Chapitre 8 : Drapeau des pirates du ciel
Table des matières
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Chapitre 8 : Drapeau des pirates du ciel
Partie 1
Quand Louise était montée à bord de l’énorme dirigeable, Serge était là pour l’accueillir. Il la fixait, l’étudiait. « Ce sont des vêtements de luxe pour quelqu’un qui va mourir. »
Une robe blanche avait été préparée pour l’occasion, puisqu’elle devait être une offrande à leur Arbre Sacré divin. D’une certaine manière, cela ressemblait à une robe de mariée.
« Et pourquoi es-tu ici ? » demanda Louise, choquée. Ce n’était pas tant de voir Serge qui la dérangeait que sa présence sur le navire. Si les choses tournaient mal, il pourrait y laisser sa vie. Il était l’héritier des Rault, c’était même étrange qu’il soit autorisé à participer à une mission aussi potentiellement dangereuse.
Serge portait une lance et était habillé comme s’il était prêt à partir au combat. « Je suis juste ici pour garder un œil ouvert. Pour m’assurer que tu ne t’enfuis pas. »
« Tu es vraiment méprisable », avait-elle craché. « Penses-tu vraiment que je ferais tout ce chemin seulement pour m’échapper ? »
« Tu as hâte de voir ton petit frère, hein ? »
Les moqueries de Serge lui tapaient sur les nerfs. Louise leva une main pour le gifler, mais Fernand la rattrapa par le poignet.
« Ça suffit, vous deux. Serge, tu dépasses les bornes. »
Louise avait libéré sa main avant de s’en aller, ignorant complètement Serge. Quelques gardes du corps l’avaient suivie.
Fernand soupira de soulagement. « Je surveillerai à l’arrière. S’il se passe quelque chose, je viendrai t’aider. »
Alors qu’il s’éloignait, Serge l’appela : « Prépare-toi à te battre, Fernand. Le royaume va certainement se montrer. »
Fernand fit une pause et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. « Hm, alors tu penses aussi qu’il va se montrer ? »
« Je le pense. Il n’y a aucun doute dans mon esprit. » Après avoir dit ce qu’il avait à dire, Serge était parti en marmonnant : « Maintenant, vas-y, montre-toi. Je sais exactement quelle est ta faiblesse. »
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Lorsque le grand dirigeable décolla, il fut suivi par un certain nombre de cuirassés militaires servant d’escorte. Fernand, à la tête de la flotte, avait pris l’arrière. Ils se dirigeaient vers le sommet de l’Arbre Sacré.
Les représentants des Six Grandes Maisons, Serge inclus, logeaient dans une pièce proche de celle de Louise. Serge était installé dans un fauteuil, examinant les armes qu’Ideal lui avait fournies.
Hughes jeta un coup d’œil, curieux. « Ce sont des armes inhabituelles que tu as là. Les as-tu trouvées lors d’une aventure ? »
Tout le monde connaissait le penchant de Serge pour l’aventure. Naturellement, ils avaient supposé que ces armes étaient des artefacts perdus qu’il avait trouvés en chemin.
Narcisse s’était approché. Après avoir reçu la permission de Serge, il prit une lance dans ses mains pour l’examiner. « Incroyable, c’est si léger ! Comment un objet aussi grand peut-il peser si peu ? »
« Il est léger, mais il est aussi très solide. »
La lance était équipée d’une lame qui permettait à son détenteur de trancher aussi bien que de poignarder. Ideal avait également fourni à Serge un pistolet de forme inhabituelle.
« J’en ai aussi assez pour vous, » dit Serge. « N’hésitez pas à vous en servir. »
Hughes avait récupéré une arme pour lui-même, mais sa peur de Léon et de son équipe ne s’était pas complètement estompée. « Penses-tu vraiment qu’on peut l’abattre avec ça ? Bon sang ! Toute personne de bon sens garderait ses distances. Pourquoi ne le fait-il pas ? » En tant que noble, il avait du mal à comprendre pourquoi Léon se serait donné tant de mal pour sauver Louise.
