Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 5 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Faire un catalyseur

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Chapitre 2 : Faire un catalyseur

Partie 1

À la fin, nous nous étions décidés pour une épée et une dague pour Alize. Nous avions dit à Clope et Luka que nous serions éloignés de Maalt pendant un certain temps, ce qui leur laissait le temps de finir les armes. Alize ne les utilisera qu’après que Lorraine et moi soyons revenus de Hathara. Cela dit, nous avions le temps de nous entraîner un peu avant de partir, mais Alize pourrait emprunter une épée et un poignard à l’un d’entre nous pour cela. Nous avions probablement du vieux matériel usagé qui pouvait servir à l’entraînement, mais qui ne pouvait pas tellement être utilisé à la lutte contre les monstres. C’était suffisant pour l’instant.

J’avais aussi consulté Clope au sujet de l’armure, mais il m’avait dit qu’Alize serait mieux avec une armure en cuir ou une robe renforcée. Puisque les poignards et la magie seraient ses principaux moyens de combat à l’avenir, quelque chose de plus léger serait mieux. Clope nous avait référé à un autre magasin d’armures, mais comme il ne restait plus beaucoup de temps dans la journée, nous avions décidé de visiter une autre fois. Il y avait d’autres affaires à régler.

« Il est maintenant temps de fabriquer un catalyseur magique. Prêts, vous deux ? » demanda Lorraine.

Nous avions quitté l’échoppe de Clope et étions retournés dans le salon de Lorraine. Lorraine avait installé une grande table et une écritoire, et elle avait tenu un bâton dans sa main. Le tableau était un objet magique sur lequel les mots et les images pouvaient être dessinés et effacés à plusieurs reprises. Lorraine pensait que le processus de création d’une baguette serait plus facilement compréhensible par le biais de supports visuels, elle avait donc sorti le tableau de quelque part. Je ne pouvais pas imaginer qu’il était bon marché, mais je me demandais si tous les universitaires en possédaient un. Non pas que je le sache, mais Lorraine en avait un, alors je l’avais supposé.

« Oui, je suis prête ! » cria Alize.

Lorraine l’avait regardée avec satisfaction et s’était ensuite tournée vers moi. « Et vous, Rentt ? » Elle me l’avait demandé.

« Je suis prêt, oui, » avais-je gémi.

« Mets-y un peu de vie, » avait-elle demandé, mais je lui avais lancé un regard de protestation. Elle m’avait désigné avec son bâton. « Es-tu déterminé à refuser ? »

J’avais renoncé à résister. « Oui, je suis prêt ! » J’avais crié aussi fort que mes poumons le permettaient. Alize avait ri.

Nous étions, bien sûr, en train de plaisanter. Lorraine et moi étions ensuite revenus à nos comportements habituels, et la conférence s’était poursuivie.

« Ce n’est pas très difficile. Aujourd’hui, je vais vous montrer comment faire une baguette, le catalyseur magique le plus élémentaire. Les anneaux et les armes peuvent également servir de catalyseurs, pour n’en nommer que quelques-uns, mais ceux-ci sont quelque peu avancés. Quoi qu’il en soit, vous devez apprendre les bases avant d’essayer quelque chose de plus complexe. Me suivez-vous jusqu’ici ? » demanda Lorraine.

Lorraine nous avait regardés faire un signe de tête silencieux. « Bien. Alors, commençons tout de suite. Tout d’abord, laissez-moi vous faire une démonstration. » Elle avait puisé dans les matériaux que j’avais collectés et elle avait sorti du bois d’un arbuste et le cristal magique d’un soldat orc.

« C’est tout le matériel dont vous avez besoin pour un catalyseur de base. Même ce document peut avoir une certaine profondeur si vous voulez vous attarder sur les petits détails, mais vous n’avez pas besoin de le savoir pour l’instant. Très bien, c’est parti. D’abord, je vais dessiner un cercle magique sur ce tableau, » déclara Lorraine en frappant le tableau avec son bâton. Un simple cercle magique composé de cercles, de triangles et de carrés était apparu. Ensuite, elle avait utilisé un pinceau à encre pour écrire le même cercle sur un tableau sur la table. La planche semblait être faite de bronze, et le cercle d’encre s’était installé à sa surface.

« Touche-le, » déclara Lorraine, à Alize. À sa grande surprise, l’encre avait déjà séché comme si le motif faisait partie du tableau, à sa grande surprise.

« Cette planche a-t-elle quelque chose de particulier ? » Alize avait demandé, mais Lorraine avait secoué la tête.

« Non, c’est une planche de bronze ordinaire. C’est l’encre qui est spéciale. Elle est faite pour dessiner des cercles magiques. Non pas que vous ne puissiez pas vous en passer, mais elle s’imprègne dans la matière de telle sorte que vous n’avez pas à vous soucier de sa finition ou de sa disparition ultérieure. Essentiellement, elle augmente les chances de succès. »

L’encre était disponible dans la plupart des magasins d’objets magiques, mais seuls les mages et les alchimistes avaient tendance à l’acheter en raison de son prix élevé. De plus, écrire et effacer avec elle nécessitait de la magie, donc elle était difficile à utiliser pour le citoyen moyen. J’avais supposé que c’était pour cela qu’Alize n’était pas au courant.

« Je vois, » dit Alize d’un signe de tête.

« Ensuite, je vais verser du mana dans le cercle magique. Voilà, » dit Lorraine en touchant le tableau.

La façon dont elle infusait son mana semblait sans effort, mais elle ne l’était pas. Lorraine l’avait fait suffisamment de fois pour que cela paraisse simple. Alize et moi aurions besoin d’entraînement avant de pouvoir faire ça, c’était clair au premier coup d’œil, mais Alize ne semblait pas encore le savoir.

« Cela a l’air si simple, » dit-elle.

Ce n’était pas le cas. Rien que cela prendrait du temps à apprendre, mais Lorraine était quelque peu malicieuse sur ces questions.

« Oui, c’est simple, » avait-elle dit à Alize. Je ne savais pas si elle était sérieuse ou si elle avait l’intention de faire travailler Alize pour apprendre cela en peu de temps. Quoi qu’il en soit, c’était une déclaration effrayante.

« Alors, ensuite, » dit Lorraine, quand le cercle magique avait reçu assez de mana. Elle avait pris le cristal magique et l’avait placé sur le cercle. Il avait commencé à briller.

« Wôw, » chuchota Alize.

« On ne peut pas utiliser les cristaux magiques bruts comme catalyseurs, alors nous les faisons absorber ces cercles magiques. Nous pourrions simplement le laisser reposer pendant un moment, mais finissons-en rapidement aujourd’hui, » déclara Lorraine en tenant ses mains juste devant le cristal magique. Elle avait ensuite manipulé le mana à nouveau. Le cristal magique avait brillé avec plus de force pendant quelques secondes avant que la lumière ne disparaisse, après quoi Lorraine l’avait ramassé et l’avait regardé.

« Oui, cela fera l’affaire. Vous souhaitez y jeter un coup d’œil ? » demanda-t-elle. Elle tendit le cristal magique à Alize, qui le regarda avec un léger choc.

« Qu’est-ce que c’est ? » avais-je demandé.

« Le cercle magique est dans le cristal magique, » proclama-t-elle, puis elle me l’avait remis.

Comme l’avait dit Alize, le cercle magique tournait maintenant à l’intérieur du cristal magique. C’est ce que Lorraine avait voulu dire par son absorption. Mais j’étais habitué à ce spectacle, donc cela ne m’avait pas surpris. Je ne pouvais toujours pas créer d’objets magiques, mais j’étais devenu assez bon pour les juger. Le côté pragmatique de mon esprit d’aventurier avait dû se demander à quel prix cela pourrait se vendre. La baguette pour laquelle ce cristal magique était utilisé ne vaudrait probablement pas grand-chose.

Cela m’avait rappelé quelque chose. « Alize, demande à Lorraine de te montrer l’une de ses baguettes. C’est soigné, » avais-je suggéré. Lorraine avait un tas de bâtons, d’anneaux et d’autres catalyseurs magiques. J’avais pensé que ce serait bien de laisser Alize en voir un qu’elle utilisait régulièrement.

« C’est vrai, cela pourrait rendre les choses plus faciles à comprendre. Voilà, » déclara Lorraine, qui avait ensuite pris une baguette appuyée contre le mur et l’avait donnée à Alize.

« Alize, regarde le cristal magique qui est dessus, » avais-je recommandé.

« Wôw, c’est incroyable ! » Elle s’était exclamée et avait ouvert les yeux encore plus grands qu’il y a un instant.

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« N’est-ce pas ? » avais-je dit.

Alize fit un signe de tête et regarda à nouveau le cristal magique. « Il y a tellement de cercles magiques, et ils sont repliés ensemble, donc ils ont l’air un peu sphériques, » avait-elle observé en me donnant la baguette.

Je savais ce qu’il y avait, mais j’avais jeté un coup d’œil comme j’en avais l’occasion. Des cercles magiques bien plus complexes que celui que Lorraine venait de créer s’y trouvaient. Et ils étaient tous reliés entre eux pour former des orbes, au nombre de trois. Chaque globe restait suffisamment éloigné des autres pour ne pas se toucher, et ils tournaient tous dans des directions différentes. C’était comme regarder un sablier, et c’était assez hypnotique pour que je puisse continuer à le regarder pour toujours.

« On appelle cela des cercles magiques à trois dimensions et à plusieurs niveaux. En structurant les cercles magiques en trois dimensions, il est possible d’écrire plus d’informations. Les cercles magiques contiennent des informations sur chaque motif et chaque caractère, et il est difficile de voir avec quelle efficacité ils peuvent être assemblés. Les formes tridimensionnelles peuvent bien sûr stocker beaucoup plus d’informations. Si vous voulez vous compliquer la vie, il y a ce qu’on appelle les cercles magiques multidimensionnels à couches, qui sont quadridimensionnels — Oh. »

Lorraine s’était arrêtée lorsqu’elle avait remarqué qu’Alize devenait de plus en plus confuse. Je savais ce qu’elle ressentait. J’avais beaucoup appris des livres que j’avais empruntés à Lorraine, mais Alize avait grandi dans un orphelinat, alors ça devait être dur pour elle de suivre. Lorraine semblait avoir eu la même idée.

« Désolée. Ce serait plus facile à comprendre si je t’apprenais d’abord les maths. Je te parlais comme à Rentt. Ce n’est pas bien, » Lorraine s’était excusée.

Alize avait secoué la tête. « Non, j’ai au moins eu l’impression que c’est quelque chose de remarquable. Rentt, comprenez-vous ce langage compliqué ? » demanda Alize.

« Plus ou moins. La lecture des livres de Lorraine est l’un de mes passe-temps. Je fais cela depuis une décennie, j’ai donc appris une chose ou deux, » avais-je dit.

Quant à savoir ce que j’avais appris en particulier, un roturier me considérerait comme assez bien informé. Cependant, pour quelqu’un comme Lorraine je ne pouvais pas faire beaucoup plus que de parler. J’avais beaucoup de connaissances en matière d’aventures concernant cette ville, mais les notions universitaires ne faisaient pas partie de mon domaine d’expertise. Dans ma ville natale de Hathara, le maire et une vieille femme médecin m’avaient enseigné quelques notions de base, ce qui avait suffi pour que je lise les livres de Lorraine par moi-même, mais cela n’avait rien de spécial.

Lorraine n’était pas d’accord. « Rentt est plutôt bon. Comment un homme comme lui a-t-il été élevé dans un village au milieu de nulle part est un mystère, » dit-elle en me complimentant.

