Chapitre 6 : Village en danger et nerfs à vif
Papa aimait s’asseoir dans le jardin après le dîner. Un soir, je l’avais rejoint, regardant le ciel nocturne.
« Alors, tu as trouvé un travail ? »
« Pas encore. Il y en a trois qui m’intéressent, je vais leur téléphoner demain. »
« Tous à court terme ? »
« Oui. Le village a besoin de quelque chose à la fin du mois, alors je pensais commencer à travailler le plus tôt possible pour finir d’ici là. »
« Le plus tôt possible… tu avais l’habitude de toujours dire que tu ferais les choses demain, puis de te mettre en colère. », murmura mon père.
« Je le pense vraiment. Je veux sérieusement travailler cette fois. »
« Quel genre de travail cherches-tu ? », demanda papa.
« Eh bien, je veux me dépasser, mais je ne sais pas si je pourrais m’occuper de quelque chose en contact avec la clientèle. Ça donnerait probablement une mauvaise image de l’endroit si je travaillais là-bas. Donc je pensais à un truc de type travail manuel. Je ne dis pas que c’est un travail facile, mais j’ai l’impression que c’est un moyen de me rendre utile. »
« Écoute, si tu es sérieux, je peux demander à une de mes connaissances. »
J’avais hésité. J’étais reconnaissant de son offre, mais je craignais que si je me laissais à nouveau compter sur quelqu’un d’autre, cela ne se transforme qu’en de nouvelles excuses.
Papa me regarda alors droit dans les yeux : « Yoshio. Peu importe l’âge que tu auras. Je serai toujours ton père. Tu n’as pas à avoir honte de prendre mon aide, et cela ne voudra pas dire que tu n’as pas atteint cet objectif par toi-même. Si tu as un but, alors c’est la responsabilité de ta famille de t’aider à l’atteindre. Être adulte, c’est reconnaître ça. »
J’avais eu l’impression qu’il voulait m’aider. Pour une raison quelconque, ça m’avait rappelé Rodice surveillant Carol. C’était une enfant indépendante, mais Rodice veillait toujours sur elle et semblait aimer qu’elle se repose sur lui. Peut-être que lui et mon père n’étaient pas si différents.
« Dans ce cas… oui, s’il te plaît », avais-je dit.
Je crois que c’était la première fois en dix ans que je demandais de l’aide à mon père.
« Donne-moi un moment. »
Papa sortit un téléphone portable qui semblait dater du siècle dernier. Il entra dans le salon et passa un appel.
Je ne pouvais plus trouver d’excuses maintenant. Il n’y avait aucune chance que je laisse tomber papa, pas encore. Pourtant, mon cœur battait la chamade, et la sueur coulait dans mon dos. La seule pensée de travailler me faisait paniquer.
« Yoshio. As-tu des vêtements dans lesquels il est facile de bouger ? », demanda papa tout en passant sa tête à l’extérieur.
« Euh, oui, j’ai un maillot. »
« Très bien. Change-toi et descends. »
On dirait qu’il avait réussi à me décrocher un entretien.
« Je n’ai pas encore rédigé mon CV… »
« Ça n’a pas d’importance. Je connais le gars, donc tu pourras régler ça plus tard. »
C’était donc vraiment un entretien. J’étais peut-être censé passer un test physique, c’était pourquoi j’avais dû me changer.
J’avais couru à la salle de bain pour me raser. Je ne pouvais pas aller à un entretien avec mon visage dans cet état. Et dès que j’avais fini avec ça, j’étais retourné dans ma chambre et j’avais sorti un maillot.
Mes mains tremblaient. J’avais passé toute la journée à chercher du travail. Le fait d’avoir eu un entretien aurait dû me rendre heureux ! Je me rappelais encore avoir fondu en larmes en regardant Gams et Chem ensemble. Était-ce juste un moment de faiblesse ? Quand j’avais dit que je voulais changer, est-ce que je le pensais vraiment ?
