Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 6 – Chapitre 5

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Chapitre 5 : Sacrifice

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Chapitre 5 : Sacrifice

Partie 1

Une fois que nous étions sortis, nous avions trouvé le lieu de l’événement en effervescence. Les yeux de tout le monde s’étaient tournés vers nous lorsque nous étions sortis.

« Hein ? » avais-je lâché, le bras toujours enroulé autour de Louise. J’avais un mauvais pressentiment. Les visages dans la foule disaient tout ce que j’avais besoin de savoir. Mais si cela n’avait pas été suffisant…

« Par sacrifice humain, voulait-on dire… ? »

« J’ai aussi entendu la voix de l’Arbre sacré. Qu’est-ce que vous en pensez… ? »

« Qu-Qu’est-ce qu’on doit faire ? »

Il semblerait que nous n’étions pas les seuls à avoir reçu ce message étrange.

J’avais serré les dents. « Luxon, dans le pire des cas… »

« Tu veux que je fasse sortir Louise de cet endroit, oui ? Dans ce cas, le plus tôt sera le mieux. Je vais préparer un petit navire pour vous. Ensuite, nous pourrons embarquer sur l’Einhorn ou la Licorne et faire route vers le royaume de Hohlfahrt. »

Alors que je m’apprêtais à l’aider à s’échapper, Louise s’était dégagée de mon étreinte. « Merci, Léon, mais ce ne sera pas nécessaire. »

« Quoi ? »

Des chevaliers en armure avaient couru vers nous et l’avaient entourée. Un autre groupe avait essayé d’encercler Lelia, mais Serge les avait engueulés. « Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Seigneur Serge, s’il vous plaît, remettez-nous cette jeune fille. Nous sommes dans l’ignorance totale de ce qui se passe, mais nous savons que l’Arbre sacré cherche une jeune fille à sacrifier. Au moment où nous avons entendu les mots de l’arbre, une lumière vive a soudainement jailli à l’intérieur de la grotte. Si l’une de ces deux filles est le sacrifice, alors… »

« Ne posez pas un seul doigt sur Lelia ! » Serge leva les poings, prêt à les repousser s’il le fallait.

« Stop ! » Louise hurla.

J’avais entrevu Monsieur Albergue au loin, qui se précipitait vers nous. Mais avant qu’il n’arrive, Louise avait pris la parole : « Je suis celle que l’arbre a choisie. Cette fille n’a rien à voir avec tout ça. »

Dès que les chevaliers avaient entendu cela, ils avaient échangé des regards.

J’avais attrapé la main de Louise. « Qu’est-ce que tu dis !? »

« C’est bon. Je l’ai entendu. Mon petit frère est à l’intérieur de l’Arbre sacré… et il souffre. »

« Ton petit frère est quoi ? »

Était-ce ce qu’elle avait entendu ? J’avais jeté un coup d’œil à Luxon, mais il avait bougé son regard d’un côté à l’autre comme s’il secouait la tête. « Je n’ai rien entendu de tel. »

Louise avait essayé de partir avec les chevaliers, mais j’avais renforcé ma prise sur sa main. Mais qu’est-ce qui se passe ? Je ne pouvais même pas imaginer ce qui allait lui arriver, mais quelque chose en moi me criait de ne pas la lâcher.

« Il doit y avoir un malentendu », avais-je insisté. « Tout ceci est faux. »

J’avais beau essayer de la persuader, Louise avait pris sa décision. « Je suis désolée de t’avoir entraînée dans une histoire aussi folle, mais je veux aller là où se trouve Léon. Je n’ai jamais pu faire quoi que ce soit pour lui de son vivant, mais si je peux le rencontrer une dernière fois avant que tout ne soit fini, cela me suffit. »

Les doigts de Louise étaient si doux qu’ils s’étaient faufilés entre les miens, et bientôt, elle était partie.

Monsieur Albergue avait réussi à la saisir par les épaules avant qu’elle ne s’éloigne. « Louise ! Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que c’est que ces sornettes qui font de toi un sacrifice humain ? »

« C’est exactement ce à quoi ça ressemble. Je te promets que je t’expliquerai les choses plus tard, Père. »

J’étais resté là, figé, incapable de faire quoi que ce soit.

Serge avait mis ses mains dans ses poches et était passé devant moi. « Léon ceci, Léon cela. C’est tout ce dont elle se soucie. Pourquoi ce petit garçon mort est-il si important pour elle de toute façon ? Je ne comprends pas du tout. » Il avait fait une pause et m’avait regardé. Voyant que je restais bouche bée, il ricana. « Eh bien, puisqu’elle a la vraie chose maintenant, elle n’a plus besoin de toi. Rentre chez toi. » La haine ardente qu’il m’avait montrée il y a quelques instants n’était plus là. « Viens, Lelia. »

« D-D’accord… »

Les deux personnes avaient pris congé.

Je n’en avais rien à faire de Serge, honnêtement. J’étais plus préoccupé en premier lieu par la raison pour laquelle l’Arbre sacré demandait un sacrifice humain. Marie n’avait jamais mentionné quelque chose comme ça. Lelia ne pouvait pas savoir non plus, vu son air abasourdi.

Quelque chose n’allait pas. Les événements à Hohlfahrt n’avaient pas non plus complètement respecté le scénario du jeu, mais il y avait quelque chose de plus sinistre dans le jeu à Alzer.

« Luxon, va voir ce qui se passe, » avais-je ordonné.

« On ne s’ennuie jamais avec toi, Maître. »

« Quelque chose pue. Il faut que je retourne demander à Marie ce qu’il en est. »

« Est-ce ton intuition qui parle ? »

« En général, quand j’ai un mauvais pressentiment, cela se réalise. »

Je n’allais pas dire que j’avais une intuition parfaite, mais j’avais des prémonitions assez précises lorsque les choses tournaient mal.

J’avais laissé la clameur de la foule derrière moi, ne m’arrêtant qu’une seule fois pour regarder l’Arbre sacré.

 

☆☆☆

 

Pendant que Lelia et Serge marchaient, Émile s’était approché, se frayant un chemin à travers la foule pour les rejoindre. Son costume était en désordre, mais il n’y avait pas prêté attention.

« Émile, » Lelia avait haleté. Avant qu’elle puisse dire autre chose, il avait attrapé Serge.

