Mushoku Tensei (LN) – Tome 11 – Chapitre 5 – Partie 1

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Chapitre 5 : Norn Greyrat

Partie 1

Je ne savais pas quand j’avais commencé à avoir peur de mon frère. Mais ce n’était pas le jour de notre première rencontre.

La première fois que j’avais rencontré Rudeus, c’était le jour où il avait frappé mon père au visage.

J’aimais mon père. Il avait d’énormes défauts, mais je savais qu’il se souciait beaucoup de moi, et qu’il me faisait toujours passer en premier. Plus important encore, j’avais moins de cinq ans à l’époque. La plupart des enfants aimaient leurs parents inconditionnellement à cet âge.

J’adorais mon père. Et Rudeus avait débarqué de nulle part et avait commencé à le frapper.

Je n’avais pas vraiment compris la conversation qui avait mené à ça. À ce stade, des années après les faits, je pouvais reconnaître que mon père avait en fait provoqué la bagarre. Rudeus venait d’achever un long et difficile voyage dans un pays dangereux, et papa s’était moqué de lui sans ménagement. Mais à l’époque, tout ce que je voyais, c’était mon frère assis sur mon père, le frappant à plusieurs reprises. Et tout ce que je pouvais penser, c’était il allait le tuer. C’était la seule chose qui comptait pour moi à ce moment-là.

Naturellement, je n’étais pas prête à accepter le fait qu’un tel monstre fasse partie de ma famille.

Je n’avais pas peur de Rudeus à l’époque. Je le détestais, tout simplement.

Je continuais donc à le détester bien après ça. Et le fait que tout le monde ait ressenti le besoin de le complimenter ne m’avait pas aidée.

Ce n’était pas uniquement mon père, quand j’avais rencontré ma sœur et la bonne de la famille plus tard, elles avaient aussi parlé de lui en termes élogieux. Mais plus ils le louaient, plus je m’entêtais à le mépriser.

Je détestais ma sœur presque autant que je détestais Rudeus. À l’école où nous allions ensemble, Aisha insistait pour être constamment en compétition avec moi. Elle me mettait au défi en classe et sur le terrain où nous nous entraînions, et elle me battait toujours à plate couture. Elle me mettait le nez dans mes échecs.

Avec elle dans les parages, je passais chaque jour à me sentir comme une perdante. Je ne pensais pas que je pourrais un jour être amie avec elle.

Ma grand-mère était au courant de cet état de fait, et elle n’aimait pas du tout ça. Elle n’avait que du mépris pour Aisha, qu’elle appelait « illégitime ». Mais elle avait aussi de grands espoirs pour moi… ou du moins de grandes attentes. Elle avait dit que j’étais une « dame de la famille Latria ». Apparemment, cela signifiait que je devais être un minimum « compétente ».

J’avais été obligée de suivre des cours d’étiquette et des leçons pour me préparer à des cérémonies spécifiques. Rien de tout cela n’était inné en moi, je faisais des erreurs à répétition et j’étais réprimandée tous les jours. Chaque fois que je me mettais dans l’embarras, ma grand-mère marmonnait : « Je suppose que ces aventures doivent polluer le sang ainsi que l’esprit ».

Je savais qu’elle insultait à la fois ma mère et mon père avec ces mots. Mon père travaillait dur pour moi, et c’était tout ce qu’elle avait à dire sur lui. Il n’avait pas fallu longtemps pour que je commence à la détester aussi.

Alors, quand la professeur de mon frère était arrivée et nous avait dit où était ma mère, je m’étais décidée à suivre mon père dans son voyage au lieu de rester avec ma grand-mère.

Papa était hésitant. Il pensait que ce serait plus sûr pour moi de rester derrière. Ma mère venait de l’aristocratie Millis, et mon père d’une maison noble d’Asura. J’avais une bonne lignée, du moins en ces termes. Grâce à cela, mon grand-père était prêt à me prendre dans sa maison de façon permanente.

Mais je détestais cette idée, j’avais donc supplié mon père de me prendre avec lui. J’avais pleuré et supplié. Et finalement, j’avais pu venir avec lui.

Et pourtant…, mon père m’avait finalement envoyé vivre avec Rudeus.

Il avait dit que les choses seraient trop dangereuses à partir de maintenant. Il avait dit que Rudeus vivait dans le nord, et que je devais y rester et l’attendre. Il avait dit qu’il me suivrait là-haut une fois qu’il aurait retrouvé ma mère.

J’avais pleuré. J’avais refusé. Je l’avais supplié de me prendre avec lui. La dernière chose que je voulais était d’être séparée de lui maintenant, après que nous soyons allés si loin ensemble. Si Ruijerd n’était pas arrivé, j’aurais peut-être fini par épuiser mon père. Et puis je serais probablement tombée malade ou blessée pendant ce dur voyage à travers le continent Begaritt. Je lui aurais probablement causé toutes sortes de problèmes.

Mais grâce à Ruijerd, on n’en était pas arrivé là.

