Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon
Table des matières
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 1
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 2
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 3
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 4
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 5
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 6
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 7
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 8
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 9
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 10
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 11
- Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon – Partie 12
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Chapitre 4 : La Fleur de Sang du Dragon
Partie 1
« Je suppose que je devrais cette fois-ci accepter une demande en bonne et due forme, » dis-je en me tenant debout, seul, devant l’un des nombreux tableaux de demandes de la guilde.
Bien que j’aie résolu l’incident au lac il n’y a pas si longtemps, cette demande n’avait pas été faite par l’intermédiaire des canaux officiels de la guilde, et ce n’était pas quelque chose dont je pouvais m’attribuer le mérite.
Je dois me reprendre en main.
J’avais continué mes recherches…
« Celle-là…, » murmurai-je.
Mes yeux s’étaient arrêtés sur cette demande particulière. Ce n’était rien de remarquable puisque la récompense pour avoir répondu à la demande était une unique pièce de bronze. Ce n’était pas étonnant qu’il ait été laissé sur le tableau tel quel, on pouvait gagner plus d’argent en tuant un gobelin.
Mais en quoi consistait exactement cette demande ?
Mon intérêt s’était éveillé, j’avais examiné le reste un peu plus attentivement, pour découvrir que ce n’était pas une tâche simple.
« Rentt… ? envisages-tu de répondre à cette demande ? Nous te serions très reconnaissants de bien vouloir…, » commença une voix derrière moi.
Me tournant vers la source de la voix familière, je n’avais vu personne d’autre que Sheila, qui avait apparemment été réceptionniste pendant tout ce temps.
Je n’avais visité la guilde que durant ses heures les plus calmes, donc il y avait peu d’aventuriers dans la salle en ce moment, voire aucun. Sheila, elle aussi, n’avait pas beaucoup de travail de réceptionniste à faire, d’où son errance jusqu’à moi.
« La raison pour laquelle cette demande est toujours là, ce n’est pas une question d’indemnisation, n’est-ce pas ? C’est plus lié aux détails de la demande, » déclarai-je.
« Oui. Au premier coup d’œil, une seule pièce de bronze n’est pas grand-chose, mais en voyant qui l’a demandée, ça a du sens. Après tout, c’est une tradition de la guilde, » répondit-elle.
Cette tradition consistait à offrir une seule pièce de bronze en récompense. C’était quelque chose qui était fait par des individus qui avaient besoin de l’aide d’un aventurier, mais qui ne pouvaient pas se permettre d’offrir une grosse somme d’argent comme récompense. Je suppose qu’on pourrait dire que c’était quelque chose d’assez semblable au bénévolat. De telles demandes avaient été courantes depuis la création de la guilde elle-même, et les nouveaux aventuriers avaient souvent entendu parler de cette tradition par leurs aînés.
S’éclaircissant la gorge, Sheila avait continué. « Cependant, même s’il y avait des aventuriers prêts à travailler bénévolement, le contenu de la demande est… un peu… un peu… »
« Récolter une Fleur de Sang du Dragon est une demande difficile, car autour de celle-ci, il y a des choses très puissantes, » déclarai-je.
Une Fleur de Sang du Dragon était une fleur aux pétales pourpres rouges comme du sang. C’était une plante rare, à la fois ornementale et médicinale. À partir de ces fleurs, un fluide de la même couleur appelé sang de fleur du dragon pouvait être extrait, et à partir de ce fluide, une variété de médicaments pouvait être fabriquée.
La légende raconte qu’une jeune fille humaine serait tombée amoureuse d’un Dragon, leur relation transcendant les frontières des espèces. Cependant, à la suite d’une série de malentendus malheureux, un héros était arrivé et avait tué le Dragon. Son sang, à son tour, devint ces fleurs alors qu’il s’infiltrait profondément sous la terre. Jusqu’à ce jour, les Fleurs de Sang du Dragon étaient parfois offertes en cadeau à de jeunes filles amoureuses.
C’est peut-être une idée étrange de cadeau, vu la triste nature du conte. Mais dans l’histoire, le héros était le frère de la jeune fille. Bien que le Dragon aurait pu le vaincre sans trop d’efforts, il a plutôt choisi d’offrir sa propre vie par amour pour la jeune fille. C’est ainsi que cette fleur en était venue à représenter la détermination inébranlable d’une personne face à toute éventualité, d’où son statut contemporain de cadeaux romantiques.
Sa rareté signifiait qu’il était presque impossible d’obtenir de telles fleurs. Ils étaient à peine vendus chez le fleuriste commun, et ils demandaient une grosse somme d’argent.
Cette requête demandait la récupération de ces mêmes fleurs. Il était tout à fait logique de supposer que l’aventurier commun ne serait pas motivé pour entreprendre une telle tâche.
Bien que Sheila ait mentionné qu’un certain nombre d’aventuriers avaient envisagé d’accepter la demande. La raison en était le nom du client en question.
Les mots suivants étaient clairement écrits en caractères d’imprimerie sur la demande :
« CLIENT : ORPHELINS DU DEUXIÈME ORPHELINAT DE MAALT. »
Malgré sa nature, cela n’avait pas été écrit pour invoquer la pitié de quelque façon que ce soit. Les détails de la demande avaient été rédigés de façon claire, nette et formelle. Et bien que la récompense pour cette tâche ait été négligeable au mieux, il appartenait à l’aventurier de décider si cette demande valait la peine d’y consacrer son temps.
« Que vas-tu faire… ? » demanda Sheila, avec un léger sourire sur son visage. Connaissant Sheila, elle connaissait déjà ma réponse.
« Je vais accepter cette demande, » déclarai-je.
◆◇◆◇◆
Le deuxième orphelinat de Maalt —
Bien que Maalt fût une ville frontalière pour ainsi dire, elle avait la chance d’avoir deux labyrinthes dans ses environs et, par conséquent, une population assez importante. Maalt était dans l’ensemble une ville assez bien établie. Il y avait un bon nombre d’installations publiques disponibles — au moins un nombre proportionnel à la population de Maalt. L’orphelinat vers lequel je me dirigeais en était un.
Selon la région et le royaume, les orphelinats étaient gérés par diverses organisations. Celui-ci, en particulier à Maalt, était dirigé par un collectif de moines et de moniales appartenant à l’Église du Ciel Oriental. Cette église croyait qu’un ange était descendu du ciel au-dessus de la partie orientale de Yaaran, et que cet ange aurait accompli une variété de miracles bienveillants. L’Église, à son tour, considère l’ange comme une matérialisation de Dieu, étant ainsi la cible de son culte. Comme leurs activités le suggéraient, ils étaient une organisation relativement paisible, ne s’engageant pas dans un travail missionnaire agressif et n’exigeant pas de dons du grand public.
Cependant, ils étaient plus appauvris que d’autres organisations du même genre. Les adeptes du ciel oriental étaient connus pour leur frugalité et leurs nobles intentions, et ils étaient respectés dans tout le royaume de Yaaran. Ce phénomène ne s’était toutefois étendu qu’à Yaaran. En raison du fait que l’organisation ne s’était jamais beaucoup développée, son nom n’avait apparemment pas été entendu souvent en dehors de ces terres.
Quoi qu’il en soit, je suppose que c’était ainsi que les organisations religieuses locales concentrées dans certaines parties du pays s’en étaient tirées.
La présence de l’Église à Maalt était représentée par le deuxième orphelinat, bien qu’elle n’ait pas donné une image très agréable. Le bâtiment lui-même était délabré et avait grandement besoin d’être réparé, mais je suppose que c’était exactement comme ça. Les fissures et les trous dans ses murs étaient remplis de morceaux de gravier blanc ici et là. Bien que les réparations improvisées aient semblé faire leur travail, le manque général de financement qui affligeait l’Église du Ciel Oriental était douloureusement évident dans ces observations.
D’après les livres que j’avais lus et quelques divagations de Lorraine, un certain empire à l’ouest de Yaaran abritait un certain nombre de grandes organisations religieuses. Le pouvoir qu’ils exerçaient était immense, détenant autant de pouvoir que l’empire lui-même. On disait que ses prêtres et ses représentants étaient habillés d’une telle quantité de pierres précieuses et de parures qu’on les prenait souvent pour des bijoutiers. À Yaaran, cependant, pas un seul de leurs adeptes n’avait pu être vu.
En regardant l’état de l’orphelinat, j’avais senti que l’Église du Ciel Oriental semblait plus appropriée avec un chaudron de cuisson en cuivre qu’avec des bijoux. Mais les chaudrons de cuivre étaient chers, donc ce n’était ni l’un ni l’autre.
Je m’étais vite retrouvé devant l’orphelinat, sa porte équipée d’un grand heurtoir. En levant la main, j’avais saisi la poignée de métal, avec l’intention d’annoncer ma présence. C’est ce que je voulais faire, jusqu’à ce que le heurtoir s’arrache de la porte, maintenant une partie métallique inerte dans ma paume.
« … Je n’ai rien vu, » murmurai-je.
Heureusement, il y avait des contacts métalliques à la fois sur le heurtoir et sur la porte, donc une simple réparation s’imposait. En retirant une fiole pleine de liquide visqueux de ma ceinture à objets, j’en avais versé sur le heurtoir avant de le maintenir en place contre la porte pendant quelques secondes. En relâchant lentement ma main, j’avais été satisfait de voir le heurtoir revenir à sa position d’origine.
Ne voulant plus démolir l’infrastructure de l’orphelinat, j’avais frappé sur la porte en bois qui tremblait — doucement, de peur que je ne retire la porte de ses charnières. Évitant la zone autour du heurtoir, j’avais continué à frapper, en m’assurant qu’il y avait assez de son transmis à travers la surface de la porte. Une manœuvre des plus techniques, c’était probablement la plus élaborée que j’aie jamais effectuée en tant qu’aventurier. Mais faire cela m’avait fait réfléchir momentanément à ce que je faisais exactement de ma vie. Heureusement, la porte s’était rapidement ouverte, m’arrachant à mes pensées de plus en plus détournées.
De l’autre côté de la porte émanait une série de bruits violents — et dire que je venais de réparer le heurtoir de la porte ! Au moment suivant, la porte en bois s’était enfin ouverte, et la personne de l’autre côté ne se souciant apparemment pas beaucoup de l’état de la porte ni de ma présence suspecte, masquée par un crâne. En fait, elle avait souri.
« Ah, un invité ? Je m’excuse, mais Lillian n’est pas là aujourd’hui… »
C’était une fille d’environ 12 ans, au mieux. Ses cheveux courts, mais bien coupés se détachaient. Malgré sa pauvreté, elle était bien soignée, avec un air de raffinement, je suppose que même les périls de la pauvreté n’étaient pas suffisants pour lui enlever cela.
Mais je n’avais aucune idée de qui était Lillian, et aucune idée de comment répondre. J’avais donc décidé d’expliquer la raison de ma visite.
« … Je suis un aventurier de la guilde qui a accepté votre demande ou est-ce que vous refuseriez une personne comme moi ? » demandai-je.
Les yeux de la fille s’étaient élargis face à mes paroles.
« Ah ! Pourquoi ne l’avez-vous pas dit ? J’ai supposé que vous étiez l’un des agents de recouvrement… S’il vous plaît, entrez. J’espère que cela n’est pas trop étroit à votre goût, » déclara la fillette.
La jeune fille m’avait ouvert la porte et m’avait accueilli à l’orphelinat.
***
Partie 2
« … Les enfants ont-ils besoin de moi ? » avais-je demandé, alors que nous allions à l’intérieur du bâtiment.
De nombreuses paires d’yeux curieux m’avaient regardé pendant que nous marchions — des orphelins de tous âges et de toutes tailles. Certaines étaient de jeunes filles qui tenaient des bébés dans leurs bras, tandis que d’autres approchaient d’un âge où elles allaient bientôt travailler dans le monde extérieur pour leur subsistance.
Les orphelins étaient d’âges, de tailles et d’histoires variés. Certains étaient devenus orphelins lorsqu’ils avaient perdu leurs parents à cause de monstres ou de bandits, et d’autres avaient tout simplement été abandonnés sur les marches d’un orphelinat après leur naissance. Bien que ce dernier cas soit quelque peu rare à Maalt, le premier n’était que trop fréquent. Après tout, tout pouvait arriver une fois qu’on avait quitté les confins d’une ville fortifiée. Même si un village était établi dans une zone censée être sûre et non fréquentée par des monstres, il pourrait tout aussi bien être démoli par une bande itinérante, ou par des monstres attirés par la présence humaine. Ces événements malheureux se produisaient tous les jours et, la plupart du temps, étaient trop nombreux pour qu’on puisse les compter.
Telle est la situation dans le monde, aussi tragique soit-elle. Ces orphelins pouvaient être considérés comme chanceux, ne serait-ce que parce qu’ils respiraient encore et avaient un toit au-dessus de leur tête.
Les regards de ces filles seraient peut-être compréhensibles, vu mon apparence.
Après avoir été conduite dans une sorte de salle de réception, la jeune fille aux cheveux courts était partie me chercher du thé. En son absence, la salle avait commencé à se remplir d’enfants, d’orphelins qui s’entassaient les uns après les autres dans la pièce, pour finalement devenir une véritable foule. Je suppose que j’avais l’air intéressant pour eux — j’étais un aventurier masqué et vêtu d’une robe — et ce n’était probablement pas le genre de personne qu’ils rencontraient régulièrement.
Il y avait d’innombrables aventuriers habillés de la même façon que moi, mais pour ceux qui ne faisaient pas partie de la profession, je suppose que mon apparence était différente.
Les dangers professionnels communs à l’aventurier standard n’étaient pas exactement partagés avec les citadins normaux. Par exemple, un citadin n’avait pas été exposé sur une base régulière à des rencontres qui pourraient irréversiblement brûler ou marquer son visage. La noirceur de ma robe n’avait contribué qu’à cette image, bien que les aventuriers portaient principalement des robes pour se cacher des monstres lorsqu’ils se déplaçaient dans les donjons ou les forêts, ils portaient généralement des robes brun foncé à cette fin. La mienne était toute noire.
Vu tout ça, je ne pouvais pas blâmer les filles de m’avoir regardé. Pour couronner le tout, moi, un aventurier, j’avais personnellement rendu visite à leur orphelinat. Inutile de dire que l’aventurier typique n’était pas vraiment connu pour visiter les orphelinats, ne serait-ce que parce que la plupart des orphelinats n’avaient pas les moyens de payer leurs services.
Ce phénomène se répercuta dans la plupart des autres royaumes et pays du continent. Étant un organisme à but non lucratif au départ, peu de fonds seraient affectés à un orphelinat comme celui-ci. Si l’on faisait abstraction de la frugalité et des problèmes financiers de l’Église du Ciel Oriental, on n’avait pas eu besoin de chercher trop loin à Maalt pour constater que les orphelinats des autres groupes religieux souffraient d’un manque de financement similaire.
En d’autres termes, la présence d’un aventurier dans un orphelinat était une rareté en soi, d’où la foule curieuse avant moi.
Cette vue m’avait quelque peu attristé. Alors que j’étais relativement inoffensif, les aventuriers étaient typiquement des personnages à la moralité douteuse, et ils n’étaient guère le genre de personnes que les enfants devraient approcher aussi facilement.
Les orphelins ne semblaient pas comprendre cela.
Comme pour interrompre mon monologue interne, la porte de la chambre s’était à nouveau ouvert, révélant la fille qui m’avait accueilli à la porte. Elle tenait dans ses mains un plateau, ainsi qu’une simple tasse et une soucoupe. Du thé pour moi, peut-être.
La fille s’est arrêtée sur ses pas, avec le plateau à thé se trouvant toujours dans ses mains. La présence d’une telle foule semblait l’avoir surpris, si l’on en croit ses yeux qui s’élargissaient rapidement.
« Qu’est-ce que vous faites !? » cria-t-elle, visiblement agitée.
Cette fille était clairement différente. Elle connaissait les dangers qu’un aventurier typique représentait, et elle avertissait les autres orphelins de se tenir loin de moi.
Je ne dirais pas qu’un aventurier au mauvais caractère typique ne pouvait pas s’empêcher pour se réconforter de frapper un enfant qui s’était approché d’eux avec insouciance, ou de tabasser une pièce remplie d’enfants curieux qui s’étaient un peu trop rapprochés.
« Pourquoi n’écoutez-vous pas ? Je vous ai dit clairement de ne pas approcher notre visiteur en aucune circonstance ! Vous le comprenez tous !? » s’écria la fille.
Avec un rugissement puissant et une cacophonie de nombreux orphelins en pleurs, la jeune fille avait chassé ses « frères et sœurs » de la pièce, avant de se tourner vers moi avec une expression désolée.
« Je… Je veux dire… Je suis désolée, je ne voulais pas suggérer que vous étiez un personnage peu recommandable…, » déclara la fille, bégayant un peu. Son ton était immensément forcé.
A-t-elle peur de ma réponse ?
« … Non. En fait, je suis rassuré, » répondis-je. « Ces enfants m’ont approché sans la moindre suspicion, et j’avais peur en me demandant si personne ne leur avait parlé des aventuriers. »
J’avais accepté ses excuses sans trop d’histoires.
Les paroles de la fille sonnaient juste. Bien que la façon dont elle criait sur les autres enfants en ma présence était un peu inconvenante, elle l’avait fait au nom de la sécurité des autres enfants, elle avait eu la bonne idée.
Il se trouve que l’aventurier présent dans cet établissement aujourd’hui était moi-même, et non un rustre violent d’une taverne locale. Cela n’avait pas changé grand-chose au fait que les aventuriers étaient des individus intrinsèquement dangereux.
Cela dit, un aventurier qui avait accepté la demande d’un orphelinat pour le grand prix d’une pièce de bronze n’était probablement pas un individu violent dans les deux cas, mais il était toujours plus prudent de pécher par excès de prudence. Les faibles et les opprimés se méfiaient de l’étrange et de l’éclectique, c’est-à-dire des aventuriers et de leurs semblables, c’était du bon sens.
La jeune fille, ayant déduit mon intention de mes paroles, baissa légèrement la tête. « Je m’excuse vraiment… Ces enfants, ils n’écoutent jamais, même si je leur dis de ne pas mettre leur nez dans le danger. Il y a toujours tant d’ennuis. Ils sont généralement bien élevés, mais une fois qu’on détourne le regard… »
Une fois que leur gardien détournait du regard, la curiosité avait pris le dessus. J’avais compris ce que la fille essayait de dire. Je supposais que tous les enfants étaient comme ça, mais il y avait des orphelins un peu plus âgés parmi eux. Eux aussi n’avaient aucun sentiment de danger ou d’appréhension.
« Le sens de la curiosité n’est pas nécessairement une mauvaise chose avec les jeunes, » déclarai-je. « Cependant, ils feraient bien d’être plus prudents. Bien que la plupart des aventuriers de Maalt soient des individus bien élevés, il y en a de moins bien qui visitent souvent la ville au cours de leurs voyages. Si la prudence appropriée n’est pas prise pendant ces moments, cela pourrait devenir un incident. »
Les meurtres et autres avaient toujours entraîné d’énormes problèmes, mais même si ce n’était pas le cas, il restait toujours la possibilité de problèmes importants et indésirables. Même si l’on cherchait le coupable, un vagabond pourrait facilement se déplacer vers la ville suivante sur leur carte — et ce serait tout.
