Neechan wa Chuunibyou – Tome 4 – Chapitre 5

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Chapitre 5 : Sortir avec mon aînée du club (avec sa petite sœur et ses camarades de classe)

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Chapitre 5 : Sortir avec mon aînée du club (avec sa petite sœur et ses camarades de classe)

Partie 1

Au début, Kanako ne faisait que lire des livres afin de passer le temps.

Elle le faisait sur le chemin de l’école, et elle restait dans la bibliothèque jusqu’à l’heure du dîner. Tant qu’elle disait qu’elle étudiait, sa mère ne l’arrêtait pas.

Elle avait choisi la bibliothèque comme refuge parce que personne ne trouverait étrange qu’un élève du primaire y passe de longues heures.

Elle passait son temps dans l’oisiveté, faisant semblant de lire des livres, perdant des heures qu’elle aurait autrement dû passer avec sa mère. N’importe qui qui l’aurait vue penserait que c’était un vrai rat de bibliothèque.

Puis un jour, une voix interrompit brusquement sa routine. « Tu n’as rien lu de tout ça, n’est-ce pas ? »

Kanako jeta un coup d’œil sur le livre et regarda à côté d’elle. Il y avait une belle femme à lunettes assise là.

Elle n’était pas sûre de la façon de réagir face à une telle réaction de la part d’une parfaite inconnue, et elle était choquée d’avoir été perçue de cette façon.

C’était calme. La bibliothèque était toujours silencieuse, mais elle était encore plus silencieuse qu’elle ne l’était habituellement. Elle s’était rendu compte qu’elle et la femme étaient les seules dans la petite pièce.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle.

« Une sorcière qui aime les livres. »

« Vous moquez-vous de moi ? » demanda Kanako avec indignation. Même si elle n’était qu’une enfant, elle n’allait pas tomber dans le panneau.

« Si vous voulez que je le prouve, je le ferai, » dit la femme. « Si je vous montre un sort, alors vous me croirez, non ? Ah, je sais. Vous ne pourrez pas voir par les fenêtres. Au lieu de cela, vous verrez une vue provenant d’un autre monde. Qu’est-ce que vous en dites ? » La femme avait montré la fenêtre du doigt.

Kanako s’était figée.

La vision qu’elle avait sous les yeux ne ressemblait à rien de ce qu’elle aurait pu imaginer.

La bibliothèque n’était pas bien éclairée même à midi, mais maintenant, elle était éclairée par un soleil aveuglant. Un ciel bleu s’étendait sur toute sa hauteur.

Un énorme dragon et un oiseau s’y trouvaient enfermés dans la bataille. Le dragon gagna, mais au moment où il allait s’envoler avec l’oiseau dans ses serres, un énorme poisson sauta d’en bas et les dévora tous les deux.

Quand elle regardait plus attentivement, elle pouvait voir toutes sortes de choses dans ce ciel. Des chevaux ailés et des femmes avec des ailes à la place des bras. Des sorcières sur des balais et des chevaliers sur des tapis volants.

Kanako s’approcha de la fenêtre.

« Vous ne pouvez pas ouvrir les fenêtres, » déclara la femme. « Mais vous n’aurez aucun mal à voir ce qu’il y a dehors. Regardez tant que vous le voulez. »

Kanako regarda en bas.

Une mer rouge comme le sang se répandit devant elle. Le poisson qui avait avalé le dragon avait atterri en produisant une grosse éclaboussure.

Elle regarda l’horizon et vit qu’il était courbé. Si ce monde était une sphère, alors la planète devait être beaucoup plus petite que la Terre.

Kanako regarda en haut.

Elle vit trois lunes rondes, une lune rouge, une noire et une blanche, chacune se déplaçant d’une manière étrange. Le rouge palpitait, le noir tremblait et le blanc semblait tourner. Puis, alors qu’ils se tournaient tous vers elle, elle se rendit compte qu’ils étaient des yeux.

Cela avait donné un choc à Kanako.

Elle s’était rendu compte que quelque chose d’autre était entré dans sa ligne de vision alors qu’elle regardait le ciel.

C’était un château, beau, blanc et étincelant. Il flottait au sommet d’une énorme île.

« Croyez-vous maintenant que je suis une sorcière ? » demanda la femme.

Kanako écoutait les mots à distance alors qu’elle regardait par la fenêtre, essayant différents angles. C’était vrai qu’elle ne pouvait pas ouvrir la fenêtre, mais c’était clairement plus qu’une simple image projetée sur elle.

C’était vraiment là. Kanako était convaincue.

« Oui… mais pourquoi… ? » Kanako était revenue et s’était assise à côté de la femme.

Il était clair qu’elle avait une sorte de pouvoir mystérieux, mais Kanako ne trouvait pas cela effrayant.

Si cette sorcière était venue à elle, elle était sûrement venue pour emmener Kanako quelque part. Peut-être vers le monde à l’extérieur de la fenêtre ? Tandis que Kanako analysait les intentions potentielles de la femme encore et encore dans son esprit, la femme posait un livre sur le bureau. Ce n’était qu’un roman ordinaire pour enfants, bien qu’il ait été livré dans une boîte avec une reliure plutôt extravagante.

Un livre qui lui avait été offert par une sorcière pourrait être quelque chose de terrible, mais la réaction de Kanako n’était pas de la peur, mais de la déception.

« Je veux que vous lisiez ceci, » dit la femme. « Hmm ? Vous semblez déçue… vous attendiez-vous à quelque chose de mieux ? »

« Non, mais…, » dit Kanako. Elle n’avait apparemment pas été en mesure de cacher sa déception.

