Chapitre 5 : Preuve d’Inhumanité
Partie 9
« Un Thrall, hein ? »
Alors que les Thralls des Vampires étaient des monstres quelque peu puissants, je n’en avais jamais vu de ma vie. Selon l’explication de Lorraine, les Thralls étaient une sorte de sous-fifre créé par un Vampire, et en tant que tel ne pourrait pas exister sans que ce dernier les crée. On savait que les Thralls ne semblaient pas réapparaître dans les Donjons. Cependant, les Petits Vampires qui les avaient créés réapparaissent quelque temps après avoir été tués. Pour cette raison, on pourrait même dire que les Thralls étaient un type de monstre quelque peu rare.
Cependant, cela étant dit, ils n’étaient pas exactement des créatures légendaires, car il y avait eu assez d’observations confirmées d’eux dans les zones où les vampires étaient connus pour vivre. Mais les Thralls dans ces cas étaient autrefois humains, ayant été transformés lorsqu’ils avaient été mordus par un vampire. Pour autant que je sache, on ne devenait pas simplement un Thrall sans les actions directes d’un parent vampirique.
« Oui… La ressemblance est là. J’ai déjà reçu une demande de tuer des Thralls. Tu ressembles un peu à ceux que j’ai vus à l’époque — eh bien, tu sembles avoir un peu plus de trous en toi que la moyenne des Thralls… Mais je me contente de classer cela comme une différence individuelle, » déclara Lorraine.
Lorraine était en fin de compte une érudite connaissant bien les caractéristiques des monstres. Si Lorraine avait dit que j’étais une sorte de Thrall et qu’elle avait déjà vu des créatures similaires en personne, je n’avais aucune raison de douter de ses affirmations.
Cependant, je n’avais pas du tout été mordu par un Vampire, il était donc difficile de comprendre les raisons de mon évolution. Selon moi, une goule évoluant en un Thrall était inédite — .
C’est pourquoi j’avais fait part de mes préoccupations à Lorraine.
« … Peut-on… vraiment devenir un Thrall juste par… l’Évolution Existentielle ? » lui demandai-je.
Lorraine n’avait pas facilement une réponse pour moi, secouant à la place lentement la tête.
« Comme je l’ai déjà mentionné, il existe peu de documents sur le sujet de l’Évolution Existentielle. Elle fait encore l’objet de recherches sur l’ensemble du territoire au moment où nous parlons, de sorte qu’il n’y a pas d’information adéquate pour déterminer ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Le tien est un cas particulier — du moins, je pense qu’il s’agit d’un cas particulier. Il n’y a pas de précédents disponibles… Je ne peux pas te donner une réponse facile, » répondit Lorraine.
C’était comme Lorraine l’avait dit — même un érudit des monstres comme elle n’avait pas de réponse pour moi. C’était probablement impossible à comprendre si facilement, et c’était très troublant de penser à cela, en effet.
Je tenais ma tête, essayant en vain de donner un sens à la situation. Sentant mon désespoir, Lorraine m’avait offert quelques mots de consolation :
« Eh bien… Je ne m’amusais pas vraiment pendant que tu explorais le Donjon. J’ai réfléchi à beaucoup de choses de mon côté — si tu veux mes observations de ces moments-là, je pourrais te les donner. Qu’en dis-tu ? » me demanda Lorraine.
Telle était l’offre occasionnelle de Lorraine — bien sûr, je n’avais aucune raison de refuser. J’avais compris que même une simple hypothèse de Lorraine pouvait être une information très utile.
Je n’avais pas perdu de temps pour communiquer mon intérêt à Lorraine.
« D’accord, alors, je vais t’en parler. Même si tu avais refusé, de toute façon, j’aurais simplement continué à parler, » déclara Lorraine, un sourire rampant sur ses traits.
« Maintenant… Par où dois-je commencer ? Il serait peut-être plus facile de comprendre si je passais en revue tous les événements qui se sont produits, en commençant par le début de ton évolution. Bien que je n’étais pas présente pour en être témoin… Rentt — tu étais un squelette au début, n’est-ce pas ? » me demanda Lorraine.
