Mushoku Tensei (LN) – Tome 7 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Le magicien au cœur brisé

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Chapitre 1 : Le magicien au cœur brisé

Partie 1

La ville de Rosenburg, située à deux mois de voyage au nord de la frontière d’Asura, était parfois appelée la « Porte des Territoire du Nord ». Si elle n’était pas la plus grande ville du duché de Basherant, elle la suivait de près. L’exportation d’instruments de magie de là vers Asura fournissait plus de la moitié des revenus du pays.

« C’est donc ici que… »

J’étais descendu de la calèche et je m’étais arrêté pour jeter un coup d’œil. Le ciel au-dessus de moi était complètement couvert de nuages blancs. Les rues étaient pleines d’aventuriers et de marchands, qui semblaient tous très occupés. Cela avait probablement un rapport avec les deux chariots pleins de marchandises avec lesquelles nous étions arrivés en ville. Les marchandises qui arrivaient jusqu’ici depuis le royaume d’Asura étaient très chères.

« … Il fait froid. »

Beaucoup de gens qui allaient et venaient portaient des vêtements très épais. C’était compréhensible, vu le froid qui régnait dans l’air. Les hivers dans cette région étaient apparemment très enneigés. Il fallait que j’aille chercher des vêtements appropriés pour le temps froid le plus tôt possible.

Je devrais peut-être m’en occuper tout de suite, en fait…

Non, trouver une auberge devait venir en premier. Je n’avais pas beaucoup de bagages, mais tout aventurier expérimenté savait que la sécurisation d’une base d’opérations devait toujours être sa priorité absolue. Cette décision prise, j’étais parti dans les rues de Rosenburg.

Il n’y avait pas beaucoup de stands extérieurs dans notre voisinage immédiat. C’était vraiment inhabituel. Peut-être que les calèches étaient entrées par une autre entrée que celle utilisée par les aventuriers locaux ? À bien y réfléchir, le soir allait bientôt tomber. Dans un endroit aussi froid, il ne serait pas surprenant que les marchands ambulants ferment boutique avant que le soleil ne commence à se coucher.

J’avais vite trouvé une rue bordée d’auberges. J’avais erré un moment en regardant les tarifs affichés devant, mais j’avais fini par en choisir une plus ou moins au hasard. L’endroit s’appelait « L’auberge du Bouclier Circulaire » et s’adressait à des aventuriers de rang B. C’était un nom un peu étrange. Au début, je l’avais presque confondu avec un magasin d’armures, car l’enseigne à l’avant avait la forme d’un bouclier.

Normalement, je me serais contenté d’un endroit moins cher destiné aux personnes de rang C ou D, mais selon Suzanne, les auberges bon marché du coin n’étaient pas équipées de chauffage. On pouvait littéralement mourir de froid en hiver, il était donc plus judicieux de trouver un endroit pour rang B au minimum. Je n’avais écouté qu’à moitié les discours de cette femme, mais elle m’avait certainement donné quelques précieuses pépites de connaissances. J’avais besoin de prendre un peu plus au sérieux toute cette histoire de « collecte d’informations. »

« Hm ? »

Quand j’étais entré, j’avais trouvé un homme en train de nettoyer. C’était probablement le propriétaire. Le type me regarda et fit une grimace comme s’il venait de voir un cafard se faufiler sur le sol. C’était très amical.

« Je voudrais une chambre pour, euh… un mois, s’il vous plaît. »

« … Bien sûr. J’ai besoin d’une signature et d’une empreinte de pouce ici. Une fois que vous aurez payé, vous pourrez avoir la dernière chambre au troisième étage. »

Le visage de l’aubergiste était moins qu’accueillant, mais il n’avait pas hésité à me remettre une clé et la feuille d’enregistrement. Je l’avais remplie comme demandé, puis j’avais payé d’avance pour tout mon séjour. Heureusement, la monnaie d’Asura était encore valable dans cette région. Il se pourrait que je doive l’échanger contre la monnaie locale à un moment donné, mais cela pouvait attendre. D’après ce que m’avait dit Suzanne, les pièces d’Asura étaient de toute façon plus fiables et plus précieuses.

L’aubergiste avait les yeux écarquillés lorsque je comptais pour lui mes pièces d’argent d’Asura sur la réception. J’avais eu l’impression qu’il n’aimait pas mon apparence, mais au moins il était content de mon argent.

