Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 4 – Chapitre 11

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Chapitre 11 : Celle qui écrase une telle puissance vide

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Chapitre 11 : Celle qui écrase une telle puissance vide

Partie 1

Après être sortie de l’obscurité, ma conscience était revenue dans mon corps. J’avais l’impression d’être resté longtemps à l’intérieur de ce mystérieux espace, mais dans le monde réel, cela n’avait été que de courte durée. J’avais regardé Shiran, dont les dents coupaient toujours mon épaule, et j’avais aperçu Lily, qui avait reconstruit son corps en celui d’un humain.

« M-Maître ! »

« Je vais bien… Tout s’est bien passé. »

Lily avait l’air vraiment soulagée d’entendre ça. J’avais reporté mon regard sur Shiran. J’avais inconsciemment enlacé son corps lorsqu’elle m’avait attaqué, et elle s’appuyait maintenant sans force contre moi. De côté, on aurait dit que nous étions amants, partageant un câlin alors qu’elle enfouissait son visage dans mon épaule. En vérité, cette scène était loin d’être aussi belle. Elle était en train de me manger. C’était en fait plutôt grotesque.

« Aïe… »

J’avais laissé échapper un petit gémissement. Shiran avait retiré ses dents de mes muscles alors qu’un son humide léchait mon oreille. Cette douleur était bien sûr nécessaire pour qu’elle s’éloigne de moi. J’avais retiré mes bras d’autour de son dos.

Plusieurs secondes plus tard, j’étais dans la confusion. J’avais pensé que Shiran se retirerait immédiatement, mais elle ne montrait aucun signe de mouvement. Elle ne me mordait plus, mais ses bras étaient toujours enroulés autour de moi. Elle avait aussi une emprise inattendue sur moi, je ne pouvais donc pas m’échapper.

Elle était parfaitement immobile, son visage toujours enfoui dans mon épaule. Quelque chose n’allait pas avec elle ? Au moment où cette pensée m’avait traversé l’esprit, j’avais senti une sensation de clapotis près de la plaie ouverte. J’avais entendu le léger éclaboussement d’un liquide collant comme si un chat buvait du lait.

« Hein… ? »

Je ne pouvais pas dire si la chair de poule qui me parcourait le dos était un frisson de peur ou de plaisir. Maintenant, nous ressemblions vraiment à des amants. Sa langue avait rampé le long de ma peau. Diligemment. Aguichante. Il y avait une obscénité dans ses actions, comme si elle était une séductrice, mais aussi une passion innocente, comme un chiot. Le son du clapotis continuait à remplir l’air alors qu’elle picorait, goûtait et léchait. Oui, Shiran léchait avec enthousiasme tout le sang qui s’écoulait de ma blessure.

Mes pensées s’étaient arrêtées net lorsqu’elle s’était retirée progressivement. Son œil vitreux, ses lèvres souriantes, le sang rouge qui mouillait sa bouche… elle semblait envoûtée, une expression qui ne convenait pas à la nature sérieuse de cette fille. Son teint pâle était presque effroyable, mais il était accompagné d’une étrange sexualité convenant à une fille de son âge.

Sa langue sortait de ses lèvres et léchait le sang qui maculait sa bouche comme si elle savourait le plus doux des miels.

« Fwah... »

Une voix sans mot s’était glissée dans mon oreille. Même ça, ça avait l’air lascif. Si son apparence habituelle était une douce fleur sauvage, en ce moment, elle était plutôt un piège à mouches ensorcelant. Elle avait une beauté douce et séduisante associée à une atmosphère fugace, mais dangereuse. J’avais l’impression qu’elle pouvait disparaître à tout moment, ce qui m’empêchait de détacher mes yeux d’elle.

« Heh. Heheh... »

Son unique œil m’avait regardé d’un regard fondu, et puis… un interrupteur semblait s’être déclenché en elle.