« Oui… Je voulais te montrer, mais je ne pouvais pas… retourner sous cette forme. Mais peu importe… Comment tu le dis… j’étais un… squelette. C’était… Plutôt surréaliste. Je regardais mon corps… et c’était des os blancs, » répondis-je.
Lorraine, momentanément stupéfaite de mon souvenir de mon temps en tant que squelette, avait rapidement retrouvé son sang-froid.
« Et… à partir de là, tu es devenu une goule ? » demanda-t-elle.
« Oui. Quand tu m’as vu, j’étais déjà une goule, » répondis-je.
« Oui, bien sûr… C’était assez étrange de te voir comme ça. Très… intéressant. Eh bien, ça suffit. Plus important encore… Mes observations sur ton évolution. Ne penses-tu pas qu’évoluer d’un squelette à une goule en soi est une chose étrange ? » me demanda-t-elle.
« Hmm… ? » Je n’avais pu que répondre à la soudaine question de Lorraine.
Comprenant que je ne comprenais pas le sens profond de sa question, Lorraine avait continué son explication.
« C’est-à-dire… L’Évolution Existentielle est le processus par lequel un monstre devient une version plus forte de lui-même. On pourrait le décrire de cette façon — vaguement, au moins. La vérité est peut-être très différente, mais pour l’instant, nous allons travailler avec ça. Me suis-tu toujours ? » me demanda-t-elle.
« Oui, » répondis-je
« Eh bien, alors… réfléchis-y. Les goules sont-elles des versions plus fortes des squelettes ? » me demanda-t-elle.
« Hmm…, » je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer l’écart maintenant que Lorraine l’avait signalé.
Les livres que j’avais lus dans la demeure de Lorraine mentionnaient tous que les squelettes s’étaient transformés en goules, et j’avais accepté cela comme une vérité. Jusque-là, je n’y avais pas beaucoup réfléchi. Cependant, les squelettes avaient un certain nombre de variations, beaucoup plus fortes que leur forme de base non armée. En fait, le squelette géant que j’avais combattu avant cela était un bon exemple. D’autres modèles notables comprenaient les chevaliers-squelette, ou les squelettes-soldats plus faibles.
Si un squelette devait vraiment subir une Évolution Existentielle, ne deviendrait-il pas un soldat ou un chevalier ? Cela, au moins, semblait être le chemin le plus naturel. Mais bien sûr : on ne pouvait pas être sûr si en premier lieu l’évolution des monstres était une chose naturelle, mais je suppose que c’était une idée à creuser un autre jour.
Une fois de plus, j’avais offert mes réflexions sur le sujet à Lorraine, qui avait rapidement acquiescé de la tête.
« Oui, c’est ce que tu dis. Bien qu’il soit vrai que beaucoup de tomes de recherche et autres parlent de squelettes évoluant en goules, ce n’est pas une vérité absolue — en fait, quelqu’un a probablement été témoin de ce qui s’est passé à un moment donné. Cependant, on ne pouvait pas être sûr s’il s’agissait d’une sorte d’Évolution Existentielle ou non — et encore moins s’il s’agissait d’une exception quelconque, » répondit Lorraine.
« Quoi… !? Que veux-tu dire par là ? » lui demandai-je.
« … Je veux dire qu’en vérité, nous savons très peu — voir rien du tout — sur le sujet, » répondit-elle.
Je sentais que l’opinion de Lorraine était un peu dure, mais Lorraine avait simplement continué.
« … Cependant. En voyant comment tu as évolué vers une goule à partir de ton état squelettique, je suppose que cela prouve que mon hypothèse est correcte, » déclara Lorraine.
« Alors… Qu’est-ce que ça veut dire ? » lui demandai-je.
« En termes simples : je propose que l’Évolution Existentielle d’un monstre le propulse dans la direction de ce qu’il veut devenir, » répondit Lorraine.