« J’avais le sentiment que vous feriez semblant de lire des livres, » dit la femme. « J’ai donc voulu vous apprendre la joie de lire en vous offrant l’un de mes préférés. »

« Mais même si vous le laissez là, je ne le lirai peut-être pas, » déclara Kanako sur un ton boudeur.

« Alors je suppose que c’est ce que vous allez faire. Si je vous obligeais à le lire, ça irait à l’encontre du but, » la femme s’était levée et avait quitté la pièce.

Kanako était restée là, toujours confuse sur tout ce qui s’était produit.

Dès que la femme était partie, le soleil s’était éteint brusquement. Quand Kanako regarda dehors, tout ce qu’elle pouvait voir, c’était le mur miteux du bâtiment voisin. Puis, pour achever le retour à la normale, les gens étaient réapparus.

C’était presque comme un rêve éveillé. Mais la sorcière était bien passée par là. Le livre qu’elle avait laissé derrière elle en était la preuve.

Incapable d’ignorer tout cela, Kanako avait décidé de commencer à lire le livre.

C’était une histoire de fantasy. C’était l’histoire d’un jeune enfant amené dans notre monde alors qu’il provenait d’un autre monde. Il était finalement revenu dans le monde original et y avait vécu une aventure. Kanako s’était vite retrouvée plongée dans le livre.

La situation du protagoniste correspondait à celle de Kanako.

Pendant longtemps, elle avait eu le vague sentiment que tout n’était pas ce qu’il fallait. Peut-être que tous les enfants dans des circonstances comme celle de Kanako ressentaient la même chose : On m’a trouvée quelque part ? Quelqu’un m’a recueillie ?

Une idée avait traversé l’esprit de Kanako. La sorcière essayait-elle de lui dire qu’elle n’était pas originaire de ce monde ?

Pourquoi une sorcière sortirait-elle de nulle part pour lui donner un livre ? Il doit y avoir une raison. Elle avait dû venir ici dans un but spécial.

Peu à peu, ce rêve éveillé s’était emparé de l’esprit de Kanako. Elle avait de vrais parents quelque part. Si seulement elle pouvait les atteindre, sa vie serait heureuse. Un jour, peut-être, ils viendraient la chercher.

La plupart des gens trouveraient cette idée stupide. Mais Kanako savait que la magie existait. Elle avait vu un autre monde — un isekai — de ses propres yeux.

Kanako s’était perdue dans la lecture, et le fait de s’échapper dans cette rêverie l’avait portée tout au long de ses années d’école primaire. Elle avait lu des tonnes de ces histoires d’« isekai », rêvée d’aller dans un isekai, et avait finalement commencé à penser à écrire sa propre histoire. Et aujourd’hui, après avoir réalisé son rêve de devenir écrivain…

… Kanako était esclave d’un délai.

✽✽✽✽✽

C’était un dimanche de début septembre, un peu avant midi, au bâtiment de la gare.

Au milieu du hall de la gare se trouvait un lieu de rencontre connu sous le nom de Carillon Bell. Aiko était là, mais elle n’était pas à la vue de tous. Elle se cachait derrière un pilier voisin, elle regardait.

Son attention était concentrée sur Yuichi. Il portait une veste légère et un jean, dans lequel elle l’avait déjà vu, et il se tenait juste sous la cloche, ne faisant rien en particulier.

Quelle façon de passer mon jour de congé…, pensa Aiko.

Yuichi sortait en ville avec Kanako aujourd’hui, et elle n’arrêtait pas d’y penser. Elle avait passé toute la matinée à remuer, jusqu’à ce qu’elle se retrouve ici.

« Noro. »

« Whouhaou ! » La voix soudaine derrière elle avait fait sursauter Aiko.

« S’il te plaît, baisse d’un ton, » lui dit la voix. C’était une fille, portant un chapeau baissé sur le visage. Elle était habillée de façon décontractée, avec un t-shirt et un jean. C’était peut-être censé l’aider à se fondre dans la masse, mais cela ne pouvait pas cacher le fait qu’elle était une belle jeune fille.

« Hein ? Yoriko ? » demanda Aiko.

C’était en effet la petite sœur de Yuichi, Yoriko Sakaki, et son exaspération envers Aiko était palpable. « Que fais-tu exactement ici ? » demanda-t-elle.

« Probablement la même chose que toi ! » dit Aiko avec indignation. La surprise avait ennuyé une Aiko déjà agacée.

« Eh bien, oui, mais tu n’es pas très bien cachée, tu sais, » dit Yoriko. « Je t’ai tout de suite repérée. »

« Je n’essayais pas de me cacher ! » C’était vrai qu’elle essayait de se fondre dans la masse, mais elle n’essayait pas de se cacher, ou de le suivre, ou quoi que ce soit comme ça… Bien que, maintenant qu’Aiko y avait pensé, elle n’était pas tout à fait sûre de ce qu’elle essayait de faire.

« Mais Orihara, hein ? » demanda Yoriko. « Je ne m’attendais pas à cette évolution. Je pensais qu’elle ne s’intéressait pas à mon frère… »

Yoriko avait rencontré Kanako pour la première fois pendant leur camp d’entraînement d’été, alors elle avait dû prendre cette décision.

« Oui, je pensais la même chose…, » murmura Aiko. Kanako appelait habituellement Yuichi « Sakaki le Jeune », alors Aiko avait supposé qu’elle le considérait seulement comme le petit frère de Mutsuko.

