Prologue
Partie 2
Le visage de l’homme s’emplit de regret et il acquiesça. « Ah… vous êtes au courant, n’est-ce pas ? C’est exact. Je suis — je veux dire, le garçon que j’étais avant était une ordure. Mais depuis, j’ai enfin compris ce que je ressentais vraiment. »
« Ce que tu ressens vraiment ? » Marie lui répondit en écho, confuse.
Creare expliqua : « Vous avez déjà voulu détruire quelque chose parce que vous le vouliez tellement, mais que vous ne pouviez pas l’avoir vous-même ? C’est ce dont parle notre ami. »
Marie comprenait ce sentiment dans une certaine mesure. La seule chose qu’elle n’avait jamais pu avoir dans sa vie précédente, c’était une famille heureuse. Son enfance s’était bien passée, certes, mais c’était après être devenue adulte et avoir fondé sa propre famille que tout s’était dégradé. Parfois, elle se surprenait à envier d’autres familles heureuses. Elle pourrait dire qu’elle n’en voulait pas à ceux qui avaient obtenu ce qu’elle n’avait jamais pu avoir elle-même, mais ce serait un mensonge.
« … Hein, je crois que je comprends un peu les émotions que tu ressentais. »
Mais seulement les émotions. Le mépris qu’elle éprouvait pour l’homme demeurait puisqu’il était passé à l’acte. De son côté, l’étudiant ne semblait même pas lui en vouloir.
« Le fait que vous puissiez compatir à ce sentiment est une grâce plus que suffisante ! Mais indépendamment de ce que j’ai fait dans le passé, je veux désespérément faire du désir de mon cœur une réalité. Je ne veux plus être un garçon. Je veux être une fille. » Il n’y avait pas de doute sur sa conviction.
La voix de Creare était plus forte que d’habitude lorsqu’elle expliqua : « Bien, alors nous allons commencer immédiatement. Il y aura un certain nombre de problèmes si nous ne réglons pas tout cela avant la prochaine rentrée. »
« Merci ! » L’étudiant rayonna.
Marie regarda Creare. « Attends. Est-ce vraiment à toi de décider ? Nous ferions mieux d’aller voir mon frère d’abord…, » bien qu’elle ait affirmé qu’ils devaient attendre, le regard de Marie ne cessait de se porter sur le sac posé sur le sol, rempli à ras bord de la monnaie du royaume.
« Oh ? Je crois me souvenir que le maître a dit que vous deviez suivre mes ordres. »
« Urk ! »
Il est vrai qu’avant de partir, Léon avait insisté à plusieurs reprises sur le fait que Marie devait suivre les instructions de Creare. Il lui faisait manifestement confiance. Léon avait tellement insisté sur l’obéissance de Marie qu’elle n’était pas vraiment en mesure de s’opposer à Creare.
« De toute façon, je ne peux pas le contacter pour l’instant. Les transmissions ne fonctionnent pas très bien ces derniers temps. »
« O-Oh, vraiment ? Alors nous devrions probablement attendre jusqu’à ce que —. »
Creare remarqua enfin le regard fuyant de Marie et lui proposa : « Je vous donnerai une partie de cet argent si vous faites ce que je vous dis. »
« Le feras-tu !? Alors je veux 70 % ! » Marie avait opté pour une portion assez importante plutôt que d’exiger la totalité de la somme. Même elle savait que ce serait un peu exagéré.
« J’aime bien votre côté effronté », dit Creare, de bonne humeur malgré la demande scandaleuse de Marie. « Mais c’est un peu trop gourmand. Je vous donne 40 %. »
« Soixante pour cent ! S’il te plaît, j’ai déjà du mal à m’en sortir ! »
« Oui, mais —. »
« Que dirais-tu d’une moitié ? Je vais faire un compromis et me contenter de la moitié cette fois-ci ! »
« Qu’est-ce que vous voulez dire par vous contenter de ça !? Rie, vous vous souvenez quand même que vous n’avez rien fait, n’est-ce pas ? »
« Donne-moi la moitié, et même si Grand Frère se fâche contre toi, je ferai ce que je peux pour atténuer les dégâts. D’accord ? S’il te plaît ? » La voix suppliante de Marie réussit enfin à convaincre Creare.
Trois jours après l’acte, Marie avait appris le nom de l’étudiant et avait poussé l’un des cris les plus horrifiés de sa vie.
☆☆☆
« … et c’est comme ça que ça s’est passé. »
En écoutant Marie et Creare expliquer ce qui s’était passé pendant les vacances de printemps, j’avais eu envie de leur crier dessus. Cela pouvait attendre. Il y avait une chose que je devais d’abord clarifier.
