Mushoku Tensei (LN) – Tome 7 – Chapitre bonus

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Chapitre bonus : Le dirigeant de l’université de magie de Ranoa

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Chapitre bonus : Le dirigeant de l’université de magie de Ranoa

Partie 1

Parmi les trois nations magiques, le royaume de Ranoa en particulier était célèbre pour son éducation magique, ayant produit un certain nombre de magiciens exceptionnels. Cent ans auparavant, en tant que chef de l’alliance entre les trois nations, Ranoa avait créé la Cité magique de Sharia.

Trois organisations prestigieuses, une de chaque pays, étaient basées dans cette ville : l’atelier d’instruments magiques du duché de Néris, la guilde des magiciens du duché de Basherant, et enfin l’université de magie de Ranoa.

L’université était la plus célèbre des trois. On racontait des histoires sur ses participants, qui comprenaient les magiciens de cour des Trois Nations, la faculté des académies de magie du royaume d’Asura, et quelques aventuriers qui avaient laissé leur marque sur le monde. Il y avait même des chansons sur des aventuriers comme Roxy Migurdia, une ancienne élève de l’université. Actuellement, elle comptait plus de dix mille étudiants, et cette énorme école distinguée offrait un programme d’études varié qui allait au-delà de la magie.

Une certaine étudiante s’était inscrite dans cette prestigieuse institution, une certaine Ariel Anemoi Asura.

◇ ◇ ◇

« Ah, Présidente Ariel ! Bonjour ! »

« Bonjour ! »

C’était une belle matinée de printemps. Des voix résonnaient le long des chemins bordés d’arbres qui s’étendaient des dortoirs des étudiants au bâtiment principal.

« Mlle Sarria, Mlle Misha, bonjour à vous. »

La femme qui répondait aux salutations était une beauté charismatique aux cheveux blonds et soyeux, assez brillants pour faire tourner toutes les têtes en marchant.

« Oh ? »

Elle se retourna soudainement avec un sourire et une main tendue.

« Mlle Sarria, votre col a besoin d’être redressé. »

« Hein ? Oh… »

« Voilà, c’est réparé. Vous êtes belle, alors vous devez simplement faire attention à votre apparence. »

« O-oh, oui ! »

Les joues de la plus jeune fille rougirent.

Ariel hocha la tête en signe de satisfaction.

« Passez une bonne journée, mesdames », dit-elle tout en continuant à descendre la passerelle.

La jeune fille laissée dans son sillage passa quelques instants abasourdie avant de se tourner vers son amie, pleine d’excitation.

« La présidente Ariel m’a touchée ! Elle a dit que j’étais belle ! Belle !! »

« C’est tellement incroyable ! Sérieusement ! »

Ariel écouta le son agréable de leurs bruyants cris alors qu’elle continuait son chemin vers l’école. Les gens s’étaient mis à murmurer en la voyant.

« Regardez, c’est la Présidente Ariel ! Elle est toujours si belle. »

« Peut-être que je devrais essayer de lui parler… »

« Idiot, comme si elle te donnerait l’heure de la journée. »

Hommes et femmes s’étaient exclamés. Tous l’admiraient en la voyant. Et même s’ils portaient tous le même uniforme, Ariel brillait toujours comme une lumière dans l’obscurité.

« Regardez, c’est Maître Luke et Maître Fitz ! »

« Ils sont si rêveurs… »

« En les regardant tous les trois ensemble, c’est presque comme si un tableau prenait vie ! »

Il n’y a pas qu’Ariel qui attirait l’attention, les deux protecteurs qui la suivaient étaient aussi des cibles d’envie. L’un d’eux était le beau Luke Greyrat, avec ses cheveux bruns éclatants, lâchés en arrière. L’autre était le jeune garçon Fitz, avec ses cheveux blancs courts et ses lunettes de soleil épaisses. Tous deux, le chevalier rêveur et le beau garçon, servaient la plus belle femme de l’école. Leur vue suffisait à exciter l’imagination des autres élèves, en favorisant l’idée que ces trois individus existaient dans une dimension plus élevée que les autres.

« Hé, vous avez entendu ? Dame Ariel recherche des personnes exceptionnelles. »

« Pour quoi faire ? »

« Pour être ses serviteurs de confiance quand elle retournera dans son royaume. Du moins, c’est ce que j’ai entendu. »

« Sérieusement ? Incroyable. Je peux me porter volontaire ? »

« Avec tes notes ? Tu rêves. »

« Oui, mieux vaut continuer à travailler ! »

Ces trois personnes enviées étaient au centre de l’attention de l’école. Baignés par le chaud soleil du printemps, ils étaient encore plus beaux qu’en hiver. Tous croyaient, sans l’ombre d’un doute, qu’ils avaient un avenir éblouissant devant eux.

