Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 11

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Chapitre 11 : Un démarrage en douceur

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Chapitre 11 : Un démarrage en douceur

Partie 1

Lorsque nous nous étions rendus à la porte d’entrée de la guilde des aventuriers le lendemain matin, un homme-lézard s’était immédiatement approché de moi.

« Oh, bonjour à vous. Je me suis déjà occupé de notre promotion. »

Pendant un moment, je n’avais aucune idée de qui ce type était censé être, mais j’avais remarqué la dame aux yeux d’insecte à côté de lui et j’avais réalisé que c’était les voleurs d’hier. Ils s’appelaient… Jalil ? Et Vizquel, si je me souvenais bien ?

Pour ma défense, il était difficile de distinguer un visage d’un autre ici. Il y avait une tonne de lézards dans cette ville, et le fait que ces deux-là portaient une armure de cuir au lieu des vêtements civils qu’ils portaient la veille n’aidait pas. Ils semblaient totalement différents lorsqu’ils s’habillaient comme des aventuriers ordinaires plutôt que comme des citoyens ordinaires.

« Bonjour, Jalil. Merci beaucoup de t’en être occupé. »

« C’est quoi ce ton poli ? Vous me donnez la chair de poule… »

« Je parle juste avec respect. Cela pose-t-il un problème ? »

« Non, non… »

Tandis que je le regardais fixement, Jalil détourna vite les yeux.

« Content de te voir aussi, Vizquel. J’ai hâte de travailler avec toi. »

« Euh… d’accord. »

Vizquel fixait Ruijerd d’un air effrayé. Pour être justes, ses yeux lançaient des poignards. Eh bien…

« Alors, on rentre ? »

« Oui. Bien sûr », répondit Jalil d’un petit signe de tête nerveux.

Dès que nous avions mis les pieds à l’intérieur de la guilde elle-même, un certain cheval nous avait repérés et s’était mis à déambuler.

« Hé, salut ! »

« … Salut. »

Ce type traînait encore par ici… ? Sérieusement, comment gagnait-il de l’argent ?

« Oh hoh, qu’est-ce que c’est ? Tu es avec les P Hunter aujourd’hui, hein ? »

« Salut, Nokopara. Ça fait un bail. »

Apparemment, l’homme cheval et notre nouvel ami lézard étaient des connaissances.

« Ouais, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu, Jalil. J’ai entendu dire que tu as été promu au rang C ! Es-tu sûr que ce soit une bonne idée ? Tu sais que tu ne seras plus capable de faire ces petits boulots ? »

Faisant une pause, Nokopara posa son regard sur Jalil et ensuite sur moi, puis il hocha la tête avec un hennissement semblable à celui d’un cheval.

« Maintenant, je comprends. Pas étonnant que tu aies réussi cette quête d’animaux perdue hier, fiston ! Tu as dû convaincre les P Hunter de t’aider, non ? »

« P Hunter » était probablement le nom du groupe de Jalil. Ça avait l’air d’aller.

« Oui, exactement ! On les a croisés hier alors qu’on cherchait cet animal, et ils nous ont proposé de nous montrer les ficelles ! », avais-je dit.

« Oh hoh. Le timide petit Jalil a trouvé des apprentis maintenant ? Et l’un d’eux est même un faux Superd ! Guhuhuh… »

L’homme cheval était trop heureux d’avoir acheté mon mensonge sans effort. Il avait mal compris la situation d’une manière assez commode pour nous. Après avoir gloussé un moment, il s’était penché pour regarder autour de Jalil.

« Hé, je ne vois pas Roman avec toi aujourd’hui. Où est-il passé ? »

« Ouais… Roman, euh… est mort. »

« Ah, j’ai compris. C’est dommage. »

Roman était probablement le nom de cet homme que Ruijerd avait tué. Nokopara n’avait pas l’air particulièrement secoué par les nouvelles. Peut-être que l’annonce de la mort d’un aventurier n’était pas si importante dans ce genre de travail. Étais-je le seul à l’avoir pris aussi sérieusement ? Jalil et Vizquel semblaient aussi relativement indifférents sur le sujet.