J’avais encore en main pratiquement tout l’argent que mon groupe avait gagné au cours de notre voyage du continent des démons à Asura. Nous aurions dû partager ces fonds à parts égales entre nous trois, mais cela n’avait pas finalement pu se faire. En plus de cela, j’avais aussi économisé un peu de l’argent qu’Alphonse m’avait donné pour m’aider au camp de réfugiés de Fittoa. Un mois dans une auberge comme celle-ci n’était pas vraiment bon marché, mais à ce moment-là, il me restait encore un bon coussin financier. Bien sûr, il faudrait que je recommence à gagner de l’argent un jour.

J’étais monté au troisième étage. J’avais trouvé ma chambre et j’étais entré pour jeter un coup d’œil. Il y avait un lit, un placard, une table et une chaise. C’était assez typique. Les seuls éléments de la pièce qui se détachaient au premier coup d’œil étaient les murs de briques nues, que l’on ne voyait pas souvent dans d’autres pays, et le poêle encombrant qui était intégré à l’un d’entre eux. À côté du poêle, il y avait un petit tas de bois et quelques silex. Vous deviez sans doute le faire démarrer vous-même dès que vous aviez froid. Je n’avais aucune idée de la façon de faire fonctionner ce truc, mais je pouvais toujours demander à l’aubergiste plus tard.

« Ha… »

J’avais jeté mes bagages par terre et je m’étais écroulé sur mon lit en soupirant. Le ciel devant ma fenêtre était encore d’un blanc pur. Peut-être que le ciel couvert était la norme dans les pays enneigés comme celui-ci.

À Asura, le ciel était bleu. Parfois, on pouvait scruter d’un horizon à l’autre sans voir un seul grain de nuage. J’avais regardé cette grande étendue bleue pendant la majeure partie de mon voyage ici, c’était vraiment une belle couleur. Mais la seule couleur à laquelle je pouvais penser était son opposé, le rouge, et ce qu’elle symbolisait.

« … ! »

OK, non. Ne nous engageons pas dans cette voie à nouveau. Ne pensons pas aux couleurs pour l’instant.

J’avais décidé qu’il valait mieux regarder les rues à la place. J’étais sorti du lit, j’étais allé à la fenêtre et j’avais regardé Rosenburg. Du troisième étage de cette auberge, on pouvait voir presque toute la ville. Il y avait une quantité surprenante de verdure dehors. Le duché de Basherant avait tendance à aligner ses rues avec des arbres plantés à intervalles réguliers. J’avais entendu dire que c’était pour assurer à chacun un approvisionnement d’urgence en bois de chauffage en cas de besoin, mais le résultat esthétique n’était pas mal non plus. Cela me rappelait la forêt que nous avions traversée juste après avoir laissé Asura derrière nous. C’était un bel endroit. Tous ces arbres massifs partout… le doux bruissement des feuilles dans le vent…

Oui. Les arbres, c’est bien. La nature est si belle.

Il n’y a rien de tel que le grand air pour vous aider à oublier les parties du monde les plus laides et les plus horribles. Restez un bon moment dans la verdure, et vous rincerez toute la boue de votre cœur.

« Éris… »

Ce mot m’échappa sans le savoir, et mon humeur piqua du nez encore une fois. On pouvait se rincer le cœur autant qu’on le voulait, cela ne servait pas à grand-chose quand il avait été brisé en quelque cinquante mille morceaux.

Pour être honnête, la façon dont cela s’était terminé avait été un véritable choc. J’étais tellement convaincu qu’Éris et moi étions un couple. J’étais tellement convaincu que nous nous aimions l’un et l’autre. Je pensais que nous allions vivre ensemble à Asura, je pensais qu’elle aurait besoin de mon soutien maintenant qu’elle avait perdu ses parents. J’étais prêt et disposé à m’engager avec elle. Peut-être que ça ne devrait pas vraiment compter, mais… elle était ma première, et je voulais faire ce qu’il fallait. Je voulais rester avec elle. La famille Greyrat restait encore noble. Il y aurait donc peut-être quelques obstacles à surmonter, mais j’étais déterminé à la protéger. Cela pouvait signifier que l’on devrait se dresser contre nos ennemis ou les fuir ensemble.

Mais ce n’était pas le cas. Éris ne ressentait pas du tout la même chose. En fin de compte, je ne représentais rien pour elle.

Je m’étais retrouvé à renifler un peu. Une sensation de chaleur et de picotement s’était installée dans mon nez.