Pourquoi les élèves les aimaient-ils tant ? Était-ce à cause de leur apparence ? De leurs compétences impressionnantes ? C’était un facteur appréciable, bien sûr, mais pas la vraie raison.

Pour comprendre comment Ariel s’était établie dans son poste actuel, il faudra remonter plusieurs années en arrière.

◇ ◇ ◇

Quelques années auparavant, Ariel Anemoi Asura avait perdu la bataille politique dans le royaume d’Asura et avait fui le pays. Certains émirent l’hypothèse qu’elle était morte dans le processus, mais s’il était vrai qu’elle avait été poursuivie par des assassins, elle avait réussi à s’enfuir d’une manière ou d’une autre vers le royaume de Ranoa. Ariel reçut la protection du royaume puis, comme elle l’avait prévu au départ, s’était inscrite avec succès à l’université de magie.

Bien sûr, elle n’avait pas renoncé à regagner le pouvoir dans le royaume d’Asura. Ariel savait qu’elle devait revenir le plus vite possible, pour le bien de Pilemon Notos Greyrat, qui la soutenait toujours de l’intérieur du royaume. Mais il était clair que l’histoire ne ferait que se répéter si elle revenait telle qu’elle était maintenant. La princesse avait donc concocté l’idée de rechercher des talents exceptionnels à l’université de Ranoa afin de les renvoyer à Asura avant elle. Pour atteindre cet objectif, Ariel avait décidé de renforcer son influence au sein de l’école.

Le conseil des étudiants de l’université ne possédait ni une autonomie complète ni une autorité forte, mais il était considéré comme l’apogée d’une école fréquentée par dix mille étudiants, et très influent parmi ces derniers. Ariel, qui cherchait à recruter des talents avant même qu’ils ne commencent à s’épanouir, trouva l’organisation exceptionnellement utile. Déterminée à atteindre son objectif et déjà extrêmement talentueuse, Ariel s’était rapidement distinguée et sa demande de rejoindre le conseil des étudiants fut approuvée malgré le fait qu’elle n’était qu’en première année.

Après quelques mois, Ariel étant certaine d’avoir une base solide pour travailler, elle réunit tous ses collaborateurs dans sa chambre pour une réunion stratégique.

« Nous avons pu entrer dans le conseil des étudiants, mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Ce n’est que la première étape. »

« Compris. »

Près de vingt de ses accompagnateurs avaient été tués sur la route par des assassins, leur nombre avait donc diminué. Elle n’en avait plus que quatre : Luke Notos Greyrat, Ellemoi Bluewolf, Cleane Elrond et Fitz.

« Tout ce que nous avons à faire est d’utiliser la réputation du conseil des étudiants pour recruter de bonnes personnes », déclara Fitz.

Ariel secoua la tête : « Ce ne sera pas suffisant. Avant que cela ne soit terminé, j’aimerais avoir le soutien des dirigeants de ce pays et de la Guilde des Magiciens. »

Les dirigeants du Royaume de Ranoa et la Guilde des Magiciens avaient eu une grande influence sur Asura, dont les propres enseignements en magie venaient de Ranoa même.

« Bien sûr, nous devrons les impressionner si nous voulons leur aide dans cette lutte pour le pouvoir politique. »

« Les impressionner… comme avec de l’argent ? »

« Non, avec le pouvoir. »

Ariel ricana tandis que Fitz penchait la tête.

« J’essaie de devenir la dirigeante du royaume d’Asura. Le simple fait d’être membre du conseil des étudiants ne les convaincra pas de soutenir ma cause. Je dois devenir quelqu’un qui fait bouger le conseil. En d’autres termes, je dois devenir la Présidente. »

Elle poursuit ainsi : « Le vice-président sera diplômé l’année prochaine, et le président l’année suivante. Je compte donc viser d’abord le poste de vice-président, puis celui de président. »

« Oui, je pense que c’est une bonne idée. Ceux qui ont le même esprit et des capacités exceptionnelles se tourneront certainement vers quelqu’un de votre calibre. Et ce sont ces mêmes personnes que nous recherchons », déclara Luke avec approbation. Les trois autres hochèrent la tête.