« Si tu as perdu Roman, pourquoi voudrais-tu augmenter ton rang maintenant ? Ce type était le meilleur combattant de ton groupe, n’est-ce pas ? »

« Eh bien, je… » Jalil me jeta un regard nerveux. Voyant cela, Nokopara laissa sortir un autre hennissement.

« Ah, oui, je comprends pourquoi. Tu n’as pas à répondre à ça. Il est évident que tu veuilles avoir l’air d’un gros bonnet devant tes nouveaux apprentis ! »

C’était presque impressionnant de voir à quel point il avait bien emballé les choses pour lui-même. Avec quelques claques amicales sur le dos de Jalil, Nokopara s’était finalement retourné et se dirigea vers les tables. Je pouvais entendre l’homme-lézard pousser un petit soupir de soulagement.

Sérieusement, c’était quoi son problème ? Il nous harcelait constamment. Il avait le béguin pour moi ou quoi ? Non… au contraire, il semblait passer plus de temps à regarder Ruijerd. Peut-être qu’il avait un faible pour les hommes robustes à cicatrices ?

D’une façon ou d’une autre, j’en doutais.

« Très bien. Et si on allait tous ensemble jeter un coup d’œil au tableau des quêtes ? »

Au fur et à mesure que nous avancions dans la guilde, quelques personnes nous toisaient avec des regards bizarres. Pour l’instant, il valait mieux faire semblant de ne rien remarquer. Comme nous étions apparemment tous les trois des « apprentis » maintenant, je m’étais fait un devoir de poser quelques questions à Jalil et Vizquel quand nous avions regardé les emplois de rang D au rang B.

« Y a-t-il une différence entre les tâches de “récolte” et de “collecte”, les gars ? »

« Hein ? Bien sûr. Je suppose que ce qu’ils appellent récolte consiste en une cueillette des plantes, et que les collectes consistent surtout en des exterminations de monstres… »

La réponse de notre nouveau mentor était un peu vague, mais elle semblait à peu près exacte. Les travaux de récolte semblaient surtout impliquer la recherche d’herbes médicinales et autres… alors que la collecte était plutôt un fourre-tout pour d’autres types de « quêtes de recherche de mobs ».

« Oh, c’est vrai. Ruijerd ? »

« Qu’est-ce qui se passe ? »

« Je suis désolé, mais je pense qu’il faut qu’on se concentre sur notre gain d’argent et notre augmentation de rang pendant un moment. »

« … Pourquoi t’excuses-tu auprès de moi ? »

« Parce que nous mettons cette autre affaire en veilleuse. »

J’avais dit à Jalil et Vizquel de faire passer le mot sur Dead End. Je ne m’attendais pas à grand-chose à cet égard. J’avais brièvement envisagé de les microgérer pour m’assurer qu’ils aidaient les gens avec le sourire, mais, fondamentalement, il me semblait plus intelligent de ne rien faire. Tant que nous garderions nos distances avec ces deux-là, nous pourrions les jeter si cela devenait nécessaire. Même si leurs activités criminelles étaient révélées, et même s’ils essayaient de rejeter le blâme sur Dead End, on se moquerait d’eux, après tout, ils étaient beaucoup mieux classés que nous, et tout le monde savait déjà que Ruijerd était un « faux ».

« Ce n’est rien, Rudeus. Je comprends. »

Comme Ruijerd ne soulevait aucune objection, j’avais choisi quelques emplois en consultation avec Jalil.

◇ ◇ ◇

Après avoir échangé quelques mots de salutation avec les gardes de la porte, nous avions quitté la ville tous les trois.

Dans les environs de Rikarisu, il semblerait que les Coyotes Pax, les loups acides, les grandes tortues et les tortues géantes de pierre étaient vos meilleurs paris quand il s’agissait de chasser les monstres. Vous deviez tuer la plupart du temps les Coyotes Pax pour leurs peaux, les loups acides pour leurs crocs et leurs queues, les grandes tortues n’étaient que des tas de viande ambulants, et vous pouviez trouver des pierres magiques dans les tortues géantes de pierre. Nous avions décidé d’ignorer les Grandes Tortues cette fois-ci, principalement parce que leur viande était absurdement lourde.