C’était un mystère pour elle parce que je n’avais pas beaucoup parlé de mes origines ou de ma ville natale. J’avais mentionné en passant les enseignements de la femme médecin et du maire, mais c’était tout. Lorraine n’avait jamais essayé d’être indiscrète. Les aventuriers avaient tendance à avoir une histoire qu’ils préfèrent garder secrète. Si l’un d’entre eux avait choisi de ne pas parler de son passé, les autres ne devraient pas le demander.

« Eh bien, assez parlé de moi. Retournons à la fabrication de cette baguette, » avais-je dit.

Lorraine avait fait un pas en arrière. « C’est vrai. Je crois que je me suis arrêtée après avoir mis un cercle magique dans le cristal magique. L’étape suivante consiste à s’occuper de la prise de la baguette, mais il existe de nombreuses façons de s’y prendre. »

« Vraiment ? » demanda Alize.

« Oui. Par exemple, la méthode la plus ancienne est de la tailler à la main. Vous pouvez utiliser un couteau ou un autre outil pour le façonner comme bon te semble. C’est ainsi que cela se faisait dans le passé, mais cela prend des années, et les erreurs peuvent avoir des résultats désastreux. Je ne le recommanderais pas, mais un artisan qualifié peut ainsi créer des baguettes du plus haut calibre. Vous pouvez essayer si vous avez l’intention de devenir artisan, mais nous nous concentrons sur l’essentiel pour l’instant, donc vous n’avez pas besoin de suivre cette voie, » déclara Lorraine.

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Partie 2

« La méthode la plus simple et la plus connue consiste à façonner votre baguette magique. Par exemple, vous pouvez faire cela, » dit-elle en commençant à verser du mana dans le bois de l’arbuste. Elle avait fait ça jusqu’à ce qu’il soit rempli de suffisamment de mana, puis elle avait utilisé le mana pour décoller une partie du bois et la faire flotter dans l’air. Elle était de la longueur d’une baguette moyenne, soit une trentaine de centimètres. Elle avait manipulé davantage le mana pour remodeler cette partie petit à petit. Le mana s’était enroulé autour du bois comme une spirale, le façonnant progressivement en une baguette. Elle était structurée de telle sorte que l’écorce formait la surface extérieure de la baguette, et la forme allait d’un côté fin à de plus en plus épaisse à mesure qu’elle s’approchait de l’autre. On pourrait appeler cela le travail d’un artisan.

« Voici la partie la plus difficile. Le cristal magique et la baguette doivent être combinés. Rien ne va plus. » Lorraine avait versé le mana dans le cristal magique d’une main et dans la baguette de l’autre, les faisant flotter et s’approcher l’un de l’autre. Des étincelles bleu clair s’envolèrent du bout de la baguette, et lorsque le cristal magique s’approcha, il s’accrocha au bois. Une fois entièrement jointe, le bois autour du bout de la baguette s’était déplacé et s’était enroulé autour du cristal.

Lorsque Lorraine avait pris la baguette, la lumière qui en émanait et le cristal magique s’étaient éteints. « C’est comme ça qu’on fait. Je suppose que cela a donné un bon résultat, » murmura-t-elle en regardant la baguette sous plusieurs angles.

« C’était un spectacle étrange à voir. C’était joli, mais un peu effrayant. Je ne suis pas sûre de pouvoir y arriver, » déclara timidement Alize.

« L’alchimie est un ensemble de compétences qui nous aide à comprendre chaque étape de ce processus. Je sais ce que tu ressens, mais je suis certaine que tu peux le faire. En ce qui concerne l’alchimie, c’est la plus élémentaire des bases. En termes de cuisine, c’est comme apprendre à utiliser un couteau de cuisine. Pour aller plus loin, il faut de la pratique et du talent, mais tout le monde peut le faire avec une certaine formation. Ne t’inquiète pas, » lui avait dit Lorraine en souriant.

Quelqu’un sans mana aurait été confus par ce que Lorraine venait de démontrer, mais elle n’était pas du genre à mentir dans des moments comme celui-ci, alors ce qu’elle avait dit devait être la vérité.

Je m’étais demandé si je pouvais faire ce que Lorraine avait également démontré, alors j’étais heureux qu’elle ait dit cela à Alize. J’avais des doigts plus agiles que la plupart des personnes, mais si et comment cela pouvait s’appliquer à l’alchimie était un mystère. Je ne pouvais pas non plus gérer le mana aussi bien, mais j’étais au moins devenu plus efficace au cours de la dernière décennie. Il y avait de fortes chances pour que tout aille bien, mais j’étais incertain. Ma priorité absolue était de ne pas laisser Alize me voir échouer. Je ne savais pas si Lorraine comprenait ce que je ressentais ou non, mais elle était passée à autre chose.

« Pourquoi ne pas essayer ? Choisissez les matériaux que vous souhaitez. Tous les biens que Rentt a collectés sont de haute qualité, donc tout devrait fonctionner, » déclara Lorraine.

◆◇◆◇◆

Alize et moi n’étions pas sûrs des matériaux à utiliser, mais nous avions pris une décision après un certain temps. Naturellement, j’avais laissé Alize choisir en premier. Pour commencer, j’avais tout rassemblé pour elle, donc si je prenais les meilleures marchandises avant qu’elle n’en ait l’occasion, tout cela ne servirait à rien. Je pourrais vivre avec les restes. En fin de compte, je pourrais collecter plus de matériaux si je le voulais.

Alize avait sélectionné le bois d’un arbuste de bouleau et le cristal magique d’un gobelin des mines. J’avais recommandé, à la place, d’utiliser le cristal magique d’un terra-drake.

« Celui-ci est plus joli, alors je veux celui-là », dit-elle en ramassant le cristal magique du gobelin des mines. C’était un beau bleu et il était attrayant pour les yeux, mais sa qualité n’était que médiocre. En revanche, le cristal du terra-drake était rouge vif et de grande qualité. Ce n’était rien comparé au cristal magique d’une tarasque, mais parmi ce qui était disponible, celui du terra-drake était le meilleur.

Lorraine avait semblé reprendre mes pensées. « Ce n’est pas comme si nous faisions l’ultime baguette magique ici. C’est sa première, alors laisse-la faire ce qu’elle veut. Elle a plus de chances de réussir de cette façon. Il n’est pas nécessaire de lui faire utiliser quelque chose de mieux, » déclara Lorraine.

Dans ce cas, j’avais supposé que c’était bon. Le cristal magique du terra-drake était de toute façon mon préféré, et j’aimais le bois d’ébène.

« Maintenant que vous avez tous deux choisi vos matériaux, il est temps de peindre un cercle magique. Vous avez des pinceaux ? » demanda Lorraine.

Nous en avions tous les deux. Deux bouteilles d’encre étaient également posées sur la table.

« Bien. Alors, tout d’abord, remplissez vos pinceaux de mana. Je l’ai fait plus tôt, mais je suis sûre que vous ne l’avez pas remarqué. Vous n’avez pas besoin d’en utiliser trop. Si vous en utilisez trop, cela n’est pas grave, donc je suppose que je n’ai pas besoin d’expliquer ça. En tout cas, versez le mana dans votre pinceau petit à petit, puis maintenez le mana stable en trempant le pinceau dans l’encre. Commencez, » déclara Lorraine.

J’avais fait comme elle l’avait décrit et j’avais rempli le pinceau avec une petite quantité de mana. J’étais maintenant habitué à ce genre de travail, donc c’était un jeu d’enfant. Ce n’était pas différent de l’ajout de mana à une arme. Alize, cependant, n’avait jamais fait cela auparavant, elle avait donc quelques difficultés. Une décennie d’expérience faisait toute la différence par rapport à un débutant, mais Alize semblait trouver cela un peu frustrant.

« Tu ne me battras pas, Rentt ! » Elle avait dit et s’était excitée, mais c’était pour rien de bon.

« Euh oh, n’utilise pas trop de mana, » avertit Lorraine.

« Hein ? » s’exclama Alize.

Alize avait versé une tonne de mana dans son pinceau et l’avait trempé dans l’encre, ce qui avait fait frémir le liquide noir et l’avait fait jaillir de la bouteille comme une fontaine. J’avais souri, attirant l’attention sur son visage noir.

J’avais étouffé un rire et j’avais essayé d’agir sérieusement. « Je vois, donc utiliser trop de mana fera éclabousser l’encre. Mieux vaut être prudent, » avais-je dit.

Lorraine avait fait un signe de tête. « C’est vrai. Mais n’attise pas trop les flammes. Et Alize, ne t’énerve pas. Je pense que la concurrence est bonne, mais pas pour ce travail en particulier. »

« Pourquoi ? » Alize l’avait interrogée. Elle n’avait pas l’air de comprendre, alors Lorraine l’avait expliqué.

« Je suppose que tu n’as jamais appliqué de mana sur un pinceau avant, mais Rentt utilise toujours du mana sur son arme quand il se bat. Il le fait depuis une décennie. Cela veut dire que dans ce travail, il est loin d’être un novice, » déclara Lorraine.

« Que diable ? Ce n’est pas juste ! » cria Alize.

« Que veux-tu ? Je ne peux pas redevenir un débutant maintenant. C’est ma première tentative d’alchimie, mais contrôler le mana est l’une de mes spécialités. J’arrêterais d’essayer de me surpasser à ce niveau, si j’étais toi, » avais-je expliqué.

Cela aurait dû être évident de toute façon, mais Alize semblait un peu mécontente. Elle était néanmoins assez obéissante et aimable. « Je pensais que nous apprendrions à le faire ensemble, » avait-elle dit. En d’autres termes, elle espérait que nous progresserions au même rythme. Je savais ce qu’elle voulait.

« Nous pouvons encore le faire, mais il y a des domaines où je sais ce que je fais, c’est tout. La magie et l’alchimie ne sont pas quelque chose que tu peux utiliser sans les avoir apprises au préalable. »

« Mais en es-tu sûr ? » Alize avait penché sa tête, pas tout à fait convaincue.

« Il a raison, » déclara Lorraine. « Tu es bien meilleure que Rentt il y a dix ans. Si tu es meilleure que lui dans dix ans, cela signifie que tu as gagné. »

C’était vrai, et j’étais sûr qu’elle me laisserait dans la poussière. J’avais prévu de continuer à devenir plus fort, mais en une décennie, Alize avait le potentiel pour devenir aussi forte que je l’étais maintenant.

« Je ferai de mon mieux, » répondit sincèrement Alize.

Après cela, Lorraine avait incanté Linpio et avait sorti une nouvelle encre pour que nous puissions nous remettre au travail. Ça ne pouvait pas être bon marché, alors je m’étais demandé combien elle avait sous la main, mais ça n’avait pas d’importance.

J’avais réussi à appliquer du mana sur mon pinceau du premier coup, mais ce fut une lutte pour Alize. Malgré tout, elle l’avait réussi juste après une heure environ. Son talent était digne d’envie. L’apprentissage de cette compétence m’avait pris beaucoup plus de temps. Le mana à l’intérieur de ton corps était assez facile à manipuler une fois que tu en avais pris conscience, mais l’expulser de ton corps nécessitait des sensibilités différentes. J’ai réussi à le comprendre après une semaine, loin d’être aussi rapide qu’Alize.

« Alors, passons à la peinture du cercle magique. Vous devez garder le mana dans votre pinceau, donc cela demande une certaine concentration. Bonne chance, » déclara Lorraine.

