Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : L’artiste escroc qui se prétendait être un Dieu

J’étais en train de rêver. 

Dans ce rêve, je volais dans les airs, tenant Éris dans mes bras. Mon esprit était flou, mais je savais que je volais. Le monde qui m’entourait était une masse de formes et de couleurs en constante évolution. Je m’étais propulsé dans l’air comme une onde sonore ou une particule de lumière, mon corps rebondissant au hasard dans différentes directions. 

Je ne savais pas pourquoi c’était arrivé. Mais j’étais certain d’une chose : peu importe ce que j’essayais, j’allais finir par perdre de la vitesse et plongerai au sol.

Alors je m’étais concentré. J’avais regardé le paysage toujours changeant en dessous de nous, essayant de trouver un endroit relativement sûr pour atterrir.

Pourquoi avais-je ressenti le besoin de faire cela ? Bonne question. Quelque chose en moi criait que je devais le faire, si je voulais survivre.

Pourtant, nous allions beaucoup trop vite. C’était comme regarder dans les bobines d’une machine à sous, sauf que tout bougeait beaucoup, beaucoup trop vite. En me concentrant plus intensément, j’avais accumulé de l’énergie magique dans mes yeux… et pendant un instant, nous avions soudainement ralenti.

Oh merde. Je vais tomber.

La panique hurla dans ma poitrine, et je pouvais maintenant voir clairement la terre en dessous de moi. J’avais besoin de trouver un champ. Tomber dans la mer ou s’écraser sur une montagne ne serait pas une bonne chose. Les forêts étaient évidemment dangereuses, mais si je réussissais à viser un champ…

Je m’étais forcé à descendre, en espérant le meilleur. Notre vitesse diminuait rapidement alors que je plongeais vers une étendue de terre brun-rougeâtre.

Un instant plus tard, je perdis connaissance.

◇ ◇ ◇

Quand j’avais ouvert les yeux, je m’étais retrouvé dans un espace vide d’un blanc pur. J’avais tout de suite su que ce n’était pas réel. Ça devait être une sorte de rêve lucide. Pourtant, pour une raison quelconque, mon corps me semblait étrangement lourd.

« … Hein ? »

Je m’étais regardé et mes yeux s’étaient ouverts. J’étais de retour dans mon ancienne forme familière, celle dans laquelle j’avais vécu pendant trente-quatre ans.

En la voyant, des souvenirs de ma vie antérieure me revinrent à la mémoire. J’étais la même ordure amère, vile, anxieuse et égoïste que j’avais toujours été. Les dix années que j’avais passées en tant que Rudeus m’avaient soudainement semblé n’être rien de plus qu’un rêve.

Une vague de déception écrasante s’était abattue sur moi. J’étais redevenu pathétique et j’avais trouvé ce fait trop facile à accepter.

Alors c’était vraiment un rêve, hein… ?

Mais si ce n’était vraiment qu’un rêve, celui-ci avait duré très longtemps. Mais au bout du compte, c’était trop beau pour être vrai. J’étais né dans une famille aimante, et j’avais réussi à me lier d’amitié avec des filles très mignonnes. Des résultats assez décents pour une période de 10 ans. Mais je voulais profiter un peu plus de cette vie.

Eh bien… Je suppose que c’est fini maintenant.

Je sentis que les souvenirs de mon temps où j’étais Rudeus commençaient à s’estomper. Une fois réveillé, même le meilleur des rêves s’évanouissait en un rien de temps.

Est-ce que je m’attendais vraiment à quelque chose de différent ? S’il vous plaît. Une vie douce et heureuse comme celle-là n’avait jamais été envisagée pour un gars comme moi.

◇ ◇ ◇

Finalement, j’avais remarqué qu’une personne bizarre était apparue devant moi. L’individu en question avait un visage vide et blanc, marqué seulement d’un grand et large sourire.

Peut-être que « blanc » n’était pas le bon mot. Je n’arrivais tout simplement pas à discerner des traits distinctifs. Quand je regardais une partie spécifique de ce visage, elle glissait instantanément hors de ma mémoire, mon esprit refusait de former une image de cette personne. J’avais presque l’impression que cette… personne était brouillée par une mosaïque pixelisée.

Pourtant, j’avais senti que j’avais affaire à quelqu’un de calme et de patient.