Les tortues géantes de pierre étaient nos cibles prioritaires. Les pierres magiques que vous avez obtenues d’elles étaient petites, mais précieuses, ce qui permettait des chasses très efficaces. Le seul problème, c’est qu’il s’agissait de monstre assez rare à l’époque et qu’on ne pouvait pas en trouver trop près des endroits où vivaient les gens.

J’avais fini par accepter un travail de ramassage de peaux de Coyotes Pax à la guilde. Tout bien considéré, cela semblait être notre meilleure chance, puisqu’ils étaient souvent dans des groupes de taille décente, ce qui vous permettait de tirer un joli profit en une seule bataille.

Bien sûr, cela n’avait fait que rendre les choses un peu plus efficaces, étant donné que nous devions les retrouver et les dépecer… donc si nous rencontrions des Loups Acides là-bas, j’avais aussi l’intention de les chasser. Nous n’avions pris aucun travail de ramassage de matériel, mais avec les quêtes de collecte, vous pouviez faire une tache de collecte avant même d’accepter un travail. Une fois que vous aviez assez de matières premières, vous pouviez vous charger de la tâche et les apporter directement au comptoir d’achat de la guilde.

Quoi qu’il en soit… les Pax Coyotes étaient notre cible principale pour le moment. D’habitude, il y en avait une dizaine par groupe au maximum. Étant donné le temps qu’il fallait pour les retrouver et les dépecer par la suite, j’avais d’abord pensé que nous ne pourrions pas en tuer autant en une seule journée.

Après avoir pourchassé et dépecé notre premier groupe, Ruijerd commença à rassembler leurs cadavres en piles. Au début, je ne comprenais pas ce qu’il faisait.

« Peux-tu répandre l’odeur en utilisant la magie du vent, Rudeus ? »

Ah. Maintenant, tout a un sens. Nous allions utiliser l’odeur de leur sang pour attirer d’autres monstres à cet endroit. J’avais commencé à répandre l’air dans différentes directions, annonçant notre tas de viande fraîche à toute la région environnante.

« Les tortues géantes de pierre ne peuvent pas être attirées de cette façon, mais on devrait au moins attirer tous les Coyotes Pax dans les environs. »

Le coup était parti comme Ruijerd l’avait dit. À la fin de la journée, nous avions tué plus d’une centaine de Coyotes Pax, suffisamment pour que je me demande si nous n’avions pas pu les éradiquer complètement de cette région.

Ce fut une entreprise très mouvementée. Ruijerd et Éris massacrèrent vague après vague les monstres pendant des heures. Et je m’étais accroupi derrière eux, travaillant fébrilement pour dépecer ces foutus trucs.

C’était un travail exténuant et répétitif. Après une trentaine de peaux, mes bras devinrent lourds, mes épaules commencèrent à me faire mal, et l’odeur du sang devint carrément nauséabonde. En me divertissant avec des fantasmes de monstres qui s’étaient instantanément transformés en or une fois que leur HP avait atteint zéro, j’avais réussi à lutter pendant un certain temps, mais j’avais dû arrêter après environ soixante-dix peaux.

À ce moment-là, j’avais échangé ma place avec Éris.

Tuer les Coyotes Pax avec de la magie s’était avéré beaucoup moins pénible que de les dépecer. J’avais pris les choses une par une pendant un certain temps, ajustant lentement la puissance de mes sorts pour éviter de les couper en deux ou de faire trop de dégâts à leurs peaux. Ce n’était vraiment pas mon genre de travail. En fait, cela impliquait de rester pleinement concentré sur une chose.

Mais au moment où je commençais à m’amuser, Éris jeta l’éponge, ayant réussi peut-être trente peaux. De toute évidence, elle était encore moins faite pour le travail manuel que moi.

J’avais supposé que Ruijerd s’occuperait du dépeçage maintenant, mais à ce moment-là, nous avions presque trop de peaux, le tas devenait difficile à manier. Nous avons pris la décision de commencer à ramener les choses dans la ville, un travail qui nécessiterait de multiples déplacements.

« Attendez. Avant ça, on devrait brûler les cadavres. », dit Ruijerd.