« Explique-toi ! J’ai entendu dire que tu as traîné de force Lelia dans la grotte. Pourquoi as-tu fait une chose pareille ? »

Il était normal qu’Émile soit furieux, puisque lui et Lelia étaient fiancés, mais Serge n’avait pas l’énergie à perdre avec lui. Agacé, il ricana. « Arrête de pleurnicher. Mon vieux veut me voir, je n’ai pas le temps de jouer avec toi. »

Serge était dans la grotte avec Louise lorsque l’Arbre sacré l’avait choisie comme sacrifice. Ainsi, Albergue l’avait convoqué pour qu’il puisse entendre toute l’histoire. Serge fronça les sourcils, pensant déjà à la douleur que tout cela allait lui provoquer à cause de cette pagaille. D’un point de vue extérieur, il avait probablement l’air de se moquer d’Émile.

« Quoi ? Alors tu vas juste t’enfuir ? » Émile s’était accroché aux habits de Serge, bien qu’il soit beaucoup plus petit et moins musclé. Ce n’était pas une surprise que Serge soit facilement capable de le repousser et de l’envoyer trébucher en arrière.

« Wôw ! » Lelia s’était exclamée, se précipitant aux côtés d’Émile alors qu’il tombait.

La voir s’agiter autour d’Émile ne faisait qu’énerver davantage Serge. « Lelia, si un jour tu en as assez de cette excuse pathétique d’homme, tu sais où me trouver. Je t’accueillerai à bras ouverts. Tu préfères avoir quelqu’un sur qui tu peux compter, non ? Quelqu’un comme moi. Je te montrerai ce que tu rates bien assez tôt, alors ne t’inquiète pas. »

Émile avait jeté un coup d’œil à Lelia. La suspicion dans ses yeux lui avait rappelé le baiser qu’elle avait partagé avec Serge dans la grotte. Pour cette raison, elle ne pouvait pas complètement défendre ses propres actions.

Alors que Serge prit congé, Émile et Lelia restèrent figés sur place — du moins jusqu’à ce qu’Émile la saisisse par les épaules, la serrant. « Lelia, je veux que tu sois honnête avec moi. Est-ce qu’il s’est passé quelque chose entre Serge et toi ? »

« N-Non, bien sûr que non. »

« Regarde-moi dans les yeux et dis-le. Je… Je… ! » Émile avait fondu en larmes.

Lelia avait senti le poids des regards de la foule, et quand elle avait jeté un coup d’œil autour d’elle, elle avait remarqué qu’un groupe de badauds s’était rassemblé.

« Est-ce le seigneur Émile de la maison Pleven ? »

« Et cette fille-là est de Lespinasse, n’est-ce pas ? »

« Quoi ? Mais il y a un instant, n’a-t-elle pas, avec Lord Serge… »

Des chuchotements avaient éclaté, augmentant l’embarras de Lelia. Elle avait attrapé la main d’Émile et s’était levée d’un bond. Soucieuse de mettre de la distance entre elle et les autres nobles, elle avait essayé d’entraîner Émile, mais il n’avait pas voulu.

« Lelia, donne-moi une réponse ! »

Agacée, elle avait fini par dire : « Ça suffit ! »

« … Lelia ? »

« Je déteste vraiment ça chez toi. Tu agis toujours de manière si fragile et délicate, et puis tu as l’audace de douter de moi. Il n’y a rien entre moi et Serge. Ayez un peu de foi en moi, veux-tu bien ? »

« M-Mais même toi, tu dois voir qu’il est hors de question que vous alliez dans la grotte ensemble ! Tu as promis que tu irais avec moi, n’est-ce pas ? Et tu l’as fait devant tout le monde. Je ne peux pas laisser passer ça. Serge est essentiellement en train de m’insulter à ce stade. J’ai ma fierté en tant qu’homme des Six Grandes Maisons. Je ne peux pas continuer à regarder de l’autre côté quand il fait ces choses ! »

Lelia avait l’impression qu’il lui avait versé un seau d’eau froide sur la tête.

Tu exagères vraiment. La fierté d’être un homme des Six Grandes Maisons ? Quelle absurdité ! Montre un peu plus d’intérêt pour moi. Pourquoi ne pas le faire ? Tu n’es vraiment pas du tout attentionné.

Il y avait un décalage, Lelia ne pouvait pas comprendre l’importance qu’il accordait à sa fierté de noble. À cause de son expérience de vie antérieure, elle ne voyait pas beaucoup de valeur dans quelque chose d’aussi superficiel. Il semblait qu’Émile donnait la priorité à son statut vis à vis d’elle. Les sentiments qu’elle avait eus pour lui s’étaient soudainement évaporés.

Je l’ai choisi en pensant à mon avenir, mais je me suis peut-être trompée.

« Bien, j’ai compris, » dit-elle. « Ta fierté est bien plus importante que moi. »

« Lelia ? »

« Si tu veux te disputer avec Serge, vas-y. Mais ça ne fera que me faire penser moins à toi. C’est ridicule que tu agisses comme ça pour quelque chose d’aussi stupide. »

« M-Mais c’est… »

« Je ne veux pas l’entendre ! Argh, ça m’énerve encore plus ! Arrête de te trouver des excuses. »

Lelia en avait assez de ses « mais ceci » et « mais cela », sans se rendre compte qu’elle avait elle-même trouvé des excuses similaires. Elle avait laissé Émile derrière elle et était rentrée chez elle toute seule.

Émile était resté figé sur place, fixant ses pieds. Lelia avait jeté un coup d’œil en arrière une fois en partant et s’était trouvée dégoûtée par l’aspect pathétique qu’il avait.

Pourquoi ai-je choisi quelqu’un comme Émile ? J’aurais mieux fait de choisir Serge dès le début, si j’avais su que ce serait comme ça.

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Partie 2

Quand j’étais retourné au domaine de Marie, je l’avais informée de ce qui s’était passé au festival. À savoir que l’Arbre sacré avait choisi Louise comme sacrifice humain, et qu’elle avait entendu la voix de son petit frère décédé et avait donc décidé de se plier à ses exigences.

Marie était sidérée. « Pourquoi voudrait-elle être un sacrifice humain juste parce que son petit frère mort souffre ? Je ne comprends pas du tout. »

Oui, ça semblait un peu bizarre.

