Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre bonus 1  – Partie 3

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Chapitre bonus 1 : Maître baby-sitter

Partie 3

Au même moment, Ruijerd avait eu un autre impact, complètement différent, sur une autre fille qui l’avait entendu prononcer son nom. Roxy Migurdia.

Pour décrire la gravité de cet impact, il fallait un peu d’explications.

Il y avait trois choses que Roxy détestait quand elle était enfant, la première étant les poivrons verts. C’est le premier légume qu’elle avait mangé à son arrivée sur le Continent Millis. À l’époque, elle pensait que le monde des humains était le paradis, rempli uniquement de confiseries sucrées ! Et que les poivrons verts étaient une sorte de messager de l’enfer, envoyé pour l’entraîner dans les abysses. Elle se souvenait encore de l’odeur unique et du goût amer qui se répandait dans sa bouche lorsqu’elle en mangeait. La manière dont elle l’avait immédiatement recraché, pour se sentir encore nauséeuse. Le poivron vert était un poison pour la tribu des Migurd, avait-elle sérieusement pensé un jour. Elle avait vaincu cette peur lorsqu’elle devint le professeur particulier de Rudeus, mais elle était gênée à l’idée de faire la fine bouche devant lui.

La deuxième chose qu’elle détestait était les enfants. Les enfants humains entre cinq et quinze ans, en particulier. Surtout les mâles. Ils n’écoutaient pas. Ils agissaient à la hâte, selon leurs caprices, et ne tenaient pas compte de la logique. En rencontrant Rudeus, elle avait commencé à penser que peut-être elle aimait vraiment les enfants. Finalement, elle avait réalisé que le problème n’était pas qu’elle détestait les enfants. Plutôt, elle détestait les gens qui n’écoutaient pas. D’une certaine manière, elle avait aussi vaincu sa haine des enfants.

La troisième chose qu’elle détestait était la tribu des Superds. Elle avait entendu des histoires sur eux d’innombrables fois depuis qu’elle était bébé. C’était une tribu diabolique, impliquée dans une guerre bien avant sa naissance, qui avait trahi ses alliés. On disait qu’ils avaient eu des liens avec la tribu des Migurd il y a longtemps, mais qu’ils avaient été persécutés comme traîtres et conduits à la ruine. Les Superds en voulaient beaucoup à ceux qui s’étaient retournés contre eux, et dès qu’ils repéraient un démon d’une autre tribu, ils l’attaquaient et le tuaient sans poser de questions.

De tous les Superds, Dead End était le plus connu des enfants. Selon la légende, lorsqu’il trouvait un enfant qui s’était mal comporté, il venait le voler pendant que tout le monde dormait et l’emmenait dans sa tanière. Ensuite, il mangeait leurs jambes pour qu’ils ne puissent pas courir, leurs bras pour qu’ils ne puissent pas résister, puis commençait lentement à manger leur estomac, gardant leur tête pour la fin afin de les garder au frais. C’était pour cela qu’il fallait être bien élevé. Ce fut avec ces histoires qu’elle avait été élevée.

Lorsqu’elle avait quitté son village pour devenir une aventurière débutante, elle avait sérieusement pensé qu’elle était en danger parce qu’elle avait été si mal élevée. Cette anxiété s’était peu à peu estompée au fur et à mesure qu’elle devenait adulte, mais sa peur de la tribu des Superds demeurait. C’était pourquoi elle était en état d’alerte lorsqu’elle découvrit que quelqu’un se faisait appeler Dead End à Port Venteux.

Maintenant, plusieurs années plus tard, elle était tombée sur un individu de la tribu des Superds, juste au moment où elle courait dans la ville à la recherche de Norn et pensait enfin avoir trouvé la fille. La personne devant elle était le même homme chauve qu’elle avait repéré à Port Venteux. Il tenait dans sa main une lance à trois pointes, blanche comme la craie. Dans la seconde suivante, son bandeau était tombé, exposant la gemme rouge qui se trouvait en dessous.

« Ruijerd. Ruijerd Superdia. »

Et il se faisait appeler Superdia. Pour une raison quelconque, il n’avait pas de cheveux, mais il n’y avait aucun doute dans son esprit qu’il était un Superd — Dead End. Et il était à deux doigts de planter ses dents dans Norn.

« Ah…uh… »

La peur s’était emparée de Roxy, elle partait de la base de ses pieds et montait vers le haut. Des frissons parcouraient son corps. Elle avait l’impression qu’elle pourrait lâcher son emprise sur sa conscience à cet instant précis. Cependant, on lui avait confié la tâche de protéger Norn. Lilia sprintait derrière elle. Il y avait aussi Aisha à l’auberge. Non… ce n’était pas seulement elles. Tout le monde sur cette place était en danger. Le cœur de Roxy lui criait de ne pas lâcher prise, la forçant à s’endurcir et à tenir son bâton prêt à l’emploi.

« Laisse cette fille partir ! Si tu refuses, je serai ton adversaire ! »

Le silence se fit. Ruijerd se raidit, et Lilia se figea. Norn s’était accrochée à Ruijerd, et avait jeté un regard hostile dans la direction de Roxy. Roxy comprit que quelque chose n’allait pas, mais son anxiété extrême l’avait empêchée de trouver ce que c’était. Pourtant, elle avait la nette impression qu’elle était en train de faire une erreur. Elle en avait fait beaucoup jusqu’à présent, alors elle connaissait bien ce sentiment.

« Seigneur Ruijerd, cela faisait longtemps », dit Lilia en s’inclinant et en s’avançant derrière Roxy.

