manger et à boire ? »

Juste après avoir élevé la voix, Mitsuha entendit des pas précipités s’approcher de l’autre côté de la porte. Elle s’était ouverte, révélant une petite fille. Elle ne semblait pas avoir plus de dix ans, elle avait des yeux d’un bleu éclatant et des cheveux d’argent scintillants. Sa robe, bien que simple, n’avait rien fait pour diminuer son visage tout simplement adorable. Elle s’éclaira d’un sourire et cria dans une langue que Mitsuha ne comprenait pas.

Grand frère, j’ai le sentiment que nous ne sommes plus au Japon, pensa Mitsuha.

Il ne semble pas que je sois dans la sphère anglophone non plus. Je sais très bien que j’ai raté mes examens d’entrée à l’université, mais peu importe ! Je peux encore savoir quand une personne parle anglais, ainsi que quelques autres langues. Au fur et à mesure que la jeune fille gazouillait, Mitsuha avait rapidement écarté le japonais, l’anglais, le chinois, le coréen, l’allemand, le français et l’italien. L’apparence exotique de la jeune fille était le seul indice qu’elle avait, et cela lui disait simplement qu’elle ne vivait certainement pas en Asie.

Bon, dans un premier temps il y avait une question plus urgente à régler : Mitsuha était affamée et sa gorge était si sèche qu’elle pouvait à peine parler. Elle s’occuperait d’abord de ses besoins, et la communication pourrait venir après. Après avoir demandé à la jeune fille de cesser de parler, elle avait mimé ce qu’elle voulait. Elle avait mis ses mains en coupe, faisant semblant d’en boire, puis elle avait montré du doigt sa bouche en se frottant l’estomac.

Voilà, ça devrait le faire. Même un singe comprendrait le message ! Peut-être que je ne devrais pas faire ce genre de comparaison vu que cette fille m’a probablement sauvé la vie.

Toujours souriante, la jeune fille avait prononcé quelques mots en réponse, puis elle s’était retournée et avait quitté la pièce. Oui ! Elle m’a comprise ! J’espère…

Mais Mitsuha n’avait aucune raison de s’inquiéter. Après quelques minutes, la jeune fille revint avec une femme que Mitsuha présumait être sa mère, si l’on en jugeait à leurs apparences. Elles avaient apporté un pichet d’eau et deux tasses, l’une vide et l’autre pleine d’une sorte de bouillie. D’un geste de remerciement précipité, Mitsuha prit l’eau et l’avala.

« Ouf ! Je me sens de nouveau vivante ! »

Elle poussa un soupir de soulagement, puis se tourna vers ses hôtes et inclina la tête.

« Merci beaucoup de m’avoir sauvée. »

Bien qu’elles n’aient peut-être pas compris ses paroles, Mitsuha avait senti que son langage corporel était suffisant pour exprimer sa gratitude. La mère de la fillette avait semblé choquée pendant un moment, probablement à cause de la langue étrangère, mais son visage s’était ensuite détendu avec un sourire chaleureux.

D’accord, laissons les remerciements de côté… C’est l’heure de la bouffe ! Mitsuha avait attrapé la nourriture. Cela semblait être des morceaux de pain immergés dans du lait bouilli et dilué — du porridge à base de pain, pour ainsi dire. Bien que la nourriture soit simple, elle était nutritive et facile à digérer, ce qui était précisément ce dont Mitsuha avait besoin. Vu sa chaleur et la rapidité avec laquelle elles l’avaient apportée, il était clair qu’elles l’avaient préparée pour le lui servir quand elle se serait réveillée.

Quel couple de bons Samaritains ! Je devrai les remercier correctement à mon retour. Elles m’ont sauvé la vie ! Mitsuha avait pris sa décision pendant qu’elle mangeait.

Une fois nourrie, elle sentit la somnolence l’envahir. Son évanouissement antérieur et l’inconscience qui s’en était suivie étaient loin d’être des moments de repos. Nourrie et détendue, elle referma les yeux et finit par s’endormir dans le sommeil qu’elle méritait.

***

Partie 3

« Je reconnais ce plafond », murmura Mitsuha.

Bien sûr, c’était le même plafond granuleux qu’elle avait vu la dernière fois qu’elle s’était réveillée. La plus grande différence entre ce moment et maintenant, c’était qu’elle se sentait rafraîchie.