« Comment diable le saurais-je ? Tout ce que je peux te dire, c’est qu’elle a sauté sur l’occasion de devenir un sacrifice, et elle a dit que c’était à cause de son frère mort. »

Nous étions réunis dans une pièce vide avec Creare et Luxon qui écoutaient. Je ne pouvais pas en parler à la brigade des idiots, c’est pourquoi nous nous réunissions en secret.

« Euh… OK, attends. Je suis presque sûre qu’il n’était pas question d’un sacrifice humain dans le deuxième jeu, » dit Marie. « De plus, le festival du Nouvel An est censé permettre à la protagoniste de montrer qu’elle sort avec son amoureux. C’est là tout l’intérêt. »

« Et quel était le rôle de Louise dans tout ça ? Comment était-elle impliquée dans l’histoire à ce moment-là ? Et qu’est-ce qui est censé se passer ensuite ? » avais-je demandé dans une succession rapide.

Sentant mon impatience, Marie avait promptement répondu. « Euh, voyons voir… Elle demande à l’amoureux qu’elle a choisi s’il est vraiment sûr de vouloir être avec une femme comme elle. Je ne me souviens pas des lignes exactes, mais il n’y avait absolument rien sur le fait que quelqu’un soit choisi comme sacrifice humain. Et si c’était le cas, ça ne pouvait pas être Louise, à la fin, elle est condamnée pour tous les crimes qu’elle a perpétrés au cours de l’histoire. »

En laissant de côté la question de la condamnation, si Louise avait vraiment un rôle à jouer jusqu’à la toute fin du jeu, il n’était pas logique qu’elle soit sacrifiée à quoi que ce soit en cours de partie. C’était une preuve évidente que nous vivions une anomalie.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » J’avais fait une pause et je m’étais corrigé. « Ou plutôt, que va-t-il se passer maintenant ? » J’avais mis une main sur ma bouche et m’étais creusé la tête.

« Vous connaissant, vous allez probablement faire un gros gâchis en vous impliquant, non ? » dit Creare. « De toute façon, si vous tenez tant à sauver la demoiselle en détresse, nous ferions mieux de nous y mettre. Vous allez la sauver, n’est-ce pas ? »

C’était une évidence, bien sûr que j’allais la sauver. Comment pouvais-je rester là et laisser Louise se faire sacrifier ? Mon problème était qu’elle était déterminée à s’offrir en tant que victime consentante. Ce serait difficile de l’en dissuader. L’emmener au loin était-il ma seule option ?

« Je suppose qu’on peut se faufiler là-bas et l’attraper, pour voir ce qui se passe. Luxon, allons-y. » Comme il ne répondait pas immédiatement, je m’étais tourné vers lui. « Luxon ? »

Luxon était encore plus insensible que d’habitude, et quelque chose en lui semblait aussi différent. Comme s’il était plus sur ses gardes. Il avait été si blasé jusqu’à présent, offrant d’anéantir tous les nouveaux humains quand je le souhaitais, mais pas cette fois.

« Maître, j’ai de mauvaises nouvelles, » déclara-t-il.

« Mauvaises ? Dans quel sens ? »

« Je pense qu’il sera presque impossible de réussir à sauver Louise. »

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Que même toi tu ne peux pas le faire ? » Comment une chose si simple peut-elle être si difficile que même Luxon n’y croit pas ?

« Nous ne pourrons pas nous faufiler sans nous faire remarquer, » précisa Luxon. « Le problème, c’est Ideal. »

« Ideal, hein ? Et lui, alors ? »

« Il a déployé des dispositifs de sécurité spéciaux qu’il a fabriqués lui-même. J’ai également confirmé qu’il a mis en place des mesures défensives. »

« Attends. Tu n’es pas en train de me dire que Lelia s’est retournée contre nous, n’est-ce pas ? »

Allait-elle vraiment me poignarder dans le dos maintenant ? Non, étant donné sa position, il était plus probable qu’elle considère Louise comme une plus grande menace que moi. Mais serait-elle vraiment prête à aller aussi loin pour l’éliminer ? Elle ne semblait pas si impitoyable. Pour le meilleur ou pour le pire, elle était comme moi dans la mesure où elle portait encore les idées culturelles et la morale qui lui avaient été inculquées au cours de sa vie précédente.

En entendant le nom d’Ideal, Marie s’était penchée en avant, voulant en savoir plus. Elle n’avait pas utilisé le cash shop dans le deuxième jeu, donc elle savait très peu de choses sur lui.

« C’est un objet de triche — un navire de guerre — du deuxième jeu, non ? À quoi ressemblait-il ? » avait-elle demandé.

Luxon expliqua : « C’est un vaisseau de transport créé par les anciens humains. Cependant, il est fort possible que ses capacités de collecte d’informations dépassent les miennes. Cependant, les circonstances sont également très peu naturelles. »

Creare partagea ses soupçons. « Un vaisseau de transport aurait-il vraiment besoin de telles capacités ? Aucune de mes données ne le suggère. »

« C’est précisément la raison pour laquelle je suis perdu, » avoua Luxon. « Il n’a quitté le mode veille que récemment, mais il a néanmoins été capable de se cacher de moi pendant tout le temps qui a précédé son réveil. Cela montre qu’il est une réelle menace. »

Maintenant qu’Ideal était dans le coup, nous ne pouvions plus nous déplacer aussi librement qu’avant. Il s’est avéré être un vrai problème.

« Alors qu’est-ce que tu vas faire, Grand Frère ? » demanda Marie. « Ce sera difficile de la récupérer, non ? Et si nous ne faisons pas attention, nous pourrions provoquer un scandale international suffisamment important pour que nous ne puissions pas nous en sortir. »

« Oui, les choses se sont compliquées. »

Le plus gros problème était que, pour la République d’Alzer, tout ce qui était lié à l’Arbre sacré était considéré comme sacré. Ils feraient tout pour apaiser l’arbre, même si cela signifiait offrir la vie de quelqu’un sur un plateau. Ils se mettraient absolument en travers du chemin si j’essayais de sauver Louise.

« Oh, je sais ! » Marie avait claqué des doigts. « Et si on demandait à Luxon de brûler la fleur de l’arbre ? Si on fait ça, alors toute cette histoire de sacrifice devrait disparaître. »

« J’adorerais faire ça, mais… » J’avais jeté un coup d’œil à Luxon, qui bougeait son regard d’un côté à l’autre.