« Oui. Je comprends. Je m’assurerai de les sermonner sévèrement par la suite, » déclara la fille.
En hochant la tête, la jeune fille me regarda, son expression teintée d’un mélange de curiosité et d’incrédulité. « Même ainsi… Vous êtes un bon aventurier, n’est-ce pas ? Bien que l’on sache que la plupart des aventuriers basés à Maalt sont raisonnables… Peu de gens s’en soucient à ce point. »
Bien qu’il serait inexact de dire que les aventuriers qui se souciaient autant que moi n’existaient pas, beaucoup choisissaient d’ignorer les enfants et de rire vaguement quand on leur offrait des excuses. Peu de gens voudraient donner un sermon à leur client sur les dangers des aventuriers.
Je ne faisais pas non plus la leçon à mes clients, mais j’avais au moins pensé qu’il était raisonnable de donner un tel avertissement. De cette façon, je ne regretterais pas de ne pas en avoir assez dit si quelque chose de malheureux se produisait à un moment donné.
C’était probablement une bénédiction que nous ayons cette conversation maintenant, étant donné que c’était seulement parce que j’avais rencontré ces enfants il y a quelques instants.
Je suppose que j’avais appris à apprécier un peu plus la vie, étant donné mes propres expériences avec la vie, la renaissance et la mort, même si j’avais un peu dépassé mes limites.
« Même si c’était un autre aventurier au lieu de moi, eux aussi auraient dit quelque chose. Étant donné le degré d’innocence de ces enfants, je suppose que cela indique à quel point ils sont heureux de vivre ici, » déclarai-je.
Un orphelinat n’était pas du tout extrêmement pauvre. Ils avaient reçu des fonds pour fonctionner, mais les orphelins avaient été traités de différentes manières, selon l’endroit où ils vivaient. Cette variation était clairement visible dans les orphelinats qui n’étaient pas gérés par le Ciel Oriental, les orphelins dans ces endroits étaient souvent traités comme un fardeau, et ils n’étaient pas pris en charge avec bienveillance.
Les orphelins ici étaient différents. Ils avaient été douchés d’amour et traités comme il se doit. La façon dont ils s’étaient comportés en était la preuve : curieux, mais pas avec crainte ou ressentiment.
Le responsable de cet orphelinat devait être un individu d’une moralité irréprochable.
Bien que j’aie accepté les demandes du premier orphelinat de Maalt, peut-être trois fois par an, je n’avais jamais accepté une demande postée par le second. C’était parce que quelqu’un d’autre acceptait toujours les demandes qui étaient présentées. Cependant, je ne me souvenais pas beaucoup de cet individu, et j’avais essayé aussi souvent que j’avais pu, mes souvenirs étaient flous, mais son nom était sur le bout de ma langue.
La réponse de la fille interrompit encore une fois mon monologue.
« Oui… Lady Lillian était vraiment bonne… Je veux dire, elle a pris grand soin de nous…, » déclara-t-elle.
Alors que la jeune fille avait été excessivement formelle jusqu’à ce point, elle semblait avoir oublié son ton de voix forcé tout en parlant d’elle-même. Elle parlait bien pour un enfant, mais sa façon de parler n’était pas parfaite.
Malgré tout, ses efforts étaient admirables, sinon malavisés, car s’adresser à quelqu’un comme moi d’une manière aussi formelle était, au mieux, étrange.
« Vous semblez trébucher sur vos paroles. Cela ne me dérange pas si vous parlez normalement, » déclarai-je.
« Hein ? Vraiment ? Mais…, » déclara la jeune fille.
« Ne vous inquiétez pas pour ça. Peut-être devriez-vous être prudente lorsque vous parlez avec d’autres aventuriers. Dans mon cas, je ne me soucis pas du tout de ça, » déclarai-je.
Les aventuriers qui étaient particuliers à ce genre de choses existaient, mais ils étaient l’exception et non la norme. Les aventuriers qui avaient une façon formelle et un peu plus raffinée de parler étaient souvent considérés comme un peu snobs. Les aventuriers se moquaient souvent les uns des autres pour diverses raisons, leur façon de parler étant un sujet commun. De telles plaisanteries étaient absentes lorsqu’un aventurier particulièrement raffiné s’adressait à une employée d’une guilde et que l’on faisait l’éloge de leur soi-disant chevalerie. Les aventuriers étaient en effet une existence compliquée et conflictuelle à bien des égards.
La plupart des aventuriers étaient tout à fait d’accord de parler et de coucher avec la vulgaire femme, mais on disait qu’ils cherchent souvent des femmes de classe pour compenser leur propre manque d’élégance sociale. Ce n’était tout simplement pas une notion que je pouvais comprendre ou avec laquelle je compatissais.
Quoi qu’il en soit, je ne me souciais pas beaucoup du ton formel de sa voix — et c’était donc ce que je lui avais dit.
Fondamentalement, la plupart des aventuriers n’avaient pas particulièrement aimé qu’on s’adresse à eux de façon formelle.
Faisant une pause momentanée, la jeune fille s’arrêta pour réfléchir, avant de hocher la tête à mes paroles. « Je comprends. Mais ne vous fâchez pas, d’accord ? Vous l’avez dit vous-même, » déclara-t-elle, parlant d’une manière plus naturelle.
Je suppose que c’était une façon plus naturelle de parler pour un enfant, du moins, je le présume.
Comme elle résidait dans cet établissement, elle était probablement orpheline, tout comme les autres enfants ici. Elle devrait s’efforcer de s’entraîner à parler de façon formelle et à être socialement alerte, de peur de s’enliser dans des incidents désagréables à l’avenir. Si elle n’avait pas ces compétences, elle serait incapable de résister et risquerait de perdre la vie, car la position sociale d’une orpheline n’était en aucun cas solide.
De ce point de vue, j’avais peut-être fait quelque chose d’inutile. Cependant, la jeune fille semblait plus détendue quand elle parlait, et c’était peut-être mieux ainsi.
Même si je lui rendais un mauvais service dans un certain sens, je veillerais dans tous les cas à ce que sa demande soit satisfaite.
« Oui, bien sûr, je ne me fâcherai pas à propos de la demande, mais avant cela, nous devrions vraiment nous présenter. Je m’appelle Rentt. Rentt Vivie. Un aventurier de classe Bronze, » déclarai-je.
« Bronze… ? Je pensais que vous étiez un aventurier de classe Fer… Vous savez, puisque c’est une demande d’orphelinat et tout ça… Oh, je suis Alize. Je n’ai pas de nom de famille, » déclara-t-elle.
Comme les orphelins venaient d’horizons divers, il n’était pas rare que certains orphelins n’aient pas de nom de famille, ne serait-ce que parce que l’identité de leurs parents n’était pas connue. Les orphelins recevaient souvent un nom de famille s’ils avaient été adoptés ou lorsqu’ils devenaient indépendants.
Alize était probablement dans des circonstances similaires.
En fait, c’était une pratique bien connue pour les orphelins d’adopter le nom de famille de leur tuteur si le besoin s’en faisait sentir. Pour ce cas particulier, je ne pensais pas que c’était nécessaire, car j’étais un aventurier, pas un fonctionnaire ou une organisation quelconque.
Essentiellement, je n’avais pas besoin qu’Alize ait un nom de famille pour signer les documents pertinents.
***
Partie 3
« Maintenant que nous connaissons le nom de l’autre, j’aimerais en savoir plus sur cette demande, » déclarai-je.
Après m’avoir entendu dire ça, Alize acquiesça d’un signe de tête, offrant rapidement une explication. « À propos de ça… Ce n’est rien d’extravagant. Ce que je veux est écrit sur la demande. »
« Vous voulez une… Fleur de Sang du Dragon, » déclarai-je.
« Oui. Puis-je vous demander ça ? » demanda-t-elle.
« Eh bien, je l’ai déjà accepté alors il n’y a aucune raison pour moi de refuser, mais je suis sûr que vous ne comprenez pas tout. Cette plante n’est pas très répandue dans les environs de Maalt. J’aimerais au moins savoir la raison pour laquelle vous me demandez une telle chose ? » déclarai-je.
Alize tourna son regard vers le bas, avec une expression difficile sur son visage.
« C’est…, » commença-t-elle.
Je suppose qu’elle avait ses propres raisons. Malgré cela, elle poursuivit rapidement son explication.
« Oui. Je sais, je sais. Vous n’êtes pas convaincu… Eh bien… Pourriez-vous attendre un peu ? » demanda-t-elle.
« Bien sûr…, » déclarai-je.
J’avais l’impression qu’Alize me parlerait clairement de sa raison, mais elle était vite partie. Je n’avais pas eu à attendre longtemps qu’elle revienne, cependant…
« S’il vous plaît, venez par ici… Je vais vous montrer pourquoi nous avons demandé une telle chose, » déclara Alize.
Me faisant signe de la main, Alize s’était retournée, sortant de la salle de réception.
◆◇◆◇◆
J’avais suivi Alize, mais nous n’avions pas pris beaucoup de temps pour arriver, car nous nous étions bientôt arrêtés à l’extérieur d’une pièce. En s’approchant de la porte, Alize avait frappé deux fois.
« C’est Alize…, » déclara-t-elle, comme si elle regardait la porte devant elle.
« Entrez. »
C’était une voix tremblante, presque inaudible — la voix d’une femme.
Alize hocha la tête. « Excusez-moi… »
Après ça, Alize avait ouvert la porte et entra dans la pièce. En me jetant un coup d’œil, Alize avait légèrement incliné la tête, me faisant signe d’entrer aussi.
C’était une chambre basique, meublée d’une petite étagère et d’une table, ainsi que d’un lit tout aussi simple. Dans ce lit se trouvait une femme d’âge moyen, qui luttait un peu pour s’asseoir dans son lit à la vue d’Alize et moi.
« Enchanté de vous rencontrer. Merci beaucoup d’avoir accepté notre demande… de nettoyage des caves de l’orphelinat. Nous n’avons pas grand-chose pour vous remercier de votre gentillesse, mais nous savons que nous vous sommes vraiment reconnaissants pour votre charité. Je suis la gestionnaire de cet orphelinat, Sœur Lillian Jeunne, de l’Église du Ciel Oriental. Nous comptons sur votre générosité. »
La disparité entre la demande d’Alize et les paroles de la sœur m’avait fait tourner légèrement la tête. Le regard en réponse d’Alize m’avait convaincu de garder le silence sur la question. J’avais supposé que je devrais me présenter, de toute façon.
« Ah… Oui. Je suis Rentt Vivie de la Guilde des Aventuriers. Accepter de telles demandes de temps en temps n’est pas si mal, » déclarai-je.
D’un point de vue réaliste, j’avais accepté cette demande parce que je sentais que je devais la faire. Par conséquent, l’acceptation ou le refus des demandes était laissé à l’aventurier. Mais tant qu’on acceptait la demande en question, on travaillait, et c’était la façon d’agir d’un aventurier. Le client et l’aventurier étaient tous deux considérés comme égaux, de sorte qu’il n’y avait aucune raison réelle pour le client de s’en remettre à l’aventurier en question.
« Vos paroles donnent de la force à mon cœur… Le sous-sol de l’orphelinat est petit, mais à cause de la présence de monstres, je ne pouvais pas laisser les enfants le faire. Si j’étais en meilleure santé, je combattrais les monstres moi-même, mais maintenant…, » déclara Lillian.
Je me demandais s’il était possible pour Sœur Lillian, une femme d’une quarantaine d’années, de combattre des monstres, mais le silence relatif et le regard respectueux d’Alize avaient suffi à me convaincre du contraire. Les moines et les prêtres étaient souvent entraînés à avoir une certaine capacité de combat, de sorte qu’ils étaient la seule profession autre que les aventuriers à maîtriser les techniques martiales.
Il y avait aussi des considérations sur l’utilisation de la divinité, auquel cas le physique de la sœur importait peu. Les flammes purificatrices provoquées par l’aura divine étaient plus que suffisantes pour enflammer des monstres dans un petit espace confiné.
Comparés à ce dont Sœur Lillian était théoriquement capable, mes propres pouvoirs divins étaient faibles. Après tout, je n’étais un fervent partisan d’aucune religion, alors il n’y avait pas grand-chose à faire contre cette disparité.
Cela ne me dérangeait pas trop, ayant beaucoup appris sur les applications possibles de la divinité chez Clope. Tant que j’étais créatif sur la façon dont j’utilisais ma divinité, je pouvais produire des résultats respectables.
Sur cette note, j’avais essayé un Art Fusionnel avec la divinité et le mana, et ce test s’était terminé par un échec. La réaction observée lors du mélange de la divinité et du mana était beaucoup trop violente, surtout si on la compare à celle du mana et de l’esprit. Mélanger la divinité et l’esprit n’avait pas donné de résultats plus positifs, principalement en raison du fait que les énergies à l’intérieur de l’arme s’étaient dissipées au moment où elles avaient été mélangées. Peut-être étaient-ils tout simplement incompatibles, ou du moins d’une faible compatibilité. Quoi qu’il en soit, une application réussie me semblait possible avec suffisamment d’entraînement, ou peut-être une sorte de technique que je ne connaissais pas encore.
Sœur Lillian possédait des capacités martiales, mais elle était maintenant incapable de se battre comme elle l’avait l’habitude de le faire. Il était évident de voir que la Sœur était malade.
« Êtes-vous malade... Sœur Lillian… ? » demandai-je.
« Oui, malheureusement… Il semblerait que ma force ait quitté mon corps ces derniers temps. Cependant… Je n’ai jamais eu de problèmes de santé. Je suis sûre que je vais récupérer avec un peu de repos. Alors… si vous voulez bien nous aider pendant ce temps…, » déclara Lillian.
Ne sachant pas trop comment répondre, je m’étais tourné vers Alize, dont l’expression semblait être celle d’un silence suppliant.
« … Je ferai ce que je peux. Prenez soin de vous, Sœur Lillian, je devrais y aller bientôt. Alize, » déclarai-je.
« Oui… Alors, Lady Lillian. Nous devons discuter des détails de la demande…, » déclara Alize.
Lillian hocha la tête en entendant les mots d’Alize. « Oui. Tu es un enfant très utile, Alize. Monsieur Rentt… Pensez à Alize comme ma seconde. S’il y a quoi que ce soit que vous ne sachiez pas… demandez simplement à Alize. »
Hochant la tête, nous étions tous les deux sortis de la pièce, Alize fermant la porte derrière elle.
« … J’ai beaucoup de questions. Alize, » déclarai-je.
« Eh bien… Revenons à la pièce où nous étions en premier, » déclara Alize.
Alize avait commencé à marcher dans le couloir — je suppose que ce serait problématique si Sœur Lillian avait eu vent de notre discussion.
J’avais gardé le silence, en suivant de près Alize.
***
Partie 4
« … Pourquoi ? » demandai-je.
Ce n’était qu’un seul mot, mais Alize avait assez bien compris ma question.
Je suppose que c’était une évidence, ne serait-ce que parce que c’était Alize qui m’avait fait signe de garder le silence pendant notre conversation avec la sœur.
« Désolé pour tout le dérangement… Il y a une raison…, » déclara Alize en s’excusant.
Je ne pouvais pas réprimander Alize pour ce qu’elle avait fait, surtout quand elle avait finalement accepté de me dire la vérité. Je n’avais pas l’intention de crier sur Alize ou de la remettre sur place, mais je voulais savoir pourquoi nous devions garder cela secret devant la sœur.
« Eh bien… Vous avez vu comment elle allait, n’est-ce pas ? Lady Lillian… Elle ne s’en rend pas compte elle-même. Mais elle est très malade…, » Alize commença enfin à s’expliquer.
« Je vois, » déclarai-je.
Avec ces seuls mots, j’avais largement compris la nature de la demande d’Alize. Cependant, je ne voulais pas faire de suppositions, alors j’avais laissé Alize continuer.
« Nous avons vu un guérisseur pour cela… Je veux dire, pour la maladie de Sœur Lillian. Mais elle ne peut pas être guérie par la magie… Seulement avec les pouvoirs divins de ceux qui ont été bénis par des esprits guérisseurs… »
« C’est peut-être impoli de ma part de dire cela, mais vous avez dû payer au guérisseur une somme d’argent équitable pour qu’ils puissent même voir Sœur Lillian, » déclarai-je.
Alize avait ri de mes paroles, me montrant du doigt. « Il y a plus de gens comme vous que vous ne le pensez ! Ils ont dit qu’ils ne prendraient pas d’argent si c’était pour Lady Lillian. C’est ce qu’ils ont dit, en tout cas. »
Je suppose que c’était compréhensible puisque la sœur était membre de l’Église du Ciel Oriental, ainsi qu’une religieuse qui s’occupait d’un orphelinat. Il y en a sûrement beaucoup qui avaient été sauvés par sa main bienveillante, ou même contre toute attente par ses prouesses divines. Elle était tout à fait capable de combattre les monstres alors qu’elle était encore en bonne santé.
« Eh bien… Alors, c’est pour ça. À moins qu’une prêtresse sainte ou un grand prêtre ne passe, nous aurions besoin de médicaments pour guérir Lady Lillian. En fait, une prêtresse sainte est passée il y a quelque temps, mais Lady Lillian était encore en bonne santé à l’époque…, » expliqua Alize.
Si ma mémoire était bonne, l’une d’entre elles, la sainte prêtresse, avait rendu visite à Maalt alors que je respirais encore. Je suppose qu’ils me considéreraient comme une cible pour la purification si nous nous croisions maintenant…
Certains disent que le simple fait de regarder une prêtresse — la sainteté — les avait aidés à se sentir mieux. Si je m’approchais d’une telle personne avec insouciance, je disparaîtrais peut-être. Je devrais être plus prudent à ce sujet à partir de maintenant.
« Et pour cette… médecine, vous avez besoin d’une Fleur de Sang du Dragon ? » demandai-je.
« Oui, exactement. Le médicament sera fabriqué avec l’aide du guérisseur dont j’ai parlé… Ils ont dit qu’ils chercheraient quelqu’un qui peut le faire. Et pour ce qui est des honoraires… J’ai dit que je paierais, mais ils ont refusé de recevoir quoi que ce soit de nous, » déclara Alize.
Le guérisseur en question avait sûrement l’intention de payer au nom d’Alize. Je suppose que ce genre de choses se produisait de temps à autre, et dans ce cas-ci, la gentillesse de Sœur Lillian avait bouclé la boucle, et de nombreuses personnes voulaient maintenant l’aider.
« Je vois. Je comprends maintenant… votre situation. Si je peux me permettre… Quel est le nom de… la maladie de la sœur ? » demandai-je.
« Ça s’appelle apparemment la Maladie de l’Accumulation du Miasme… C’est un type de maladie qui n’afflige que les praticiens de la divinité. Plus leur divinité est forte… plus leur corps absorbe le miasme chaque fois qu’ils utilisent leur divinité, comme une sorte de contre coup, du moins, je suppose… Et leur santé se détériore avec le temps. Mais… une Fleur de Sang du Dragon a la capacité de dissiper ce miasme…, » expliqua Alize.
