Mushoku Tensei (LN) – Tome 9 – Chapitre 5 – Partie 3

***

Chapitre 5 : Désemparé, mais perspicace

Partie 3

Dès que les mots quittèrent ma bouche, Fitz tressaillit et me regarda avec une expression de pur choc sur le visage. C’était peut-être dû à la façon dont il se tenait ? Son corps semblait aussi un peu plus… arrondi, en quelque sorte.

Alors que je continuais à l’étudier, Fitz détourna son visage du mien. Un instant plus tard, Luke s’était glissé entre nous deux.

« Bonjour, Rudeus. Qu’est-ce que vous faites ici ? Avez-vous besoin de quelque chose de nous ? »

J’avais l’impression qu’il me cachait Fitz… comme une sorte de petit ami surprotecteur. Son ton était calme, et bien que son regard soit vif, il n’était pas ouvertement hostile. Pourtant, il y avait définitivement une certaine tension dans sa voix. Est-ce que je les avais croisés à un moment inopportun ?

Est-ce que ces deux-là avaient vraiment un rendez-vous ? Peut-être que Luke jouait sur les deux tableaux, et qu’ils avaient un arrangement ? Il serait logique qu’ils essaient de garder ça secret. Il pourrait y avoir une certaine agitation si tout le monde découvrait que les gardiens d’Ariel étaient amants.

Bien sûr, je ne pensais pas sérieusement que c’était le cas. Mais pour une raison inconnue, cette pensée me fit tressaillir.

« Pas vraiment. Je vous ai juste vu tous les deux et j’ai pensé dire bonjour… Uhm, Maître Fitz ? »

Fitz n’avait même pas jeté un regard dans ma direction depuis un moment maintenant.

Huh ? Me fait-il la tête ? Mais pourquoi ? Est-ce quelque chose que j’ai dit ?

« Je vois. Merci pour les salutations. Je dois vous rappeler, cependant, que Fitz n’est pas censé parler pendant qu’il garde la princesse. Je suis sûr que vous comprenez. »

Ses mots étaient superficiellement amicaux, mais Luke essayait de me chasser. Une chose au moins était claire. J’étais définitivement arrivé à un moment inopportun. Mais ce n’était quand même pas sympa de la part Fitz de m’ignorer complètement comme ça…

Fitz ne me regardait toujours pas. Enfin, non. Il me jetait des regards de temps en temps, mais ils n’étaient pas vraiment amicaux. Je pouvais dire qu’il fronçait les sourcils. Son langage corporel montrait clairement qu’il attendait impatiemment que je parte. Je pouvais être un peu inconscient parfois, mais même moi je pouvais voir qu’il me snobait.

« Quel est le problème ? », demanda Luke calmement.

« Ce n’est rien. Veuillez m’excuser. »

Je m’étais retourné et j’étais parti tranquillement. Je ne pensais pas que j’avais montré quoi que ce soit en surface, mais à l’intérieur, cela me frappait durement. Être rejeté comme ça par Fitz me faisait tellement mal que j’avais du mal à penser correctement.

J’avais perdu toute envie de faire du lèche-vitrine. Il était temps de rentrer chez moi.

La route devant moi était recouverte d’une couche de neige légèrement crasseuse. Il en tombait bien sûr à nouveau.

Le vent était très froid aujourd’hui.

Lentement, j’avais repris le chemin du campus universitaire.

J’avais longuement réfléchi en marchant, mais je n’arrivais pas à expliquer pourquoi Fitz m’avait traité de la sorte. Autant que je me souvienne, je n’avais rien fait pour le contrarier récemment. J’avais envie de parler à quelqu’un. Ou peut-être, juste me défouler.

Zanoba était à la guilde des magiciens aujourd’hui, pour les aider dans leurs recherches sur les enfants bénis. Il avait probablement emmené Julie. Linia et Pursena étaient techniquement envisageables, mais je ne pensais pas qu’elles prendraient ça au sérieux. Elles finiraient probablement par tirer des conclusions hâtives et par me taquiner impitoyablement. Elinalise et Cliff n’étaient bien sûr pas une option. Badigadi n’avait pas l’air d’être sur le campus aujourd’hui. Et Nanahoshi… était occupée par ses propres problèmes.