Je me souvenais très bien de lui. Le jour où j’avais rencontré mon frère, Ruijerd avait tendu la main et m’avait rattrapée quand j’avais trébuché dans la rue. Il m’avait tapoté la tête et m’avait donné une pomme. Je ne connaissais pas son nom à l’époque. J’avais appris qu’il était le garde du corps de mon frère, mais je n’avais jamais eu l’occasion de lui demander son nom.

Il était tout aussi gentil la deuxième fois où nous nous étions rencontrés. Il m’avait encore tapoté la tête et m’avait gentiment persuadée de faire le bon choix.

Et ce fut ainsi que j’avais fini par me diriger vers le nord, vers la nouvelle maison de mon frère.

Aisha était pleine d’énergie et d’enthousiasme dès que nous avons pris la route. Elle avait laissé tomber ses manières de bonne fille qu’elle montrait devant papa et Lilia, et commença à agir comme le chef de notre expédition, venant ainsi avec toutes sortes de plans fous.

Je pensais qu’elle était stupide. Le fait qu’elle essayait de prendre les choses en main alors que nous avions deux adultes qui voyageaient avec nous me semblait ridicule. Mais pour une raison quelconque, Ruijerd et Ginger l’avaient pris au sérieux et avaient même accepté la plupart de ses idées.

Cela ne semblait pas du tout juste. Ses opinions semblaient toujours avoir plus de poids. Tout ce que je disais était ignoré.

Ruijerd était la principale raison qui avait fait que j’avais pu supporter ça. Il avait au moins de la considération pour mes sentiments. Il prenait toujours le temps de me réconforter et d’écouter mes plaintes.

Mais même lui passait beaucoup de temps à complimenter mon frère.

Il disait que Rudeus était un homme remarquable. Il m’avait dit à quel point il avait hâte de le voir. Il souriait même légèrement lorsqu’il parlait de lui, lui qui ne souriait presque jamais. Le Rudeus que je connaissais et le Rudeus dont il parlait semblaient être des personnes totalement différentes.

C’était peut-être à ce moment-là que j’avais commencé à avoir peur de mon frère.

Rudeus était un puissant magicien. Il était digne de respect. Tout le monde le disait. Mais le Rudeus que je connaissais était l’homme qui avait jeté mon père au sol et l’avait battu. C’était une personne violente. Si je l’énervais, il n’y avait aucune garantie qu’il ne me frappe pas comme il avait frappé mon père.

J’avais peur de le rencontrer, et l’idée de vivre avec lui pendant des mois était terrifiante. Parfois, je me réveillais au milieu de la nuit, tremblante. Parfois, je ne pouvais pas m’endormir du tout, mais Ruijerd était toujours là pour me réconforter. Il me mettait sur ses genoux et nous regardions les étoiles ensemble pendant qu’il me racontait des histoires de son passé. La plupart étaient tristes, mais pour une raison quelconque, elles m’aidaient toujours à m’endormir.

Et au moment où je m’apprêtais à revoir Rudeus pour la première fois depuis des années, celui-ci était ivre et s’accrochait à une femme.

Apparemment, c’était une de ses amies d’enfance du village de Buena, et ils s’étaient mariés récemment. Je ne me souvenais pas du tout d’elle. J’avais le vague souvenir d’une gamine plus âgée qui traînait avec Aisha et Lilia, mais je ne me souvenais plus si elle ressemblait à cette Sylphie. Elle avait dû beaucoup changer au fil des ans.

Rudeus profitait visiblement pleinement de sa vie ici.

Voir cette scène m’avait mise en colère. Mon père n’avait pas perdu de temps à jouer avec les femmes pendant des années. Il avait dit qu’il mettait ça en attente jusqu’à ce qu’il trouve ma mère. Il n’avait même pas touché Lilia, et encore moins les autres femmes proches de lui.

D’un autre côté, la priorité de mon frère était son propre bonheur. Cela m’avait rendue folle.

Cependant, je ne pouvais pas me résoudre à dire quoi que ce soit. J’avais peur de lui. J’avais peur qu’il commence à me frapper si je le mettais en colère.

Ruijerd interviendrait-il pour me défendre si cela arrivait ? C’était difficile à dire. Il semblait vraiment heureux de revoir Rudeus. Peut-être qu’il ne serait pas de mon côté. Peut-être qu’il dirait que j’étais impolie ou égoïste.

Je n’avais rien pu dire cette première nuit. Et puis, dès le lendemain, Ruijerd était parti pour de bon. J’avais supposé qu’il resterait avec nous un peu plus longtemps. Je ne voulais pas qu’il parte. Mais il était parti quand même.

J’avais encore plus peur qu’avant. Les seules personnes restantes dans la maison étaient Rudeus, sa femme et Aisha. Ma petite sœur était ravie d’être à nouveau avec Rudeus. Sylphie semblait être une personne assez gentille, mais elle n’était pas de mon côté. Je n’avais personne de mon côté.