Maladie de l’Accumulation du Miasme…
Étant donné que j’étais moi-même un pratiquant de la divinité, cela pourrait un jour me préoccuper. Mais je ne me souvenais pas d’avoir vécu de telles expériences dans le passé, probablement parce que la quantité de divinités que je pouvais rassembler était beaucoup trop petite pour commencer, ne laissant aucune place au miasme pour y entrer. Purifier une tasse d’eau potable ou soulager l’infection d’une plaie était à peu près tout ce que je pouvais faire. Comparée à mes prouesses mineures, Sœur Lillian avait probablement canalisé beaucoup de divinités dans sa vie.
Maintenant que j’y pense, même moi, j’allais en utiliser pas mal pour tuer des monstres… Mais c’était une idée pour une autre fois.
« … Et cette discussion sur l’entrepôt dans le sous-sol ? » demandai-je, en me rappelant les paroles de Lillian.
« C’est juste une façon détournée de parler. Après tout, si je demandais carrément à un aventurier de cueillir des Fleurs de Sang du Dragon, Lady Lillian saurait tout de suite ce que j’essaie de faire. Après tout, seule Sœur Lillian est capable d’utiliser n’importe quelle divinité ici…, » déclara Alize.
« Est-ce un si grand problème si cela était connu du public… ? » demandai-je.
« Bien sûr que si ! Lady Lillian ne demanderait jamais une chose pareille. De plus… les gens ne meurent pas du miasme accumulé tout de suite, et ce fait ne fait que rendre la demande d’aide plus difficile. C’est une maladie qui ronge lentement la personne… D’après ce que le guérisseur a dit, il faudrait au moins cinq à dix ans à une personne auparavant en bonne santé pour en mourir… Lady Lillian demanderait d’être remplacée par une autre nonne du ciel oriental si elle avait vent de ça ! »
La frugalité de Sœur Lillian était vraiment quelque chose d’authentique.
On ne pouvait pas espérer engager un aventurier pour aller cueillir des Fleurs de Sang du Dragon avec une somme normale de pièces de monnaie, alors je suppose que c’était la raison pour laquelle Sœur Lillian n’avait pas voulu faire une telle demande.
On pourrait penser que la bonne sœur demanderait de l’aide, étant donné que l’orphelinat ne fonctionnerait pas sans elle. Cependant, en raison de la nature de la maladie, il semblerait qu’elle préférait qu’un autre de ses collègues la remplace plutôt que de dépenser de l’argent pour un remède. Bien que cela ait un certain degré de bon sens, c’était un processus de réflexion des plus troublants. J’avais commencé à comprendre pourquoi Alize m’avait supplié de garder le silence sur la véritable nature de cette demande.
Alors que la plupart des nones et des moines qui vivaient selon les enseignements du ciel oriental étaient en effet saints dans leur disposition, ce même comportement était maintenant devenu la racine de ce problème. Même menacée de mort, Sœur Lillian n’y voyait rien d’autre que son devoir divin.
La maladie pouvait être facilement guérie tant qu’on avait la quantité appropriée de pièces de monnaie. Sœur Lillian, par contre, détesterait dépenser un montant aussi exorbitant pour elle-même. C’était probablement la raison pour laquelle Alize avait dû recourir à une méthode aussi détournée, et c’était une bonne chose que je me tiens ma langue.
Mais Alize semblait avoir d’autres soucis.
« Eh bien… C’est comme ça que ça se passe. Mais… pouvez-vous vraiment obtenir une Fleur de Sang du Dragon ? Ce que vous avez dit est vrai, si on l’obtenait près de Maalt… ce ne serait que dans le “Marais des Tarasques”…, » déclara Alize.
Le marais était, comme son nom l’indiquait, une région marécageuse gouvernée par une sorte de monstre redoutable, nommé Tarasque. C’était un type de monstre quelque peu apparenté aux Dragons, qui vivaient principalement dans des zones marécageuses. Ils étaient recouverts d’écailles épaisses, de six pattes et d’un puissant poison — une bête vraiment terrifiante. Les aventuriers de bas rang ne pouvaient pas espérer affronter un tel monstre au combat, et encore moins aller à la recherche des Fleurs de Sang du Dragon dans le marais.
Il était inévitable qu’Alize ait des doutes sur un aventurier de la classe Bronze comme moi, et non pas sur mon engagement envers la demande, mais si je pouvais même revenir vivant.
Une considération valable.
« Je ne pense pas que je puisse être plus puissant qu’une Tarasque, bien que j’aie mes méthodes. Après tout, ce ne sont pas exactement des Gobelins, il n’y en a pas tant que ça dans le marais, » déclarai-je.
« Vraiment… ? » demanda Alize.
« Oui. Tout ce que vous avez à faire… c’est de m’attendre. Je vais certainement… récupérer les fleurs demandées, » déclarai-je.
« Je vous remercie. Nous comptons tous sur vous… Eh bien… partez-vous tout de suite ? » demanda Alize.
« … Pas tout de suite, » répondis-je. « Le Marais des Tarasques est assez éloigné. De nombreux monstres y sont nocturnes. Je m’y rendrai demain. »
Alize voulait probablement que je parte tout de suite si cela signifiait que je pouvais guérir Sœur Lillian juste un peu plus vite, mais ce n’était pas une bonne idée. Si je me levais et partais sans aucune préparation, les chances que je ne revienne plus jamais à Maalt étaient très élevées. Prendre le temps de se préparer était le choix logique.
« Vraiment ? Hmm… Je suppose que vous êtes un aventurier qui s’y connaît, même pour un Bronze. Puisque vous en savez autant, je suppose que vous êtes vraiment un professionnel, » déclarai-je.
Les mots d’Alize avaient piqué mon intérêt.
« Êtes-vous, peut-être, intéressée par les voies de l’aventurier ? » demandai-je.
« Oh, est-ce qu’on m’a découverte ? Eh bien, oui. C’est mon rêve depuis que je suis toute petite. J’ai de la chance, enfin, je suppose. J’ai un peu de mana en moi. Vu la situation à l’orphelinat, il me semble que je ne pourrai pas faire grand-chose avant un moment. Au moins, je dois rester avec Lady Lillian jusqu’à ce qu’elle récupère…, » répondit Alize.
Si l’on en croit les paroles de Sœur Lillian, Alize était sa deuxième fille à l’orphelinat, il n’était donc pas trop étrange qu’Alize se sente obligée d’assumer toutes les responsabilités.
En fait, si Alize avait effectivement la chance d’avoir une réserve de mana en elle, elle avait le potentiel de devenir une grande aventurière, contrairement à moi avec mes deux vies accordées.
« Quand vous voudrez devenir une aventurière, dites-le-moi. Je vous aiderais, » déclarai-je.
« Vous êtes vraiment quelqu’un de bien, n’est-ce pas ? Eh bien… Je ne sais pas quand ce sera possible, mais je viendrai certainement vous chercher le moment venu, » déclara Alize, un petit sourire illuminant son visage.
***
Partie 5
Bien que je voulais retourner chez Lorraine et faire les préparatifs appropriés pour le lendemain, Alize avait une autre demande pour moi. Apparemment, le fait qu’elle parlait de monstres dans le sous-sol de l’orphelinat était réel, alors j’avais décidé de lui offrir mon aide.
La plus grande moitié des monstres qui s’étaient infiltrés dans les villages humains n’étaient pas très menaçants. Alors que ceux qui avaient la capacité de se déguiser en humains, d’attaquer du ciel ou d’infiltrer les villes par des moyens spéciaux pouvait être dangereux, on ne pouvait pas en dire autant des monstres qui se faufilaient dans les caves des bâtiments.
Suivant Alize, je m’étais dirigé vers l’entrepôt du sous-sol, me demandant quel genre de monstre avait décidé d’y nicher.
L’air frais du sous-sol m’attirait un peu. Je suppose que le fait d’être un non-mort vivant avait eu une grande influence sur mes préférences. Plus précisément, je m’étais trouvé plus attiré par les endroits sombres et humides comme celui-ci, plus que dans ma vie. Ce n’était pas forcément une mauvaise chose, mais je m’écarte du sujet.
« … Ah. Le voilà. Il est là, » déclarai-je.
« Hein ? Où ça ? Où ça ? Où ça ? Où ça ? » demanda Alize, en tournant la tête par-ci par-là.
Dans ses mains se trouvait un petit couteau, probablement destiné à l’autodéfense. On n’était jamais trop prudent, quand on avait affaire à des monstres, aussi faibles soient-ils.
J’avais pointé du doigt le coin sombre de la pièce. « Là-bas… le voyez-vous ? Il est assis à droite… Voilà. Cette chose ronde. »
« Ah… Ça ? C’est… N’est-ce pas un peu grand, non ? » demanda Alize.
Assis dans le coin de la pièce, il n’y avait nul autre qu’un Puchi Suri, un petit monstre en forme de souris.
Me rappelant mes discussions passées avec Lorraine, c’était un monstre qui avait été fréquemment expérimenté par les érudits. Dans des circonstances normales, ils n’étaient que légèrement plus gros qu’un rat d’égout. Celui-ci était au moins cinq fois plus grand, d’où les observations d’Alize. Peut-être l’environnement était-il propice à sa croissance.
Finalement, le Puchi Suri se retourna, sifflant et grinçant des dents, et nous remarqua. J’avais dû reconnaître le mérite de la souris : ses dents étaient très tranchantes, comme des couteaux qui brillaient dans l’obscurité.
Peut-être que je n’aurais pas dû emmener Alize — une erreur de jugement.
J’avais quand même dégainé mon couteau. Alors que je sortais habituellement mon épée, le sous-sol n’était en aucun cas un grand espace, et frapper avec ça par ici n’était de bon augure pour personne.
Je suppose que c’était un coup de chance si j’avais mon couteau à dissection avec moi, même s’il me permettait seulement de canaliser le mana à travers sa lame. Étant donné que mon adversaire était un Puchi Suri, ce n’était pas vraiment un problème.
« Deviens acier, » déclarai-je.
En disant cela, j’avais serré mon couteau, avant de poser rapidement mon pied sur les briques froides du sous-sol et de me propulser vers le monstre.
Les Puchi Suris étaient des organismes simples. Ils étaient plus rapides que la moyenne des citadins, ce qui les rendait difficiles à attraper.
Mais ce n’était pas le cas pour un aventurier. Devant un individu qui fortifiait son corps avec du mana ou de l’esprit, un Puchi Suri n’avait aucun espoir de victoire.
En avançant dans la direction opposée, j’avais frappé le Puchi Suri s’avançant avec mon couteau à dissection. Le monstre avait été envoyé en un vol plané, et j’avais dû remercier mon mana et ma force de non-mort.
Frappant le mur du sous-sol d’un bruit sourd et grinçant, le monstre glissa lentement vers le bas, s’immobilisant finalement sur le sol froid et en brique. Il respirait encore, bien qu’il ne reste pas beaucoup de vie dans la créature.
Tout ce que j’avais à faire, c’était de mettre fin à sa misère. J’avançai lentement vers le monstre tombé, couteau levé haut. Ce à quoi je ne m’attendais pas, cependant, il s’était relevé pour m’attaquer à nous dans un dernier mouvement de défi.
Je pourrais éviter une telle attaque, vu sa vitesse pathétiquement lente. Mais le problème était qu’Alize était derrière moi. Des cas comme celui-ci m’avaient fait reconsidérer ma position sur l’aventure en solo. Tout le temps que j’avais passé à m’aventurer seul m’avait habitué à ne penser qu’à ma propre sécurité, par opposition à celle des autres. Une erreur de jugement, en effet…
Étant donné qu’Alize était derrière moi, je n’avais pas pu éviter le coup du monstre. Et même si je frappais avec mon couteau, l’angle dans lequel il était tenu ne se prêtait pas bien à une telle attaque.
Je n’avais pas le choix — j’avais plutôt frappé de ma main libre, interceptant le monstre volant. Mais j’avais eu le malheur de frapper le Puchi Suri en plein dans les dents. Je sentais un picotement dans ma main, mais c’était une pensée après coup.
Ai-je enfin tué la bête ?
Ce que j’avais vu m’avait troublé : j’avais frappé le monstre avec assez de force pour le tuer instantanément, mais il était en convulsion sur le sol, son souffle était court et douloureux.
« Qu’est-ce que… cela signifie ? » demandai-je.
Ne voulant plus prendre de risques, j’avais lentement mis une certaine distance entre moi et la souris qui se tortillait. Je n’avais aucune idée de ce qui allait arriver, ou de ce qui pourrait arriver.
Le Puchi Suri, pour sa part, avait continué à jeter des déchets plus loin pendant quelques instants, avant de se détendre enfin, complètement étendus sur les briques froides et humides. Sa fourrure, autrefois grise, était devenue noire, foncée et intense. En même temps, j’avais ressenti une sensation étrange du plus profond de mon être.
Secouant la tête, le Puchi Suri se leva lentement, regardant tranquillement dans ma direction. Nos yeux s’étaient croisés, et j’avais finalement compris.
Le monstre avait développé une connexion avec moi.
En abaissant mon couteau, je m’approchai lentement, tranquillement, prudemment. Le Puchi Suri resta immobile en silence, maintenant son regard sur moi.
« Eh… ? Attendez… Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce que c’est que ça ? » demanda Alize.
J’entendais la voix paniquée et confuse d’Alize derrière moi. Même moi, je ne comprenais pas bien ce que je regardais. Quoi qu’il en soit, le Puchi Suri avait poursuivi sa vigile silencieuse.
« Tourne-toi tout de suite trois fois sur toi-même, » ordonnai-je.
Comme s’il obéissait à mes paroles, le monstre avait fait ce qu’on lui a dit, tournant trois fois lentement où il se tenait. La confusion d’Alize semblait s’intensifier en voyant un tel spectacle.
« Hein ? Ahhhh ? Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda Alize.
J’avais finalement compris ce qui s’était passé.
En soulevant mon gant perforé jusqu’aux yeux, on pouvait voir un liquide sombre suinter de la plaie — je suppose que c’était du sang. Mon sang.
Bien que mon corps de Thrall soit sec et desséché en grande partie, il y avait des parties plus humaines qu’un cadavre. Il n’y en avait pas beaucoup, mais une certaine quantité de sang coulait dans mes veines. Malgré tout, je n’avais pas beaucoup saigné quand j’avais été blessé.
Il se trouve que les dents du Puchi Suri étaient entrées en contact avec une partie vivante de mon corps. Ce faisant, il avait ingéré une partie de mon sang, ce qui était le résultat de ce contact. C’était logique, vu que j’étais un Thrall. Les Thralls étaient des vampires, quoique pas très puissants. Les vampires avaient toujours créé des familiers en mordant les humains et en injectant leur propre sang dans la malheureuse victime. La victime se transformait alors en monstre, et parfois en Thrall. Si l’on suivait cette logique, on pouvait supposer que le Thrall, lui aussi, pouvait créer ses propres familiers.
Dans des circonstances normales, cela ne devrait pas être possible. On disait que les Thralls étaient des zombies sans cervelle, des zombies errants sans buts, de sorte qu’ils n’étaient en aucun cas capables de pensées compliquées. Il serait difficile de trouver un Thrall qui cherchait activement des victimes pour les transformer en des familiers. Même s’il réussissait d’une façon ou d’une autre à créer un familier, il n’aurait pas l’intelligence nécessaire pour le diriger et l’instruire.
Un Thrall avait sa propre volonté, aussi simple et fragile soit-elle. Cette simple volonté leur avait permis de suivre les ordres des vampires de rang supérieur et de créer, sans toutefois les contrôler, des familiers. Dans ce cas, un Thrall serait capable de créer des familiers en injectant son propre sang dans une victime. La victime d’une attaque de vampire verrait alors son corps modifié de force par le vampire, se transformant finalement en un familier Thrall.
Et maintenant… mon sang s’était retrouvé dans le Puchi Suri, d’où les convulsions, car son corps avait été modifié de force par mon sang.
Le résultat de ce processus fut le lien mental que j’avais maintenant avec cette créature. Si je devais le mettre en mots, le Puchi Suri donnait l’impression d’être une partie de moi, bien que cela soit une partie plus petite, détachée, semblable à une souris.
Le Puchi Suri était devenu mon familier, c’était la seule supposition possible que je pouvais faire.
Bien sûr, dire cela à Alize ne serait pas une bonne idée. Seuls les vampires et d’autres types de monstres étaient capables d’un tel exploit. Je devais trouver une excuse pour justifier ce qu’elle venait de voir. Pour Alize, tout ce spectacle devait être incompréhensible et étrange. Heureusement, j’avais l’explication parfaite pour la faire oublier.
« Il semblerait que… ma volonté soit passée dans le monstre, » déclarai-je.
« Passer » était un terme ancien et spécialisé utilisé par les dompteurs de monstres. On l’utilisait pour décrire le moment où leur magie spécialisée dominait l’esprit d’un monstre, le transformant en un serviteur obéissant. J’essayais essentiellement de convaincre Alize que ce qu’elle venait de voir était un acte de domptage d’un monstre, et non de la transformer d’un monstre en mon familier.
« Eh… ? Qu’est-ce que ça veut dire ? » demanda Alize.
Apparemment, Alize n’avait pas beaucoup de connaissances sur les dompteurs de monstres. Au contraire, elle semblait encore plus confuse par mes paroles.
Hochant la tête, j’avais donné une explication. « J’ai réussi à apprivoiser et dominer l’esprit de ce monstre. »
« Alors… vous êtes un dompteur de monstres… avec la capacité de contrôler les monstres ? » Alize commençait à comprendre.
Je n’étais pas du tout un dompteur de monstres, mais avec ça, je pouvais contrôler ce qu’Alize savait en toute sécurité. Elle avait pu découvrir que je n’étais pas une telle chose avec quelques recherches simples, et c’est pourquoi j’avais dit :
« Pas tout à fait. Je suis un épéiste, mais j’ai appris les méthodes d’un dompteur de monstres que j’ai connu il y a longtemps, alors j’ai pensé que j’allais l’essayer, » expliquai-je.
« Oh ! Les aventuriers sont vraiment quelque chose d’impressionnant, hein ? C’est incroyable… ! » déclara Alize.
Bien que l’art de l’apprivoisement des monstres soit exclusif et ne soit généralement jamais enseigné à ceux qui n’étaient pas dans leur ordre secret, Alize n’avait pas besoin de le savoir. Même si elle avait fait des recherches sur moi après les faits, il n’y avait aucun moyen de nier qu’une telle chose était possible. Avec cela, il n’y avait plus de problèmes.
« Alors…, » Alize avait continué, « Est-ce que ce monstre est sûr maintenant ? Il ne nous attaquera plus ? »
C’était une question à laquelle je pouvais répondre honnêtement.
« Oui. En fait, il va maintenant écouter tout ce que je dis. C’est pratique, car nous pourrions le faire surveiller le stockage du sous-sol. Vous avez dit que les monstres arrivaient parfois à trouver un chemin jusqu’ici, non ? » demandai-je.
