Mushoku Tensei (LN) – Tome 1 – Chapitre 11 – Partie 2

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Chapitre 11 : Départ

Partie 2

L’art du sabre de Paul était surtout basé sur l’instinct. Peut-être qu’il pensait que j’avais en ce moment besoin d’un meilleur professeur. Ou peut-être qu’il en avait eu marre de me voir ne pas m’améliorer du tout.

Je pense que tu aurais pu tenir un peu plus longtemps, mec…

« Combien cela m’aurait coûté mon apprentissage de l’épée par toi, Ghislaine ? »

« Deux pièces d’or d’Asura par mois. »

Combien !?

J’étais presque sûr que Roxy avait gagné cinq pièces d’argent par mois quand elle me donnait des cours particuliers. Cette dame se faisait payer environ quatre fois plus cher.

C’était donc vraiment une bonne affaire. Une personne normale à Asura pouvait vivre avec environ deux pièces d’argent par mois.

« Pendant les cinq prochaines années, tu resteras chez la jeune femme pour lui apprendre. Cinq années entières, compris ? Tu ne peux pas rentrer à la maison avant. Et pas de lettres non plus. Sylphie n’apprendra jamais à se débrouiller toute seule si tu continues à traîner dans le village. Et tu devenais de plus en plus dépendant d’elle. C’est pour ça que j’ai décidé de vous séparer tous les deux. »

« Attends… quoi ? »

Attends une seconde. Quoi ?

Es-tu sérieux ? Je ne peux pas voir Sylphie pendant cinq ans ? Je ne peux même pas écrire des lettres !?

« Qu’y a-t-il, Ruru ? As-tu rompu avec ta copine ? », demanda Ghislaine, apparemment amusée par l’expression du désespoir sur mon visage.

« Non. Mon puéril père tyrannique nous a séparés par la force. »

Je n’avais même pas eu l’occasion de lui dire au revoir. Bon sang, Paul. Tu paieras pour cela…

« Tiens bon, Ruru. Ça va aller. »

« Uhm… »

« Quoi ? »

« En fait, je pense que je préférerais que tu m’appelles Rudeus. »

« Hmm. Très bien. »

Maintenant que j’y pensais, Paul avait raison. Au rythme où allèrent les choses, Sylphie aurait pu devenir un personnage d’« ami d’enfance » d’un Light Novel particulièrement merdique. Vous savez… le genre de personne qui s’attachait constamment au protagoniste, tournant autour de lui comme un satellite, et ne développant jamais une personnalité qui lui était propre.

Dans le monde réel, une fille comme elle se faisait ses propres amis et apprenait de nouvelles choses à l’école. Mais à cause de ses cheveux, Sylphie allait toujours avoir du mal avec ça. Il y avait de fortes chances qu’elle soit restée collée à mes côtés pendant des années et des années.

C’était logique. Paul avait pris la bonne décision cette fois-ci.

« Quant à ta rémunération, tu recevras deux pièces d’Asura en argent par mois. C’est moins élevé que le salaire courant pour un tuteur résidant, mais c’est plus que suffisant pour l’allocation d’un enfant. Quand tu auras un peu de temps libre, essaye d’aller en ville pour te faire une idée de l’argent que tu dépenses. Un peu de pratique est la meilleure façon de t’assurer que tu pourras utiliser ton argent efficacement lorsque tu en as vraiment besoin. Mais peut-être que ce ne sera même pas un problème pour un enfant aussi doué que toi.

De plus, une fois que tu auras terminé cinq années de service constant et que tu auras fourni à la jeune femme une éducation solide à tous égards, ton contrat te donne droit à une récompense spéciale : un paiement couvrant les frais de scolarité pour deux personnes à l’Université de Magie. »

Hrm. Je vois.

En d’autres termes, une fois que j’aurais fait mon temps comme tuteur, Paul allait me laisser faire ce que je voulais… juste comme il l’avait promis.

« Bien sûr, il n’y a aucune garantie que Sylphie voudra te suivre dans cinq ans, et tu pourras te désintéresser d’elle. Mais en tout cas, je m’assurerai de lui expliquer parfaitement la situation. »

Je ne suis pas sûr de te faire confiance sur ce coup-là, mon cher père.

« J’espère que les années que tu passeras dans ce nouvel environnement t’apprendront beaucoup de choses et te permettront de développer encore plus tes talents. Sincèrement, votre noble, sage et brillant père, Paul. »

Brillant mon cul ! Tout ton plan consistait simplement à me battre pour que je me soumette !

Néanmoins, j’avais dû admettre que sa ligne de pensée générale était assez solide. C’était pour le mieux, pour Sylphie et moi. Elle pourrait bien redevenir une solitaire, mais… à moins qu’elle n’apprenne à faire face à ses propres problèmes, elle n’allait jamais vraiment grandir en tant que personne.

« Paul t’aime vraiment, n’est-ce pas ? », m’avait dit Ghislaine.

