Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 6 – Chapitre 7

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Chapitre 7 : Deux possibilités

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Chapitre 7 : Deux possibilités

Partie 1

Kudou et moi, nous nous étions fait face, tous les deux avec des monstres derrière nous. Je savais que nous nous retrouverions un jour, mais je n’avais jamais imaginé que ça se passerait comme ça.

« C’est bon de te revoir, Senpai. »

Kudou m’avait salué comme un ami proche, un sourire s’étendant sur son visage mince. Je n’avais rien dit en réponse. Notre relation n’était pas une relation où nous pouvions simplement sourire et discuter. Il était l’autre dompteur de monstres. Nous partagions la même origine, mais suivions des chemins différents. J’avais choisi d’utiliser mon pouvoir pour établir un lien émotionnel avec les monstres, tandis que lui avait choisi d’utiliser le sien pour soumettre les monstres à son service en les attachant. Nous étions totalement incompatibles.

La phrase « un malheur n’arrive jamais seul » m’était venue à l’esprit. Les choses étaient déjà hors de mon contrôle, et maintenant Kudou s’était montré. Peut-être était-il apparu à cause de cela. Il était venu pour profiter de ma situation difficile.

« Monseigneur… »

Gerbera avait serré ma main sans réserve, assez fort pour que cela fasse mal. Ce n’était pas très féminin, mais ça lui allait bien et c’était plutôt rassurant.

« Merci, Gerbera, » avais-je dit en évacuant la tension de mon corps. « Je vais bien maintenant. »

« Hm. »

Maintenant que je m’étais calmé, j’avais commencé à réfléchir à ce qui se passait. En voyant comment Kudou avait engagé la conversation, il ne semblait pas qu’il allait nous attaquer tout de suite. Dans ce cas, nous pourrions peut-être simplement le laisser passer.

Kudou regardait joyeusement nos mains jointes, tandis que je lui rendais son regard.

« Ça fait longtemps, Kudou. »

Cela faisait environ deux mois. Il était le même que lorsque nous nous étions quittés… ou peut-être un peu plus mince. Peut-être que mon impression de lui avait simplement changé parce qu’il portait les vêtements locaux. Deux mois avaient après tout aussi passé pour lui.

J’avais regardé les monstres qui l’accompagnaient. Ils avaient également beaucoup changé. La doppelqueen Anton qui avait engendré cette armée d’ombres n’était pas là, mais le loup à deux têtes Berta avait maintenant des tentacules dans le bas de son dos.

Berta était une espèce mutante du croc de feu des profondeurs. Ce degré de transformation grotesque était-il une caractéristique de ce monstre ? Ou était-ce le résultat de ces monstres qui se dévoraient les uns les autres dans une pratique que Kudou avait appelée le « bocal à poison kudoku » ?

« On dirait que tu as été plutôt occupé, » avais-je dit.

Kudou avait souri et avait hoché la tête. « Oui, je suppose que c’est le cas. J’ai un but à accomplir, après tout. »

« Un but, hein ? »

Répéter ses mots m’avait laissé un goût amer dans la bouche. Sa déclaration d’il y a deux mois m’était revenue en mémoire.

« Je suis le Roi-Démon. Je ne suis pas celui qui va sauver l’humanité. Je suis celui qui va la détruire. »

Il avait été opprimé et tourmenté. Il avait perdu toute sa dignité et, pour couronner le tout, avait frôlé la mort. Ayant acquis la capacité de manipuler les monstres, il se considérait comme le Roi-Démon, un être destiné à se venger de l’humanité. Étrangement, ces pensées inhumaines étaient les seules choses qui maintenaient son sentiment d’identité. Il ne pouvait plus vivre autrement.

Kudou avait probablement passé les deux derniers mois à travailler sans relâche dans ce but. L’un des fruits de son travail se trouvait devant moi sous la forme de ses serviteurs, qui étaient les meilleurs parmi tous ceux qu’il contrôlait.