Cela faisait six mois qu’ils s’étaient inscrits et ils n’avaient toujours pas recruté d’alliés. Les seules choses qu’Ariel avait à sa disposition étaient son charisme naturel, le fait qu’elle avait été acceptée dans le conseil des étudiants en première année et l’adoration des autres étudiants. Des personnes exceptionnelles avaient attiré son attention, mais elle n’avait pas encore atteint un niveau lui permettant de gagner leurs faveurs, de dévoiler toute la vérité sur sa situation et de les convaincre de se battre à ses côtés dans le royaume d’Asura. Sa manière d’agir préférée — ou plutôt la manière dont les choses devraient vraiment être faites — consistait en ce qu’ils l’approchent en premier.

« Si l’ordre naturel des choses est que vous deveniez présidente, alors vous devriez idéalement gagner le vote à une majorité écrasante », déclara Ellemoi, la main pressée sur le menton.

Le président en exercice était chargé de sélectionner et de nommer les candidats appropriés au conseil. Lorsqu’un président prenait sa retraite, tous les membres restants devenaient candidats au poste, et le président était déterminé par un vote à l’échelle de l’école. Telle était la règle établie par le premier directeur de l’école, une tradition qui s’était poursuivie depuis lors.

Malgré cela, Ariel n’était qu’une élève de première année. L’année prochaine, l’actuel vice-président accédera probablement à la présidence. Une fois qu’ils auront obtenu leur diplôme et qu’une nouvelle élection aura lieu, les autres membres actuels — tous en sixième et septième année à cette date, avec de nombreuses réalisations à leur actif — lui feront sans doute obstacle. Et même si elle pouvait les battre, ce serait sans doute de justesse. Il est vrai que devenir président du conseil des étudiants en troisième année serait tout de même un exploit impressionnant, mais ce ne serait pas exceptionnel, à moins qu’elle ne remporte le vote de manière écrasante.

Telle était la voie à suivre qu’Ariel envisageait. On pourrait même dire que c’était une condition préalable essentielle pour son avenir. Si elle ne pouvait pas accomplir ne serait-ce que cela, alors le retour au royaume d’Asura ne resterait qu’un rêve.

En fait, elle pourrait avoir besoin de viser encore plus haut.

« Il se peut que vous deviez prendre la présidence l’année prochaine », murmura Fitz. Le garçon aux cheveux blancs avait un visage sinistre et ses bras étaient repliés sur sa poitrine.

« Oh, mon Dieu, tu dis des choses terrifiantes, Fitz. Proposes-tu que nous surpassions l’actuel vice-président ? »

Bien qu’Ariel soit une étudiante de première année, il ne faisait aucun doute qu’elle avait quatre subordonnés exceptionnels, un charisme qui lui avait valu une grande adoration parmi les premières années, et des compétences pratiques pour couronner le tout. Ainsi, elle avait un accord avec l’actuel vice-président : elle le soutiendrait pour le poste de président lors de la prochaine élection, et en retour, il la nommerait à son ancien poste. Cela signifiait qu’elle devait renoncer à sa chance d’accéder à la présidence cette année, mais si elle s’appliquait à semer les graines au cours de sa deuxième année, elle pourrait être assez confiante pour récolter les résultats lors de sa troisième année.

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Partie 2

« Ce plan est bon, certes, mais ne devrions-nous pas tenter quelque chose d’encore plus impressionnant ? »

Fitz avait tout à fait raison. Si vous démêlez les fils de la longue histoire de l’université, vous ne trouverez pas une seule âme qui ait atteint le rang de président au cours de sa deuxième année. La seule exception était le premier président du conseil des étudiants, mais cela ne comptait pas, car il n’y avait que des étudiants de première année à l’époque. De plus, si Ariel pouvait vaincre la personne qui était en lice pour la présidence, on en parlerait beaucoup dans la ville de Charia. La nouvelle de son exploit pourrait même parvenir aux dirigeants des trois nations magiques.

On pourrait penser que l’université était une simple école, mais de nombreux anciens élèves étaient devenus les dirigeants des Trois Nations et de la Guilde des Magiciens. Si quelque chose d’extraordinaire se produisait à l’université pour la première fois depuis sa fondation, il y avait de bonnes chances que cela soit porté à leur connaissance.

« C’est vrai. Mais nous ne pourrons pas vaincre le vice-président sans un plan. »

« Eh bien, à ce propos… J’en ai déjà fait un. »

« Je t’écoute. »

Bien que prise au dépourvu par la proposition de Fitz, Ariel se déplaça sur son siège et écouta attentivement.

