Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Le Royaume saint de Rachel

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Chapitre 2 : Le Royaume saint de Rachel

Partie 1

Serge, Lhomme que Léon et les autres recherchaient si obstinément était accroupi dans un quartier d’entrepôts quelque part dans la République d’Alzer. Ses cheveux noir corbeau étaient coiffés en arrière de façon désordonnée, et sa peau présentait un beau bronzage uniforme. Il était mince et bien musclé, ce qui correspondait à son tempérament piquant et à son attitude hostile.

Il portait actuellement un manteau, ainsi qu’une fine couche de saleté, alors qu’il était assis, recroquevillé au sommet d’une pile de matériaux empilés. Un homme se tenait à proximité, vêtu d’un costume. Comparé à Serge, il était plutôt d’âge moyen et longiligne, et sa moustache lui donnait une allure de gentleman. Son nom était Gabino, et il avait été envoyé ici par le Saint Royaume de Rachel. C’était un noble respecté, ainsi qu’un collaborateur de Serge.

Le Saint Royaume de Rachel était voisin du Royaume de Hohlfahrt. Les deux sont actuellement ennemis, principalement parce que la reine en exercice de Hohlfahrt — Mylène — est originaire d’un pays également en désaccord avec Rachel : le Royaume-Uni de Lepart.

Gabino jeta un coup d’œil à Serge et fronça les sourcils. « Vous sentez mauvais. N’avez-vous pas pensé à trouver un bain quelque part ? Allez-vous prendre soin de vous ? »

Quand était-ce la dernière fois qu’il avait pris un bain ? Serge ne s’en souvenait pas. « Je finirai bien par en prendre un, » dit-il en haussant les épaules. « Plus important encore, vous avez fini de vous préparer, n’est-ce pas ? »

Gabino avait redressé ses épaules. « Bien sûr. Mon pays a envoyé — et envoie encore — des troupes à l’intérieur des frontières de la République. Cela dit… “Son regard fut attiré par un dirigeable, ou plus précisément par la multitude de vaisseaux de guerre actuellement amarrés dans cette installation souterraine. « C’est impressionnant que vous en ayez rassemblé autant en si peu de temps. »

Serge s’était lentement relevé. Ses lèvres s’étaient retroussées en un sourire sombre alors qu’il se tenait devant les vaisseaux de guerre. Il n’avait pas l’intention de perdre le temps nécessaire pour satisfaire la curiosité de Gabino, alors il changea de sujet. « Nous n’aurons aucun problème à faire tomber la République d’Alzer. »

Comprenant que Serge n’avait pas l’intention de divulguer ses secrets, Gabino renonça à insister. « Rachel a envoyé un grand nombre de troupes, mais si nous en amenons plus que nous n’en avons déjà, votre famille et les six autres grandes maisons ne manqueront pas de le remarquer. »

« C’est trop tard pour eux, même s’ils comprennent maintenant. Nous nous sommes préparés pendant tout ce temps. »

Serge et Gabino voulaient la même chose : la République d’Alzer elle-même. Alors qu’ils étaient occupés à discuter, Ideal fit son apparition, descendant lentement du plafond.

« Seigneur Serge, comme vous l’avez demandé, j’ai rassemblé les effectifs nécessaires. » La voix robotique d’Ideal était presque jubilatoire lorsqu’il fit son annonce.

L’expression de Gabino s’était durcie, comme s’il pressentait quelque chose de sinistre. « Je n’ai jamais entendu parler d’un artefact perdu capable de communiquer avec les humains. Maître Serge, êtes-vous certain que nous pouvons faire confiance à cette chose ? »

« Le Seigneur Serge est mon maître. Je ne le trahirai pas », dit Ideal.

« J’espère bien que c’est vrai. » Gabino n’était toujours pas convaincu, mais comme il savait qu’argumenter sur ce point ne ferait que lui faire perdre du temps, il reporta son attention sur Serge, qui enfonça ses mains dans ses poches.