Alize et moi, nous nous étions mis au travail. Maintenir le mana dans le pinceau était aussi naturel pour moi que de respirer, donc je n’avais pas besoin de me concentrer autant, mais Alize se forçait. Elle avait pu le faire, mais son combat avait montré qu’il lui restait des choses à apprendre. Si elle avait atteint mon niveau en une seule journée, je n’aurais jamais pu me montrer à nouveau. Mais si cela se produisait, cela signifierait que l’aptitude d’Alize était phénoménale, donc je ne pouvais pas me plaindre.

« L’as-tu déjà fait, Rentt ? » demanda Lorraine.

« Oui, peux-tu vérifier si c’est bon ou non ? » lui demandai-je en retour.

« J’ai toujours su que tu avais de bonnes mains. Tu l’as peint à la perfection. À ce propos, es-tu aussi un bon artiste ? » demanda Lorraine.

« Je ne sais pas si je dirais que je suis bon. Dans la moyenne, peut-être, » répondis-je.

Lorsque je partais à l’aventure et que je devais décrire les traits des monstres que je rencontrais à d’autres aventuriers dans le cadre du même travail, je dessinais sur le terrain pour garder des traces. Cela m’avait permis de m’entraîner. La vie consistait à vivre une variété d’expériences de ce type.

« Alors tu ne devrais pas avoir de problèmes. C’est utilisable. Maintenant, voyons celui d’Alize, » déclara Lorraine en regardant à ses côtés.

« Comment cela se passe-t-il ? » demanda Alize.

« Pas mal. Mais cette partie est un peu déformée. Cela fonctionnera toujours, mais de plus grosses erreurs peuvent empêcher le cercle magique de fonctionner, voire produire des effets inattendus. Essaie d’être plus prudente, » lui avait dit Lorraine.

« Quels sont les effets inattendus ? » demanda Alize.

« Il en existe de toutes sortes, mais une histoire couramment racontée par les mages est celle d’un mage nommé Conra qui n’avait aucun talent artistique. Conra était si doué dans l’art de la persuasion qu’il est devenu un mage de la cour, mais un jour, il a été chargé de l’un des rituels par son pays. Ce n’était pas un problème en soi, mais le rituel consistait à créer un cercle magique qui générait des feux d’artifice. Conra savait qu’il était sans espoir en matière d’art, mais il décida que si le cercle magique échouait, il utiliserait simplement la magie pour envoyer des feux d’artifice en l’air à la place. Mais lorsqu’il a créé le cercle magique et l’a déclenché, quelque chose d’épouvantable s’est produit. Qu’est-ce que tu penses que c’était ? » répondit Lorraine, finissant par une question.

« Je ne sais pas, quoi ? » demanda Alize.

« Il a invoqué un dragon de feu qui a réduit en cendres toute la région, » répondit Lorraine.

Cette horrible conclusion avait rendu le visage d’Alize bien pâle. La possibilité que son cercle magique peut avoir des résultats similaires avait dû l’effrayer.

« C’est juste une vieille histoire que nous nous racontons. Rien de si dévastateur ne se produira. Conra était mauvais dans les cercles de magie, mais il restait un mage incroyable avec une immense quantité de mana. Ils disent que c’est pour cela que son erreur a été si catastrophique. Tes erreurs pourraient au pire faire surgir un slime que nous pourrions facilement piétiner. Cela ou bien il pourrait faire un bruit fort ou une faible explosion qui ne ferait pas de dégâts. Tu n’as pas à t’en inquiéter. Je vais m’occuper de tout ce qui se passe, » déclara Lorraine, mettant Alize à l’aise.

***

Partie 3

Même le processus consistant à verser du mana dans la plaque de bronze avait donné du fil à retordre à Alize. L’objet était différent, mais c’était un peu comme envoyer du mana dans le pinceau. Il fallait s’attendre à ce qu’elle ait des difficultés avec les deux. Pour moi, c’était le contraire. L’application du mana sur les armes, les pinceaux ou les planches de bronze était identique, ce qui signifie que mes dix ans d’expérience à mettre une lamelle de mana dans mon arme à tout moment avaient rendu ce travail simple.

Je m’étais presque senti mal pour Alize, mais ce n’est pas non plus comme si c’était facile pour moi. Ce qu’elle essayait d’accomplir en un jour était une chose à laquelle j’avais travaillé pendant des années. Il était injuste que ses compétences commencent à prendre forme si tôt. Tout allait fonctionner quand vous aviez du talent, mais peut-être que mon manque de talent était le vrai problème. Ou peut-être que c’était normal. Je ne savais pas.

« Très bien, maintenant placez votre cristal magique sur la plaque de bronze, » déclara Lorraine après que nous ayons fini de peindre nos cercles magiques. « J’ai raccourci le processus dans ma démonstration pour gagner du temps, mais il vous faudra beaucoup de temps pour tenter cela. Vous utiliserez la méthode de base et placerez simplement le cristal magique sur le tableau. À terme, il absorbera naturellement le cercle magique. »

Lorraine avait fait quelque chose pour que le travail soit terminé immédiatement, mais cela semblait être une technique difficile. J’étais intéressé par l’idée d’essayer, mais Lorraine avait dit qu’il était trop tôt pour nous, alors je doutais de pouvoir y arriver. J’avais décidé d’accepter de prendre la voie normale avec Alize.

Si j’étais pressé d’apprendre l’alchimie, ce serait une autre histoire, mais j’étais un épéiste. La maîtrise de plusieurs compétences pourrait être pratique, mais je n’étais pas si sûr de l’alchimie. Ce n’était pas un ensemble de compétences qui pouvait donner des résultats rapides pour un aventurier. La capacité à produire des médicaments de haute qualité par soi-même était précieuse, c’est sûr, mais j’avais appris à faire des médicaments grâce à la femme médecin de ma ville natale, même si les produits étaient un peu plus faibles que ceux d’un alchimiste. Si je me trouvais dans de réels problèmes au-delà de cela, je pourrais aussi accéder à la divinité.

J’avais suivi les instructions de Lorraine et j’avais placé le cristal magique sur la plaque de bronze. L’encre séchée du cercle magique semblait se détacher et être aspirée à l’intérieur. C’était arrivé en un instant pour Lorraine, un éclair de lumière et c’était fini, donc je n’avais pas eu la chance de regarder cette partie. C’était un spectacle inhabituel maintenant que je pouvais le voir en mouvement, mais pas trop extraordinaire. Lorraine avait fait un signe de tête en regardant, laissant entendre que la production de la baguette se déroulait sans problème jusqu’à présent. Environ dix minutes plus tard, la dernière pièce du cercle magique était entrée dans le cristal magique.

« Très bien, ça suffit. Vérifiez si vos cercles magiques sont bien entrés, » suggéra Lorraine. Nous avions hâte de regarder, alors dès que Lorraine avait fermé la bouche, nous avions pris nos cristaux et jeté un coup d’œil à l’intérieur.

« Oh, je l’ai fait ! Ça a marché, Professeur Lorraine ! » cria Alize. Il semble que le sien ait bien tourné.

« Laisse-moi voir, » dit Lorraine, qui prit le cristal magique pour pouvoir regarder à l’intérieur. « Oui, c’est bien transféré. Le cercle magique est un peu faussé, mais cela ne devrait pas être un problème. Un travail bien fait pour ta première fois, Alize. » En lâchant ce compliment, Lorraine se frotta la tête.

Elle avait déplacé la discussion vers moi. « Et le tien ? »

« Eh bien, euh…, » je bégayais. Je ne voulais pas admettre que j’avais honte, mais c’était le cas. J’aurais pourtant juré avoir suivi les indications de Lorraine.

Lorraine avait regardé mon comportement étrange et avait froncé les sourcils. « Rentt, qu’est-ce qui t’arrive ? » demanda-t-elle en s’approchant de moi. Elle avait pris mon cristal, l’avait tenu au-dessus de sa tête et avait regardé à l’intérieur.

« Ne peux-tu rien faire normalement ? Tu sais que c’est bizarre, n’est-ce pas ? » avait-elle demandé. Elle m’avait rendu le cristal magique.

J’avais regardé à l’intérieur et j’avais vu un cercle magique un peu bizarre. Je savais que je l’avais peint sur la plaque de bronze avec l’encre de Lorraine et qu’il était entré dans le cristal. Cela aurait dû être comme quand Lorraine l’avait fait, où le cercle était resté de la même couleur une fois à l’intérieur, mais mon cristal contenait un cercle magique qui avait un motif jaune et vert tacheté. Honnêtement, ce n’était pas une couleur agréable.

« Ce n’est pas joli, je dirai cela, » avais-je marmonné.

« Ce n’est pas le problème, mais ces choses arrivent à l’occasion. Si vous avez un mana particulier ou la bénédiction d’un esprit divin, d’étranges cercles de magie peuvent apparaître dans vos outils magiques. Dans ton cas, je pense que nous savons quelle en est la cause, » avait-elle déclaré.

Je savais ce qu’elle suggérait. J’avais la divinité et la bénédiction d’un esprit divin. Mon mana avait peut-être aussi été inhabituel en raison de ma nature de mort-vivant. Après cela, on pouvait dire sans risque de se tromper que mon mana avait quelque chose de mauvais. Je m’étais demandé s’il m’était même possible de faire de l’alchimie correctement.

J’avais commencé à me sentir déprimé. « C’est mauvais, n’est-ce pas ? » J’avais demandé à Lorraine.

« Non. C’est un phénomène rare, mais ça arrive. Certaines personnes naissent avec un mana anormal, et il ne manque pas d’individus qui ont la bénédiction divine. Mais toute baguette que tu feras aura des propriétés irrégulières. Tant que tu es préparé à cela, il n’y aura pas de problème, » m’avait-elle assuré.

Cela donnait l’impression qu’il y aurait encore un problème, mais je pouvais au moins apprendre l’alchimie. C’était suffisant, mais je ne savais pas ce que seraient ces propriétés irrégulières. C’était la question suivante, mais on ne pouvait pas y répondre avant que la baguette ne soit terminée.

« Montre-moi ton cristal, » demanda Alize pendant que je réfléchissais, alors je m’étais tourné vers Lorraine. Je voulais voir si lui montrer quelque chose d’aussi bizarre serait mauvais pour son éducation, mais Lorraine avait acquiescé, alors j’avais remis le cristal à Alize…

« C’est magnifique. Le mien est un cercle de magie noire ordinaire. Je suis un peu jalouse, » dit-elle innocemment.

Mais cela m’avait aidé d’entendre cela. J’étais tout à fait conscient de mon anomalie, mais quand même cette simple chose était apparue comme une erreur, cela m’avait un peu attristé. C’était le genre de dépression dont je pouvais me remettre en quelques jours, mais cela restait un misérable et désolant rappel que je n’étais pas humain. Mon manque de besoin de beaucoup de sommeil et ma capacité à me remettre de petites blessures en quelques secondes m’avaient fait ressentir la même chose.

Mais ce qu’avait dit Alize avait fait disparaître ces sentiments. Quelle merveilleuse disciple elle était ! Je ne savais pas qui encourageait qui. Ces pensées occupaient le fond de mon cœur alors que nous continuions à fabriquer nos baguettes. Il ne restait plus que la baguette elle-même.

◆◇◆◇◆

« Il est maintenant temps de façonner vos baguettes et de les combiner avec vos cristaux. Pour être honnête, vous avez déjà presque fini, mais c’est mieux d’en faire une baguette magique, » déclara Lorraine.

