Mushoku Tensei (LN) – Tome 8 – Histoire bonus

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Histoire bonus : Juliette et les bonnes manières

Un jour quelconque, à midi. Zanoba, Julie et moi mangions à l’extérieur de la cafétéria. Nous avions attiré un peu l’attention alors que nous étions assis là, dans nos chaises légèrement inconfortables faites grâce la magie de terre. Manger au soleil était devenu tendance ces derniers temps. D’autres avaient commencé à suivre notre exemple et à faire de même, en particulier ceux qui dînaient au premier étage de la cafétéria. Cette foule avait également tendance à être un peu mal élevée, à éviter les couverts et à se contenter de prendre de la nourriture avec les mains. Ce n’était pas comme si Zanoba ou moi nous en souciions, mais Julie pourrait commencer à les imiter si elle continuait à observer ce comportement.

Comme je le pensais, je l’avais surprise en train d’essayer de manger son bacon en le ramassant avec sa main.

« Hé, n’oublie pas d’utiliser ta fourchette », lui dis-je.

En disant cela, tout son corps trembla. Elle fit retomber le bacon dans son assiette.

Zanoba haussa les épaules : « Maître, ce n’est pas si grave. Ne devrais-tu pas la laisser manger ? »

« Mais c’est mal élevé d’utiliser ses mains pour manger. »

« Hm… mais à Shirone, on mange parfois avec les mains. »

J’avais regardé Julie à nouveau, et j’avais remarqué qu’elle laissait les carottes sur le bord de son assiette. Contrairement aux carottes de ma vie précédente, celles-ci étaient plutôt difficiles à manger, avec leur forte odeur de légumes et leur goût amer. Pourtant…

« Mange aussi tes carottes », lui avais-je dit.

« Maître, ce ne sont que des carottes, je ne vois pas le problème. »

« Eh bien, moi si. »

Zanoba fronça les sourcils et devint renfrogné, les lèvres pincées.

« Tu dis ça parce que c’est une esclave ? N’est-ce pas toi, Maître, qui as décidé qu’on ne devait pas la traiter comme une esclave ? »

« Cela n’a rien à voir avec ça. C’est… comment dois-je expliquer cela ? Si nous cédons chaque fois qu’il y a quelque chose qu’elle ne veut pas faire, elle ne fera aucun effort quand il s’agira de situations où elle doit faire quelque chose qu’elle n’aime pas. »

« Hm ? Mais j’ai assez d’argent pour qu’on n’ait jamais à s’inquiéter de ne pas avoir de nourriture à manger. Je pourrais comprendre si nous étions très pauvres, mais ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ? »

J’avais regardé Julie, qui fixait ses carottes comme une élève de primaire qui était obligée de rester après le déjeuner. Son expression semblait dire qu’elle était punie de façon injustifiée.

Peut-être que j’étais trop sévère. Quand j’étais aventurier, j’avais rencontré beaucoup de gens qui mangeaient avec leurs mains. Cela faisait même partie de la culture de certaines tribus du Continent Démon. Je m’étais un peu calmé en me souvenant de cela. Peut-être étais-je simplement accroché aux coutumes de ma vie précédente, et je m’en servais pour justifier le fait d’être déraisonnable. Dans mon ancien monde, il y avait aussi des cultures qui mangeaient avec leurs mains. Des aliments tels que le crabe, les chips, les hot-dogs et autres… Peut-être que je réfléchissais trop.

« Si tu insistes sur le fait qu’elle doit apprendre, alors je la mettrai aussi en garde, mais vu que cela n’a rien à voir avec la création de figurines, je préfère ne pas le faire. »

J’avais toujours l’impression que c’était peut-être un bon exemple, mais là encore, les gens ne se souciaient pas des manières de table des artisans. En tant qu’employée de Zanoba, elle ferait des affaires avec la famille royale, mais si son employeur, Zanoba, disait qu’elle n’en avait pas besoin, qui oserait dire le contraire ?

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Elinalise était venue nous voir. Elle venait de finir de déjeuner, à en juger par la tache de sauce sur ses lèvres.