Je ne pouvais pas penser à quelqu’un d’autre vers qui me tourner. Je n’avais pas beaucoup d’amis.

Finalement, j’étais allé directement à la bibliothèque. Dans des moments comme celui-ci, il valait mieux s’asseoir dans un endroit tranquille et se perdre dans un livre stupide pendant quelques heures. Un récit d’héroïsme ou d’aventure pourrait être agréable en ce moment. Est-ce que des contes sur Kishirika et Badigadi avaient été transformés en livre ? C’était le genre de chose que je voulais en ce moment : l’histoire de deux guerriers hors pair, frappant des magiciens pitoyables en riant aux éclats…

J’étais entré dans la bibliothèque, en faisant un léger signe de tête au garde. Nous n’avions jamais eu de véritable conversation, mais j’étais venu ici assez souvent pour qu’il me laisse passer automatiquement. Je m’étais arrêté un moment afin de retirer la neige de mes vêtements, j’avais utilisé un sort silencieux pour me sécher rapidement, puis je m’étais dirigé vers mon siège habituel avec un petit soupir de soulagement.

Le bâtiment était, comme je l’avais prévu, presque vide. Il n’y avait pas beaucoup d’étudiants qui passaient leurs jours de congé à la bibliothèque. Dans ce monde, la lecture n’était pas une activité très répandue… le taux d’alphabétisation n’étant après tout pas particulièrement élevé.

« … Huh ? »

À ma grande surprise, Fitz était ici. Il était assis à la table que nous partagions habituellement, lisant un livre, la tête posée sur ses mains, avec une expression d’ennui léger sur le visage.

« Oh ! Salut, Rudeus. »

Quand il avait remarqué que je m’approchais, il leva les yeux avec son habituel sourire timide.

« Déjà de retour ? Je pensais que tu serais encore dehors à cette heure. Tu as rencontré ton ami, au moins ? »

« Euh, ouais… »

Je m’étais assis en face de Fitz, et j’avais étudié son visage avec attention. Il semblait… normal. Ses vêtements et ses manières étaient les mêmes que d’habitude.

Il y avait quelque chose de très étrange. Je l’avais croisé dehors, puis je m’étais dirigé directement vers la bibliothèque. Le chemin que j’avais suivi jusqu’ici était en fait le plus court possible. Comment diable était-il assis ici en ce moment ?

« Euh, qu’est-ce qui ne va pas ? Ai-je quelque chose sur le visage ? », dit Fitz en passant sa main dessus avec anxiété.

Non, c’était là, juste ici. Pourquoi agissait-il comme ça ? Il m’avait snobé en face il y a cinq minutes, mais maintenant il semblait totalement détendu et confiant.

« Pourquoi m’as-tu ignoré comme ça tout à l’heure ? »

La question était sortie de ma bouche toute seule. Le sourire de Fitz s’était figé sur place. Après un moment, il avait prudemment pris une expression sérieuse.

« Eh bien, tu sais… je ne suis pas censé parler à qui que ce soit quand je suis de garde. Tu sais bien que je suis Silent Fitz. Ma voix étant un peu enfantine, les gens ne me prennent pas au sérieux quand je parle. Quand je suis en public, en particulier quand je garde la Princesse Ariel, elle veut que je me taise autant que possible. »

« C’est vrai ? Je n’ai pourtant pas vu la princesse Ariel dans le coin. »

« Oh, elle était dans l’un des magasins du coin. C’est un endroit où l’on peut avoir confiance. Luke et moi ne sommes pas ses seuls gardes non plus. Les autres faisaient le guet à ses côtés pendant que nous gardions un œil sur les choses à distance. Uhm, mais ne dis rien à personne d’autre à ce sujet. »

Les mots de Fitz étaient sortis tout doucement, sans une seule hésitation. Presque comme si c’était quelque chose qu’il avait répété à l’avance.

