Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 1 – Chapitre 10

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Chapitre 10 : L’étreinte de la marionnette

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Chapitre 10 : L’étreinte de la marionnette

Partie 1

Je m’enfonçais. Je m’enfonçais dans les profondeurs. C’était étouffant, et pourtant je ne pouvais pas remonter à la surface. Et alors que je coulais, elle n’arrêtait pas d’être poussée devant moi, encore et encore. Cette chose que je ne voulais pas entendre. Cette chose que je ne voulais pas voir. Je ne voulais pas sentir. Je ne voulais pas toucher.

Encore une fois. Encore et encore. Même si je pleurais et criais, personne ne me sauverait. C’est parce qu’il n’y avait personne d’autre ici.

J’étais seul.

Je m’enfonçais tout seul.

« … »

À ce moment-là, j’avais senti que je pouvais entendre quelque chose. Était-ce… une voix ? Une voix qui criait au loin. J’avais écouté attentivement et j’avais pu dire que cette voix appelait quelqu’un.

Elle appelait quelqu’un… mais qui ?

« … ! … tre ! »

L’obscurité autour de moi trembla. Cette voix avait continué à augmenter en intensité. À chaque fois, elle avait ébranlé mon existence même. Ma conscience tremblait. Mon corps tout entier tremblait. J’avais finalement réalisé que la voix m’appelait.

« — aitre ! »

La conscience dérivant dans un marais sombre, j’avais réalisé que j’étais dans un rêve. Maintenant que je le savais, il n’était pas si difficile de faire surface dans les profondeurs de l’obscurité.

« Maître ! »

Mon corps avait bondi en un instant.

« Haah... Haah… Haah... »

Ma respiration était difficile. L’air que j’expulsais était accompagné d’une chaleur désagréable. Tout en supportant le vertige, j’avais cligné des yeux plusieurs fois et j’avais vu la lumière d’un feu de joie. Il me semblait que je m’étais endormi. Si je me souviens bien, il y avait ce truc avec Kaga… Et puis, juste après cela, nous étions retournés à la grotte. J’avais seulement prévu de reposer un peu mon corps jusqu’à ce qu’il soit temps de manger, mais il s’était avéré que je m’étais complètement endormi.

Après avoir eu une quinte de toux, je m’étais concentré sur la remise en ordre de ma respiration, puis j’avais pris une longue respiration.

J’avais vu un rêve horrible… Du moins, c’est ce que j’avais ressenti. Je ne pouvais pas me souvenir des détails. Je ne voulais pas me souvenir des détails.

« Allez-vous bien, Maître ? Vous semblez avoir fait un cauchemar. »

Du coin des yeux, je pouvais voir une serviette qui m’était tendue. Il semblait qu’elle attendait que je me calme depuis tout ce temps.

« O-Ouais… Désolé. »

J’avais pris la serviette et je l’avais pressée sur mon visage. Je transpirais abondamment. J’avais la tête lourde. Peut-être parce que j’avais été réveillé en plein sommeil, j’avais eu l’impression qu’une partie de mon cerveau était encore en place dans ce cauchemar.

Un cauchemar. Un rêve de nager dans les profondeurs de l’obscurité. Mon corps tout entier tremblait. Était-ce à cause du froid ? Ou était-ce quelque chose de complètement différent ?

« Vous transpirez beaucoup. Je suis sûre que c’est assez inconfortable. Et si vous vous essuyiez le corps ? » La voix attentionnée à côté de moi avait interprété mon tremblement comme étant du froid. « Enlevez vos vêtements, s’il vous plaît. Je vais les laver pour vous. »

« D’accord. »

J’avais obéi de la tête comme un enfant. Est-ce parce que j’ai vu un cauchemar ? Avoir quelqu’un qui s’inquiète pour moi était infiniment rassurant. J’avais envie de rire de mon propre enfantillage. Cela signifiait aussi que j’avais retrouvé assez de conscience de soit pour rire. C’est pour cela que…

« Hm ? »

Après avoir finalement repris connaissance, la tête toujours enfouie dans la serviette, j’avais réalisé que quelque chose n’était pas à sa place. Après tout ce temps, la question de savoir à qui exactement je parlais me vint à l’esprit.