« Nous discutions des manières de Julie à table. Comme le fait qu’il n’est pas bon de manger avec les mains, et qu’il n’est pas bon de faire la fine bouche. »

« Ah-ha. »

« Qu’en pensez-vous, Mlle Elinalise ? »

« Hm, laissez-moi réfléchir. »

Elle prit un moment pour réfléchir à la question, puis sourit comme si elle avait pensé à quelque chose d’espiègle.

« Hé, Julie, regarde bien. Si tu veux manger avec tes mains, fais-le comme ça. »

Elle prit une épaisse tranche de bacon dans mon assiette. Puis elle la souleva, la pinça entre deux doigts, et commença à la mettre dans sa bouche. La façon dont elle leva son menton mettait en valeur la peau blanche et pâle de son cou et de sa clavicule. C’était envoûtant. La façon dont elle sortait sa langue rouge pour rencontrer le bacon rose qui s’approchait vous donnait envie de lécher la sauce sur sa joue.

« Ce sont de mauvaises manières ! »

J’avais frappé l’arrière de la tête d’Elinalise par réflexe.

« Ah ! »

Le recul lui fit lâcher le bacon. Celui-ci fit un arc dans les airs, battant des ailes tout en se dirigeant vers le sol, mais une ombre le rattrapa juste avant qu’il n’atterrisse.

« Ouf, c’était moins une. »

C’était Pursena. De façon impressionnante, elle avait attrapé le bacon dans sa bouche et l’avait englouti. Elle ne s’était approchée de nous qu’une fois que tout était mangé. Linia était avec elle, elle avait aussi un regard abasourdi sur son visage.

« Tu es peut-être notre chef, mais cela ne veut pas dire que tu peux gaspiller la viande comme ça. Si tu veux la jeter parce que tu es plein, donne-la-moi à la place. »

Le visage de Pursena était en colère, mais le bacon devait être délicieux, car sa queue tournait comme une pale d’hélicoptère.

Linia garda Pursena dans sa périphérie alors qu’elle nous interrogeait avec beaucoup d’intérêt.

« Vous vous battez ? Il est rare, miaou, que Zanoba défie le chef. »

« Je ne le défie pas. Nous avons juste une différence d’opinions. », dit Zanoba

« Je n’en suis pas sûre, miaou, tu es sûr ? Si tu le contraries, il ne te fera peut-être plus de figurines, miaou ? »

« Hmph, le Maître n’est pas assez étroit d’esprit pour s’énerver pour quelque chose d’aussi insignifiant. »

Il me regarda ensuite comme pour me demander : « Tu ne l’es pas ? »

Bien sûr que non. Je n’étais même pas contrarié, juste un peu découragé.

« Mais oui, il y a quelque chose que j’aimerais vous demander à toutes les deux. »

« Miaou ? »

« À propos des manières à table. »

Je leur avais demandé ce qu’elles pensaient de manger avec les mains et d’être pointilleux sur la nourriture.

« Les bonnes manières sont importantes. »

Pursena s’était avancée sans hésitation, comme pour dire : « Laissez-moi le soin de discuter de la nourriture. »

« Il est particulièrement inacceptable d’utiliser ses mains pour manger pendant les repas. »

Elle eut un sourire satisfait sur son visage en disant cela… tout en tenant un morceau de viande séchée qu’elle mâchait activement. Elle n’aurait jamais pu être aussi peu convaincante même si elle avait essayé.

« Ignorante Pursena, les manières sont importantes pour une dame, miaou. Mais être strict est un non-absolu, miaou. », dit Linia.

« La viande, c’est différent. Et tu ne peux pas parler, tu as laissé ces raisins secs dans ton assiette avant. »

« Ces choses ne peuvent même pas être considérées comme de la nourriture, miaou. Ils vont juste détruire ton estomac si tu les manges, miaou. »

« Ça ressemble à une excuse. »

Et maintenant, elles se regardaient toutes les deux. Le leur demander avait été une erreur. Tout ce qu’elles disaient était correct, ou du moins censé l’être, mais je ne pensais pas que Julie deviendrait une vraie dame si nous suivions leurs conseils.