Je devrais arrêter de penser à ça.

Cela faisait des mois qu’Éris m’avait quitté. Combien de fois allais-je laisser les mêmes pensées résonner dans ma tête ? La fille avait disparu. Elle en avait fini avec moi. Et j’avais mes propres problèmes à régler. Nous nous étions séparés, c’était aussi simple que ça. Nous avions des objectifs différents, nous suivrons donc des chemins différents maintenant. Était-ce vraiment si terrible ?

Ce n’était pas comme si j’étais quelqu’un de spécial. Personne n’allait tomber amoureux de moi. Je devrais être reconnaissant pour tous les moments de bonheur qui m’étaient arrivés… aussi brefs soient-ils.

Oui, c’est bon. Ça suffit. Concentrons-nous sur ce que nous sommes venus faire ici. Tu te souviens pourquoi tu es ici, non ?

Je venais chercher ma mère, Zenith Greyrat. Je n’étais certainement pas parti pour me distraire suite à une rupture douloureuse. Non, vraiment. Ma décision de laisser Asura derrière moi n’avait rien à voir avec le fait que chaque jour passé là-bas me rappelait les souvenirs de la fille qui m’avait largué ! J’étais ici pour rechercher le seul membre de ma famille qui était toujours porté disparu. Elle avait disparu depuis des années et j’avais promis à mon père, Paul, que je ferais de mon mieux pour la retrouver.

Cela dit, je n’avais pas vraiment de plan pour le moment. Que faudrait-il faire pour la retrouver ? Qu’est-ce qui serait même considéré comme une « recherche » de disparue ?

« Haa… »

Dernièrement, je n’avais pu que soupirer. Et tout ce à quoi je pouvais penser, c’était aux derniers moments qu’Éris et moi avions passés ensemble. J’avais été si heureux durant cette nuit-là, mais ensuite…

« OK, non. Stop. »

J’avais poussé ces pensées dans les coins sombres de mon esprit et j’avais essayé de me concentrer sur la tâche à accomplir. Mon cerveau n’était pas d’humeur à coopérer, mais cette fois, je n’avais pas lâché l’affaire. D’accord. Tout d’abord, essayons de faire des suppositions éclairées.

Des années s’étaient écoulées depuis l’incident de la téléportation. Il semblait peu probable que Zenith se trouvait à un endroit où quelqu’un pourrait facilement la trouver. Cette ville était suffisamment grande pour qu’il soit tentant de croire qu’elle pourrait s’y trouver, mais si c’était si facile, quelqu’un l’aurait trouvée il y a des années.

Néanmoins, il était logique de concentrer mes efforts dans les zones très peuplées. Il était difficile d’imaginer Zenith campant dans les bois ou quoi que ce soit d’autre. Il y avait une chance qu’elle soit piégée dans un endroit sur lequel l’équipe de recherche et de sauvetage n’avait pas pu enquêter. Si je voulais trouver des zones probables, je devais fouiner dans des villes comme celle-ci.

Pourtant, j’étais seul. Peu importe les efforts que j’aurais déployés, je ne serais probablement pas capable de fouiller la ville aussi minutieusement qu’il le faudrait. Où cela m’avait-il donc mené ?

« D’accord… Je suppose que ma meilleure chance est qu’elle me trouve à la place, non ? »

Je m’étais laissé tomber sur mon lit et j’avais bien réfléchi à l’idée. Maintenant que je l’avais dit à haute voix, ça me semblait être un plan plutôt convenable. Le monde était grand, il sera toujours difficile de retrouver une personne seule qui pouvait être littéralement n’importe où. Chercher Zenith, c’était un peu comme… essayer de trouver un seul gaucher dans une foule de dix mille personnes. Cela demandait une quantité ridicule de temps et d’efforts.

Mais que se passerait-il si vous disiez à cette foule de gens ce qui se passait, au lieu de les passer un par un ? Si vous criiez « Y a-t-il un gaucher ici ? » dans la foule, peut-être que le type que vous cherchiez lèverait simplement la main et s’avancerait.

En gros, si je devenais assez célèbre, il y avait de bonnes chances pour que Zenith vienne me trouver.

Vu le temps qu’elle avait disparu, il était possible qu’elle soit coincée quelque part, tout comme Lilia et Aisha l’avaient été. Mais si elle entendait que j’étais tout près, elle essaierait au moins de me faire passer un message, non ? Oui. Ça pourrait fonctionner, non ? Je vais devenir célèbre d’une manière ou d’une autre, et alors Zenith pourra me contacter. Allons-y.