« Euh… eh bien, Princesse, vous savez que vous avez été la cible de harcèlement ces derniers temps ? »

« En effet. »

Cela avait commencé juste après qu’elle avait rejoint le conseil des étudiants. Plusieurs incidents s’étaient succédé : des gens crachaient devant elle pendant qu’elle marchait, des gens cognaient leurs épaules sur elle, des gens la frappaient délibérément avec une boule d’eau pendant la pratique de la magie. Ces incidents avaient été présentés comme des coïncidences, mais Ariel savait que c’était intentionnel. Après tout, leur gravité s’était progressivement accrue. Le pire survint lorsque certains de ses sous-vêtements, qu’elle avait fait sécher la nuit, furent volés et jetés devant le dortoir des garçons. Comme cela allait incontestablement beaucoup trop loin, elle avait demandé à Fitz et Ellemoi de se pencher sur la question. En conséquence de quoi…

« J’ai découvert les responsables. Ce sont Linia et Pursena. », annonça Fitz.

« C’était donc vraiment ces deux-là. »

Elles étaient les descendantes des chefs de la tribu Doldia, qui régnait en maître parmi les hommes bêtes. Les deux filles avaient traversé la moitié du monde depuis la Grande Forêt. En tant que membres de la tribu Doldia, elles avaient reçu une éducation soignée et avaient laissé leur talent magique leur monter à la tête. L’environnement clément de l’école n’avait fait qu’aggraver leur attitude, elles devinrent alors de parfaites délinquantes, craintes par l’ensemble des élèves. Avec leur entourage d’une vingtaine d’individus à l’allure féroce, les gens dégagèrent le chemin partout où elles allaient. Si vous ne faisiez qu’établir un contact visuel, toute leur bande fonçait sur vous.

Les administrateurs de l’école étaient troublés par leur conduite inappropriée, mais les filles étaient essentiellement des princesses de la tribu Doldia. En les réprimandant, on risquait de se faire des ennemis de tous les hommes bêtes fréquentant l’université — et les hommes bêtes étaient assez nombreux ici, bien qu’ils soient encore une minorité par rapport aux humains. L’école n’était donc pas encore intervenue, et beaucoup d’étudiants pleuraient en s’endormant la nuit.

« Quel est le rapport avec votre plan ? »

Fitz a fermé sa main : « Nous les écrasons. Les élèves sont terrifiés par ces brutes. Si on les arrête, tout le monde sera de votre côté, princesse. »

Un feu brûla dans les yeux de Fitz. Ce qu’elles avaient fait était impardonnable. Fitz respectait et adorait Ariel. Ces filles avaient pris ses sous-vêtements et, parmi tous les endroits possibles, elles les avaient déposés devant le dortoir des garçons. De plus, elles avaient eu le culot d’ajouter une note disant : ces sous-vêtements appartiennent à la princesse d’Asura. Depuis lors, de nombreux hommes-bêtes avaient observé Ariel avec des regards affamés. La princesse n’était sans doute pas effrayée, mais Fitz ne le supportait pas.

« Si nous commençons à avoir des problèmes avec elles à l’école, ce sera notre réputation qui va s’effondrer », déclara Ariel.

« Si nous pouvons les provoquer pour qu’elles nous attaquent en premier, ce sera de l’autodéfense légitime. L’école nous soutiendra dans un tel scénario. De plus, si c’est ce à quoi nous sommes confrontés, je suis presque sûr que je peux m’en sortir toute seule. »

Ariel réfléchit brièvement à ses paroles, puis jeta un coup d’œil aux visages des personnes présentes. Chaque fois qu’elle se sentait incertaine, elle demandait l’avis de ses autres assistants.

« Je pense que c’est une bonne idée. Ce qu’elles ont fait était impardonnable. S’il s’agit d’une bagarre, je me lance. »

« Je ne peux pas offrir grand-chose, mais j’aiderai autant que je le pourrai. »

« Je suis d’accord. »

Leurs paroles étaient rassurantes, et Ariel leur offrit un sourire encourageant en retour.

« Très bien, alors. Bien que je sois sûr que ce que nous allons tenter est risqué, puisque vous êtes tous d’accord, essayons. »

Et ainsi, la mission visant à faire élire Ariel comme présidente du conseil des étudiants était en cours.

◇ ◇ ◇

Le plan avait été mis en œuvre environ une semaine plus tard.