Je dois juste ignorer les coupures que j’ai partout, ma cheville tordue, et mes cuisses et mes mollets surmenés. Ce n’est pas grave. Maintenant, comment comprendre cette situation ? s’interrogea-t-elle.

Mitsuha s’était retrouvée dans un bâtiment peu sophistiqué adjacent à l’immense forêt qu’elle avait traversée. Elle avait d’abord supposé que le bâtiment brut était une sorte de cabane de montagne, mais cela semblerait être une maison assez standard pour la région. Cela l’avait amenée à conclure qu’elle se trouvait dans un village rural.

On dirait que je dois me rendre dans une ville plus grande et contacter l’ambassade. J’espère qu’ils ont des téléphones là-bas.

Tandis qu’elle réfléchissait à ses pensées, la porte s’ouvrit, et la jeune fille aux cheveux argentés d’avant entra. Elle est probablement venue me voir parce qu’elle a senti que je suis réveillée. Cette petite nymphe des bois a des sens aiguisés ! Voyant que Mitsuha était réveillée, la jeune fille était entrée, avait chargé en direction du lit et s’était précipitée vers elle. Sa tête au sommet argenté s’était directement enfoncée dans l’estomac de Mitsuha.

« GUHHHHH ! JE ME RENDS, JE ME RENDS ! »

Mitsuha avait lutté pour se libérer de l’étreinte de l’ours qui avait suivi, qui avait dangereusement mis son frêle corps en danger.

« MA COLONNE VERTÉBRALE ! TU VAS CASSER MA COLONNE ! »

Après quelques tapotements sur l’épaule, la fille avait libéré Mitsuha de son étau. Alors que Mitsuha retombait dans le lit et se tordait de douleur, son adorable agresseur inclina la tête dans la confusion.

Ce n’est donc qu’une expression d’affection, probablement une salutation locale. C’est si intense, et cela ne provenait que d’une petite fille. Un adulte m’écraserait probablement ! Mitsuha avait fait une note mentale pour esquiver si elle sentait un danger imminent.

Après s’être remise de l’étreinte mortelle, elle s’était assise sur le lit avec la fille et les deux avaient commencé à communiquer. Bien sûr, les mots s’étaient avérés infructueux, mais avec le temps, Mitsuha avait senti qu’elle pouvait obtenir l’information qu’elle recherchait par de simples gestes et expressions.

Il s’était avéré que cette fille était celle qui avait trouvé Mitsuha après qu’elle se soit évanouie sur le chemin et qu’elle avait demandé à ses parents de l’accueillir. La jeune fille avait ensuite fait visiter la maison à Mitsuha, qui était vide à l’heure actuelle.

Ses parents doivent être en train de travailler. Ou peut-être que maintenant que je me suis réveillée, ils sont allés parler de moi à quelqu’un.

Le couple avait dû sortir lorsque Mitsuha avait exprimé le désir d’aller aux toilettes. Dehors, vraiment ? Merde, on est vraiment dans la cambrousse. Elle l’avait déjà déduit, mais c’était bien au-delà de ce qu’elle avait imaginé. Il n’y avait rien dans la région à part quelques autres cabanes, qui étaient faites de bûches de bois à peine transformées.

Si je dois deviner d’où vient le terme « les bâtons », ce serait là, dit Mitsuha à elle-même. Et où sont les lampadaires et les poteaux ? Oh, j’ai compris, ils gardent l’endroit pittoresque et accueillant en utilisant des câbles souterrains, non ? Ugh, cela doit être ça ! On aurait dit qu’elle devait se mettre à trouver le chemin de la ville la plus proche.

Après leur retour à l’intérieur, Mitsuha avait repris ses tentatives de communication. La « conversation » était lente et maladroite, mais elle était surprise de voir à quel point elle était capable d’apprendre. Il était possible qu’elle n’ait pas compris certains détails, mais elle espérait qu’elle n’était pas trop loin.

Si elle avait bien compris cette fille — qui se nommait Colette — c’était une enfant unique qui vivait dans cette maison avec seulement ses parents. Ce village était presque complètement autosuffisant, survivant d’industries simples comme l’agriculture, la foresterie et la chasse. Et comme elle l’avait déjà dit, c’était Colette qui avait découvert Mitsuha inconsciente sur la piste et qui avait appelée du secours. Après cela, Colette s’était occupée d’elle, lui essuyant sa sueur, la maintenant hydratée, etc.