Narcisse avait refusé de garder l’une des armes sur lui. « Je suis entré dans un donjon avec ces garçons, et je connais les profondeurs de leur folie. C’était terrifiant de ne pas savoir ce qu’ils pourraient faire ensuite. Ce sont vraiment des barbares. » Alors que les souvenirs de ses aventures avec Léon et les autres élèves d’Holfort affluaient dans son esprit, Narcisse frissonna. Il n’avait pas envie de les affronter. « Ils sont très compétents. À la fois comme aventuriers et comme guerriers. »
Hughes tremblait alors qu’il soufflait. « Oui, mais face à la protection divine de l’Arbre Sacré, ils sont impuissants. Le seul dont nous devons nous méfier est le Comte Bartfort. Je suis sûr que tu es d’accord avec cela, Loïc ? Tu connais le danger qu’il représente mieux que quiconque ici. » Tout en se moquant de son ancien ami, Hughes avait rangé son arme.
Loïc avait déjà une arme qu’il avait ramenée de chez lui et n’avait pas pris la peine de prendre l’une de celles que Serge lui avait fournies. « Ouais, je suppose que oui. »
« N’oubliez pas que le Comte Bartfort porte l’écusson du Gardien, » les avait prévenus Émile. « Il serait imprudent de le sous-estimer, lui ou l’un de ses compagnons. Nous devons être sur nos gardes face à n’importe quel adversaire. »
« Tu as raison, » dit Narcisse en hochant la tête. « Quoi qu’il en soit, je doute que lui ou ses compagnons prennent la peine de venir. Il n’y a rien à gagner à sauver Louise. »
Les garçons le regardaient fixement.
Serge, qui était adossé à sa chaise, grogna. « Il va certainement venir. Et quand il le fera, je serai là pour l’accueillir. » Il parlait avec une telle confiance de l’intervention de Léon que l’anxiété de Hugues continuait à monter.
« Je préférerais qu’il ne vienne pas. Pourquoi doit-il aller s’exposer, de toute façon ? Louise n’a aucun lien avec lui. »
« Tu ne dois pas avoir l’air si terrifié, tu sais. Il est seulement fort parce qu’il a ce vaisseau et cette armure. Attrape-le sans arme et il ne sera pas plus menaçant qu’une personne normale. En plus, je suis plus fort que n’importe qui d’autre. Vous le savez, les gars. Pas vrai, Loïc ? »
Loïc avait perdu contre Léon, mais Serge était convaincu qu’il ne connaîtrait pas le même sort. Son entraînement quotidien avait contribué à une partie de son assurance, mais Serge avait aussi beaucoup de fierté au départ. Il avait tellement détesté être comparé au défunt Léon par le passé qu’il s’était efforcé d’exceller partout où il le pouvait. Personne ne lui avait donné la reconnaissance appropriée pour ses succès, c’est pourquoi il s’était obstiné à partir à l’aventure malgré toute opposition. Il s’était entraîné jusqu’à ce qu’il crache du sang, et il n’avait jamais arrêté de plonger dans des donjons, même s’il était au bord de la mort. En ce qui le concernait, peu importait que Holfort soit le berceau supposé des aventuriers, il n’avait pas l’intention de perdre contre qui que ce soit.
Il n’y a pas de fenêtre dans la chambre de Louise. S’il ne trouve pas un moyen de la localiser à distance, il devra monter à bord du vaisseau et la chercher personnellement, n’est-ce pas ? Parfait. Je suis prêt pour toi, Bartfort.
Ideal avait également préparé des mesures défensives pour contrer Luxon, créant des interférences afin qu’il ne puisse pas scanner Louise pour la localiser. Cela signifiait que le seul moyen pour Léon et ses compagnons de la faire sortir du vaisseau serait de s’y infiltrer eux-mêmes. Dans ces quartiers fermés, ils ne pourraient pas utiliser d’armures. Ils devraient se battre avec leurs propres poings.
Même nom et même visage, ce qui signifie que ce Léon et le mort sont pratiquement une seule et même personne. Ce sera d’autant plus satisfaisant de le tuer.
Serge avait affiché un sourire sinistre, ce qui avait incité Hughes à le regarder avec crainte.
« Tu sembles penser que tu pourras le vaincre s’il n’est pas dans une armure ou un vaisseau, mais je pense que tu le sous-estimes, » dit Émile.
