Épilogue
Partie 2
« Tu étais plus fort que moi. J’ai essayé toutes sortes de choses sur toi et j’ai cassé toutes mes armes dans le processus, j’ai manqué de munitions et j’ai été pris de panique à la fin. »
« Ne sois pas absurde. As-tu la moindre idée de combien je transpirais avec la façon dont tu t’attaquais à moi encore et encore, avec une arme différente à chaque fois ? »
Il est vrai que l’une des caractéristiques principales d’Arroganz était la grande variété d’armes dont il disposait, mais étant donné la facilité avec laquelle Hering s’adaptait à chacune d’entre elles, sa réplique ressemblait plus à un sarcasme pour moi.
« Tes capacités de triche étaient bien pires que les miennes. J’ai cru que j’étais fichu. »
Hering abattit son poing sur la table. « C’est moi qui ai failli perdre la vie dans cette bataille ! Tu te souviens de la technique mortelle que tu as lancée sur moi à la fin ? Tu as laissé Kurosuke en miettes. »
« J’ai déchaîné toute ma puissance sur toi, et j’avais l’impression de n’avoir laissé qu’une égratignure. Je ne savais plus où donner de la tête. J’étais sûr qu’il n’y avait aucun moyen de te battre. »
« Je te l’ai déjà dit, j’étais à l’article de la mort ! D’ailleurs, j’essayais de me retenir. »
« Oh, laisse tomber ! Tu appelles ça se retenir ? J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux ! »
Nous nous étions de plus en plus échauffés tous les deux. Un membre du personnel nous avait interrompus en jetant un coup d’œil à l’intérieur de la pièce, Luxon et Brave s’étaient gracieusement cachés sous la table pour qu’elle ne les remarque pas.
« Excusez-moi, mais nous vous serions reconnaissants de baisser un peu le ton », dit-elle d’un ton penaud.
« Je suis désolé. »
« Nous nous tairons. »
Dès qu’elle était partie, nous avions tous les deux pris nos boissons pour essayer de nous rafraîchir la tête.
« Laissons tomber cette discussion pour l’instant. En gros, vous êtes tous les deux venus ici pour sauver Mia, c’est ça ? Pas d’autres objectifs ? » avais-je demandé.
Ils avaient hoché la tête à l’unisson. C’était un sacré lien entre eux.
« C’est exact », déclara Hering.
« Il n’y a aucune raison de revenir ici une fois que Mia est sauve », ajouta Brave.
C’est formidable. Nous n’avions aucune raison de nous battre. En soi, cela avait fait de cette réunion un succès.
« Dans ce cas, nous n’avons aucun problème l’un avec l’autre. Cela ne me dérange pas non plus de vous aider à atteindre vos objectifs actuels. Si vous avez besoin d’autre chose, faites-le moi savoir. »
Alors que je tendais le rameau d’olivier, j’avais été surpris de voir la tension dans les épaules de Hering s’estomper lentement. Il m’avait regardé avec curiosité. « Sérieusement ? »
« Oui, pourquoi ? »
« C’est juste que… Tout le monde t’appelle le chevalier ordure, alors j’ai imaginé que tu avais une personnalité assez horrible. » Hering détourna le regard, honteux de ses propres préjugés. « Tu vois, les rumeurs qui sont parvenues à l’Empire parlaient d’un homme sans pitié et au sang froid. »
« On ne peut pas se fier aux rumeurs, mec. Mais, euh… Qu’est-ce que ces rumeurs disaient précisément ? »
Hering pinça les lèvres, réticent à partager ce qu’il avait entendu. « Tu promets de ne pas te mettre en colère ? Nous avons entendu dire que tu t’es moqué du prince de ton pays lors d’un duel. Sachant ce que je sais maintenant, cela ne peut pas être vrai. »
Ça doit être à propos de ce duel foireux entre moi et la brigade des idiots, hein ? Hering semble douter de sa véracité, mais euh… oui. Je l’ai fait.
« Oui, cette rumeur est fausse », avais-je dit.
« Je me suis dit que c’était forcément le cas. Tu ne ferais jamais ça au prince de ton propre royaume. »
« Euh, non. Ce que je veux dire, c’est que j’ai tourné en dérision bien plus que le prince. J’ai ridiculisé tous les amoureux du premier jeu. »
« Pardon ? » répondit Hering avec incrédulité.
« Le maître a fait honte publiquement à Julian et aux autres héritiers de maisons nobles », expliqua Luxon. « Ils étaient tous les cinq impuissants face à la puissance écrasante d’Arroganz. »
En y repensant, cela m’avait rappelé de très bons souvenirs. « Ça m’a fait du bien de leur donner une leçon. »
« En effet. »
Agacé, Hering tenta frénétiquement une autre approche. « Alors, qu’en est-il des rumeurs que j’ai entendues à propos de la République d’Alzer ? Est-il vrai que tu t’es battu avec l’une des six grandes maisons ? »
J’avais secoué la tête. « Non, ce n’est pas vrai. »
« Je m’en doutais ! Il serait irréprochable de chercher la bagarre lors d’un échange avec l’étranger. » Ses épaules s’affaissèrent de soulagement.
« Oui, je n’ai pas cherché la bagarre. C’est eux qui l’ont fait. Je l’ai juste terminé. J’ai en quelque sorte fait de toutes les grandes maisons des ennemis, en fait. Mais tant qu’on y est, ce n’est pas non plus ma faute si leur gouvernement est tombé. C’est arrivé un peu par hasard quand j’ai voulu réprimer leur coup d’État en cours. »
Hering m’avait regardé fixement. Sa mâchoire était restée ouverte.