« C’est grâce à lui que je peux me battre au même niveau que cet abruti. C’est aussi un emmerdeur pour vous les gars, n’est-ce pas ? »

Gabino avait évité le regard de Serge. « La haute société le considère effectivement comme une menace possible. Il n’a fallu que peu de temps au comte Léon Fou Bartfort pour déclencher l’implosion de la République sur elle-même. Nous ne pouvons pas facilement l’ignorer. »

« Donc en gros, pendant que la République est enfermée dans sa propre guerre civile, vous voulez capitaliser là-dessus et l’assassiner dans la confusion. J’ai compris. Je vais m’en occuper pour vous. »

« Ce serait apprécié. D’après nos investigations, le comte Bartfort semble être extrêmement proche de la reine de Hohlfahrt. Il serait extrêmement troublant pour nous s’il venait à franchir la frontière séparant nos pays. »

« Êtes-vous vraiment si terrifié par lui ? » Serge avait ri.

Ideal lui avait rappelé consciencieusement : « Maître, vous avez perdu contre lui. »

« Si on s’était battus à armes égales, je n’aurais certainement pas perdu ! » Serge s’était emporté. « De toute façon, tu te moques de moi si tu crois que je perdrais encore une fois contre lui. »

Il n’y a pas si longtemps, sa grande sœur Louise avait failli être sacrifiée à l’Arbre sacré, et c’est alors que Serge s’était battu avec Léon. L’objectif de Léon était de sauver Louise tandis que celui de Serge était de l’arrêter à tout prix, et les choses s’étaient terminées terriblement pour Serge. Il pensait avoir gagné, au début, mais ce n’était qu’une ruse. Léon aurait pu facilement mettre Serge à terre à n’importe quel moment, mais il avait délibérément perdu pour pouvoir tromper Louise.

Pour Serge, le fait de savoir que Léon ne l’avait jamais pris au sérieux rendait cette perte bien plus humiliante que toute autre perte normale. Cela avait alimenté sa soif de vengeance. Au début, il n’avait considéré Léon que comme un sosie de l’ancien héritier de la maison Rault, Léon Sara Rault, mais maintenant il détestait ce type du fond du cœur.

« Puisque vous avez l’intention de vous battre contre Léon et son Arroganz, j’ai préparé une armure appropriée pour votre combat, Seigneur Serge, » dit Ideal.

Au bon moment, une armure à quatre pattes fut amenée dans la pièce. Bien qu’elle ait la même taille qu’Arroganz, sa silhouette était moins encombrante, la moitié supérieure était humanoïde, mais sa moitié inférieure ressemblait à celle d’un cheval. Il tenait une lance de joute longue et étroite comme arme, ce qui signifiait qu’elle était spécialisée dans les attaques percutantes en charge. Malgré son apparence assez simple, la lance avait probablement des capacités cachées. Ideal était son créateur, après tout.

Serge avait regardé cette armure inspirée des centaures en souriant d’une oreille à l’autre. « Ce truc est incroyable. Je peux certainement battre cet imbécile avec ça, non ? »

« Ses performances sont à égalité avec les siennes — non, un cran au-dessus, en fait. J’ai analysé les capacités d’Arroganz au préalable et j’ai créé cette Armure spécifiquement pour la contrer. C’est une arme sans égal, » dit Ideal.

Serge s’était approché. Sa main avait effleuré l’extérieur solide. « Comment ça s’appelle ? »

‘Je l’ai appelé « Gier ». Cela signifie avidité. Vu qu’Arroganz signifie arrogance, j’ai pensé que cela correspondait parfaitement.’

« L’avidité, hein ? Eh bien, je suis avide. Je veux tout. Ce pays, et Lelia aussi… Je vais tout prendre. » Serge enroula sa main droite en un poing serré.

Gabino avait regardé avec désintérêt. Il voulait que Serge prenne le contrôle du pays, mais Lelia était sans importance pour lui. « Tant que vous pouvez saisir les rênes de cette nation et vaincre le comte Bartfort, je n’ai aucun scrupule à faire quoi que ce soit d’autre. Bien que je m’attende à ce que vous passiez un accord avec nous pour l’échange de pierres magiques. »

La République d’Alzer était une puissance productrice d’énergie qui exportait un grand nombre de pierres magiques. Avec Serge à la tête du pays, le Saint Royaume de Rachel s’attendait à ce qu’il les récompense par un traitement favorable, c’est pourquoi ils avaient accepté de prendre part à son plan pour renverser le pouvoir actuel.

