Chapitre 5 : En voyage
Partie 1
« Wôw ! Il y a encore plus de monde qu’au festival ! »
« En effet. Alors, assure-toi de ne pas lâcher. »
« OK ! »
Carol s’accrocha à l’ourlet de mon manteau, regardant autour d’elle avec étonnement. Je voulais lui parler correctement, mais j’étais pour l’instant occupé à vérifier les horaires. Nous étions devant les distributeurs de billets de la gare. C’était une gare de trains à grande vitesse, ce qui signifiait qu’elle était immense et bondée. Il y avait plusieurs femmes habillées en kimono, probablement en route vers un sanctuaire pour la nouvelle année.
Attends, arrête de te laisser distraire ! Concentre-toi sur ce que tu dois faire !
Je me suis approché du distributeur de billets afin de récupérer nos billets. C’était la première fois que je faisais quelque chose de ce genre. Les billets n’étaient pas donnés, mais c’était nécessaire. Seika me proposa de payer nos billets, mais j’avais poliment refusé. Comme elle avait déjà pris la peine de les réserver pour nous, je ne pouvais évidemment pas lui demander de payer.
Je dois simplement appuyer sur le bouton indiquant réservation en ligne ?
J’avais regardé sur le net comment faire, mais j’étais encore nerveux.
J’avais fini par y arriver et j’avais conduit Carol, qui ronronnait encore d’excitation, vers la zone d’attente. La partie la plus difficile était terminée. J’avais l’habitude de prendre le train pour aller à l’école, j’étais maintenant en terrain connu.
« Je vais te montrer ce que tu dois faire ensuite, d’accord, Carol ? Tu n’as qu’à me copier. »
« OK ! »
C’était une procédure simple, mais l’innocente Carol me regardait avec beaucoup de respect. Je m’en sentais vraiment indigne, mais ça faisait du bien. J’avais mis mon ticket dans la fente et j’avais essayé de passer le portail. Elle s’était fermée juste devant moi.
« Huh ? »
Je l’avais mis correctement, non ?
« Yoshio ? »
Carol leva les yeux vers moi d’un air interrogateur. J’aurais préféré qu’elle ne le fasse pas. Mon visage devint alors brûlant d’embarras et de confusion. Qu’est-ce que j’avais fait de mal ?
Dans ma panique, j’avais remarqué un membre du personnel de la gare qui s’approchait à grands pas.
« Vous devez mettre le ticket express sur le ticket normal et les mettre tous les deux en même temps. »
« Oh, c’est vrai. Désolé. »
Attendez, c’était pour ça qu’on en avait deux ? Je pensais que l’un des deux était uniquement destiné à être présenté à l’agent dans le train, comme j’avais vu dans les séries télévisées.
« Qu’est-ce qui ne va pas, Yoshio ? »
« Oh, euh… l’homme est venu s’excuser parce que la porte n’a pas accepté mon billet. »
Désolé, membre mystérieux du personnel de la station.
Comme il ne pouvait pas nous comprendre, je lui avais fait porter le chapeau. J’avais mis les deux billets cette fois-ci, et Carol fit de même. Nous avions vérifié dans quelle voiture nous étions, puis nous avions acheté des boîtes à lunch sur le quai en attendant. J’avais toujours voulu manger un panier-repas de luxe dans un train à grande vitesse. C’était peut-être banal pour la plupart des gens, mais pour une personne recluse, cela semblait impossible. J’avais toujours aimer faire quelque chose que les autres faisaient sans réfléchir. Il y avait une beauté cachée à cela.
« Hé, comment ce gros et long serpent peut-il aller si vite ? Est-ce de la magie ? », demanda Carol, les yeux brillants.
Les trains étaient un élément de base de notre société, mais elle n’en avait jamais vu auparavant.
« Ce n’est pas de la magie. C’est une technologie que nous utilisons dans le monde des dieux, un pouvoir que tout le monde peut utiliser. »
« Donc je peux aussi faire en sorte que le serpent aille plus vite ? »
« Tu le pourrais, à condition d’étudier et d’apprendre à le faire. »
« Wôw ! C’est tellement incroyable ! »
Bien que je n’avais rien à voir avec cela, le fait de l’entendre faire l’éloge de la technologie de mon pays était fort appréciable.
Lorsque le train s’était arrêté et qu’il était temps de monter, le visage de Carol se figea à cause de la nervosité. Puis elle rassembla son courage et se lança à l’intérieur.
« Il ne va pas nous manger, hein ? », demanda-t-elle nerveusement.
« Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas vraiment un serpent. »
J’avais pris la main de Carol et l’avais conduit à nos sièges. Les sièges d’un train à grande vitesse étaient disposés par deux ou trois. Carol et moi avions deux places côte à côte.
« Nous y sommes. Tu peux avoir le siège côté fenêtre. »
« Vraiment ? ! Yay ! »
J’aurais apprécié avoir le siège côté fenêtre parce que j’avais souvent le mal des transports, mais elle l’apprécierait plus que moi. De plus, si un joueur jouant un dieu corrompu se présentait, je devais pouvoir me lever.
