Chapitre 4 : Un combat mortel et mes pensées paniquées
La pluie continua à tomber. Gams s’élança sur le côté du gobelin, frappant avec son épée. Le monstre lui jeta un bref coup d’œil avant d’agiter sa massue dans l’air, coupant les feuilles mouillées en deux avec un souffle sourd. Et avant que j’aie pu comprendre ce qui s’était passé, Gams était parti en arrière, glissant sur le sol détrempé.
« Gams ! »
J’avais cru qu’il était fichu. Mais non, il avait bloqué l’attaque avec son épée. Il grimaçait maintenant tout en tombant à genoux. Il n’était pas blessé, mais le gobelin avait vu que son équilibre était rompu et avança.
« Gams ! »
Ce fut Chem qui cria cette fois pour lui. À côté d’elle, Murus entra en action. Il tira plus de flèches, mais celles que le gobelin n’avait pas balayées rebondirent simplement sur sa peau. Incroyable, j’avais vu ces mêmes flèches tuer monstre après monstre d’un seul coup.
« Ce monstre est juste trop fort ! »
Les flèches furent néanmoins une distraction suffisante qui permit à Gams de se remettre sur pied, mais j’avais encore moins d’espoir qu’avant. Il avait tout juste réussi à esquiver la dernière attaque de la créature, et le pire était que la créature n’était même pas sérieuse. Lorsqu’elle leva sa massue et la balança vers le bas, elle ne laissait à Gams qu’une fraction de seconde pour l’esquiver. Elle souriait alors à chaque échappatoire. Elle continua ainsi à lancer exactement la même attaque encore et encore, un peu comme un humain essayant d’écraser un moustique. Gams essayait désespérément de combler l’écart et de frapper, mais la taille du gobelin et la longueur de la massue rendaient la chose impossible. Et même s’il s’approchait, le monstre l’enverrait voler à nouveau.
« Ce gobelin rouge borgne n’est pas normal. Il doit être de rang légende, ou même plus. Si les flèches normales ne le pénètrent pas, peut-être que les flèches empoisonnées le feront… Bien que je ne sois pas sûr qu’elles fonctionnent, surtout avec cette pluie. », dit Murus.
J’avais tout de suite compris où Murus voulait en venir. Il était médecin, ce qui signifiait qu’il connaissait tout des poisons, et les flèches empoisonnées pourraient nous donner une chance de victoire. Sauf qu’il était probable que la pluie emporte le poison avant qu’elles n’atteignent le sang du gobelin.
Peut-être que je devrais arrêter la pluie…
Je devrais le faire, et pas uniquement pour le poison. Le sol de plus en plus boueux gênait les mouvements de Gams. Mais d’un autre côté, la pluie battante diminuait la visibilité de l’œil de la créature, ce qui était bon pour nous. Et ce n’était pas comme si arrêter la pluie signifierait l’assèchement immédiat et total du sol. J’avais l’impression que ma meilleure option était de leur envoyer une prophétie leur ordonnant de fuir, mais non, cela pourrait être encore plus dangereux que de se battre à ce stade. Dès que mon groupe tournerait le dos au monstre, il serait sans défense.
« Qu’est-ce que je fais ? Je n’ai même pas le temps de réfléchir ! Ugh ! Qu’est-ce que je peux faire ?! Qu’est-ce que je peux faire maintenant ? »
Si seulement j’avais le golem à proximité. Contrairement au jour de la Corruption, j’étais venu ici sans véritable plan de secours. J’aurais peut-être dû demander à mes villageois de porter la statue avec eux. Et pourtant, si cela les ralentissait et que les otages mouraient, tout ce plan n’aurait servi à rien.
J’avais deux options : envoyer une prophétie ou accomplir un miracle. Mais le miracle pourrait même ne pas prendre effet immédiatement. La seule que je savais capable de fonctionner immédiatement était la manipulation du temps. Les seuls atouts du groupe étaient les flèches empoisonnées, le livre de Chem et le petit sac qu’elle avait pris à Gams.