« Je vois. Eh bien, je suis désolé d’avoir été sur ton chemin pendant que tu travaillais. »

« Oh, ce n’est pas grave ! Je suis aussi désolé. Je n’essayais vraiment pas d’être impoli. »

Je commençais à avoir une idée de ce qui se passait réellement ici. Je ne pouvais pas en être complètement sûr, mais… il était probable que la Princesse Ariel avait pris l’apparence de Fitz pour se déguiser. Il y avait probablement un objet ou un instrument magique impliqué là-dedans. Elle ne m’avait pas parlé parce que sa voix n’était pas affectée par ses pouvoirs. Peut-être que la couleur de ses yeux n’avait pas non plus changé ? Cela expliquerait pourquoi Fitz gardait toujours ses yeux cachés. Sinon, ça aurait été un dangereux cadeau pour Ariel quand elle aurait eu besoin de se déguiser en lui.

Ouais. Plus j’y pensais, plus ça semblait correspondre. La raison pour laquelle « Fitz » m’avait évité plus tôt était assez simple. J’étais suffisamment proche de la personne réelle pour avoir vu qu’elle essayait de l’imiter.

C’est ça. Je n’avais donc rien fait pour le mettre en colère. Ça m’avait semblé être une bonne explication. J’allais donc la prendre.

« Ouf, c’est un soulagement. Je pensais que tu me détestais maintenant, Maître Fitz. J’ai été vraiment inquiet pendant une minute. »

« Ahaha… Ne sois pas ridicule, Rudeus. Je ne pourrais pas te détester même si j’essayais… »

Fitz s’était gratté l’arrière de ses oreilles avec embarras. Il faisait ce geste tout le temps, mais dernièrement, mon cœur battait plus vite à chaque fois que je le voyais. Et d’abord, pourquoi une personne aussi adorable devait-elle être un homme ?

… En supposant qu’il le soit vraiment. Je voulais encore croire le contraire.

◇ ◇ ◇

J’avais beaucoup pensé à Fitz ces derniers temps.

Comme toujours, on ne se croisait qu’une fois tous les quelques jours. Et ce n’était pas comme si nous avions beaucoup de choses à nous dire quand nous le faisions. Mais malgré cela, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à lui. Parfois, je me surprenais à me souvenir des petits gestes qu’il faisait. La façon dont il se grattait les oreilles. La façon dont il s’étirait lorsqu’il avait terminé une tâche. D’autres fois, je pensais à son odeur, à la façon dont je le sentais lorsqu’il passait devant moi dans le couloir. Mais surtout, je pensais à son sourire. Son petit sourire timide ne voulait pas sortir de ma tête.

Ce n’était pas différent les jours où je ne le voyais pas. Dès que je voyais une foule d’étudiants, je me surprenais à le chercher.

Pour ma défense, il était au milieu de la foule la plupart du temps. La Princesse Ariel et ses serviteurs étaient célèbres dans cette école. Lorsqu’ils se déplaçaient pour les affaires du conseil des élèves, une poignée d’entre eux attiraient souvent une grande foule de spectateurs. Et même parmi ce groupe de personnes qui attiraient l’attention, Fitz en particulier attirait beaucoup. Silent Fitz parlait rarement en public, mais il était l’un des gardes les plus fiables de la Princesse et l’un des mages les plus doués de toute l’université. Il n’était pas surprenant que les gens s’intéressent à lui.

J’étais l’un d’entre eux à ce stade. Chaque fois que je le voyais, mes yeux semblaient toujours le suivre.

J’avais bien sûr reconnu ce que tous ces symptômes signifiaient. J’étais amoureux. J’étais tombé amoureux d’un homme. En supposant qu’il en soit vraiment un, ce dont je n’étais pas totalement convaincu.

Cela semblait être une question importante. Selon son sexe, je devais accepter le fait que j’étais gay, ou peut-être bisexuel. Mais cela n’avait pas vraiment d’importance à court terme, étant donné que mon « état » ne s’était toujours pas amélioré.

Cependant, j’espérais toujours qu’il s’agisse d’une fille.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

Laisser un commentaire