Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre 9 – Partie 2

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Chapitre 9 : Dépression

Partie 2

A l’infirmerie, nous avions laissé Nanahoshi se reposer sur un des lits. Son visage était vide. Quelle terrible expression ! On aurait presque dit que l’ombre de la mort était sur elle. Nous avions informé le guérisseur résident que ce n’était rien de grave. Après tout, les problèmes psychologiques ne pouvaient pas être résolus par la magie de guérison.

Au moment où mon regard commençait à dériver vers mes pieds, Julie avait saisi l’ourlet de ma chemise.

« Grand Maître, votre visage… est affreux. »

J’avais instinctivement touché mon visage. Quelle expression ai-je en ce moment ?

Oh non. Il semblerait que j’étais moi-même assez secoué. J’avais besoin de me calmer un peu.

« C’est juste parce que je ne suis pas une beauté. »

Je lui avais donné une tape sur la tête. Je n’arrivais pas à croire qu’une si jeune fille se soit inquiétée pour moi.

« Tiens, Maître. »

Une tasse m’avait soudainement été présentée par le côté. C’était Zanoba qui la tenait.

« Merci. »

Je l’avais prise avec gratitude et j’avais vidé son contenu. Il avait apparemment puisé l’eau dans l’une des cruches du cabinet médical. Ma langue était sèche comme du papier. Apparemment, ma bouche avait été vraiment desséchée à un moment donné.

« Ouf. »

Je m’étais assis et j’avais poussé un soupir.

Zanoba s’était mis à côté de moi et m’avait demandé tranquillement : « Maître, que s’est-il passé ? Je ne t’ai jamais vu aussi agité. »

« Eh bien… »

J’avais expliqué ce qui s’était passé dans la salle d’expériences. L’expérience avait échoué et Nanahoshi était devenue folle furieuse. Elle avait l’air de vouloir se tuer si je la laissais seule, alors je l’avais aidée.

Après avoir entendu tout cela, Zanoba baissa les yeux vers Nanahoshi avec une expression compliquée.

« En gros, elle ne mène pas ces recherches parce qu’elle le veut. »

« Non. »

Ce n’était pas comme si elle le faisait à contrecœur, mais elle n’était pas franchement passionnée par ça. C’était juste quelque chose qu’elle devait faire pour pouvoir rentrer chez elle. Six ans s’étaient écoulés depuis l’incident de déplacement, et ce qu’elle avait cru être un important pas en avant avait échoué. Elle avait regardé en arrière et réalisé que six ans s’étaient déjà écoulés et qu’elle n’avait pas du tout progressé.

J’avais soupiré et je m’étais affalé sur ma chaise. Zanoba n’avait plus rien dit après cela. Nous étions restés tous les deux avec Nanahoshi, qui regardait distraitement le plafond.

◇ ◇ ◇

Après un moment, Nanahoshi ferma les yeux et s’endormit. Sylphie était arrivée à peu près au même moment. Ariel n’était pas avec elle.

« Les gens disaient que Zanoba et toi aviez transporté une étudiante au bureau médical », avait-elle dit.

Quel genre de rumeurs étaient-elles en train de répandre ? Toute l’école pensait-elle que j’avais assommé une étudiante et que je l’avais emmenée au cabinet médical, où j’allais probablement lui faire quelque chose d’horrible ?

Bon sang, c’est flippant, avais-je pensé. Pourquoi personne ne me fait-il confiance ? Parce que je suis « le patron » ? Eh bien, ce n’était pas comme si j’avais fait beaucoup pour gagner leur confiance en premier lieu. Bon, peu importe.

J’avais dit à Sylphie ce qui s’était passé.

« Je ne peux pas croire que quelque chose comme ça soit arrivé. »

Sylphie avait une expression solennelle en regardant Nanahoshi.

« Ça pourrait être dangereux de la laisser seule, alors je pensais la laisser se reposer chez nous aujourd’hui. »

« Mais ne serait-il pas mieux de la laisser se reposer ici, au cabinet médical ? »

« Je pense que ce serait mieux pour elle d’être avec quelqu’un qu’elle connaît au moment où elle se réveillera. »

De toute façon, je ne pouvais pas la laisser seule. Nanahoshi était jeune et cela l’avait clairement secouée au plus profond d’elle-même. Quand les gens étaient poussés à leurs limites, ils pouvaient faire des choses extrêmes. Elle pourrait par exemple se mutiler elle-même.