Attendez, c’est réellement ma bouée de sauvetage ! Mitsuha s’en était rendu compte et avait impulsivement tiré la plus jeune fille vers elle pour lui faire un câlin. Colette gloussa un peu et lui tendit la main pour la serrer dans le dos. Sentant le danger, cependant, Mitsuha l’avait repoussée par réflexe. Elle avait toujours été rapide, surtout quand il s’agissait d’une question de vie ou de mort. Alors qu’elle était assise là, se sentant en quelque sorte victorieuse, l’expression choquée de Colette commença à se hérisser de larmes.

Oh, non ! Mitsuha avait désespérément essayé de s’excuser et de la remettre de bonne humeur. Colette avait fini par lui pardonner, même si elle avait l’air un peu boudeuse. Bien jouer, Mitsuha ! T’as vraiment merdé ! jura-t-elle intérieurement. Mais quand les parents de Colette étaient revenus, elle était redevenue normale. Elle a vraiment l’air enfantine, hein ?

Maintenant que ses parents étaient à la maison, Mitsuha avait cherché à communiquer avec eux. Après tout, il n’y avait pas grand-chose à apprendre d’une fillette de huit ans. Oui, elle s’était trompée sur l’âge de Colette. Elle avait d’abord cru que la fille avait dix ans, mais elle avait découvert qu’elle avait deux ans de moins. C’était une surprise pour elle, car elle sentait que la jeune fille était plutôt mature pour quelqu’un de son âge. Pour moi, c’est celle qui m’a sauvé la vie !

Malheureusement, les tentatives de Mitsuha pour obtenir des informations supplémentaires des parents de Colette avaient été décevantes. Ils avaient apparemment travaillé à leur ferme, sans en parler à quelqu’un. Ce n’était pas comme s’ils étaient des méchants qui la gardaient captive, ils n’avaient tout simplement pas envisagé de la dénoncer aux autorités.

Quoi qu’il en soit, Mitsuha était plus que reconnaissante pour la nourriture et l’hospitalité qu’ils lui avaient offerte. En pire compagnie, elle aurait pu être vendue à des trafiquants d’êtres humains et traités comme une esclave. Tout bien considéré, elle pensait que ses hôtes étaient des gens bien et qu’ils l’avaient traitée favorablement. Ce qui l’avait vraiment déçue, cependant, c’était qu’elle n’avait pas appris plus d’eux qu’elle n’en avait appris de leur fille.

Alors qu’il y avait la barrière de la langue à considérer, Mitsuha avait fait progresser ses méthodes gestuelles grâce à des dessins. Pourtant, tout ce qu’elle avait appris à la fin, c’était que l’intelligence du couple était probablement au même niveau que celui de Colette. La fille était-elle une sorte de prodige, ou ses parents étaient-ils un peu malheureux à cet égard ? 

Mitsuha avait dessiné une simple carte du monde et avait essayé de leur demander de préciser leur emplacement, mais il semblerait qu’ils ne pouvaient même pas lire la carte. Je ne suis pas si mauvaise en dessin, n’est-ce pas ? s’inquiéta-t-elle. Elle avait alors fait semblant d’utiliser un téléphone, mais ils n’avaient fait qu’incliner la tête dans la confusion. Mitsuha supposait qu’ils étaient coincés dans une époque plus primitive, dépourvue d’appareils à boutons-poussoirs, alors elle avait dessiné un téléphone à cadran, tout en faisant de drôle de sons. Elle faisait certainement de son mieux. Attendez, c’est quoi ces applaudissements ?! Je ne suis pas un mime, bon sang !

Et c’était de cette manière qu’elle avait abandonné. Mitsuha avait décidé de rester avec la famille de Colette, l’aidant dans la maison jusqu’à ce qu’elle se rétablisse complètement. Elle emballerait alors quelques rations et partirait pour la ville. Je leur enverrai mes remerciements à mon retour du Japon. Je n’ai pas d’autre choix !

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2 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre de ce nouveau roman.

  2. Merci pour le chapitre

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