« Hein… ? »

Elle avait l’air perplexe. Je pouvais voir à son expression et à son cheminement mental qu’elle avait repris ses esprits. Au même moment, ma perception du temps s’était remise à bouger. J’avais finalement réalisé que j’avais complètement arrêté de respirer.

« Sh-Shiran ? Es-tu… réveillé ? »

Shiran avait cligné des yeux à plusieurs reprises, ses lèvres désormais propres avaient tremblé d’un coup.

« Taka… Hiro ? »

Elle avait répondu avec un zézaiement un peu enfantin, mais elle pouvait au moins reconnaître correctement qui j’étais maintenant.

« Où… ? »

Shiran avait lentement retrouvé son sang-froid. Elle avait baissé les yeux sur sa propre main comme pour confirmer sa situation.

« Ce n’est pas possible… Suis-je vraiment revenue ? »

Ses lèvres tremblaient alors qu’elle prononçait des mots clairs et significatifs. La lumière de la raison habitait au fond de son œil. Elle n’était plus incertaine.

 

 

« Dieu merci. Vous avez repris connaissance, » avais-je dit avec soulagement.

D’après ce que j’avais vu, elle était encore dans un état ambigu où son ego n’était pas encore revenu, donc elle agissait encore un peu comme une goule. Cela m’avait glacé le sang pendant un moment, mais maintenant, il semblerait que tout soit rentré dans l’ordre.

« Takahiro ! »

Après avoir regardé sa propre main, Shiran avait relevé son visage. Son œil brillait comme une gemme unique. J’étais maintenant captivé par son éclat d’une manière totalement différente qu’auparavant.

« Merci beaucoup, Takahiro ! »

Elle avait saisi ma main avec force. J’avais baissé mon regard sur ses doigts affreusement froids, repérant une bague avec une gemme rouge. Cet anneau était la preuve qu’elle était un chevalier et aussi un identifiant pour savoir si elle était une goule ou non. Quand elle était revenue vers nous, la couleur avait apparemment changé. Elle n’avait pas repris sa couleur bleue d’origine, probablement parce qu’elle était toujours un monstre mort-vivant, même si elle n’était pas une goule.

« Avec ça, je peux me battre à nouveau. Je peux protéger ce que je voulais protéger… ! »

Néanmoins, ça ne changeait rien au fait que c’était Shiran. J’avais finalement eu le sentiment qu’elle avait retrouvé son cœur. Un sourire m’était naturellement venu. Les précieux sentiments que cette fille possédait n’étaient plus perdus. Pour l’instant, cela valait la peine d’être célébré.

« Tout cela, jusqu’au moindre détail, c’est grâce à vous, Takahiro, » avait-elle dit, submergée par l’émotion.

« Non, ce n’est pas tout à fait ça, » avais-je répondu en secouant la tête. J’avais regardé son œil larmoyant, puis j’avais cité : « “C’est le monde où les souhaits se réalisent”. »

« … ? »

« Vous me l’avez déjà dit, vous vous souvenez ? Je crois que ce sont les mots laissés par le tout premier sauveur. »

Les légendes racontaient que le premier sauveur avait dit cela pour encourager le peuple à ne pas jeter ses rêves dans la période la plus sombre de l’humanité. Ce n’était, bien sûr, qu’une interprétation de cette phrase, tout comme Shiran l’avait dit auparavant. Cela s’était passé il y a si longtemps et c’était une phrase si simple qu’il n’y avait plus aucun moyen de découvrir la vérité derrière elle.

Cependant, une interprétation aussi douce avait continué à soutenir cette fille au grand cœur jusqu’à ce jour, alors qu’elle protégeait l’humanité. Il n’y avait pas de phrase plus appropriée que celle-ci ici et maintenant.

« Le pouvoir que j’avais n’était pas suffisant. Espérer simplement que cela se produise ne m’aurait pas permis de vous atteindre. Mais si les souhaits se réalisent ici… alors votre propre souhait, ainsi que ceux de toutes les personnes qui ont essayé de protéger cette forteresse, sont ce qui a rendu cela possible. »

Shiran était juste ici comme une cristallisation des souhaits de chacun. C’était un peu faux de revendiquer cela comme mon accomplissement personnel.