« Y a-t-il un problème, Maître ? »

C’était une voix peu familière. Son ton était beaucoup plus poli que celui auquel j’étais habitué. Lily était beaucoup plus franche quand elle parlait, et Kato ne m’appelait pas maître. Pour commencer, Lily n’était même pas dans la grotte. Elle était partie chercher de la nourriture, car nous avions dû mettre nos activités de recherche de nourriture en attente pour d’autres affaires. Kato n’avait pas beaucoup d’endurance, alors les jours où nous quittions la grotte, elle s’endormait souvent à notre retour.

C’est pourquoi je n’aurais pas dû avoir un individu à qui parler ici. Oh, mais bien sûr, ce n’est pas comme si j’avais oublié mon seul autre compagnon dans la grotte. Cependant, elle ne pouvait pas parler. C’était censé être le cas.

J’avais lentement levé mon visage de la serviette.

« Y a-t-il un problème, Maître ? »

Rose parlait.

« Rose… ? » demandai-je.

« Oui. Je m’appelle Rose. C’est le nom que vous m’avez donné, Maître. »

Il m’avait fallu environ 10 secondes pour accepter la réalité qui se présentait à moi. Comment aurais-je pu rester calme à ce sujet ?

« Rose ? Parles-tu vraiment ? » demandai-je.

« Oui. Mon souhait de pouvoir vous parler a enfin été exaucé, Maître. C’est un honneur, » déclara Rose.

Il s’est avéré que je ne m’étais pas trompé. Je m’étais sérieusement demandé pendant un instant s’il ne s’agissait pas d’une sorte de ventriloquie. Cependant, il ne semblait pas que ce soit une blague. Non pas que je pensais que Rose participerait à une telle farce, compte tenu de sa personnalité.

« Je n’ai jamais vraiment pensé que tu serais capable de parler, » déclarai-je.

C’était difficile à croire, même après avoir accepté la réalité devant moi. Je m’étais déjà souvenu de cette remarque dans une conversation, mais je n’aurais jamais pensé qu’elle puisse s’accomplir aussi facilement. Cela avait dû être très difficile.

Ou peut-être que ce n’était pas vraiment le cas. En y repensant, Lily avait été capable de tenir une conversation au moment où elle avait pris la forme d’un humain. Je pouvais dire à travers notre cheminement mental que Rose possédait une bonne dose d’intelligence. De plus, il était clair qu’elle comprenait tout le vocabulaire que j’utilisais, car elle pouvait suivre correctement toutes mes instructions verbales.

En d’autres termes, le principal problème que ces filles avaient rencontré dans leurs conversations avec moi n’était pas un manque de connaissances ou d’intelligence. C’était simplement parce qu’elles ne disposaient pas d’un organe vocal pour le faire.

Tant qu’ils pouvaient utiliser leurs capacités de monstres pour faire entendre leur voix, il leur était possible de tenir une conversation avec moi. Et il n’était même pas nécessaire de confirmer quelles étaient les capacités de Rose pour y parvenir. Sa spécialité était de créer des objets magiques. Une fois, je l’avais vue faire un remplacement pour son propre bras. Avec autant d’informations, j’étais naturellement arrivé à la réponse sur la façon dont cela était possible.

« As-tu refait ton corps ? » demandai-je.

« C’est exactement comme vous l’avez discerné, » déclara Rose.

J’avais remarqué qu’elle faisait quelque chose ces derniers temps. Je croyais que c’était plutôt des membres de rechange, mais il s’est avéré qu’elle développait un organe vocal. Mais c’était probablement complètement différent de celui d’un humain. La tête de Rose n’avait pas plus de traits qu’avant. Elle n’avait toujours rien qui ressemblait à une bouche. En y regardant de plus près, une partie de la gorge de Rose était juste un peu plus épaisse. Il semblait que c’était là que se trouvait son nouvel organe vocal.

« Je ne pensais pas vraiment que tu serais capable de parler. Tu es incroyable, Rose, » déclarai-je.

« Ce n’était pas grand-chose, » répondit-elle.

Sa voix était celle d’une femme, peut-être pour correspondre au nom que je lui avais donné. Son ton un peu profond, mais calme correspondait parfaitement à sa personnalité.

« Même si j’ai recréé une partie de mon corps, c’est très grossier par rapport à ce dont ma sœur aînée Lily est capable. »

« Je ne pense pas, » répondis-je.

J’avais parlé avec mon cœur, mais Rose avait secoué la tête. Elle semblait avoir une faible estime de soi.

J’avais également appris, de manière assez fortuite, que Rose idolâtrait Lily en tant que grande sœur. Il était évident que Lily était rentrée dans ma famille en premier lieu, mais cela semblait un peu déplacé. J’allais finir par m’y habituer, c’est certain.