« Ideal a mis en place des mesures défensives contre cela aussi. Si nous essayons de faire quoi que ce soit, surtout quelque chose d’aussi grave que d’attaquer l’Arbre sacré, cela provoquera une rupture entre la république et le royaume. »

« Alors, qu’est-ce qu’on est censés faire !? » demanda Marie en se prenant la tête dans les mains.

C’était le problème, aucun de nous ne le savait.

Luxon m’avait lancé un regard. « Maître, que proposes-tu ? Si nous choisissons d’affronter Ideal, je jure que je ne perdrai pas, mais nous subirons des pertes. De plus… Je ne connais toujours pas l’étendue des capacités d’Ideal. »

Donc en fait, même avec Luxon en ma possession, je n’étais pas à l’abri du danger. Il était temps d’imaginer le pire scénario, qui consistait à affronter Ideal. Je n’avais aucun problème à affronter Lelia, mais Ideal était une autre histoire. Avant de l’affronter, je devais mettre toutes les chances de mon côté.

« D’abord, obtenons des informations », avais-je dit. « Si nous ne pouvons pas le frapper là où ça fait mal, nous devrons le prendre de front. Marie, si tu te souviens de quelque chose, fais-le-moi savoir immédiatement. Luxon, tu viens avec moi. Et quant à toi, Creare… »

« Oui ? »

« Rentre chez toi. »

« Quoi ? »

« Tu ne me sers pas vraiment pour l’instant. Tu pourras revenir quand il sera temps d’emmener Anjie et Livia à Hohlfahrt. Eh bien, ce sont tes ordres. À bientôt. »

Dans une rare démonstration, Luxon était d’accord avec moi. « En effet. Tant que je suis là, tu n’as besoin de personne d’autre. Nous devrions demander à Creare de retourner à Hohlfahrt et de travailler sur ce qui doit être fait là-bas. »

« Attendez une minute ! Je n’aime pas être la seule à être exclu, » dit Creare.

« Ferme-la et rentre chez toi ! »

« Maître, espèce de gros con ! » Elle avait sangloté et s’était envolée hors de la pièce.

Marie avait tendu une main après elle. « Hé, attendez ! Grand Frère, fallait-il vraiment que tu la chasses ? Je pense qu’elle est très utile. »

« Non, c’est mieux comme ça. Luxon, allons-y. »

« Compris, Maître. »

 

☆☆☆

 

Les Six Grandes Maisons avaient convoqué une réunion d’urgence. Le sujet central était Louise et la question de son sacrifice. À l’exception d’Albergue, les cinq autres chefs de maison étaient d’accord.

« Avez-vous vraiment l’intention de sacrifier ma fille ? » demanda Albergue.

Ils avaient décidé que si l’Arbre sacré le désirait, ils étaient prêts à offrir Louise. Aucun d’entre eux n’avait montré la moindre hésitation. Pour les Six Grandes Maisons — non, pour tout le peuple de la république —, l’Arbre sacré était un être divin.

Lambert avait souri, appréciant clairement la frustration d’Albergue. « L’Arbre sacré a choisi ta fille. Tu devrais être ravi de la remettre. Honnêtement, j’envie ta chance. » Ses mots étaient empreints de sarcasme, clairement motivés par la rancune.

Albergue avait serré les poings si fort que ses jointures étaient devenues blanches. Pendant ce temps, les autres chefs continuaient leur discussion.

« Digressions mises à part, c’est la première fois qu’une telle chose se produit. Nous devrions faire un rapport clair des événements. »

« Nous devons envoyer quelqu’un de l’une de nos maisons pour l’accompagner. Lady Louise a besoin d’un garde du corps. Elle semble parfaitement disposée à se proposer, mais si elle changeait d’avis le moment venu, nous serions dans une situation délicate. »

« Eh bien, alors envoyons tous des gens de nos maisons. »

La façon dont ils se comportaient tous en ignorant Albergue l’avait rendu furieux. Même Fernand, qu’il avait pourtant favorisé par le passé, se joignait activement à la conversation sans se soucier de lui. Fernand cherchait désespérément à établir de nouveaux liens avec les autres après qu’Albergue l’ait abandonné pour sa trahison. Dans le même temps, il préparait joyeusement le terrain pour sacrifier Louise.

« Messieurs, » dit Fernand, « Il y a un autre sujet important dont nous devons parler. À savoir, le héros de Hohlfahrt. »

Les dirigeants avaient hoché la tête à l’évocation soudaine de Léon.

« Qu’est-ce qu’il a à voir avec ça ? C’est une affaire d’Alzerian. »

« Oui, cette ordure n’a pas sa place dans ces arrangements. »

Comme Léon lui avait déjà infligé une fois une défaite, Fernand le considérait avec la plus grande prudence. « Il a une relation personnelle avec Louise », expliqua-t-il.

« Et ? Qu’en est-il ? »

Les autres hommes le regardent avec une expression perplexe. Ils étaient sceptiques quant au fait que Léon s’implique pour une raison aussi insignifiante. S’il était assez stupide pour intervenir, il provoquerait un énorme scandale. Aucun noble ordinaire ne prendrait un tel risque pour sauver une simple connaissance.

Mais Fernand n’était pas le seul seigneur à se méfier, Bellange avait également été piqué par Léon.

« Fernand a raison », avait convenu Bellange.

Albergue était resté silencieux jusqu’à présent. Intérieurement, il ne pouvait s’empêcher de sourire avec amertume. Il se doutait que ce que les autres craignaient allait effectivement se réaliser : que Léon serait prêt à sauver Louise. C’est précisément pour cela qu’il ne voulait pas les mettre plus en garde qu’ils ne l’étaient déjà.

« Je doute qu’il vienne ici », déclara Albergue.

Bellange lui lança un regard noir. « Baisser notre garde est exactement ce qui nous a mis dans la merde à chaque fois ! »

Hélas, les autres seigneurs présents n’avaient pas personnellement ressenti la colère de Léon, et ils restaient peu convaincus du danger.