Je n’avais pas pu m’empêcher de sourire un peu.

« Il était un peu distant, mais il avait commencé à s’intéresser à la paternité. Bref, on dirait qu’il t’aime bien aussi, Ghislaine… »

« Hm ? Pourquoi dis-tu ça ? »

J’avais lu la dernière ligne de la lettre à haute voix.

« P.S. N’hésites pas à draguer la jeune femme tant que c’est consensuel, mais cette boule de muscles est déjà à moi, alors n’y touches pas. »

« Hmm. Envoie cette lettre à Zenith pour moi, veux-tu ? », dit Ghislaine.

« Cela ressemble à un plan. »

C’était ainsi que je m’étais retrouvé à la Citadelle de Roa, la plus grande ville de la région de Fittoa.

J’avais des sentiments mitigés à ce sujet, bien sûr, mais c’était vraiment pour le mieux. Je ne pouvais pas rester avec Sylphie, alors c’était quelque chose qui devait arriver. Je n’étais certainement pas du tout amer à ce sujet. Non.

Eh bien… peut-être que j’arriverais à m’en convaincre à un moment donné. Je n’en étais pas encore là.

◇ ◇ ◇

Point de vue de Paul

« P-putain, c’était proche… »

Mon fils était étendu inconscient sur le sol devant mes chaussures sales et couvertes de boue.

Comme c’était le dernier jour où je pourrais lui apprendre l’épée, j’avais décidé de mettre la crainte de Dieu en lui avant de l’assommer, mais le gamin avait en fait lancé une série de sorts au moment où j’agissais.

N’était-ce pas juste un tas d’attaques lancées dans la panique, sans plus ? Il essayait principalement de me ralentir. Et chaque fois qu’il lançait quelque chose, c’était un sort différent.

« D’accord, c’est bien mon fils. Le gamin a le don de se battre… »

Bien sûr, le combat n’avait duré que quelques secondes. Mais c’était une attaque-surprise complète, et j’avais encore besoin de trois étapes pour l’abattre. Cette dernière allait être particulièrement dangereuse. Si j’avais hésité même légèrement, il aurait collé mes jambes et m’aurait fait perdre en un rien de temps.

Trois pas, c’était trop quand on se battait contre un magicien. S’il avait été dans un groupe, l’un de ses alliés serait intervenu pour le protéger au moment où j’aurais pris mon deuxième pas. Et s’il y avait un peu plus de distance entre nous, j’aurais peut-être besoin de quatre pas.

À toutes fins utiles, le gamin avait eu le meilleur sur moi. Vous pourriez probablement le jeter dans un groupe d’aventuriers en ce moment. Il apporterait sans doute une grande contribution dans un donjon.

« J’imagine que l’on ne s’attendrait pas moins d’un prodige qui a donné un complexe d’infériorité à un magicien de niveau Saint… »

Le garçon était carrément terrifiant. Mais pour une raison quelconque, cela m’avait rendu heureux. Jusqu’à présent, j’étais toujours jaloux de quelqu’un de plus doué que moi… mais en ce qui concernait mon fils, tout ce que je ressentais, c’était de la fierté.

« OK, ce n’est pas le moment de me parler à moi-même. Finissons-en avant que Laws n’arrive jusqu’ici… »

J’avais rapidement procédé à l’arrimage de mon fils. La voiture était arrivée quand j’avais fini, et alors je l’avais ramassé et que je m’étais préparé à le jeter dedans.

Bien évidemment, Laws avait choisi ce moment pour venir avec Sylphie en remorque.

« Rudy !? »

Voyant son camarade de jeu pieds et poings liés, la jeune fille avait immédiatement lancé un sort offensif de niveau intermédiaire sur moi sans même une incantation. Je l’avais repoussé assez facilement, mais en plus du lancement de sorts silencieux, la puissance et la vitesse de l’attaque étaient toutes deux impressionnantes. Elle aurait pu facilement tuer une personne normale.

Merde, Rudeus. Ne lui apprends pas ces conneries…

Après avoir remis ma lettre à Ghislaine, j’avais sans cérémonie jeté Rudeus dans la voiture et j’avais fait savoir au cocher qu’il était prêt à partir.

En jetant un coup d’œil, je vis Laws accroupi à côté de Sylphie, lui parlant fermement, mais discrètement.

Ouais, c’est comme ça. C’est le travail des parents d’apprendre à leurs enfants ce qui est bon pour eux.

Laws avait permis à Rudeus d’assumer plusieurs de ses fonctions, mais maintenant il aurait l’occasion de reprendre son rôle légitime. Expirant doucement, je regardais de loin la petite conférence de famille. Après un moment, le vent m’avait porté la voix de Sylphie.

« Non… Je vais devenir assez forte pour aider Rudy ! »

Hmm. Cette fille t’adore vraiment, mon fils.