« Peut-être la recherche d’une histoire ? » demanda Yoriko. « Non… Si c’était tout ce qu’elle faisait, elle n’aurait pas à entraîner mon frère ! Elle aurait pu le demander à ma Grande Sœur ou à toi ! »

« Cependant, je ne suis pas sûre que ce serait bon si elle me le demandait…, » dit Aiko. « Hé, pourquoi ne les rejoignons-nous pas ? Ils n’ont pas forcément un rencard, n’est-ce pas ? Et nous n’entraverions probablement pas ses recherches. »

« Oh, c’est clairement un rendez-vous, » dit Yoriko. « Et j’ai après tout pour politique de ne pas interrompre les rendez-vous. Je détesterais que quelqu’un se mette sur mon chemin. »

« C’est une surprise. Je pensais que tu serais heureuse de te mettre en travers de leur chemin, » déclara Aiko.

« Noro, tu me prends pour qui, exactement ? » Yoriko avait l’air un peu en colère.

« Tu as été très agressive en ce qui concerne le mien…, » Aiko pensait à la fois où elle était sortie avec Yuichi pour acheter un cadeau de remerciement pour Yoriko. Yoriko s’était beaucoup accrochée à son frère ce jour-là.

« Parce qu’il a accepté de sortir avec moi d’abord ! » s’exclama Yoriko. « C’est toi qui m’as mis des bâtons dans les roues ! Oh, mais merci pour le cadeau. J’ai vraiment apprécié. » C’était ces moments de politesse surprenante qui avaient fait qu’Aiko avait eu l’impression que Yoriko n’était pas une mauvaise fille.

Aiko avait alors dit. « Eh bien, pour ce que je pense que tu es, je pense que tu es une petite sœur avec un complexe, qui aime beaucoup son grand frère. »

« C’est un peu ennuyeux d’avoir un tel résumé, mais je ne peux pas nier que tu as plus ou moins raison, » déclara Yoriko. « Je ne nie pas non plus que j’avais l’habitude de bloquer agressivement les femmes qui s’intéressaient à mon frère. Mais plus maintenant. Si quelqu’un tombe amoureux de mon frère, je ne peux rien y faire ! Que ce soit le développement naturel, ou l’intervention divine, d’une manière ou d’une autre, j’ai mûri ! Bien sûr, je ne dirais pas que je fais des pieds et des mains pour encourager les jeunes filles amoureuses, mais au moins, je ne me mettrai pas sur leur chemin ! Donc, peu importe avec qui mon frère décide de sortir, j’ai décidé de l’autoriser. »

« Ah-ha…, » Aiko était sceptique. Yoriko semblait assez confiante à ce sujet, mais Aiko doutait que Yoriko reste calme si une telle situation se produisait.

« … Je devrais peut-être rentrer chez moi…, » Aiko conclut sombrement, commençant à penser que toutes ces ruses la rendaient un peu pathétique. En tant que sa petite sœur, Yoriko avait peut-être le droit d’évaluer la situation. Mais Aiko n’était pas en mesure de commenter ce que Yuichi avait fait. Elle était sa camarade de classe, sa camarade de club et son amie. Peu importe comment elle essayait de l’encadrer, Aiko n’était rien de plus pour lui.

« Qu’est-ce que tu racontes ? » s’écria Yoriko. « Vas-tu t’enfuir après tout ça ? »

« Mais… »

Tandis qu’Aiko hésitait sur ce qu’il fallait faire, Kanako apparut, montant les marches de l’une des plates-formes inférieures. Elle portait une jupe en tulle blanc et un chemisier à pois surmontés d’un cardigan brun. Aiko pensait qu’elle ressemblait un peu à une riche héritière. Elle avait entendu dire que la famille de Kanako n’était pas si riche, mais elle ressemblait plus à une héritière qu’Aiko, dont la famille était vraiment riche. C’était un sentiment difficile à gérer.

« Mais ça, là… c’est vraiment diabolique, n’est-ce pas ? » Yoriko s’était placée à côté d’Aiko.

Aiko comprit immédiatement ce qu’elle voulait dire. La blouse blanche soulignait plus que jamais les gros seins de Kanako. Et la façon dont le gilet déboutonné était accroché à l’avant avait attiré encore plus l’attention.

« Exactement midi, » dit Aiko. « Ce qui veut dire que Sakaki attend depuis une trentaine de minutes… » Aiko se souvint que Yuichi était aussi venu plus tôt quand ils devaient se rencontrer.

« Grand Frère… Je veux dire, mon frère peut parfois être un peu irresponsable, mais c’est un domaine dans lequel il fait toujours très attention, » déclara Yoriko, avec une certaine fierté.

« Je m’interrogeais à ce sujet, mais tu parles toujours de Sakaki comme “mon frère” au lieu de “grand frère” devant les gens, » commenta Aiko. « Pourquoi ça ? » C’était une petite chose, mais elle s’en doutait quand ils s’étaient rencontrés.

« Oh, aucune raison majeure, » répondit Yoriko. « Si je l’appelle “grand frère”, les gens l’appellent “le grand frère de Yoriko”. Mais je suis la seule à avoir le droit de l’appeler comme ça ! Et pour protéger ce droit, je l’appellerai ce que je dois faire devant les autres ! »

« Ah, ok… oh, on dirait qu’ils bougent, » alors qu’Aiko essayait de comprendre comment réagir à cela, elle avait remarqué que Yuichi et Kanako se dirigeaient ensemble vers la billetterie.

« C’est parti ! » Yoriko les poursuivit avec enthousiasme.