« Par contre, par quel moyen je me rendrais célèbre… ? »

Au minimum, j’avais besoin que beaucoup de gens apprennent mon nom. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire, non ?

Hmm… voyons voir. Ces dernières années, j’avais fait beaucoup de travail de relations publiques pour Ruijerd en faisant de bonnes actions en son nom. J’essayais en gros de créer des avis positifs pour ce type. C’était difficile de dire à quel point cela avait été efficace, mais j’avais le sentiment que nous avions eu au moins un impact sur le Continent Démon.

Si j’adoptais la même approche générale ici et que je me faisais un nom en tant qu’aventurier, je pourrais probablement devenir connu avant longtemps. Contrairement à Ruijerd, je n’avais pas eu à faire face à une étrange malédiction. Tout ce que j’avais à faire était de réaliser quelques exploits impressionnants, et les gens apprendraient qui j’étais. Je ne devrais même pas avoir à trop déformer la vérité cette fois-ci. Le but était de faire connaître dans toute la région de cette façon : « un garçon magicien nommé Rudeus, à la recherche de sa mère Zenith, qui a disparu après l’incident de téléportation. »

À ce moment-là, Zenith ou quelqu’un qui la connaissait pourrait venir me trouver.

Je devrais probablement faire face à de fausses pistes, ce qui pourrait m’exaspérer. Mais cela ne me dérangerait pas de payer pour des informations authentiques si je devais le faire.

« Franchement… je ne veux pas vraiment faire ça… »

Me faire un nom tout seul dans cette ville misérablement froide et enneigée n’allait pas être amusant. Et même si je réussissais à devenir une célébrité locale, il n’y avait aucune garantie que je trouverais réellement Zenith. En fait, les chances étaient minces. L’équipe de recherche et de sauvetage de Fittoa était une organisation relativement importante, et ils l’avaient cherchée partout sans succès. Il faudrait que j’aie une chance incroyable pour faire mieux.

Dans un groupe de la taille de l’équipe de recherche et de sauvetage, il devait y avoir des gens plus intelligents et plus consciencieux que moi… et d’autres plus compétents pour rassembler des informations ou les diffuser. Ces personnes avaient mis en place toutes sortes de plans, avaient fait de leur mieux, et n’avaient toujours pas trouvé Zenith. Est-ce que ça servait à quelque chose que j’essaie ?

Est-ce que c’était juste une perte de temps inutile ?

Plus j’y pensais, plus j’avais envie de soupirer. Mais ce n’était pas comme si des alternatives se présentaient, et je ne pouvais pas rester assis à ne rien faire. Si j’essayais tout ce qui me venait à l’esprit, il y avait une chance que je trouve de meilleures idées ou que je tombe sur une piste.

« Je suppose que je devrais dormir un peu… »

Décidant que j’avais suffisamment réfléchi dans cette journée, j’avais laissé mes yeux se fermer. Je pensais que j’étais maintenant habitué à voyager, mais apparemment cette longue et pénible promenade en calèche avait été plus épuisante que je ne le pensais. J’avais dormi pendant ce qui m’avait semblé être quelques secondes.

***

Partie 2

Le lendemain, je m’étais rendu à la Guilde des aventuriers de Rosenburg. Contrairement à la plupart des autres, elle était située à une bonne distance de l’entrée de la ville et des auberges locales. Peut-être y avait-il une raison logique à cela… Non pas que je m’y intéressais particulièrement.

« Guh… »

Au moment où j’avais franchi les doubles portes, beaucoup de têtes s’étaient tournées vers moi. Je pensais que je m’étais habitué à ce que les gens me regardent pendant notre voyage vers le continent central, mais apparemment, c’était une autre histoire quand j’étais seul. Jusqu’à présent, j’avais toujours eu Ruijerd et Er-

Oui, ne continuons pas dans cette voie.

« Hé, regarde. Un gamin vient d’entrer. »

« Quoi ? Est-ce un nouveau ? »

« Héhé. Il veut probablement jouer à faire semblant. »

Même à distance, je pouvais entendre quelques personnes s’amuser à mes dépens. Ils ne se moquaient pas vraiment de moi, mais ça faisait quand même mal. Avant ça, ce genre de choses ne me dérangeait pas vraiment, mais aujourd’hui, je ressentais des petits coups de poignard de douleur à chaque mot désagréable.