« Il y en a ici que tu n’as pas encore rencontré, Senpai. Permets-moi de te présenter. Voici le César du slime sale. »

Quelque chose de vert et de boueux s’était glissé hors de la manche de Kudou. Je n’avais jamais vu ce type de monstre auparavant. Il ne semblait pas être originaire de cette région. Le fait qu’il ait pris la peine de le nommer signifiait qu’il était au moins un monstre rare.

« Et voici la harceleuse cauchemardesque Dora. »

Kudou avait incité la fille à côté de lui à s’avancer.

« C’est un plaisir de faire votre connaissance, deuxième roi, » dit-elle en s’inclinant.

Elle était comme une ombre. Ses cheveux, sa peau et ses yeux étaient tous noirs. Elle ressemblait à l’armée de sosies derrière Kudou, mais contrairement à eux, ses traits étaient plus définis. Son apparence était clairement inhumaine, mais elle était aussi la plus humaine parmi les serviteurs de Kudou.

« Dora est ma progéniture mutante. »

L’un des sosies avait pris la forme d’un garçon grand et robuste et il avait parlé. C’était Juumonji Tatsuya. Cette figure était un terminal de la doppelqueen Anton, pour ainsi dire, exécutant sa volonté en utilisant leurs capacités de doppelgängers. Contrairement au vrai Juumonji, le visage du garçon était horriblement robotique.

Anton posa sa main sur l’épaule de Dora. « Cette chose n’a pas la moindre capacité en tant que doppelgänger. Elle est défectueuse et ne peut pas me servir de terminal. En revanche, elle est très douée au combat… Peut-être même qu’elle peut te tuer dans ton état actuel d’affaiblissement, Araignée Blanche. »

« Merci pour cet accueil courtois. En guise de remerciement, veux-tu le mettre à l’épreuve ? »

Gerbera et Anton se fixaient l’un et l’autre et l’air entre eux devient tendu. En les observant, Berta avait relevé une de ses têtes.

« Arrête ça, Anton. Tu dois te retenir devant notre roi. »

« Je le sais. »

La copie de Juumonji faite par Anton haussa les épaules et recula. Gerbera laissa échapper un grognement, et Dora ferma ses yeux noirs.

« On dirait que vous avez tous terminé vos salutations, » dit Kudou, jetant un coup d’œil à la brève dispute entre nos serviteurs avant de me regarder. « Je dois m’excuser de ne pas m’être montré immédiatement malgré ta situation difficile, Senpai. La Skanda Iino Yuna est ici, après tout. »

Iino m’avait poursuivi jusqu’ici en pensant que j’étais le complice de Kudou. Si elle savait qu’il était ici, elle l’aurait certainement assommé — sans pitié. Il était apparu seulement maintenant parce qu’Iino ne pouvait pas bouger.

« Attends… Pourquoi es-tu au courant de ma situation ? » avais-je demandé. Les choses commençaient à avoir un sens, mais je trouvais toujours cela plutôt étrange. « Comment es-tu arrivé ici ? Ne me dis pas que l’un de tes monstres m’a suivi pendant tout ce temps. »

« Je ne suis pas un harceleur. »

« Je me demande ce que c’est…, » murmura Gerbera, mais Kudou ne lui accorda aucune attention.

« J’ai appris ta situation à Serrata. J’ai entendu des histoires suspectes en rassemblant des informations là-bas. J’ai aussi eu des informations sur la Skanda, alors j’ai suivi sa trace. Heureusement, elle utilisait un cheval au lieu de courir toute seule, donc ce n’était pas si difficile de la poursuivre. »

« Je vois. Alors c’est ce qui s’est passé. »

J’étais convaincu maintenant, mais un détail m’avait frappé. L’une des choses que Kudou avait apparemment faites au cours des deux derniers mois était de recueillir des informations. Tout comme moi, il avait du mal à se déplacer en compagnie de monstres.

Pourtant, il avait un serviteur qui pouvait se glisser dans la société humaine. Les nombreuses progénitures d’Anton pouvaient imiter l’apparence des humains. Elle n’avait pas besoin de dévorer une cible avant de prendre sa forme comme Lily. Étant donné qu’Anton pouvait contrôler ses progénitures à distance, elle serait parfaite pour recueillir des informations.