« Qu’est-ce que tu as dit ? »
« Je dis que Pierre et Loïc ont fait l’erreur de le prendre trop à la légère. Peux-tu vraiment être sûr d’être l’exception ? »
« Ne fais pas le malin avec moi, espèce de mauviette ! » Serge s’était levé d’un bond de sa chaise et avait asséné un coup de poing à Émile, qui s’était écroulé au sol.
Narcisse s’était mis entre les deux. « Serge, arrête ! »
« Regarder ta tête me fait chier », déclara Serge à Émile, ignorant Narcisse. « Tu es si maigre et pathétique. Tu ne pourras jamais rendre Lelia heureuse. Tu lui rendrais un grand service en rompant avec elle. »
Émile serra les dents et garda les yeux rivés sur le sol. Serge ouvrit la bouche pour l’inciter à continuer, mais une sirène hurlante les interrompit.
« A-Attaque ennemie ! Il y a une attaque ennemie ! Un navire pirate descend d’en haut ! Tout le monde à son poste ! » Une voix paniquée avait retenti dans les intercoms, mais à peine avait-elle fini de parler que leur propre vaisseau commençait à trembler.
Narcisse et Hugues avaient fait une chute, tandis que Serge s’était accroupi pour se maintenir debout. Loïc avait réussi à trébucher jusqu’à une fenêtre.
« Qu’est-ce qui se passe ? » murmura Loïc. « Des pirates de l’air, vraiment ? Pourquoi des pirates de l’air viendraient-ils si près de l’Arbre Sacré ? »
Normalement, les navires militaires étaient stationnés si près de l’arbre que les pirates de l’air ne pouvaient s’en approcher. C’était étrange de les voir ici.
« Salut, les alzériens. Je suis venu pour jouer ! » La voix de Léon avait résonné autour d’eux, commençant par être légère et joyeuse avant de prendre un ton menaçant.
Les lèvres de Hughes avaient tremblé. « Il est là ! Bartfort est là ! »
Il n’était pas le seul à être secoué par la brusque apparition de Léon. Les chevaliers et les soldats à bord portaient également des regards terrifiés.
« Je parie que vous vous demandez ce que nous faisons ici », avait poursuivi Léon. « Je parie que vous pensez que tout ceci n’a absolument rien à voir avec nous, n’est-ce pas ? Eh bien, laissez-moi vous dire pourquoi vous avez tort. Pour commencer, Serge m’a frappé il y a quelques jours. Je n’ai pas pu me venger à cause de toute cette histoire de sacrifice de Mlle Louise, mais cela continue de me peser. C’est pourquoi j’ai décidé de venir chercher mon dû. »
Des perles de sueur froide coulèrent sur le visage de Narcisse. « C’est de la folie. Est-ce pour ça que vous êtes venu !? »
Comme s’il entendait ces mots, Léon avait poursuivi : « Je suis sûr que vous devez vous demander : “Est-il vraiment venu ici pour quelque chose d’aussi insignifiant ?” Oui, je suis sûr qu’une tonne de gens vont me rabaisser pour ça. Mais vous voyez, je ne pourrai pas dormir la nuit tant que je n’aurai pas mis une bonne raclée à ce salaud. Maintenant, il est temps de s’amuser ! »
Avec cela, la diffusion de l’ennemi avait pris fin.
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Partie 2
Tout avait commencé il y a quelques jours. Alors que je me creusais la tête pour savoir comment sauver Mlle Louise, la personne qui avait été envoyée pour superviser les négociations avec la république était passée me voir. Je les avais rencontrés dans le foyer de Marie, et ma voix s’était brisée d’émotion quand j’avais crié, « M-Maîtttttrrrrreeee ! »
« Cela fait certainement un moment, Monsieur Léon. J’ai entendu dire que vous avez travaillé dur. »
« Qu-qu-qu’est ce que vous faites là ! ? Oh, ne vous occupez pas de ça ! Venez à l’intérieur. S’il vous plaît, j’insiste ! »
Mon maître était vêtu d’un costume élégant, comme il sied à un gentleman de son calibre. Je l’avais fait entrer dans une pièce où j’avais préparé le thé avec soin.
Le Maître était actuellement le directeur de l’académie du Royaume de Holfort. Il n’était pas du genre à rendre visite à la république pour les vacances. Il n’était ici que parce que le royaume l’avait envoyé en tant que diplomate.