Je m’étais creusé la tête pour trouver des connaissances que je savais ne pas avoir.
Mais il y avait une troisième option : je pouvais dire à Chem et Murus de fuir pendant que Gams restait derrière. Gams était malin, il remarquerait immédiatement leur fuite et resterait probablement derrière pour agir comme un leurre et les laisser se mettre en sécurité.
La vie de Gams… ne comptait pas vraiment. Ce n’était qu’un jeu. Ils n’étaient que des pixels. Aucune personne réelle n’allait mourir.
Mais si je croyais vraiment ça, alors pourquoi étais-je si terrifié ?
« Non. Je vais ramener tout le monde en vie. Il doit y avoir un moyen de s’en sortir ! Ils ne feraient pas un jeu où l’on ne peut pas sortir victorieux ! Il doit y avoir un moyen d’inverser les choses ! »
Je savais parfaitement que j’avais gâché mon potentiel, ne pouvant compter que sur des bribes de connaissances tirées d’anime, de jeux et de mangas. Je devais savoir quelque chose qui puisse m’aider maintenant. Un détail que j’avais appris au cours des dix dernières années !
Quel était le moyen le plus efficace de faire face à une telle situation ?
J’avais fait défiler les différents types de miracles et j’avais parcouru les éléments disponibles, en calculant nos chances. Soudainement, une solution fit irruption dans mon esprit.
« Est-ce que ça va marcher ? Non. Il faut que ça marche. », dis-je en secouant la tête.
Mes doigts volèrent sur le clavier. J’avais envoyé la prophétie dès qu’elle fut prête.
« Mon livre rayonne ! Je crois que le Seigneur nous donne des conseils ! »
Chem sortit alors le livre et l’ouvrit immédiatement.
Elle le lut rapidement, puis se tourna vers Murus et lui donna de brèves instructions. Le duo se mit en mouvement. J’attendis que Murus prépare son arc avant d’ouvrir le menu météo et de diminuer la zone d’effet de la pluie, la rendant la plus petite possible. L’averse était maintenant localisée autour du gobelin, avec Gams juste hors de portée. C’était une vue surprenante, Gams regarda alors Chem, il devait se rendre compte que c’était un miracle. Chem lui fit signe de s’éloigner du gobelin. Il acquiesça et commença à reculer lentement.
Le gobelin ne semblait pas avoir remarqué qu’il était maintenant le seul à subir la pluie. Il continuait à agiter sa massue, quand soudainement sa vision fut éblouie par la lumière, qui fut suivie d’un grondement de tonnerre.
Le gobelin cria.
La pluie torrentielle s’était transformée en orage, et la massue qu’il tenait si haut était devenue un paratonnerre, traversé par des éclairs d’électricité. Le gobelin trébucha, ivre, de la fumée s’échappant de son corps.
« Un éclair ne l’a pas tué ? ! C’est de la folie ! »
Mais ça n’avait pas d’importance. Murus avait déjà tiré sa flèche. Le gobelin était courbé en arrière à cause de la douleur, sa bouche ouverte alors qu’il hurlait. La flèche recouverte de poison de Murus avait fendu l’air et s’était dirigée vers la bouche ouverte. Dès qu’elle serait dans la gorge du gobelin, la partie serait terminée.
Mais alors que notre victoire semblait assurée, le monstre leva sa main géante et repoussa la flèche. Il passa de la douleur à la réaction en une fraction de seconde. Les coins de sa grande bouche se recourbèrent en un sourire moqueur.
« Désolé, mon grand. »
Juste avant que la main de la créature n’arrête la flèche, un objet s’en détacha. C’était une petite statue du Dieu du Destin, tenant une minuscule fiole de poison. Celle-ci vola au-dessus de la main du monstre et tomba, puis ricocha sur le dos de la main du gobelin et atterrit directement dans sa bouche. Le gobelin essaya de claquer ses lèvres, mais il était déjà trop tard. En contrôlant la petite statue avec le gamepad, je lui avais fait écraser la petite fiole de poison dans sa petite main. Le gobelin vacilla et tomba à genoux, se serrant la gorge. Il s’effondra alors sur le sol, face contre terre.