J’avais jeté un coup d’œil à l’écran de mon ordinateur. Chem et Gams inspectaient la clôture pour voir si elle était endommagée. Carol faisait la sieste pendant que sa mère vérifiait les réserves de nourriture, et Rodice effectuait quelques réparations.
Mes villageois travaillaient si dur, alors que leur Dieu était trop lâche pour aller travailler. Je ne pouvais pas les laisser tomber.
Merci à tous…
Regarder mes villageois m’avait donné le courage dont j’avais besoin. J’avais secoué la tête pour calmer ma nervosité.
« Je vous verrai plus tard. »
Changé, j’avais fermé la porte de la chambre derrière moi.
*****
Papa m’attendait devant la porte d’entrée.
« Quel genre de travail est-ce ? », avais-je demandé.
« C’est une entreprise de nettoyage. Ils ont besoin de plus de personnes pour aider à nettoyer les supermarchés pendant la nuit. Leur employé à temps partiel a démissionné récemment, alors ils étaient plus qu’heureux de te prendre. »
J’avais repensé à l’entreprise qui avait viré mon collège. Je m’étais souvenu des machines high-tech qu’ils avaient, comme celle avec les brosses tournantes et l’aspirateur géant.
Nous étions arrivés devant un petit supermarché. On était après la fermeture, mais toutes les lumières étaient allumées.
C’était le point de non-retour. Au moment où je sortirais de cette voiture, il n’y aurait pas de retour en arrière. Mais il était encore temps de demander à papa de me ramener à la maison, de lui dire que je ne voulais pas faire ça.
C’était ma chance de changer, pour mes villageois et pour moi.
Alors que papa et moi marchions vers le supermarché, j’entendais toutes sortes de bruits mécaniques provenant de l’intérieur. Un grand homme était sorti pour nous accueillir.
« Merci beaucoup d’être venus ! Tu as l’air assez fort, c’est génial ! »
Il m’avait donné un coup sur l’épaule. La puissance de sa main me fit me demander pourquoi cet homme n’était pas dans les montagnes à chasser le carcajou.
« Je vais faire de mon mieux. »
« Prends bien soin de lui », dit papa tout en se retournant pour partir.
Une petite voix dans ma tête me disait d’aller avec lui. Mais je ne pouvais pas. Papa s’était donné la peine d’organiser tout ça pour moi. Je ne pouvais pas le décevoir maintenant.
« Ne sois pas si nerveux ! Fais juste ce que je te dis. En fait, c’est moi qui dirige cette entreprise. S’il y a quelque chose que tu ne sais pas faire, ou si tu as des questions, demande-le à moi ou à l’un des deux autres là-bas. Personne ne sait jamais quand on débute, je préfère donc que tu me demandes tout ! »
Il appela alors les autres nettoyeurs : « Hé, les gars ! On a un nouveau qui travaille avec nous aujourd’hui. Soyez gentils avec lui, d’accord ? »
Il semblait être une personne vraiment gentille, mais j’avais du mal à croire que quelqu’un comme lui dirigeait sa propre entreprise.
Je ne devrais probablement pas le juger si durement pour mon premier jour.
Je ne travaillais que pour pouvoir verser de l’argent dans un jeu en ligne, ce qui était une raison plutôt pathétique. Je ne devrais pas juger qui que ce soit.
Les deux personnes auxquelles il avait fait signe, un homme et une femme, étaient venues me saluer.
« Salut toi. Tu ne travailles ici que jusqu’à la fin du mois, n’est-ce pas ? C’est sympa de te rencontrer ! »
« Tu es plutôt grand ! Tu peux nettoyer les fluorescents. »
Ils avaient tous les deux l’air d’avoir mon âge, ou peut-être un peu plus ce qui était franchement un petit soulagement. Ce serait difficile d’avoir des personnes plus jeunes s’occupant de moi. La différence d’âge pourrait les amener à me traiter différemment. Ces deux-là semblaient gentils et avaient clairement de meilleures compétences sociales que moi. Même s’ils étaient tous les deux en uniforme pour le moment, j’avais l’impression qu’ils étaient aussi mieux habillés que moi. Mais ce n’était pas le moment d’agir comme si j’avais le droit de me vanter. Je devais m’y mettre et travailler dur, comme les villageois.