« Salut. Enchanté de te rencontrer, Rudeus. »

Hm. J’étais tellement occupé à me sentir désolé et maintenant, voici qu’un gars du type porno bizarrement censuré me causait.

En fait, cette voix était plutôt ambiguë. Ça pourrait être un homme ou une femme. Allons-y avec la fille ! Ça rendra ce truc pixelisé un peu sexy, non ?

« Allô ? M’entends-tu ? »

Oh. Ouais. Bien sûr. Bonjour, enchanté de te rencontrer.

« Excellent. Content de voir que tu es si poli. »

Je n’ai pas vraiment parlé à voix haute, mais il semblerait que mon ami ici présent ait très bien entendu mes pensées. Autant continuer à communiquer de cette façon.

« Wôw. Rien ne t’étonne, n’est-ce pas ? »

Ce n’est pas du tout vrai.

« Ehehehe. Ne sois pas si modeste ! »

Passons à autre chose. Tu es… qui ou quoi, exactement ?

« Ne le vois-tu pas par toi-même ? »

Je ne vois pas grand-chose avec cette mosaïque. Euh, es-tu le puissant Sperman ou quelque chose comme ça ?

« Le puissant Sperman ? C’est qui, lui ? Est-ce qu’il me ressemble ? »

Oh, totalement. C’est un tas de pixels flous, tout comme toi.

« Hmm. Donc il y a aussi quelqu’un comme moi dans ton monde… »

Eh bien, non. Pas vraiment.

« Quoi ? OK, passons à autre chose. Je suis un Dieu. L’Homme-Dieu, pour être précis. »

Uh-huh. L’Homme-Dieu. C’est vrai.

« Je dois dire que tu n’as pas l’air très impressionné. »

J’étais en train de me demander pourquoi un Dieu perdrait son temps à discuter avec moi. Mais de toute façon, est-ce que ton arrivée n’est pas un peu trop tardive ? Dieu est censé faire son apparition au premier chapitre, non ?

« Le premier chapitre… ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Peu importe, ce n’est rien. S’il te plaît, vas-y.

« D’accord. Bref, ça fait un moment que je te surveille. Tu as vécu une vie intéressante ! »

C’est toujours amusant de jeter un coup d’œil, n’est-ce pas ?

« Oh, ça a été une joie. Et c’est pourquoi j’ai décidé de prendre soin de toi. »

Tu t’occupes de moi ? Mince, merci. Tu parles d’une condescendance… Je suis quoi, ton animal de compagnie ?

« Allons, il n’y a pas besoin d’être si hostile ! Je te parle seulement parce que j’ai vu que tu avais de gros ennuis. »

C’est un signal d’alarme. Quiconque propose de régler tous vos problèmes quand vous avez du mal à le faire est un escroc.

« Non, non. Je suis de ton côté, mon ami. »

Hah ! Maintenant, on est amis ? Ne me fais pas rire.

J’ai rencontré des gens comme toi dans mon ancienne vie, mon pote. Des gens qui se sont glissés vers moi et m’ont dit : « Fais de ton mieux », ou bien : « Je veillerai sur toi. » Ils étaient tous des menteurs. Ils s’en foutaient complètement. Ils ont supposé que tout s’arrangerait automatiquement une fois qu’ils m’auraient attiré hors de ma chambre. Aucun d’entre eux n’a compris la source du problème. Tout ce que tu dis me fait penser à eux. Je ne te ferai jamais confiance.

« Mon Dieu, c’est un problème. Hmm… Dans ce cas, pourquoi ne te donnerais-je pas un petit conseil ? »

Un conseil, hein… ?

« C’est exact. N’hésite pas à l’ignorer complètement, si tu le veux. »

D’accord, j’ai compris. C’est donc ça, ton point de vue. J’en ai eu plein la dernière fois aussi. Les gens adoraient me donner des conseils. J’ai pensé qu’ils pourraient me donner un tas de conneries d’autoassistance et me concentrer sur autre chose que ma propre misère. Sérieusement, tu parles d’une erreur. Qu’est-ce que la pensée positive va me faire de bien maintenant ? J’ai dépassé le stade où mon état émotionnel va faire une différence. Devenir optimiste ne fait que m’exposer à plus de douleur.

Je veux dire, c’est un bon exemple ! Pourquoi me laisser rêver, bon sang ? Réalité alternative, mon cul ! J’ai eu une seconde chance dans la vie, et tu m’enlèves le tapis sous mes pieds ? Étais-tu obligé d’être aussi sadique !?