Si le corps principal d’Anton n’était pas là, c’est peut-être parce qu’elle était en train de le faire. Il y avait probablement une distance maximale pour son contrôle à distance, mais c’était encore suffisant en son absence. Ou peut-être que tous les monstres les plus puissants de Kudou, à part ceux qui étaient ici, étaient avec Anton en train d’accomplir une autre tâche.

« Je comprends ton histoire maintenant, » avais-je dit, en abordant le vrai problème. « Mais pourquoi as-tu fait tout ce chemin pour me poursuivre ? »

« Oh ? Je crois que je te l’ai déjà dit. »

J’avais regardé Kudou d’un air renfrogné. Il avait, en fait, mentionné pourquoi il était ici dès qu’il s’était montré.

« Me donneras-tu un coup de main pour sauver Lily ? »

« Oui. Je suis venu ici pour t’aider, Senpai, » dit Kudou, avec un large sourire. Il n’avait pas prêté attention à mes soupçons. « J’ai entendu ce qui s’est passé. Takaya a enlevé ton précieux slime, n’est-ce pas ? Tant que tu es d’accord, je te prête mes serviteurs pour renforcer tes forces. »

« Comprends-tu ce que cela signifie… ? »

Notre adversaire était un tricheur, le guerrier Takaya Jun. Ce n’était pas un combat fictif, nos vies étaient en danger. Ce n’était pas une situation où il devait simplement me prêter ses serviteurs. Cependant, Kudou avait facilement consenti à le faire.

« Bien sûr. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que tu les utilises comme bras et jambes contre Takaya, » dit-il, sans la moindre hésitation dans la voix. « Si tu en as envie, tu peux même les utiliser et les jeter. »

Il parlait comme s’il parlait de biens consommables. Ou peut-être qu’il ne voyait en eux que des êtres jetables. La façon dont il considérait ses serviteurs était totalement différente de celle dont je considérais les miens.

Au Fort de Tilia, Kudou avait sacrifié des centaines de monstres sous ses ordres. À l’époque, il s’agissait de monstres normaux sans volonté, mais il ne semblait pas considérer ses serviteurs spéciaux différemment.

Si Lily et les autres étaient des pierres précieuses pour moi, les serviteurs de Kudou étaient des cailloux pour lui. Il était satisfait tant qu’il pouvait les lancer sur son adversaire et le blesser. Il y avait des cailloux à ramasser partout. Il n’avait pas vraiment besoin d’aller les chercher. À cet égard, j’avais pitié des serviteurs de Kudou. Cela dit, je n’étais pas en mesure de montrer de la sympathie à ces filles étant donné la situation actuelle.

***

Partie 2

« Et… ? » J’avais commencé en secouant légèrement la tête. « Que veux-tu en retour ? »

Même si ce n’était que des cailloux pour lui, il avait pris le temps de les rassembler. Il n’avait aucune raison de les remettre gratuitement. Il était parfaitement évident qu’il voulait une sorte de compensation. Si c’est le cas…

« Hmm, voyons voir…, » dit Kudou, en remettant César dans sa manche. « Senpai, te souviens-tu de la proposition que j’ai faite la dernière fois ? »

C’était exactement ce que je pensais que ce serait. Je l’avais vu venir, mais j’avais quand même froncé les sourcils.

« Donc tu dis que je dois m’allier à toi pour obtenir ton aide ? » avais-je demandé.

Kudou avait fait cette proposition quand nous nous étions séparés au Fort de Tilia. Je vivais en harmonie avec mes monstres, tandis que Kudou maîtrisait les siens. Bien que nos positions soient différentes… ou peut-être parce qu’elles le sont, nos capacités se complétaient parfaitement. Les forces de l’un couvraient les faiblesses de l’autre. Ensemble, nous pourrions peut-être sauver ce monde de la menace rampante des Terres forestières, ou le détruire entièrement. Bien sûr, Kudou ferait une fixation sur moi, étant donné cela.