« Tous nos souhaits…, » murmura Shiran en fermant son œil. Puis elle avait joint ses mains aux miennes et m’avait regardé dans les yeux. « Vous avez raison, » avait-elle dit avec un beau sourire. « Cela pourrait être un miracle que nous avons réalisé tous ensemble… Mais quand même, c’est exactement pour cela que je dois vous remercier, Takahiro. » Je pouvais à nouveau voir mon reflet dans son œil de pierre précieuse. « Merci beaucoup d’avoir exaucé tous nos vœux. Merci d’avoir sauvé le mien. Vous le nieriez sûrement, mais au moins, pour moi, vous êtes… »

Shiran ravala ses mots suivants et secoua la tête. Son expression s’était alors transformée en celle d’un chevalier continuant à se battre pour protéger le monde.

« Pour le bien des sentiments de chacun… et pour réaliser mon propre désir, je dois me battre. Allons-y, Takahiro. En avant vers notre champ de bataille. »

Avec l’éclat de son vœu de protéger ceux qui avaient été blessés restant tels quels, le chevalier Shiran renaissait ici et maintenant sous la forme d’un monstre mort-vivant.

 ◆ ◆

Je voulais célébrer nos retrouvailles. Je voulais mieux ressentir ce que nous avions repris. Mais la situation ne le permettait pas.

« Oui. Battons-nous ensemble. Avez-vous besoin d’une explication sur ce qui se passe ? » avais-je demandé à Shiran en lâchant ma main.

« Non. J’ai une vue d’ensemble de la situation. » Le regard de Shiran avait suivi ma main, puis elle avait secoué la tête. « Quand vous m’avez tenue dans vos bras dans ce monde particulier, tout m’a été largement transmis. »

« C’est un peu tard pour le demander, mais vous souvenez-vous de ce qui s’est passé là-dedans ? »

« Oui. Bien que ça ne semblait pas réel, presque comme un rêve… Pourtant, ce n’était pas un rêve, n’est-ce pas ? Si c’est le cas, mon plan d’action est déjà décidé. »

Shiran se retourna et regarda dans le couloir. Au-delà des flammes brumeuses et de la poussière dans l’air, une bataille se déroulait alors que des fils d’araignée et de la magie de feu volaient entre Gerbera et Juumonji.

Shiran avait déjà perdu une fois contre lui. Après une défaite aussi cruelle, on se figeait généralement à l’idée d’affronter à nouveau le même défi. Normalement, on ne savait jamais ce qu’est un coup mortel porté au cœur, alors je m’inquiétais encore plus pour elle.

Cependant, il n’y avait aucune peur dans le regard de Shiran. Son œil restait ferme et ne vacillait pas le moins du monde. Avec ça, elle n’aurait aucun problème à croiser le fer avec Juumonji.

« Comme vous pouvez le voir… Gerbera, mon serviteur, l’araignée blanche, fait maintenant face à Juumonji. »

Même si elle savait que ses fils n’avaient que peu d’effet contre la magie de feu de Juumonji, Gerbera les utilisait fréquemment au cours du combat. Ce style de combat était quelque chose dont nous avions discuté à l’avance. Notre objectif était de faire en sorte que Juumonji utilise autant de magie de feu que possible. Le plan se déroulait plutôt bien. Avec toutes les explosions et les flammes, il n’avait pas remarqué ce que nous faisions. Les murs du couloir commençaient à s’effondrer, cependant. Peut-être qu’elle en faisait un peu trop. Le succès de Gerbera était digne d’éloges de toute façon. Pourtant, cela ne pouvait pas durer éternellement.