Il était midi, et tous les élèves se dirigeaient vers la cafétéria de l’école. Linia avait les mains dans ses poches et Pursena avait quelque chose qui ressemblait à une cigarette qui sortait de sa bouche. Leurs uniformes semblaient bâclés, leurs postures terribles. Elles avaient l’air d’être de si bonnes délinquantes que si Rudeus les voyait, il aurait sûrement rasé les murs et gardé la tête baissée pour éviter de rencontrer leurs yeux. De telles brutes existaient même dans ce monde.

Les filles bêtes se pavanaient à la tête de leur meute comme si l’endroit leur appartenait. En comparaison, le groupe d’Ariel n’était fort que de trois personnes : Ariel, Luke et Fitz. Ils faisaient croire qu’ils avaient rencontré par hasard Linia et Pursena devant la cafétéria.

Au début, Linia et Ariel échangèrent des regards qui exigeaient que l’autre personne fasse de la place, mais ce fut Ariel qui finalement feignit l’indifférence et s’écarta. La femme-bête laissa échapper un ricanement pendant qu’elles regardaient.

« Comme c’est pathétique. »

« Elle agit comme une “princesse”. Hmph. »

« Oh oui, n’a-t-on pas vu ses sous-vêtements devant le dortoir récemment ? »

« Elle essaie d’accrocher les hommes de cette façon, non ? Après tout, les humains s’accouplent toute leur vie. »

Elles gloussèrent ensuite.

« Assez, miaou », dit Linia.

« Oui, tu me fais me sentir mal pour elle », avait convenu Pursena.

Les deux filles avaient l’air suffisantes alors qu’elles avaient prononcé ces réprimandes tout en se dirigeant vers la cafétéria. Cela faisait du bien de ridiculiser les privilégiés. C’était encore mieux d’y mettre un terme, et de gagner ainsi la faveur des moralisateurs. Ariel ne pouvait rien y faire. Après tout, Linia et Pursena avaient vingt hommes bêtes derrière elle. La plupart d’entre eux étaient à moitié humains, et ils n’avaient jamais été dans un combat digne de ce nom auparavant. Mais l’union faisait la force, et ils se moquaient de la princesse très populaire d’un grand pays.

« Parader avec vingt hommes à la traîne, comme une sorte de troupeau. Il semble que les Doldia ne valent vraiment pas mieux que des animaux », murmura Ariel.

Sa voix était à peine au-dessus d’un murmure. Ses lèvres avaient à peine bougé, si bien qu’aucun des autres élèves ne pouvait l’entendre.

« Hé, qu’est-ce que tu viens de dire ? »

Cependant, les hommes bêtes avaient une bien meilleure ouïe que les humains et pouvaient même capter les sons les plus faibles. Ainsi, Linia et Pursena avaient capté cette faible prononciation. Le reste de leur groupe n’avait pas une audition aussi avancée, mais plusieurs d’entre eux l’avaient aussi entendu.

« Je ne crois pas avoir dit quoi que ce soit ? », répondit innocemment Ariel.

« Non, je suis sûre de l’avoir entendu, mew. Tu nous as raconté des conneries, mew. N’est-ce pas, Pursena ? »

« C’est sûr. Qu’ils aillent se faire foutre. »

La fourrure de Linia était gonflée et Pursena avait craché tout ce qu’elle avait dans la bouche. Il s’était avéré que c’était un os de poulet. Une fois qu’elles étaient sûres qu’Ariel se batterait, elles s’étaient approchées d’elle et l’avaient regardée fixement.

« Alors ? Allez, essaie de nous le dire encore une fois, miaou. Cette fois, dis-le-nous en face. »

« Ou tu peux te prosterner. Mets-toi sur le dos et montre-nous ton ventre. », proposa Pursena

« Je vous l’ai déjà dit, je n’ai rien dit. »

Ariel parla avec confiance, alors même que les deux la menaçaient. Pour un observateur extérieur, il semblerait que Linia et Pursena se mettaient à dos Ariel sans raison.

Linia plissa ses yeux : « Ne me dis pas que tu es une poule mouillée, miaou ? »

« Un poulet ? Moi, le poulet je le mange », grogna Pursena.

« De quoi s’agit-il ? »

Ariel, de l’autre côté, ne semblait pas du tout affectée. Elle avait l’air aussi audacieuse qu’un roi.

Et puis, elle leur déclara d’une manière peu audible : « Une fois la saison des amours terminée, vous aurez les enfants d’hommes dont vous ne connaissez même pas le nom. Tout comme les cabots dans la rue. »

Personne n’avait pu voir les lèvres d’Ariel bouger. En tant que noble asurienne, elle avait été entraînée à parler sans se faire repérer. Par conséquent, son murmure était seulement assez fort pour que Linia et Pursena, qui étaient à proximité, puissent le capter.