« M-Maître, alors… pourquoi êtes-vous venu chez Marie ? » demandai-je.
« Je voulais vous voir avant mon retour. »
Je n’arrivais pas à y croire. Il avait fait l’effort de venir me voir alors que j’aurais dû être celui qui lui rendait hommage.
Le Maître jeta un coup d’œil aux autres visages de la pièce et sourit. « C’est un soulagement de voir que vous êtes tous de bonne humeur. »
« De bonne humeur et même un peu plus, » dis-je en haussant les épaules et en regardant la brigade des idiots. « En fait, j’aimerais bien qu’ils se comportent un peu mieux. »
Ils m’avaient lancé un regard noir, mais je les avais ignorés.
« J’ai entendu que vous avez réussi à conclure les négociations avec la république, Maître. Je n’en attendais pas moins de quelqu’un d’aussi compétent que vous. »
« Oui, c’est un soulagement d’avoir pu régler les choses comme le souhaitait Sa Majesté. »
Anjie avait soupiré. « En premier lieu, c’est quand même assez étrange qu’ils aient nommé notre directeur comme négociateur. »
« Je suis sûr que les fonctionnaires du palais sont très occupés par d’autres obligations. Dans des circonstances normales, ils auraient envoyé quelqu’un d’autre, » dit le Maître.
Il avait rendu de grands services au royaume, ce qui me rendait d’autant plus malheureux de ce que j’avais l’intention de faire.
« Maître, à propos de ces négociations… Je crains que mes actions ne vous causent quelques — non, pas mal d’ennuis. »
« Oh ? Y a-t-il un problème dont je ne suis pas encore conscient ? »
Anjie avait ouvert la bouche pour cracher le morceau, mais j’avais sauté sur l’occasion pour expliquer avant elle. « Eh bien, vous voyez… »
Quand j’avais dit à mon maître comment je voulais sauver Mlle Louise, son expression était devenue sinistre. « Monsieur Léon, comprenez-vous bien les ramifications de ce que vous essayez de faire ? »
Je savais que sauver Mlle Louise créerait des problèmes. Il y avait aussi le problème qu’elle ne voulait pas de mon aide, et qu’elle m’en voudrait probablement. D’un autre côté, si Monsieur Albergue la perdait, il ne pouvait pas savoir dans quelles profondeurs il tomberait. En la gardant en vie, on l’empêcherait de devenir le boss final. Le plus important, cependant, était le simple fait que je voulais le faire.
« Oui, » avais-je dit. « Mais je suis sûr que cela vous causera des problèmes, à vous et à beaucoup d’autres. »
Le Maître avait acquiescé. « Je sais déjà que rien de ce que je dis ne vous dissuadera. Quand on dit qu’on va faire quelque chose, on tient sa parole. »
« Directeur, pardonnez-moi, si vous le voulez bien…, » Julius avait interjeté.
Pardon ? Qu’est-ce que tu crois faire, t’immiscer dans ma conversation avec le maître ?
« Si Bartfort fait ça, tous les termes que vous avez martelés n’auront servi à rien. Dans le pire des cas, cela pourrait déclencher une guerre. »
Le maître s’était redressé. « Je n’y vois pas d’inconvénient. C’est une décision que Monsieur Léon a prise lui-même. Je ne peux pas l’en empêcher. Je n’ai pas le pouvoir de le faire. »
« Maître… »
Cela me désolait de penser à la façon dont j’allais le déranger. Si ce n’était que Roland, je m’en ficherais. J’avais même accueilli la chance de lui faire vivre un enfer.
« Vous dites que vous allez sauver une femme pour qu’elle ne devienne pas un sacrifice humain ? On dirait le rêve d’un chevalier », déclara mon maître.
Anjie avait croisé les bras, et son visage s’était froncé. « J’admets que cela semble sortir d’un conte de fées, mais la réalité est toujours plus cruelle que n’importe quel livre de contes. Le plus gros problème est ce qui va se passer ensuite. Même en connaissant les répercussions, n’allez-vous toujours pas arrêter Léon, directeur ? »
« Pour commencer, j’ai été envoyé pour nettoyer après lui. Et puis, c’est le devoir d’un maître d’aider son apprenti quand il en a besoin. »
Bon sang, c’était suave. Mon maître est un dur à cuire !