« Vous parlez du biais de l’expérience. »

« D’accord. Il ne pouvait pas être aussi stupide cette fois. »

La tournure que prenait la conversation ne pouvait que profiter à Albergue, surtout si Léon intervenait pour l’aider. Sans contrôle, Albergue était certain qu’il serait capable de ramener Louise.

Parfait. Si nous pouvons juste continuer sur cette lancée — .

Malheureusement, Lambert, Fernand et Bellange n’avaient jamais cessé de se méfier de Léon et ne l’avaient jamais caché.

« Ce garçon est anormal ! On ne peut pas savoir ce qu’il va faire ! » protesta Lambert.

Les autres avaient semblé avoir momentanément de la peine pour Léon, vu que quelqu’un comme Lambert le qualifie d’anormal.

Cependant, Fernand partageait ces sentiments. « Il sera trop tard pour agir si nous restons les bras croisés. Nous devons nous préparer. »

Bellange lança un regard à l’Albergue. « D’accord. Et nous ne pouvons pas être sûrs que le père de Louise ne s’interposera pas non plus. J’aime à penser que notre président ne ferait jamais une chose aussi stupide, mais mieux vaut prévenir que guérir. »

Albergue voulait faire claquer sa langue, mais il garda ses pensées pour lui. Ça doit être difficile à comprendre pour un homme comme toi, vu la facilité avec laquelle tu as abandonné ton propre fils.

Il savait qu’aucun des nobles ici ne comprendrait sa relation avec Louise. En tant que noble, son affection pour elle faisait de lui un intrus. Heureusement, les autres dirigeants n’étaient pas convaincus que Léon interviendrait, si bien que les mesures militaires qu’ils avaient adoptées étaient au mieux bancales. Fernand et Bellange étaient aigris, même si c’était une petite victoire, et Albergue restait préoccupé par ce qui allait suivre.

Louise, quoiqu’il arrive, je jure sur ma vie…

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Partie 3

Louise était étalée sur son lit dans le château de Rault. Quelques jours s’étaient écoulés depuis la fête du Nouvel An, mais depuis, elle ne parvenait pas à se reposer, ce qui la laissait décharnée et hagarde.

Ses parents étaient assis à côté de son lit, et sa mère essayait d’essuyer ses propres larmes.

« Pourquoi… ? Pourquoi est-ce que ça arrive ? On a déjà perdu Léon. Pourquoi dois-je aussi perdre Louise ? Pourquoi ce sont toujours mes enfants !? »

Louise avait serré la main de sa mère qui sanglotait et avait souri. « Tout va bien, maman. Léon m’attend. »

Ce doit être exactement ce que Léon a vu avant de mourir.

Dans son esprit, Louise avait évoqué une image de lui dans son lit, incapable de se lever après que la maladie l’ait frappé. Cela lui faisait douloureusement serrer le cœur. Léon avait été un garçon si attentionné malgré tout ce qu’il avait subi. Il avait été si précieux pour Louise, mais elle n’avait pas pu le sauver. Elle avait porté ce poids sur ses épaules pendant si longtemps que c’était son plus grand regret. Son statut auprès des Six Grandes Maisons et l’énorme pouvoir qu’elle exerçait par la grâce de l’Arbre sacré — rien de tout cela n’avait d’importance. Rien de tout cela n’avait sauvé son frère. Elle avait été laissée sans défense.

Albergue avait serré ses mains, les serrant si fort que ses os semblaient craquer. « Il n’y a aucune trace de floraison de l’arbre sacré, et encore moins d’une demande de sacrifice humain. Louise, je ne le laisserai pas te prendre. »

« Père, tu sais que tu ne peux pas l’arrêter. J’ai entendu dire que les autres grands nobles ont déjà tenu une réunion. Ils ont envoyé leurs propres chevaliers dans notre château, et ils me surveillent de près, n’est-ce pas ? »

Louise avait raison, les autres maisons avaient envoyé des troupes pour la surveiller. Ils avaient prétendu que c’était pour protéger Louise, mais en réalité, ils la surveillaient.

Chagriné par sa propre impuissance, Albergue baissa son regard vers le sol. « Tout le monde était d’accord, à part moi. Donc, c’est vrai, à la majorité, ils ont décidé de procéder au sacrifice. »

« Chéri ! » Sa femme avait protesté, des larmes coulant sur son visage. « Tu veux vraiment les laisser nous la prendre !? »

Albergue se leva lentement, les sourcils froncés par la détermination.

« Père, tu ne dois pas. C’est moi qui dois faire le sacrifice. Léon attend, » dit Louise.

« Même en supposant que ce que tu dis est vrai et qu’il est vraiment seul à l’intérieur de l’Arbre sacré, je ne peux toujours pas le permettre. Je me moque de faire des autres maisons des ennemis, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour arrêter cela. » Albergue se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Mais avant qu’il ne puisse sortir, un majordome était arrivé en courant.

« Lord Albergue ! Léon, c’est-à-dire le comte Bartfort, est arrivé ! »

« Quoi ? »

Léon n’avait pas organisé de rendez-vous avec Albergue — non pas qu’il y ait eu besoin de le faire — mais il avait tout de même accepté de le voir.

« Très bien. Escortez-le jusqu’à mon bureau. »

 

☆☆☆

 

Un majordome m’avait conduit dans un bureau, et après avoir pris place sur le canapé à l’intérieur, Monsieur Albergue m’avait rapidement mis au courant de la situation. Il envisageait de lancer une guerre totale pour protéger sa fille, ce qui me rendait d’autant plus sceptique sur le fait que lui et sa famille aient pu être les méchants.

Eh bien, je suppose qu’objectivement parlant, les citoyens le considéreraient comme une menace s’il lançait une attaque, quelle que soit la justesse de ses raisons.

Si sacrifier une personne pouvait tout résoudre, les humains étaient plus que disposés à regarder de l’autre côté. Je détestais ça de notre espèce.

« La guerre, hein ? C’est assez troublant », avais-je dit.

« Vous comprendrez quand vous serez parent. Non… Je suppose qu’en tant que noble, mes actions devraient être condamnées. Je l’admettrais, ce que je fais est mal. » Cependant, cela ne l’empêchera pas d’aller jusqu’au bout.