« Qu’est-ce que cela signifie ? » Alize avait demandé, en hochant la tête.

« Oh, les catalyseurs magiques sont parfaitement utilisables avec rien d’autre qu’un cristal magique. Mais le fait d’attacher une poignée rend le mana plus facile à contrôler, sans compter que cela augmente le taux d’amplification du mana, donc en vérité, ce n’est pas seulement une question d’apparence, » répondit Lorraine.

Elle avait ensuite expliqué plus en détail les raisons des prises. « Les baguettes que nous fabriquons aujourd’hui ne fonctionneront pas très différemment que si vous utilisiez simplement un cristal magique, mais des catalyseurs plus avancés ajouteront d’autres éléments à la poignée. Par exemple, vous pouvez mettre des matériaux à l’intérieur ou utiliser plusieurs cristaux magiques qui entrent en résonance les uns avec les autres, entre autres choses. La poignée est comme la fondation qui tient votre catalyseur, » avait-elle expliqué.

Si une poignée n’était pas nécessaire, alors les cristaux magiques pouvaient fonctionner comme des catalyseurs par eux-mêmes. Mais les poignées pourraient améliorer les catalyseurs magiques. Cela avait soulevé quelques questions.

« Alors les anneaux sont-ils de pires catalyseurs magiques que les baguettes et les bâtons ? » Alize n’avait pas hésité à demander.

Placer plusieurs cristaux magiques sur un anneau serait un défi. C’était la conclusion logique, mais Lorraine l’avait contrée.

« Non, pas nécessairement. Les baguettes et les bâtons sont plus faciles à fabriquer, mais vous pouvez aussi mettre plusieurs cristaux magiques sur les anneaux. Ceux que vous utilisez sont assez gros pour que ce soit difficile, mais les monstres laissent tomber toutes sortes de cristaux magiques. Certains sont suffisamment petits pour que plusieurs puissent tenir sur une bague. Si vous les utilisez, il n’y a pas de problème, » répondit Lorraine.

« Mais dans ce cas, ne pourriez-vous pas placer une tonne de petits cristaux sur un bâton ? » Alize demanda.

« C’est vrai, mais il y a une limite au nombre de cristaux magiques qu’un catalyseur peut contenir, quelle que soit la taille de l’espace. La plupart en utilisent un, mais vous pouvez en utiliser deux si vous êtes bon. Un travail de qualité peut en utiliser trois, et certains travaux incroyablement puissants en utilisent quatre. Dans certains donjons, on peut trouver des catalyseurs qui en contiennent encore plus que cela. Un artisan de classe légendaire pourrait dépasser ces limites, mais la plupart des alchimistes ne peuvent en atteindre que trois, quels que soient leurs efforts. Si vous pouvez fabriquer un catalyseur stable avec quatre cristaux, c’est une compétence dont vous pourriez vivre. Veux-tu l’essayer ? » demanda Lorraine.

J’aurais qualifié cela de déraisonnable, mais je m’étais efforcé d’atteindre des objectifs qui semblaient absurdes d’un point de vue extérieur, donc je n’étais pas du genre à parler. Alize semblait avoir la même impression, mais elle était curieuse de quelque chose.

« Professeur Lorraine, combien de cristaux pouvez-vous utiliser pour faire des catalyseurs ? » demanda Alize.

« Moi ? C’est un secret. Mais je peux en utiliser au moins trois, » répondit Lorraine.

Cela semblait impliquer qu’elle pouvait aussi en faire un avec quatre cristaux, mais elle n’avait confirmé ni l’un ni l’autre. Connaissant Lorraine, elle aurait dit cela si elle pouvait faire mieux que trois.

Alize était sur le point de demander autre chose, mais Lorraine l’avait interrompue en disant. « Allez, retournons au travail. La prise en main n’est pas facile, il faut donc se concentrer. » Alize n’avait jamais pu poser sa question, mais elle semblait assez satisfaite. De son point de vue, Lorraine était une femme étonnante, donc le fait qu’elle puisse utiliser trois ou quatre cristaux ne changerait pas grand-chose à ses yeux. J’avais vu la Lorraine de la même façon.

Face à l’insistance de Lorraine, j’étais retourné vers mon bois d’arbustes. Le bois était dans le même état que lorsque je l’avais ramassé, donc c’était plus ou moins une bûche.

« Versez du mana à la surface, » déclara Lorraine. « Ensuite, contrôlez le mana pour ne peler que cette partie et continuez jusqu’à ce que vous atteigniez la taille appropriée. Vous travaillez avec des matériaux assez volumineux, vous pouvez donc faire beaucoup d’erreurs. Essayez-le. »

***

Partie 4

Alize et moi avions fait un signe de tête et nous nous étions mis au travail. Comme prévu, je n’avais eu aucun mal à ne décoller que le nécessaire. Alize se débattait, parfois en coupant de petits éclats, parfois en coupant en ligne courbe, et parfois en n’enlevant que de l’écorce. Mais en fin de compte, elle avait quand même réussi à ne couper que le nécessaire. Aussi impressionnante que jamais.

« Bon, maintenant, pour façonner votre bois en baguette, c’est essentiellement la même chose. Utilisez le mana pour comprimer et arrondir le bois. Mais vous risquez d’échouer à la première tentative, Alize, alors commence par t’entraîner sur les morceaux de bois que tu as coupés. Une fois que tu t’y seras habituée, tu peux essayer la vraie tâche. D’accord ? » demanda Lorraine. Alize avait fait un signe de tête.

J’avais regardé Lorraine pour voir si je devais faire la même chose. Son expression impliquait que je devais décider par moi-même. Je n’avais pas tardé à tout finir jusqu’à présent, alors elle avait plutôt fait d’Alize sa priorité. C’était la bonne décision. De toute façon, j’avais préféré essayer les choses par moi-même.

J’avais entendu comment faire, il ne restait plus qu’à faire des essais et des erreurs. Le problème était que j’avais besoin du matériau que je venais d’enlever, alors j’avais sculpté un peu de bois excédentaire de la même taille et je l’avais utilisé pour m’entraîner à façonner une baguette. J’avais essayé quelques approches. C’était un peu comme jouer avec de l’argile. Je pouvais m’entraîner en faisant plus qu’une simple baguette, alors j’avais utilisé mon mana pour façonner autre chose.

« Hé, regardez ça. Plutôt bien, hein ? » avais-je dit à Alize et Lorraine. Elles avaient regardé mon travail avec un choc.

« Rentt, beau travail. J’ai eu assez de mal à fabriquer une baguette, » dit Alize, en tenant un morceau de bois en forme de baguette. Apparemment, elle avait réussi.

« Même moi, je ne pourrais pas faire ça. Tu pourrais peut-être les vendre si tu choisissais des modèles différents, » avait fait remarquer Lorraine.

Les yeux de Lorraine et d’Alize étaient collés sur des figurines en bois de ces deux-là. Je les avais même fait poser. Lorraine tenait un bâton et faisait de la magie d’une manière cool. Alize était agenouillée et priait Dieu comme si elle était à l’église du Ciel oriental. Elle était pure et solennelle. J’avais été satisfait de la façon dont cela donnait.

« Prends cette leçon au sérieux. Je les confisque, » déclara Lorraine, qui les avait emportés. « Alize, tu peux prendre celui-là. » Elle avait remis à Alize celle qui lui ressemblait.

J’étais contrarié à cause de tout le travail que j’y avais consacré, mais je ne pouvais pas me plaindre après avoir ignoré le travail assigné pendant un cours. J’aurais pu faire remarquer qu’il s’agissait d’une forme de pratique et qu’elle était pertinente pour le travail en question, mais Lorraine ne voyait là qu’une plaisanterie. Si j’avais pu faire cela, j’aurais dû aller de l’avant et faire la baguette, en ce qui la concernait. Et elle avait absolument raison. J’avais un peu déconné. Je me sentais mal à ce sujet, alors j’avais rapidement façonné la baguette.

« Quelle est la prochaine étape ? » avais-je demandé avec beaucoup de clarté. Lorraine m’avait lancé un regard consterné, mais elle s’en était vite remise.

« Bien, c’est la dernière étape : combiner votre cristal avec votre baguette. Faites de votre mieux. Vous y êtes presque, » déclara Lorraine.

◆◇◆◇◆

« Mettez-les ensemble comme je l’ai montré. Je ne devrais pas avoir à expliquer cette partie, » déclara Lorraine.

« Attends un peu. Tu as utilisé du mana pour déplacer le bout de la baguette autour du cristal et le maintenir en place, je pense pouvoir en faire autant, mais pourquoi ces étincelles ? » avais-je demandé.

Lorraine avait ri. « Bonne question. Je ne faisais que plaisanter, » répond-elle. « Cette partie est importante. J’ai tout fait en même temps pendant la manifestation, mais la combinaison de votre cristal et de votre baguette comporte plusieurs étapes. Vous le ferez après cela. Tout d’abord, il faut infuser une ligne de mana à travers la baguette. »

« Que voulez-vous dire par là ? » demanda Alize.

« Juste ce qu’il semble être. Vous créez un chemin pour que le mana passe par votre baguette. Le mana peut en fait passer de toute façon, mais cela le rend plus efficace. Il s’agit de réunir les nombreux chemins de mana sinueux qui existent déjà dans votre baguette en un seul grand passage droit, » répondit Lorraine.

Je comprenais en grande partie ce qu’elle disait, mais je n’avais aucune idée de la manière de le faire. Alize avait dû ressentir la même chose, car elle avait l’air perplexe.

« Comment cela fonctionne-t-il ? » avait-elle demandé.

« C’est assez abstrait, mais quand vous l’aurez essayé, vous verrez que ce n’est pas si difficile. C’est similaire à la façon dont vous avez façonné la baguette. Commencez par le bas de la baguette, puis envoyez lentement votre mana vers le haut, en vous concentrant sur la façon dont cela circule, » avait-elle indiqué.

Alize et moi avions obéi. J’avais senti le mana se séparer en montant à travers la baguette. Comme l’eau qui s’écoulait à travers de nombreux chemins de bifurcation, il voyageait dans différentes directions. J’avais vu ce que Lorraine voulait dire par « inefficace ». Alize semblait aussi comprendre.

« Est-ce que ce sont les lignes ? » avait-elle demandé à Lorraine.

« Oui, mais comme vous l’avez sûrement remarqué, le simple fait de donner à votre matériel la forme d’une baguette magique a fait que les lignes s’étirent et se courbent au hasard. Si vous fabriquez une baguette comme celle-ci, elle ne sera pas beaucoup mieux qu’un bâton. Nous évitons cela en prenant ces lignes chaotiques et en les redressant. Cela se fait de la même manière que vous avez façonné la baguette, en faisant couler votre mana d’un bout à l’autre de la baguette lorsque vous déplacez les lignes ensemble. Pouvez-vous le faire ? » répondit Lorraine.

Je ne savais pas si je pouvais, mais maintenant je connaissais la méthode. Alize et moi avions hoché la tête et nous nous étions mis au travail, trouvant que Lorraine avait raison en ce sens qu’elle était en grande partie identique à l’étape précédente. L’acte de déplacer les lignes qui étaient cachées à l’intérieur de la baguette semblait soulever la difficulté dans une certaine mesure, mais cela impliquait en grande partie le même type de travail. La différence était que les lignes de la baguette allaient toutes dans des directions différentes. C’était comme si on ramassait chaque écume de la surface d’une soupe.