« Salope ! Tu as un sacré culot. Bien, on va se battre, miaou ! »

« On va te tabasser, te déshabiller et te jeter de l’eau partout ! »

D’un point de vue extérieur, on aurait dit que Linia et Pursena avaient soudainement perdu leur sang-froid parce qu’elles n’aimaient pas l’attitude d’Ariel. En fait, personne ne doutait que c’était le cas. Les filles bêtes avaient souvent eu ce genre de réaction lorsqu’elles pensaient que quelqu’un était trop arrogant avec elles.

Et dès qu’elles se lançaient dans l’action, leurs vingt laquais les suivaient.

« Vous allez bientôt voir des étoiles ! »

« Dites vos prières ! »

« On va vous écraser ! »

Leur essaim s’envola vers l’avant, les bras tendus vers Ariel. Mais ils ne purent pas l’atteindre.

« Gwah ! »

« Gah ! »

Avant qu’elles ne réalisèrent ce qui se passait, elles avaient été renvoyées dans les airs. En une fraction de seconde, elles s’étaient éparpillées et avaient dégringolé sur le sol. Linia et Pursena s’étaient immédiatement remises debout, balayant leur environnement.

« Qu’est-ce que c’était, miaou ?! »

« C’est Fitz ! Le petit serviteur d’Ariel a fait quelque chose… ! »

Fitz — le garçon aux cheveux blancs qui se tenait toujours derrière Ariel avec un regard indifférent — était devant la princesse. Dès que les femmes bêtes avaient bougé, il s’était placé devant elle et avait utilisé son incantation silencieuse pour créer une onde de choc qui les fit revenir en arrière.

***

Partie 3

Le seul qui s’était avancé était Fitz. Ariel maintint sa posture initiale et correcte, et bien que la main de Luke reposait sur le manche de sa lame, il ne bougea pas. Fitz se tenait complètement seul. Et pourtant, il avait l’air sûr de pouvoir les maîtriser.

Fitz ne dit rien, il ne parlait que rarement. Seuls quelques élèves avaient entendu sa voix.

Maintenant qu’il se tenait sur leur chemin, Linia et Pursena en firent leur cible.

« Hyaah ! »

« Grrrr ! »

Les vingt femmes bêtes tombèrent sur Fitz comme une vague.

Fitz resta silencieux. Son corps n’avait même pas bougé, juste ses mains. À chaque fois, une explosion de feu se produisait, ou un objet glacé était tiré du sol. Ces attaques avaient implacablement écrasé les femmes bêtes, et en quelques secondes, les vingt individus furent envoyés dans les airs. Elles criaient comme des chiots alors qu’elles étaient frappées par la magie de Fitz. Elles étaient soit assommées, soit en train de battre en retraite. Vingt adversaires, c’était beaucoup, mais elles n’étaient pas habituées à se battre, elles n’assistaient guère aux cours et, pour conserver leur apparence menaçante, elles comptaient surtout sur la différence de nombre.

« Je vais te mettre en pièces, miaou ! »

« Putain oui, on va le faire ! »

Seules Linia et Pursena étaient différentes. Leur esprit de combat n’était pas atténué, même si elles furent elles-mêmes témoins de la magie de Fitz. En fait, elles avaient esquivé chaque sort avec une grande agilité. Linia s’était alors avancée tandis que Pursena mettait sa main sur ses lèvres.

« Awoooo ! »

Elles avaient des cordes vocales uniques qui pouvaient produire des sons imprégnés de magie pour paralyser instantanément leur adversaire. Ce type de magie était inhérent aux hommes bêtes.

Une vrille de sang coula du nez de Fitz, et le haut de son corps s’affaissait vers l’avant. Une fois que Linia était sûre qu’il avait été touché, elle lui porta ses griffes au visage.

« Hyah ! »

L’une d’entre elles utilisait la magie vocale pour sceller le mouvement de l’ennemi tandis que l’autre se chargeait de la tuer. C’était la stratégie de Linia et Pursena pour la victoire.

Mais l’instant d’après, Fitz fit un geste déroutant. Il leva les mains et gifla ses oreilles. Du sang en sortit.

Au même moment, Linia fit irruption.