Serge avait frappé son poing contre sa paume ouverte. « Je vais m’en occuper. Et je m’assurerai que ce connard qui m’a ridiculisé ait une fin sanglante pendant que j’y suis. »

Sa haine pour Léon était inégalée.

 

☆☆☆

 

L’ancien territoire de la Maison Lespinasse se trouvait au centre de la République d’Alzer, et c’était sur cette énorme étendue de terre que l’Arbre Sacré avait pris racine. Les Six Grandes Maisons avaient des domaines à proximité. L’un d’entre eux appartenait aux Rault, et c’est là que résidait Mlle Louise pendant ses trajets entre le domicile et l’école. Pas à pied comme le reste de ses camarades de classe, mais en voiture avec chauffeur. Elle était l’image même d’une noble dame… ou d’une princesse, pour être plus précis. Les Six Grandes Maisons se qualifiaient elles-mêmes de nobles mais possédaient un pouvoir qui éclipsait celui des aristocrates de la plupart des autres pays, chacune étant pratiquement le roi de son propre royaume.

Il était difficile de croire qu’une personne aussi respectable soit la méchante du deuxième épisode de cette série de jeu vidéo otome. Personnellement, je pensais qu’elle avait été mal choisie, et elle n’était pas la seule, Monsieur Albergue devait être le dernier boss. Je ne le voyais pas non plus comme un ennemi. Bien qu’il serait exact de dire que j’étais partial à cet égard, car il était si gentil avec moi. L’important, c’est que pour moi ni lui ni sa fille ne semblaient être de mauvaises personnes.

En fait, je rendais visite au domaine des Rault pour discuter de certaines choses avec Monsieur Albergue. Son majordome m’avait conduit dans une pièce où l’on m’avait rapidement servi du thé et des collations. Assis de l’autre côté de la table ronde, l’homme lui-même avait l’air inhabituellement épuisé.

« Nous sommes toujours à la recherche de Serge, mais nous n’avons encore trouvé le moindre indice », avait-il déclaré.

Le sujet de notre conversation était, sans surprise, le garçon qu’il avait adopté pour être son héritier. Il avait passé des jours entiers à se sentir mal à l’aise, inquiet de la disparition de Serge. Malheureusement, son rôle était de maintenir l’unité et le bon fonctionnement de la République, il ne pouvait donc pas exprimer de faiblesses, ni s’absenter de son travail. Des postes comme le sien, avec de si lourdes responsabilités, épuisaient vraiment une personne.

« J’ai fait ce que j’ai pu pour le chercher, mais je n’ai pas eu plus de chance que vous », avais-je dit.

Luxon faisait tout son possible pour retrouver Serge, mais en vain. Je me demandais sincèrement s’il n’avait pas fui le pays. C’est peut-être mieux ainsi à bien des égards.

« Où est-il ? Que pourrait-il faire ? Nous ne pouvons pas avoir de discussions sur son avenir sans qu’il soit là, » avait déploré Monsieur Albergue.

« Vous parlez de le déshériter ? »

« Précisément. S’il sent que le poids de sa position est trop important pour lui, alors je n’ai aucun problème avec ça. Je le soutiendrais même s’il voulait devenir un aventurier. Je veux le laisser faire ce que son cœur désire. »

La raison pour laquelle il était si inquiet était en partie due au fait que Serge quittait souvent la maison de toute façon pour partir à l’aventure. Serge avait été adopté dans le but de devenir l’héritier des Rault, mais comme il ne semblait pas intéressé par ce rôle, Monsieur Albergue envisageait de l’en retirer. En voyant à quel point il se souciait de son fils adoptif, il était difficile de le voir comme le méchant prévu par le jeu.

« Monsieur Léon, oubliez-moi et mes problèmes. Vous devriez plutôt parler avec Louise. Elle a été très occupée ces derniers temps », déclara Monsieur Albergue, changeant de sujet pour parler de son propre enfant biologique vivant.

Des rumeurs avaient commencé à se répandre sur le fait que Serge était potentiellement déshérité, et en conséquence, un grand nombre de prétendants étaient venus demander sa main. Beaucoup voyaient là l’occasion de prendre la place de Serge à la tête de l’une des six grandes maisons, et peu étaient prêts à laisser passer une telle chance.