Cela dit, j’aimais le travail simple et répétitif. Quand j’étais encore humain, j’allais tous les jours dans le donjon du reflet de la lune pour chasser les mêmes monstres jusqu’à ce que je sois épuisé. Ce travail était tolérable, et même amusant, mais Alize semblait frustrée. Elle était jeune, c’était donc typique.

« En as-tu fait assez ? » demanda Lorraine, étonnant Alize.

« Oh, non, hum…, » bégayait-elle avec honte. Lorraine avait ri.

« Je sais ce que tu ressens depuis la première fois que j’ai fait une baguette. J’ai même jeté ma baguette au visage de mon professeur, » déclara Lorraine, partageant un souvenir choquant.

« Au visage, vraiment ? » murmura Alize, doutant qu’elle ne puisse jamais faire la même chose.

« C’est dire combien le travail était fastidieux, mais cela a une forte influence sur la qualité de ta baguette. Soit patiente et fait de ton mieux, » déclara Lorraine.

« D’accord ! » Alize avait répondu avec énergie et avait repris le travail. Cette fois-ci, elle avait gardé son calme et s’était plongée dans la tâche.

Moi, par contre, je me demandais quelque chose après ce petit encouragement.

« Qu’a donc fait ce professeur après cela ? » avais-je demandé à Lorraine.

« Il est entré dans une rage furieuse. C’était tellement terrifiant que je préfère ne pas m’en souvenir, » m’avait-elle murmuré à l’oreille. Puis elle avait frissonné.

Je m’étais demandé quel genre de professeur pourrait faire dire cela à Lorraine, mais tout comme moi, Lorraine ne parlait pas de son histoire d’avant son arrivée à Maalt. J’avais décidé de ne plus poser de questions. Après cela, Alize et moi avions fini de former nos lignes.

« D’accord, bien, » déclara Lorraine après avoir envoyé du mana à travers nos baguettes pour les vérifier. « Vous avez tous les deux bien fait pour votre première fois. Alize, tu as redressé tes lignes selon les instructions, et Rentt, tu es toujours si doué pour le travail de détail que c’en est écœurant. Il n’y a pas de place pour la critique. »

« Laissez-moi voir la baguette de Rentt ! » demanda Alize par curiosité. Elle avait emprunté ma baguette et avait envoyé du mana à travers elle. « Wôw, qu’est-ce que… Ce n’est pas du tout comme la mienne, » dit-elle avec un regard étonné.

« C’est peut-être ce qu’on ressent, mais ne te laisse pas abattre, » déclara Lorraine pour lui remonter le moral. « Tu aurais dû le savoir, grâce aux figurines en bois qu’il a fabriquées, que Rentt est anormalement habile. Je ne peux pas non plus faire quelque chose comme ça. Même former des lignes aussi méticuleusement est un défi. »

« C’est difficile pour vous aussi, Professeur ? » demanda Alize, choquée.

« Je ne dirais pas difficile, mais certainement fastidieux. Tu t’en rendras peut-être compte après l’avoir essayé, mais c’est quelque chose que tu pourrais faire presque parfaitement avec suffisamment de patience. Mais tu ne peux pas le faire en si peu de temps, » déclara Lorraine.

« En tout cas, cela suffit. L’étape suivante est la dernière, qui consiste à combiner le cristal et la baguette. C’est un peu difficile. Vous devez gérer votre mana différemment dans une main et dans l’autre. Une main envoie du mana dans le cristal, l’autre fait de même pour la baguette, mais peu importe quelle main est la bonne. Si vous remplissez les lignes de votre baguette avec suffisamment de mana, la lumière éclatera du bout de la baguette comme vous l’avez vu dans ma démonstration. Vous faites la même chose avec le cristal, mais parce que vous n’avez pas abîmé les lignes de ce dernier, de la lumière sera émise par l’ensemble de la chose jusqu’à ce qu’elle s’approche du bout de la baguette, et à ce moment-là, la lumière sera attirée vers elle. Ne vous en préoccupez pas trop. J’ai fait léviter la baguette et le cristal, mais c’est une technique relativement avancée, alors vous devriez le faire à la main, » avait expliqué Lorraine.

Nous avions ramassé nos baguettes et nos cristaux et avions commencé à les remplir de mana.

***

Partie 5

Une demi-minute après que j’eus commencé à verser du mana dans ma baguette, des étincelles avaient jailli de son extrémité. « Lorraine, est-ce que c’est bon ? » avais-je demandé.

« Oui, c’est bien, mais il faut aussi remplir le cristal magique de mana comme je l’ai fait dans la démonstration. Garde la baguette comme elle est. Peux-tu le faire ? » me demanda-t-elle.

« Cela ne devrait pas être trop difficile, » répondis-je.

Chaque main devait accomplir une tâche différente, ce qui rendait sa gestion trop difficile pour certains. Dans cette optique, Alize avait obtenu de bons résultats. Elle était un peu derrière moi, mais elle avait gardé sa baguette illuminée en chargeant son cristal magique de mana. J’avais peut-être été partial, mais elle était remarquablement douée.

« Tu t’en es peut-être rendu compte maintenant que tu l’as essayé, mais les cristaux magiques nécessitent plus de mana, sinon tu te retrouves dans la situation problématique dans laquelle tu te trouves maintenant. La prochaine fois que tu feras un catalyseur, essaie de garder cela en tête, » avait suggéré Lorraine.

« Je vois, » avais-je dit d’un signe de tête. Alize était concentrée sur la distribution de son mana, elle n’avait donc pas le temps de répondre. C’était comme si on essayait de jongler avec une main tout en écrivant une lettre avec l’autre. Il serait difficile d’ajouter une troisième tâche à cette liste, aussi le silence d’Alize était-il compréhensible.

« Oh, mon cristal magique a l’air bien, » avais-je fait remarquer. Enfin, il avait commencé à briller. La lumière de la baguette ne brillait que dans une seule direction, mais la lumière du cristal voyageait partout. Lorraine avait dit que c’était normal, alors j’avais dû supposer que c’était bien le cas.

Lorraine avait regardé mes progrès. « Tu peux passer à l’étape suivante, Rentt. Rapproche ton cristal et ta baguette, » avait-elle dit.

Quand je l’avais fait, la lumière du cristal s’était dirigée vers la baguette. « Dois-je les coller ensemble ? » avais-je demandé.

« Ce n’est pas comme si tu utilisais de la colle. Remodeler le bout de la baguette autour du cristal pour le maintenir en place. Mais il faut le faire sans abîmer les lignes à l’intérieur de la baguette. C’est assez difficile, alors sois prudent, » déclara Lorraine.

« La forme que je lui donne a-t-elle de l’importance ? » demandai-je.

« Non, et beaucoup de gens sont créatifs dans ce domaine. Je ne recommande pas de faire preuve de trop d’imagination lors de ta première tentative, mais —, » déclara Lorraine.

« Professeur ! » cria Alize. Son cristal avait également commencé à émettre de la lumière.

« De toute façon, tu peux te débrouiller tout seul, » déclara Lorraine, qui s’était tournée vers Alize pour la guider.

Je m’étais concentré sur mon propre travail, sans savoir quelle forme donner au bout de ma baguette. Je me souvenais en avoir vu dans des magasins avec des décorations différentes. Si vous deviez façonner la pointe d’une certaine manière, alors celles-ci n’existeraient probablement pas, mais je ne savais pas jusqu’où je pouvais aller sans ruiner mon travail. J’avais commencé par des changements simples et réguliers, en apprenant que je pouvais faire d’énormes modifications sans problème. Il semblait y avoir une limite, cependant, j’avais eu l’impression qu’un mouvement trop important briserait les lignes. C’était comme si on pliait un bâton jusqu’à ce qu’il se brise presque. Si vous aviez de la chance, un peu plus de flexion pourrait courber le bâton un peu plus, mais dans la plupart des cas, il se briserait. Quoi qu’il en soit, il était suffisamment malléable pour laisser de nombreuses options. Avec cette pensée, je m’étais plongé dans la formation du bout de ma baguette.

◆◇◆◇◆

« Très bien, tu as terminé. Bon travail, Alize, » avais-je entendu Lorraine dire, alors j’avais regardé. Alize tenait sa baguette terminée. Le cristal magique était fixé en place, et je sentais maintenant le mana stable d’un objet magique.

« C’est donc ma baguette, » déclara Alize, qui fixa la baguette avec joie. Elle semblait fatiguée, à en juger par son front en sueur et ses lourds halètements.

« Tu peux maintenant essayer de jeter des sorts avec. Toi aussi, Rentt. As-tu terminé ? » dit Lorraine en regardant vers moi. Ses yeux s’étaient ouverts en grand en raison du choc. « Encore ? »

« Quoi ? » avais-je demandé. J’avais terminé à peu près en même temps qu’Alize. J’avais atteint la dernière étape plus tôt, mais j’avais passé plus de temps sur le bout de la baguette.

Elle avait pointé ma baguette. « Ça. Le bout de ta baguette. C’est un travail impressionnant, » murmura-t-elle.

Curieuse, Alize était sortie de derrière Lorraine et avait regardé ma baguette. « Wôw, qu’est-ce que… C’est tellement détaillé, » dit-elle, effrayée.

 

 

Lorraine avait pris ma baguette et l’avait regardée sous différents angles. « Le dragon tient le cristal dans sa gueule. Il s’agit d’une sculpture incroyablement détaillée d’un dragon. Ce genre de décorations ne sont généralement pas faites avec la seule manipulation du mana, tu sais, » souligna Lorraine.

Plus précisément, il s’agissait du dragon qui m’avait mangé. À l’époque, je pensais que ma vie était finie, alors son apparence était tellement enracinée que c’était la première chose qui me venait à l’esprit. Pour être honnête, je pensais que c’était un peu idiot. Lorraine semblait d’accord parce qu’elle me regardait comme si j’étais fou de choisir la créature qui m’avait dévoré. Mais ce n’était pas quelque chose dont nous pouvions discuter pendant qu’Alize était là, alors j’avais demandé autre chose qui me trottait dans la tête.

« Comment façonner le bout d’une baguette autrement que par la manipulation du mana ? » demandai-je.

« Oh, les décorations de ce genre sont généralement faites pendant que vous façonnez le matériau pour en faire une baguette. Les gens ont tendance à agrandir la pointe et à la couper pour lui donner la forme qu’ils souhaitent, » répondit Lorraine.

« Pourquoi se donner autant de mal ? » avais-je demandé. La manipulation du mana donnait l’impression de donner plus de liberté à la forme. J’avais supposé que c’était parce que quelque chose comme ça nécessitait une concentration obsessionnelle, donc cela allait prendre du temps.

Lorraine tenait sa tête dans ses mains. « On peut se contenter d’une certaine manipulation du mana, mais il n’est normalement pas possible d’obtenir autant de détails. À moins que vous ne soyez un expert dans le contrôle du mana, le sculpter à la main avec des outils spécifiques vous donnera de meilleurs résultats. Mais je suppose que les règles ne s’appliquent pas à toi, » s’était-elle plainte.

« Alors Rentt est vraiment spécial ? » demanda Alize.

« C’est une façon de le dire. Bien sûr, un artisan de haut niveau pourrait aussi faire ce genre de travail, mais Rentt n’a jamais fait cela auparavant. J’ai toujours pensé qu’il était habile, mais maintenant que je le vois travailler dans mon domaine d’expertise, cela me revient sans cesse à l’esprit, » répondit Lorraine.

« Je suppose que je devrais être désolé, » avais-je dit, en m’excusant.