« Tu veux les brûler ? Ne veux-tu pas faire quelque chose comme les rôtir ? »

« La viande de Coyote Pax est vraiment immonde. On va juste les incinérer et les enterrer. »

Quand vous laissiez traîner une pile de cadavres, cela servait de nourriture à d’autres monstres, les encourageant à se multiplier. Le simple fait de les incinérer ne suffisait pas à dissuader les monstres de les manger, et si on les enterrait, ils reviendraient apparemment sous le nom de « Coyotes Zombies ». En conséquence, il fallait brûler les choses et les enterrer par la suite.

Un joli petit plan m’était venu instantanément à l’esprit :

  1. Tuez Pax Coyotes. Prends des peaux.

  2. Enterrer les corps tels quels, ce qui produira des tonnes de coyotes zombies.

  3. Attendre qu’une quête de tueur de Coyotes Zombies soit affichée à la guilde.

  4. Profit !

Malheureusement, Ruijerd rejeta la suggestion. Il semblerait que le fait de permettre délibérément aux monstres de se multiplier était un tabou majeur dans ces régions.

J’aimerais qu’ils écrivent ces petites règles locales quelque part, mec…

« Mais on n’a pas fait ça pour les monstres qu’on a tués pendant notre voyage ici, hein ? »

« Ce n’est pas nécessaire quand on n’en a tué que quelques-uns. »

Ça semblait être une règle terriblement vague. Pourtant, une pile de cadavres en décomposition d’une telle ampleur semblait également être problématique du point de vue de la santé publique. Comme je n’avais pas trouvé de motif réel d’objection, j’avais incinéré les cadavres.

Le temps que nous finissions de ramener nos fourrures à la ville, le soleil se couchait. Notre première chasse était enfin terminée. Elle avait été très productive. J’étais prêt à retourner directement à l’auberge afin de dormir un peu.

Est-ce que j’allais vraiment être dehors à dépecer des douzaines de ces choses demain, par contre ? J’avais l’impression qu’on avait mérité un jour de congé…

« On a gagné une belle somme aujourd’hui, hein ? Faisons encore mieux demain ! »

Mais devant l’enthousiasme d’Éris, je n’avais pas pu me résoudre à ne pas être d’accord.

***

Partie 2

À peine trois jours plus tard, le groupe « Dead End » avait été formellement promu au rang E.

« Joli travail. »

Après quelques mots d’appréciation, j’avais donné à Jalil un dixième de l’argent que nous avions gagné à la chasse ce jour-là.

« Merci, mec. »

On s’était mis d’accord sur 10 %, mais… ça ne semblait pas si cher que ça. Quand j’avais demandé à Jalil s’ils s’en sortaient vraiment, il m’avait expliqué qu’il n’était pas seulement un aventurier de métier, mais qu’il exploitait aussi une entreprise en ville.

« Quel genre d’affaires ? »

« Euh, une animalerie. »

Oh wôw. D’abord tu les vends, puis tu les voles ? C’est un peu flippant, mec.

« Ne fais rien de mal, d’accord ? »

« Oui, je sais. »

De toute façon, le commerce des animaux était apparemment un commerce légitime. Ils attrapaient des animaux errants dans la ville, les entraînèrent un peu, puis les vendaient comme animaux de compagnie. Jalil était un membre de la race Rugonienne, un peuple réputé pour son savoir-faire en matière de domptage de bêtes. Avec l’aide de techniques transmises de génération en génération, il pouvait soi-disant « domestiquer » n’importe quoi, d’un chien errant à une fière guerrière bestiale.

Bonté divine, quelle tribu méchante !

Heureusement qu’Éris et Ruijerd étaient ici avec moi, sinon j’aurais pu finir par ramper à ses pieds et lui demander des pourboires.

Abstraction faite de tout cela, cette animalerie semblait être une exploitation rentable, avec un côté avantageux pour la ville, puisqu’il enlevait des animaux potentiellement dangereux des rues.

« Alors, euh. Pourquoi as-tu commencé à enlever des animaux de compagnie si tu avais déjà un travail légitime ? »

« Au début, on prenait juste ceux qui se sont perdus, mais… je suppose que quelque chose nous a pris. »

Bien sûr. Ça avait dû être tentant une fois qu’ils avaient eu l’idée en tête. Et une fois qu’ils avaient cédé à cette tentation, tout s’était effondré à partir de là.