Dans ce cas, sa proposition n’était pas si scandaleuse. Il me proposait de me prêter sa main en échange de la mienne — un échange vraiment équitable. Je savais parfaitement à quel point la capacité de Kudou était puissante. Si je pouvais emprunter sa force, la probabilité de sauver Lily augmenterait considérablement.

Cependant, s’allier à Kudou signifie se séparer de l’humanité. Je ne peux pas être d’accord.

Avant même que je puisse lui répondre, Kudou avait pris la parole, voyant clair dans mes pensées. « Senpai, je ne pense pas que ce soit une si mauvaise affaire pour toi, » dit-il d’un ton persuasif, tout en restant calme. « Cela fait environ deux mois que tu n’as pas côtoyé la société humaine ici, non ? Tu devrais avoir compris depuis le temps. Je veux dire, avec qui tu dois t’allier. »

Je m’étais tu.

« As-tu vraiment l’intention de te battre jusqu’à la mort pour un monstre !? »

Les mots d’Iino avaient résonné dans mon esprit. De mon point de vue, c’était des mots cruels. Cependant, ce n’était pas le vrai problème derrière sa déclaration. Et Iino n’était pas la seule à penser de cette façon.

Disons que vous aviez deux personnes. L’une est capturée et mourra si elle reste seule. Cependant, si l’autre offre sa vie, le captif sera sauvé. Supposons maintenant qu’un ami du captif apprenne la situation. Il ne dira pas à l’autre personne de renoncer à sa vie pour sauver le captif. Il ne le peut tout simplement pas. Personne ne traitera non plus l’autre personne d’inhumaine pour ne pas avoir sacrifié sa propre vie.

Cependant, disons que la personne n’est pas humaine. Alors quoi ? Si offrir la vie de quelque chose d’inhumain — comme un monstre — permet de sauver le captif, le consensus ne sera-t-il pas alors différent ? Considérons maintenant un monde constamment menacé par des monstres. La plupart des gens pensent que le monstre doit être sacrifié.

En bref, c’était la situation dans laquelle je me trouvais. La grande majorité des gens fronceraient les sourcils devant une personne prête à se battre à mort contre une autre pour lui avoir volé son précieux animal de compagnie. Le trésor d’une personne n’avait pas la même valeur pour tout le monde. Vivre avec des monstres signifiait porter le fardeau de telles déviations cognitives et tous les inconvénients qui en découlaient.

« Tu chéris tes serviteurs, alors ne devrais-tu pas te joindre à moi ? » demanda Kudou.

Il y avait une certaine persuasion dans ses paroles, mais il avait tort.

« Quelle absurdité, » répondit immédiatement Gerbera. Ses mots étaient comme le salut de mon cœur. « Tu marches sur le chemin du carnage sanglant. Tu vas tuer tes ennemis, tes alliés, et même toi-même. » Elle s’était arrêtée et avait regardé Kudou dans les yeux. « Dis-tu à mon seigneur de devenir comme toi ? De nous traiter comme des pions jetables ? »

« Je pense que ce serait beaucoup plus facile pour lui de cette façon, » dit Kudou. L’interruption de Gerbera était inattendue, mais il avait immédiatement repris ses esprits. « En tant que serviteur, ne devriez-vous pas vous sacrifier pour son bonheur ? »

« Quelle plaisanterie ! Même si c’est plus facile comme ça, ce n’est pas le chemin du bonheur, » affirma Gerbera avec détermination. « Tu ferais bien de ne pas te moquer de nous. L’homme dont nous sommes tombées amoureuses n’est pas un lâche au point de tourner le dos au bonheur en prétextant une situation difficile. »

« C’est ce que tu dis, Araignée Blanche, » dit Anton avec un regard de robot alors que Gerbera levait le menton avec fierté. « Même toi, tu trouveras que c’est un trop lourd fardeau de combattre un tricheur avec ton corps dans cet état pitoyable. Tu es toute seule avec un roi qui ne peut rien faire. Comment vas-tu sauver ce slime ? »

« Hmph. Un état pitoyable, dis-tu ? C’est peut-être ce qu’il semble à tes yeux pourris, » dit Gerbera, en jetant un coup d’œil à ses jambes manquantes et en se moquant, « mais c’est un dangereux malentendu. »

Dès qu’elle eut terminé, un torrent tangible et visqueux de soif de sang explosa de son corps svelte. Anton se figea complètement, comme si les fils d’araignée de Gerbera la tenaient tendue, incapable de supporter la moindre pression.