« Je te tiens, miaou ! »

Ses griffes s’enfoncèrent, mais alors qu’elle était certaine d’avoir atteint sa cible, Fitz s’était approché. Linia attrapa quelques mèches de cheveux, mais il avait maintenant glissé juste devant ses défenses.

« Urgh… ! »

Son poing frappa le creux de l’estomac, émettant une onde de choc qui la fit voler comme à la suite d’une explosion.

« Pourquoi ?! », dit Pursena en haletant.

Fitz n’avait pas manqué cette occasion. Il se dirigea vers Pursena, qui était visiblement secouée par le fait que sa magie vocale n’avait pas atteint son but. Elle essaya frénétiquement de se préparer, mais il était déjà trop tard.

« Ha ! »

Elle fut envoyée dans les airs par une vague invisible venant du poing tendu. Elle frappa le mur de la cafétéria et perdit connaissance.

« Ack… Cough… »

Fitz vint et se tint ensuite devant Linia, qui cherchait de l’air. Le garçon avait réfréné sa colère silencieuse pendant tout ce temps. Linia était en état de choc alors qu’il la dominait. Elle jeta un coup d’œil à son entourage, mais pas une seule personne de son groupe n’était restée debout. Même sa partenaire de confiance était étendue, impuissante, sur le sol, complètement inconsciente.

Linia réalisa que leur groupe avait été décimé et avait perdu la volonté de se battre.

« T-tu as gagné, miaou. »

Alors même que Linia concédait la défaite, Fitz resta étrangement silencieux. Ses yeux étaient cachés derrière des lunettes de soleil, mais sa colère était toujours là. C’était une véritable intention meurtrière qui ne pouvait être satisfaite par cette parodie de combat. Fitz savait exactement ce qu’elles avaient fait : elles avaient jeté de l’eau sur Ariel, lui avaient volé ses sous-vêtements et s’en étaient débarrassées.

Linia avait peut-être sa fierté, mais elle ne l’estimait pas plus que sa vie.

« Nous sommes désolés, miaou. Nous nous excuserons aussi pour l’incident des sous-vêtements. Je vais même le faire, miaou. »

Linia n’avait pas d’autre choix que de prendre une posture de soumission, exposant son estomac dans le repentir. C’était le geste le plus humiliant pour un homme bête.

Fitz écrasa une boule d’eau sur Linia, qui se prosternait, et sur Pursena, qui était allongée inconsciente à une courte distance. C’était une attaque qui ne contenait que peu de puissance, mais c’était l’équivalent d’avoir un seau renversé sur elles. Les deux bêtes étaient trempées, l’air pitoyable avec leur fourrure aplatie contre leur peau.

« Si vous avez vraiment appris votre leçon, ne levez plus jamais la main sur la princesse Ariel. »

Fitz les laissa sur ces mots. Il ne disait jamais rien. C’était même la première fois que Linia, Pursena et les autres étudiants de la cafétéria — en fait, tous, sauf Ariel et Luke — l’avaient entendu parler. Sa voix était aiguë, presque féminine.

« O-oui, compris. »

Linia hocha la tête, son visage rouge vif de honte.

« Fitz, bien joué. Allons-y. »

Ariel lui offrit un sourire rapide à son retour, et leur groupe partit comme si rien ne s’était passé. Seules Linia et Pursena étaient restées dans leur sillage, ressemblant à un couple de rats noyés. Elles s’étaient vite retirées, incapables de résister à l’attention qui était désormais portée sur elles.

Tous les étudiants qui avaient été témoins de cette situation s’étaient spontanément mis à applaudir. C’était à ce moment que les délinquants qui s’étaient comportés comme s’ils dirigeaient l’école furent vaincus.

Après cela, grâce au travail d’Ellemoi et de Cleane, la rumeur s’était répandue. Elle disait que c’était en fait Linia et Pursena qui avaient envoyé leurs sous-fifres pour battre Ariel. La majorité des hommes bêtes impliqués furent expulsés à la suite de cet incident.

◇ ◇ ◇

Et ce fut ainsi qu’Ariel obtint son poste actuel. En chassant les délinquants de l’école et en ramenant la paix sur le campus, elle gagna la gratitude des étudiants, qui avaient ensuite voté pour elle lors de l’élection suivante. Elle était devenue présidente du conseil des étudiants en deuxième année, et beaucoup la considéraient avec une grande admiration.

Cette situation, bien sûr, n’avait pas plu au vice-président. Il passa l’année restante à faire des commentaires sarcastiques, mais il n’avait pas eu le courage d’affronter Fitz — celui-là même qui avait affronté les indomptables Linia et Pursena, tout seul — il obtint son diplôme en toute discrétion.