« Attendez une seconde. Qu’est-ce que c’est que cet avis de recherche ? Qu’est-ce que j’ai bien pu faire ? » Une sueur froide avait commencé à couler dans mon dos au moment où j’avais appris que le Saint Royaume de Rachel avait mis ma tête à prix. Il était difficile de ne pas s’interroger sur leur santé mentale en offrant l’équivalent d’un prix de 5 milliards de yens pour moi.
Marie et Creare échangèrent un regard.
« Tu nous mets dans l’embarras avec cette question », déclara Marie. « Tu as fait tellement de choses qu’il est difficile de mettre l’accent sur l’une d’entre elles. »
« Elle a raison, » ajouta Creare, « Rachel doit vraiment vous détester. »
C’était évident, mais qu’avais-je fait pour le mériter ? Persuadé qu’aucune de mes supposées transgressions ne justifiait une réponse aussi extrême, mon compagnon exaspéré, Luxon, décida d’intervenir et d’expliquer exactement pourquoi je méritais cela.
« Maître, aurais-tu oublié ? Le Saint Royaume de Rachel est intervenu pour soutenir les insurgés de la République. C’est toi qui as mis fin à leurs agissements. D’ailleurs, lorsqu’ils ont changé de position et tenté de s’approprier une partie des terres de la République, te souviens-tu de ce que tu as fait ? »
Le Saint Royaume de Rachel avait envoyé une flotte pour voler une partie des terres de la République. Comme je voulais régler les choses pacifiquement, j’avais pris pour cible leur vaisseau amiral. Je l’avais ensuite abordé et j’avais pris leur commandant en otage avant de le remettre à la République. J’avais fait confiance en Monsieur Albergue pour gérer de ce qui se passerait ensuite.
« Oui, je me souviens avoir pris le commandant en otage. Mais tout s’est terminé pacifiquement, n’est-ce pas ? »
« Pacifiquement pour toi, » dit Luxon en riant, « mais comme une défaite humiliante pour eux. Ils n’ont pas pu lever le petit doigt contre toi lorsque tu as pris leur commandant. Il était d’autant plus honteux pour eux de retourner dans leur pays sans avoir subi de pertes majeures — une indication supplémentaire qu’ils n’étaient pas de taille face à toi. »
Creare semblait partager l’avis de Luxon. « Vous les avez mis dans l’embarras deux fois, en fait. D’abord avec le coup d’État raté, puis, lorsque vous avez fait subir à leur flotte une défaite mortifiante. Comme si, de leur point de vue, ils avaient pratiquement tout perdu à cause d’un seul type. »
Mes tentatives pour résoudre les problèmes sans conflit supplémentaire n’avaient fait qu’accroître la honte de mon ennemi. J’étais resté sans voix.
Ne supportant plus de me regarder, Marie détourna le regard. « Personnellement, je ne trouve pas étonnant qu’ils aient mis ta tête à prix. »
Jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’aurais imaginé mon visage placardé sur un avis de recherche assorti d’une forte récompense. De la sueur glacée coula sur mon visage lorsque je réalisais ce que cela impliquait : ma vie était désormais en danger.
Comme si mon anxiété n’avait pas déjà grimpé en flèche, Luxon et Creare se mirent soudain à arpenter la pièce en état d’alerte. L’atmosphère facile et insouciante qui régnait quelques instants auparavant s’était envolée en un clin d’œil.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je. Luxon avait l’air plus prudent que je ne l’avais jamais vu.
« Ma liaison avec les drones que j’avais placés autour de l’école a été coupée. La dernière chose que j’ai perçue à travers eux avant de perdre le contact a été la présence d’une armure démoniaque. Maître, quelqu’un nous brouille. »
Mes yeux s’étaient rétrécis dès qu’il avait parlé d’une armure démoniaque. Ces armures étaient des objets perdus datant d’une époque lointaine, tout comme Luxon et les autres intelligences artificielles que j’avais rencontrées au cours de mes voyages ici. Pour être plus précis, Luxon et les autres IA étaient les armes des anciens humains, tandis que les armures démoniaques appartenaient aux nouveaux humains. Ces derniers étaient considérés comme nos ennemis.
Marie fronça les sourcils. Ses sourcils s’étaient froncés d’inquiétude alors qu’elle se souvenait des autres armures démoniaques que nous avions rencontrées jusqu’à présent. « Par, hum, armure démoniaque, nous parlons de… vous savez, ces choses ? Ces choses parasites bizarres qui s’attachent aux gens et se déchaînent ensuite ? Y en a-t-il une dans les parages ? »
J’avais jeté un coup d’œil par la fenêtre de ma chambre, mais la vue à l’extérieur n’était pas différente de la normale, les gens vaquant à leurs occupations habituelles. Rien ne laissait présager la présence d’une armure démoniaque dans les environs.