« De toute façon, n’est-ce pas difficile de tenir un magasin tout en travaillant comme aventuriers ? »

« Non, pas vraiment. On a assez d’animaux de compagnie pour durer un moment. »

Apparemment, ils ne gardèrent le magasin ouvert que jusqu’au début de l’après-midi, puis ils se mettaient à accomplir les tâches de la guilde pour le reste de la journée.

« Eh bien, de toute façon je suppose que ce ne sont pas mes affaires. Tant que tu continues à faire ton travail. »

« Ne t’inquiète pas, chef, nous sommes des aventuriers à part entière. Et nous nous assurons de faire passer le mot sur Dead End également. »

Hmm. Si tu le dis…

◇ ◇ ◇

Nous nous étions déjà fait un peu d’argent de poche, alors il me semblait qu’il était temps d’acheter de nouveaux vêtements et une armure de combat.

Tout d’abord, nous avions choisi des vêtements auprès d’un vendeur de rue.

Éris n’avait pas mis longtemps à se décider. Elle voulait juste quelque chose de solide, mais léger et facile à enfiler, critère qui l’avait amenée à choisir un pantalon moins qu’élégant.

Cela me semblait un choix judicieux, surtout dans les circonstances actuelles, mais j’avais aussi l’impression qu’il n’y aurait pas de mal à avoir au moins une option « féminine ». Quand j’avais montré à Éris une robe rose pâle à froufrous que j’avais aperçue dans un coin du magasin, celle-ci me montra un visage écoeuré.

« … Veux-tu vraiment que je porte quelque chose comme ça ? »

« Ça ne peut pas faire de mal d’avoir au moins une robe de fille, non ? »

« Ah oui ? Et si tu achetais quelque chose de viril, Rudeus ? »

Elle me donna un gilet en fourrure. Ça ressemblait à un vêtement qu’un bandit de montagne pourrait porter.

Hmm. Donc si je mettais ce truc, Éris porterait une robe à froufrous ?

Pendant une seconde cela ne m’avait pas semblé être une mauvaise affaire, mais ensuite, je m’étais imaginé tous les deux côte à côte dans nos nouvelles tenues et j’avais immédiatement abandonné l’idée.

Une fois que nous avions fini d’acheter des vêtements, nous nous étions rendus dans un magasin d’armure.

Éris n’avait pas encore subi de blessures graves au combat, et je pouvais utiliser la magie de guérison pour traiter les blessures mineures, alors j’avais l’impression qu’elle n’avait pas vraiment besoin d’armure. Mais quand Ruijerd m’avait dit ceci : « Tes sorts ne peuvent pas guérir des blessures mortelles ou restaurer un membre manquant, et Éris n’est toujours pas habituée à la bataille. La complaisance et l’insouciance peuvent coûter la vie à de jeunes guerriers. » Ce n’était pas une bonne idée pour elle de se passer de matériel défensif.

Le magasin d’armures était un grand et impressionnant établissement, quoiqu’encore un peu plus grossier que les magasins que j’avais vus à l’époque à Asura. Les marchandises exposées à l’intérieur étaient universellement plus chères que celles que l’on pouvait se procurer chez les vendeurs ambulants de la ville. Les échoppes et les chariots étaient le meilleur choix pour des articles moins chers, et parfois vous découvrirez un joyau caché parmi les tas de ferraille, mais les magasins comme celui-ci offraient une qualité fiable et une sélection supérieure. Ils avaient aussi une grande variété de tailles… ce qui était très utile, étant donné que nous étions tous les deux des enfants.

« Protéger ton cœur est très important, alors je pense qu’on devrait prendre la meilleure qualité possible… »

En ce moment, nous étions en train de choisir un plastron pour Éris. Il y en avait une grande variété, en particulier pour les guerrières, conçue pour s’adapter aux personnes ayant des tailles de poitrine différentes.

« Ça m’a l’air bien. Qu’en penses-tu, Rudeus ? » dit Éris tout en prenant un modèle en peau de bête qui lui allait parfaitement.

Puisqu’elle me le demandait, j’allais regarder. Hmm… Pas mal.

« Tu devrais en prendre un plus grand d’une taille. »

« Pourquoi ? »

Allez, réfléchis-y.