Quant aux deux qui furent humiliés…

« Urgh. »

« Merde. »

D’une manière ou d’une autre, elles avaient réussi à éviter l’expulsion. Leur comportement ne s’était pas entièrement amélioré, et elles étaient toujours hostiles envers Ariel, mais elles suivaient les cours plus sérieusement. Elles sifflaient et aboyaient comme des ratés chaque fois qu’elles la regardaient, même si elles se mettaient la queue entre les jambes et faisaient de la place pour qu’elle passe.

« Hmph ! Nous n’oublierons pas ce que tu nous as fait, miaou ! »

« Pft ! Mieux vaut ne pas sortir la nuit ! »

Ariel ne répondit rien. Elle gloussa simplement.

Cela n’avait fait qu’augmenter l’admiration envers Ariel et ses deux gardes du corps. Il n’y avait plus personne à l’école qui pouvait tenir tête à la princesse.

◇ ◇ ◇

Cette même princesse était maintenant étudiante en troisième année. Comme elle l’avait prévu, le fait de devenir présidente du conseil des étudiants en deuxième année lui avait permis de prendre contact avec la Guilde des Magiciens et les dirigeants du Royaume de Ranoa. Les personnes de même sensibilité affluèrent au conseil des étudiants, et Ariel choisit la personne la plus exceptionnelle et la plus digne de confiance pour se rendre au royaume d’Asura et réaliser ses projets. Ce qu’elle considérait comme son avant-garde allait partir pour le royaume l’année suivante.

Tout s’était étonnamment bien passé au cours de la première année de son mandat en tant que présidente. Aujourd’hui, ils organisaient une autre de leurs réunions stratégiques, bien qu’ils soient passés de sa suite personnelle à la salle du conseil des étudiants.

« Alors, Cleane, y a-t-il des candidats prometteurs parmi les étudiants de première année cette année ? » avait-elle demandé.

« Il y en a. Zanoba Shirone et Cliff Grimor en particulier. Le premier est un enfant béni, tandis que le second était capable de faire de la magie de niveau avancé avant même de s’inscrire. »

« Très bien. Cherchons des occasions de les engager progressivement. Y a-t-il d’autres personnes qui se distinguent ? »

Cleane secoua alors la tête : « Parmi les premières années ? Non, je ne crois pas. Cependant, il y en a peut-être certains qui seront prometteurs à l’avenir. »

« J’ai encore besoin de beaucoup de pièces pour mon échiquier. Peut-être que nous devrions chercher à atteindre ceux qui sont en dehors de l’école. »

Alors qu’Ariel se demandait ce qu’elle devait faire, Ellemoi leva les yeux.

« Princesse, je me doutais que tu dirais la même chose. J’ai déjà repéré des individus particulièrement impressionnants au-delà des murs de l’université. »

« Je n’en attendais pas moins. Laisse-moi voir les informations que tu as sur eux. »

« Oui, Princesse. »

Ellemoi sortit une liasse de papiers d’un des placards de la salle du conseil étudiant et les a remis.

« Je propose d’en sélectionner quelques-uns, de les inviter à l’école, puis d’évaluer leur caractère avant de les approcher pour qu’ils nous rejoignent. Qu’en penses-tu ? »

« Ça me paraît bien. Vas-y, s’il te plaît, et commence le processus de sélection. Quant à les inviter… Nous pouvons demander l’aide du vice-principal Jenius pour cela, j’en suis sûr. »

« Oui, Princesse. »

Fitz et Luke commencèrent à scanner la liste aux enchères d’Ariel. Il y avait plusieurs personnes différentes sur la liste : ceux qui vivaient déjà dans la Cité magique de Charia, aux aventuriers actifs à travers les Trois Nations, et même le protecteur du Sanctuaire de l’Épée, le Dieu de l’Épée Gal Farion lui-même.

C’est en étudiant cette liste que Fitz sursauta soudainement. Sa main s’était arrêtée lorsqu’il repéra un nom qu’il reconnut. Ses yeux s’écarquillèrent et ses lèvres se fermèrent. Sa main tremblante se serra contre le papier, le froissant.

« Fitz, est-ce que quelqu’un là-dessus a attiré ton attention ? »

Le garçon fit un signe de tête. Son expression était un mélange de surprise, d’ahurissement et de plaisir.

« Princesse Ariel… Je connais cette personne. »

Le nom de Rudeus Greyrat était écrit sur le papier qu’il tenait à la main.

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