Secouée par la désinvolture avec laquelle Lilia l’avait salué, Roxy lui demanda : « Euh ? Hum, tu le connais ? »

« N’es-tu pas au courant ? Le Seigneur Ruijerd est celui qui a escorté le Seigneur Rudeus jusqu’au Royaume d’Asura… »

« Oh. »

Elle en avait entendu parler. En fait, elle avait même entendu dire que la Dead End qu’elle avait vue à Port Venteux était le même que celui qui avait escorté Rudeus. Mais elle n’avait jamais honnêtement cru qu’il était un vrai Superd.

« Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal », dit Ruijerd en regardant Roxy d’un air méfiant alors qu’elle brandissait son bâton.

Roxy avait réalisé qu’elle avait complètement mal compris la situation. Son visage était devenu rouge vif. Elle détourna son regard vers ses pieds.

Elle détestait vraiment la tribu des Superds.

◇ ◇ ◇

Ruijerd escortera les filles jusqu’à Rudeus. Lorsque le groupe de Paul avait appris la nouvelle, ses réactions furent mitigées. Lilia et Ginger, qui connaissaient sa vraie force et son caractère, avaient donné leur approbation au plan, disant qu’ils pouvaient être assurés que les filles arriveraient en sécurité si Ruijerd était celui qui les escortait.

Vierra et Sherra échangèrent un regard et hochèrent la tête comme pour dire : « Pourquoi pas ? » Elles savaient que Ruijerd était celui qui avait protégé Rudeus lors de sa traversée du Continent Démon. Il était aussi assez fort pour être fiable, alors ils n’y voyaient aucun problème.

Talhand était contre ce plan. Tout comme Roxy, il avait grandi avec des histoires effrayantes sur la Tribu des Superds, et entendu des anecdotes sur leurs atrocités lorsqu’il voyageait sur le Continent Démon. Il n’y avait pas de fumée sans feu. Talhand n’avait aucun doute sur le fait que Ruijerd avait fait quelque chose de terrible dans le passé. Et même s’il était sur la voie de la rédemption maintenant, cela ne signifiait pas qu’on pouvait lui faire confiance en lui confiant les êtres chers d’un parfait inconnu.

Roxy était partiellement contre. Elle savait qu’elle ne devait pas juger les gens sur les apparences ou les idées préconçues. C’était juste que… c’était de la tribu des Superds dont ils parlaient. Même après avoir compris que Ruijerd ne présentait aucun danger pour eux, elle restait prudente.

Non, « prudente » n’était pas le bon mot. Elle avait peur. La tribu des Superds était l’incarnation de la peur qu’elle ressentait enfant, en entendant toutes ces histoires. Même si son village ne racontait plus d’histoires sur la tribu des Superd, c’était la meilleure façon de discipliner les enfants quand elle était jeune. C’était pourquoi elle ne pouvait pas complètement masquer sa terreur. Et bien qu’elle ait compris que c’était sans danger, la peur qu’on lui avait inculquée dans son enfance la figeait encore sur place et la rendait méfiante.

Elle répondit donc : « Si tu penses vraiment pouvoir lui faire confiance, alors vas-y. »

Il y avait donc quatre opinions : fortement pour, partiellement pour, contre, et partiellement contre. Paul les avait tous considérés. Il ne connaissait pas très bien Ruijerd. La seule fois où il avait eu un contact avec l’homme, c’était lorsque Ruijerd était apparu aux côtés de Rudeus, et même là, ils avaient à peine parlé.

À l’époque, il avait eu l’impression que Ruijerd était digne de confiance. Mais plusieurs années s’étaient écoulées depuis, ce qui était assez pour changer une personne. Paul le savait par expérience personnelle. Il n’était pas nécessaire d’attendre plusieurs années, une seule journée pouvait suffire. D’où la question : Paul pouvait-il vraiment faire confiance à Ruijerd ? Pouvait-il lui confier les filles ?

Alors qu’il pesait la décision dans sa tête, il regarda vers le bas. Là, accrochée à la jambe de Ruijerd, se trouvait Norn. Pendant un moment, c’était comme s’il voyait double — une image de lui-même avec Norn accrochée à sa jambe superposée à sa vision. Norn était si timide avec les gens qu’elle ne s’était jamais rapprochée d’un autre adulte que lui. Malgré cela, elle était là, appuyée contre Ruijerd, comme s’il était son père.

Mais c’était Ruijerd qui l’avait sauvée. Quand cet ivrogne s’était approché d’elle et qu’elle pleurait, cherchant désespérément de l’aide, Ruijerd était intervenu comme si c’était son devoir. Il avait dû agir de la même manière quand il était intervenu pour sauver Rudeus. Il avait agi sans se soucier des conséquences. Il était donc assez probable qu’il n’avait pas changé du tout.

« Puis-je te faire confiance ? »

Les mots avaient quitté la bouche de Paul avant même qu’il ne réalise qu’il parlait.

Ruijerd lui avait immédiatement rendu son regard.

« Même si cela me coûte la vie, je les livrerai à Rudeus. »

Sa réponse était à la fois sincère et encourageante. Dans les yeux de Ruijerd se reflétait un sens du devoir et de la détermination. Il avait le visage d’un guerrier, acquis au fil des lunes, ce que Paul ne possédait pas. Si c’était une tromperie, alors Paul ne savait plus ce qui était réel.

« Alors je m’en remets à toi. »

Paul tendit la main. Ruijerd la prit et ils échangèrent une poignée de main ferme.

Ce fut ainsi que Ruijerd devint le garde du corps de Norn et Aisha.

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