« Maître. » Rose m’avait appelé une fois de plus alors que je pensais à quelque chose d’insignifiant.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je.

« Veuillez changer de vêtements. Et si vous en profitiez pour nettoyer votre corps ? Si vous le demandiez à ma sœur, je suis sûre qu’elle vous préparerait de l’eau pour le faire, » déclara Rose.

« Oui, c’est ce que je vais faire, » répondis-je.

Je l’avais complètement oublié à cause du choc de l’intervention de Rose. J’avais fait ce qu’on m’avait dit et j’avais enlevé mes vêtements pleins de sueur.

« J’ai préparé des vêtements de rechange, » déclara Rose.

« Tu es toujours si bien préparée, » déclarai-je.

« Vous m’honorez, » répondit Rose.

« C’est assez rafraîchissant que tu puisses me répondre, » déclarai-je.

La serviette que j’utilisais était un objet que Rose avait assemblé avec du bois enveloppé de lierre. Je lui étais vraiment très redevable. Cela me faisait mal de ne pas pouvoir la rembourser. J’avais humidifié la serviette et je l’avais utilisée pour essuyer la sueur de mon corps. Puis j’avais versé régulièrement le reste de l’eau sur ma tête pour me laver les cheveux. C’était suffisant pour me rafraîchir considérablement. Cela dit, je n’avais malheureusement pas pu ressentir la sensation de fraîcheur que procure un bon bain chaud comme dans mon propre monde.

Parfois, j’avais envie de shampoing et de savon. Je n’avais aucune idée de la façon dont ces produits étaient fabriqués, alors, malheureusement, je ne pouvais pas demander à Rose d’en faire. Et comme elle ne savait pas quelles étaient les matières premières ni comment les traiter, il lui était impossible de les fabriquer elle-même.

C’est impossible… n’est-ce pas ?

C’était un peu effrayant de penser que Rose pourrait réellement réussir. La théorie de la toute-puissance magique s’installait progressivement dans ma tête. Il valait peut-être la peine de lui demander de le faire, même si je pensais que rien n’en sortirait.

Et alors je réfléchissais à de telles choses, j’avais utilisé la grande serviette qu’elle m’avait passée pour m’essuyer et j’avais ensuite changé pour le maillot qu’elle m’avait réservé. Soit dit en passant, ces grandes serviettes avaient été confisquées aux garçons de la cabane et à Kaga.

En me changeant, Rose avait fini de laver l’uniforme que je portais et l’avait accroché sur le porte-vêtements que nous avions installés à l’entrée de la grotte.

J’avais réchauffé mon corps légèrement refroidi près du feu de joie lorsque Rose s’était levée et s’était agenouillée à côté de moi. Elle semblait s’inquiéter pour moi d’une certaine manière.

« On dirait que tu as quelque chose à dire, » lui avais-je dit avec un sourire tendu pour voir si je pouvais éveiller son intérêt.

« C’est comme vous le dites, Maître, » dit-elle après avoir mis la main sur sa poitrine et s’être inclinée.

« Qu’est-ce que c’est ? Dis-moi ce que tu penses, » ordonnai-je.

« Il me semble que vous êtes inquiet à propos de quelque chose, Maître, » déclara Rose.

« Droit au but, hein ? » déclarai-je.

J’avais forcé un autre sourire, et Rose s’était inclinée une fois de plus.

« Je suis désolée, » déclara Rose.

« Ne le sois pas. Je n’ai pas vraiment trouvé cela désagréable. » J’avais trouvé son attitude, conforme à sa personnalité honnête, assez charmante. « Juste pour être sûr… Pourquoi penses-tu cela ? »

« Pour autant que je sache, c’est la première fois que vous gémissez de douleur à cause d’un cauchemar, Maître. Et c’est arrivé juste après qu’une telle chose se soit produite avec votre ancien camarade de classe. Je crois qu’il est assez naturel de conclure qu’il y a une sorte de relation de cause à effet entre les deux événements, » déclara Rose.

« Tu marques un point, » répondis-je.

C’était beaucoup plus simple que je ne le pensais. Je ne pouvais pas vraiment rire de Kaga comme ça.

« Puis-je avoir la permission de vous en demander plus ? » demanda Rose.

« Je n’ai pas l’intention de te cacher quoi que ce soit. » J’avais senti un sourire se former, provoqué par le fait de voir la fidélité de Rose et sa considération à le confirmer avec moi d’abord.