« Tu n’as pas à être désolé. En fait, c’est magnifique. La prochaine fois que je ferai une baguette, je te laisserai t’occuper de la pointe. Si je faisais cela, alors je pourrais…, » Lorraine avait baissé la tête et s’était mise à chuchoter à elle-même avant de se retourner. « En tout cas, vos baguettes sont terminées. Elles se sont toutes les deux assez bien faites. Vous pouvez maintenant les essayer et voir comment elles fonctionnent comme catalyseurs. »

« D’accord ! » cria Alize, dissimulant les chuchotements suspects de Lorraine.

 

◆◇◆◇◆

Il était temps de voir la baguette en action. J’étais sur le point de jeter un sort à ce moment-là, mais Lorraine m’en avait empêché. « N’essayez pas chez moi. Allons dehors, » avait-elle demandé dans une surprenante démonstration de bon sens.

Nous étions partis, mais nous n’avions pas dû aller plus loin qu’un terrain vague à la périphérie de la ville.

« Maintenant, vous pouvez provoquer toutes les explosions que vous voulez, et personne ne se plaindra, » déclara Lorraine.

Malgré son réconfort, je ne pouvais pas imaginer que le propriétaire de la terre soit d’accord avec cela. Et bien que ce soit un grand espace, il y avait des maisons visibles au loin. Peut-être que personne ne remarquerait une explosion, mais je n’en étais pas si sûr.

« Le propriétaire de cet endroit ne serait-il pas mécontent de cela ? » avais-je demandé à Lorraine.

« Non, je ne le serais pas. C’est ma terre, » répondit Lorraine.

« Hein ? » J’avais été choqué. C’était une réponse inattendue, mais cela expliquait pourquoi Lorraine n’était pas inquiète. Si c’était sa terre, alors nous pourrions faire tout ce que nous voulons, à moins que nous n’ouvrions une porte de l’enfer et ne laissions passer des tonnes de démons pour attaquer la ville. Ce serait un énorme problème, mais je n’avais pas prévu quelque chose d’aussi grave. Bien que les mages dans les légendes et les fables aient tendance à faire ces erreurs, je ne savais même pas comment cela se ferait.

« Je fais des expériences que je préfère ne pas faire chez moi, vois-tu. C’est pourquoi j’ai acheté cette terre il y a quelque temps. Nous sommes assez loin du centre-ville pour que ce ne soit pas trop cher malgré la taille, » expliqua Lorraine.

Malgré ce qu’elle avait dit, la terre était encore trop vaste pour être aussi bon marché. Mais je savais que Lorraine était riche. Elle avait toujours eu une mystérieuse source de richesse. L’achat d’une maison n’était rien pour elle, donc ce n’était pas une si grande surprise.

En tout cas, si cela était vrai, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Cependant, je m’étais demandé si c’était si précaire qu’il fallait le faire à l’extérieur.

« Ta première baguette peut-elle vraiment être aussi dangereuse ? » avais-je demandé à Lorraine.

« Pas d’habitude. Selon le sort que vous utilisez, la plupart des débutants peuvent utiliser des sorts élémentaires à la maison sans problème. Dans ton cas, cependant, je suis un peu mal à l’aise. Tu es assez doué pour la manipulation du mana pour que je ne pense pas que ce soit si mauvais, mais on ne peut pas être trop prudent. De plus, Alize a elle-même beaucoup de mana, elle pourrait donc avoir du mal à le garder sous contrôle. Je ne veux pas que vous vous inquiétiez de cela pendant que vous testez votre magie, alors je me suis dit que ce serait le meilleur endroit, » répondit Lorraine.

Si plus de mana signifiait qu’il était plus difficile à contrôler, alors peut-être que la magie qui utilisait une baguette était différente de celle sans baguette, étant donné que les catalyseurs servaient à stabiliser et à amplifier votre mana. La stabilisation était une chose, mais l’amplification pouvait être un obstacle. La perte de contrôle qui en aurait résulté avait probablement été la raison de l’inquiétude de Lorraine.

« Eh bien, quoi qu’il en soit, essayez. Je ne vous ai enseigné que la magie de base, c’est donc ce qu’il vous faudra faire. Ce sera de toute façon le moyen le plus simple de comprendre le pouvoir de votre baguette, » déclara Lorraine.

Alize et moi avions fait un signe de tête.

« Alize, pourquoi ne pas commencer ? Te souviens-tu de tes incantations ? » demanda Lorraine.

« Oui, ça va aller ! » déclara Alize.

« Bonne réponse. Alors, Rentt et moi allons prendre un peu de recul. Vas-y quand je te dirai que nous sommes prêts, » déclara Lorraine.

« D’accord ! » déclara Alize.

Nous avions marché un peu plus loin, et Lorraine avait crié à Alize qu’elle pouvait commencer.

***

Partie 6

« Feu, utilise mon mana comme carburant et manifeste-toi devant moi : Allumage ! » Elle avait chanté. Le mana au sein de l’Alize s’était condensé et s’était écoulé vers sa baguette. L’énergie avait gonflé jusqu’à ce que des flammes éclatent de la pointe. Elles étaient plus féroces que je ne l’avais prévu, au point que je m’étais demandé si c’était de la magie élémentaire. Dans mes expériences passées avec ce sort, le feu ne brûlait que du bout du doigt, mais c’était plutôt les flammes d’une torche.

« Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? » Alize bégayait, intimidée par la taille de la flamme.

Lorraine s’était approchée et avait jeté un sort pour faire disparaître le feu, au grand soulagement d’Alize. Je m’étais aussi approché d’elle.

« C’était génial, Alize. Je ne savais pas qu’on pouvait faire de si grandes flammes avec de la magie de base, » lui avais-je dit en la complimentant.

« Je ne m’attendais pas non plus à cela, » avait-elle répondu. Elle était encore un peu tendue.

Lorraine nous avait entendus et s’était interposée. « On dirait que vous vous trompez. On n’a pas l’habitude d’avoir des flammes aussi grandes, mais comme je l’ai dit, Alize a beaucoup de mana. C’est pour cela qu’elles étaient si grandes. La plupart des débutants ne seraient pas capables de le faire sans une baguette, quelle que soit la quantité de mana dont ils disposent, mais la baguette change tout. Il vous aide à contrôler votre magie et à l’utiliser plus efficacement. Mais tout cela n’est pas bon, » avait-elle déclaré.

« Qu’y a-t-il de mal à cela ? » demanda Alize avec curiosité.

« Si tu te fies trop à ta baguette, tu ne pourras plus un jour contrôler ton mana sans elle. Tu pourrais aussi devenir incapable de déplacer ton mana sans baguette, » expliqua Lorraine.

« Est-ce un gros problème ? » demanda Alize.

« Oui, une fatalité, pourrait-on dire. Il faudrait être en contact avec sa baguette à tout moment pour pouvoir se battre comme un mage. Mais de nos jours, les jeunes choisissent de dépendre entièrement de leurs baguettes pour la magie. C’est beaucoup plus facile à faire. Ils commencent tout de suite à s’entraîner avec leur baguette, et deviennent juste assez bons avec elle pour partir à l’aventure. C’est pitoyable, » dit-elle comme si elle n’était pas aussi jeune.

J’allais plaisanter à ce sujet, mais elle semblait sérieuse, alors j’avais décidé de ne pas le faire. Elle avait dépassé l’âge moyen du mariage, alors on pouvait dire qu’elle n’était pas si jeune. Mais j’avais à peu près le même âge, juste un peu plus. Mais quand il s’agit de notre âge mental, les gens pensent souvent que j’étais plus jeune.

« Mais je vois des mages autour de Maalt qui utilisent la magie sans baguette tout le temps, » souligna Alize.

Lorraine avait fait un signe de tête. « Oui, je les vois parfois faire léviter leurs achats sur le chemin du retour après les courses. La première fois que j’ai vu cela, j’ai aussi trouvé cela surprenant. On ne voit plus ce genre de choses dans l’Empire, donc c’était rafraîchissant, » déclara Lorraine, en faisant référence à sa patrie, l’Empire de Lelmudan. Ils étaient censés être une civilisation avancée avec de grands progrès dans le domaine de la magie, mais peut-être que lorsqu’il s’agissait de magie sans baguette, cela était quelque peu remise en question.

« Comment l’Empire a-t-il fini ainsi ? » avais-je demandé.

« Je viens de mentionner les inconvénients des baguettes, mais il y a aussi des avantages. Le travail de détail est beaucoup plus facile avec des baguettes que sans, tout comme le travail à grande échelle. L’Empire fait beaucoup de recherches sur les armes et les outils magiques, aussi ses mages gardent-ils toujours des baguettes à portée de main. Quand on utilise quelque chose assez souvent, on commence à en dépendre. Faites-le encore plus longtemps et les gens commencent à penser que la formation avec des baguettes dès le départ est plus efficace. C’est ainsi que les pensées ont évolué dans l’Empire. Bien sûr, certains peuvent encore utiliser la magie sans baguette, mais ils ne pourront jamais gagner en influence parmi les mages de l’Empire. Cela m’inclut, » avait-elle expliqué.

Je suppose que c’était le destin de quelque chose qui était devenu trop commode. Mais les propos de Lorraine semblent indiquer que certaines circonstances expliquaient pourquoi elle avait quitté l’Empire.

Lorraine avait changé de ton. « Eh bien, assez parlé de ça. Pour l’instant, concentrons-nous sur vos baguettes. J’ai peut-être beaucoup de critiques, mais ce sont toujours des outils généralement utiles. Maintenant, Rentt, c’est ton tour. Alize et moi allons prendre du recul. »

J’avais fait un signe de tête, prêt à essayer ma nouvelle baguette.

◆◇◆◇◆

« N’êtes-vous pas un peu trop loin ? Que pensez-vous que je vais faire ? » demandai-je.

Je n’avais pas pu m’empêcher de demander. Lorraine avait dit qu’elles prendraient du recul, mais maintenant elles ressemblent à des taches de mon point de vue. C’était environ dix fois plus loin que la distance à laquelle nous nous trouvions lorsqu’Alize s’était entraînée. Je m’étais demandé si j’avais fait quelque chose pour les intimider, mais quand j’y pense davantage, un vampire mort-vivant valait probablement la peine d’être craint.

« Nous sommes prêtes, Rentt ! » Lorraine avait crié de loin. Je suppose que cela signifiait que je pouvais utiliser la magie maintenant. À cette distance, il faudrait qu’il se passe quelque chose de fou pour leur faire du mal, alors c’était peut-être pour le mieux.

J’y étais allé avec la même magie qu’Alize, un sort de vie appelé Allumage. Je savais à quoi cela devait ressembler après avoir regardé Alize, alors je m’étais dit que ce serait assez facile à réaliser. Considérant qu’une baguette magique pouvait renforcer le contrôle d’un mage et amplifier son mana, il n’y avait aucune raison que j’échoue. Tout ce que j’avais à faire était de gérer le pouvoir du sort, mais je devais l’essayer au moins une fois pour le ressentir.

Honnêtement, ce n’était pas la première fois que j’utilisais une baguette. Mais c’était à l’époque où j’étais en vie et où je n’avais presque pas de mana, donc il n’y avait pas grand-chose à amplifier. Une gouttelette multipliée plusieurs fois n’était encore que quelques gouttelettes. Mais maintenant, j’avais clairement plus de mana, donc je pouvais espérer des résultats différents. Dans cette optique, j’avais rempli mon corps de mana, je l’avais concentré dans ma main et j’avais versé l’énergie dans la baguette.