« Je n’ai aucune idée du temps qu’il faudra pour qu’elle se calme. J’aimerais qu’elle reste avec nous pour que je puisse la surveiller pour le moment. », avais-je dit.

« Hm, est-ce bon si je te confie cette affaire ? »

« Si c’est juste prendre soin de ses repas, je peux le faire. »

Nous l’avions isolée jusqu’à ce qu’elle se calme. Ce serait bien de la laisser s’échapper un peu de la réalité. Une retraite tactique en quelque sorte.

« Ce n’est pas comme si je voulais te tromper, ok. »

« Je sais. Ou alors il y a quelque chose qui te fait te sentir coupable ? »

« Non. »

Je n’avais aucune raison de me sentir coupable. Pourtant, j’amenais une femme différente dans ma maison. Une femme en position de faiblesse et sans défense, en plus. Malgré cela, Sylphie ne semblait pas se méfier. Voilà donc en quoi ressemblait la confiance, hein ?

« Je m’en remets à toi, Rudy. Vas-tu rentrer directement à la maison aujourd’hui ? »

« Oui. Je ne pourrai pas t’accompagner, pourras-tu faire les courses toute seule ? »

« Laisse-moi faire. »

J’avais hoché la tête suite à la réponse rassurante de Sylphie. Je n’en attendais pas moins d’elle.

Nous avions quitté l’école et nous nous étions dépêchés de rentrer chez nous. Zanoba s’était porté volontaire pour transporter Nanahoshi. Cette fois, il l’avait portée à califourchon, ce qui semblait mieux lui convenir, même s’il était un prince.

« Désolé pour le dérangement, Zanoba. »

« Non, c’est la seule chose que je puisse faire pour aider. »

Il avait facilement transporté une Nanahoshi apathique sur son dos. Julie trottinait derrière nous. Il suffisait de donner à Zanoba une perceuse et un scaphandre pour qu’on l’appelle Mister Bubbles.

Pour le tester, j’avais essayé de soulever Julie.

« Eek ! Grand Maître, que faites-vous ? »

« Rien de particulier. »

Zanoba avait juste jeté un coup d’œil. Je gardais Julie dans mes bras pendant que je marchais. Son corps était étonnamment dodu. Il y avait un an à peine, elle n’avait que la peau sur les os, mais il semblerait qu’elle ait mangé correctement. Ses muscles manquaient un peu, mais elle n’avait pas vraiment besoin d’être une bête de somme à l’âge de sept ans.

« Est-ce que Zanoba te traite bien, Julie ? », avais-je demandé.

« Oui, mon maître donner à moi beaucoup de nourriture. »

« C’est bon à entendre. La façon correcte de le dire est “Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture”. »

« Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture. »

« Oui, c’est ça. »

Maintenant que j’y pense, je me demandais si Nanahoshi avait mangé correctement. Je l’avais trouvé assez légère quand je l’avais portée. La nourriture pouvait vous remonter le moral dans les moments difficiles. Même les petites choses comme manger vos plats préférés ou partager un repas avec quelqu’un pouvaient vous apporter de la joie. Il semblerait que Nanahoshi n’avait pas pu partager ça très souvent.

« Ouf », avais-je soupiré.

Quel genre de vie Nanahoshi menait-elle ? Enfermée toute seule, mangeant à peine, parlant à peine à quelqu’un. Simplement en train de dessiner continuellement ces cercles magiques.

« Ce n’est pas ta faute, Maître. Essaie de ne pas laisser cela t’affecter si profondément. »

« Oui, je sais. »

Apparemment, Zanoba avait compris que mon soupir avait une autre signification. Il avait une expression sérieuse sur le visage au moment où il me regardait. On aurait dit qu’il était plus inquiet pour moi que pour Nanahoshi. Eh bien, il ne lui avait presque jamais parlé, je ne pouvais donc pas le blâmer pour cela.