« D’accord, » j’avais accepté. « Je vais faire ça. »

« Je vous en remercie. Je vous dois plus que je ne pourrai jamais vous rendre, » marmonna Monsieur Albergue avec un petit sourire sur le visage. Il pensait peut-être à son fils décédé quand il m’avait regardé. Nous partagions le même nom ainsi qu’une ressemblance physique frappante.

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Partie 2

Quand j’étais allé voir Mlle Louise dans sa chambre, je l’avais trouvée aussi débraillée que son père. Je m’étais demandé s’il était acceptable qu’un garçon comme moi entre dans sa chambre comme ça, mais aucun des domestiques n’avait voulu m’arrêter. Pour aggraver les choses, Mlle Louise s’était montrée très vulnérable en ma présence. Elle était perchée sur son lit, les jambes pendantes sur le bord et affalée sur le matelas. Je pouvais probablement voir à l’intérieur de sa chemise si j’inclinais suffisamment mon regard.

Mais je suis un vrai gentleman, alors je ne jetterai que de minuscules coups d’œil, avais-je pensé.

Les cheveux blonds lâchés et légèrement bouclés de Mlle Louise étaient éparpillés sur ses draps. Le fait d’être approchée par différents hommes pendant des jours devait l’avoir anéantie.

« Pratiquement tous les jours, je reçois une invitation à un dîner ou à une fête quelconque. C’est ridicule. Notre maison ne va pas se précipiter pour choisir un nouvel héritier simplement parce que Serge a disparu. »

Je m’étais installé sur une chaise à proximité. Mes yeux avaient été attirés par la poitrine de Louise, où ses seins se dressaient comme deux pics impressionnants. Une telle beauté.

« Ils sont vraiment désespérés », avais-je dit. « Je ne peux pas leur en vouloir. Celui qui réussira à arracher ton coeur deviendra le prochain héritier de ta maison, après tout. »

« Oh ? Veux-tu dire que je suis un bonus ? Une sorte de prix supplémentaire ? » Elle soupira. « Quoi qu’il en soit, leur avidité est si évidente que mon cœur ne peut être ému. »

J’avais supposé qu’elle aurait préféré les refuser tous, mais plusieurs de ses prétendants ne pouvaient pas être rejetés si facilement. Soit en raison d’un lien personnel avec sa famille, soit parce qu’ils avaient des relations d’affaires qu’elle ne pouvait pas mettre en péril, Mlle Louise ne pouvait pas risquer de faire des vagues. Elle sortait avec ces hommes jour après jour dans ce but. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était de manger avec eux et d’échanger une conversation agréable, mais même cela, au bout d’un moment, était épuisant. Je pouvais compatir.

« Pas un seul bon gars parmi eux, hein ? » avais-je demandé.

Mlle Louise s’était finalement relevée. Ses seins se balançaient avec le mouvement, et ses cheveux étaient en désordre. Elle avait réussi à peigner ses cheveux en douceur avant de me jeter un regard en réponse. « Pas un seul. »

Sa voix ne laissait pas deviner qu’elle plaisantait. Elle n’avait pas l’air d’avoir l’intention de trouver un prétendant, et je pouvais deviner pourquoi elle était dans une telle détresse.

« Serge pèse sur ton esprit, n’est-ce pas ? »

« C-Comme si ! », avait-elle laissé sortir d’un coup.

Même si elle le niait, il était évident que ça la dérangeait. Elle pouvait le détester, mais ça la contrariait qu’il ait disparu. Elle avait un peu trop bon cœur pour faire une méchante convaincante.

Je le savais. Elle n’était pas du tout à sa place.

« Je l’ai aussi cherché, mais je n’ai encore rien trouvé. S’il était mort, nous aurions au moins dû trouver une trace de lui à l’heure qu’il est. Il y a de fortes chances qu’il soit toujours vivant et en bonne santé. »

Mlle Louise semblait soulagée d’entendre que son frère était probablement en vie.