Réalisant qu’il était trop tard pour faire demi-tour, Aiko avait commencé à suivre.

***

Partie 2

Yuichi et Kanako étaient allés dans un café près de la gare.

Yuichi jeta un coup d’œil aux sièges les plus proches de l’entrée. Se souvenant que le camion s’était déjà écrasé dans le café, il s’était dirigé vers un siège plus loin.

« Quelque chose ne va pas avec ce restaurant ? » Kanako lui demanda, peut-être qu’elle trouvait ses manières étranges.

« J’ai eu un petit problème ici en juillet dernier, » déclara Yuichi. « Je suis toujours un peu nerveux à ce sujet. »

Pendant qu’il parlait, il prit place à une table, et Kanako s’était assise en face de lui.

Yuichi passa sa commande au serveur, puis demanda au bout d’un moment. « Tu veux des endroits où les étudiants vont normalement, non ? Dois-je demander quel est le cadre du roman ? Je pourrais peut-être te donner quelques conseils… »

« Hmm, le titre est La salle de classe semi-Isekai, » dit Kanako.

« … Je croyais que c’était une histoire avec une école, mais ça a toujours à voir avec un isekai, hein ? » Yuichi se sentait un peu épuisé par l’idée.

« L’intrigue de base est que l’intégralité d’une école est transportée dans un autre monde, et qu’il y a un élément de survie, » dit Kanako.

Il semblait à Yuichi le genre d’histoire que Mutsuko aimerait. Peut-être que c’était l’influence de Mutsuko qui l’avait amenée à cette idée.

« Alors ils vont dans un isekai, c’est ça ? » demanda-t-il. « Dans ce cas, où sont les endroits habituels pour sortir au lycée ? »

« La vérité est que… je n’ai aucune idée…, » Kanako avait tenu sa tête dans ses mains et elle avait posé ses coudes sur la table.

Yuichi avait trouvé le geste très approprié pour un écrivain, mais il semblait que la situation était plus grave qu’il ne le pensait. « Pas d’idées du tout ? »

« Tout ce que j’ai trouvé, c’est le prologue ! Je n’ai rien pensé quant à la façon dont l’histoire devrait se dérouler, mais je dois quand même l’écrire ! » Kanako s’était soudainement replacée sur sa chaise. Maintenant qu’il regardait de plus près, il pouvait voir des poches sous ses yeux. Elle n’avait pas dû dormir de la nuit dernière.

« Hmm… Orihara, tu as l’air à bout de nerfs, » dit Yuichi. « Quelle est exactement la date limite ? »

« Je dois avoir une première ébauche d’ici la fin du mois de septembre. Mais je n’ai écrit que le prologue…, » répondit-elle.

Aujourd’hui, c’était le dimanche de la deuxième semaine de septembre. Cela signifiait qu’elle devait écrire le reste en un peu moins de trois semaines.

« Dans ce cas, devrais-tu vraiment faire ça ? » demanda Yuichi. « Ne devrais-tu pas être à la maison, à écrire le manuscrit ? »

« Si le simple fait de m’asseoir devant un bureau pouvait me remplir la tête d’idées, je n’aurais aucun problème ! » Son expression sanguinaire avait déconcerté Yuichi.

« Euh, désolé. »

« Oh ? Je suis désolée… Je ne voulais pas dire…, » Kanako s’était rendu compte de ce qu’elle faisait et s’était excusé.

« Tu n’as pas à t’excuser, » dit-il. « Mais que devrions-nous faire ? Puis-je t’aider ? »

Yuichi pensait qu’elle n’avait qu’à visiter des endroits au hasard dans les lycées, alors maintenant il était perplexe. On aurait dit que c’était une situation urgente.

« Oui, » dit Kanako. « Je crois que c’est important d’essayer de nouvelles choses. Cela peut changer ton inspiration et ton point de vue. Puisque le protagoniste est au lycée, j’ai pensé qu’il serait bon de savoir comment les lycéens normaux pensent, et le genre d’endroits où ils vont, afin de pouvoir servir de référence. »

« Oh, je vois, » dit Yuichi. « Je ferai tout ce que je peux pour t’aider. Qu’y a-t-il dans le prologue que tu as écrit ? » Il était peu probable qu’un lycéen sans expérience puisse donner des conseils à un écrivain professionnel, mais elle semblait vraiment être à bout de nerfs, alors peut-être qu’il pourrait aider à déloger quelque chose.

« L’intérêt romantique est décapité dans le gymnase, » dit Kanako. « Le protagoniste essaie de la sauver, mais il n’arrive pas à temps. C’est le prologue. »

« L’intérêt romantique meurt !? » Yuichi ne pouvait pas dire qu’elle ne devait pas le faire, mais ça semblait un peu bizarre pour un light novel.

« Ouais… est-ce mauvais si elle meurt ? » Kanako inclina joliment sa tête.

« Ce n’est pas un truc où elle n’est pas vraiment morte, ou c’est une histoire fantastique, alors elle revient à la vie plus tard, ou c’était vraiment sa sœur jumelle qui est morte, ou c’était une hallucination, ou quelque chose comme ça ? » demanda-t-il.

« Non. Elle est vraiment morte. Sinon, les actions du protagoniste par la suite ressembleront à une farce, » répondit-elle.

« L’intérêt romantique n’apparaît-il vraiment plus jamais ? » demanda-t-il avec incrédulité.

« … Surtout en flash-back ? » Elle inclina à nouveau joliment la tête, mais ce n’était pas suffisant pour distraire Yuichi de sa confusion.