Et j’étais coincée ici jusqu’au retour de mon père. J’allais devoir vivre dans la peur pendant des mois et des mois.

Rudeus sera probablement gentil avec Aisha, mais strict avec moi. Il féliciterait ma sœur et me dirait de faire plus d’efforts.

Aisha disait toujours que c’était ma faute si je ne faisais rien de bien. Elle disait que je ne faisais pas d’efforts. Mais il y avait des choses que je ne pouvais pas faire, même si j’essayais très fort. Même si je voulais m’améliorer, même si je m’entraînais beaucoup, je ne pouvais toujours pas me comparer à elle. Alors qu’est-ce que j’étais censée faire ?

Pour l’instant, tout ce que je pouvais faire était de rester à l’écart. Je m’étais cachée, en espérant que personne ne se fâche contre moi. En espérant que personne ne me dise à quel point j’étais inférieure.

La ville dehors était couverte de neige. J’avais peur d’être jetée dans le froid toute seule.

Rudeus décida subitement que je devais commencer à aller à l’école.

Cette « université » semblait assez différente de l’école que j’avais fréquentée à Millishion. Je pouvais m’inscrire en première année, mais cela ne signifiait pas que tous mes camarades de classe auraient mon âge. Il y avait toutes sortes de personnes qui étudiaient là, et la plupart d’entre elles étaient plus âgées que moi.

Pour être honnête, je ne voulais pas y aller. Je savais que je finirais par être à nouveau comparée à Aisha. Mais il s’était avéré que ma sœur n’avait pas l’intention de retourner à l’école. C’était enfin une bonne nouvelle pour moi. Sans elle dans les parages, je pourrais peut-être faire un peu mieux.

Mon frère posa cependant une condition à Aisha. Elle devait passer l’examen d’entrée de l’université. C’était un test que tout le monde devait passer avant d’entrer dans l’école — ce qui signifiait que je devais le passer aussi.

Cela m’avait profondément découragée. Il n’y avait aucune chance que je réussisse un test sans même l’étudier. Je l’avais ainsi signalé à Rudeus, mais ce dernier me dit qu’il pouvait simplement m’acheter une place à l’université. C’était une chose tellement irréfléchie et impolie à dire que je m’étais mise en colère malgré moi. Aisha s’était alors mise en colère contre moi parce que j’étais en colère, et ça s’était transformé en bagarre.

« Arrêtez, vous deux. »

Le ton froid de mon frère déclencha un pincement au cœur en moi.

Pendant une seconde, j’avais cru qu’il allait me frapper. J’avais tellement eu peur que j’en avais un peu pleuré.

Est-ce que j’allais devoir continuer à vivre comme ça, à trembler constamment de peur ?

Le jour de l’examen, Rudeus m’avait parlé des dortoirs. Apparemment, l’Université de Magie laissait ses étudiants vivre dans de grands bâtiments sur le campus, pour les aider à devenir plus indépendants. Cela semblait être la solution à tous mes problèmes.

Je ne doutais pas que ma sœur réussirait l’examen, ce qui signifiait qu’elle n’aurait pas à aller à l’école. Si je m’installais dans les dortoirs, je n’aurais plus à la voir ni à voir Rudeus. Personne ne me comparerait à personne. Je pourrais juste être moi-même et vivre ma propre vie.

Plus j’y pensais, plus ça me semblait parfait.

Quelques jours plus tard, nous avions reçu les résultats du test. Mon frère m’avait alors demandé ce que je voulais faire maintenant. Hésitante, j’avais admis que je voulais vivre dans les dortoirs.

J’avais peur qu’il se mette en colère. Mon père avait voulu que je reste avec Rudeus, et il avait probablement dit à Rudeus de garder un œil sur moi dans sa lettre. Je pensais que mon frère pourrait se mettre en colère contre moi. Peut-être qu’il me frapperait pour avoir été si égoïste.

Mais à ma grande surprise, Rudeus accepta immédiatement.

Ce fut Aisha qui se mit en colère. Elle trouvait injuste que j’obtienne ce que je voulais. Jusqu’à présent, elle avait toujours été mieux traitée que moi. Je suppose qu’elle n’avait pas apprécié le fait que Rudeus l’ait testée et pas moi.

Mais pourquoi mon frère avait-il accepté ma demande ? Je ne le savais pas. Je ne le comprenais pas du tout. En y repensant, je m’étais rendu compte qu’il ne s’était jamais énervé contre moi depuis mon arrivée ici, à l’exception de la fois où je m’étais battue avec Aisha.

… Peut-être qu’il ne s’intéressait pas du tout à moi.

Peut-être qu’il pensait que prendre soin de moi n’était rien de plus qu’une nuisance, et qu’il avait vu là une occasion en or de me mettre dehors. Pour ce que j’en sais, il avait déjà prévu de me larguer dans les dortoirs.

Mais en ce qui me concerne, ce serait pratique. Mais pour une raison inconnue, cette pensée me rendait un peu triste.

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

  2. Merci pour le chapitre

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