« Même moi, je réalise que je suis allée un peu trop loin avec lui, » dit-elle. « Je peux l’admettre… mais je lui en voudrai toujours pour ce qu’il a fait. »

Il y avait un fossé colossal entre eux deux. Je ne pouvais pas imaginer pourquoi il avait fait ça, mais à l’époque où Serge avait été accueilli dans leur famille, il avait détruit un des précieux souvenirs que Louise avait de son frère biologique décédé. C’était peut-être un enfant à l’époque, mais il y a certaines choses qu’une personne ne peut jamais pardonner. Mlle Louise l’avait détesté depuis.

« Serge s’est fait ça tout seul », lui avais-je dit.

« Je suppose qu’il l’a fait. Mais parfois, je me déteste d’être incapable d’oublier le passé. Je ne peux m’empêcher de penser à l’infâme personne que cela fait de moi. Tu dois aussi être exaspéré par moi, non ? »

Se sentir en conflit avec sa propre haine pour Serge n’était pas suffisant pour m’exaspérer. « Ce n’est pas comme si tu prenais plaisir à son malheur, donc je n’y vois pas de problème. Cela me semble être une réponse parfaitement mature. »

Un petit sourire s’était dessiné sur son visage. C’était peut-être le soulagement de voir que je ne la détestais pas pour sa mesquinerie — ou peut-être était-ce parce que je ressemblais à son petit frère. Ce sont mes meilleures suppositions, en tout cas.

« Merci, » dit-elle. « Je me sens un peu mieux maintenant. »

« Heureux de l’entendre. Dans ce cas, il est temps que je parte. »

Le petit Léon, comme je l’appelais, était un homme populaire, même longtemps après sa mort. Cela montrait à quel point sa famille le chérissait.

 

☆☆☆

 

Quand j’étais rentré de ma visite au domaine des Rault, Mlle Cordélia était là pour m’accueillir. Son regard était toujours aussi froid et impitoyable.

« Bienvenue à la maison, Comte. »

Je fronçai les sourcils. « Ça te tuerait d’être un peu plus amicale ? »

« Je vois que vous prenez plaisir à plaisanter. Je voudrais vous rappeler de tenir compte de votre statut. »

Le fait qu’elle ait fait son travail avec compétence était un soulagement bienvenu, mais je pouvais voir qu’elle n’était pas pressée de se faire des amis. Eh bien, je suppose que c’est bien. Mais il y avait quelque chose d’un peu particulier chez elle aujourd’hui.

« Ce qui m’intéresse, c’est de savoir combien de temps vous comptez ignorer cette petite famille et ses problèmes, » dit Miss Cordélia.

« Veux-tu parler de Mlle Yumeria et Kyle ? J’ai essayé toutes sortes de choses, tu sais. Kyle est juste têtu et ça ne mène nulle part. »

Depuis leur dispute, j’avais essayé de les envoyer faire des courses et de leur jouer toutes sortes de tours pour qu’ils se réconcilient. Marie avait fait tout son possible pour faire de même, mais Kyle s’était montré encore plus têtu que prévu. Les deux n’avaient fait aucun progrès.

Mlle Cordélia soupira d’exaspération. « Leurs problèmes ont commencé à interférer avec notre travail ici. Avez-vous envisagé de renvoyer Mlle Yumeria chez vous, à Hohlfahrt ? »

Suggérait-elle que je la renvoie simplement parce qu’elle ne pouvait pas faire son travail pour le moment ? Ça me semblait terriblement froid. Mais vu le sérieux de Mlle Cordélia au travail, c’était probablement une vraie épine dans le pied.

J’avais fait la grimace. « Je ne peux pas m’en empêcher. J’ai un faible pour ce genre de choses. »

Mademoiselle Cordélia semblait vraiment perplexe par ma réponse. « Pourquoi cela ? D’après ce que j’ai entendu, vos parents sont inhabituellement soudés pour un couple d’aristocrates. »

Des regrets de ma vie passée, peut-être ? Je n’avais pas été un bon fils pour eux, alors je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter de ce qui pouvait arriver aux autres. « J’aimerais surveiller Mlle Yumeria encore un peu. Si elle ne peut pas reprendre son travail après cela, je la renverrai avant nous. »

« Très bien. »

Notre conversation terminée, je n’avais fait que quelques pas avant de sentir que quelque chose clochait. J’avais entendu l’écho des cris de Marie dans la salle à manger.