« Je suis forte comme je suis maintenant, » déclara Gerbera avec un beau sourire.

Même si elle avait perdu davantage de ses meilleures armes — ses pattes vicieuses — son état est loin d’être pitoyable.

« Après tout, le désir présent dans mon cœur vient d’être exaucé, » poursuit Gerbera. « Je ne pourrais pas être en meilleure forme. Permets-moi de te dire encore une chose. Je peux puiser dans mes forces précisément parce que mon seigneur est avec moi. Ne va pas prétendre qu’il ne peut rien faire comme si tu savais tout. Sa valeur ne réside pas dans de tels endroits. »

Anton n’avait pas pu dire un mot.

« On dirait que tu n’es bon qu’à débiter des imbécillités » ajouta Gerbera.

Dora, la progéniture mutée d’Anton, avait pris la parole à la place de sa mère. « L’arme de la Grande Araignée Blanche n’est-elle pas ses serres, mais ses lèvres mileuses ? »

Les mains de Dora s’étaient transformées en épées noires de jais. Elle ne possédait pas les capacités d’un doppelgänger, mais pouvait apparemment manipuler son corps dans une certaine mesure.

En voyant la combativité de Dora, Gerbera laissa échapper un soupir d’admiration. « Tu es bien faite pour un être né d’un sous-fifre qui ne peut que trembler devant moi. »

« Comment osez-vous vous moquer de ma mère ! »

« Je voulais en fait te féliciter d’avoir si bien tourné malgré le fait que tu aies été traitée comme une ratée. Dans le monde de notre seigneur, il y a un dicton qui dit qu’une grande personne peut naître de parents parfaitement ordinaires. »

« Espèce d’enfoirée ! »

Des étincelles invisibles volaient entre elles. Gerbera était devenue plutôt belliqueuse après qu’Anton m’ait insulté. À ce rythme, notre conversation n’aboutirait à rien. Finalement, c’était aux deux maîtres de les arrêter.

« Arrête ça, Dora. Qui t’a dit que c’était bien de te battre ? »

« Gerbera, toi aussi. »

Gerbera s’était retournée vers moi et avait haussé les épaules. En revanche, Dora était tombée à genoux, serrant son cou. Kudou avait probablement exercé sa capacité.

« Les choses sont devenues plutôt incontrôlables, n’est-ce pas ? » dit Kudou, baissant son regard vers Dora à genoux avant de me faire face. « Recommençons. »

« Bien, » avais-je répondu d’un signe de tête. « Bien que Gerbera ait déjà dit à peu près tout ce que je voulais dire. »

« Alors tu veux dire…, » murmura Kudou, ses yeux s’élargissant très légèrement.

« Oui. Je partage son opinion, » avais-je déclaré.

Il y avait des parties de la déclaration de Gerbera qui me surestimaient ici et là, mais ce qu’elle avait dit explicitement venait de sa confiance en moi. En tant que tel, je voulais répondre à sa confiance en tant que son maître… Non, pas comme son maître, mais comme l’homme à qui elle avait offert son cœur.

« Je te l’ai déjà dit avant, de toute façon. Je ne suis pas un Roi-Démon. Je suis leur maître. »

Je ne pouvais pas suivre le même chemin que Kudou. J’étais destiné à prendre un chemin différent. Tant que je ne pouvais pas me joindre à lui, il n’y avait aucune chance que j’accepte son offre. En un sens, c’était la seule façon dont ça aurait pu se passer depuis le début. Le vrai problème avait commencé ici avec mon refus.

« Si possible, je préférerais que tu me laisses partir paisiblement, » avais-je dit.