Nous étions restés silencieux pendant un moment après ça. Dans le silence, je pouvais entendre les battements de cœur de Julie. En tant qu’enfant, sa température corporelle était plus élevée que la mienne. Elle était chaude, et entendre son cœur battre était étrangement apaisant. Je devrais lui acheter quelque chose la prochaine fois que je sortirai.

Lorsque nous étions arrivés à la maison, j’avais demandé à Zanoba de déposer Nanahoshi dans l’une des deux chambres que j’avais aménagées pour mes petites sœurs. Elle s’était affalée mollement sur le lit. Ses yeux étaient ouverts, elle avait dû se réveiller à un moment donné. Mais ils étaient complètement vides. Comme si elle fixait quelque chose que je ne pouvais pas voir. Elle ressemblait vraiment à un cadavre.

Est-ce qu’elle reviendra de tout ça ? D’après mes propres observations, elle était dans un état précaire, mais pas irrécupérable. J’avais déjà eu des périodes de dépression similaires, mais elles avaient fini par passer.

Pour l’instant, je l’avais fouillée et lui avais retiré tout ce qui pouvait servir d’arme dangereuse. Elle avait un petit couteau suisse sur elle. Je ne pensais pas qu’elle pourrait se tuer avec un tel objet, mais je l’avais quand même pris, juste pour m’en assurer.

Il n’y avait rien de dangereux dans sa chambre, à part la fenêtre, puisque nous étions au deuxième étage. Peut-être que je devrais utiliser la magie pour la sécuriser. Ça ne servirait à rien si elle cassait le verre, mais je voulais croire qu’elle n’avait pas la volonté d’aller aussi loin.

Comme elle ne bougeait pas, j’étais redescendu au premier étage.

« Est-ce qu’elle va s’en sortir ? », demanda Zanoba avec inquiétude. Il n’avait pas l’air d’être le genre de personne à avoir une expérience de la dépression. Il avait ses moments de faiblesse, certes, mais il était généralement optimiste.

« Qui peut le dire ? En tout cas, tu m’as beaucoup aidé, Zanoba. »

« Non. Et d’abord c’est toi qui t’occupes toujours de moi. C’était le moins que je pouvais faire. »

C’était bien Zanoba. Je pouvais toujours compter sur lui.

« Et toi, Maître ? Vas-tu t’en sortir ? »

« Moi ? Pourquoi ? »

« On dirait que la dépression de Maître Silent a eu un impact sévère sur toi. »

Un impact sévère ? Vraiment ?

En fait, il avait probablement raison. Nanahoshi avait perdu la tête, était devenue folle furieuse, et s’était transformée en une coquille sans vie une fois que je l’avais arrêtée. Voir ça du début à la fin m’avait rappelé mon passé. Bien que cela se soit manifesté un peu différemment pour elle, nous avions toutes deux traversé des agonies mentales similaires. Je ressentais sa douleur comme si c’était la mienne. Si les circonstances avaient été un peu différentes, c’était peut-être moi qui serais resté étendu sur le sol à sa place.

« Juste un peu. Ça me rappelle des douleurs du passé. »

« Cela te dérangerait-il d’en dire plus ? » avait-il demandé.

« Quand j’étais petit, j’ai aussi vécu une expérience similaire. Je suis devenu apathique et je me suis renfermé sur moi-même. »

« Je ne peux pas comprendre ce sentiment. »

Bien que la façon dont il avait dit cela m’ait semblé distante, je ne voulais pas non plus qu’il prétende avec désinvolture qu’il comprenait.

« Je suis sûr que tu ne le peux pas. »

« Quoi qu’il en soit, s’il y a autre chose pour laquelle ma force serait utile, fais-le-moi savoir. La force est la seule chose que j’ai en abondance. »

« Oui, je le ferai. »

J’avais apprécié la proposition de Zanoba. C’était un bon gars, tant que les poupées n’étaient pas impliquées.

Zanoba était rentré chez lui peu de temps après. N’ayant rien d’autre à faire, j’avais passé mon temps à lire dans la chambre de Nanahoshi pendant qu’elle dormait. J’aurais voulu être laissé seul si j’étais à sa place. Mais elle avait déjà été seule jusqu’à ce point. Toujours seule.

J’étais resté avec elle jusqu’à ce que Sylphie rentre à la maison.

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