Pendant que je m’extasiais devant lui, le maître s’était tourné vers moi. « Pourriez-vous au moins essayer de minimiser les dégâts ? »
« Je vais faire de mon mieux. »
« Splendide. Eh bien, une fois que vous aurez terminé, je ferai ce que je peux pour renégocier. »
« Merci ! »
Avec ça, je pouvais me débarrasser de toutes mes réticences persistantes.
Noëlle, qui avait écouté pendant tout ce temps, avait soudainement levé sa main en l’air. Elle avait attendu que l’attention de tous se tourne vers elle avant de dire : « Je veux aussi y aller. »
« Noëlle ? Non, tu ne peux pas… »
« Je veux donner à Louise une oreille attentive ! »
Tout le monde était choqué d’entendre cela. Tout le monde sauf le Maître, qui se caressait le menton.
« Hm. On dirait qu’il y a un peu de mauvais sang entre vous. »
« Cela va bien au-delà du mauvais sang, » dit Noëlle. « Elle a causé toutes sortes de problèmes pour moi. Mais quand même, je lui suis redevable. C’est pour ça que je dois être là quand on la sauvera, pour pouvoir lui dire ce qu’il en est. »
Si Noëlle voulait participer au sauvetage, elle aurait pu le dire.
« Oh, allez, Noëlle. Tu n’as pas à cacher ce que tu ressens vraiment », l’avais-je taquiné.
Luxon me fixa d’un air choqué. « Tu es la dernière personne à avoir le droit de dire une chose pareille. »
« Hein ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »
En jetant un coup d’œil dans la salle, j’avais remarqué que tout le monde me regardait de la même façon. C’était comme s’ils disaient tous « Tu es le pire quand il s’agit de cacher tes sentiments ».
Vraiment ? avais-je pensé. Je suis presque sûr d’être la personne la plus franche du monde.
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Cette conversation nous avait permis d’apporter le combat à la République, sans souci. Pour l’occasion, l’Einhorn arborait un drapeau pirate.
Ce qui signifie que pour l’instant, nous ne sommes qu’une bande de pirates non affiliés.
L’Einhorn fonçait sur l’énorme vaisseau ennemi. J’étais attaché à Arroganz et je donnais des ordres.
« Mettez vos vies en jeu ! »
Un certain nombre d’autres Armures flottaient dans l’air autour de l’Einhorn. Luxon les avait assemblées à la hâte. La brigade des idiots les pilotait, et chacune avait ses propres caractéristiques uniques.
Julius pilotait une armure blanche. « Je n’aurais jamais pensé devenir un pirate de l’air et sauver une princesse. »
L’armure verte de Jilk tenait un énorme fusil dans ses mains. « Eh bien, je pense qu’être un pirate de l’air convient parfaitement au comte Bartfort. »
C’est vraiment un petit con sournois.
Brad pilotait une Armure violette avec une tête en forme de cône. « Êtes-vous sûr que cette Armure a été construite avec du bric-à-brac ? Elle est bien plus puissante que celles que j’ai utilisées auparavant. Aucune Armure ordinaire ne pourrait battre cette chose. Si Arroganz est comme ça, elle doit être pratiquement invincible. »
À l’intérieur du cockpit avec moi, Luxon secoua son œil d’un côté à l’autre, exaspéré. « Arroganz est une armure que j’ai construite spécialement pour le Maître, » expliqua-t-il. « Ses performances sont d’un tout autre niveau que celles-ci, que j’ai construites au pied levé. Cela dit, même si ce ne sont pas mes créations les plus minutieuses, j’attends de vous que vous soyez prudent avec elles. Si vous les détruisez, je vous le ferai regretter. »
Toutes les Armures qu’il avait fabriquées pour cette aventure étaient plus grandes que la moyenne des tenues, bien qu’elles soient toujours plus petites qu’Arroganz.
Greg, qui pilotait l’Armure rouge, se préparait à la bataille alors que nous approchions de l’imposant vaisseau ennemi. « C’est presque l’heure ! »
Chris était dans une Armure bleue brandissant une claymore, et lorsque les Armures ennemies volaient vers lui, il les découpait immédiatement. « Faisons un travail rapide sur eux ! »
Alors que les deux derniers semblaient parfaitement normaux en communication, ils étaient pratiquement nus dans leurs cockpits respectifs. L’un était en short et sans haut, et l’autre était toujours en pagne.