Si je devais sauver Lily, je devrais probablement affronter Takaya. Il serait préférable que je n’aie pas à gaspiller inutilement mon énergie ici. Heureusement, grâce à Gerbera, nous avions réussi à démontrer suffisamment notre potentiel de combat, indépendamment de ses blessures. S’il fallait se battre, Kudou subirait de lourdes pertes. De plus, il n’avait rien à gagner, donc il n’avait aucune raison de se disputer avec nous. En termes de gains et de pertes, il n’avait pas d’autre choix que de reculer. Tout ce qui restait était la question de ses sentiments.

« Je vois. OK, alors vas-y…, » dit Kudou. Mais il avait ajouté : « Pensais-tu vraiment que j’allais reculer comme ça ? »

Berta, qui était restée silencieuse pendant tout ce temps, avait commencé à grogner. La progéniture en forme de Juumonji d’Anton dégaina l’épée à sa taille. Le slime sale César avait suinté de la manche de Kudou. Dora se remit debout en titubant et transforma à nouveau ses bras en épées. En les regardant se préparer au combat, j’avais poussé un soupir.

***

Partie 3

« Est-ce ainsi ? Quel dommage ! » dis-je en préparant mon épée.

Asarina s’était étirée de ma main, montrant ses crocs. Gerbera avait fait craquer ses articulations et avait replié ses pattes, accumulant de la force pour bondir. J’avais voulu éviter une bataille, mais maintenant que j’en étais arrivé là, il n’y avait pas d’autre moyen. Je devais me frayer un chemin.

Cependant, je n’avais pas besoin d’anéantir mes adversaires. Plutôt, pour éviter de nous épuiser inutilement, Gerbera pourrait les disperser et utiliser cette ouverture pour forcer une fuite. Ça marcherait. Nous pourrions le faire.

Sans vouloir imiter Gerbera, j’étais en si grande forme que mon état d’épuisement antérieur semblait un mensonge. J’irais même jusqu’à dire que j’étais en pleine forme. J’avais l’impression que tout le mana qui circulait dans mon corps était plus revigoré que d’habitude. Peut-être n’était-ce qu’un sentiment temporaire de toute-puissance dû à l’exaltation de l’échange de mes sentiments avec Gerbera. Toujours est-il que les questions émotionnelles étaient étonnamment difficiles à prendre à la légère.

Notre moral était au plus haut. Nous allions passer à travers les serviteurs de Kudou et continuer notre poursuite de Lily. Je fixais les obstacles qui se dressaient devant moi… quand j’avais soudain vu l’expression de Kudou.

J’étais étonné. Kudou me regardait avec un léger sourire et des sourcils légèrement froncés. C’était cependant un peu différent de son sourire habituel. Pas vraiment de la tristesse. Pas vraiment de la pitié. Pas tout à fait de l’envie. C’était une expression complexe composée des trois. Je ne savais pas ce qui l’avait poussé à faire une telle grimace. Quand j’avais cligné des yeux, son sourire habituel était de nouveau collé sur son visage.

« Héhé. Ne te méprends pas sur mes propos. »

Le sourire de Kudou ne trahissait pas ses pensées intérieures. Il tenait ses deux mains devant sa poitrine avant de tendre une paume vers moi.

« Cela ne signifie pas que je vais me battre contre toi ou quoi que ce soit d’autre, Senpai. »

« Quoi… ? »

Kudou s’était détourné de moi alors que je restais là, perplexe, puis il s’était adressé à ses propres serviteurs.

« Vous tous, arrêtez ça. Ce n’est pas un ennemi. »

« Mon roi, qu’est-ce que vous dites ? »

Berta restait prête à se jeter sur moi à tout moment, ne tournant qu’une seule de ses têtes vers Kudou en signe de confusion. Ses autres serviteurs étaient tout aussi perplexes. Et moi aussi.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » avais-je demandé.

« Ce n’est pas si compliqué, » dit Kudou avec un haussement d’épaules indifférent. « Je veux juste dire que je n’ai jamais dit que je retirerais mon offre juste parce que tu ne veux pas t’allier à moi. »

J’étais complètement abasourdi.