Vous voyez, je savais bien que Julie avait l’air complètement perdue.

Maître Fitz apparut alors de nulle part.

« Hm ? Pourquoi tout le monde est-il rassemblé ici ? »

« Tu es arrivé au bon moment. S’il te plaît, écoute ! », lui avais-je dit.

« Hein ? Pour quoi faire ? »

« Voici donc ce qui s’est passé, c’est… blablabla, ceci et cela… »

« Blablabla ? Ceci et cela ? Quoi ? »

« Nous discutions des manières de Julie à table. »

Une fois que je lui avais expliqué, Maître Fitz mit la main au menton. Après avoir fredonné en pensée, il murmura « Ok » et leva la tête.

« N’est-ce pas bien de la laisser manger comme elle le veut maintenant ? »

« D’accord, et quel est ton raisonnement pour ça ? »

Je pensais que lui, parmi tous, dirait qu’elle devait apprendre les bonnes manières aussi vite que possible. Tout comme si vous utilisiez constamment la ma-gie (ma-nière) dès votre plus jeune âge, votre réserve de ma-na (ma-nière) serait deux ou trois fois plus grand que la moyenne.

« Elle apprend la magie de terre grâce à toi, n’est-ce pas ? Elle aide aussi à prendre soin de Zanoba. C’est beaucoup. Si tu la forces à penser à l’étiquette par-dessus tout, cela pourrait la submerger au point qu’elle aura du mal à maîtriser toutes les choses que tu lui apprends. »

« Ah, je vois. »

Il y avait du vrai là-dedans. Il y avait aussi l’idée que le sommeil et les repas étaient censés être des périodes de détente.

« Je pense qu’elle devrait finir par apprendre, mais je pense que c’est bien si c’est dans un an ou deux. »

« Hmm. »

Avec l’opinion de Maître Fitz incluse, j’étais maintenant à trois pour et trois contre. Nous étions à nouveau à égalité.

J’avais regardé Julie, qui avait un regard anxieux. Que voulait-elle faire ? Sa décision allait également briser l’égalité.

« Très bien. Julie. C’est toi qui décides. », avais-je dit.

Elle me regarda avec surprise. L’expression de son visage disait qu’elle ne pensait pas avoir le choix. Le regard de Julie s’était dirigé vers chaque personne présente — Zanoba, Elinalise, Linia, Pursena, Maître Fitz — puis se posa sur moi, l’air effrayé.

« Je ne serai pas fâchée, quoi que tu décides, alors choisis comme tu veux. »

« O-okay. »

Julie prit sa fourchette dans son poing, comme si elle avait pris sa décision. Elle la planta dans les carottes et les fourra toutes dans sa bouche en même temps. Elle pinça les yeux pendant qu’elle mâchait et, après avoir fait un bruit qui indiquait qu’elle risquait de vomir, les avala les larmes aux yeux.

« Gulp, gulp… pwah ! »

Elle avala son eau, haleta et renversa sa tasse. Puis elle me regarda avec une expression accomplie, comme pour dire : « Voilà, comment était-ce, êtes-vous satisfait ? »

« Tu les as toutes mangées ! Très bien ! Je suis si fier ! »

J’avais été momentanément surpris, mais je l’avais quand même félicitée et l’avais tapé sur la tête.

« Tu as bien fait ! Excellent ! »

« Un spectacle splendide ! »

« Maintenant, elle n’aura plus peur quand elle devra le faire la prochaine fois, miaou. »

« C’était courageux. »

« Ah, je suis content ! »

« Oui ! »

Julie sourit maintenant qu’elle était couverte d’éloges. C’était la première fois que je la voyais sourire avec autant de fierté et de vantardise, et ça m’avait fait plaisir. C’était peut-être banal, mais elle avait fait face à quelque chose qu’elle n’aimait pas, l’avait vaincu et avait gagné en confiance. Je me sentais aussi heureux que si cela avait été mon propre accomplissement.

« Alors, à partir de demain, je commencerai à t’apprendre les bonnes manières à table. »

« Oui, s’il te plaît, Grand Maître ! »

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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