« Nous sommes encore des enfants en pleine croissance. Tout ce qui te va parfaitement en ce moment sera trop petit en un rien de temps. »

J’avais choisi une cuirasse similaire dans une taille légèrement plus grande et je l’avais donnée à Éris.

« C’est tout lâche sur moi… »

« Non, il te va bien. Ne t’inquiète pas pour ça. »

Éris se plaignait en murmurant, puis elle commença à choisir d’autres morceaux d’armure pour diverses parties de son corps. Tous les combats que nous avions menés dernièrement lui avaient donné une idée des endroits où elle était la plus vulnérable aux blessures. Il n’était pas difficile de trouver du matériel pour protéger ses articulations et ses organes vitaux.

Cependant, sa tête posait plus un dilemme. Un casque trop lourd ne ferait que la ralentir. Mais nous ne voulions pas laisser une partie aussi importante de son corps sans défense.

« Pourquoi pas quelque chose comme ça ? » lui ai-je dit, lui présentant un casque intégral qui me rappelait l’un des méchants frères Hokuto.

« Aucune chance », dit-elle avec une grimace.

Les enfants de nos jours. Aucune appréciation des classiques.

Nous avions continué à essayer toutes sortes de casques différents, mais Éris rejeta chacun d’entre eux pour des raisons de lourdeur, de laideur, d’odeur, ou parce qu’il la vision était rendue trop difficile. En fin de compte, elle avait opté pour une sorte de bandeau, avec des plaques de fer cousues à l’intérieur pour offrir une certaine protection.

Bien sûr, le capuchon que nous avions acheté la dernière fois ne servait qu’à cacher ses cheveux roux qui attiraient le regard. Cela n’avait aucun intérêt d’un point de vue défensif.

« Je suppose que c’est tout. Qu’en penses-tu, Rudeus ? Ai-je l’air d’une aventurière ? »

Avec l’épée coupante que Rowin nous avait donnée, attachée à sa hanche, Éris virevolta pour montrer son nouvel ensemble d’armure légère. Pour être tout à fait honnête, ça ressemblait un peu à un cosplay… d’autant plus que ce plastron n’allait pas très bien.

« Magnifique, mademoiselle. Tout simplement splendide. Tu es l’image même d’une guerrière aguerrie. »

« Tu le penses vraiment? Hehehehe... »

Éris posa les mains sur ses hanches et se regarda avec un sourire satisfait. Pendant qu’elle savourait le moment, j’avais marchandé le prix de son équipement jusqu’à une pièce de fer. Ce n’était pas un achat mineur, mais nous achetions une armure complète ici.

« D’accord, Rudeus ! Tu es le prochain ! »

« Je ne pense pas avoir vraiment besoin de quoi que ce soit, pas vrai ? »

« Bien sûr que si ! Tu es un magicien, alors tu devrais avoir une robe ! »

J’avais eu l’impression qu’Éris avait une certaine prédilection pour les histoires où un jeune guerrier héroïque se lançait dans une aventure avec un ami d’enfance magicien à ses côtés. Il y avait des nuits où la jeune fille ne dormait presque pas, mais elle était certainement courageuse pendant la journée.

Ah eh bien. Je suppose que je vais jouer le jeu.

« Hé, monsieur. Avez-vous des robes qui me vont ? »

Le vieux propriétaire de l’atelier d’armure se promena silencieusement et ouvrit une de ses armoires.

« Ici. C’était fait pour des hobbits. »

À l’intérieur, il y avait une grande variété de robes colorées, toutes avec des motifs légèrement différents. Il semblait y avoir cinq teintes : rouge, jaune, bleu, vert et gris. Aucune n’était particulièrement éclatante.

« Est-ce que la couleur fait une différence ? »

« Les colorés ont des poils de monstres tissés dans le tissu. Ça vous donne un peu de protection contre un élément spécifique. »

« OK, donc le rouge protégeait du feu, et le jaune protégeait de la terre… Euh, et pour le gris ? »

« C’est juste du tissu uni. »

Ah. Pas étonnant que ce soit à moitié prix. Le coût des autres couleurs variait aussi légèrement. Cela avait probablement quelque chose à voir avec les matériaux qu’ils avaient utilisés pour les fabriquer.