« Feu, utilise mon mana comme carburant et manifeste-toi devant moi : Allumage, » avais-je chanté, et le feu avait jailli du bout de la baguette. J’avais l’impression que la baguette amplifiait considérablement mon pouvoir, alors j’avais retiré frénétiquement un peu de mana. Quoi qu’il en soit, un feu intense avait brûlé. Heureusement, il n’y avait pas de bâtiments aux alentours. La décision de Lorraine de se tenir aussi loin s’était avérée correcte. J’étais sûr de ma capacité à contrôler le mana, mais cet incident m’avait rendu moins confiant.

J’avais besoin d’un peu d’entraînement avec la baguette, mais je n’avais pas paniqué face aux flammes comme l’avait fait Alize. C’était la puissance de mes quelque vingt-cinq années de vie supplémentaires. J’avais arrêté d’alimenter la flamme en mana et j’avais ajusté sa direction en la fixant pendant quelques secondes. Quand j’avais confirmé que les flammes avaient disparu, j’avais fait signe à Lorraine et Alize.

« Vous pouvez venir maintenant ! » avais-je crié.

Elles avaient observé un peu pour voir si c’était vrai avant de s’approcher. Elles étaient prudentes, mais c’était peut-être nécessaire. Les baguettes peuvent se déclencher par accident, et si du mana était resté stocké à l’intérieur d’une manière ou d’une autre, cela pouvait provoquer des réactions bizarres. Elles voulaient voir si cela allait se produire.

« Ton Allumage était super grand, » avait fait remarquer Alize.

« C’est une bonne chose que nous ayons fait tout ce chemin. Sinon, nous aurions été brûlées vives, » déclara Lorraine avec un sourire. En réalité, elle aurait probablement érigé une barrière et elles auraient quand même été sauvées, mais des erreurs auraient pu se produire. Elle avait globalement raison.

« Mais c’était un peu trop pour Allumage. Je sais que tu as beaucoup de mana, mais ce sort ne devrait pas produire de telles flammes, » déclara Lorraine.

« Vraiment ? Mais tu ne peux pas nier ce que tu viens de voir, » avais-je fait remarquer.

« C’est vrai. Hm, Rentt, essaie un autre sort. Tu connais un sort de vie à base d’eau appelé Mah, n’est-ce pas ? » demanda Lorraine.

Mah allait générer une tasse d’eau. C’était utile pour les aventuriers, et c’était l’un des rares sorts que je pouvais lancer avec le peu de mana dont je disposais. J’avais eu une idée de ce que pensait Lorraine.

« Oui. Je vois, donc je devrais tester si c’est la même chose pour d’autres éléments ? » avais-je supposé.

Certaines personnes allaient exceller dans des éléments spécifiques de la magie. La plupart des humains pouvaient utiliser tous les sorts de la même façon, mais certains penchaient fortement pour certains types. Il y avait de nombreuses théories pour expliquer pourquoi c’était vrai. Si vous êtes né près d’un volcan, par exemple, vous pourriez devenir plus compétent en matière de magie du feu. La bénédiction d’un esprit divin pourrait également vous donner la capacité de vous spécialiser dans les sorts de l’élément de cet esprit.

J’avais été béni par un esprit de type végétal, donc si j’avais eu une telle chose, j’aurais dû être mauvais avec le feu. Mais peut-être que cela n’avait pas fonctionné comme je l’espérais. C’était étrange, mais Lorraine avait dû penser que je devais déterminer où se situaient mes spécialités.

J’avais décidé de tester le sort Mah. Alize et Lorraine avaient pris du recul, au cas où. Je n’étais pas sûr que ce soit nécessaire, mais après ce qui s’était passé avec le dernier sort, je ne pouvais pas leur en vouloir.

Quand j’avais entendu Lorraine me donner le signal, j’avais jeté le sort. « Eau, absorbe mon mana et condense devant moi : Mah, » déclarai-je.

Tous les sorts de vie possédaient des incantations similaires. Comme magie de base, ils étaient simples dans leur construction. Cependant, cela avait fait qu’il était plus facile se tromper. C’est pourquoi, lorsque Lorraine m’avait demandé si je connaissais le sort.

Je n’étais pas sûr de l’avoir bien dit, mais mon mana s’était concentré sur la baguette, me rassurant. Puis de l’eau était apparue au bout de la baguette. C’était un orbe assez grand, mais ce n’était rien comparé à la taille ridicule des flammes que j’avais évoquées auparavant. C’était peut-être une taille plus grande que les flammes d’Alize, mais c’était tout.

Je l’avais maintenu pendant quelques secondes pour l’observer, puis je l’avais laissé disparaître. Lorsqu’elles avaient confirmé son absence, Lorraine et Alize étaient revenues.

« Je le savais. Tu es peut-être anormalement doué pour la magie du feu, » déclara Lorraine en y réfléchissant.

À en juger par les résultats, je devais être d’accord. « C’est ainsi, au moins en ce qui concerne la magie de l’eau. Mais maintenant, je veux connaître les autres éléments, » avais-je dit avec curiosité.

« J’aimerais aussi en tester d’autres, mais on ne peut pas tout tester. Ce sont les deux seuls sorts que tu peux utiliser de toute façon, n’est-ce pas ? Tu pourrais probablement utiliser d’autres sorts élémentaires tout de suite si je t’apprenais les incantations, mais même te faire tester la magie de vie est terrifiant. C’est assez pour aujourd’hui, » déclara Lorraine en plafonnant les choses.

Elle avait raison sur ce point. J’avais assez d’expérience avec ces deux sorts pour les maintenir, mais rien ne me disait que je pouvais faire de même avec de la magie inconnue. Je pourrais probablement le faire, mais si quelque chose de grave arrivait, il serait déjà trop tard. Je ne connaissais pas mon corps aussi bien, donc ça ne me ferait pas de mal d’être prudent.

***

Partie 7

Ce jour-là, j’avais été contacté par la société Stheno. Quand j’avais demandé au messager ce qu’ils voulaient, on m’avait répondu qu’ils avaient acquis un sac magique que je pouvais acheter si je le voulais sinon, il serait mis aux enchères. Ils voulaient que je vienne le plus vite possible, alors je m’étais précipité pour me préparer et je m’étais dirigé vers la compagnie Stheno.

Les sacs magiques étaient des objets rares. Si vous en vouliez un qui puisse convenir à quelques orcs, ce n’était pas trop difficile à trouver. Mais ce que j’avais demandé à Sharl, le chef de la société Stheno, c’était un sac pouvant contenir une tarasque. Elles n’étaient guère en circulation, et dès qu’une d’entre elles apparaissait, elle se vendait immédiatement. J’avais été ravi qu’il ait même pris la peine de me contacter à ce sujet.

Quand j’étais arrivé à la société Stheno, l’employé qui m’avait fait visiter la dernière fois m’avait emmené dans la salle de réception comme avant. J’avais encore pris l’ascenseur pour monter. Cela n’avait jamais cessé d’être fascinant. Je m’étais demandé si Lorraine pouvait en mettre un chez elle, mais peut-être qu’un foyer n’avait pas besoin de ce genre de choses. La société Stheno avait dû utiliser toutes les connexions dont elle disposait pour en obtenir un, de sorte que si quelqu’un demandait à en obtenir un chez lui, il était probable qu’on lui refuserait. Lorraine pourrait essayer d’en faire un elle-même si j’en parlais, mais je n’en voulais pas tant que ça. Malheureusement, j’avais dû y renoncer. Mes rêves avaient été brisés.

Après mon arrivée, j’avais pris un thé et des collations dans la salle de réception en attendant. Ils avaient cette fois-ci ces petites planches marron. Je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait de nourriture quand je les avais vus pour la première fois, mais l’employé avait alors parlé.

« C’est du chocolat, une nouvelle friandise qui gagne en popularité en Occident. Il peut être solide ou liquide selon la température, donc ils le servent de toutes sortes de façons. C’est délicieux. »

Je n’avais jamais entendu parler du chocolat avant, mais cela avait une odeur sucrée. C’était suffisant pour supposer qu’il avait bon goût, mais il ressemblait quand même à une petite dalle. Je pouvais tout mettre dans ma bouche, mais je ne savais pas si j’étais censé le faire.

« Le mangez-vous comme ça ? » avais-je demandé.

« Oui, bien sûr. »

Je l’avais soigneusement mis dans ma bouche. La saveur douce et une légère amertume s’étaient répandues sur ma langue. « C’est bon, » avais-je dit avec approbation.

« Merci, » avait dit l’employé, qui était parti après ça.

J’avais pris ce temps pour me rassasier de chocolat. Je ne savais pas qu’il existait des sucreries aussi délicieuses. Comme on me l’avait dit, le chocolat avait fondu en raison de la chaleur dans ma bouche. Il se mariait assez bien avec le thé, mais j’avais pensé qu’il serait encore meilleur avec de l’alcool fort. Mais je ne pouvais certainement pas demander de l’alcool ici. Il était assez bon sans rien d’autre de toute façon.

J’avais continué à manger le chocolat jusqu’à ce que j’entende frapper à la porte.

« C’est Sharl. Puis-je entrer ? »

J’avais regardé frénétiquement mes doigts et j’avais remarqué qu’ils étaient barbouillés de chocolat, alors j’avais sorti un chiffon de mon sac magique pour les essuyer. Je m’étais dit que ma bouche n’était pas si propre non plus et j’avais aussi essuyé ça. Je n’avais aucun moyen de vérifier combien j’en avais, alors j’avais remodelé mon masque pour couvrir la moitié inférieure de mon visage.

« Oui, allez-y, » avais-je dit avec un calme feint.

Sharl était entré dans la pièce. « Ravi de vous revoir, Rentt. Comment allez-vous depuis lors ? »

Sa question était vague, mais d’après ma relation avec lui, un seul sujet m’était venu à l’esprit. Sharl devait avoir voulu dire ce qui s’était passé avec Nive et la Sainte. Il voulait savoir si j’avais eu des problèmes avec elles depuis notre dernière rencontre.

J’avais secoué la tête. « Je pense que la plupart des choses se sont bien passées, mais peut-être que je n’ai rien remarqué, » avais-je répondu.

Je ne serais pas surpris si Nive avait des compétences en matière de furtivité. En fait, il y avait 100 % de chances que ce soit vrai, étant donné le nombre absurde de vampires qu’elle avait tués. Mais je n’avais rien fait de suspect depuis notre dernière rencontre. Ou du moins, rien qui me ferait passer pour un vampire. J’avais même cessé de sortir tard le soir, sauf en cas d’absolue nécessité. Il est vrai que mon entraînement magique de tout à l’heure avait eu des résultats surprenants, mais ce n’était pas si anormal. Mon activité la plus incriminante était d’acheter des articles divers pour mon voyage, mais les voyages n’étaient pas rares, donc cela n’aurait pas dû être un problème. J’avais supposé que j’allais bien.

« C’est bien, » déclara Sharl. « Après toutes les difficultés que vous avez rencontrées, j’étais impatient de savoir comment les affaires se portaient pour vous depuis lors. »

Il était beaucoup plus occupé que la moyenne des hommes et n’était pas en mesure de donner de son temps à un seul aventurier, je m’étais donc demandé pourquoi il voulait me revoir. Mais son explication avait du sens. Pourtant, je ne pensais pas qu’il avait besoin de faire des efforts. Il était peut-être juste affable, mais Sharl ne connaissait pas les détails des soupçons de Nive à mon égard. Je pense que Nive voulait capturer et détruire les vampires aussi rapidement et subtilement que possible, d’où son secret. C’était ennuyeux pour moi, en tant que sa cible, mais les vampires avaient tendance à se cacher dans la foule. Si elle avait des raisons de soupçonner quelqu’un, la confirmation de ses soupçons était la ligne de conduite naturelle.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter, tous ses soupçons ont été dissipés. Et j’ai entendu dire que vous aviez même un sac magique pour moi, » avais-je dit.