« Si ça te cause des ennuis, ne peux-tu pas le changer ? » demanda-t-il. « L’a-t-il peut-être sauvée à temps ? »

« Non ! » Kanako avait insisté. « J’ai en tête que l’intérêt amoureux a perdu sa vie pour sauver le protagoniste, et elle est tuée par un dieu de la mort sous la forme d’un ange ! Je ne peux pas le changer ! »

« D’ailleurs, qu’est-ce qui t’a poussé à faire ça ? » demanda Yuichi.

« Eh bien, on m’a dit que l’impact est la chose la plus importante pour le début d’une histoire…, » répondit-elle.

« Tu ne penses donc qu’à l’impact… Je suppose que je ne peux vraiment pas te conseiller sur l’histoire, » dit-il. « Alors je ne peux pas faire mieux que de te remonter le moral. As-tu réfléchi à l’endroit où tu veux aller ensuite ? »

Kanako secoua la tête en silence.

« Je vois… désolé, » dit Yuichi à regret. « J’aurais dû demander plus avant de venir ici. Alors j’aurais pu réfléchir à d’autres endroits où aller. »

Yuichi n’avait jamais voyagé en ville qu’avec des filles de sa famille, alors il ne savait pas grand-chose de l’endroit où les enfants allaient habituellement.

« On est des lycéens, non ? » demanda-t-il. « Donc, nous n’irions nulle part où ça coûte trop cher… peut-être au karaoké, ou au cinéma. Un zoo, c’est un peu enfantin… Et un aquarium ? » Incapable de penser à beaucoup de choses en particulier, il avait commencé à nommer des choses aléatoires en désespoir de cause.

Kanako sourit, semblant trouver ça drôle.

« Ai-je dit quelque chose d’embarrassant ? » demanda-t-il.

« Non, je pensais que tu étais un gentil garçon, Sakaki le Jeune, » répondit-elle.

« S’il te plaît, ne me taquine pas, » dit-il. Kanako était plus âgée que lui, mais Yuichi n’aimait toujours pas être traité comme un enfant.

✽✽✽✽✽

Aiko et Yoriko avaient suivi le couple furtivement dans le restaurant et avaient pris place à une certaine distance.

« C’est dans ce restaurant que le camion s’est écrasé, » déclara Aiko.

C’était à la fin juillet, après leur camp d’été, et il semblait que les dégâts avaient été complètement réparés.

« Je suppose qu’ils déjeuneront d’abord ici, » constata Yoriko.

« On dirait qu’ils parlent de quelque chose, mais je ne peux pas dire ce que…, » Aiko se demandait ce qu’ils étaient censés accomplir en s’asseyant aussi loin.

Yoriko lui fit alors un clin d’œil confiant. C’est dans des gestes théâtraux comme celui-là que sa relation avec Mutsuko était évidente. « Ce n’est pas grave. Je sais lire sur les lèvres ! »

« Tu es vraiment talentueuse, Yoriko…, » dit Aiko. Yoriko était extrêmement forte et avait même des compétences spéciales comme la lecture sur les lèvres. Son CV était très impressionnant.

Après avoir commandé le déjeuner, Yoriko avait commencé à lire leur conversation avec une expression sérieuse. Aiko avait juste regardé tranquillement, sachant qu’elle ne devait pas l’interrompre.

« Il dit qu’ils pourraient aller au karaoké, au cinéma ou à l’aquarium… attends une minute, c’est vraiment un rendez-vous ! » déclara Yoriko avec indignation au bout d’un moment.

Elle avait déjà dit qu’elle ne se mettrait pas en travers de leur chemin, mais juste comme Aiko l’avait pensé, elle ne pouvait vraiment pas l’accepter.

« L’aquarium n’est pas un peu loin ? » demanda Aiko. « Oh, mais il y a un musée de coquillages tout près… »

« Celui-ci n’est rien d’autre que des lignes de coquilles d’huîtres, » dit Yoriko. « Seul un vrai geek de l’océan voudrait y aller pour un rendez-vous… »

« Y es-tu déjà allée ? » demanda Aiko.

« Mes simulations de rendez-vous sont parfaites ! » répondit Yoriko.

« Ahh…, » déclara Aiko.

« Je te demande pardon ! Pourquoi me regardes-tu comme ça ? » demanda Yoriko.

On aurait dit qu’elle avait prévu d’aller quelque part avec Yuichi. Aiko trouvait ça drôle, mais Yoriko ne le prenait pas comme ça.

« Ça doit être important pour une histoire, non ? » demanda Aiko, en changeant de sujet. « Je me demande de quel genre. »

« On dirait que c’est une histoire d’école avec un isekai, mais elle a des problèmes parce qu’elle n’a rien compris… mais c’est un peu injuste, ne trouves-tu pas ? » s’écria Yoriko. « Si c’est pour une histoire, il n’y a pas de limites à ce qu’elle pourrait demander ! Elle pourrait même le traîner dans un Love Hotel ! »

« De quoi parles-tu, Yoriko ? » Aiko avait été déconcertée par son utilisation du terme. C’était terrifiant, ce que les élèves du collège savaient de nos jours.

« Oh, s’il te plaît, ne fais pas l’imbécile, » dit Yoriko. « Il y a des light novels sur les grands frères du lycée et les petites sœurs du collège qui adorent ce genre d’hôtels, n’est-ce pas ? »

« Ce ne serait pas contre certaines sortes de lois ? » Aiko avait du mal à croire que quelque chose comme ça existait vraiment.