« Partir en guerre contre un pays entier juste pour sauver votre fille, hein ? » J’avais souri. « J’aime bien comment ça sonne. »

« C’est inattendu. Pour un homme parfois appelé le “chevalier ordurier”, je pensais que vous me diriez de rester assis et de les laisser la sacrifier. »

Excusez-vous. C’est précisément parce que je suis une ordure que je suis prêt à sacrifier la majorité pour une seule personne.

« Je suis le genre de gars qui donne la priorité aux gens que je connais plutôt qu’à un groupe d’étrangers. Comprenez-vous ? Plutôt louche, non ? »

« Bwa ha ha ! » Albergue avait éclaté de rire. « Je suppose que vous avez raison. C’est donc ainsi que vous vous conduisez. Oui, c’est effectivement déplorable, mais j’aime votre façon de penser. Cela dit, je suis clairement inapte à diriger le pays tel que je suis. »

« Pourtant, vous voulez toujours partir en guerre ? »

Franchement, en supposant qu’ils l’aient sacrifiée, on ne savait pas quel bénéfice cela apporterait. Nous n’avions non plus aucune idée des conséquences s’ils ne le faisaient pas. La République d’Alzer était simplement terrifiée à l’idée qu’en mettant en colère l’Arbre sacré, ils pourraient perdre les bénédictions qu’il leur avait apportées. Leur décision d’offrir un sacrifice juste pour être sûrs n’était pas entièrement fausse, mais je n’aimais toujours pas ça.

« La dernière fois, je n’ai rien pu faire d’autre que de regarder mon fils dépérir, alors cette fois-ci, ce sera différent. Je ferai tout pour protéger ma fille, même si cela signifie aller à la guerre. »

« Cinq contre un ? Cela ne vous laissera pas beaucoup de chances de gagner », avais-je dit.

« En effet, non. Mais si je dois mettre ma fille et le pays sur une balance, ma fille est plus précieuse. C’est aussi simple que cela. » Les yeux de Monsieur Albergue brillaient de détermination. Ce serait un exercice futile que d’argumenter, les mots mielleux n’allaient pas le faire changer d’avis. Si je disais quelque chose comme « Et le peuple ? Ils vont souffrir ! » Il répondrait probablement par « Et alors ? »

J’avais haussé les épaules. « Et s’il y avait un moyen de se sortir de ce pétrin sans avoir à se battre ? »

Albergue s’interrompit, sentant immédiatement mon implication. « Voulez-vous emmener Louise ? En seriez-vous capable ? Si vous échouez, alors vous serez un homme recherché. »

« Ne vous inquiétez pas. Je suis en fait assez bon pour ce genre de choses. »

« Je n’en doute pas. »

Je pensais qu’il s’inquiéterait pour ma sécurité, mais étrangement, il semblait avoir une confiance totale en mes capacités. Je n’étais pas sûr de savoir comment me sentir à ce sujet. Pensait-il que j’étais une sorte de roublard avec un talent pour se cacher dans l’ombre ou quelque chose comme ça ?

« Alors ? Comment voulez-vous gérer cela ? » me demanda Monsieur Albergue.

« Avant de faire ça, il y a une chose pour laquelle j’aimerais que vous m’aidiez. Le voulez-vous bien ? »

Ses sourcils s’étaient levés. « Mon aide ? Si je peux vous rendre service, je suis tout à fait disposé à le faire. »

« Merci. En fait, je voudrais que vous me parliez de votre fils, Léon… Pouvez-vous le faire ? »

 

☆☆☆

 

Après que Léon ait quitté le bureau d’Albergue, un majordome était entré.

« Monseigneur, le comte Bartfort s’est dirigé vers la chambre de Lady Louise. »

« Très bien », déclara Albergue en regardant distraitement par la fenêtre.

« Je vois que vous avez toujours l’intention d’aller à la guerre, » déclara le majordome.

« C’est le cas. Ma conscience n’est pas claire, mais il est trop tard pour revenir en arrière. »

« Donc même le Comte Bartfort n’a pas pu vous faire changer d’avis. » Il semblerait que le majordome espérait que Léon convaincrait Albergue.

Albergue avait ri.

« Monseigneur ? »

« Nous allons commencer à nous préparer pour la guerre. Ce qui se passe ensuite dépend du comte. »

« Avez-vous prévu quelque chose ? » demanda le majordome.

« Je ne peux pas vous le dire maintenant. » Albergue avait fait une courte pause. « Mais je dois dire qu’il est vraiment détestable. »

La proposition de Léon avait permis à Albergue de comprendre enfin pourquoi les gens le considéraient comme une ordure. Il se sentait vraiment pathétique de devoir compter sur Léon.

« Détestable ? » Le majordome lui fit écho. « Le comte Bartfort ne me semble pas le moins du monde détestable, monseigneur. »

« Vous comprendrez bien assez tôt. »

Pourquoi ce sont toujours mes enfants qui doivent être sacrifiés ? L’Arbre sacré avait-il maudit la Maison Rault ? Est-ce ma punition pour m’être débarrassé des Lespinasse ?

Il ne pouvait pas s’empêcher de se demander.

 

☆☆☆

 

Quand Léon s’était montré dans la chambre de Louise, elle avait été choquée.

« Léon ? Comment es-tu entré ici ? »

« Je suis venu voir comment tu allais. Tu as l’air mal en point. » Il s’était approché de son lit et s’était installé sur une chaise à proximité. Il avait laissé quelques fruits sur la table — un cadeau.

Louise avait souri. « Même émaciée, je suis toujours belle, n’est-ce pas ? »

« Je préfère que mes superbes femmes soient en bonne santé », avait-il répondu en plaisantant. « Tu ne dors pas beaucoup ? »

Il pouvait clairement voir les dégâts que ces événements avaient causés sur elle. Louise avait baissé son regard, son expression était sombre. « Chaque nuit, je rêve. Je vois mon frère piégé dans l’Arbre sacré, et je suis impuissante à l’aider. » Elle se couvrit le visage de ses mains, se souvenant du jour de sa mort. « Même s’il a tellement souffert, je ne pouvais rien faire pour lui. Au moment où j’ai réalisé qu’il souffrait toujours à l’intérieur de cet arbre — depuis plus de dix ans ! Je… Je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Il doit se sentir si seul là-dedans, tout seul. »

Léon avait écouté en silence. Quand Louise s’était mise à sangloter, il lui avait doucement caressé le dos. « Ça doit être dur. Fais-tu ce rêve chaque fois que tu t’endors ? »

Louise avait acquiescé. « Il crie vers moi, me suppliant de venir à lui. Il faut que je fasse au moins cela. Ce serait trop pitoyable de le laisser tout seul. »

« Tu aimes vraiment ton frère, n’est-ce pas ? »

« Oui, c’est le cas. J’ai été tellement choquée la première fois que je t’ai vu. Vous vous ressemblez tellement, que je me suis même demandé si Léon ne t’aurait pas ressemblé, s’il n’avait pas… »

Louise n’avait connu son Léon qu’en tant que petit garçon, mais s’il avait vécu jusqu’à l’adolescence, elle était sûre qu’il aurait ressemblé au Léon qui l’avait précédé. Elle n’était pas la seule à le penser, ses parents étaient d’accord.