« Il sera difficile même pour elle de vaincre Juumonji seule. Si le combat continue, elle pourrait être terrassée. Désolé de vous presser, mais pouvez-vous aider Gerbera ? »

« Très bien, » déclara Shiran en hochant la tête et en souriant légèrement. « Mais quand je pense que je vais me battre au coude à coude avec une horreur légendaire. La vie est pleine d’événements inattendus. Oh, je ne suis plus en vie. »

« C’est ma précieuse compagnonne. Elle est même plutôt mignonne à certains égards. »

« Mignonne… ? »

Shiran avait écarquillé les yeux comme des soucoupes, semblant trouver mon commentaire inattendu. Si je n’avais jamais vu de l’araignée blanche que sa férocité et sa beauté, je penserais sans doute la même chose.

« Oui. Si vous en avez l’occasion, j’espère que vous pourrez vous entendre avec elle. »

Nous devions nous battre maintenant pour qu’une telle opportunité se présente à l’avenir. J’avais fait face au champ de bataille, et puis…

« H-Hein… ? »

Ma vision s’était déformée et j’avais senti le monde tourner autour de moi. J’avais été soudainement assailli par un sérieux vertige. Je ne pouvais même pas tenir sur mes pieds.

« Maître ! »

« Takahiro ! »

J’étais tombé sur mes fesses alors que leurs cris résonnaient autour de moi. Une étrange léthargie avait assailli tout mon corps. Je n’avais pas été capable de me remettre sur pied tout de suite. Lily était arrivée en courant et avait commencé à lancer une magie de guérison. Le sang qui sortait de la morsure sur mon épaule s’était arrêté. Quelques secondes plus tard, mes vertiges avaient disparu.

« Maître. Que s’est-il passé… ? » demanda Lily avec une expression inquiète.

« Aah, ce n’est rien… J’ai peut-être été trop loin, c’est tout. »

Je m’étais souvenu des fissures qui parcouraient ma projection dans cet espace mystérieux. Je ne savais pas ce qu’elles étaient exactement, mais faire de Shiran ma servante par des moyens anormaux avait vraiment imposé une sorte de fardeau sur mon existence même. Il n’était pas si étrange que cela se manifeste par des vertiges.

Ou peut-être était-ce dû à l’épuisement de mon endurance ? Même si j’avais appris à utiliser le mana et que je pouvais supporter un certain surmenage, aujourd’hui avait été une série ininterrompue d’événements. Il y avait aussi la perte de sang de ma blessure à l’épaule. Il semblait raisonnable que j’aie atteint ma limite ici.

J’avais emprunté la main de Lily pour me relever alors que Shiran tournait vers moi un regard inquiet.

« Takahiro. S’il vous plaît, laissez-moi faire le reste. Vous devriez… »

« Non, je ne peux pas reculer maintenant. »

Je lui étais reconnaissant de sa considération, mais j’avais secoué la tête. Je n’étais pas seulement têtu. Les seules personnes qui pouvaient affronter directement Juumonji étaient Shiran et Gerbera. Pourtant, j’étais un peu inquiet quant à leur capacité à travailler ensemble sur place. Elles avaient besoin de quelqu’un qui puisse les relier.

« Plus important encore, Shiran. » Heureusement, ma soudaine crise de vertige avait été passagère. Je pouvais me tenir debout tout seul. Je refusai la main de Lily qui me lança un regard inquiet, puis continuai à confirmer ce dont j’avais besoin. « Pouvez-vous vous battre correctement ? Je pense que… vos circonstances sont… un peu différentes d’avant. »

« C’est vrai. »

Shiran avait tracé sa main droite le long de la cicatrice sur son bras gauche, puis avait touché son visage comme pour couvrir la profonde coupure qui avait détruit son œil droit. Elle avait ramené sa paume vers le bas et avait ouvert et fermé ses mains à plusieurs reprises. Après avoir serré les poings, elle avait cessé de répéter l’action.