« Alors je suppose que tu en voudrais une bleu, Rudeus ! », dit Éris.

« Hmm, je me le demande… »

En combat rapproché, j’avais l’habitude d’utiliser des explosions pour me faire voler dans les airs. Peut-être que le rouge ou le vert serait mieux ? Hmm… stop où encore ?

« Quel genre de sort connais-tu, mon garçon ? »

« Je peux utiliser n’importe quel type de magie d’attaque. »

« Hmm. Eh bien, c’est quelque chose. Et moi qui pensais que tu n’étais qu’un gamin… D’accord. Celui-là pourrait te coûter un peu plus cher, mais… »

Après avoir fouillé un moment dans les robes, le vieil homme en sortit une qui était d’une nuance de gris nettement plus foncée.

« C’est une vraie peau de Rat Mackey. »

« Mackey… Râteau ? »

« J’ai dit rat, gamin. Pas râteau. »

L’image d’un homme amical en short rouge vif flotta brièvement dans mon esprit. Je secouai violemment cette image de la tête jusqu’à ce qu’elle disparaisse. La robe ressemblait plus à un tissu qu’à la peau d’un animal, mais c’était probablement la nature même de la matière.

« Quels sont les avantages de celle-ci ? »

« Elle n’offre aucune protection spéciale contre la magie, mais c’est dur comme l’enfer. »

Je l’avais enfilée, juste pour voir ce que ça faisait.

« C’est un peu trop grand pour moi. Il n’y en a pas de plus petites ? »

« C’est la plus petite que j’ai. »

« Ils doivent en faire pour les enfants, non ? »

« Pourquoi le feraient-ils ? »

Je savais maintenant ce que ce petit judoka avait dû ressentir quand il avait essayé de mettre un costume normal pour la première fois. Ah eh bien. J’étais encore un garçon en pleine croissance, alors peut-être que c’était bien. Au moins, la chose semblait être faite d’un matériau de qualité… D’après le toucher, elle offrirait probablement une certaine protection contre les armes.

J’avais un peu aimé le fait qu’elle avait été fabriquée à partir d’un rongeur à la peau grise aussi. Ça collait bien avec mon nom de famille.

« Hmm, OK. Peut-être que je vais prendre celle-là. »

« Tu aimes ça, hein ? Cela fera huit pièces de ferraille. »

« Eh bien, voyons voir… »

Après avoir marchandé avec le vieil homme du mieux que je pouvais, j’avais fini par acheter la robe pour six pièces de ferraille.

Pendant que nous y étions, j’avais aussi pris deux autres bandeaux comme celui d’Éris, mais de couleurs différentes. Ceux-là étaient pour Ruijerd et moi. On pourrait en utiliser un pour cacher cet œil sur son front si jamais on en ressentait le besoin.

Pourquoi en avais-je besoin, me demanderez-vous ?

Vous savez que ce n’est pas drôle d’être catalogué comme homme bizarre ?

***

Partie 3

J’avais d’ailleurs demandé à Ruijerd d’espionner Vizquel pendant qu’Éris et moi faisions nos courses. Je n’attendais pas grand-chose d’elle et de Jalil, mais selon leur comportement, il était possible que notre réputation soit gravement entachée. Il m’avait semblé prudent d’au moins vérifier ce qu’ils faisaient.

Quand je l’avais expliqué à Ruijerd, celui-ci m’avait répondu que je n’aurais jamais dû m’associer à eux si j’étais si inquiet pour leur caractère. C’est tout à fait juste. Mais d’un autre côté, l’entente que nous avions conclue avec eux nous avait procuré d’importants avantages financiers. Pour le moment, un peu de paranoïa semblait être un prix raisonnable.

Nos amis voleurs du dimanche s’acquittaient admirablement de leur tâche. Ils avaient même abordé les emplois de rang F avec une attitude positive et une diligence surprenante.

Aujourd’hui, Vizquel avait fait un travail d’extermination d’insectes. Son objectif était d’éradiquer une infestation d’animaux détestables qui avaient occupé la cuisine de quelqu’un. Vizquel était une membre de la race Zumeba dont la salive était toxique, mais aussi très attirante pour toutes sortes d’insectes. Tout insecte qui l’ingérait mourait ou devenait totalement immobile, ce qui donnait à la Zumeba une collation savoureuse.