« Combien de fois dois-je vous le dire, bande de crétins ? »

Me demandant ce qui pouvait bien se passer cette fois, j’avais accéléré le pas. Mlle Cordélia semblait tout aussi curieuse de savoir ce qui se passait — elle me suivait. Dès que j’avais jeté un coup d’œil dans le réfectoire, j’avais aperçu Marie, debout, imposante, les bras croisés sur sa poitrine. Son expression ressemblait à celle d’un démon enragé.

Carla se tenait à côté de Marie avec une expression froide, regardant les cinq idiots qui avaient été forcés de s’asseoir sur le sol avec leurs jambes fermement repliées sous eux.

Oh, génial. Les cinq crétins ont encore frappé.

Mlle Cordélia et moi étions restés sur le seuil de la porte, attendant de voir ce qui allait se passer. S’impliquer serait un énorme casse-tête. J’avais appris récemment qu’il valait mieux rester à l’écart et se moquer des pitreries de Marie et de sa bande d’idiots.

Marie avait tapé du pied sur le sol. « Nous arrivons à peine à vivre avec notre budget limité, et vous avez l’audace de me demander de vous acheter des choses dont vous n’avez pas besoin ? Y a-t-il autre chose que de l’espace vide dans vos têtes !? »

D’après ce que j’avais pu en tirer, les cinq idiots l’avaient suppliée pour des trucs.

« M-Mais je dois vraiment les avoir ! » plaida Julius, le premier des hommes réunis à prendre la parole. « Je t’en prie, Marie ! Laisse-moi acheter quelques poulets ! Quelques-uns suffiraient amplement. En plus, elles pondront des œufs, ce qui devrait aussi aider notre budget. »

« C’est très compliqué de les garder, et c’est cher ! »

En voyant comment il se prosternait devant elle, je m’étais demandé ce qu’il voulait tant obtenir. Il voulait garder des poulets, entre autres choses ? Cet homme était autrefois le prince héritier du royaume de Hohlfahrt. À quoi pensait-il en demandant des poulets ?

Brad suivit l’exemple de Julius et se jeta également à ses pieds. « Je veux une tenue de scène ! S’il te plaît, je t’en supplie, Marie ! Je te jure que je vais l’utiliser pour gagner plus d’argent ! »

« Tu n’as pas besoin d’un tas de tenues de scène différentes ! Si tu les veux tellement, gagne l’argent toi-même et achète-les, » lui répondit Marie.

« Eh bien, vois-tu, j’ai en quelque sorte, euh… dépensé tout l’argent que j’avais, donc il ne m’en reste plus — eek ! »

Marie avait encore tapé du pied, faisant trembler Brad de peur.

Greg était le suivant à se mettre à sa merci. Heureusement, il portait un débardeur et un short aujourd’hui. Ouf, il n’est pas à moitié nu pour changer.

« Je veux acheter un nouvel équipement de musculation ! Quelque chose de plus efficace et de plus intense qui m’aidera à entraîner davantage mes muscles ! »

Marie ricana. « Tu peux faire la même chose avec un peu d’ingéniosité et de détermination. Je ne te laisserai pas acheter de nouveaux équipements. »

Son refus froid l’avait laissé en larmes.

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Partie 3

Chris avait été le suivant à faire sa tentative. Il était vêtu de son habituel manteau happi et d’un pagne japonais.

Mets un foutu pantalon, tu veux ?

« S’il te plaît, laisse-moi avoir un bain de cyprès pour… »

« Non. » Marie ne l’avait même pas laissé finir avant de donner sa réponse.

Les lunettes de Chris glissèrent sur son nez et il la regarda fixement.

Et enfin, il était temps pour le dernier crétin d’entre eux, Jilk, qui s’était assis de manière ordonnée et inclinée devant elle, le front flottant à peine au-dessus du sol. Sa tête s’était levée après un moment, et il avait regardé Marie droit dans les yeux. Le fait qu’elle l’ait regardé comme un démon enragé n’avait rien changé à sa détermination.

« Mlle Marie, pour dire la vérité, j’ai déjà acheté un service à thé tout neuf — guh !? »

Avant qu’il ne puisse terminer, Marie lui fait un impressionnant coup de pied en plein visage. Apparemment, en tant que plus grande ordure parmi ces ordures (honnêtement, il était d’un tout autre niveau que les autres), Jilk avait déjà acheté ce qu’il voulait à l’avance, et au lieu de supplier comme les autres, il était venu signaler sa transgression.