« C’est étrange. Après tout ce temps, tu te montres, et maintenant mon Léon me supplie de l’aider. »

C’était presque le destin.

Léon la laisse parler sans porter de jugement. « Penses-tu vraiment que nous nous ressemblons tant que ça ? Je veux dire, avec tout ce que tu as dit sur lui, j’ai l’impression que nous ne sommes pas du tout semblables. Enfant, j’étais plutôt obéissant et bien élevé, et j’étais aussi timide. Je gardais tout pour moi. »

Entendre cela m’avait rappelé de bons souvenirs.

« La façon dont tu parles — même la façon dont tu mens — c’est tout à fait comme lui. Mais tu sais, je pense qu’il était plus du genre à vouloir se démarquer. Oh, mais je suppose que dans ce sens, vous êtes peut-être semblables ? Après tout, tu es devenu assez célèbre depuis ton arrivée à Alzer, et tu n’es même pas là depuis une année entière. »

« C’est seulement parce que les gens ne veulent pas me laisser tranquille. »

Même ça, ça rappelait à Louise son petit frère. Elle était convaincue.

Tu as reçu l’Emblème du Gardien et sauvé Noëlle de Loïc. Je sais juste que si mon petit frère était encore là, il aurait fait exactement la même chose.

Louise avait tendu la main pour caresser le visage de Léon. Il était resté assis sans broncher.

« Pourrais-tu m’en dire plus sur ton Léon ? » avait-il demandé.

« Bien sûr. J’ai peur de dormir, alors je serai heureuse de tout te raconter. Tous nos souvenirs heureux ensemble. Voyons voir… »

+++

Partie 4

Louise était étalée sur le lit, sa poitrine se soulevant et s’abaissant lentement. Alors que je m’asseyais à côté, Luxon était sorti de l’ombre et s’était mis à rôder près de moi.

« Maître, j’ai utilisé le sédatif. Elle devrait pouvoir dormir sans faire de rêves. »

« Tu es vraiment adroit, tu sais ça ? » J’avais fait une pause. « Alors, comment ça se présente ? Qu’est-ce que notre ami IA a en réserve pour nous ? »

Pendant que j’avais écouté Mlle Louise raconter ses différents souvenirs avec son Léon, Luxon s’était occupé de fouiller l’intérieur du château.

« Les défenses d’Ideal rendront difficile l’extraction de Louise sans rencontrer un certain nombre de problèmes. »

« Oh ? Es-tu en train de me dire qu’Ideal est plus capable que toi ? »

« Il est supérieur dans son domaine d’expertise respectif, mais dans l’ensemble, j’ai des raisons de croire que je suis plus fort, » dit Luxon. « Il serait erroné de déterminer la suprématie en se basant sur un seul aspect. »

On dirait que ma question l’avait énervé. Non pas que les robots ressentent de telles choses, mais quand même.

Quoi qu’il en soit, nous sommes dans une véritable impasse ici.

Même si Luxon était dans l’ensemble plus fort, Ideal pouvait le surpasser dans ses spécialités, et nous n’avions aucune idée du classement de ses capacités de combat. Il était encore parfaitement possible que Luxon perde.

« Mais pourquoi diable Ideal se donnerait-il la peine de mettre en place ces défenses en premier lieu ? »

La question ne s’adressait à personne en particulier, mais Luxon se risqua tout de même à une supposition. « Peut-être que Lelia lui a ordonné de le faire ? Il y a aussi la possibilité qu’il ait un lien avec ce qui est arrivé à Louise. »

« Nous devrons nous pencher sur la question. Très bien alors, je pense qu’on ferait mieux d’y aller. Il fait déjà nuit noire dehors. »

Dans le court laps de temps que j’avais passé à discuter avec Louise, le soleil s’était couché. D’un autre côté, j’avais appris un certain nombre de choses pendant mon séjour ici.

« Maître, » dit Luxon, « Es-tu certain de cela ? Louise t’en voudra. »

Je n’en doutais pas. « Vas-y. Tant qu’elle survit, je m’en fiche. »

« Maître, tu manques vraiment de tact. »

La dernière personne dont je voulais entendre parler de ça était une IA sans tact.

 

☆☆☆

 

Peu de temps après que Léon ait quitté le château, Serge était dans sa chambre, allongé sur son lit.

« Tch. Et maintenant ? »

À ce stade, il était pratiquement acquis que Louise serait sacrifiée à l’arbre. Serge n’avait personnellement aucun intérêt pour ces bêtises, mais le sort de Louise pesait sur son esprit. Il fixa son plafond, repensant au jour où il l’avait vue pour la première fois. Il s’en souvenait très bien.

« Je me demande si elle me verrait enfin comme de la famille si je la sauvais. »

Au moment où il s’était surpris à se poser cette question, il s’était levé et s’était passé les mains dans les cheveux.

« Pourquoi suis-je toujours accroché à ça ? Je sais déjà qu’elle ne veut qu’un remplaçant pour Léon. C’est tout ce dont elle parle toujours — Léon, Léon, Léon. »

Quand ils étaient plus jeunes, elle avait toujours l’air si heureuse quand elle parlait de son frère mort. Elle était si déchirée à propos de lui que tout le château était sombre et lugubre. Serge avait l’impression d’avoir été traîné jusqu’ici simplement pour remplacer le garçon mort. Et dans un sens, c’était vrai. Les Rault voulaient un héritier, c’est pourquoi ils l’avaient adopté dans leur famille élargie — pour être une doublure.