Pourtant… Quiconque avait l’air aussi jeune que moi allait se distinguer s’il entrait tout seul dans une guilde. Je devais apprendre à faire avec. Si j’atteignais vraiment mon but ici, j’attirerais l’attention, que je le veuille ou non.

C’est vrai. Il y avait quelque chose dont je devais m’occuper avant d’accepter un emploi.

Lentement et à contrecœur, je m’étais dirigé vers la réception. La dame derrière le comptoir n’était pas particulièrement jolie, mais elle portait une tenue qui révélait beaucoup de son décolleté. J’avais vraiment l’impression qu’ils n’engageaient que des femmes d’une certaine taille de bonnet pour ce travail. J’avais poussé ma carte d’aventurier à travers le comptoir.

« Hum… pourriez-vous s’il vous plaît… dissoudre mon groupe pour moi ? »

Les mots « Dead End » brillaient encore faiblement en bas de ma carte. C’était le nom de mon ancien groupe… celui que j’avais formé avec Ruijerd et Éris. Les deux étant partis, donc à toutes fins utiles, Dead End n’existait plus. J’avais besoin de dissoudre le groupe. C’était une chose du passé…

Tout d’un coup, je reniflais bruyamment. Un instant plus tard, j’avais réalisé que des larmes coulaient sur mon visage. Je n’avais pas l’intention de pleurer, mais je ne pouvais pas m’en empêcher.

Ruijerd et Éris n’étaient plus à mes côtés. J’étais vraiment tout seul. Et c’était vraiment douloureux d’être confronté à ce fait.

« Bien sûr. Je vais m’occuper de ça tout de suite. »

La réceptionniste prit ma carte et se mit au travail avec une expression un peu sympathique. J’étais sûr que ça avait dû être un peu effrayant de voir un type se mettre à pleurnicher devant elle comme ça, mais elle resta professionnelle.

« Voilà. »

« … Merci. »

J’avais essuyé mes larmes avec la manche de ma robe et j’avais repris ma carte. Les mots « Dead End » avaient disparu, laissant un espace vide derrière eux.

La prochaine fois où ils apporteront leurs cartes à une branche de la guilde, Éris et Ruijerd apprendrons que j’avais dissous le groupe. Comment réagiront-ils en voyant ces mots disparaître ? Peut-être que Ruijerd se sentira un peu triste. Mais Éris…

Arrête ça. Arrête. Ça n’a pas d’importance. C’est fini maintenant.

« … »

Lorsque je m’étais détourné du comptoir, j’avais constaté que la moitié des membres de la guilde me regardaient. Qu’est-ce qui était si intéressant chez moi ? Aucune de ces personnes n’avait jamais vu un enfant pleurnichard avant ?

« Euh, pourquoi pleure-t-il ? »

« … Je parie que son groupe a été anéanti. »

« Pauvre enfant. Je suppose qu’il est le seul survivant… »

Apparemment, j’avais été mal compris. C’était des regards de sympathie. Tout le monde semblait croire que les autres membres de mon groupe avaient été tués au combat. J’étais sûr qu’aucun d’entre eux ne soupçonnait même que je pleurais parce qu’une fille m’avait largué.

… J’étais vraiment pathétique. Si mon groupe était mort, j’aurais au moins une raison de me comporter comme un bébé. Mais ce n’est pas comme si je voulais qu’il arrive quelque chose à Ruijerd ou à Éris.

Sans un mot, je m’étais tourné et m’étais dirigé vers le tableau d’affichage central.

Il était presque entièrement recouvert de feuilles de papier. Il n’y avait pas autant d’emplois que dans les guildes du Continent Démon, mais c’était très différent de ce que j’avais vu dans le Royaume d’Asura. Les aventuriers étaient clairement très demandés ici, et les emplois classés B et C semblaient être les plus courants.

À Asura, la plupart des emplois disponibles étaient d’assez faible difficulté, et on trouvait de moins en moins de travail dans les rangs supérieurs. Par conséquent, les aventuriers qui avaient gravi un peu les échelons avaient tendance à quitter le pays, se dirigeant vers le sud vers le royaume du Roi-Dragon ou vers le nord vers les nations de l’Alliance magique.