« Oh, c’est vrai. Je vais le faire sortir tout de suite, » répondit Sharl en faisant sonner la cloche sur la table. L’employé était arrivé avec un plateau d’argent contenant un sac endommagé, l’avait posé sur la table et était reparti.

« Est-ce bien cela ? » demandai-je.

« Oui, un sac magique de 1800 pièces d’or, comme vous l’avez demandé. C’est ce que j’aimerais dire, mais…, » Sharl s’était arrêté.

« N’est-ce pas cela ? » avais-je demandé, inquiet.

« Non, pas tout à fait. Mais cela ne veut pas dire que ce sac est de mauvaise qualité. Au contraire, en fait. Ces pièces vont de 2000 à 2500 pièces d’or. »

Cela m’avait semblé être une grande différence. Non pas que je sois contre un meilleur produit, mais j’aurais apprécié avoir une pensée pour mon portefeuille. 1800 pièces d’or, c’était dix-huit pièces de platine, et c’était cher comme ça. Je pouvais payer jusqu’à vingt pièces de platine avec la compensation que j’avais reçue de Nive, mais je n’avais rien de plus que cela.

Mon inquiétude devait être évidente, car Sharl avait ri. « Non, je ne m’attends pas à ce que vous payiez 2000 pièces. Je vous suis plutôt très redevable, alors je vous vends ceci pour 1800 et nous serons quittes. Qu’en pensez-vous ? »

◆◇◆◇◆

Ce n’était pas une mauvaise affaire pour moi, bien sûr, mais je ne savais pas pourquoi il avait tant baissé le prix. J’avais compris que Sharl se sentait redevable, mais c’était une grosse somme d’argent.

Sharl semblait savoir ce que je pensais. « Je ne prétendrai pas n’avoir aucune arrière-pensée, mais je promets de ne rien comploter, » avait-il déclaré.

Je m’étais gratté la tête. « Qu’est-ce que cela signifie ? »

« Tout d’abord, si je vous fais une telle remise, nous pouvons mettre le passé derrière nous pour aller de l’avant, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

Il avait répondu honnêtement, et je devais dire qu’il avait probablement raison. Certains auraient pu vouloir couper les liens avec lui après ce qui s’est passé, mais je n’avais pas ressenti le besoin d’aller aussi loin. Tout était de la faute de Nive, de toute façon. Et toute autre entreprise prendrait probablement la demande de Nive de la même manière. Le soutien à l’Église de Lobelia était tout aussi puissant, bien que ce soutien semblait plutôt être quelque chose que Nive traînait.

« C’est vrai, je suppose que nous le pouvons de manière générale », avais-je répondu. Je me sentais encore prudent en étant proche de lui, mais si nous coupions les liens, je perdrais l’accès à l’information. Cela ne serait que plus frustrant.

« De manière générale, hein ? Compris, je vois que vous n’êtes pas trop confiant. Ensuite, vous pouvez en rire si vous le voulez, mais en tant que commerçant, je soupçonne que vous pourriez avoir une certaine valeur pour moi, » avait-il admis.

Cela semblait être la vraie raison de son offre, vu l’intensité de sa voix, mais je ne savais pas ce qu’il insinuait. Peut-être que j’avais une certaine valeur en tant que vampire, mais je ne pensais pas que c’était ça. Il le pensait dans un sens plus abstrait.

« Mais je ne pense pas avoir quelque chose à offrir en particulier, » avais-je dit.

« Vraiment ? Alors peut-être que mon jugement est erroné, mais je ne le pense pas. D’ailleurs, vous serez un jour un aventurier de la classe Mithril, n’est-ce pas ? Si cela se produit, cela vaudra certainement la peine de rester en contact avec vous. En d’autres termes, c’est une sorte d’investissement, » avait-il ajouté, rappelant ce que je lui avais dit en passant. Je pensais ce que j’avais dit, mais je ne pensais pas qu’il me prenait au sérieux. Apparemment, il l’avait fait.

« J’espère atteindre mon objectif, mais beaucoup de gens disent que c’est difficile, » déclarai-je.

« Je le croirais. La plupart des aventuriers de la classe Bronze n’atteignent jamais la classe Mithril dans leurs rêves les plus fous, mais vous n’y arriverez jamais si vous n’essayez pas. J’ai commencé avec un modeste magasin, mais maintenant j’ai toute cette entreprise. Tout est possible, » déclara Sharl.

Je ne savais pas qu’il était si sympathique à cet égard. « Vous avez accompli cela sans aucun héritage ou quoi que ce soit ? » avais-je demandé.

« Ce ne serait pas tout à fait exact. Mon père tenait un magasin, mais c’était un petit magasin général. C’est moi qui l’ai développé. J’ai toujours dit qu’un jour notre magasin serait la plus grande entreprise du royaume, à l’époque où ce n’était encore qu’un rêve. »

C’est la raison pour laquelle Sharl ne s’était pas moqué de mes ambitions lorsque je les avais mentionnées. Quant à Nive, je ne savais pas à quoi elle pensait. Je doutais qu’elle ait même pensé à se moquer de moi. La Sainte Myullias était, bien sûr, une sainte, alors elle ne rabaisserait pas quelqu’un pour ses rêves. Non pas que le fait d’être un saint garantisse une personnalité, positive, mais la plupart de ceux qui appartenaient à une organisation religieuse essayaient de sauver les apparences.

« Cependant, cela semble beaucoup à investir dans un rêveur, » avais-je dit. La vente d’une chose qui coûtait jusqu’à 2500 pièces d’or pour 1800 pièces seulement signifiait une perte de 700 pièces d’or. Cela suffirait pour manger des repas des vendeurs de rue tous les jours pour le reste de ma vie. Ou alors, cela le ferait si je n’étais pas déjà mort. En tout cas, c’était beaucoup d’argent, et pourtant il était prêt à y renoncer.

« C’est peut-être beaucoup d’argent pour vous, mais ce n’est pas beaucoup pour ma société. De plus, je connais votre situation financière. Vingt pièces de platine, c’est le maximum que je puisse vous arracher. Les sacs magiques sont déjà assez difficiles à trouver en l’état. J’ai essayé d’obtenir un sac de pièces d’or de 1800 comme vous l’avez demandé, mais aucun n’est apparu sur le marché. C’est ce que j’ai réussi à trouver, et je déteste devoir baisser le prix, comme le ferait n’importe quel marchand, mais…, » déclara-t-il.

Il était vrai que les sacs magiques étaient difficiles à obtenir. Le seul moyen pour un aventurier ordinaire d’en obtenir un était de demander à quelqu’un qui en avait déjà un ou d’en trouver un lors d’une vente aux enchères ou dans un donjon. Même dans ce cas, peu de gens abandonneraient leurs sacs magiques. Ils étaient rarement repérés dans les donjons, et les ventes aux enchères étaient donc la meilleure solution.

Peut-être que cela n’était pas différent pour un commerçant. Il y avait des artisans qui fabriquaient des sacs magiques, mais personne ne savait qui ils étaient, et des entreprises gigantesques les gardaient presque tous pour elles. La compagnie Stheno était peut-être importante par rapport à la plupart des compagnies de Yaaran, mais elle n’avait pas encore autant d’artisans ni de relations. Leurs seules options étaient de rechercher les enchères, de vérifier les autres entreprises ou de les acheter à des aventuriers qui en avaient trouvé un par hasard. Il serait donc difficile d’en obtenir un d’une taille spécifique. Cependant, il n’avait pas fallu longtemps à Sharl pour en obtenir un qui soit assez proche. C’était un grand accomplissement, sauf que je ne pouvais pas me le permettre à plein prix. Je pouvais comprendre pourquoi Sharl détestait la vendre à perte.

« Alors, qu’est-ce que ce sera ? Allez-vous l’acheter ? » avait-il demandé.

C’était une décision difficile, mais je n’aurai peut-être plus jamais la chance d’en acquérir un. Je ne lui faisais toujours pas entièrement confiance, mais c’était une transaction ordinaire. Il n’y avait aucune raison de s’attendre à ce qu’il fasse une demande déraisonnable après que je l’ai acheté. Mais même avec tout cela, je ne pouvais pas répondre.

« Oh, ça me rappelle que ce sac magique a une fonction spéciale. Il peut changer d’apparence, » déclara Sharl en ramassant le sac. Il s’était concentré, et cela avait pris la forme d’un sac en cuir. Puis un sac à dos. Puis une boîte. « C’est l’une des raisons du prix. L’espace de stockage à lui seul ne lui permettrait pas de se situer dans la gamme des 2000 pièces, » avait-il poursuivi.

J’avais entendu parler de ce genre de choses, mais je n’en avais jamais vu auparavant. Les produits des artisans avaient une apparence fixe, ce qui avait dû être trouvé dans un donjon. Pour que Sharl ait obtenu cela si rapidement, il avait dû être à l’affût.

Maintenant que j’avais vu ce que le sac pouvait faire, je n’avais pas pu contenir mon désir. J’étais presque prêt à l’acheter de toute façon, alors cela avait scellé l’affaire.

« Je le prends. Voici, dix-huit pièces de platine, » avais-je dit en empilant les pièces sur la table.

◆◇◆◇◆

C’était peut-être un gaspillage d’argent. L’idée m’était venue en quittant la compagnie Stheno avec le sac, mais j’avais vite secoué la tête. Pour commencer, j’en avais besoin, et cela valait plus que ce que je payais pour cela. Même si je n’avais pas acheté celui-ci maintenant, j’en aurais quand même besoin un jour, alors le prendre en sachant que je peux le faire était le bon choix. Je pourrais aussi l’utiliser pour gagner la même somme d’argent que j’ai payée. Je pourrais toujours abattre une autre tarasque, ou chasser tous les orcs que je pourrais trouver. De toute façon, je ferais des pièces d’or par centaines.

Mais j’oubliais un peu comment gérer l’argent. Les aventuriers de la classe Bronze n’avaient jamais fait de gros achats comme celui-ci. Je ne pouvais me le permettre qu’en raison de mon corps unique, je devais donc en être reconnaissant. Je voulais redevenir humain, mais en même temps, je ne le voulais pas. C’était une position particulière.

Une fois cette importante affaire réglée, j’avais un autre objectif. Avant de partir en voyage, il y avait un problème que je voulais résoudre. Mon apparence rendait impossible toute réparation auparavant, mais maintenant je pourrais au moins passer pour un humain. Il n’y avait probablement aucun moyen de confirmer que je n’en étais pas un, comme l’avait prouvé Nive, alors j’avais pensé que c’était le moment.

L’affaire en question concernait mon poste à la guilde des aventuriers. Cela n’était pas encore devenu un problème, mais si quelqu’un comme Nive avait à nouveau vent de moi, cela pourrait devenir moche. Si possible, je voulais qu’ils enregistrent « Rentt Faina » et « Rentt Vivie » comme la même personne en négociant avec le chef de guilde de Maalt. C’était un pari dangereux, mais j’avais une chance. La guilde n’était pas du tout une organisation propre, comme je le savais bien.

Ça va probablement marcher, me suis-je dit en mettant les pieds dans la guilde.

***

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