J’aimerais qu’ils tiennent compte de mes sentiments. Je dois regarder leurs corps supérieurs nus sur le flux vidéo.
« Maître, je ne peux pas confirmer la position précise de Louise. Ideal brouille mon scanner. »
« Pas de problème. On va entrer par effraction et la faire sortir nous-mêmes. Je compte toujours sur toi pour faire ta part. »
« Compris. Je vais nous faire venir en volant. »
« Ok, les garçons, il est temps de se battre ! »
L’Einhorn avait percuté le vaisseau ennemi, en prenant soin de ne pas appliquer trop de pression de peur qu’il tombe. Un raclement métallique retentit lors de la collision. Des étincelles avaient jailli de l’endroit de l’impact, et le vaisseau ennemi s’était finalement arrêté.
« Vous n’irez pas plus loin ! » avais-je crié en sautant du cockpit d’Arroganz, mitraillette à la main. Dès que j’avais atterri sur le pont de l’autre vaisseau, j’avais cherché une entrée vers l’intérieur. « Est-ce par là ? »
C’était à l’origine un vaisseau de luxe avec un grand pont. Bien qu’il ait été équipé pour la bataille, ces modifications de dernière minute n’avaient pas permis de couvrir ses points faibles.
Alors que je me dirigeais vers la porte d’entrée, deux soldats armés étaient sortis en courant.
« Il est là ! »
« Tuez-le ! »
Ils avaient commencé à me tirer dessus, alors j’avais riposté. Mes balles en caoutchouc n’étaient pas mortelles, mais elles piquaient comme l’enfer. Quand elles atteignaient leur cible, les hommes se tordaient de douleur. Je les avais ignorés et j’avais continué à avancer.
« Maître, j’ai fait ce que tu m’as demandé. »
« Alors, vas-y pour la suite », avais-je dit.
Luxon s’était envolé tandis que je trouvais la porte que je cherchais et que je me cachais à l’intérieur.
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Partie 3
Fernand avait vu de loin l’Einhorn foncer sur l’énorme navire transportant Louise. Debout sur le pont du cuirassé, il avait regardé la scène, abasourdi.
« Vous devez vous moquer de moi ! Pourquoi est-il là ? Pourquoi s’en mêle-t-il !? » La sensibilité de noble de Fernand l’avait laissé complètement désemparé. Ses subordonnés l’appelèrent pour qu’il donne d’autres ordres, mais il était clair à son expression qu’il était sous le choc et incapable d’en donner correctement. Léon avait semé la terreur dans la république et son peuple d’innombrables fois maintenant, et savoir qu’il était celui qu’ils affrontaient terrifiait Fernand.
« Seigneur Fernand ! Que faisons-nous ? »
« Quelle question ridicule, » bégaya-t-il. « Nous allons protéger le sacrifice, bien sûr ! » Il ordonna à ses hommes de passer à l’offensive pour défendre Louise.
Hélas, ses hommes étaient également frappés par la peur et incapables de bouger.
« Mais notre ennemi est le Chevalier Ordurier. Nous n’avons aucune chance contre lui. De plus, il porte l’écusson du Gardien ! »
Il n’y avait pas besoin d’être un génie pour voir que le moral était au plus bas, et Fernand ne pouvait pas faire grand-chose pour faire sortir ses hommes de leur torpeur.
La voix de Léon avait soudainement résonné dans l’interphone. « Est-ce que mes yeux me trompent ? Vous n’allez vraiment pas venir vous battre ? Vous pouvez voir le drapeau pirate que je brandis, non ? Allez-vous encore m’ignorer ? Ne me dites pas que vous avez trop peur. »
Fernand avait crié : « Coupez l’alimentation audio ! »
« Il a piraté nos systèmes. On ne peut pas l’arrêter ! »
« Alors il a l’intention de nous contrarier, hein ? » Le beau visage de Fernand se contorsionna, ce qui ne fit que faire rire Léon.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? Je pensais que vous alliez me donner du fil à retordre, mais là, c’est du gâteau. Je ne m’attendais pas à grand-chose de vous, bande d’idiots. Après tout, vous êtes un pays prêt à sacrifier une jeune fille pour sauver vos propres peaux. »
Des tirs d’armes à feu résonnaient périodiquement en arrière-plan. Léon était déjà monté à bord du vaisseau et combattait ceux qui s’y trouvaient.