« Mon bras autrefois sectionné ne présente aucune gêne dans ses mouvements. La grande élévation de ma force physique semble être restée. L’équilibre est assez faible, mais si je me déplace avec les mêmes sens que lorsque j’emprunte l’aide des quatre esprits, je devrais pouvoir m’en sortir. Pour ce qui est de la magie… et surtout de mon pouvoir de spiritualiste, il semble qu’il vaille mieux ne pas en utiliser. La nature de mon mana a changé, après tout. Je ne sais pas ce qui va se passer dans l’état où je suis maintenant. »

« Pouvez-vous vous battre… ? » avais-je demandé d’un ton inquiet.

Shiran avait souri. « Bien sûr. C’est dans ce but que j’ai reçu votre aide et que je suis revenue du pays des morts. » Ses mots étaient rassurants. J’avais posé une question stupide. « Je vous en prie, laissez-moi faire… Non, ce n’est pas vraiment la bonne façon de le dire, n’est-ce pas ? Combattons ensemble, Takahiro. »

« Vous l’avez bien dit, Shiran. Mettons fin à cette tragédie ici même. »

De nombreuses vies avaient été perdues dans ce conflit qui avait commencé par l’invasion d’une grande armée de monstres. Le principal responsable de tout cela, Juumonji, devait absolument être arrêté ici et maintenant. Pour ce faire, nous devions tous rassembler nos dernières forces. Ce devait être la dernière bataille à avoir lieu ici au Fort de Tilia.

***

Partie 2

« En avant donc. »

Shiran s’était avancée, avait ramassé son épée tombée et avait couru dans le couloir. Elle se dirigeait droit vers le champ de bataille où un garçon armé d’une épée large affrontait la Grande Araignée Blanche.

Gerbera avait rapidement remarqué que sa collègue s’approchait et avait souri légèrement.

« Alors tu es venue, petite fille. »

« Je vous apporterai mon soutien ! »

Shiran avait chargé et frappé horizontalement Juumonji. Comme elle l’avait prétendu, il n’y avait aucune incertitude dans ses mouvements, de son premier pas à l’élan de sa lame. Elle pouvait manier son épée sans être déséquilibrée par cette soudaine augmentation de sa force physique.

Juumonji avait bloqué le coup, mais ses yeux s’étaient ouverts en grand en signe de choc. « Qu’est-ce que… !? T — Tu es encore !? Tu es complètement différente !? » Il fit un grand bond en arrière, complètement confus.

« En effet. Je suis déjà morte une fois, mais je suis venue pour aider à mettre un terme à votre violence insignifiante ! »

« Mais qu’est-ce que… ? Comment une goule… ? Pas possible ! » gémit Juumonji, mais il se rendit compte que je me tenais un peu plus loin. « Majima ! Ton araignée a fait irruption pour gagner du temps !? »

« Gerbera ! Laisse l’avant à Shiran ! » avais-je dit, sans me soucier des divagations de Juumonji.

« Mrgh… Si tel est l’ordre de mon Seigneur, alors il en sera ainsi. » Elle semblait réticente, mais elle avait obéi à mes instructions et avait fait un pas en arrière. « Garde ton courage, petite fille, car tu es l’étoile brillante de cette bataille. »

« Cela va sans dire ! »

Shiran s’était jetée sur Juumonji, ses coups étaient féroces. Ses pas brisaient le sol de pierre sous elle, et sa lame fendait l’air comme si elle voulait couper le monde lui-même. Elle avait plus de force pure en tant que goule sans âme, mais ses capacités physiques surpassaient encore celles de n’importe quel humain. Elles étaient bien au-delà de ce dont elle était capable dans la vie. Elle avait réduit l’énorme écart qui la séparait de Juumonji en termes de simples spécificités.

Elle s’ajustait même à ses délicates compétences à l’épée. Elle ne les avait pas complètement retrouvées, mais elle pouvait toujours manier une épée mieux que Juumonji. De plus, Shiran avait un autre avantage majeur sur Juumonji : ses blessures se rétablissaient rapidement.