« Quoi qu’il en soit, il est clair qu’Orihara est devenue une rivale puissante, » déclara Yoriko. « Elle joue la tête en l’air pour que mon frère fasse ce qu’elle veut. Et il fera tout ce qu’elle veut, donc ce n’est pas un mauvais racket…, » le soupir apathique de Yoriko avait une émotion étrange derrière lui.

« En parlant de ça, comment me vois-tu, Yoriko ? » demanda Aiko. Parler avec elle comme ça faisait qu’Aiko se sentait un peu bizarre. Elle était sûre que Yoriko la détestait, après tout.

« Moi aussi, je te considère comme une rivale, d’accord ? » s’écria Yoriko. « Mais parmi les femmes en présence de mon frère, je pense que tu es celle qui pose le moins de problèmes. »

« Le moins de problèmes  ? » Aiko n’était pas sûre de ce qu’elle pensait de ça.

« Parce que tu n’es pas agressive, » ajouta Yoriko. « Bien que j’aie été surprise quand tu es venue le voir ce soir-là au camp de formations ! »

« C’était différent ! Je faisais du somnambulisme, et…, » pour être précis, Aiko n’avait pas vraiment été somnambule. Elle s’en souvenait en partie, et même si elle avait traversé une sorte de folie, elle l’avait fait de son plein gré.

« Je le sais, » dit Yoriko. « Tu n’auras jamais les tripes de faire ça. »

« Ce n’est pas une question de tripes… Je…, » Aiko bégayait, se sentant un peu troublée par ce qui ressemblait à de la moquerie.

Pendant qu’elles parlaient, les plats qu’elles avaient commandés étaient arrivés, et Aiko avait décidé de se distraire avec sa nourriture.

***

Partie 3

C’était un peu étrange pour Kanako de se promener en ville avec le petit frère de son amie.

C’était la première fois qu’elle se promenait avec un garçon comme lui, mais elle n’était pas particulièrement nerveuse, peut-être parce que Yuichi agissait comme il le faisait toujours.

Kanako avait eu de nombreuses tentatives de prétendants dans le passé, mais elle les avait tous rejetés. Elle n’avait pas tellement confiance en son apparence, mais elle savait objectivement qu’elle avait une grosse poitrine, donc elle n’avait pas pu échapper à la pensée que c’était tout ce qu’ils regardaient.

S’ils s’intéressaient à ses seins, il s’ensuivait que si elle avait une relation avec eux, ils auraient éventuellement des enfants. Et comme elle l’avait déjà dit à Yuichi, Kanako n’avait aucune foi en sa capacité d’aimer un enfant.

« Peut-on parler de quelque chose qui n’a rien à voir avec ton prochain roman ? » demanda Yuichi. Ils avaient quitté le café et étaient partis marcher, et il avait proposé le changement de sujet avec un ton empli d’excuse.

« Oui, » répondit Kanako. « Ne t’inquiète pas pour ça. Je veux juste que tu agisses comme d’habitude. » Elle se sentait mal pour Yuichi, qui faisait tant d’efforts. En même temps, elle trouvait ça mignon.

« Oh, vraiment ? » dit Yuichi, l’air soulagé. « Alors, euh… J’ai lu ton livre. »

« L’as-tu fait ? » demanda Kanako. « Pourquoi maintenant ? Était-ce parce que tu sortais avec moi aujourd’hui ? »

« Oui, à peu près. Je l’ai emprunté à ma sœur et je l’ai lu. » Yuichi grimaça en voyant à travers lui. « Ce n’est pas ce que j’imaginais, en entendant ma sœur en parler. Je pensais que le protagoniste serait un dur à cuire. »

« Oui, » acquiesça Kanako. « Dans le premier volume, il n’a même pas un bon combat, et son pouvoir n’est pas très bon. » Le protagoniste de Mon Seigneur Démon est trop mignon pour tuer et maintenant le monde est en danger ! était le héros de l’équilibre. Le seul pouvoir qu’il avait était de savoir lequel des deux choix était le meilleur, et dès le premier volume, il avait été complètement inutile.

« Mais c’était vraiment amusant, » ajouta Yuichi.

Peut-être qu’il était juste solliciteur, mais Kanako l’avait quand même remercié.

Puis elle s’était figée.

Au début, elle ne savait pas pourquoi elle s’était arrêtée. Son esprit avait établi une connexion, inconsciemment, et signalait à son corps de s’arrêter. Mais il avait fallu plus de temps que cet instant pour que son esprit conscient reconnaisse la raison.

Le monde environnant semblait s’éloigner. Tout autour d’elle était flou. Il n’en restait qu’une infime partie, moulée en relief brillant et vif.

De l’autre côté de Yuichi, non loin de là, un père et une mère marchaient avec leur enfant.

Le garçon, encore très jeune, se tenait entre eux, sautant et jouant.

L’image même d’une famille heureuse, c’est ce que n’importe qui pourrait penser. Mais Kanako l’avait rejeté. Elle savait que ça ne pouvait pas être vrai.

Elle chercha dans cette image tout signe, aussi banal soit-il, du malheur qui se cachait sûrement en dessous. Mais elle ne l’avait pas trouvé. Pas même un fragment.

L’esprit de Kanako ne pouvait accepter ce qu’elle voyait.

Elle ne voulait pas comprendre ce que ça voulait dire.

En voyant sa mère absente, Chinatsu, souriant joyeusement à son enfant.

✽✽✽✽✽

La mère de Kanako Orihara ne lui avait jamais dit un seul mot gentil.