« C’est dommage que tu ne deviennes pas mon allié, mais cela ne me dérange pas vraiment. Comme je l’ai déjà dit, je te prêterai toutes les troupes que j’ai ici. »

C’était très inattendu. Même Gerbera semblait quelque peu décontenancée. Je n’arrivais pas du tout à saisir les intentions de Kudou. Ma confusion se lisait probablement très clairement sur mon visage.

« Il n’y a pas besoin de se méfier de moi, » dit Kudou avec un petit rire. « Il n’y a pas de piège. »

« Dis-tu donc que tu vas m’aider sans rien attendre en retour ? »

« Ne me crois-tu pas ? »

« Pour le dire franchement, non. »

« Ha ha. Eh bien, je suppose que tu me vois comme un ennemi. C’est normal que tu sois méfiant. » Même lorsque je lui avais clairement dit que je me méfiais de lui, Kudou ne semblait pas vraiment s’en soucier. « Cependant, je ne te considère pas comme mon ennemi. »

« Où veux-tu en venir… ? »

« Je ne voudrais pas que tu meures pour quelque chose d’aussi insignifiant, » ajouta Kudou, son sourire s’élargissant. « Je crois l’avoir déjà mentionné. La seule personne avec laquelle je veux unir mes forces est celle qui, au même endroit, au même moment, dans les mêmes circonstances, s’est éveillée au même pouvoir. Juste toi. »

Il y avait un soupçon de zèle dans sa voix. Elle révélait une fixation lunatique sur un sens inversé des valeurs. Ou peut-être était-ce le dernier vestige d’humanité en lui, sous forme d’empathie.

« Tu es merveilleux, » continua Kudou avec passion. « Ce n’est pas une exagération. Tu ne peux pas mourir ici. C’est pourquoi je veux toujours t’aider. »

« Mon Seigneur… ? » murmura Gerbera. « Cet homme est-il par hasard une bonne personne ? »

« Tu es naïve, » lui avais-je dit.

Non pas que ce soit étrange qu’elle l’interprète de cette façon. Kudou me favorisait trop. Il n’était pas quelqu’un de bien, mais son intention de m’aider semblait sincère.

En y repensant, il avait fait la même chose lorsqu’il avait révélé son identité au Fort de Tilia. Il m’avait offert des informations dont je ne savais rien, me demandant si je voulais m’allier à lui. Lorsque j’avais refusé, il ne m’avait pas attaqué de manière frénétique, mais avait reculé et était parti tranquillement.

L’attitude de Kudou était à la fois rationnelle et sincère. Il n’y avait rien de caché derrière. Il était impossible qu’il complote quelque chose de maléfique. Il n’avait pas la capacité de juger le bien du mal, le bon du mauvais, et le profit de la perte. Sa sympathie pour la seule et unique personne qui était la même que lui s’était simplement transformée en une fixation insondable.

Il essayait sérieusement d’aider, et quand il s’agissait de sauver Lily, plus nous avions de forces de notre côté, mieux c’était. J’avais échangé un regard avec Gerbera, puis nous nous étions fait un signe de tête avant de nous retourner vers Kudou.

« Bien. Je vais accepter ton aide. »

 

 ◆ ◆

Sur le moment, je ne pouvais pas nier que je sentais un soupçon d’espoir en moi. Kudou s’était trouvé au même endroit que moi, partageant le même moment, dans le même environnement, et s’était éveillé au même pouvoir. J’aurais pu facilement devenir comme lui. Il était empathique envers moi, et cela allait dans les deux sens. Quelque part au fond de mon cœur, je ne voulais pas me battre avec lui.

Cependant, nos vies étaient en désaccord. À ce rythme, nous devrions un jour en venir aux mains. C’était une prémonition. Quand ce moment viendrait, ce serait une lutte désespérée pour la survie. Je devrais mener mes serviteurs à tuer Kudou. Pour éviter cela, l’un de nous devait changer sa façon de faire. En d’autres termes, je devrais tomber au niveau où Kudou était dans la vie, ou alors il devrait retourner au niveau où j’étais.