Peut-être qu’il y avait de la vérité dans les paroles de Lorraine. Pour commencer, je m’étais fixé sur l’évolution vers une goule au moment où je m’étais rendu compte que j’étais ressuscité en tant que squelette. Il en était de même lorsque j’étais une goule : j’avais voulu évoluer vers un vampire afin d’obtenir une forme plus humaine. Peut-être que l’hypothèse de Lorraine était juste.
Bien que certaines questions soient restées dans mon esprit.
« … pourquoi ai-je… évolué dans un Thrall… depuis une goule ? J’aurais pu… devenir un Vampire directement ? » lui demandai-je.
Après tout, c’était mon objectif de départ. Si ce que Lorraine avait dit était vrai, je serais devenu un Vampire. Mais Lorraine semblait prête à répondre à ma question et m’avait offert une réponse :
« Penses-y comme les rangs des aventuriers de la guilde. Même si tu es habile en tant qu’aventurier, tu ne peux pas soudainement passer à la classe Or, n’est-ce pas ? De plus, tu ne peux même pas avancer si tu n’as pas la capacité de le faire, » répondit-elle.
J’avais compris l’essentiel des paroles de Lorraine. « … Il faut donc que j’évolue… Pas à pas… Une marche à la fois ? »
« Ce serait la conclusion la plus logique si nous examinions ton apparence actuelle. Il s’agit, encore une fois, d’une hypothèse, la taille de l’échantillon est beaucoup trop petite. Si je devais citer des preuves ou des documents à l’appui… Ma récente recherche sur les tendances évolutives de Puchi Suri suffirait. »
Les Puchi Suris étaient de petits monstres ressemblant à des souris que l’on pouvait trouver à peu près n’importe où, et qui étaient tout aussi facilement capturés. Les sous-espèces élémentaires et les versions évolutives pouvaient également être facilement trouvées, correspondant généralement à l’endroit où elles vivaient. Il semblerait que Lorraine avait fait des recherches dans ce domaine.
Lorraine avait poursuivi son explication. « C’est une expérience simple — on capture des Puchi Suris, puis on en place quelques-uns dans des cages à différents endroits. Une zone volcanique, près de l’eau, dans une forêt, une grotte, etc. Les résultats sont pour le moins intéressants. »
Selon l’explication de Lorraine, chacun des Puchi Suris avait pris l’élément de leur environnement, celui placé au volcan devenant une sous-espèce d’élément de feu — la même chose s’était produite avec chacun des spécimens dans leur endroit spécifique. De plus, il ne restait qu’un seul Puchi Suri dans chacune des cages à la fin de l’expérience. Si je devais deviner, c’était probablement parce que les Puchi Suris se battaient entre eux et qu’un gagnant final absorbait tout le pouvoir de ses congénères.
Le résultat de cela avait été l’Évolution Existentielle.
« Bien sûr, cela ne prouve pas à lui seul mes suppositions. On pourrait prétendre que le Puchi Suri réagissait simplement aux changements de son environnement — mais que se passerait-il s’il ne s’agissait pas d’une évolution passive, mais dirigée ? Et si le monstre lui-même voulait évoluer vers une certaine forme ? Peut-être que je prends de l’avance sur moi-même… Mais je n’exclurais pas cela après avoir observé un cas comme le tien. Après tout, prétendre que tu as évolué en goule en réponse à des stimuli environnementaux dans le Donjon de la Réflexion de la Lune serait un peu exagéré. Il y avait beaucoup d’autres formes que tu aurais pu prendre. »
Elle avait ensuite continué. « Dans ton cas… cette dernière explication est plus convaincante : tu as pris cette forme parce que tu le voulais. Tu m’as toi-même dit que tu avais consciemment souhaité évoluer vers la goule. Tu vois, il y a un certain poids derrière cette hypothèse, bien que je ne l’appellerais pas encore une théorie concrète. »
Merci pour le chapitre!