« Bon, voyons voir… »

J’étais actuellement un aventurier de rang A, et les règles de la guilde m’autorisaient également à accepter des emplois d’un niveau inférieur ou supérieur à celui-là. Il n’y avait pas de quêtes classés S pour le moment, donc je devais choisir quelque chose dans les rangs A ou B. Heureusement, il y avait une bonne quantité de missions disponibles à ces niveaux. C’était vraiment rare sur le continent central. Cela montrait bien à quel point la vie était dure ici.

◇ ◇ ◇

A : Tuez la meute de grizzlis brillants au bord du lac Cucuru.

B : Surveillez une importante opération d’exploitation forestière dans la forêt de l’Hadra.

B : Escortez une caravane transportant des marchandises vers le duché de Néris.

◇ ◇ ◇

Hmm… Bon, peu importe. N’importe laquelle d’entre elles devrait convenir.

Sans trop y penser, j’avais retiré le papier de rang A que j’avais repéré en premier. Ces « grizzlis brillants » étaient probablement une race d’ours, mais les détails étaient un peu flous. Je ne m’en souciais pas vraiment, et je ne voulais pas avoir à me renseigner sur les monstres locaux.

J’étais retourné à la réception avec le papier à la main.

« Excusez-moi. Je peux prendre celui-ci, s’il vous plaît ? »

Le réceptionniste prit le papier avec ma carte, y jeta un coup d’œil, puis cligna des yeux, surprise.

« Hein ? Hum… où est votre groupe ? »

« Oh. Eh bien, euh… j’espérais en fait m’occuper de celle-ci en solo. »

« Quoi ? »

Pour une raison inconnue, la femme semblait sérieusement désorientée. Je venais de dissoudre mon groupe juste à ce comptoir, donc je ne comprenais pas pourquoi elle supposait que j’en avais un.

« Euh, je pense que c’est un peu trop pour un magicien seul… Voyez-vous, les emplois de rang A sont vraiment faits pour être pris par un groupe… »

« Euh, d’accord… »

« Je suis désolée, mais je ne pense pas qu’on puisse vous donner celui-là. »

La réceptionniste avait raison. Normalement, vous n’essaieriez pas d’éliminer toute une meute de monstres tout seul. Pourtant, ça me semblait être un risque acceptable. Je n’allais pas devenir célèbre si je ne me forçais pas un peu. Il était difficile de dire à quel point ce travail spécifique pouvait s’avérer dangereux… mais je ne m’en souciais pas vraiment. Ce n’était pas comme si je voulais profiter de ma vie. Peu importe les efforts que je faisais, tout ce qui m’importait m’échappait tôt ou tard. Je serais finalement toujours malheureux. Et cela n’allait pas changer.

Je n’avais rien à espérer. Alors, qu’est-ce que ça pouvait bien faire que je vive ou que je meure ?

Alors que cette pensée me traversait l’esprit, la douleur me poignarda quelque part au plus profond de la poitrine. Je mis ma main dans ma poche par réflexe, j’avais saisi ce que j’y avais caché et j’avais serré les dents. La douleur dans ma poitrine n’avait pas disparu, mais lorsque j’avais serré cet objet très fort, je m’étais senti au moins un peu mieux.

« Salut, toi. T’es-tu disputé ? »

Quelqu’un m’avait parlé par-derrière. C’était suffisant pour me ramener à la réalité. Je m’étais retourné en marmonnant : « Non, ce n’est pas ça »… et j’avais trouvé un visage familier. C’était cette même guerrière à la peau sombre et aux dreadlocks qui m’avait parlé sans cesse pendant le voyage jusqu’ici. La fille qui m’avait crié dessus se tenait aussi à ses côtés. De mémoire, la guerrière se nommait Suzanne et l’autre fille Sarah.

Il y avait deux hommes qui se tenaient un peu derrière elles et que je reconnaissais aussi. C’était probablement les autres membres du groupe, mais je ne me souvenais d’aucun de leurs noms.

J’étais tombé sur le groupe de rang B : « Les Counter Arrows. »

« Eh bien, je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter. Ton ancien groupe a été anéanti, mais tu as besoin d’argent pour chercher ta mère, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu essaies d’accepter un tel travail tout seul ? Très touchant. »

Juste pour info je n’avais rien dit de tel. Mon groupe n’avait pas été « anéanti », et je n’étais pas vraiment fauché. J’avais assez d’argent pour tenir au moins un certain temps.