Brave tendit une petite main et tira sur la chemise de Hering. « Partenaire, il est pire que ce que les rumeurs laissaient entendre. »
« Je ne peux pas laisser passer cette remarque, » interrompit Luxon dans une surprenante démonstration de loyauté. « Vous n’avez aucune idée de l’horreur de mon maître. Cela ne fait qu’effleurer la surface. Ces rumeurs ne sont qu’un condensé de ses actes diaboliques. »
« Tais-toi toi », avais-je dit. On dirait que je me suis trompé. Tant pis pour la loyauté.
Hering fit la grimace. « Je ne m’attendais pas à ce que tu sois pire que ce que les rumeurs laissaient entendre. » Il était encore plus prudent avec moi qu’avant. Je ne sais pas trop pourquoi.
☆☆☆
Lorsque j’étais retourné à l’académie, Marie s’était immédiatement jetée sur moi. Elle avait attendu mon retour. « Tu es en retard ! Le couvre-feu est largement dépassé ! Attends, sérieusement ! ? Ne me dis pas que tu étais en train de boire ! »
L’odeur de l’alcool collait sans doute à mes vêtements puisque ma réunion se tenait dans un pub, mais personnellement, je n’avais aucun intérêt pour l’alcool. « Je ne boirai pas une goutte de ce truc avant d’avoir vingt ans. »
« Quelle réponse stupide ! Ici, il est déjà légal de boire à cet âge. »
« Je vis selon les règles que je me suis fixées, pas celles que la société impose aux gens. Quoi qu’il en soit, de quoi as-tu besoin ? » J’en avais assez qu’elle perd son temps à me chicaner pour des bêtises. J’espérais qu’elle cracherait rapidement son vrai motif.
Les larmes montèrent aux yeux de Marie. Elle se crispa et, de la voix la plus sérieuse qu’elle puisse trouver, elle déclara : « Grand Frère, pour dire la vérité… Erica est ma fille ! »
J’avais eu la bouche grande ouverte.
« En supposant que tu n’as pas consommé d’alcool, devons-nous en déduire que tes souvenirs sont confus ? » demanda Luxon. « T’es-tu peut-être cogné la tête, Marie ? »
« Je ne suis pas ivre et je ne me suis pas cognée la tête ! », lui lança-t-elle d’un ton cassant.
J’avais ri. « Cela rend tes affirmations encore plus folles. La princesse Erica est la fille biologique de Mlle Mylène. Elle n’a aucun lien de parenté avec toi. C’est plutôt impudent de ta part de l’appeler ton enfant comme ça. »
Marie enfonça son pied dans mon tibia.
« Yowch ! » Des larmes avaient piqué le bord de mes yeux. Putain, ça palpite !
Marie me lança un regard noir. « Qu’est-ce que ça veut dire, au juste, hein ? »
« Euh, euh, c’est juste que… Je voulais dire qu’il ne serait pas bon pour nous d’avoir cette conversation au grand jour, tu sais ? Je ne voulais rien dire d’autre. Honnêtement, madame. » Je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle j’étais poli et que je l’appelais madame tout d’un coup. Je suppose que sa violence intense m’avait submergé et avait brouillé certaines de mes pensées.
« Oh ? » Luxon semblait amusé par ma situation difficile. « J’avais l’impression que tu voulais dire autre chose. »
« T’arrive-t-il de penser que tu devrais protéger ton maître ? »
Avant que nous puissions tous les deux nous lancer dans l’une de nos querelles habituelles, Marie tapa dans ses mains. « Ça suffit. Écoutez ! »
J’avais obéi à contrecœur et j’avais attendu qu’elle continue.
« Ce que je voulais dire, c’est que c’est ma fille du Japon », déclara Marie solennellement. « Cela veut dire qu’Erica est — ou plutôt était — ta nièce. »
Pendant un long moment, je l’avais regardée avec incrédulité. Je l’avais déjà entendue dire qu’elle avait une fille. Une fille gentille, qui était tout son contraire. C’est de cela qu’elle parlait, n’est-ce pas ?
« Mais pourquoi ma nièce est-elle ici ? Es-tu sûre de toi ? »
« Tout à fait. Je l’ai déjà confirmé moi-même », avait-elle déclaré.
« Quand est-elle morte ? »
« Elle a dit qu’elle avait vécu jusqu’à l’âge mûr de soixante ans, mais pourquoi cette question ? »
« Parce que dans ce monde, elle n’a que deux ans de moins que nous. »
Était-ce logique qu’elle se réincarne ici et qu’elle n’ait que deux ans de moins, alors qu’elle était morte des dizaines d’années après nous deux ? Je ne savais plus où donner de la tête. Marie semblait aussi confuse que moi.
« Je ne connais pas tous les détails, mais je peux te dire que c’est bien elle », insista Marie.
« Il semble plutôt inutile de débattre de ce sujet étant donné que vous êtes tous les deux camarades de classe dans ce monde. Ce qui laisse supposer une absence de contraintes temporelles lorsqu’il s’agit de se réincarner ici. Je me trompe ? » nous rappela Luxon.
Honnêtement, nous n’en savions pas plus que lui ou n’importe qui d’autre sur ce que signifiait se réincarner ici. Nous n’avions pas non plus la moindre idée de la raison pour laquelle cela s’était produit. Nous nous étions réveillés un jour, et bam, nous étions ici.
« Cependant, » poursuit Luxon, « S’il existe une loi qui régit la façon dont les gens se réincarnent ici, je suis très curieux de l’apprendre. Examinons ce sujet de plus près. »
J’étais plus préoccupé par Erica.
« Que je comprenne bien… Ma nièce est la méchante princesse ? »
Quelles sont les prochaines fourberies que la vie va m’envoyer ?
merci pour le chapitre