« Attends une seconde. Je pense que tu te méprends. Je veux t’aider dans ta vie actuelle, pas dans ton ancienne. »

… Hm ? Alors pourquoi je ressemble à ça ?

« C’est ta forme astrale. Elle est différente de ton corps réel. »

Ma… forme astrale… ?

« C’est vrai. Tu es parfaitement bien physiquement, bien sûr. »

Alors, ce n’est qu’un rêve ? Quand je me réveillerai, je ne me retrouverai plus dans ce corps merdique ?

« Exactement. Puisque tu rêves en ce moment, tu seras de retour à la normale à ton réveil. Te sens-tu mieux maintenant ? »

Phew. OK. Donc c’est juste un rêve bizarre…

« Ce n’est pas qu’un rêve. Je parle directement dans ton esprit en ce moment même. Difficile de croire que ton image mentale de toi-même est si différente de ton corps… »

De la télépathie, hein ? Eh bien, c’est entendu. Mais qu’est-ce que tu me veux vraiment ? Prévois-tu de me renvoyer dans mon ancien monde ? Puisque ma place n’est pas ici ?

« Ne sois pas ridicule. Je ne pouvais pas t’envoyer ailleurs que dans le monde à six faces, évidemment. »

Hmph. C’est peut-être évident pour toi, mais je suis dans le brouillard.

« Un point très raisonnable. »

Attends une minute. Si tu ne peux pas me renvoyer… tu ne peux pas être celui qui m’a réincarné dans ce monde, non ?

« Exact. La réincarnation n’est de toute façon pas vraiment mon domaine. C’est la spécialité d’un certain Dieu Dragon maléfique. »

Hrm. Nous avons aussi un dragon maléfique, hein… ?

« Bref, tu veux mon avis ou pas ? »

… Non merci.

« Hein !? Pourquoi pas ? »

Je ne sais pas ce qui se passe ici, mais tu es manifestement un personnage louche. Ça veut dire que je ferais mieux de t’ignorer complètement.

« Aw. Est-ce que j’ai vraiment l’air si louche ? »

Oh oui, bon sang. Tu ne pourrais pas mieux agir comme un escroc si tu essayais. Cela me rappelle les escrocs que j’avais l’habitude de rencontrer dans des MMO. Au moment où tu te laisses prendre dans une conversation, ils t’embrouillaient déjà la tête.

« Je ne suis pas un escroc ! Je ne te demanderai même pas de suivre mon conseil, comprends-tu ? »

C’est juste une autre partie de ta stratégie.

« Allez ! Fais-moi confiance ! »

Tu te plains terriblement pour une divinité. Regardez. Ce n’est même pas comme si je te vénérais, qui que tu sois. Le seul dieu qui m’importe, c’est celui qui a fait le miracle de ma réincarnation. Pourquoi ferais-je confiance à un autre type qui me vient à l’esprit et qui dit toutes sortes de conneries bizarres ? Oh, et les gens qui parlent de « confiance » sont toujours des menteurs. Cette sagesse est tirée d’un de mes livres préférés.

« Allez, ne sois pas si têtu. Donne-moi juste une petite chance. »

On dirait un ex-petit ami perdant qui essaie de se remettre avec la fille qui l’a largué. Écoute, mon pote. Combien de prières penses-tu que j’ai dites dans mon ancienne vie ? Tu n’es jamais venu à la rescousse à l’époque. Pas même une fois, jusqu’au jour de ma mort. Pourquoi me donner des conseils maintenant ?

« Je ne suis pas de ton ancien monde, tu t’en souviens ? Je suis un Dieu de ce monde, et je dis que je vais t’aider à partir de maintenant. »

C’est vrai. Et je dis que je ne peux pas vous faire confiance. Parler ne coûte pas grand-chose. Si tu veux que je te croie, montre-moi un miracle.

« N’est-ce pas un miracle ? Combien de personnes peuvent communiquer avec toi par tes rêves ? »

Qu’y a-t-il de si spécial dans une petite communication ? N’importe qui peut faire ça. Tu n’as qu’à écrire une lettre ou quoi que ce soit d’autre.

« Eh bien, c’est vrai. Mais est-ce vraiment une bonne raison pour que tu m’ignores ? À ce rythme, tu vas mourir. »

… je vais mourir ? Pourquoi ?