« Maître, regrettez-vous d’avoir fait une telle chose à votre camarade de classe ? » demanda-t-elle sur un ton extrêmement sérieux.

***

Partie 2

« Pas du tout. » J’avais répondu à la question directe de Rose par une réponse claire. Je n’avais pas regretté d’avoir tué Kaga. « Je t’ai toi et Lily avec moi. Il y a même Katou, que j’ai promis de protéger. Il n’y a aucune chance que j’accueille un compagnon si faible à la tentation. En plus, il a essayé de me tuer en premier. Je ne suis pas une âme charitable au point de négliger ce fait. »

Je n’étais pas un saint. Je n’étais rien de plus qu’un étudiant ordinaire de 17 ans que l’on peut trouver n’importe où. Je n’étais pas capable d’une telle bienveillance, et à mon avis, une telle chose n’était rien d’autre qu’une simple bêtise.

Même si Kaga devait survivre et s’éloigner de la situation dans laquelle je l’avais placé, il était assez clair qu’il continuerait à créer des victimes comme Mizushima Miho et Katou. En ce sens, on pourrait même dire que ce que j’avais fait était une bonne action. Mais c’était bien trop éhonté et injustifié pour servir d’excuse. Néanmoins, une telle facette de sa mort avait existé.

« Alors, de quoi vous inquiétez-vous, Maître ? » demanda Rose.

Rose avait apparemment l’impression que je regrettais d’avoir tué Kaga. Sa curiosité m’avait été transmise par notre cheminement mental.

« Ce n’est pas quelque chose de si excessif que tu pourrais vraiment dire que je m’en inquiète, » répondis-je.

Rose avait vraiment tendance à exagérer. C’est à ce point qu’elle pensait sérieusement à moi. La profondeur à laquelle elle se consacrait à moi était quelque peu embarrassante.

« Pourriez-vous me dire de quoi il s’agit exactement ? Bien sûr, si cela ne vous dérange pas, Maître, » déclara Rose.

« Il n’y a aucun inconvénient à te le dire, » déclarai-je.

En fait, je voulais qu’elle le sache, vu qu’elle pensait si sérieusement à moi. C’est ce que je pensais honnêtement, c’est pourquoi j’avais pu lui répondre naturellement.

« Je n’ai pas confiance dans les humains. Peu importe qui c’est. C’est anormal, » déclarai-je.

« Ce n’est pas… »

« Non. Tu n’as pas besoin de le nier. Je suis pleinement conscient que mon humanité est tordue. Je pense que c’est bien ainsi. Au moins, je ne devrais pas me faire piéger tant que c’est le cas. Et si je ne me fais pas piéger, je peux régler les choses sans exposer mes compagnons à des dangers inutiles, » expliquai-je.

« Comme c’est splendide. »

« Je me pose des questions à ce sujet. Cela peut simplement signifier que je suis devenu un lâche, » déclarai-je.

J’en étais conscient et je me sentais avili pour cela. Je persécutais les autres, mais même ainsi, je n’étais pas une personne si forte que je pouvais faire confiance à quelqu’un qui avait le sourire.

« Je me suis débarrassé de Kaga aujourd’hui. Par conséquent, même si ce n’était qu’une inquiétude inutile, nous avons pu écarter la possibilité que Kaga agisse avec un tricheur. Cependant, nous n’avons pas réussi à obtenir d’informations sur la colonie. Tout cela n’a été qu’un coup d’éclat et un échec. Mais nous avons réussi à obtenir des informations sur un danger dont nous n’avions pas connaissance auparavant, » déclarai-je.

« Le cas de ces cadavres massacrés, n’est-ce pas ? » demanda Rose.

J’avais déjà informé les autres de cette information. Rose avait intelligemment compris où je voulais en venir.

« Kaga était un homme simple. Toutes ses actions s’inscrivaient dans le cadre de nos estimations. Et je ne parle pas seulement des contre-mesures que nous avons imaginées pour chaque scénario, » expliquai-je.

« Que voulez-vous dire ? » demanda Rose.

« Je veux dire que j’étais convaincu qu’il allait me trahir, » répondis-je.

C’est pourquoi les événements d’aujourd’hui avaient simplement suivi ce que j’attendais depuis le début. Il n’y avait pas une seule partie dangereuse. Cependant… ou peut-être précisément à cause de cela, j’avais pris conscience.

« J’ai fait ce que je devais faire. C’est pourquoi je ne le regrette pas… Mais tu sais, ce n’est pas comme si je n’avais rien ressenti, » déclarai-je.