Toute émotion avait disparu du visage de Marie.

Carla avait fait claquer sa langue en signe d’agacement. « Hmph. Mlle Marie, je vais aller voir si nous pouvons lui rendre immédiatement son achat. »

« S’il te plaît, fais-le, Carla. »

Jilk était littéralement une ordure d’un niveau supérieur (ou peut-être inférieur ?) aux autres, mais Marie et les autres semblaient suffisamment habitués à ses pitreries pour savoir déjà exactement comment s’y prendre avec lui. L’homme en question s’était effondré sur le dos et tressaillait sporadiquement à cause de la douleur, mais les autres idiots le regardaient froidement. Personne n’avait fait un geste pour l’aider, pas même son propre frère adoptif, Julius.

« Jilk, acheter quelque chose comme ça sans demander la permission est honteux. »

Jilk avait pris son visage blessé et s’était redressé en tremblant. « C’était trop précieux, si je ne l’achetais pas sur le champ, j’avais peur de le rater. Je vous jure, c’est un ensemble qui en vaut la peine. Si nous le vendons, je suis sûr que nous pourrons obtenir trois fois ce que j’ai payé. »

Brad avait ricané. « Tu as déjà dit ça combien de fois ? Est-ce qu’on t’a déjà donné raison, ne serait-ce qu’une fois ? »

Greg avait croisé les bras. « Et ici, je n’ai même pas encore pu acheter une seule pièce d’équipement. »

« Je suppose que cela signifie que mon rêve d’une baignoire en cyprès n’est encore qu’une lointaine lueur », se lamenta Chris.

Je pensais que tous les cinq avaient mûri, mais je me trompais. Ils n’étaient pas très différents maintenant de ce qu’ils étaient avant de venir en République. Eh bien, je suppose que le fait qu’ils sachent demander la permission avant d’acheter des trucs est une amélioration ?

Bien que, techniquement, l’un d’entre eux n’avait même pas réussi à le faire.

Miss Cordélia pressa une main sur son front et secoua la tête, comme si le fait de regarder la scène la faisait souffrir physiquement. « Je n’en crois pas mes yeux. Ces garçons étaient autrefois des héritiers prometteurs de leurs maisons, et regardez-les maintenant. Quelle honte ! »

« Si tu espérais autre chose, tu t’es trompée. Voilà à quoi ils ressemblent », avais-je dit.

« À l’origine, ils étaient censés diriger la prochaine génération de Hohlfahrt. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’ils finissent comme ça ? »

Je me sentais mal de penser cela en présence de l’inquiétude évidente de Cordélia, mais à mes yeux, ils avaient l’air bien plus heureux que lorsque je les avais rencontrés pour la première fois. Depuis que Marie leur avait mis le grappin dessus, leur vie avait dévié de la trajectoire initiale du jeu — ou plutôt, de la trajectoire que leurs parents leur avaient tracée.

Les cinq idiots s’étaient assis devant Marie, qui se passait les mains dans les cheveux et dégageait une aura de pure fureur, et ils avaient tous tremblé de peur. Aussi désolé que je sois de le dire (pas vraiment), j’avais trouvé cette performance follement divertissante à regarder.

Marie avait fini par remarquer que je les observais et avait pointé un doigt dans ma direction. « Ne vous avisez pas de ricaner là-bas ! C’est une question de vie ou de mort pour nous ! » Les larmes lui montaient aux yeux.

J’étais resté là tout le temps avec une main sur la bouche, essayant d’étouffer mon rire. Mlle Cordélia me regardait aussi avec exaspération, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. La scène était trop drôle. « Vous mettez vos vies en danger pour vous divertir. Comment pourrais-je ne pas être impressionné ? Continuez comme ça et divertissez-moi encore un peu », avais-je dit.