Tout le monde avait retenu son souffle tandis que son corps s’agitait dans la boue, ses mouvements perdant progressivement de leur force. En moins de dix secondes, il était devenu complètement immobile.
« Oui ! On a réussi ! »
J’avais applaudi tout en jetant ma manette de côté.
Ce plan aurait pu tourner si mal, mais il avait fonctionné ! Et si l’on considérait que c’était une idée que je venais d’avoir à l’improviste, j’étais plutôt satisfait. J’allais me féliciter pour le reste de la journée. Mon visage brûlait d’excitation. Je pris alors quelques grandes respirations pour me calmer. J’avais laissé mon esprit revenir sur mon plan, en m’ancrant dans le moment présent.
Voici ce que j’avais écrit dans cette prophétie :
« Je vais créer un orage centré sur le gobelin rouge à un œil. Dès que l’éclair le frappera, tire une flèche dans la bouche du monstre. Avant cela, donne à ma minuscule statue une fiole de poison qu’elle pourra tenir et attache là à la flèche. »
Ce n’était pas tout à fait aussi divinement formulé que d’habitude, mais je n’avais pas le temps de m’en inquiéter, pas plus que Chem ou Murus. Au moment même où j’avais envoyé la prophétie, j’avais utilisé un miracle pour activer le golem. J’avais eu cette idée en tête au moment où je m’étais rappelé avoir vu ma statue prendre vie le jour de la Corruption. Si cette statue était considérée comme un « golem » simplement parce qu’elle était reconnue comme le Dieu du Destin, cela signifiait-il que je pouvais contrôler n’importe quoi me ressemblant ? Je m’étais ensuite souvenu de la petite poupée que Carol avait donnée à Gams avant leur départ.
Il était communément admis que la foudre frappait les objets métalliques, mais en réalité, elle frappait tout ce qui était assez grand. Quand j’avais forcé l’orage dans une si petite zone, l’objet le plus grand autour était cette massue, je savais aussi que le gobelin la levait toujours en l’air avant une attaque. Le monstre demandait pratiquement à être frappé.
J’avais peur de toucher Gams, mais heureusement, ce dernier comprit ce que je faisais et s’était écarté du chemin. Une fois que la foudre frappa le gobelin, Murus en profita pour lancer la flèche vers sa bouche. La minuscule statue qui s’y accrochait contenait une fiole pleine de poison si puissant qu’une seule goutte pouvait tuer un gros monstre. J’avais pris le contrôle de la statue afin que la fiole atterrisse dans la bouche du gobelin. J’avais pensé qu’il suffisait d’enduire la pointe de la flèche de poison, mais il valait mieux être préparé à tout, surtout sous une pluie pareille. Et tout s’était finalement bien passé.
J’aurais aimé continuer à me réjouir de notre victoire, mais il y avait des choses plus importantes à se soucier. J’avais vérifié l’écran pour trouver tout le monde rassemblé au même endroit. Les vêtements de Chem étaient couverts de boue. Elle avait dû courir vers son frère dès qu’elle l’avait pu, sans se soucier des flaques d’eau. Elle jeta ses bras autour de lui et sanglota dans sa poitrine. Gams lui caressa alors doucement la tête.
La pluie avait cessé, et la lumière éblouissante du soleil se déversait dans la clairière. Le monstre gigantesque gisait mort devant les trois voyageurs. Le tableau était réconfortant, presque onirique. Je m’étais surpris à fixer l’écran pendant un moment, oubliant tout ce qui m’entourait. J’aurais voulu pouvoir faire la fête avec eux, mais j’avais déjà épuisé la prophétie d’aujourd’hui. Je devais attendre jusqu’à demain.
De plus, même si la bataille était terminée, la mission ne l’était pas. Nous devions encore nous aventurer dans cette dernière hutte.