« Idiot », siffla Fernand. « Comprenez-vous ce que vous faites ? Si vous vous en mêlez, vous ne vous en sortirez pas… »
« Monseigneur, je ne crois pas qu’il puisse vous entendre. »
« Merde ! »
Léon avait manipulé l’alimentation pour pouvoir leur parler, mais ils ne pouvaient pas répondre. Même si Fernand voulait ordonner aux autres vaisseaux de bouger, il serait difficile de le faire sans communication.
Le ton de Léon avait soudainement changé, devenant sérieux. « Il y a une chose que j’aimerais vous dire, les gars. Si vous avez un problème avec ce que je fais, venez me chercher. Si ça vous ronge à ce point, mettez fin à mes souffrances. Enfin, si vous pensez en être capable. »
Fernand avait tapé du poing sur le bureau devant lui. « Croyez-vous vraiment qu’on la sacrifie parce qu’on en a envie !? Si vous ne nous aviez pas poussés à bout pour commencer, rien de tout cela ne serait arrivé ! »
Les seigneurs auraient fait preuve de plus de prudence dans leur débat en temps normal, mais avec la menace d’une puissance étrangère sous la forme de Léon, ils étaient accablés par la crainte que l’Arbre sacré ne les abandonne et ne laisse la république s’effondrer. C’était la raison pour laquelle ils avaient si facilement jeté la prudence et cédé au sacrifice humain. Le catalyseur avait été Léon.
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Pendant que Léon et ses compagnons se battaient en haut, Ideal rapportait la situation à Lelia au sol. Elle était en train de déjeuner quand la nouvelle était arrivée, et la cuillère qu’elle tenait était tombée de ses doigts.
« Ils ont vraiment chargé ? Pour sauver Louise ? »
« En effet. Votre grande sœur semble être avec eux, » dit Ideal.
« Ils ont même pris Noëlle !? Oh mon dieu. À quoi pensent ces gars ? »
Pas bon ! Je m’en fous de Louise, mais si quelque chose devait arriver à ma sœur… Attends, attends une seconde. Je suppose qu’elle ne compte pas non plus. Je n’ai pas besoin de me préoccuper de l’Arbre Sacré pour l’instant.
Lelia avait fixé Ideal.
Avec lui en ma possession, ma sécurité est garantie. Si je le voulais, je pourrais même l’utiliser pour reconstruire entièrement la république. Non… Je pourrais créer un tout nouveau pays !
Luxon mis à part, Lelia était persuadée que personne d’autre ne possédait la puissance nécessaire pour battre Ideal. Elle pourrait établir une alliance avec Léon et les autres, en acceptant de ne pas interférer avec les plans des uns et des autres. Plus elle réfléchissait à cette idée, plus elle devenait calme. Elle ramassa sa cuillère et reprit son repas.
« Oh ? Vous vous êtes vite calmée », avait observé Ideal.
« C’est parce que j’ai réalisé qu’il n’y a plus de raison de se préoccuper de l’Arbre Sacré. »
« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »
« Tant que je t’ai toi, je n’ai pas besoin de l’arbre. N’est-ce pas ? »
Lelia s’attendait à ce qu’Idéal soit d’accord avec elle et que la conversation s’arrête là, mais sa réaction l’avait prise au dépourvu.
« Je ne suis pas d’accord. L’Arbre Sacré doit être défendu à tout prix. Il sera absolument essentiel pour l’avenir de la république. »
« Quoi ? Mais… »
« De plus, cette nation n’existe que grâce à l’arbre. Enlevez-le, et tout risque de s’écrouler. »
Troublée, Lelia avait bégayé : « Tant que je t’ai… »
« Je ne vais pas nier ma propre valeur, mais perdre l’Arbre Sacré serait un énorme coup dur. J’apprécierais que vous ne le traitiez pas avec autant de désinvolture. »
Ideal était plus sévère que d’habitude, ce qui rendait impossible à Lelia d’argumenter.