C’était à ce moment que mes deux épouses étaient sorties de la maison. Je leur avais dit de rester à l’intérieur si elles voulaient regarder, surtout pour leur propre sécurité. Mais je supposais qu’elles voulaient au moins voir le garçon partir.

« Oh, mon doux petit Rudy me quitte ! »

« Soyez courageuse, Madame. C’est une épreuve que nous devons endurer ! »

« Je sais, Lilia. Je sais ! Oh, Rudeus, Rudeus ! Mon petit fils s’en va ! Il va laisser sa pauvre mère toute seule. Malheur à moi ! »

« Vous n’êtes pas seule, Madame.Votre enfant n'est pas seul ! »

« Tu as raison, bien sûr. Il a deux petites sœurs maintenant. »

« Deux !? Oh, Madame ! »

« Bien sûr, Lilia. J’aimerai ton enfant autant que le mien ! Autant que je t’aime ! »

« Oh, Madame ! Je ressens la même chose ! »

Pour une raison ou une autre, Zenith et Lilia avaient joué une scène théâtrale étrange alors que la voiture s’élançait sur la route. Je supposais qu’elles n’étaient pas très inquiètes pour Rudeus. Après tout, le gamin avait une tête solide sur les épaules.

En tout cas… ces deux-là s’entendent bien de nos jours. J’aimerais qu’elles soient aussi amicales avec moi. Ou au moins qu’elles arrêtent de se liguer contre moi.

« Mais… Je suppose que Rudeus ne sera pas là pour regarder les petites grandir, hein ? »

Je savais qu’il avait l’intention de devenir le « meilleur grand frère de tous les temps », mais les choses n’allaient pas se passer comme ça.

Pas de chance, petit. Papa va recevoir l’amour de toutes ses petites filles ! Eheheheheheh.

Hm. Attendez une seconde. Maintenant que j’y pense.

Rudeus était sur le point de commencer un entraînement spécial et accéléré sous la direction d’une épéiste de niveau Roi. Dans cinq ans, il aura douze ans. Il sera beaucoup plus grand et plus fort qu’il ne l’était maintenant. S’il y avait un autre combat à son retour, est-ce que j’aurais au moins une chance ?

Et bien. Ma dignité paternelle est en jeu.

« Zenith, ma chère ? Lilia? Maintenant que Rudy nous a quittés, je pense que je vais devoir m’entraîner un peu également. »

Zenith m’avait jeté un regard désintéressé. Lilia se pencha pour chuchoter dans son oreille.

« Est-ce qu’il lui a vraiment fallu une quasi-défaite pour qu’il réalise que le jeune maître pourrait bientôt le surpasser ? »

« Honnêtement, il est toujours comme ça. Il ne fait jamais d’efforts jusqu’à ce que quelqu’un l’embarrasse presque. »

Apparemment, il me manquait vraiment quelque chose au niveau de ma dignité paternelle.

Et puis, à quoi bon ? D’ailleurs, à quoi sert la dignité ? Mon père était un tas de fierté et de noblesse, et je ne l’avais jamais vraiment aimé. Je voulais être un père aimable et aimant, pas un père digne.

On aura eu le temps d’y réfléchir plus tard. Des pensées m’avaient traversé l’esprit alors que la voiture de Rudeus s’éloignait tout en faisant du bruit sur la route.

Rudeus…

Crois-moi, ce n’est pas non plus comme ça que je voulais agir. Je ne pense pas que tu aurais accepté mon plan, et je ne suis pas sûr que j’aurais pu te laisser convaincre par mon discours.

Mais… en tant que ton père, je ne pouvais pas ne rien faire. Pour l’instant, je vais te confier à quelqu’un d’autre, mais je pense que c’était comme ça que ça devait se passer.

Je sais que je ne t’ai pas laissé le choix, mais je suis sûr qu’un enfant intelligent comme toi comprendra. Les expériences que tu vas vivre là-bas n’auraient pas été possibles dans ce village. Même si tu ne comprends pas mes raisons, faire face aux défis qui t’attendent te rendra à la fin plus fort.

Tu peux m’en vouloir autant que tu le veux. Tu m’en veux, et tu t’en veux de m’avoir laissé faire ça.

J’ai grandi sous la coupe de mon père, tu sais ? J’ai fini par m’enfuir, plutôt que de lui faire face.

Dans une certaine mesure je le regrette. Et j’aurais aimé faire certaines choses différemment.

Je ne veux pas que tu ressentes ça, bien sûr. Mais tu sais… m’enfuir comme ça m’a rendu plus fort. Je ne sais pas si je suis plus fort que mon père, mais j’ai trouvé des femmes que j’aimais, j’ai protégé les choses auxquelles je tenais et je suis devenu assez fort pour mettre la pression sur mon propre enfant.

Tu veux te défendre ? Cela ne me dérange pas. Vas-y, amuse-toi bien.

Reviens plus fort, petit.

Assez fort pour tenir tête à ton tyran de père.

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2 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre.

  2. Merci pour le chapitre.

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