Je détestais les humains. Mais je m’étais senti soulagé de voir un ancien camarade de classe qui s’asseyait à côté de moi bien vivant.

Je n’avais pas confiance dans les humains. Mais je ressentais quand même de la douleur quand ils montraient clairement leur malveillance à mon égard, même si je ne leur faisais pas confiance.

Je n’hésiterais pas à faire n’importe quoi si je pouvais protéger ma sécurité et celle de mes compagnons. Mais ce n’était rien d’autre que de couper court à mon hésitation avec ma détermination. Une fois que j’avais pris ma résolution, la voie idéale aurait été de mener les choses à bien sans pause et de ne rien ressentir quant à mes décisions.

J’avais à peine réussi à faire les choses sans hésiter. Mais il m’était impossible de ne rien ressentir. Même face à une racaille qui me tuerait pour la raison égoïste de poser la main sur une fille, j’étais incapable de ne rien ressentir en tuant un ancien camarade de classe.

Les seuls à pouvoir le faire étaient probablement ceux que l’on appelle les « héros ». Ou peut-être, ceux qu’on appelle « monstres ». En tant que « maître des monstres », avec Lily et Rose à mes côtés, j’aurais dû être comme ça. Cependant, je n’étais ni un héros ni un monstre. Je n’avais pas pu rester aussi fort. C’est ce que j’avais réalisé. Même si je m’étais réveillé avec une tricherie, je n’étais encore qu’un gamin de 17 ans.

« … Je ne comprends pas, » marmonna Rose.

« Je vois. »

Je ne m’étais pas senti déprimé. Je sentais simplement que c’était inévitable.

« Je crois que vous vous trompez, Maître. » Le ton de Rose semblait un peu raide. « Au moins, je crois que vous savez qu’il n’y avait pas d’autre moyen. »

« Tu as raison. Je n’ai rien fait dont je doive avoir honte, » répondis-je.

« … Mais cela ne suffit-il pas ? » demanda Rose.

J’avais secoué la tête en silence. Il ne m’est pas possible de ne rien ressentir, à moins que je ne me débarrasse complètement de mon cœur. Il serait peut-être plus naturel de se débarrasser de mon cœur humain et de ma confiance en l’humanité. C’était peut-être la voie à suivre pour devenir un monstre. Dans un tel cas, il n’y aurait rien eu de plus facile à faire.

La raison pour laquelle je n’avais pas pu le faire était ironiquement que j’avais rencontré le monstre nommé Lily. Je l’avais rencontrée, et elle m’avait sauvé. Dans un certain sens, j’avais perdu ma chance de jeter mon cœur quand Lily m’avait sauvé.

Je me demande ce que Rose pense de cet aspect de moi ?

J’étais curieux de savoir ce qu’elle pensait de l’état de son maître. Était-elle exaspérée ? Ou peut-être était-elle déçue. Je ne pensais pas qu’elle se lèverait et m’abandonnerait… En fait, je ne voulais même pas y penser, mais il semblait que je devais au moins me préparer à recevoir des conseils sincères.

Ou pas. Le fait même que je pense cela peut signifier que je continue à prendre à la légère leur dévouement en tant que serviteurs.

Tout cela était arrivé trop soudainement. Mon esprit s’était éteint pendant un instant.

« Mes excuses, Maître. »

Au moment où Rose s’était excusée, elle avait posé ses deux mains sur le sol et s’était inclinée.

« … Pourquoi t’excuses-tu, Rose ? » demandai-je.

C’est dans cette scène que j’avais montré à quel point j’étais pathétique. C’est moi qui aurais dû m’excuser auprès de ma servante pour l’avoir fait venir avec un tel maître — en laissant de côté la question de savoir si Rose le permettrait. Et pourtant, c’est elle qui avait baissé la tête devant moi. Je ne comprenais vraiment pas.

« Je ne comprends pas les subtilités de vos… des émotions humaines. En tant que tel, je suis incapable de sauver votre cœur, Maître. » Le ton de Rose restait calme, mais on pouvait y entendre un sentiment d’impuissance. « J’existe pour vous protéger. Je me fiche que mon corps soit réduit à des copeaux de bois tant que je peux le faire. »

Même sans notre cheminement mental, je pouvais dire, d’après la sincérité de sa voix, qu’elle était absolument sérieuse.