Marie avait froncé les sourcils. « C’est assez minable de ta part d’agir comme si tout cela n’avait rien à voir avec toi. »

« C’est parce que ce n’est pas le cas. »

« Je ne peux pas te croire ! Vas-tu m’abandonner !? »

J’avais secoué la tête. « Ne le dis pas comme ça. Tu vas me faire mal paraître. Je ne me souviens pas de t’avoir fait confiance pour commencer. »

Marie s’était réincarnée ici tout comme moi. C’était l’idiote qui s’était fiée à sa connaissance du jeu pour conquérir le cœur de tous ces hommes afin de s’offrir une fin de harem inversée. C’était ironique, même approprié, que le destin l’ait frappée dans le dos et l’ait laissée dans la situation misérable de s’occuper de ces idiots pour le reste de sa vie. C’était cependant très amusant à regarder d’une distance sûre. On avait vraiment l’impression qu’ils mettaient tout ce qu’ils avaient en jeu pour faire rire les gens.

Alors que Marie et moi étions engagés dans ce petit va-et-vient, Noëlle était entrée dans la pièce.

« Je suis de retouuuurr ! » dit-elle avant de s’arrêter. « Qu’est-ce qu’ils ont fait cette fois !? »

Il lui suffisait de regarder les garçons assis bien sagement sur le sol pour deviner qu’ils s’étaient encore mis dans le pétrin.

Ce n’est pas une surprise. Les intérêts amoureux du premier jeu sont si désespérés que même Noëlle les considère comme des rabatteurs.

 

☆☆☆

 

Alors que l’intérieur du manoir s’animait de clameurs et de bruits, Yumeria s’échappa dans le jardin et contempla distraitement le ciel. Les branches de l’arbre sacré s’avançaient comme si elles voulaient cacher la lune en arrière-plan. Elle était restée assise, immobile, à contempler le spectacle.

Kyle s’était approché et avait dit, toujours aussi sèchement, « Nos maîtres sont revenus. Il est temps de se remettre au travail. Veux-tu m’attirer des ennuis ? »

Elle l’avait regardé, découragée. « Kyle, as-tu vraiment besoin d’une mère ? »

« De quoi parles-tu ? » Il n’avait aucune idée de ce qui l’avait poussé à demander, ce qui l’irrita et le fit agir aussi froidement envers elle qu’auparavant. « Cette maison n’a pas besoin d’un domestique qui ne peut pas travailler, et ce n’est certainement pas toi. »

Kyle avait probablement vu cette conversation comme une extension de leur précédente dispute.

Yumeria sourit en réponse. « Tu as raison. Tu es assez fort. Tu n’as pas besoin de moi. »

Kyle s’était retourné et avait repris la direction du manoir. « Peu importe. Je retourne travailler. »

Yumeria regardait son dos qui reculait, souriant même à travers ses larmes. Elle était sûre qu’il n’écoutait plus, mais elle marmonna quand même : « Tu te débrouilleras tout seul, je le sais. »

La lumière avait disparu de ses yeux. Peu à peu, toute émotion avait également disparu de son visage. Elle s’était levée et s’était mise à marcher, d’un pas chancelant. Elle avait disparu par la porte et avait marché pendant un petit moment jusqu’à ce qu’elle tombe sur une voiture qui l’attendait. Il n’y avait personne à l’intérieur, mais elle s’était quand même glissée par la porte. Ideal flottait sur le siège du conducteur, et il s’était retourné pour la regarder. Le moteur ronronna en se mettant en marche et la voiture commença à avancer.

« Je vois que vous vous êtes finalement décidée, Mlle Yumeria, » dit le robot.

Yumeria ne déclara rien en réponse, et Ideal secoua son corps d’un côté à l’autre comme s’il était exaspéré par elle.

« Le rejet de votre fils a dû avoir un sacré impact. Je ne peux pas me plaindre, puisque son influence vous a poussé à passer sous notre contrôle. Je dois à Kyle ma gratitude pour nous avoir aidés de la sorte. »

Yumeria n’exprimait aucune volonté propre, se contentant de laisser Ideal lui dicter ses actions. Elle suivait déjà ses ordres, en fait.

« Mlle Yumeria — non, il n’y a pas besoin d’agir de façon si distante — Yumeria… J’ai un rôle très important à te confier. Tu vas être la doublure de la prêtresse. » Sa voix était devenue grave, un changement radical par rapport à son ton habituel. « Et maintenant, il ne reste plus que Luxon. »

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Claramiel

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