Un endroit froid et humide qui attirait souvent les monstres… J’avais eu un peu pitié de Sœur Lillian, qui avait dû purifier ce sous-sol à plusieurs reprises.
Quoi qu’il en soit, nous avions maintenant un nouveau gardien pour le sous-sol. Mais Alize ne semblait pas très convaincue.
« Êtes-vous sûr… ? À propos de ça, cela ne se retournera-t-il pas soudainement pour nous mordre dans le dos ? Est-ce vraiment sûr ? » demanda Alize.
Malgré les soupçons et l’apparente méfiance d’Alize, elle avait fini par céder après quelques signes de la main et quelques claques dessus, plaçant un certain degré de confiance dans le monstre-souris surdimensionnée et réanimée qui était devenue mon familier.
***
Partie 6
Étant donné que le Puchi Suri dans le sous-sol de l’orphelinat était devenu mon familier, je suppose que je pourrais dire qu’il n’était plus une menace. Quoi qu’il en soit, traiter avec le monstre en question n’avait jamais fait partie de mon contrat au départ, alors mon intervention n’avait probablement pas beaucoup changé à cet égard.
Une recherche plus détaillée après que nous nous soyons occupés du plus grand Puchi Suri avait révélé un certain nombre de ses homologues plus petits. Ces petits n’étaient pas vraiment une menace, et j’avais pensé qu’il était prudent de laisser Alize s’attaquer à l’un d’entre eux de front. Il allait sans dire qu’Alize n’en avait combattu qu’un seul, et non pas tout le groupe. Malgré cela, elle avait réussi à vaincre le Puchi Suri avec succès, avec un regard jubilatoire sur son visage. Cela m’avait rappelé le regard des aventuriers novices lorsqu’ils avaient vaincu leur premier monstre.
J’avais dit à Alize de garder le cristal magique en complément de son argent de poche. Il fallait s’inscrire comme aventurier pour vendre son butin à la guilde, mais on pouvait aussi facilement l’échanger à un marchand de la région. Leurs prix étaient justes, en ce qui concerne les prix des marchands de rues.
Pendant qu’Alize était occupée à célébrer, j’avais décidé de tester les capacités de mon nouveau familier. Bien qu’il ait rencontré quelques difficultés dans sa quête pour soumettre ses frères rapides, mon familier avait son propre tour dans sa manche proverbiale. Un regard rapide de sa part suffisait à immobiliser le petit Puchi Suri, tout comme une souris s’était figée dans le regard d’un serpent. Son regard paralysant était si puissant que ses victimes ne bougeaient pas d’un pas, et cela même après que je les ai approchés et que je les ai touchés avec mon doigt. Le Puchi Suri se tenait debout, comme s’il avait peur d’une punition s’il osait bouger un muscle.
« … L’as-tu obligé à obéir ? » demandai-je.
J’avais ressenti un sentiment d’affirmation à travers notre lien mental commun. Il semblerait que mon familier avait la capacité de contrôler les variantes les plus faibles de son espèce, tout comme les vampires pouvaient contrôler les Thralls qu’ils avaient créés. C’était un phénomène observé de temps en temps chez les monstres où une plus grande variante du monstre régnait sur le plus petit de leur espèce.
Un bon exemple serait celui des généraux-gobelins ou des rois-gobelins qui, comme leur titre l’indiquait, avaient beaucoup de gobelins sous leur commandement. La capacité vampirique de transformer des monstres en dehors de son espèce en esclaves obéissants pourrait être considérée comme une version plus élevée de cette compétence. Cependant, un vampire devait injecter son propre sang dans la victime pour que le processus fonctionne, et les vampires avaient probablement privilégié la qualité à la quantité, contrairement aux gobelins toujours présents.
Cependant, je ne pouvais pas être sûr des capacités de commandement de mon familier. Je ne connaissais pas les limites exactes, comme la zone dans laquelle son contrôle resterait efficace. Il y avait toujours la possibilité que ce Puchi Suri plus grand régnait sur ses parents plus petits dans ce sous-sol dès le début, et leur obéissance n’avait rien à voir avec les compétences de ma famille.
D’autres recherches seraient nécessaires sur le sujet, ce qui ferait vibrer Lorraine.
J’avais pensé simplement emporter mon familier souris, bien qu’il ait été chargé à l’origine de garder le sous-sol en l’absence de Sœur Lillian. Mais avec ses parents plus petits qui écoutaient maintenant ses moindres mots… ne pourrais-je pas demander aux plus petites souris de garder la place pendant notre absence ?
Encore une autre question pour mon familier, alors j’avais projeté une pensée à la souris surdimensionnée.
« Au départ, je voulais te laisser protéger ce sous-sol. Mais puis-je laisser cette protection aux plus petits si tu es loin d’eux ? » demandai-je.
Fixant ses yeux rouges sur moi, le Puchi Suri regarda droit devant lui, avant de me transmettre ce qui me semblait être encore une autre pensée affirmative.
J’avais supposé que la capacité de communiquer sans mots ni langue commune était une aubaine unique entre maître et familier. Et c’était aussi très pratique.
Je m’étais tourné vers Alize pour lui expliquer la situation.
« Je ne comprends pas du tout… me dites-vous donc que les monstres garderont cet endroit à partir de maintenant ? Les autres enfants seront-ils en sécurité ici ? Je leur dis de ne pas jouer ici, mais parfois ils se faufilent…, » déclara Alize.
J’avais relayé la question à mon entourage et j’avais rapidement reçu une forte impulsion mentale en réponse. C’était apaisant et rassurant dans la nature.
Se tournant vers ses frères plus petits, tous bien alignés devant lui, mon familier regarda fixement, son regard intimidant pesant dans l’air. Les petits Puchi Suris avaient redressé le dos en grimaçant en réponse.
« Ils ont dit qu’il n’y aura pas de problèmes, » déclarai-je.
« On dirait que oui…, » déclara Alize, hochant la tête en continuant d’observer le Puchi Suri avec de la surprise sur tout son visage.
Pour moi, cela ressemblait plus à une sorte d’obéissance provoquée par la peur — les Puchi Suris étaient terrifiés par mon familier. Je suppose que les hiérarchies traditionnelles ne tenaient plus la route, étant donné que l’un d’eux était une souris à moitié vampire.
Satisfait de la résolution des problèmes, j’avais pris congé avec l’intention de retourner enfin chez Lorraine pour faire les préparatifs appropriés.
◆◇◆◇◆
« Bienvenue — !? »
Comme d’habitude, Lorraine était allongée sur son canapé, tenant et lisant un livre à contre-jour. Le bruit de l’ouverture de la porte attira son attention comme toujours. Elle se tourna lentement vers moi et s’arrêta au milieu de son salut en avalant son souffle de façon très audible.
Finalement, avec une grande respiration, Lorraine se mit à parler, lentement et calmement.
« Si je peux me permettre, Rentt… Qu’est-ce que cette souris noire de taille bizarre perchée sur ton épaule ? Je suppose que ce n’est pas une sorte d’hallucination, » déclara Lorraine.
Lorraine fut si choquée à la vue du Puchi Suri qu’elle supposa qu’elle hallucinait.
En reniflant lentement l’air, j’avais capté une odeur nauséabonde — Lorraine avait mélangé d’étranges médicaments avec les fenêtres fermées, une fois de plus. En marchant vers les fenêtres, je les avais ouvertes, puis j’étais retourné à ma place d’origine.
« Je l’ai trouvé dans le sous-sol de l’orphelinat. Il sera avec nous à partir d’aujourd’hui…, » déclarai-je.
« C’est un résumé un peu trop approximatif, Rentt. Il faudrait au moins que tu commences par le début pour que je puisse faire des commentaires à ce sujet, » répliqua Lorraine.
« Oui… Je suppose que oui. » Une explication s’imposait.
Après avoir écouté ma description des événements récents, Lorraine hocha la tête, apparemment perdue dans ses pensées. « Je vois… Cela te ressemble beaucoup d’accepter une telle demande. Mais aller au Marais des Tarasques entre tous les autres lieux ? Même moi, j’ai peur d’y mettre les pieds, Rentt. Est-ce que ça va aller ? »
« J’ai déjà réfléchi à beaucoup de plans pour m’en sortir, alors cela devrait aller, » répondis-je.
« Je suppose qu’il n’y aurait pas de problème si tu le dis comme ça, mais je m’inquiète quand même. Pourtant, il n’y a de toute façon pas grand-chose à faire pour l’instant. Dire que tu es capable de créer et de contrôler tes propres familiers… J’ai fait beaucoup d’expériences, oui, mais il n’y avait aucune qui impliquait de donner ton sang à d’autres êtres vivants, » déclara Lorraine.
La conclusion de Lorraine était raisonnable, étant un vampire de niveau inférieur, on pensait que les Thralls n’avaient pas la capacité et l’intelligence pour créer ses propres familiers. C’était logique qu’elle ne donne mon sang à aucun animal qu’elle aurait pu attraper. Lorraine, pour sa part, avait mentionné que ses expériences étaient centrées sur le fait de s’assurer que j’étais en bonne santé au départ, ainsi que sur tous les autres traits et capacités majeurs que mon corps de Thrall possédait. Je suppose que des pouvoirs moins importants comme celui-ci échapperaient naturellement à sa détection.
« Pouvons-nous… le garder ? » demandai-je.
« Fait comme tu veux, Rentt. C’est un peu tard pour s’en inquiéter, non ? Un mort-vivant vit dans cette maison. Une ou deux souris de plus ne font guère de différence. Il devra cependant gagner sa vie, » déclara Lorraine.
« Il doit… payer un loyer ? » demandai-je.
« Ne sois pas si bête. Des échantillons ! Un échantillon de sang de la souris et quelques poils suffiront. Je peux penser à beaucoup d’expériences… Beaucoup de tests. Bien sûr, je ne le viderais pas à sec. Une quantité saine suffit. En parlant de santé, Rentt. Qu’est-ce qu’il mange ? » Lorraine tendit la main vers le Puchi Suri.
Mon familier s’était penché, reniflant les doigts de Lorraine et refermant les mâchoires sur un doigt.
« Aïe ! »
C’était une morsure légère, suffisante pour percer la peau de Lorraine, mais sans causer de dommages graves.
Relâchant son doigt, le Puchi Suri avait léché la plaie de Lorraine, les gouttelettes de sang remontant à la surface de sa peau.
« Je vois. Du sang ? Comme ton créateur ? Hmph. Prévisible, » déclara Lorraine, exaspérée. « Au moins, il est facile à comprendre. Même ainsi… mon sang est tout à fait de la marchandise de nos jours, non ? »
Je n’arrivais pas à savoir si Lorraine voulait que sa déclaration soit une blague, mais elle semblait de bonne humeur. J’avais supposé que c’était assez pour l’instant. Lorraine était sans doute excitée par toutes les nouvelles expériences qu’elle avait en tête concernant notre nouvelle amie à fourrure. Mon familier, par contre, n’était pas très enthousiaste.
« Pitié… » semblait-il dire. Malheureusement, je n’avais pas pu faire grand-chose contre la tendance de Lorraine à s’engager dans la science folle, ayant enduré exactement les mêmes processus et expériences dans le passé. Tout ce que j’avais pu faire, c’est dire à mon familier de le supporter. Le Puchi Suri avait répondu avec un sentiment marqué d’appréhension et de peur.
◆◇◆◇◆
Un nouveau jour s’était levé sur Maalt. Le soleil, se levant lentement au-dessus des nuages, inondait les rues de Maalt, ou ce que je pouvais en voir de ma fenêtre. Sous les rayons du soleil, des nuages violets étaient devenus rouges, et avec cela, un nouveau jour avait commencé.
C’était un spectacle que je voyais régulièrement. Ce n’était pas vraiment un spectacle rare, mais j’avais dû me réveiller pour voir ça dans la vie. Je n’avais pas tant besoin de dormir maintenant que j’étais un Thrall. Cela semblait être un fait qui était resté vrai depuis que j’en étais devenu un. De temps en temps, j’avais fermé un peu les yeux, mais ce n’était plus nécessaire pour que mon corps fonctionne.
C’était terriblement ennuyeux. Tout ce que je pouvais faire pour passer le temps, c’était regarder par la fenêtre, ou allumer une lampe et lire un livre. Cela m’avait permis de fonctionner 24 heures sur 24 pendant que je répondais à une demande, bien qu’un aventurier qui n’avait pas besoin de repos aurait sûrement l’air suspect pour les autres. L’aventure n’était pas exactement un travail où l’on terminait toutes ses tâches immédiatement, même si l’aventurier était chevronné, un manque de repos pouvait entraîner de graves complications. En tant que tel, je n’avais pas d’autre choix que de me reposer.
Cependant, en raison de mes nouvelles tendances nocturnes, j’étais devenu plus érudit qu’avant, et c’était comme ça depuis environ un mois. Mes connaissances n’étaient rien comparées à celles de Lorraine, bien que tout ce que j’avais à faire pour obtenir des réponses était de demander. Un avantage pratique, dans tous les cas.
Le Puchi Suri que j’avais ramené de l’orphelinat nécessitait par contre beaucoup de sommeil. Il dormait actuellement sur le dos, étendu sur le bureau où je lisais.
Je me sentais un peu rancunier par rapport à ce que je savais. J’étais là, son maître tragique, en train de livrer un combat dans la solitude au milieu de la nuit, pendant que la souris dormait à poings fermés.
Est-ce qu’un familier ne partage pas tous mes traits de caractère ?
J’avais supposé qu’il en était ainsi, mais la réalité était bien différente.
Quelle souris insouciante… !
Puis, j’avais ressenti la moindre pensée de mon familier, ainsi que quelques émotions basiques que je pouvais comprendre. Je suppose qu’être endormi n’avait pas complètement coupé notre connexion. Des essais et des expériences appropriées révéleraient très probablement plus de détails, mais j’avais supposé que les détails pourraient être laissés à Lorraine. Après tout, elle s’engagerait dans de telles expériences sans y être incitée.
Je me sentais un peu coupable d’avoir tout laissé à Lorraine, mais je devais m’inquiéter de mon Évolution Existentielle, alors c’était bon. En fait, je m’étais retrouvé avec un temps libre excessif. On pourrait même dire que j’étais un peu un parasite.
Je ferais bien de mettre ces pensées de côté. À l’extérieur, les citoyens de Maalt s’agitaient, certains quittant déjà leur foyer. C’était au cours de ces pensées oiseuses qu’une odeur étrange s’était répandue sur mon nez.
D’où venait-elle ? Dehors ? C’était impossible. Je m’étais assuré que toutes les fenêtres soient fermées et verrouillées après que Lorraine se soit couchée.
Alors…
Avec mon sens de la curiosité piquée par cette odeur étrange, je me dirigeais vers la source de l’odeur, qui était apparemment la cuisine de la demeure.
Pour l’instant, j’avais décidé de laisser mon familier là où il était, car s’il se réveillait, son odorat aigu me dirait immédiatement quel était son parfum.
J’avais été accueilli par un étrange spectacle en arrivant dans la cuisine.
« J’aurais presque pensé qu’il neigeait aujourd’hui, » dis-je, amusé à la vue.
« Ne sois pas bête, Rentt. Même moi, je peux cuisiner si je m’y mets, » répliqua Lorraine.
Cette réponse était venue de nul autre que Lorraine, qui avait décidé de se tourner vers la cuisine du petit-déjeuner pour une raison ou une autre. De nombreux objets magiques et alchimiques étaient présents dans la cuisine, et Lorraine manipulait chacun d’entre eux avec une main experte.
Normalement, Lorraine serait endormie à cette heure, mais comme elle l’avait dit, il n’était pas étrange qu’elle soit raisonnablement capable de cuisiner. Je pourrais m’en attribuer le mérite, bien sûr, étant la personne qui lui avait appris à cuisiner en premier lieu.
Lorraine, pour sa part, cuisinait de temps en temps si elle en avait envie. Si je devais deviner, c’était le cas aujourd’hui.
« Y a-t-il quelque chose pour moi ? » demandai-je.
Bien que je n’aie pu survivre qu’avec du sang, j’avais pris un bon repas de temps en temps.
« Oui, oui, oui, » la réponse de Lorraine était rassurante. « J’y travaille, Rentt, comme tu peux le voir. Assieds-toi, ce sera bientôt fini. »
Bien que ses méthodes soient peu orthodoxes, Lorraine savait ce qu’elle faisait.
Hochant la tête, je m’étais tourné et m’étais dirigé vers la table à manger.
***
Partie 7
« Eh bien, mange maintenant, » déclara Lorraine, en faisant des gestes sur les plats disposés sur la table.
Du pain noir et du lait, ainsi que des plats vapeurs… Un petit-déjeuner de Maalt classique.
Lorraine était probablement en train de faire cuire ces mêmes plats quand je l’avais vue dans la cuisine il y a quelques instants.
C’était un simple ragoût à la vapeur avec de la chair d’orcs que j’avais conservée il y a quelque temps, avec quelques légumineuses et légumes racines. L’arôme riche du bouillon pénétrait à travers les ingrédients — un plat qui mettait l’eau à la bouche.
Étant un Thrall, mon estomac ne grondait pas beaucoup et je n’avais pas faim du tout, mais j’avais quand même un sens du goût. Mes souvenirs de la nourriture et de leurs goûts étaient vagues pendant mon bref séjour en tant que goule, devenant beaucoup plus précis après mon évolution. Je pouvais maintenant savourer et goûter, un peu comme je le faisais dans la vie.
Si je devais identifier un changement, ce serait ma nouvelle appréciation du sang. J’avais trouvé le goût du sang incroyablement agréable, même si ce n’était pas exactement quelque chose que j’évoquais à la table à manger.
En serrant les mains l’une contre l’autre avant le petit-déjeuner préparé à la main par Lorraine, j’avais fermé les yeux brièvement, récitant une prière avant de ramasser mon ensemble d’ustensiles. Inutile de dire que je ne croyais guère à l’existence de Dieu de quelque sorte que ce soit, c’était simplement par habitude.
« Un mort-vivant qui prie les Dieux avant un repas ? C’est un spectacle très étrange et bouleversant, Rentt, » déclara Lorraine.
Je n’avais pas besoin du rappel de Lorraine pour comprendre l’ironie de la situation.
Tandis que chaque religion principale avait ses propres vues séparées sur les morts-vivants, ils étaient la plupart du temps considérés défavorablement, comme des ennemis des dieux, des traîtres des cieux, ou bien pires. Quoi qu’il en soit, je pouvais toujours être sûr du fait que la plupart de ces religions considéraient les morts-vivants comme un crime contre les créations de Dieu.
« … Que penses-tu que cela ferait si je rentrais dans une église pour aller prier ? » demandai-je.
« Ho, ne serait-ce pas un blasphème ? Ou peut-être pourrais-tu même appeler cela un changement d’avis… De penser qu’un mort-vivant envisagerait d’offrir une prière aux Dieux…, » déclara Lorraine.
Comme on l’attendait de Lorraine, elle avait réussi, d’une manière ou d’une autre, à réfléchir sérieusement à ce qui était clairement une plaisanterie stupide. Je n’avais pas vraiment pensé à défier les dieux en premier lieu, et je n’avais pas du tout pensé aux dieux. Appeler cela un changement d’avis serait inexact, mais je m’étais demandé sur ce qui se passerait si j’entrais en quelque sorte dans un lieu saint.