En tant que monstre mort-vivant, les capacités de régénération de Shiran allaient bien au-delà de la norme. En revanche, Juumonji souffrait toujours de multiples blessures, y compris le morceau manquant de son bras que Shiran avait arraché. Il était parfaitement capable d’utiliser la magie de guérison, mais il semblait qu’il n’était pas assez bon pour se soigner au milieu de la bataille.

Juumonji n’avait probablement jamais pensé que quelqu’un pourrait opposer une telle résistance après avoir tué Watanabe. Il n’était pas censé y avoir d’humains ici capables de résister à la dure réalité d’un sauveur devenu traître, et tout être capable de s’opposer à sa force de combat qui brise les règles était plus que rare. C’était plutôt malheureux pour Juumonji d’avoir deux êtres de ce genre devant lui, mais c’était un coup de chance exceptionnel pour nous.

« Haaah ! »

Maintenant que la force de Juumonji était un peu sapée, Shiran pouvait le combattre de front. Il lui fallait tout ce qu’elle avait pour tenir le coup, mais c’était suffisant. Elle n’était pas seule.

« Gerbera, contourne-le ! » avais-je ordonné.

« Compris. Laisse-moi faire, mon Seigneur. »

Le tyran des Profondeurs, la Grande Araignée Blanche de la légende, pouvait gérer ce niveau de carnage. Avec ses huit pattes, Gerbera surpassait facilement la mobilité des personnes présentes. Elle avait couru le long des murs et du plafond pour attaquer Juumonji.

C’est la raison pour laquelle j’avais fait en sorte que Gerbera se retire et que Shiran prenne les devants. Shiran pouvait garder Juumonji coincé dans la bataille pendant que Gerbera descendait de toutes les directions. Un tel assaut était difficile à gérer, même pour un tricheur.

« Argh… Putain ! » Juumonji jura en s’éloignant d’eux sans hésiter.

Shiran prit garde à ne pas s’approcher imprudemment et garda son épée à portée de main, tandis que Gerbera tournait sur elle-même et descendait du plafond à côté d’elle. Les deux se tenaient côte à côte devant Juumonji. L’un était le plus fort chevalier des Forêts du Nord, qui avait continuellement protégé le royaume de l’humanité des monstres, l’autre était la Grande Araignée Blanche, qui se vantait d’être le plus fort monstre des Profondeurs. Compte tenu de leurs antécédents, elles n’auraient normalement jamais, jamais pu combiner leurs forces comme ça.

Créer une telle scène impossible et servir de lien entre elles était mon travail. J’étais le seul à pouvoir contrôler la férocité de Gerbera au combat sans ruiner son élan, tout en maintenant un lien de confiance avec Shiran. En tant que tel, elles avaient coopéré de manière transparente. Elles avaient vraiment mis Juumonji dans une impasse. Cela devait être désagréable pour lui.

« Qu’est-ce qui vous arrive à vous tous !? » rugit-il, sa colère explosant alors qu’il frappait le sol de son épée. « Vous n’êtes que des déchets, mon EXP pour que je puisse gagner en puissance ! Vous n’êtes que des monstres jetables destinés à me permettre de me faire un nom en tant que héros ! »

Il avait retiré son épée du sol et avait dirigé sa pointe vers Shiran, puis Gerbera.

« Pourquoi est-ce que vous devez me défier, bande de petites merdes ? »

Enfin, Juumonji me lança un regard furieux alors que Lily se blottissait à mes côtés.

« Vous n’êtes rien d’autre que de la nourriture pour que je rentre à la maison en vie, bon sang ! »

Juumonji nous voyait comme de simples objets. Peut-être était-il même jaloux. Bien qu’il possède tant de pouvoir, Juumonji sentait le danger tout autour de lui. Il était inquiet de savoir combien de temps il pourrait survivre dans ce monde. C’était parfaitement normal.

Les angoisses avaient tendance à s’accumuler. Tout le monde ne pouvait pas non plus dissiper de tels sentiments. Lorsque l’on regarde son environnement sous l’effet de l’anxiété, tout semble dangereux. C’était également naturel.