« B-Bien, j’ai compris. »
« Merci. J’apprécie votre compréhension. »
Lelia avait continué à manger tout en contemplant l’avenir.
Je suppose que cela signifie que ma sœur va continuer à être le centre de l’univers à l’avenir. Ce n’est pas si surprenant, elle est une protagoniste dans ce monde. Je suis plus inquiète de savoir si Serge va s’en sortir. Il a tendance à exagérer les choses.
« Ideal, si les choses deviennent dangereuses pour Serge, interviendras-tu pour le sauver ? »
« Bien sûr », avait-il dit. « Mais êtes-vous sûre que c’est le seul que vous voulez sauver ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »
« Oh, je me demandais simplement pourquoi vous n’avez pas mentionné le Seigneur Émile. »
Lelia avait réalisé à ce moment-là à quel point elle préférait Serge à Émile. Néanmoins, après une courte pause, elle déclara : « Assure-toi de le sauver aussi. »
« Comme vous voulez. »
Lelia avait regardé le plafond.
Quand tout le monde sera rentré, je vais vraiment devoir réfléchir à mon avenir. Je suppose que je vais commencer par annuler mes fiançailles.
☆☆☆
Trois personnes avaient été laissées au domaine de Marie pendant la mission : le directeur, Cordélia et Yumeria. Le premier était en train de déguster un thé lorsque Cordélia demanda, sans crier gare, « Directeur, êtes-vous sûr de vous ? »
« Sûr de quoi ? », avait-il demandé.
« Vous devez avoir compris maintenant. Si Lord Léon provoque un nouveau remue-ménage dans la république, cela aura d’énormes répercussions. On pourrait même le faire exécuter, si le pire était à craindre. »
De plus, le fait de se battre avec un pays étranger et de nuire aux relations internationales ne ferait que nuire à la réputation de Léon dans son pays.
Le directeur avait regardé par la fenêtre. « Ce garçon est un peu un mystère. »
« Pardon ? » Cordélia avait froncé les sourcils. « Hum, pour être clair, j’essaie de dire —. »
« Que vous êtes inquiète pour lui, non ? Monsieur Léon est certainement aimé. »
« Ce n’est pas du tout ça ! Il a même traîné Lady Angelica sur le champ de bataille. Je… En fait, je le trouve exaspérant ! Évidemment, je préférerais qu’il soit plus discret, surtout que Lady Angelica l’a choisi comme partenaire. »
« Oui, je suis sûr que ce serait pour le mieux. En même temps, cela pourrait aussi être une erreur. »
Une fois de plus, Cordélia était déconcertée. « Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »
Le directeur essayait de dire que sauver Louise était la chose morale à faire, mais un mauvais choix pour un aristocrate. Léon n’avait pas le droit de se mêler des intérêts internes d’un autre pays. Normalement, quelqu’un comme lui ne pourrait qu’assister avec impuissance aux événements.
« Ses actions sont le summum de la chevalerie. Ne prenez pas cela pour un compliment. Je veux simplement dire que, parfois, Monsieur Léon ne voit pas les choses de la même façon que nous. »
« Pouvez-vous expliquer ? »
« Monsieur Léon voit le monde à travers une perspective très différente. Je ne peux pas dire que c’est la bonne perspective, mais il a réussi à régler un certain nombre de problèmes internationaux qui se sont accumulés au fil du temps. »
Cordélia avait hoché la tête. « Vous devez faire référence à l’ancienne principauté de Fanoss. Même moi, je pense que ses actions à l’époque étaient héroïques, mais il est bien trop négligé et indiscipliné au quotidien. »
« Non, non. Ce n’est pas tout ce qu’il a fait. Il a sauvé le royaume à maintes reprises. Lui prêter main forte dans cette affaire est ma façon de le récompenser. Ou je suppose qu’il serait plus exact de dire que c’est ma façon de lui rendre la pareille. »
Cordélia s’était tue, et le directeur avait souri.
« J’ai trouvé toutes sortes d’excuses, mais je suppose qu’en fin de compte, ce que je veux vraiment, c’est être capable de voir comment Monsieur Léon évoluera à partir d’ici. »
L’estomac de Cordélia se noua d’angoisse. « J’aimerais que vous preniez ce problème plus au sérieux. »