Un serviteur. Un monstre. Une existence qui avait accepté mon souhait et vivait pour l’accomplir. Sa loyauté était réelle. C’est peut-être la raison pour laquelle son dévouement la faisait parfois se sentir si impuissante.

« Tout ce que je peux faire, c’est, tout au plus, protéger votre corps. Je suis incapable de protéger véritablement votre cœur. Même si ce rôle appartenait à Lily au départ, je me trouve pathétique de ne pas pouvoir le faire. Si elle était ici en ce moment, je suis sûre qu’elle serait capable de vous réconforter…, » déclara Rose.

« Qu’est-ce que tu dis ? » Je m’étais levé en pleine crise. Rose faisait un malentendu scandaleux. « Tu as tout faux si tu penses que tu n’as pas sauvé mon cœur ! »

J’avais raté l’occasion de me débarrasser de mon humanité lorsque Lily m’avait sauvé. Si j’avais réussi à la jeter à l’époque, je suis sûr que je n’aurais rien ressenti de la trahison de Kaga et de son destin. J’aurais peut-être même été libéré de ce cauchemar. Cependant, je n’avais jamais regretté une seule fois la façon dont j’étais.

Je n’hésiterai certainement pas à prendre mes décisions à partir de maintenant, comme je ne l’avais pas fait auparavant. Même si c’était quelqu’un avec qui je pouvais rire, j’avais déjà pris la résolution de me battre au moment où il est devenu mon ennemi.

La raison pour laquelle je pouvais penser de cette façon, bien que n’étant rien de plus qu’un étudiant ordinaire, était que Lily et Rose s’étaient consacrées à moi. Résumer cela simplement comme un besoin de réconfort était absurde. Chacune de leurs actions m’avait soutenu à tout moment.

C’est exactement pour cette raison que j’avais estimé qu’il fallait absolument dissiper le malentendu de Rose. Je ne serais pas capable de me pardonner si je ne le faisais pas.

« Rose. » J’avais saisi la main de Rose alors qu’elle restait prostrée devant moi.

« Maître ? »

« Viens ici, Rose. »

Je lui avais tiré la main. Elle avait résisté par réflexe pendant un instant, mais avait obéi à ma main et s’était relevée. Elle était juste un peu plus petite que moi, je l’avais tirée contre ma poitrine et je l’avais serrée dans mes bras. J’avais caressé sa tête simple et sphérique et j’avais enlacé le bois dur, mais chaud et doux qui se trouvait dans mes bras. Je pouvais sentir l’existence de Rose plus près de moi que toute autre chose.

 

 

« Maître… ? »

J’avais senti la confusion naître dans son cœur à travers notre cheminement mental. J’étais donc sûr qu’elle pouvait ressentir le soulagement qui naissait dans le mien de la tenir comme cela tout aussi fortement.

« Tu t’es plus que suffisamment épuisée pour moi, Rose. »

« Mais, je suis… »

« Tu n’as pas besoin de me réconforter. Tu as juste besoin d’être à mes côtés, » déclarai-je.

Je voulais croire que chacun de mes vrais sentiments lui parvenait. Je voulais croire qu’il n’y avait pas de mensonges dans ce que je lui disais. C’est parce que je croyais que je ne pourrais jamais exprimer toute ma gratitude à ces deux filles.

En fin de compte, je ne pouvais que sourire amèrement à la situation actuelle, je ne pouvais rien faire de plus que de m’accrocher à son existence même comme cela.

« Désolé, laisse-moi rester comme ça pendant un moment. » Je ne savais pas si je voulais rester comme ça pour la convaincre ou si je voulais avoir l’esprit tranquille. Je n’avais donc pas l’intention de lâcher prise. « Ou peut-être n’aimes-tu pas cela ? »

« En aucun cas. Je ne pourrais jamais… ne pas aimer ça. » Ses bras de bois s’enroulèrent timidement autour de mon dos, et Rose me rendit timidement mon étreinte. « Au contraire, je suis si heureuse que c’en est effrayant. »

« Je vois. »

Je m’étais appuyé contre Rose et j’avais fermé les yeux. Après que je sois resté comme ça pendant un moment, ma conscience avait commencé à s’éloigner. La somnolence avait rapidement commencé à défaire mon corps et mon esprit. J’étais comme un enfant qui s’endort une fois qu’il s’est détendu… mais cela ne servait plus à rien d’essayer de sauver les apparences devant Rose.

Je laissai ma conscience s’échapper. Cette fois, j’étais sûr de ne pas faire de cauchemars.

***

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