Creare répondit en jetant un coup d’œil prudent d’avant en arrière, « Cela signifie qu’il y en a une assez intelligente pour envisager de nous faire obstruction. Ce n’est pas du tout comme les fragments que nous avons déjà affrontés. Il s’agit d’une véritable affaire — une combinaison complète avec un noyau intact. »
Marie pencha la tête sur le côté, n’ayant pas encore tout à fait compris.
« Une armure démoniaque est un type d’armure utilisé par les nouveaux humains », expliqua Luxon. « Une unité de contrôle, dans ce cas un noyau vivant, est nécessaire pour garder l’armure sous contrôle. Une armure démoniaque sans noyau vivant prendra possession d’un humain et se déchaînera. »
Le visage de Marie s’était vidé de toute couleur lorsqu’elle avait compris qu’une armure démoniaque entièrement opérationnelle et intacte se trouvait à proximité.
« Pouvons-nous battre quelque chose comme ça ? » demanda-t-elle.
« Cela dépend de l’ennemi », déclara Luxon sans en rajouter. « Cela dit, vu qu’il a déjà détruit le réseau que nous avions mis en place, je dois supposer que nous avons affaire à une unité d’un rang particulièrement élevé. »
Même parmi les armures démoniaques, celle-ci était assez puissante, et elle se cachait quelque part dans l’école. Il n’y avait pas plus dangereux que cela.
« Ne peux-tu pas déterminer sa position exacte ? » demandai-je avec espoir à Luxon.
« Je ne dispose d’aucune information pour l’instant. Tout ce que je peux dire avec certitude, c’est qu’il se trouve quelque part dans l’école. »
« Cela va rendre les choses très gênantes pendant un certain temps », avais-je dit. « C’est nul. J’espérais obtenir plus d’informations. » Voilà pour ce qui est d’obtenir plus d’informations sur le scénario de la troisième partie.
« Ce que nous pouvons faire, c’est d’installer les petits drones en masse dans tout le campus », dit Creare, qui élabore déjà une stratégie pour maintenir la sécurité qu’elle peut. « Nous devrons le combattre par le nombre. Quoi qu’il en soit, ça craint de savoir qu’il y a des ennemis dans l’école. »
« Maître, pour le moment, je te déconseille d’agir seul pour quelque raison que ce soit », m’avait prévenu Luxon.
« Ne t’inquiète pas. Je suis toujours pour la sécurité d’abord. Je vais me terrer dans ma chambre. Mais, hmm… »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Non, rien d’extraordinaire. Je viens de me rappeler que j’ai acheté une armure démoniaque dans la boutique avant de me réincarner ici. »
À l’époque où j’étais encore en vie, j’avais acheté deux objets pour terminer le jeu : l’un était un vaisseau spatial migrateur (Luxon) et l’autre était une armure démoniaque noire couverte de pointes inquiétantes.
« Oh oui, je m’en souviens », dit Marie alors que j’avais relancé ses souvenirs. « J’ai jeté un coup d’œil dans le magasin, mais avec toutes ces pointes et tout ça… ce n’était pas très mignon, tu vois ? Ça ne m’intéressait pas. De toute façon, qui conçoit quelque chose comme ça pour un jeu destiné aux filles ? »
Je ne pouvais pas lui reprocher de ne pas y voir d’intérêt. Le design était nettement plus attrayant pour les hommes.
Luxon n’était pas content d’entendre mon histoire. « Tu as acheté une armure démoniaque ? Un faux pas, en effet. Je vois que même avant ta vie dans ce monde, tu faisais déjà des choix mal informés. »
« Maître, personne de sensé n’achèterait une armure démoniaque », dit Creare dans la conversation. « C’est un gaspillage d’argent. Si vous insistez pour utiliser la boutique, donnez au moins à vos achats la considération qu’ils méritent ! »
Elle détestait les restes des nouveaux humains avec la même passion que Luxon. La simple mention du fait que j’avais été impliqué avec eux avait mis les deux IA dans un état de frénésie.
« C’est de l’histoire ancienne. Cessez de vous acharner, vous deux », avais-je craqué.
Pourtant, peut-être que l’ancienne armure démoniaque que j’avais achetée existait réellement dans ce monde, tout comme Luxon. Elle pourrait bien se révéler être une énorme épine dans mon pied.
merci pour le chapitre