Nos circonstances étaient différentes, mais j’avais aussi été sur mes gardes avec tout ce qui m’entourait lorsque j’étais arrivé à la forteresse. Je pouvais comprendre pourquoi il se sentait ainsi. Un tel état lui avait déchiré l’esprit. Mais j’avais Lily, Ayame et Asarina avec moi. Avec ces filles de confiance à mes côtés, j’étais capable de calmer mes angoisses.

Et si je n’avais rien eu de tel ? Je n’avais même pas besoin de l’envisager. Le monde aurait été un enfer. Peut-être que moi aussi, si j’étais dans cette situation, je ne verrais les autres que comme de simples objets.

Ce n’était qu’une supposition, bien sûr. Peut-être que Juumonji avait une telle disposition au départ, ou peut-être que quelque chose d’autre l’avait poussé à être comme ça. Je… ou en fait, personne, ne peut parler pour l’humain connu sous le nom de Juumonji Tatsuya.

De plus, quelles que soient ses circonstances, cela ne changeait rien au fait que de nombreuses victimes étaient devenues la proie du comportement vaniteux de Juumonji. Ses péchés ne pouvaient pas être pardonnés. Il était devenu trop dangereux pour ce monde. Quoi qu’il en soit, quand je regardais Juumonji maintenant, une certaine pensée me venait à l’esprit.

« Peut-être que tu aurais été mieux sans ce pouvoir. »

Juumonji m’avait regardé d’un air renfrogné, après les mots qui étaient sortis de ma bouche. Mais cette grimace s’était transformée en rictus en un instant.

« Qu’est-ce que c’est, tout d’un coup ? Je suis sûr que ça aurait été bien pour toi, hein ? »

« Non, je veux dire pour toi. Cependant, tu ne pourras pas le comprendre… »

Mon pouvoir était rempli des sentiments et des liens que je partageais avec mes serviteurs. Cependant, si de tels sentiments n’existaient pas, peut-être ne serait-il qu’une source de malheur pour les personnes environnantes… et peut-être pour celui qui le manie lui-même.

Sans sa tricherie, Juumonji ne serait jamais devenu un démon. Il en allait de même pour la destruction de la Colonie. Personne ne pouvait nier que des étudiants immatures avaient été emportés par leurs pouvoirs irréfléchis. Il était facile pour eux de prendre des décisions hâtives et de suivre le courant.

Alors, quel était ce pouvoir que nous avions, exactement ? N’avions-nous pas besoin de cultiver une meilleure compréhension de celui-ci ? Bien qu’il soit beaucoup trop tard pour cela…

« C’est fini, Juumonji, » avais-je dit alors qu’il me fixait en état de choc.

« Ne me fais pas chier ! Pas comme ça ! Pas comme ça, bon sang ! Je vais mourir ici ! Je serai le dernier survivant ! Une fois que j’aurai mangé le reste d’entre vous, je rentrerai chez moi ! Ça devrait être possible avec ce pouvoir en moi ! Ce pouvoir existe dans ce but précis ! Cela signifie donc que vous avez tous été envoyés dans ce monde pour être mangés par moi ! »

Il fulminait, rationalisait les choses en ne considérant que sa propre personne. L’air posé du « sauveur » avait depuis longtemps disparu de son visage.

« Taisez-vous tous et devenez ma nourriture ! »

Juumonji s’était précipité en avant avec son épée à la main. Sa cible, comme prévu, était moi. Il avait déployé un glyphe rouge. C’était une magie de feu de niveau 3. J’avais plissé les yeux après avoir confirmé cela. L’attaque de Juumonji était exactement la même qu’avant. Sa rage le rendait prévisible.

« Intercepte-le, Lily. »

Lily activa la magie qu’elle avait en réserve. D’innombrables boules de feu explosives rencontrèrent des lames de vent dansantes. Les magies s’écrasaient, tranchaient et s’entretuaient. C’était la même scène que précédemment, mais il y avait quelque chose qui se rapprochait de Juumonji cette fois.