Maintenant que j’y pense, cet orphelinat était géré par l’Église du Ciel Oriental, et si j’avais demandé, j’aurais eu accès à leur autel ou lieu de culte local. Une occasion manquée — malheureusement.
Cependant, étant donné que j’étais si près d’un lieu saint et que je ne sentais rien de mal… Peut-être qu’il n’y avait vraiment pas de quoi s’inquiéter.
Cela dit, il y avait quelque chose d’étrange dans la nourriture d’aujourd’hui. Si je devais le mettre en mots… c’était, pour une raison ou une autre, très délicieux.
Je ne voulais pas dire que Lorraine s’était miraculeusement améliorée en cuisine. Au lieu de cela, il avait simplement meilleur goût… En fait, il avait meilleur goût que tout ce que Lorraine m’avait préparé.
Pendant un moment, je m’étais assis, avec une expression d’étonnement sur mon visage. Lorraine, s’en apercevant, rayonna largement, avec une expression satisfaite qui emplissait ses traits.
« Oh, tu l’as remarqué. C’est bien, n’est-ce pas, Rentt ? » demanda Lorraine.
« Qu’as-tu mis dedans ? » demandai-je.
« C’est vraiment très simple. J’ai mélangé une seule goutte de sang pour ton bien à la toute dernière étape de ma préparation. Bien que je ne l’appellerais pas exactement une épice, j’ai pensé qu’il serait plus adapté à ton palais. Ai-je tort ? » demanda Lorraine.
J’avais apprécié les efforts de Lorraine pour préparer des plats à mon goût, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander…
« … Mais dans ce cas, Lorraine. Cela signifierait… qu’il y a du sang, dans ton petit-déjeuner… ? » demandai-je.
Notre petit-déjeuner était-il vraiment du ragoût avec une goutte de sang ? Et Lorraine serait-elle bien avec cela ?
« Eh bien… même si c’est mon propre sang, je n’ai pas l’habitude de manger du ragoût sanglant au déjeuner. Rassure-toi, Rentt, j’en ai simplement enlevé une partie pour toi et j’ai placé une goutte dans cette partie. Pensais-tu que j’allais simplement faire à mon doigt une bonne entaille et l’immerger dans la marmite à ragoût ? Ce serait vraiment un truc de sorcière à faire, non ? » demanda Lorraine.
J’étais soulagé que Lorraine n’ait pas gâché tout un pot de petit-déjeuner pour moi. Si j’y pense, je suppose que mélanger du sang dans la nourriture était un peu un truc de sorcière, si l’on en croit les contes de fées.
« Je ne m’engage pas dans de telles pratiques, » continua Lorraine. « Dans les temps anciens, cependant, les sorcières diseuses de bonne aventure conseillaient souvent aux jeunes filles de faire des choses étranges. J’ai vraiment pitié des hommes. »
C’était vraiment une perspective terrifiante. Pensant que ce n’était qu’une blague, j’avais demandé plus d’informations et je l’avais regretté tout de suite en levant les yeux et en rencontrant Lorraine. Elle était apparemment sérieuse.
« Quand se sont-ils engagés dans une telle pratique ? » demandai-je.
« Pendant ce festival… Comment ont-ils appelé ça déjà ? Celui où il était socialement acceptable pour les femmes de proposer aux hommes… C’était pour l’anniversaire d’un saint ou quelque chose du genre. Tu te souviens des fêtes, des danses et de tout ce qui s’est passé pendant cette période, n’est-ce pas ? Cet acte a été fait à ce moment-là, » déclara Lorraine.
Je m’étais souvenu d’un tel événement. Bien que je n’y aie jamais assisté moi-même et que personne ne m’ait demandé en mariage, j’en avais souvent entendu parler par des amis et des connaissances, notamment d’anciens aventuriers qui s’étaient mariés.
Lorraine avait continué une fois de plus. « Je suppose qu’on peut dire que c’est une sorte de malédiction populaire qui a fonctionné comme la façon dont les vampires créent des Thralls pour être leurs esclaves obéissants. Dans ce cas, cependant, les femmes avaient lié les hommes à leur volonté. Des exemples presque parallèles, si l’on veut, » déclara Lorraine.
Lorraine, apparemment satisfaite de m’avoir donné une explication historiquement exacte de la coutume, s’était assise et continua à prendre son petit-déjeuner sans autre mot.
◆◇◆◇◆
« Fais attention pendant ton voyage, d’accord ? » Lorraine me l’avait dit alors que je quittais la demeure.
Maintenant que j’y pense, ce type de ragoût au petit-déjeuner avait un sens. Selon les coutumes locales, c’était un peu comme une bénédiction ou une prière pour un voyage pacifique. C’est pourquoi Lorraine s’était réveillée tôt pour le préparer. Le marais des Tarasques était un endroit dangereux, après tout.
« … Ne t’inquiète pas pour moi, Lorraine. Si cela devient trop dangereux, je m’échapperais sans aucune hésitation, » déclarai-je.
« Et veux-tu que je croie les paroles de quelqu’un qui a été mangé en entier par un dragon dans sa vie antérieure ? Eh bien… Je suppose que c’était un coup de malchance, plus qu’autre chose… Ah, oui, oui. Encore une chose… Cette souris là-bas. Pourquoi ne lui donnerais-tu pas un nom ? » demanda Lorraine en montrant mon familier souris sur mon épaule.
Si j’avais été surpris de ne pas y avoir pensé jusqu’à présent. J’étais d’accord avec Lorraine : il me fallait un nom pour mon familier. Je ne l’avais pas jugé nécessaire parce que je le traitais simplement comme une sorte de monstre de compagnie, et je n’en attendais pas grand-chose. Je ne pouvais pas imaginer l’appeler Puchi Suri pour toujours, car c’était une chose très gênante. C’est le bon moment pour régler ce problème.
« Eh bien, il est de couleur sombre, alors pourquoi ne pas l’appeler : Noir, » déclarai-je.
Lorraine avait froncé les sourcils devant mon terrible sens du nommage.
« Un peu plus d’effort ne ferait pas de mal, Rentt. “Noir” ? Vraiment ? » demanda Lorraine.
« Même si toi, tu me dis ça…, » déclarai-je.
J’avais poursuivi mon objectif de devenir un aventurier de classe Mithril toute ma vie. Par conséquent, je n’avais pas eu d’enfants et, naturellement, je n’avais pas eu beaucoup d’occasions de donner des noms à quoi que ce soit. En y repensant, je n’élevais pas d’animaux de compagnie non plus quand j’étais plus jeune.
« Tu es sans espoir, Rentt. Je vais lui donner un nom, alors. Hmm… Aha. Et Edel ? » demanda Lorraine.
Edel…
Je n’avais pas de sentiments forts pour le nom, ni rien contre lui. Mais j’étais certainement curieux de connaître l’origine d’un tel mot.
« D’où vient un tel nom ? » demandai-je.
« D’après ce que tu m’as dit, ton familier est le seigneur des petits Puchi Suri, oui ? Un peu comme un roi en quelque sorte… D’où “Edel”. Cela signifie “noble” dans une langue ancienne et perdue, » expliqua Lorraine.
« Un noble…, » répétais-je.
Personnellement, j’avais l’impression que mon familier était plus un boss de la pègre qu’un noble, un dictateur intimidant qu’un roi pieux. Prenant le fil de mes pensées, mon familier me donna un coup de pied à l’épaule, comme si je n’étais pas d’accord avec mon analyse de son caractère.
Est-ce que j’ai tort ?
L’étais-je vraiment, mais c’était un argument qu’il valait mieux laisser pour une autre fois.
Lorraine avait continué : « J’ai d’autres suggestions, vu sa taille. Le gros et rond Moppel, ou la gloutonne Fressa… et d’autres termes anciens. Qu’est-ce que t’en penses ? »
J’avais réfléchi quelques instants à la suggestion de Lorraine. Mon familier était un vrai glouton, ayant terminé la petite portion du ragoût de sang de Lorraine que je lui avais offert en quelques instants. La souris était si rapide que nous pouvions à peine suivre ses actions, et je suppose que cela avait laissé une sacrée impression sur Lorraine. Je n’aimais ni l’un ni l’autre de ces noms, et mon familier semblait préférer la première suggestion de Lorraine, alors qu’il m’avait projeté avec force cette pensée en réponse. C’était peut-être une bizarrerie de ce familier en particulier, mais je sentais que la souris sur mon épaule avait trop de volonté de son côté.
Je devrais peut-être l’appeler Moppel et en finir avec ça. Cependant, ce serait le geste d’un homme mesquin. Mais je n’étais plus un homme à ce stade, du moins, pas un homme vivant.
« Allons-y avec… Edel. Les autres… il n’a pas l’air de les aimer, » déclarai-je.
« Vraiment ? » Lorraine semblait un peu déçue de mes paroles. « Moppel et Fressa sont de grands noms, n’est-ce pas ? Oui ? »
Il semblerait que Lorraine ait pris goût à Moppel et Fressa. Dans tous les cas…
« L’homme… Eh bien. La souris elle-même dit qu’Edel est un bon nom. Nous devrions respecter… ses souhaits, » déclarai-je.
« Ah, oui, oui. Ce lien mental entre toi et la souris. Tu l’as mentionné plus tôt… Eh bien, s’il le préfère, alors c’est Edel. C’est dommage, mais je n’insisterai pas. À partir d’aujourd’hui, tu es Edel, et je suis la personne qui t’a nommé. N’oublie pas ça ! » s’exclama Lorraine en tapotant Edel sur la tête.
Sur ce, nous avions fait nos adieux à Lorraine, nous nous étions retournés et étions finalement sortis de chez elle.
***
Partie 8
« Hey… Nous sommes arrivés, » déclara le cocher, avant d’arrêter la calèche et les chevaux et de me permettre de débarquer. Edel, pour sa part, était calmement perché sur mon épaule.
En arrivant au sol, j’avais regardé au loin, près du marais en question.
« À partir d’ici, c’est le sentier du Marais des Tarasques… Allez-vous vous en sortir ? Ce n’est pas un endroit pour les aventuriers en solo ! » m’avait averti le cocher, avec de l’inquiétude apparente dans sa voix.
Il avait raison, bien sûr. Ce n’était pas un endroit où j’aurais pensé à me promener pendant que je vivais encore. Même si j’étais forcé d’entrer dans une zone aussi dangereuse, j’aurais simplement demandé l’aide des autres et formé une sorte de groupe de dernière minute, renonçant à ma philosophie solo au nom de la sécurité.
Mais cette fois, je n’avais pas le choix. Il y avait plusieurs raisons à cela, mais ce n’était pas le moment de se souvenir.
« Je n’ai aucune intention de combattre une Tarasque. Je vais aller au début de la zone. Alors, ne vous inquiétez pas pour moi, » déclarai-je.
Le cocher ne semblait pas convaincu. Au contraire, il semblait encore plus inquiet.
Avec un haussement d’épaules et un soupir exaspéré, l’homme continua. « Vous, les aventuriers, vous êtes tous comme ça. Eh bien… vous êtes responsable pour votre propre vie, mais ne faites rien d’imprudent, vous m’entendez ? Si la situation tourne mal… vous devriez revenir ici immédiatement. »
Des mots gentils, mais rares aussi. Les gens comme lui n’étaient généralement pas si inquiets pour leurs passagers.
Curieux, j’avais demandé après l’homme.
« Savez-vous ce qui s’est passé récemment, hein ? Avec les nouveaux aventuriers qui manquent dans les donjons et tout ça. C’est une chose triste, vous savez. Les individus que vous avez rencontrés hier ont soudainement disparu. Alors… Peut-être que je deviens un peu émotif. De toute façon… Faites de votre mieux. Je reviendrai ce soir. Je prie pour que vous soyez là puisque je ne peux pas m’approcher du marais plus près que ce que j’ai fait. Eh bien… Je vais y aller maintenant, » déclara-t-il.
Le cocher souleva son fouet, poussant ses chevaux vers l’avant. Bientôt, il n’était plus qu’une tache au loin.
Les aventuriers qui avaient défié le marais des Tarasques étaient peu nombreux. Les calèches s’y arrêtaient deux fois par jour : une fois le jour et une fois le soir. Si un aventurier manquait la calèche, il ou elle devrait passer la nuit dans la nature sauvage. J’avais fait une note mentale pour être conscient de l’heure de peur qu’il ne m’arrive la même chose.
Sur ce, j’avais pris le chemin, suivant les conseils du gentil cocher.
◆◇◆◇◆
Le Marais des Tarasques — .
Au nord-ouest de Maalt, il fallait quelques heures pour arriver en calèche. Comme son nom l’indique, c’était une région marécageuse et morne. Pour être précis, les géographes lui avaient donné un autre nom officiel il y a longtemps. Ce nom, cependant, avait été oublié, et la société en général l’appelait plutôt le Marais des Tarasques. C’était probablement en l’honneur des monstres forts qui y vivaient.
Les tarasques étaient une sous-espèce du Dragon, ou un parent éloigné. Armé d’une carapace de tortue et de trois paires de pattes, il arborait aussi un puissant poison, ce qui en faisait une bête vraiment redoutable. Bien que sa carapace blindée, ses écailles et ses veines empoisonnées aient servi de matériaux incroyablement utiles pour les armes et les armures, il fallait être un aventurier de classe Argent ou plus pour avoir une chance contre elle. Cependant, même un aventurier d’un tel rang aurait du mal à chasser s’il était entouré de quelques bêtes.
En d’autres termes, il ne serait pas sage pour un aventurier de la classe Bronze comme moi de se battre avec, ou même de croiser le chemin d’une Tarasque.
Bien sûr, le simple fait d’en rencontrer une ne me tuerait pas. Mais ça me mettrait quand même dans un sacré pétrin. C’est pourquoi j’avais pour principe d’explorer avec soin : au lieu de repousser désespérément une Tarasque, il serait préférable de ne pas en rencontrer du tout. Pour empirer les choses, une grande variété de monstres avaient désigné le marais comme étant leur maison, ainsi il serait stupide de ne pas prendre des précautions contre eux. Ceci, avec quelques autres facteurs désagréables, avait fait de l’exploration des marais une affaire des plus éprouvantes.
Dire que je fais tout ça pour une seule pièce de bronze !
Malgré tout, il n’était que normal qu’un aventurier soit charitable de temps en temps. Si j’allais à la chasse de façon prudente, je pourrais même être en mesure de ramasser quelques matériaux rares des monstres ici, ou au moins quelques plantes médicinales qui pourraient aller chercher une bonne somme d’argent.
Il était évident de voir que ce n’était pas un endroit qu’un aventurier visiterait volontiers. Cela signifiait qu’il y avait toujours une demande pour des matériaux rares que l’on ne pouvait trouver qu’ici. Même si j’avais vraiment fini dans une mauvaise passe, tout ce que j’avais à faire était de m’échapper — pas nécessairement une compétence dont je pourrais me vanter, mais m’échapper était une perspective plus attrayante que mourir une deuxième fois.
En fait, j’étais maintenant capable d’utiliser une distraction mobile. Edel se hérissa à l’idée. Apparemment, celui à côté de moi n’était pas très enthousiaste à l’idée des tâches dangereuses que j’avais en tête pour lui.
N’es-tu pas mon familier, Edel ? Ne devrais-tu pas risquer ta vie pour ton maître ? C’était du moins ce que je pensais, mais Edel ne m’avait pas semblé très loyal.
Je suppose que c’est comme ça.
J’avais mis le pied dans le marais des Tarasques, espérant ne pas croiser l’une des créatures menaçantes de mes voyages.
◆◇◆◇◆
Si je devais décrire les différents dangers qui remplissaient le Marais des Tarasques, je devrais certainement parler des Tarasques elles-mêmes. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas une multitude d’autres dangers, cependant.
Il y avait beaucoup de lacs et d’étangs dans le marais qui étaient extrêmement toxiques — tout comme les jets d’air qui s’échappaient parfois d’eux. Même marcher dans le marais était dangereux en soi. Pour explorer adéquatement le marais, il faudrait d’abord un moyen de respirer dans un environnement aussi hostile, en plus de neutraliser le poison dans l’air. Un objet magique résistant aux empoisonnements remplirait cette fonction, tout comme l’utilisation continue de la divinité pour purifier l’air autour de l’aventurier. Il faudrait aussi de l’équipement et des vêtements de protection pour traverser le terrain empoisonné en toute sécurité.
Pire encore, un environnement aussi intensément empoisonné avait eu de profondes répercussions sur ses habitants, en particulier les monstres qui vivaient dans les marais. Là, les slimes s’étaient transformés en slimes empoisonnés, les gobelins avaient des armes empoisonnées, et les serpents nageant dans ces eaux troubles étaient armés de poisons mortels dans leur corps.
En tenant compte de tous ces facteurs, on se rendait compte de la trahison du marais : on ne marche pas avec désinvolture dans le marais des Tarasques.
Et comme je l’avais dit, il y avait la question des Tarasques elles-mêmes. Le marais était un endroit que les gens évitaient à tout prix.
Bien qu’il y ait eu une forte demande d’ingrédients, la plupart des aventuriers tenaient leur vie en plus haute et ils l’estimaient à bien plus qu’une pile de pièces d’or. Même moi, je ne serais pas venu ici si j’avais eu le choix dans la vie. C’était la perspective commune de la plupart des aventuriers.
Mais dans mon état actuel, le Marais des Tarasques ne m’avait pas beaucoup menacé. J’aurais évité l’endroit dans tous les cas pendant que je respirais encore, mais en tant que non-mort, je me souciais peu du terrain empoisonné, de l’air ou des gaz qui pénétraient le marais. En raison de ma nouvelle résistance au poison, vérifiée par les expériences de Lorraine, j’avais pu ignorer en toute sécurité 80 % des dangers du marais. Même les poisons des monstres n’avaient eu aucun effet sur moi, et pour moi, les habitants du marais étaient tout à fait inchangés de leurs frères normaux.
Hypothétiquement, si un poison dangereux m’affectait, je pourrais facilement le dissiper avec ma divinité. Ainsi, je pouvais en toute sécurité rayer le poison de la liste des menaces environnementales auxquelles je devais faire face.
Même Edel, qui reposait encore sur mon épaule, avait une certaine résistance au poison. Bien que nous n’ayons pas eu beaucoup l’occasion d’expérimenter et de vérifier cela, je suppose qu’il serait naturel que mon familier hérite de certains de mes traits.
Comme Edel vivait d’abord dans un sous-sol, il devrait être habitué à l’air vicié jusqu’à un certain point. Je l’avais cependant purifié avec la divinité avant de le ramener chez Lorraine.
Même si je tombais dans une flaque de poison, mon Aura divine nous purifierait tous les deux, nous permettant d’embarquer dans la calèche dans un état relativement propre.
J’avais mis un autre pied en avant, m’aventurant plus profondément dans le marais.
◆◇◆◇◆
Le terrain du Marais des Tarasques était le plus défavorable. Plus de la moitié du terrain était mou et instable, ce qui n’était pas exactement les meilleures conditions pour le combat. Il y avait aussi les problèmes des gouffres et des pièges dans lesquels il fallait être relativement agile pour échapper à de telles gueules mortelles.