J’avais pris une grande inspiration et j’avais regardé les deux personnes en face de moi.
« Je ferai de mon mieux », avais-je promis tout en m’inclinant.
*****
« Tu peux donc revenir demain, hein ? »
« Oui. »
« Super ! Ce sera encore un autre travail de nuit, tu auras donc les mêmes horaires qu’aujourd’hui… Quoique je suppose que c’était hier maintenant, techniquement. Quoi qu’il en soit, je viendrai te chercher à huit heures. Bon travail aujourd’hui. »
« Merci. À demain. »
« À demain ! »
Le patron m’avait déposé devant chez moi. J’avais réussi à passer la nuit. Quand le stress commençait à me submerger, j’imaginais mes villageois. Le patron et mes collègues étaient très gentils, ce qui me mettait à l’aise. Et pour le travail manuel, mon manque d’expérience n’était pas un problème aussi important que je le pensais. C’était le genre de travail que tout le monde pouvait faire assez facilement. Et si j’avais vraiment fait des recherches sur le travail et gardé l’esprit ouvert, je m’en serais rendu compte plus tôt.
Après avoir salué la voiture de mon patron pendant qu’il s’éloignait, j’étais entré tranquillement. Il était trois heures du matin, et tout le monde dormait.
Nettoyer un supermarché était un travail très physique. Et même s’il était facile à apprendre, c’était un travail dur et exigeant, et j’étais trempé de sueur. J’avais envie de décoller le maillot de mon dos collant et d’entrer dans le bain le plus vite possible.
« Je suppose que le nettoyage est un travail plus difficile que je ne le pensais. »
J’avais passé toute la nuit à pousser une grande machine de type aspirateur qui aspirait le gravier et l’eau sale, et maintenant mes bras et mes cuisses étaient endoloris. J’avais également lavé le matériel de nettoyage une fois que nous en avions eu terminé. J’étais presque sûr que le patron me donnait les tâches les plus faciles vu que j’étais nouveau. Ils auraient probablement pu faire tout ce que je faisais cent fois plus vite et mieux, mais j’avais quand même fait ma part. Ça devait faire des années que je n’avais pas autant bougé, mais ça faisait du bien. J’avais travaillé, et j’étais fier de pouvoir le dire.
J’avais allumé dans le salon. Il y avait quelque chose sur la table à manger. C’était une boule de riz, des saucisses et une petite omelette. Il y avait aussi une note.
« Bien joué au travail. J’ai pensé que tu avais peut-être faim, alors je t’ai préparé à manger », avais-je lu à haute voix.
Et bien que maman ait étudié la calligraphie et que son écriture soit généralement parfaite, cette fois-ci, elle était un peu désordonnée, comme si elle avait écrit la note à la hâte. L’omelette et la boule de riz n’étaient pas non plus aussi soignées que ce à quoi j’étais habitué de sa part. Elle était probablement endormie quand elle les avait faits.
Je m’étais assis et j’avais déballé mon repas. Il était encore un peu chaud. J’avais d’abord pris une bouchée de la boule de riz.
« Je ne savais pas que la nourriture pouvait avoir aussi bon goût… »
Après avoir fini mon repas, je m’étais dirigé vers le bain. Je n’avais réalisé qu’il faisait encore chaud là-dedans que lorsque j’étais à poil. Il faisait si froid dehors que j’étais habitué à ce que la salle de bain soit gelée à cette heure de la nuit. J’avais enlevé le couvercle de la baignoire pour découvrir qu’elle était encore remplie d’eau à la bonne température…
« C’est trop propre pour être utilisé… »
Maman avait dû la nettoyer et la remplir pour moi.
« Merci », avais-je dit devant le bain en lieu et place de maman.
La direction de l’histoire se précise et c’est très cool de suivre l’évolution du MC. Encore merci pour le chap!