« Gerbera ! »

« Shyaaah ! »

Malgré les flammes qui explosaient et les lames de vent qui se déchaînaient, la Grande Araignée Blanche avait attaqué Juumonji. Elle avait fait fi des blessures qu’elle pouvait subir, le prenant au dépourvu. Pourtant, Juumonji pouvait encore s’en sortir.

« Argh ! Dégage du chemin, espèce de monstre ! »

Sa lame d’acier avait balayé Gerbera alors qu’elle chargeait à travers les flammes. Une de ses jambes s’était brisée avec un bruit sec. Gerbera avait perdu l’équilibre et était tombée sur le sol. Malgré cela, un sourire de satisfaction se dessinait à travers l’ouverture de ses cheveux ébouriffés.

« U-Urgh ! M-Merde... !? »

L’attaque de Gerbera, qui ne tenait pas compte de sa jambe cassée, était suffisamment puissante pour que Juumonji perde la maîtrise de son épée. La lame avait volé dans l’air alors que les flammes et les vents magiques s’éteignaient. C’est alors que Shiran s’était avancée.

Le corps de l’elfe était toujours aussi fragile comparé à Juumonji et Gerbera. Les flammes explosives et les vents mordants étaient comme les portes de l’enfer pour elle. Étant donné qu’elle ne pouvait pas utiliser la magie pour le moment, elle n’avait aucun moyen d’y faire face. C’est pourquoi elle avait choisi de charger maintenant. L’attaque de Gerbera avait donné à Shiran le temps parfait pour le prendre au dépourvu. Il n’y avait plus moyen de l’esquiver maintenant.

« Haaaah ! »

Juumonji leva son bras en défense, interceptant le coup horizontal de Shiran. Son coup avait proprement coupé le bras, et il s’était envolé dans les airs. Cependant, son blocage avait été suffisant pour amortir sa frappe. Avec juste un peu plus de portée, elle aurait pu lui trancher la gorge. Sa lame avait manqué de quelques centimètres seulement.

« Gaaaaargh !? »

Juumonji avait hurlé face à la douleur intense qui avait suivi. Shiran n’avait pas fait de pause et elle avait plutôt enchaîné avec une autre frappe.

« C’est fini ! »

« C’est bien vrai ! »

Juumonji avait rugi en faisant un coup de pied avant. Son pied s’enfonça dans l’estomac de Shiran avant qu’elle ne puisse faire son second coup. Ce n’était rien de plus qu’une attaque désespérée, mais avec la puissance d’un tricheur, c’était devenu un coup sans égal.

L’armure de Shiran s’était effondrée et ses entrailles avaient éclaté. Ses genoux se dérobèrent alors qu’elle s’étouffait avec son propre sang, envoyant des gouttelettes cramoisies sur sa mâchoire et sur le sol. Juumonji avait ri en regardant cela et il tendit la main vers son épée qui s’agitait toujours dans les airs.

Maintenant que Shiran était un monstre mort-vivant, cela ne suffisait pas à l’immobiliser, mais elle avait quand même besoin d’un moment pour respirer avant de passer à l’action. Et dans cet espace de temps, Juumonji avait saisi son épée et — .

« Hein… ? »

La liane parasite qui pouvait s’étirer lui avait arraché cet avenir. La main de Juumonji n’avait fait qu’attraper l’air tandis que ses yeux poursuivaient la liane jusqu’à sa source.

« T-Toi… !? »

J’avais rencontré ses yeux. Jusqu’à la fin, il ne m’avait pas regardé comme un autre humain.

« Maintenant, Shiran ! » avais-je crié, avant que Juumonji puisse commencer à gémir.

Toujours avec un genou sur le sol, Shiran avait positionné son épée à sa taille.

« Yaaaah ! »

Et en se levant, elle déclencha une seule frappe. La frappe avait profondément déchiré le corps de Juumonji.

***

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