Kanako n’avait pas réalisé que c’était vrai jusqu’à ce qu’elle se rende chez une amie pour jouer au collège. Mais même alors, elle n’avait rien pu y faire.

Et si son amie avait eu 80 % à un test ? C’était au-dessus de la moyenne, et elle recevrait des éloges de sa mère pour un tel score. Parfois, dit-elle, elle prenait même des collations supplémentaires.

Mais que dirait la mère de Kanako, Chinatsu Orihara, à ce sujet ?

« Tu sais, j’ai toujours eu des notes parfaites à mes examens à l’école primaire. Les problèmes de l’école primaire sont si faciles, tu sais » ce n’était pas une moquerie ouverte, mais son sens était clair : n’importe qui devrait pouvoir obtenir un score parfait.

Kanako avait décidé, dans ce cas, qu’elle n’avait qu’à obtenir un score parfait. Mais quand elle l’avait fait, et qu’elle l’avait déclaré triomphalement, l’attitude de sa mère était restée la même.

« Tu sais, Kanako, personne n’aime les fanfaronnades. Étudies-tu juste pour essayer de gagner des éloges ? Ce n’est pas à ça que ça sert. Tu devrais étudier pour ton propre bien. » Elle réprimandait sa fille en souriant.

Alors qu’elle était toute petite, Kanako avait souvent oublié des choses dont elle avait besoin pour l’école. C’était quelque chose pour laquelle elle n’y pouvait rien. Le professeur avait même dit à ses parents de s’assurer qu’elle n’avait rien oublié, mais la mère de Kanako ne l’avait pas fait.

Ce n’était pas qu’elle avait oublié, ou qu’elle avait trouvé trop de problèmes. Elle étudiait soigneusement tous les documents afin de savoir ce dont Kanako avait besoin pour le cours du lendemain. Mais elle n’avait pas voulu avertir sa fille ni le lui rappeler, pour que Kanako oublie quelque chose, se fasse crier dessus et revienne. Et qu’est-ce qui s’ensuivrait ?

« Je le savais. Tu es vraiment sans espoir, Kanako. » Sa mère rirait comme si elle avait fait quelque chose de scandaleux. « Je le savais depuis hier, mais si je te le disais, tu n’en apprendrais rien, » affirma-t-elle.

Une fois, Kanako avait vomi à l’école. C’était à cause de la cuisine de sa mère, qui semblait pourrie.

Elle avait alors passé quelque temps à l’hôpital, et sa mère était venue consciencieusement à ses côtés. Pourtant, même à ce moment-là, elle n’avait montré aucun signe d’excuse. « J’ai pris une bouchée et j’ai trouvé qu’elle avait un goût étrange, mais tu avais l’air de l’apprécier, alors j’ai supposé que c’était bon… »

Ce n’était pas suffisant d’être traitée de négligente, et elle avait pris suffisamment soin de sa fille pour ne pas susciter de commentaires. Elle n’avait jamais été violente avec elle ou utilisé un langage abusif. Elle n’avait jamais dit un seul mot gentil et ne l’avait jamais soutenue.

Quand le père de Kanako était là, il prenait souvent son parti. Mais son père était occupé au travail, alors il n’était presque jamais à la maison. Elle était seule avec sa mère.

Ses paroles, si douces à l’extérieur, mais si pleines de venin, ouvrirent lentement une plaie à l’intérieur de Kanako.

Il n’y avait personne pour la protéger, personne pour voir à quel point elle avait été blessée.

Avec le temps, elle avait commencé à considérer sa mère comme un monstre. Un insecte humain sans cœur. Une pauvre machine programmée pour agir comme une mère.

C’est ainsi que Kanako se protégea de l’insoutenable pensée qu’une mère pourrait ressentir de la rancune envers son enfant.

Sa mère était partie juste après le début des vacances d’été de sa première année de collège. Ce fut une séparation à l’amiable.

Kanako aurait dû accueillir le départ de la mère qui ne l’aimait pas. Même si cela lui rendait la vie un peu plus difficile, cela n’aurait rien à voir avec le fardeau psychologique qu’elle avait supporté au cours des années précédentes. En fait, cela pouvait sembler être le cas, à première vue.

La réalité était différente.

En réalité, Kanako ressentait un profond sentiment d’abandon.

Kanako avait évité de rentrer à la maison presque tous les jours parce qu’elle ne voulait pas voir sa mère, mais l’avoir complètement retirée de sa vie lui avait ouvert un vide dans son cœur. Kanako s’était rendu compte que peu importe la façon dont sa mère la traitait, elle aimait toujours sa mère et voulait être aimée d’elle.

Un monstre, un insecte, une machine. Elle avait essayé de se dire que sa mère était ces choses, mais à la fin, elle ne s’en était jamais convaincue.

Au lieu de cela, son cœur avait continué à s’accrocher à un rêve. Peut-être qu’en grandissant, elle serait capable de comprendre et de pardonner à sa mère. Peut-être qu’elles pourraient regarder en arrière ensemble et rire de tout ce qui s’est passé.

Mais avec la disparition de sa mère, ce n’était plus possible. Au lieu de ce rêve, il y avait eu un profond sentiment de rejet.

Kanako ne se souciait plus de ce qui pouvait arriver aux autres.

« C’était juste un divorce, » dira-t-on. « Ce n’est pas comme si c’était de l’abus, c’est juste un manque d’affection. »

Mais ce n’est pas ce que ressent Kanako.

C’est peu de temps après le départ de sa mère que Kanako avait commencé à penser au suicide.

✽✽✽✽✽

Kanako s’était retrouvée dans sa propre chambre, dans son lit.