« Mais voilà le truc, gamin… ton regard est vraiment problématique. Tu n’as pas l’air de quelqu’un qui est prêt à affronter le monde seul. Tu as l’air d’un gars qui ne se soucie même pas de savoir s’il vit ou meurt. »

« … »

Je m’étais levé et j’avais touché mon visage de manière expérimentale. Mon expression à ce moment précis indiquait probablement qu’elle avait vu à travers moi.

« Sur ce, j’ai une proposition à faire. Et si nous faisions ce travail ensemble ? »

« Ensemble ? »

« Ouais. On vient d’arriver aussi, tu sais ? Normalement, on devrait essayer de s’attaquer à ce genre de choses par nous-mêmes, mais on est sur un terrain inconnu. Ça ne peut pas faire de mal de coopérer pendant qu’on se fait une idée des choses, tu ne crois pas ? »

« Euh, je voulais me faire un nom en tant qu’aventurier solo… ça faisait partie de mon plan pour retrouver ma mère… »

« Allez. Personne n’est jamais devenu célèbre en travaillant en solo, gamin. Si tu veux te faire une réputation, tu dois rencontrer beaucoup de gens pour qu’ils passent le mot à ton sujet. Cela signifie que tu dois participer à des missions en groupe et faire de ton mieux pour rester en vie. J’ai raison, les gars ? »

Les hommes du groupe hochèrent la tête à l’unisson. Sarah, par contre, faisait la moue. J’avais l’impression qu’elle n’était pas très emballée par cette idée, et je ne l’avais pas blâmée. Si vous vouliez vous faire une idée de la région, vous vous associiez à un vétéran qui connaissait bien le terrain et les monstres locaux, et non à un gamin dépressif qui n’avait aucune idée de ce qui se passait. Ce n’était pas non plus comme si je les avais aidés à faire leur travail de garde pendant le voyage jusqu’ici. J’étais sûr qu’ils savaient que j’étais un magicien vu ma tenue, mais ils n’avaient aucun moyen de connaître mes compétences, les types de sorts dont je me spécialisais, ou la puissance que j’avais.

En gros, Suzanne avait pitié de moi. Elle m’invitait à me joindre à eux par sympathie. C’était tout.

Elle avait quand même fait valoir quelques bons arguments. Peu importe tout ce que j’avais accompli par moi-même, il était difficile d’imaginer que des rumeurs précises puissent circuler à mon sujet. Les aventuriers n’étaient généralement pas très intéressés par les autres aventuriers, ils n’allaient pas faire tout ce qu’ils pouvaient pour en savoir plus sur un enfant dont ils ne se souciaient pas. Au mieux, on pourrait entendre dire qu’un jeune magicien réalisait des choses impressionnantes par lui-même. Mais j’avais besoin qu’ils incluent les détails : le fait que je venais de Fittoa, que j’étais capable de faire des incantations silencieuses et que je cherchais ma mère qui avait disparu dans l’incident de téléportation.

Si je voulais que les gens diffusent mon histoire, je devais leur permettre de me connaître. Et le moyen le plus simple de le faire était de participer à un groupe.

Pas seulement un groupe, en fait. Il serait préférable que je travaille avec le plus grand nombre possible de personnes.

Bien que beaucoup d’aventuriers préfèrent rester dans une seule ville, il arrivait parfois que vous rencontriez des groupes qui gagnaient de l’argent en allant ailleurs, comme nous l’avions fait sur le Continent Démon. Peut-être que si je me concentrais sur la connaissance de ces gens…

« Tu as l’air assez jeune, mais si tu es de rang A, je suppose que tu peux te défendre dans un combat. Quelle est ta spécialité ? »

« Eh bien… dans mon ancien groupe, j’étais resté à l’arrière de notre formation. Je suis bon pour soutenir les combattants de première ligne avec ma magie. »

« Alors, ça semble parfait. On pensait justement que notre groupe pourrait avoir besoin de quelqu’un d’autre à l’arrière. »

En fin de compte, accepter l’offre de cette Suzanne était une bonne idée.

« Alors d’accord… Je vais venir, si vous voulez bien de moi. »

« Fantastique. Alors, prenons le reste de la journée pour nous préparer. Et si on se retrouvait à la porte nord demain matin ? Nous t’informerons de notre formation pendant notre voyage. »

« Bien sûr. »

Tout cela m’avait paru un peu superficiel, mais ça ne m’avait pas dérangé.

Mais cette fille, Sarah, était toujours aussi renfrognée.

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