En outre — .
« Hein… ! !? »
J’avais rapidement dégainé ma lame, sautant en arrière et coupant une flèche en deux.
Suis-je attaqué de côté ?
« Grincement ! » Edel m’avait rapidement informé de la position de la flèche via notre lien mental.
En me retournant rapidement, j’aperçus un gobelin maniant l’arc qui regardait dans notre direction. Le gobelin ne semblait pas vouloir s’approcher de nous. Au lieu de cela, une autre flèche nous avait attaqués d’une autre direction. En coupant encore une fois la flèche en deux, je m’étais retourné et, comme prévu, j’avais trouvé un autre gobelin.
Un rapide coup d’œil dans les environs avait confirmé mes craintes : nous étions entourés de gobelins.
Il y en avait une dizaine en tout. Je ne pouvais m’empêcher de me demander d’où ils venaient. L’épée tirée, j’avais fait un autre rapide balayage visuel de la zone. Un bruit distinctif remplissait l’air — des bruits venant de dessous mes pieds. Des terriers, peut-être, ou une série de tanières et de grottes présents dans la région.
Je me demandais comment ces gobelins pouvaient respirer dans la boue des marais. On répondit à ma question en jetant un coup d’œil plus détaillé sur le gobelin maniant l’arc, tenant dans ses dents un objet long, étroit et en forme de bâton. Une sorte de paille pour respirer pendant qu’ils nageaient dans le marais ?
Le terrain marécageux avait également joué en faveur des gobelins, même si j’étais alerte, il était impossible de remarquer immédiatement quelque chose de caché dans les buissons environnants.
Me maudissant d’avoir été distrait pendant que je marchais dans le marais, j’avais commencé à formuler un plan de bataille — je ne pouvais pas être vaincu ici.
Leurs attaques à longue portée étaient ennuyeuses, et les gobelins ne montraient toujours aucun signe ou intention de s’approcher de moi. Un choix stratégiquement judicieux, compte tenu du fait qu’ils étaient confrontés à une personne comme moi. Je suppose que les gobelins estimaient qu’un certain degré de prudence était nécessaire. S’ils s’approchaient de moi avec insouciance, je les écraserais avec facilité.
J’avais insufflé de l’Esprit dans mes jambes, me permettant de marcher sur le sol marécageux sans m’enfoncer. Dans un mouvement qui m’était à peu près familier, j’avais positionné ma lame, me précipitant vers les Archers gobelins.
Alors que je me déplaçais à un rythme beaucoup plus lent que ce dont j’étais capable sur un terrain solide, j’étais encore plusieurs fois plus agile que ces gobelins qui vivaient dans la boue.
Paniquants devant mon avance rapide, les gobelins avaient baissé leurs armes, se retournant et tentant de s’échapper. Les gobelins étaient connus pour leur nature lâche, bien que je ne sois pas trop différent il y a peu de temps.
Une évasion rapide était un choix judicieux si l’on ne pouvait pas gagner — cela n’avait jamais été mis en doute.
La mort avait été le grand égalisateur, la fin proverbiale pour les humains et les monstres. Je suppose que j’étais une exception…
En tout cas, je n’avais pas l’intention de laisser les gobelins s’échapper. Tous les gobelins n’étaient pas nécessairement méchants ou malveillants. Certains gobelins étaient connus pour être pacifiques et coopératifs, tandis que dans d’autres parties de ces terres, ces gobelins étaient considérés comme une sorte de bêtes de somme, et pouvaient vivre sans crainte de persécution.
Cependant, les gobelins cherchaient ici à s’attaquer aux aventuriers qui exploraient le marais. Je n’avais pas l’impression qu’il s’agissait de gobelins bienveillants sous quelque forme que ce soit.
Bien sûr, ils vivaient dans ce marais et avaient probablement des opinions différentes sur les humains en général. Même ainsi, mourir n’était pas exactement dans mon intérêt, et si je les laissais partir, ils attaqueraient certainement d’autres aventuriers.
Étant donné qu’ils avaient choisi d’interagir avec les humains d’une manière hostile, un bain de sang mutuel était inévitable. C’est pourquoi j’avais abaissé ma lame sur eux sans hésitation dès que j’avais rattrapé l’un d’eux.
Ils semblaient nettement plus forts que les gobelins dans le donjon de la Réflexion de la Lune. Je suppose que c’était un fait acquis en raison de leur capacité à vivre dans ces environs empoisonnés et de leur capacité à se cacher dans les eaux du marais.
Mais c’était vraiment tout ce qu’il y avait à faire.
Alors que les gobelins étaient assez intelligents pour utiliser le terrain à leur avantage et tirer des flèches sur des aventuriers peu méfiants, ils ne semblaient pas avoir beaucoup de capacités au combat rapproché.
D’un seul coup de mon épée, un gobelin était tombé face contre terre dans la boue. Le suivant avait bientôt suivi, et ainsi de suite. En peu de temps, les dix gobelins étaient morts, étendus dans la boue.
Confirmant qu’il n’y avait plus de menaces immédiates dans les environs, j’avais fait mes rondes, ramassant des cristaux magiques sur les corps des gobelins. Les cristaux étaient de qualité médiocre au mieux, mais dans tous les cas, ils valaient une certaine somme d’argent. Comme il n’y avait aucune utilisation connue de la peau d’un gobelin, j’avais simplement fait une grande incision avec mon couteau à dissection, en arrachant les cristaux magiques qui se trouvaient à côté du cœur des créatures. Je laisserais leurs cadavres ici comme engrais pour la flore du marais.
Puis… il m’était venu à l’esprit qu’Edel avait fait peu ou pas de travail du tout dans cette rencontre, autre que de me dire d’où la première flèche avait été tirée.
Est-ce que cette souris se considère comme mon familier ?
J’avais demandé à Edel de gagner sa vie dans notre prochaine bataille. Edel venait de me dire qu’il travaillerait s’il le fallait.
Est-ce que cette souris me considère comme son maître… ?
Je ne pouvais m’empêcher de me le demander…
***
Partie 9
Même si le marais n’était pas un endroit où la plupart des individus entraient volontairement, on ne pouvait nier qu’il y avait une grande variété de flores et de faunes, qui pouvaient toutes être récoltées et utilisées comme ingrédients ou matériaux. Pour cette raison, certains éléments d’infrastructure étaient en place pour faciliter ce processus.
Par exemple, on trouvait souvent des ponts et d’autres ouvrages semblables au-dessus de vastes étendues d’eau. C’était nécessaire pour qu’un être humain normal puisse explorer le marais, puisqu’il n’y avait pas d’humain avec mon degré de résistance au poison sur ces terres. Et étant donné qu’aucune personne saine d’esprit n’essaierait de traverser à la nage une vaste étendue d’eau de marais toxique, des ponts étaient une nécessité dans ces régions.
Même si j’étais immunisé contre les effets du poison, je n’étais pas vraiment intéressé à prendre un bain si j’avais le choix. En gros, je traverserais volontiers un pont si j’en rencontrais un.
Et pourtant, il y avait toujours un problème —
Craquement… Craquement…
Un son que je ne voulais pas entendre, pas ici, de tous les endroits.
Le matériau d’un pont différait selon l’endroit où il était construit, et ce pont spécifique était fait de bois. La facilité de construction avait été le facteur principal dans le choix des matériaux pour un pont. Cependant, il serait difficile de trouver suffisamment de matériaux pour construire un pont métallique dans un marais. En fait, un tel exploit ne serait possible que si plusieurs aventuriers étaient engagés. Ces aventuriers devraient également travailler sur le projet pendant une longue période.
C’est pourquoi un pont en bois y était placé.
Naturellement, le bois utilisé pour ce pont provenait d’un type d’arbre tolérant au poison qui poussait dans les environs. En raison de ses propriétés, il était beaucoup plus résistant que le bois normal.
Malgré tout, un pont en bois était un pont en bois. Pour des raisons de facilité, ce pont n’était qu’un ouvrage très basique, et sa simple construction l’avait fait se délabrer à un rythme accéléré. Un jour, il s’écroulerait et serait dévoré par le marais une fois de plus.
— Et aujourd’hui, c’est le jour où ce pont avait décidé de tomber, avec moi dessus.
Crac !!
Je n’avais pas d’autre choix que de tout tenter, même si je ne pensais pas réussir, alors j’avais essayé de quitter le pont en courant, mettant beaucoup de poids dans mes pas. Si j’avais réfléchi calmement à la situation, j’aurais sûrement choisi une autre voie.
Incapable de supporter mon poids, une planche pourrie avait cédé.
Les Thralls avaient beaucoup plus de force physique que l’humain moyen. Ainsi, mon piétinement imprudent avait donné un résultat trop prévisible.
Mon pied, maintenant fermement enfoncé à travers la planche, avait provoqué la déformation du pont déjà fragile, et j’étais tombé dangereusement près de la surface du marais. Edel, pour sa part, avait déjà sauté de mon épaule, grimpant sur le pont tendu et sur la sécurité de la rive opposée.
Espèce de traîtresse de souris !
Les actions d’Edel avaient du mérite, car je ne savais pas exactement à quel point il était résistant au poison. La possibilité qu’une telle chute soit fatale pour Edel ne pouvait pas être écartée, alors j’avais pardonné à mon familier pour le moment.
Le pont, qui avait fini par céder, avait plongé dans les profondeurs du marais, m’emportant avec lui. Je n’avais ressenti aucune douleur ou aucun essoufflement, je suppose que les morts-vivants n’avaient pas besoin de respirer beaucoup, voire pas du tout. C’était nouveau pour moi, ne serait-ce que parce que j’avais des bottes pour marcher sur l’eau pendant mon excursion au village de Todds.
Si je savais nager, en premier lieu, je n’avais probablement pas besoin d’un objet magique aussi coûteux. Mais j’aurais semblé suspect selon Ryuntus et Amiris.
Mais c’était du passé.
Cela dit, j’avais poussé une profonde respiration quand j’étais à terre — j’aurais paru étrange si je ne l’avais pas fait. Les humains le faisaient inconsciemment, bien qu’en comparaison, ma capacité à ne pas respirer quand j’étais submergé dans un marais empoisonné était en effet pratique. Bien que j’aie l’air peu recommandable et étrange, j’aimerais bien avoir un tel corps pour le reste de ma vie.
Inutile de dire que je serais célibataire toute ma vie, mais j’aurais toujours mon rêve de devenir un aventurier de classe Mithril pour me tenir compagnie.
Eh bien, je n’avais pas l’intention de me marier au départ, donc ce n’était pas désolant. Cependant, le fait que j’avais parfois eu de telles pensées signifiait probablement que je n’avais pas renoncé à l’idée de le faire.
En me remémorant la situation actuelle, je m’étais rendu compte que les eaux empoisonnées du marais semblaient avoir rendu impossible la survie de la plupart des êtres vivants. C’était parce que la plupart des êtres vivants devenaient instantanément violets s’ils étaient submergés dans le marais, puis mouraient dans les cinq minutes qui suivaient.
Mais le spectacle qui m’avait accueilli alors que je m’enfonçais dans les eaux du marais était tout à fait différent. Je ne pouvais pas dire que c’était une vue magnifique ou panoramique, mais il y avait des choses vivantes dans les profondeurs. Des monstres ressemblant à des poissons, de la taille d’un homme, se dirigeaient vers moi la mâchoire grande ouverte. Il y en avait plus qu’un petit nombre, car je pouvais en compter une dizaine dans mon entourage immédiat.
Je ne mourrais probablement pas si ces monstres me grignotaient, et je me demandais même si pour commencer j’étais comestible. Tant que je le supporterais, ces monstres me laisseraient probablement tranquille après un certain temps. Mais les petites parties de moi qui restaient humaines semblaient révoltées à l’idée d’être dévorées par ces monstres.
Dégainant mon épée de son fourreau, je m’étais préparé dans une position de combat face aux abominations qui approchaient. Heureusement, mes pieds étaient maintenant sur un sol solide et j’avais ainsi la possibilité de me battre.
La planche que j’avais malheureusement transpercée était encore collée à l’un de mes pieds, mais je l’avais plantée fermement dans le sol en réponse. Je pouvais nager librement si je coupais simplement la planche, mais j’avais plutôt décidé de rester en place, en frappant les poissons qui attaquaient.
Immédiatement, un gros poisson s’était précipité vers moi, les mâchoires grandes ouvertes. Tenant ma position, j’avais avancé ma lame vers sa tête, la coupant soigneusement de son corps. Mon épée était encore assez tranchante pour mes besoins, même si elle était beaucoup plus lourde sous l’eau que sur terre. Bien que ses performances actuelles ne puissent être comparées à ce qu’elle était capable de faire sur un sol sec, l’infusion d’un peu d’Esprit dans la lame était plus que suffisante pour décapiter un poisson géant.
Malgré cela, j’avais eu du mal à me défendre contre quatre ou cinq bêtes à la fois. Il m’était difficile d’être au courant de toutes les directions, ne serait-ce que parce que je restais debout sur place. Mes mouvements dans l’eau étaient également très lents.
Les poissons, par contre, avaient évolué pour se déplacer rapidement dans l’eau. J’aurais dû réfléchir à la situation difficile qui nous attend.
Les poissons se moquaient de mes regrets ou de mes mauvaises décisions. En m’approchant de tous les angles, ils avaient plutôt avancé leurs mâchoires vers mon corps. Balançant mon épée en un large arc de cercle horizontal, j’avais réussi à en disposer trois qui s’approchaient de moi par l’avant, mais deux autres m’avaient attaqué par-derrière, en enfonçant leurs dents dans ma peau. En réponse, je m’étais débattu et j’avais balancé mon épée violemment. Mes actions, cependant, n’avaient eu que peu d’effet.
J’avais ressenti un nouveau sentiment de péril, si je n’agissais pas rapidement, je risquais de perdre mon pied. J’étais dans une situation où ma vie était en danger, alors je devrais me sentir menacé. Ce n’était pas mes compétences qui m’avaient donné un faux sentiment de sécurité, mais ce corps ridiculement solide qui était le mien. Je ne mourrais probablement pas même si on m’enlevait la tête de mon corps et, par conséquent, je n’avais plus un sens précis ou raisonnable du danger, contrairement à ce que j’avais dans la vie.
C’était très inconvenant. Je devrais faire quelque chose après m’être sorti de ce pétrin. Alors, j’avais décidé d’organiser une vraie bataille.
N’entretenant plus mon Aura spirituelle, j’avais plutôt infusé mon corps de divinité. La divinité était allée plus loin pour renforcer mon corps, bien qu’un Art Fusionnel Mana-Esprit aurait été plus fort dans cette situation, je n’avais pas osé l’utiliser sous une telle tension. Si je devais vraiment l’utiliser, ce serait lorsque ma vie était vraiment en danger, par opposition à la perte d’un pied.
Alors que l’aura divine coulait à travers mon corps, j’avais senti mes mouvements s’accélérer. Comme je m’y attendais, il m’était maintenant plus facile de me déplacer dans l’eau.
Avec une force renouvelée, j’avais tiré l’un de mes pieds loin du poisson me mordant. Les autres poissons restaient toujours résolument attachés, refusant de lâcher prise.
Ma chair osseuse et immortelle était-elle si délicieuse ? Je suppose que la nourriture était rare dans le marais et que les poissons avaient l’instinct de ne pas lâcher prise une fois qu’ils avaient attrapé leur proie.
C’était horriblement inacceptable pour moi. J’avais de plus grands projets dans la vie que de pourrir au fond de ce marais.
L’un de mes pieds étant maintenant libre, et j’avais pu changer d’orientation. Tordant mon torse, j’avais levé mon épée haut, dans l’intention de mettre fin une fois pour toutes à cette menace de poissons.
La trajectoire était claire : j’allais maintenant tuer ce poisson qui mordait encore mon pied.
Cependant, au moment où cette pensée m’avait traversé l’esprit, j’avais eu l’impression que la compréhension semblait se manifester quant à ce poisson. Nageant rapidement vers le haut, le poisson m’avait traîné avec lui, avant de finalement sauter hors de la surface de l’eau et de me jeter sur la terre ferme.
« Guh… !! »
Et avec cela, ma traversée du marais avait été terminée, bien que je finisse par m’écraser sur le sol avec un son pathétique.
J’étais complètement trempé, de l’eau toxique s’égouttait sur le sol. Étonnamment, ma robe était restée incroyablement sèche. Je suppose que c’était un témoignage de sa qualité. Peut-être n’avait-elle jamais été mouillée… Cette robe était aussi mystérieuse que la femme qui me l’avait offerte.
En faisant demi-tour par-ci par-là, mes yeux s’étaient tournés vers un spectacle familier : Edel, le même familier qui m’avait abandonné à ma tombe aquatique.
« … Toi, qu’est-ce que tu fais là ? » demandai-je.
Le visage d’Edel… le museau, plus probablement, semblait étrangement gonflé. Je l’avais attrapé brutalement, je lui avais ouvert la bouche avec mes mains gantées et j’avais trouvé un assortiment de noix cachées dans ses joues.
Mon familier m’avait laissé, moi, son maître, mourir, décidant à la place de ramasser de la nourriture dans l’environnement.
Il semblerait qu’Edel comptait moins sur le sang pour se nourrir que moi.
Mais il y avait aussi quelque chose d’autre qui me dérangeait, à savoir le manque de foi… et de loyauté d’Edel.
Les familiers des vampires sont-ils tous ainsi ?
Mais bien sûr, personne n’avait pu répondre à ma question. À qui demanderais-je… ?
***
Partie 10
Peut-être que les attentes existaient pour être trahies. C’était une observation soudaine et brutale, et peut-être même un peu fataliste, assez triste, en fait. Mais je n’étais pas dans une situation où je pouvais m’allonger sur le sol et réfléchir à la philosophie. Ce qui ne voulait pas dire que je ne ressentais pas encore un sentiment écrasant de désespoir, probablement parce que ce désespoir se tenait maintenant à une courte distance de moi, en regardant ma figure trempée.
Doté d’une carapace blindée en forme de tortue et de six pattes puissantes, il était recouvert d’écailles dures, arborant un corps relativement simple, mais toujours impressionnant, semblable à celui du dragon. Ses yeux indiquaient une créature plus sauvage qu’intelligente — les yeux d’une bête. Dans ces yeux se reflétait ma propre image, un organisme plus faible qui serait chassé et consommé.
— Une Tarasque. La créature qui avait donné son nom à ce marais.
Bien que j’aurais préféré ne pas en rencontrer un au cours de mon voyage, je n’avais pas été surpris que j’aie fini par croiser son chemin. En termes simples, les Fleurs de Sang du Dragon que je cherchais ne fleurissaient qu’autour des sentiers et des zones foulées par les Tarasques. Il me serait difficile, voire impossible, d’accomplir ma tâche sans jamais me heurter à l’une d’elles. Si l’on avait un œil attentif à ces questions, on pourrait cependant identifier les traces de Tarasque, ainsi que les marques territoriales qu’elles avaient laissées pour avertir les autres monstres de leur présence. J’avais essayé de faire la même chose, puis j’avais échoué de façon spectaculaire dans ma tâche.