S’il y avait une personne qui pouvait le ramener ici, c’était bien moi. Kudou faisait une telle fixation sur moi que cette rencontre inattendue m’avait donné le meilleur fil pour me connecter à ce futur. C’est ce que je croyais.

Naturellement, je savais déjà que ce n’était que le plus faible des espoirs. La possibilité existait, mais il était impossible qu’un tel avenir se réalise. Le fait que je le sache et que je m’attarde sur ces pensées prouvait ma faiblesse. Cependant, je pensais que c’était exactement ce qui me différenciait de celui qui avait choisi la vie d’un Roi-Démon.

 

 ◆ ◆

« Mon Seigneur, » déclara Gerbera, toujours très méfiante à l’égard du groupe de Kudou, mais plus en position de combat. « Si nous avons fini de parler, alors nous devrions y aller immédiatement. »

« Exact… »

Un certain temps s’était écoulé. C’était bien que Kudou coopérait avec nous au lieu de se battre, mais cela ne voulait rien dire si nous ne rattrapions pas Takaya.

« Oh, à propos de ça. Ça devrait aller, » dit Kudou, ignorant nos craintes. Il était difficile à lire, mais en ce moment, il était clairement de bonne humeur. « J’ai déjà pris des dispositions de mon côté. »

J’avais hoché la tête quand Kudou avait levé un doigt.

« Que veux-tu dire par là ? Explique-toi. »

« Bien sûr. En fait, j’ai déjà envoyé certaines des autres troupes à l’endroit où se trouve Takaya. »

« Oh, je vois. C’est la raison pour laquelle tu n’as pas beaucoup de monstres avec toi maintenant. »

Kudou avait hoché la tête. « Je n’ai pas non plus fini de reconstituer mes forces. Ce n’est pas comme si j’avais amené tous mes pions, mais j’ai une trentaine de monstres à sa poursuite. Si leur attaque se passe bien, tu n’auras peut-être même pas à le rattraper. »

« Attaque ? Hé, Lily va bien, non ? »

« Il n’y a rien à craindre. Au pire, ils devraient encore le faire patienter. »

Trente monstres normaux. Même contre un guerrier armé d’une arme magique, ils représentaient une menace suffisante pour transformer le combat en une bataille majeure selon leur approche. S’ils se consacraient à gagner du temps, ils pouvaient en gagner beaucoup et l’épuiser considérablement.

« De plus, ce sera plus rapide si tu montes sur Berta pour le rattraper. »

« Oh ? »

J’avais regardé la louve à deux têtes. Contrairement à la petite Ayame, son corps était très large. Il était tout à fait possible de la monter.

« Cela te convient-il ? » avais-je demandé à Berta.

« Tel est l’ordre de mon roi. Je n’y vois pas d’inconvénient. »

Les tentacules et la queue de Berta s’agitaient. Elle avait l’air plutôt imposante, mais quand elle se comportait ainsi, elle était plutôt mignonne, un peu comme un chien.

« Oh. Mais dans ce cas, tu devras monter en tandem avec moi, » ajouta Kudou.

« Argh, » gémit Gerbera en fronçant les sourcils pour une raison inconnue.

Je ne savais pas si elle n’aimait pas l’idée que je monte Berta ou l’idée que je monte avec Kudou. Peut-être était-ce les deux. J’avais de la peine pour elle, mais il valait mieux que j’utilise au maximum tout ce qui était à ma disposition pour augmenter les chances de sauver Lily.

« Utiliser tout ce que je peux, hein ? » m’étais-je dit en murmurant.

« Qu’est-ce qu’il y a, Senpai ? »

« Ce n’est rien. Je me parle à moi-même. »

Après cela, nous avions eu une courte réunion stratégique. Kudou semblait mécontent du plan que je proposais. Gerbera avait aussi l’air mécontente. Mais après que je les avais convaincus, ils avaient tous deux donné leur accord.

Une fois la préparation terminée, nous avions commencé à poursuivre Takaya.

Maintenant, allons récupérer Lily.

***

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