Elle avait tendu la main vers la table de chevet et avait vérifié son réveil.

C’était la nuit.

Elle avait touché son visage avec ses mains. Ses paupières étaient humides. Elle avait un vague souvenir des pleurs.

Yuichi avait dû la ramener à la maison. Elle se demandait à quel point il devait être inquiet après l’avoir vue se figer comme ça.

Mais alors que le souvenir de cet après-midi lui était revenu, elle s’était rendu compte qu’elle s’en fichait.

La vue de cette famille heureuse.

Elle ne comprenait pas.

Cette femme n’aurait pas dû être capable d’une telle expression. Elle n’était pas une personne heureuse et aimante qui souriait gentiment à son enfant.

C’était incroyable.

Tout ce que cette femme avait fait, c’est regarder les gens de haut et se moquer d’eux. Elle n’était tout simplement pas capable d’aimer qui que ce soit.

Tant que ce serait le cas, tout irait bien. C’était une chose difficile à accepter pour Kanako, mais pendant un certain temps après le départ de sa mère, elle avait commencé à penser les choses de cette façon. Peut-être que sa mère était née comme ça, ou peut-être que c’était quelque chose dans la façon dont elle avait été élevée, mais Kanako avait décidé que c’était la raison pour laquelle sa mère ne l’aimait pas, et elle essayait de lui pardonner pour ça. Elle ne pouvait tout simplement pas haïr sa mère.

« Pourquoi…, » Kanako se murmura à elle-même, même en sachant qu’aucune réponse ne lui viendrait à l’esprit.

« Dois-je vous le dire ? » Mais soudain, il y avait eu une voix.

Kanako s’était assise et se retourna pour faire face à cela.

Une femme se tenait à l’entrée de la pièce. Une femme à lunettes, qu’elle avait déjà vue.

« Tout d’abord, permets-moi de dissiper toute idée fausse stupide que tu pourrais avoir, » déclara la femme. « Je suis ici parce que la porte d’entrée n’était pas verrouillée. Je ne suis pas sortie de nulle part. »

« Vous êtes la sorcière…, » chuchota Kanako. La femme qu’elle avait rencontrée à la bibliothèque ce jour-là. La femme qui avait mis un livre devant elle avant de partir. La femme qui avait changé la vie de Kanako.

« Je ne pensais pas que tu irais si loin. J’ai pensé que tu pourrais te suicider quand ta mère est partie, » chuchota la femme, avec une profonde émotion dans la voix.

Kanako ne pouvait rien faire d’autre que fixer la femme.

C’était vraiment étrange pour une femme qu’elle n’avait rencontrée qu’une seule fois, il y a longtemps, de faire irruption dans sa chambre. Mais Kanako n’avait pas pensé à la chasser.

Elle ne se souciait plus de rien. Qui qu’elle soit, ou quoi qu’elle lui ait dit… rien de tout ça n’avait d’importance.

« Je voulais que tu te sentes désespérée, mais je ne peux pas te laisser t’effondrer complètement, » déclara la femme. « S’il te plaît, essaie de te ressaisir un peu plus. Je ne peux pas gagner l’histoire du Dieu maléfique maintenant, alors j’ai vraiment besoin de mon plan B. »

La femme s’était approchée, s’était accroupie et avait regardé Kanako en face. Les yeux de Kanako, reflétés dans ceux de la femme, étaient vides, mais Kanako ne pouvait pas le dire.

 

 

« Eh bien, peu importe, » déclara la femme. « Ce que je vais te dire me montrera ta vraie valeur. Si ça ne te réveille pas, c’est fini. Cela sera juste une autre graine que j’ai plantée et qui ne s’est pas épanouie. »

La femme avait mis sa main sur la joue de Kanako. Puis, elle déclara. « Ta mère voulait un garçon. »

Kanako ne comprenait pas tout de suite ce qu’elle voulait dire. Son esprit était si dispersé qu’elle avait besoin de temps pour transformer la chaîne de sons en mots.

« C’est-à-dire qu’elle ne voulait pas d’une fille, » ajouta la femme.

Enfin, Kanako commença à comprendre ce qu’elle voulait dire.

« Est-ce… tout ? » chuchota-t-elle.

Ce n’est pas possible. Était-ce vraiment tout ce que c’était ?

Mais elle ne pouvait pas le nier.

Sa mémoire l’avait confirmé.

Le sentiment que Kanako avait toujours eu de sombrer, que peu importe à quel point, elle était bonne, elle ne serait jamais aimée… Cela avait été exact.

« Oui. C’est tout. La vie peut être si déraisonnable, n’est-ce pas ? » dit la femme sèchement, comme si elle ne s’y était pas terriblement investie.

Tout à coup, Kanako s’était mise à rire faiblement, la tête pendante. Elle n’aurait rien pu y faire. Tout était gravé dans le marbre, au moment où Kanako était née dans le monde. Mais si c’était tout ce qu’il fallait pour l’empêcher d’être aimée, que devait-elle faire ?

On ne voulait pas d’elle. Elle n’aurait pas dû naître.

Elle aurait aimé savoir plus tôt que dès le début, il n’y avait pas d’espoir à perdre.

« Je n’avais pas beaucoup foi en l’écrivain d’Isekai, mais je suppose que tout vaut vraiment le coup d’essayer, » déclara la femme en souriant. « Maintenant, te sens-tu suffisamment désespérée face au monde ? Crois-tu qu’il est temps d’y mettre fin ? »

La femme avait tendu la main.

Kanako la fixa faiblement.

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