En d’autres termes, Vizquel était née pour faire ce genre de travail.

La cliente était une femme âgée, apparemment têtue et grincheuse, qui n’arrêtait jamais de froncer des sourcils. Ruijerd avait l’impression qu’elle n’hésiterait pas à chasser tous ceux qui lui déplaisaient, même pour un petit détail.

On n’en était pas arrivé là, bien sûr. Vizquel s’était immédiatement mis au travail et avait efficacement annihilé les insectes. Ruijerd avait confirmé après coup qu’il n’y avait plus un seul insecte vivant dans la maison de la vieille femme. Vizquel avait même bouché quelques trous avec une sorte de substance filiforme, comme mesure préventive contre l’invasion de l’extérieur.

« Merci, Vizquel. Ces choses me rendaient folle. »

« Pas de problème. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, souviens-toi du nom de Dead End Ruijerd, d’accord ? »

« Dead End Ruijerd ? Est-ce le nom de ton nouveau groupe ? »

« Oui, plus ou moins. »

Après avoir fait de la publicité pour notre marque, Vizquel avait remis à la vieille dame quelques morceaux d’appât supplémentaires faits à partir de sa salive, puis elle avait poliment pris congé. Son travail terminé, elle nous avait rapidement rejoints à la guilde pour s’occuper de l’échange des récompenses.

« On dirait qu’elle fait du bon boulot, hein ? »

« … Oui. »

Je ne m’attendais certainement pas à ce niveau de perfection. Non seulement Vizquel connaissait déjà le client, mais elle s’était surpassée dans le service à la clientèle. Cela m’avait probablement laissé une bien meilleure impression que mon numéro de vendeur de porte à porte improvisé.

« Hmm. Je suppose donc qu’ils ne sont pas pourris jusqu’à la moelle, Ruijerd. »

« Peut-être pas. »

Pour être honnête, j’avais aussi été un peu méfiant à leur égard, mais je supposais que nous n’en demandions pas tant que ça. Ils se contentaient de faire un travail ordinaire et mentionnaient « Dead End » à la toute fin. Si nous leur avions fait croire que coopérer avec nous signifiait de l’argent facile pour eux, c’était pour le mieux. Ça les rendrait aussi moins susceptibles de nous trahir.

« Cependant, le fait est qu’ils ont commis beaucoup de mauvaises actions. »

« Oui, tu as raison. Mais en ce moment, ils sont en train de faire un travail honnête… tout comme toi, Ruijerd. »

« Mm… »

Être un « criminel » ne signifie pas que vous êtes irrécupérable. Cela s’appliquait à eux autant qu’à Ruijerd et à moi-même. C’était un bon signe qu’ils avaient cessé d’enlever des animaux de compagnie même si nous ne leur avions pas dit de le faire.

Cela dit, nous n’en étions qu’au troisième jour de ce partenariat. Le souvenir d’avoir côtoyé la mort était encore frais dans leur esprit.

« Bien sûr, ils ne jouaient peut-être le jeu que pour le moment. On devrait continuer à les surveiller comme ça chaque fois que quelque chose change. »

Ruijerd fronçait son front à ce sujet.

« Tu as uni tes forces à celles de ces gens. Ne leur fais-tu pas confiance ? »

« Bien sûr que non. Les seules personnes en qui j’ai confiance dans toute cette ville sont toi et Éris, Ruijerd. »

« … je vois. »

Il avait commencé à tendre la main vers ma tête, mais il s’était arrêté.

J’avais confiance en Ruijerd, mais j’avais l’impression de commencer à perdre la sienne.

Mais je pourrais vivre avec ça. Mon but était de retourner au royaume d’Asura avec Éris. Je ferais de mon mieux pour améliorer la réputation des Superds autant que je le pouvais, mais gagner le respect de Ruijerd ne faisait pas partie de ma liste d’objectifs prioritaires.

« Alors, pourquoi ne rentre-t-on pas ? »

Nous repartions vers notre auberge par des rues éclairées uniquement par des pierres lumineuses.

Tout bien considéré, notre carrière d’aventurier avait démarré en douceur.

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