« Le continent des démons est un endroit assez rude. D’abord, il n’y a pas grand-chose à manger. D’autre part, c’est un endroit où grouillent de monstres, surtout comparés au Continent Central. Je sais que tu peux parler la langue, mais les choses fonctionnent plutôt différemment ici. Es-tu vraiment certain de pouvoir survivre ? »

Le continent des démons ? Quoi ? Attends. Tu veux dire cet énorme morceau de terre au bout du monde ? Pourquoi serais-je si loin ?

« Tu as été pris dans un énorme désastre magique. Tu as fini par te téléporter ici. »

Un désastre magique… ? Parles-tu de la lumière que j’ai vue ?

« C’est exact. »

C’était donc une sorte de sort de téléportation. Hmm.

… Attends, je ne suis pas le seul à avoir été frappé par ce truc. Je me demandais si tout le monde à Fittoa va bien. Le village Buena est assez loin de Roa, ils vont donc probablement bien… mais je m’inquiète toujours pour ma famille.

… As-tu une idée là-dessus, mon pote ?

« De toute façon, croirais-tu vraiment ma réponse ? Tu ne veux même pas écouter mes conseils. »

C’est un bon point. Tu mentiras probablement juste pour le plaisir.

« Tout ce que je vais te dire, c’est que tout le monde prie pour ta sécurité. Ils veulent tous que tu reviennes vivant. »

Eh bien… bien sûr. Bien sûr qu’ils le feraient.

« Hmmm. Y crois-tu vraiment ? N’y a-t-il pas une part de toi qui pense… qu’ils pourraient être heureux d’avoir la joie de te revoir ? »

Oui, je mentirais si je disais que ça ne m’avait pas traversé l’esprit. À la fin de ma dernière vie, tout le monde se fichait que je vis ou meurs. Et j’ai encore des problèmes d’estime de soi qui en découlent.

« Eh bien, les gens se soucient de toi dans ce monde. Tu ferais mieux de leur rendre la pareille et en un seul morceau. »

Oui. Tu as raison.

« Je ne te garantis rien, mais je pense que tu auras de bonnes chances de survivre si tu suis mon conseil. »

Attends. Avant d’en venir là, je veux savoir pourquoi tu fais ça. Pourquoi tiens-tu tant à moi ?

« Ciel, tu es obstiné… Je pense juste que les choses seront plus amusantes si tu restes en vie, d’accord ? N’est-ce pas suffisant ? »

Les gens qui ne pensent qu’à s’amuser ont tendance à être de vrais salauds.

« C’était comme ça dans ta dernière vie ? »

À peu près. Je connaissais quelques gars comme ça, et ils aimaient tous faire danser les autres comme des marionnettes pour s’amuser.

« Eh bien, j’aime un peu les marionnettes de temps en temps. Je ne peux pas le nier. »

Super. Je suis donc le singe de compagnie et tu me donnes des instructions vagues pour voir si je peux atteindre mon but. Ça sonne bien ?

« Soupir… Regarde ici. N’as-tu pas oublié ma question originale ? »

Quelle question originale ?

« Alors, laisse-moi-la répéter. Es-tu sûr de pouvoir survivre ici ? Échoués dans un pays dangereux et inconnu ? »

... Non, pas vraiment.

« Alors peut-être que tu ferais mieux de m’écouter. Comme je l’ai déjà dit, c’est à toi de suivre mes suggestions. »

D’accord, c’est bon. Très bien. J’ai compris. Vas-y, donne-moi un conseil si te le veux vraiment. De toute façon, à quoi rimait toute cette longue conversation ? Tu aurais pu me dire quoi faire et nous éviter un mal de tête.

« Oui, oui. Écoute-moi bien, jeune Rudeus. Dès que tu te réveilleras, tu verras un homme. Compte sur lui, et fais ce que tu peux pour l’aider. »

Alors que ces paroles brèves et finales résonnaient dans le vide, le dieu pixelisé disparut abruptement.

Et de toute façon, qu’est-ce qu’il y a de si amusant à me regarder ?

« Ce n’était peut-être pas le bon choix de mots. Tu es très… intéressant, c’est tout. Je n’ai presque jamais la chance de voir quelqu’un d’un monde complètement différent ! J’aimerais t’aider à rencontrer toutes sortes de gens et voir ce qu’il en résulte. »

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2 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre.

  2. Merci pour le chapitre.

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