Quelle situation difficile… !
Au vu de la situation, je n’avais pas d’autre choix que de me battre.
S’il y avait une lueur d’espoir dans cette situation, ce serait que j’étais immunisé contre le poison de la Tarasque. Tout ce que j’avais à faire, c’était de me battre comme un monstre normal, ce qui me conduirait probablement à la victoire.
Alors que je me demandais si je possédais les compétences nécessaires, la Tarasque n’avait pas l’air de s’intéresser à mes pensées maladroites.
« GRUAAAAH... ! !! »
Un cri grondant qui était sans aucun doute une déclaration d’hostilité s’était fait entendre. Ce n’était pas du tout ce que j’avais prévu, mais je n’avais d’autre choix que de me battre.
Dégainant ma lame, je m’étais arrêté, faisant face à la Tarasque. Alors que je m’étais mis en position, la bête s’était précipitée vers moi à toute vitesse.
Compte tenu de la taille de la Tarasque, tout humain normal touché par une telle attaque serait sûrement envoyé en un vol plané, ou piétiné et écrasé sous ses pieds. Inutile de dire que ces deux options ne m’avaient pas particulièrement plu.
J’avais tenu bon, et j’avais attendu l’ouverture.
Comme une Tarasque était engoncée dans une carapace dure et avait un cou long et flexible, mes stratégies étaient limitées. Je n’avais vraiment que deux options : je pouvais soit percer sa carapace en l’attaquant, soit faire voler son cou relativement plus souple.
Pour penser à briser la carapace d’une Tarasque, il faudrait cependant posséder suffisamment de force et de compétences, ainsi qu’une arme bien forgée. Sa carapace était après tout couramment utilisée comme matériau d’armure par les aventuriers de la classe Argent ou de classe Or.
La carapace d’une Tarasque pouvait être transformée en un matériau tout à fait respectable, à condition de trouver un forgeron tout aussi capable. Les objets et armures fabriqués avec ce matériau avaient d’immenses capacités défensives.
Pour le dire logiquement, il me serait extrêmement difficile de briser une telle carapace. Cependant, il y avait l’option de fusionner le mana, l’esprit et la divinité dans ma lame tout à la fois… Bien qu’il soit possible que cela puisse briser la carapace de la bête, les conséquences du retour de flamme m’avaient poussé à mettre cette pensée en suspens pour une durée indéterminée. Si je perdais mon arme de cette façon, je perdrais sûrement la vie. Ce serait un dernier recours, et j’espérais que je n’aurais pas à l’employer.
J’avais décidé de m’en prendre au cou de la bête.
En sautant vers la Tarasque en chargeant, j’avais atterri sur sa carapace, me stabilisant et balançant mon arme sur son cou — c’était mon intention, en tout cas.
Clang !
Avec un son semblable à celui de l’acier, ma lame avait rebondi sur la peau de la Tarasque sans causer de tort. La bête, maintenant alertée de ma présence sur son dos, se jeta rapidement sur le sol, retournant son gros corps pour tenter de me déloger.
Ka-thung !
Avec un son bas et grondant, la Tarasque continua à rouler, balayant le marais autour de lui au fur et à mesure qu’elle avançait. Soulevant un nuage de gaz toxiques et de boue volante, la Tarasque se retira derrière cet écran de fumée, comme pour obscurcir ma vision. Une attaque intimidante, une attaque qui vaincrait une personne normale. Malheureusement pour la bête, je me souciais peu des poisons.
C’était une attaque à la fois défensive et offensive, une vraie bête traîtresse. Cependant, la boue empoisonnée n’était rien de plus que de la boue pour moi. De plus, je possédais une vue supérieure à celle d’un humain normal. Bien que les efforts de la bête m’aient un peu gêné dans ma vision, je pouvais encore distinguer sa forme au-delà de la boue et des gaz qui s’y déposaient.
Une capacité curieuse et pratique que je n’avais jamais utilisée aussi consciemment auparavant.
Décidant que je pouvais faire confiance à mes sens accrus de perception, je sautai à travers la pluie de boue et l’eau des marais, faisant un saut vers la Tarasque. La bête, par contre, avait gardé un profil bas, après avoir enfoncé sa carapace dans le sol mou et marécageux pour me dissuader d’avancer. Alors que les secousses étaient impressionnantes, la Tarasque était maintenant dans une position désavantageuse, car son cou était maintenant beaucoup plus près du sol. C’était une occasion que j’exploiterais grandement. Tant que j’aurais frappé au bon moment, je pourrais sûrement décapiter cette bête.
Je suppose que ce serait le moment idéal pour améliorer le tranchant de mon épée. Et j’avais justement la technique en tête pour ce but précis.
J’avais commencé à infuser deux auras dans ma lame, les auras de mana et de l’esprit. Il était temps de mettre ma technique à l’épreuve : un Art Fusionnel mana-esprit.
Si je ne pouvais pas couper à travers sa carapace, tout ce que j’avais à faire était d’écraser ses organes de l’intérieur, et ce serait tout.
Bien sûr, les vrais pratiquants des Arts Fusionnels seraient capables de concentrer ces deux auras dans le bord de leur arme, augmentant son tranchant à un point presque astronomique. Moi, par contre, j’étais actuellement incapable d’un tel exploit. Je compterais plutôt sur ma force brute et soufflerais à travers la bête.
Je m’étais dirigé vers elle, étendant mon aura d’esprit de ma lame à tout mon corps. Propulsé par une intense concentration d’Esprit, je m’étais retrouvé à côté du cou de la Tarasque avant de m’en rendre compte.
La bête continuait à lutter, et je n’avais pas l’intention d’attendre qu’elle se redresse d’elle-même. D’un geste rapide, j’avais baissé mon épée sur son cou.
Un bruit tonitruant avait rempli l’air alors que l’acier rencontrait la Tarasque.
Alors que les suites de mon attaque résonnaient dans les airs, elle était accompagnée d’une petite pluie d’écailles brisées, apparemment libérées par mon coup.
Est-ce que je l’ai tué, pensai-je, en m’arrêtant momentanément. Malheureusement, une Tarasque n’était pas un monstre faible.
Avant que j’aie pu réagir, une série de griffes acérées avaient volé vers moi, avec l’intention de m’écraser sur place, la robe et tout.
En esquivant le coup d’un geste paniqué, je m’étais réorienté, avec l’intention de frapper une fois de plus sa blessure. Au lieu de cela, j’avais découvert que la Tarasque avait levé le cou très haut.
On dirait que la bête s’est enfin redressée…
Si j’étais resté un être humain, je n’aurais pas pu profiter de tout cela, mais le cou de la bête, actuellement relevé, n’était pas non plus une bonne nouvelle pour moi. Un humain ne serait pas capable de combattre une Tarasque pour commencer — mais ce n’était pas le moment de penser ainsi.
Avec ses six pattes, la bête s’était abattue sur moi une fois de plus, mais à une vitesse plus lente qu’auparavant. Déjà, la Tarasque se méfiait d’être monté à nouveau par moi — vraiment un monstre redoutable.
De penser qu’elle pourrait apprendre et s’adapter en si peu de temps… C’était une bête sauvage qui vivait et mourait en grande partie selon ses instincts et ses sens, mais on pourrait presque penser qu’elle était en possession d’un esprit un peu logique. Personnellement, je préférerais de loin une Tarasque stupide et brutale.
J’avais supposé qu’on ne pouvait rien faire contre l’intelligence de mon ennemi. J’avais dû penser à une nouvelle stratégie.
Bien que grimper sur son dos et frapper son cou blessé était la meilleure façon de mettre fin à ce combat, mon adversaire semblait conscient de ce fait, et il était visiblement plus prudent à présent.
Que dois-je… ?
Edel — .
Edel, mon familier sur mon épaule, avait disparu.
Où est-il allé ?
En regardant autour de moi, je n’avais pas mis longtemps à apercevoir la silhouette d’Edel, courant à une vitesse folle au milieu des pieds de la Tarasque.
C’était une approche dangereuse — un faux pas, et mon familier serait écrasé ! Mais Edel se déplaçait et dansait entre les jambes du monstre, évitant ses pas frénétiques et atterrissant parfaitement sur son dos.
Tu es plutôt bonne, petite souris.
Pour la première fois depuis que j’avais mis les pieds dans le marais, je me sentais reconnaissant de l’existence d’Edel.
Et pourtant, Edel n’était encore rien de plus qu’un Puchi Suri, un petit monstre semblable à une souris, comparé à la grande et féroce Tarasque.
Juste au moment où cette pensée m’était venue à l’esprit…
« … Quoi !? »
J’avais failli tomber. Je m’étais rattrapé, c’était comme si toutes les forces de mon corps m’avaient abandonné tout d’un coup. Puis, le corps d’Edel s’était mis à briller.
Il se passe quoi… ?
Je pouvais sentir les intentions d’Edel. Il avait un plan, et tout ce que je pouvais faire, c’était regarder.
J’avais regardé la scène qui se déroulait devant moi, celle d’Edel et de la Tarasque.
Maintenant enveloppé de ce qui semblait être un voile de lumière, Edel avait couru le long du cou de la Tarasque, propulsant et claquant son corps dans la blessure exposée laissée par ma frappe précédente.
Edel était grand pour son espèce, mais il était toujours un Puchi Suri. Sa vaillante attaque ne pouvait pas laisser de traces sur la Tarasque.
Cependant, contrairement à mes attentes, la bête avait commencé à crier, évidemment dans une grande douleur.
« Gruuuaaaaaaaaarrrrggg... ! »
C’était un hurlement de fureur — fureur d’avoir été blessé deux fois au même endroit, et peut-être l’indignation d’avoir reçu un coup porté par quelque chose de beaucoup plus petit que soi. Alors que seule la Tarasque pouvait savoir lequel de ces derniers était le plus frustrant, la force et l’impact résultant de l’attaque d’Edel ne pouvaient être niés.
Tremblant et luttant, la Tarasque s’était soudain tordu le cou comme un fouet écaillé. Elle avait balayé son dos dans un large arc de cercle horizontal, à une vitesse que je ne pensais pas possible pour un monstre blessé. Il semblerait qu’Edel ait partagé mes pensées, car la vitesse du coup l’avait pris au dépourvu. Mon familier avait rapidement été envoyé en un vol plané, victime d’un impact violent.
Courant sur la trajectoire de son vol, j’avais sauté, l’attrapant avant qu’il ne touche le sol.
« … Vas-tu bien ? » demandai-je.
Cependant, Edel avait insisté sur le fait qu’il allait bien, et que je devrais faire plus que simplement courir partout pour attraper des souris volantes.
Espèce d’horrible insolent… Je suppose que je devrais apprécier sa vigueur. J’avais commencé à guérir ses blessures avec la divinité, mais il ne semblait pas avoir de blessures. Maintenant que j’y pense, j’avais été vidé d’une quantité significative de pouvoir tout à l’heure — pas de mon mana ou de l’esprit, mais de divinité.
Il semblerait qu’Edel ait utilisé la divinité qu’il m’avait prise à des fins à la fois offensantes et curatives. Je ne me rappelais pas lui avoir donné la permission, mais le voilà qui était reparti, le faisant quand même. Je suppose que c’était exactement comme ça que sont les familiers…
Est-ce qu’ils exigent et revendiquent tous simplement le pouvoir de leurs maîtres comme et quand ils en ont envie ? Pourquoi notre relation me semble-t-elle si inversée… ?
Mes pensées furent rapidement interrompues par une série de rugissements écrasants.
« Gruaaaarrgg... ! Gaaarrrg ! Gaaarrrgg!! »
Les cris douloureux de la Tarasque m’avaient ramené à la réalité. Il semblerait que la bête ait tourné en rond tout ce temps, le poids de son grand corps travaillant contre elle. Elle possédait une vitesse redoutable lorsqu’elle chargeait droit dans une direction, bien qu’elle ne semblait pas très bien gérer les virages. S’il y avait une chance de s’échapper, ce serait maintenant.
Bien qu’il y ait une certaine distance entre nous, je ne pouvais pas garantir qu’une évasion serait utile ou prudente. La bataille pourrait se transformer en un jeu de décrochage, les deux camps attendant de voir si l’adversaire manquera d’endurance en premier. Ou peut-être que je pourrais gagner du temps et me guérir moi-même ?
Cependant, Edel n’avait pas besoin d’un tel repos. Quoi qu’il en soit, l’attaque d’Edel sur la Tarasque semblait avoir laissé des marques. La bête ne pouvait plus bouger son cou aussi librement qu’avant.
S’approchant lentement, mon attention fut attirée par un panache de fumée s’échappant de la plaie ouverte de la Tarasque.
Edel avait-il la capacité de lancer des boules de feu ? Je ne me souviens pas avoir vu une telle chose. Non, ce phénomène avait été indubitablement causé par le choc de son corps.
Est-ce que c’est l’une de ses capacités spéciales ?
Non… ça ne semblait pas non plus être le cas.
Bien qu’il brillait, cette lueur était provoquée par mon Aura divine, de sorte que la Tarasque réagissait de cette façon après avoir été frappée par une attaque divine.
Une belle allusion, petite souris…
Je suppose qu’une Tarasque était plus vulnérable à la divinité, par opposition à l’esprit ou au mana. Si seulement j’avais utilisé mon Aura divine dès le début… Les indices étaient en place bien avant que je mette les pieds dans ce marais.
En raison de l’habitat de la Tarasque, elles détestaient l’eau bénite, de sorte que la plupart des aventuriers dans ces marécages en portaient une bonne quantité. On disait que se tremper dans l’eau bénite pouvait même rendre méfiantes les Tarasques les plus féroces.
Pour dire la vérité, je voulais faire la même chose, et j’avais acheté de l’eau bénite pour moi, mais c’était le résultat malheureux. Ce n’était pas la faute de l’eau elle-même, et tout compte fait, j’avais probablement fini par acheter de la fausse eau bénite par accident. J’avais dépensé pas mal d’argent pour les préparatifs de ce voyage, et j’avais fini par lésiner sur certaines fournitures. Par exemple, j’avais acheté cette eau bénite dans un magasin au bord de la route quelque peu suspect — ce n’était pas exactement le choix le plus sage.
L’eau bénite ne pouvait être obtenue que dans les églises, et elle coûtait cher. Je ne voulais pas vraiment mettre les pieds dans une église, du moins, pas avec mon corps tel qu’il était. C’est pourquoi j’avais acheté cette bouteille d’eau bénite relativement moins cher chez un marchand au bord de la route…
Je suppose qu’on en a pour son argent. Une leçon bien apprise.
Bien que je voulais faire une réserve d’eau bénite pour mon usage personnel, les méthodes utilisées pour sa création étaient étroitement surveillées par l’église. Mes tentatives pour créer de l’eau bénite avaient échoué, car toute aura injectée dans l’eau ne durerait que quelques secondes, avant de redevenir une eau potable normale. Après plusieurs essais, j’avais abandonné. Je suppose qu’il était impossible de créer sans une sorte de méthode spéciale.
Craaack !
Une fissure assourdissante m’avait ramené à la réalité. Un arbre voisin avait été déraciné et jeté en l’air.
Le cou de la Tarasque restait blessé, mais son corps fonctionnait encore normalement, et la bête était de nouveau sur notre piste. Cette fois, elle crachait des nuages de poison, ce qui ne m’inquiétait pas.
Edel, qui était encore une fois sur mon épaule, n’y avait pas non plus prêté attention. Pour nous, ce n’était rien de plus qu’un nuage chaud et violet. En fait, son souffle empoisonné avait été sa prochaine attaque.
J’avais pitié de l’environnement qui nous entourait, mais je n’avais pas perdu de temps avant de plonger dans les nuages, émergeant rapidement de l’autre côté. J’étais maintenant près de la Tarasque — un peu trop près selon elle, à en juger par ses tentatives paniquées de retraite.
Ce n’était pas trop difficile pour moi de comprendre ce que ça faisait. Je suppose que j’avais été le premier humain immunisé aux poisons qu’elle ait jamais rencontré dans sa vie. Dans tous les cas, un être humain aurait besoin d’une sorte d’objet magique qui annulerait complètement toutes sortes de poisons. Mais j’avais ma constitution de Thrall qui jouait ce rôle.
Quoi qu’il en soit, je devrais finir le travail. Contrairement à ma frappe d’épée dans l’eau, j’opterais maintenant pour un coup fatal.
J’avais concentré mon Aura divine, l’enveloppant autour de mon épée. Réagissant avec l’air empoisonné qui l’entourait, mon arme brillait d’un léger bleu doré, la brume pourpre qui m’entourait s’estompant rapidement. La visibilité autour de moi s’étant améliorée, j’avais vu un chemin dégagé vers le cou de la Tarasque.
J’avais sauté — .
D’une seule frappe décisive, j’avais frappé le cou déjà blessé de la Tarasque. En raison de mon Aura divine, les écailles de la bête fondirent et se déformèrent. Contrairement à mes tentatives de tuer la bête avec une attaque d’Art Fusionnel avec l’Esprit et Mana, ma lame imprégnée de l’aura Divine avait coupé la chair de la Tarasque sans faire de bruit. La résistance qu’offrait sa chair molle ressemblait beaucoup à celle des monstres inférieurs que j’avais rencontrés. C’était une observation intéressante…
La Tarasque s’était débattue. Elle avait l’intention de se libérer de la lame brûlante qui était en train d’enlever sa tête du reste de son corps. Mais je n’avais pas permis que ça arrive.
Avec une dernière impulsion de force, j’avais enfoncé ma lame dans et à travers le cou de la bête, les écailles, la chair, les os, et tout. Avec un bruit sourd et macabre, la tête de la Tarasque tomba au sol.
***
Partie 11
Un autre coup de tonnerre avait retenti à travers le marais lorsque le corps gigantesque de la bête tomba au sol. Se débattant et se tortillant pendant quelques instants, le corps de la Tarasque sans tête avait fini par se taire. Son cou en forme de serpent, enroulé lors de son agonie, était un spectacle dégoûtant à voir.
Penser que quelque chose de cette taille pouvait s’écrire et se tortiller d’une telle façon, un spectacle que j’espérais ne jamais revoir.
C’était probablement une étrange déclaration de ma part, étant donné que j’avais tué la Tarasque. Je n’avais pas vraiment l’intention de le faire en premier lieu, cependant, j’avais reproché à la bête de nous pourchasser.
Je ne m’excuserai pas, monstre.
Étant la bête qu’elle était, la Tarasque possédait un cristal magique, comme tous les autres monstres. Bien que la position du cristal variait d’un type de monstre à l’autre, on pouvait généralement supposer qu’il se trouvait près du cœur de la bête.
Mais pour un cristal de la Tarasque, il était enterré profondément dans sa carapace, et je n’avais d’autre choix que de le déterrer. Mais cela prendrait beaucoup de temps, et le marais de Tarasque n’était pas un endroit où l’on pouvait tourner au ralenti en toute sécurité. Il était presque justifié qu’une autre Tarasque vienne se promener pendant que j’entreprenais mon travail de dissection. C’était quelque chose que je devais éviter à tout prix.