« Puis-je laisser Destinée sortir, Yoshio ? », demanda Carol, tout en déplaçant son sac à dos d’ours et en montrant la fermeture éclair.
« Hmm. Pose le sac à tes pieds et dézippe-le. Il pourra ainsi prendre l’air. »
« OK. »
Carol dézippa le sac, et Destinée sortit sa tête. Il étira ses pattes avant comme un vieil homme à l’étroit.
« Désolé. Essaie de te détendre un peu, Destinée. »
Ce dernier s’allongea sur le sol, se recroquevilla et ferma les yeux. J’avais aussi mis mon sac sur le sol, bloquant ainsi la vue. Si quelqu’un se rendait compte qu’on avait amené un énorme lézard dans le train, ce serait la panique.
« Wôw ! On bouge, mais on ne se balance pas du tout ! Et c’est si calme ! »
J’avais réalisé que nous avions quitté la station. J’étais tellement stressé, mes épaules étaient tellement crispées, que je perdais de vue mon environnement. Je devais être plus prudent. Je ne pouvais pas baisser ma garde, mais rester aussi tendu n’était pas une option. J’étais sur le point d’avertir Carol de baisser le ton pour ne pas déranger les autres passagers, quand j’avais remarqué quelque chose. Sa voix résonnait dans toute la voiture, mais elle n’était pas si forte que ça. L’environnement était juste étrangement calme.
Quand nous étions arrivés, le train était bondé, mais personne ne disait rien. Ça n’avait pas de sens. Il y avait même d’autres enfants ici.
« Carol, tu veux bien te taire une seconde ? »
« Oh, désolée. », dit-elle en mettant ses mains sur sa bouche.
Je n’avais même pas le temps de me sentir coupable.
Maintenant qu’elle ne parlait plus, le silence semblait encore plus flagrant. On n’entendait pas un seul bruit dans les environs. Le seul bruit audible était celui du train qui avançait à toute vitesse sur son chemin. J’avais retenu ma respiration tout en écoutant, jusqu’au moment où la porte du wagon suivant s’était ouverte. J’avais passé ma tête dans l’allée pour regarder.
« Ce n’est pas possible… »
Mon esprit s’était vidé devant l’impossibilité de la scène qui se déroulait devant moi. Un horrible monstre à la peau verte se frayait un chemin dans le wagon. C’était un gobelin. Un gobelin que j’avais vu des tonnes de fois dans le monde du jeu.
« Yoshio ! C’est un gobelin vert ! »
Carol pleurnicha, s’accrochant à mon bras et tremblant.
Je voulais la rassurer, mais bien que j’aie ouvert la bouche, aucun mot n’en était sorti. La peur me desséchait la gorge. Je n’avais jamais réalisé à quel point cette créature était terrifiante jusqu’à maintenant, alors qu’elle était juste devant moi. Comment une telle chose pouvait-elle exister dans la vie réelle ? C’était tellement fantaisiste que j’avais l’impression que l’espace à l’intérieur du wagon avait été arraché à la réalité. De la sueur froide perla sur ma peau. Je commençais à trembler.
Voilà donc ce que ressentaient mes villageois lorsqu’ils se battaient pour leur vie ? J’allais pour la première fois connaître ce qu’était réellement la peur. Je voulais désespérément m’enfuir. Si c’était comme ça que le monde extérieur pouvait être, j’étais prêt à tout jeter et à m’enfermer à nouveau.
Non…
« Yoshio… »
Carol tira sur ma manche, sa voix était petite et faible.
N’ai-je pas dit qu’il était temps d’arrêter de fuir la réalité ? ! Je dois la protéger !
J’avais dégluti, serré mes mains en poings et pris une inspiration.
« Carol. Baisse la tête et reste calme. »
« O-okay. »
Je lui avais donné une tape rassurante sur la tête, puis je m’étais levé et j’étais sorti dans l’allée. Le gobelin s’était arrêté à quelques mètres devant moi. Aucun des passagers n’avait sourcillé devant le monstre improbable qui se tenait au milieu du train. J’avais balayé mon regard sur eux, me demandant si un joueur jouant un dieu corrompu pourrait être parmi eux, mais ils semblaient tous dormir profondément. Comment ? Le fait que tous les passagers de ce train aient décidé de faire une sieste en même temps était strictement impossible.
Je m’étais retourné vers le gobelin vert, tout en l’étudiant attentivement. Il était un peu plus petit que moi, et à part une ceinture de peau d’animal autour de sa taille, sa peau verte était entièrement exposée. Ses bras et ses jambes étaient épais et musclés. Il portait une massue primitive dans une main. Il était plus grand que tous les gobelins que j’avais vus dans le jeu, mais il était plus petit que moi.
Cela restait quand même un monstre, ce qui était suffisant pour me faire perdre mon courage.
merci pour le chapitre