Je suppose que vaincre une Tarasque de plus était possible, étant donné que je connaissais maintenant la faiblesse de leur espèce. Mais je n’avais aucun moyen de le savoir jusqu’à ce qu’on se batte. J’avais aussi réalisé que je n’avais pas grand-chose à craindre d’une Tarasque. Edel pourrait m’aider aussi.
Le seul problème dans tout cela était la quantité de force qui me restait en moi. Ayant utilisé une grande quantité de divinités, j’aurais du mal à couper la tête d’une autre Tarasque. Pour empirer les choses, j’avais une réserve de divinité considérablement plus petite, du moins comparé à celui de mon mana et de mon esprit. Par conséquent, souvent, quand j’avais fini par en utiliser davantage, il m’avait fallu naturellement plus de temps pour m’en remettre.
Je ne pouvais pas compter sur l’utilisation répétée des mêmes techniques sans repos. C’est pourquoi j’essayais de conserver ma divinité, et, par conséquent, je me demandais, pourquoi avais-je fini par en utiliser la majeure partie.
Quelle énigme !
Alors, abandonnerai-je le cadavre de la Tarasque et le cristal magique qu’elle renferme ?
Non. Je ne pourrais pas faire une telle chose.
Je ne ferais pas une telle chose.
J’étais incapable de faire une telle chose.
— J’étais très endetté. Pour empirer les choses, la récompense de l’orphelinat pour avoir récupéré une Fleur de Sang du Dragon était la somme princière d’une pièce de bronze. Malgré ma dette, cependant, je m’étais assuré de payer de ma poche un article bien précis avant d’arriver au marais : nul autre qu’une poche magique.
J’en possédais déjà une moi-même, mais celle-ci était relativement petite, à peine capable de contenir le corps d’un orc. Il n’y avait aucun moyen de contenir le corps d’une bête aussi grande qu’une Tarasque.
Je pouvais simplement disséquer le Tarasque et en extraire les matériaux précieux, mais ce n’était pas un endroit propice à un tel effort. C’est pourquoi il me fallait un sac de grande capacité, et c’était pourquoi j’avais obtenu un tel objet avant mon incursion dans le Marais des Tarasques.
Cependant, ma justification pour obtenir un tel sac en avance était beaucoup plus simple : j’avais, ces derniers temps, pris en compte ma chance relativement terrible. Qui, exactement, pourrait dire qu’ils avaient été mangés par un Dragon légendaire et transformés en squelette en explorant simplement la zone pour débutant d’un donjon ?
Au contraire, je m’attendais aux pires choses dans le monde qui me viendrait à la gueule.
Que se passerait-il alors si un homme comme moi s’aventurait dans le marais des Tarasques ? Contre toute attente, je tomberais sur une Tarasque. Oui, tout à fait la veine fataliste qui me venait dans mes pensées, mais il s’était avéré que mes suppositions — et mes sentiments instinctifs — étaient correctes.
Peut-être que j’avais obtenu une sorte d’instinct primitif après être devenu un monstre…
Il s’était avéré que j’avais rencontré une Tarasque. Je pourrais même dire que mon instinct était raisonnablement aiguisé.
Cela dit, cette poche magique de grande capacité n’était qu’un article que j’avais loué. Une donnée, peut-être, considérant de tels objets magiques de haute qualité valait son pesant d’or. On pourrait même acheter une maison avec le prix demandé pour ce sac.
Heureusement, la location était possible, à condition d’avoir suffisamment d’argent. On pourrait penser qu’un objet d’une telle valeur ne serait pas si facilement loué, mais ils n’auraient pas à chercher plus loin que la guilde, d’où j’avais loué la mienne. Si un aventurier était assez fou pour s’enfuir avec, les spécialistes en récupération de la guilde seraient à leur poursuite en un instant. Selon la valeur de l’objet en question, même les aventuriers de classe Or ou Platine seraient mobilisés pour l’effort. Cela signifiait qu’il serait difficile pour tout contrevenant de vivre en paix, peu importe le royaume, et c’était pourquoi les vols de cette nature étaient rares et espacés.
Ces vols semblaient presque représenter la nature infiniment sombre de l’homme, et peut-être du monde en général.
Quoi qu’il en soit, j’étais maintenant armé d’un moyen de transporter la carcasse de la Tarasque tuée.
Son corps était une mine d’or de matériaux. Même si j’excluais le produit de la vente de son cristal magique, les écailles et la carapace d’une Tarasque valaient à elles seules assez de pièces pour me sortir de mes dettes. Le produit global de cette carcasse me permettrait à lui seul de faire un profit, et c’est en tenant compte des coûts de l’expédition.
Dire que je pourrais à nouveau dépenser librement, et que j’avais réussi à le faire avec le butin d’une seule bataille ! C’était l’une des nombreuses raisons pour lesquelles je ne pouvais m’arrêter d’être un aventurier actif.
C’était la première fois que je faisais l’expérience d’une telle manne au cours de la dernière décennie que j’avais passée en grande partie à tenter l’aventure. Bien que j’aie récolté un grand cristal magique d’un monstre géant que j’avais tué il y a quelque temps, la situation à l’époque signifiait que je n’avais pas profité du tout de cet événement.
Cette fois, ce serait différent. J’avais ouvert le sac en m’agenouillant près de la carcasse de la Tarasque. Je ne voulais pas dire qu’il faudrait que je mette le sac sur cette carcasse d’une taille imposante, car c’était inutile. Il suffisait de laisser le sac magique s’attacher à l’objet pour qu’il soit transporté sans effort dans ses profondeurs sans fond.
C’était en effet des objets des plus pratiques.
Même la tête coupée de la Tarasque avait de la valeur, alors j’avais consciencieusement laissé le sac la consommer aussi. Si ma mémoire était bonne, ses globes oculaires, son cerveau et ses glandes empoisonnées avaient aussi une certaine valeur.
Une fois ma tâche terminée, je m’étais promené rapidement dans les lieux, principalement pour vérifier s’il y avait d’autres monstres dans le voisinage immédiat. Comme on pouvait s’y attendre, il y avait quelques gobelins cachés dans les buissons, dans l’espoir de récupérer les restes, enfin, je suppose.
Pour eux, le corps d’une Tarasque contenait de nombreux matériaux d’artisanat importants. Il suffisait d’observer un gobelin des marais pour s’apercevoir qu’il n’était pas pointilleux sur les matériaux qu’il utilisait. Tout était permis, même des fragments d’écailles et de carapace d’une Tarasque. Le tout avait ensuite été tissé de façon désordonnée.
Une occasion parfaite d’observer l’écosystème du marais et le cycle éternel de la vie et de la mort qui s’y répandait. J’avais cependant ramassé une série de pierres du sol, les jetant de toutes mes forces sur les gobelins en question. Bien que cela puisse paraître cruel, j’agissais simplement en légitime défense, car les gobelins avaient déjà commencé à tendre leurs arcs, les dirigeant dans ma direction.
Les rochers, s’étirant en un large arc de cercle, frappèrent un gobelin particulièrement malchanceux entre les deux yeux. Témoins de l’effondrement soudain de leur compatriote, les autres gobelins s’étaient rapidement dispersés. Pas un seul gobelin ne s’arrêta pour aider leur ami tombé au sol, et le malheureux gobelin resta à trembler sur le sol pendant un certain temps avant de se relever enfin. Secouant rapidement la tête, il boita après ses compagnons dans la panique.
Une scène réconfortante, ou plutôt amusante. Je sentais une certaine stabilité revenir dans mes nerfs, mon psychisme s’effilochait décidément après ma rencontre avec la Tarasque.
Puis, sans prévenir, le poisson monstrueux qui m’avait jeté hors du lac empoisonné se leva à nouveau des profondeurs, attrapant plusieurs des gobelins qui s’échappaient avant de disparaître à nouveau sous les vagues. Le seul gobelin qui avait survécu était celui que j’avais assommé avec le rocher.
C’est juste les lois de la jungle…
En y réfléchissant, j’avais réalisé que c’était plus ou moins le statu quo dans ces terres.
Apparemment stupéfait par ce qui venait de se passer sous ses yeux, le gobelin solitaire se tenait debout, apparemment en état de choc. Fixant sa silhouette, je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il ne ressentait pas un sentiment de désespoir. Aurait-il pitié de la perte de ses amis, puisqu’ils l’avaient abandonné à son sort il y a quelques instants à peine ?
Telle était la voie du monde.
Je suppose que je devrais passer à autre chose, j’avais encore une Fleur de Sang du Dragon à trouver.
Affirmant qu’il y avait maintenant une bonne distance entre moi et le gobelin solitaire, qui avait à un moment donné décidé de se retirer dans le marais, j’étais retourné à mes recherches. Inutile de dire que j’avançais prudemment et lentement, ne voulant pas rencontrer une autre Tarasque.
Heureusement, je n’avais pas rencontré d’autres bêtes dangereuses, peut-être en partie à cause de ma progression prudente. De plus, le résultat de ma bataille avait confirmé que les Tarasques n’aimaient pas l’eau bénite. Dans le même ordre d’idées, je suppose que je pourrais supposer qu’ils n’aimaient pas la divinité en général, et qu’ils en éviteraient les sources dans la mesure du possible.
Je m’étais enveloppé d’une faible aura divine, avançant lentement dans le marais une fois de plus.
***
Partie 12
Ayant finalement quitté le territoire des Tarasques, je m’étais retrouvé dans un endroit vraiment époustouflant, et j’avais momentanément perdu l’usage de la parole.
Étant donné que le marais des Tarasques était rempli de gaz toxiques, d’eau, de plantes et de monstres, on pourrait supposer que c’était un paysage infernal débridé. Une hypothèse raisonnable, c’était le moins qu’on puisse dire. Après tout, les seuls individus qui avaient mis les pieds dans le marais étaient des aventuriers intrépides et ceux qui n’avaient pas toute leur tête. Les citadins et d’autres personnes plus terre-à-terre ne rêveraient pas de l’approcher dès le départ.
On pourrait également supposer que les profondeurs et le cœur même du marais avaient accueilli les plus dangereux des monstres et les plus puissants poisons. Bien qu’il soit logique de penser de cette façon, ce que j’avais vu devant moi avait défié cette logique.
Oui… Ce doit être la vraie beauté…
Je n’aurais jamais imaginé qu’un tel spectacle était possible, et dans le Marais des Tarasques entre tous les autres endroits. C’était sans aucun doute un paradis.
Devant moi se trouvait un bel étang, avec de l’eau si claire que je pouvais voir le substrat rocheux en dessous. Des fleurs pourpres entouraient le bord de l’eau, avec parfois des pétales qui tombaient et flottaient à la surface de l’eau. Les fleurs entouraient et fleurissaient autour de l’étang, comme une armée de soldats rouges et loyaux protégeant leur reine de toute autre flore du marais.
Parmi les fleurs, il y avait des insectes, des oiseaux et même des bêtes occasionnelles, qui se déplaçaient en relative harmonie. C’était la dernière chose que je m’attendais à voir au bout d’un marais empoisonné.
La raison de son existence était due aux fleurs. Ces fleurs rouges étaient les mêmes que celles que je cherchais :
Fleurs de sang du dragon.
Ces fleurs avaient la capacité de purifier leur environnement, et c’était ces mêmes fleurs sous mes pieds qui étaient responsables de la bulle purifiée dans laquelle je me tenais maintenant.
Bien que la flore et la faune à l’intérieur de cette bulle semblaient protégées par les Fleurs de Sang du Dragon, la réalité était beaucoup plus cruelle. Bien qu’elles puissent vivre et respirer librement dans la bulle protectrice des Fleurs de sang du Dragon, ils mourraient dans l’heure s’ils avaient été transportés d’une manière ou d’une autre à l’extérieur.
Un paradis, oui, mais en même temps, une prison éternelle.
Une variété d’oiseaux, d’insectes et de bêtes rares avaient considéré cette prison comme étant leur maison, et ils valaient leur pesant d’or s’ils étaient transportés hors du marais. Ce processus serait extrêmement difficile, étant donné qu’il faudrait transporter l’organisme hors de cette bulle d’air pur dans le poison du marais qui l’entourait. Transporter une seule créature était une tâche énorme, car il fallait en tout temps conserver une zone d’air relativement pur autour de soi. Certains objets magiques pourraient y parvenir, ainsi que certains types spécifiques de magie de vent, lorsqu’ils étaient maintenus indéfiniment par un mage avec de grandes réserves de mana en eux.
Bien que l’on puisse s’attendre à un certain degré de reconnaissance pour un tel exploit, les efforts qu’il avait fallu consentir avaient souvent éclipsé les récompenses. C’est pourquoi l’écosystème de cette bulle fragile avait été largement maintenu.
Si quelqu’un réussissait à endommager l’un des rares écosystèmes dans lesquels les Fleurs de Sang du Dragon pouvaient prospérer, il serait certainement la cible des critiques d’une multitude de groupes et d’organisations. Tant qu’on faisait attention à la façon dont on récoltait les fleurs, il n’y aurait pas de dommages durables. Les Fleurs de Sang du Dragon possédaient un zèle particulier pour la vie, et elles régénéraient souvent les parties endommagées assez rapidement. Un témoignage à cela était que ces fleurs avaient poussé ici, entre tous les endroits, avec le fait qu’elles avaient la capacité d’absorber les poisons dans l’environnement, convertissant tout cela en force vitale. C’était probablement pour cette raison qu'elle s’était enracinée ici, parmi la multitude de gaz toxiques, de bêtes et de Tarasques.
La carcasse d’une Tarasque dégageait des gaz extrêmement toxiques en se décomposant, et c’était l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le marais était si pollué. Cela avait également conduit à un étrange rassemblement d’organismes qui s’étaient nourris du poison, culminant finalement dans cet étrange pays des merveilles au milieu du brouillard venimeux.
Les Tarasques étaient vraiment le pilier de l’écosystème marécageux, si elles n’existaient pas, ces Fleurs de Sang du Dragon devant moi disparaîtraient aussi. Ironique, vu la légende derrière ces fleurs, et le fait que les Tarasques étaient un parent éloigné des Dragons.
… Je devrais peut-être revenir à la tâche qui m’attendait. Lorraine serait bien mieux placée que moi pour expliquer de tels concepts.
Maintenant, pour remplir les détails de la demande…
J’avais mis un pied en avant, en entrant dans un jardin pourpre. J’avais marché à travers les fleurs, brutal, mais de tels dommages étaient bien inférieurs aux capacités régénératrices de ces fleurs.
D’après un tome que j’avais lu par hasard, une Fleur de Sang du Dragon se remettrait en un jour même si elle était violemment écrasée sous mes pieds. C’était une mesure nécessaire, ne serait-ce que pour débarrasser mes bottes de la boue toxique qui s’y accrochait.
La cueillette des fleurs était facile, car il suffisait de déterrer toute la plante, les racines et tout le reste. Même si l’on ne pouvait couper et récupérer que la tige, une telle méthode entraînerait la perte d’un peu de liquide. Cela irait à l’encontre du but de mon excursion actuelle.
Étant donné la nature problématique de toute cette affaire, on pouvait se demander s’il était possible de transplanter certaines de ces fleurs dans un endroit sûr, en les nourrissant périodiquement de poison de Tarasque concentré. Cela avait déjà été tenté auparavant, mais ces fleurs avaient à peine viré au rouge, et elles ne pouvaient pas être utilisées pour produire du sang de fleur du dragon.
Au lieu de cela, de belles fleurs blanches s’épanouiraient, mais sans propriétés curatives ou médicinales. Connues sous le nom de Fleurs du Dragon Blanc, ces fleurs étaient purement ornementales, et elles n’avaient aucune autre utilisation connue… Mais je suppose que c’était comme ça.
À genoux, j’avais creusé une bonne quantité de terre, arrachant un bouquet de fleurs avec leurs racines et tout. En enveloppant la terre extraite dans un chiffon, j’avais ouvert le sac magique une fois de plus, en plaçant doucement les fleurs dans ses profondeurs.
Je n’aurais pu cueillir qu’une seule fleur, mais plusieurs milliers de plantes avaient fleuri ici, et l’absence de quelques-unes d’entre elles ne se ferait guère sentir. Cette parcelle de terre serait probablement recouverte de fleurs de sang de dragon dans un peu moins d’une semaine.
Étant arrivé jusqu’ici, j’avais déjà des plans pour les fleurs en plus, où certaines se rendraient chez le fleuriste, et d’autres, à l’apothicaire.
Dans la vie, j’avais déjà pensé aux avantages de posséder un tel médicament, et ce sentiment était partagé par mes compagnons d’aventure. Je les vendrais, bien sûr, à un prix convenablement élevé. Les jeunes couples qui souhaitent se demander en mariage de façon particulièrement romantique peuvent se rendre chez le fleuriste, tandis que ceux qui avaient besoin de médicaments spéciaux pouvaient en acheter chez l’apothicaire de Maalt.
Malgré tout, je n’étais pas trop gourmand, prenant soin de ne récolter qu’une dizaine de tiges. C’était plus que suffisant, et une fois de plus, je ne pouvais m’empêcher de me sentir redevable à ce sac magique de grande capacité.
Maintenant que j’y pense, c’était la première fois que j’arrivais à récolter des Fleurs de Sang du Dragon avec mes propres mains. Étant donné que je n’aurais jamais pu cueillir ces fleurs dans la vie, je m’étais senti un peu heureux de cet exploit.
« … Aïe. »
J’avais senti une piqûre d’épine de douleur remonter mon doigt en creusant le sol, mais si ma mémoire est bonne, les Fleurs de Sang du Dragon n’avaient pas d’épines.
Curieux, j’avais examiné de près une fleur voisine et j’avais découvert qu’une sensation d’engourdissement s’infiltrait à travers mon doigt lorsque je touchais un pétale. Une sorte de mécanisme d’autodéfense, enfin, je suppose. C’était tout à fait naturel, compte tenu de la façon dont elle avait survécu dans un tel environnement.
Après avoir terminé ma moisson, je m’étais levé et je m’étais dépoussiéré. Il ne restait plus qu’à retourner au point de ramassage, retourner à Maalt et remettre une fleur à Alize. Son ami herboriste lui rendrait visite, et mon travail serait terminé.
J’avais commencé à remonter jusqu’à l’entrée du sentier, pour être accueilli par une silhouette au loin.
Un ennemi… ? Non, pas tout à fait. Il ne ressemblait pas à un gobelin, et il n’y avait pas d’autres monstres humanoïdes dans le Marais des Tarasques.
Je suppose que c’est une sorte d’aventurier.
Malgré tout, je devais être prudent. Dans certaines circonstances, les aventuriers pouvaient très bien dégainer leurs lames les uns sur les autres. Alors que les cartes d’aventuriers se trouvaient facilement dans les confins du donjon, les combats dans un endroit comme le Marais des Tarasques pouvaient très bien avoir comme conséquence la preuve de la mort de quelqu’un s’enfonçant dans les profondeurs venimeuses.
Avec bien plus qu’une raison suffisante pour être prudent, alors j’avais dégainé ma lame une fois de plus, stabilisant ma position pendant que j’attendais, jusqu’à ce que je puisse voir le blanc de ses yeux…
À suivre...