« C’est bien trop tard… Nous ne pourrons jamais être une famille. Pas après toutes ces années. »

Une partie de Serge aspirait toujours à être acceptée, et il ne pouvait pas complètement supprimer ce désir.

Alors qu’il était perdu dans ses pensées, Ideal était soudainement entré dans sa chambre. « Bonsoir. »

Serge s’était redressé d’un coup sec. « Toi ? Qu’est-ce que tu veux ? »

« Oh, j’ai simplement une information amusante, alors je suis venu te la transmettre. »

« Amusante ? Désolé, mais je ne suis pas vraiment d’humeur pour ce genre de conneries en ce moment. » Serge s’est installé sur le lit.

Ideal avait dérivé vers lui. « Vraiment ? Es-tu si déchiré par le fait que ton premier amour ait été choisi comme sacrifice ? »

En un instant, la main de Serge s’était élancée pour attraper le petit robot. Le métal d’Ideal avait craqué sous la pression de sa main. Les yeux de Serge étaient injectés de sang et meurtriers, des veines apparaissaient sur son front. À tout moment, il semblait prêt à mettre Ideal en pièces.

« Qu’est-ce que tu viens de dire ? » demanda-t-il.

« Il est inutile de détruire mon terminal distant. Même si tu le fais, je peux immédiatement en activer un autre. Maintenant, regarde ça, s’il te plaît. » De la lumière jaillit de l’œil d’Ideal, projetant une image sur le mur. Serge pouvait y voir Léon et Albergue en train de discuter. Ils avaient l’air de s’amuser.

« Qu’est-ce... Qu’est-ce que c’est ? »

« Un flux vidéo d’il y a quelques heures, » déclara Ideal.

« Quoi ? Je n’ai rien entendu à ce sujet ! »

« Parce que les gens de ce château n’ont pas jugé bon de t’informer, et parce que cet homme ressemble tant au fils décédé du seigneur Albergue. Ils savent en outre que tu t’es battu avec lui tout à l’heure. »

À l’insu de Serge, Léon s’était rendu au château et avait parlé à Albergue. Sa simple vue a fait bouillir de colère l’estomac de Serge.

Je n’ai jamais vu Père sourire comme ça avant. Pas à moi.

Les seules expressions qu’il avait jamais vues sur son père étaient la colère ou l’exaspération. Il y avait toujours quelque chose de distant et de froid dans son visage. Mais qu’en est-il de la façon dont il regardait Léon ? Albergue avait complètement baissé sa garde.

Serge avait serré les dents alors que l’image sur l’écran changeait.

« Ce flux provient de la chambre de Mlle Louise. Ils ont l’air de s’amuser. »

Le sourire sur son visage était exactement comme celui que Serge avait vu ce jour-là, lorsqu’ils étaient enfants — celui qui avait volé son cœur. Mais il ne l’avait plus jamais vu, du moins pas dirigé vers lui.

La lumière disparut des yeux de Serge, qui fixait l’écran d’un air absent, privé de toute vie. « Tu l’aimes bien parce qu’il ressemble à ton frère mort, hein ? »

« Ici, tu peux écouter leur conversation », dit Ideal, en lançant une relecture de leur échange verbal.

« En te parlant, j’ai presque l’impression de parler à nouveau à mon petit frère. Je me suis tellement amusée, Léon. »

« Je me suis également amusé. »

« Si seulement… tu avais été… mon frère à la place… »

La voix de Louise s’était soudainement coupée.

« Oh là là. Il semble qu’il y ait de l’électricité statique, » dit Ideal. « Je vais devoir réparer ça. »

Serge relâcha soudainement son emprise sur Ideal et rejeta sa tête en arrière, en riant tel un maniaque. « Ah ha ha ! »

« Seigneur Serge ? »

« Désolé pour ça. Bon travail de me montrer ça. Ouais, c’est une info plutôt amusante. Je le savais. Tout le monde ici ne me voit que comme un remplaçant. Merde ! » Serge avait sauté de son lit et avait frappé du pied le meuble le plus proche. Il était devenu fou furieux, brisant tout jusqu’à ce que sa chambre soit en désordre.

Sous le regard d’Ideal, il déclara : « En fait, ce n’était pas encore la partie la plus amusante. Tu vois, Léon a un objet perdu similaire au mien. Tu vois ? Juste ici. Regarde. »

« Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Cet objet est la raison pour laquelle Léon a fait tant de ravages ici dans la république. Cet autre robot est un de mes camarades, tu vois, et j’aimerais être en bons termes avec lui. Mais Léon l’utilise pour semer la pagaille ici. C’est impressionnant, je dois le reconnaître. »

Serge ne savait pas grand-chose de Léon, si ce n’est qu’il s’agissait d’un étudiant en échange qui ne cessait de s’attirer des ennuis. Il est vrai qu’il était en partie dans l’ignorance parce que tout le monde au château avait évité de partager avec lui des informations relatives à Léon.

« Alors, quoi ? Il cherche à se battre avec Alzer ? »

« Ne le savais-tu vraiment pas ? Depuis son arrivée, il a détruit deux nobles importants : Pierre de la maison Feivel et Loïc de la maison Barielle. Et il a fait tout cela en utilisant cet objet perdu. Il ne connaît certainement pas le sens de la modération. »

Ce n’est que maintenant que Serge avait réalisé à quel point il avait été ignorant. « Pourquoi personne ne m’a-t-il parlé de ça ? »

« Eh bien, je n’aurais jamais imaginé que tu étais si mal informé, » dit Ideal. « Je suppose que Lady Lelia n’a rien dit pour les mêmes raisons. C’est de notoriété publique dans tout le pays à ce stade. Tout le monde parle du chevalier ordurier de Hohlfahrt. »

« Salaud ? Donc tu dis que Père… Je veux dire, Albergue avait une gentille petite conversation avec ce type ? Il est pratiquement l’ennemi public numéro un. »

« Oui. Je suppose que la ressemblance de ce Léon avec son fils mort est la raison pour laquelle il ne peut pas se résoudre à haïr le garçon, peu importe la dévastation qu’il apporte à Alzer. »

Toute cette situation rendait Serge absolument livide. « C’est quoi ce bordel… ? »

Donc, même s’il est notre ennemi, Albergue est prêt à donner à ce Léon un accueil plus chaleureux qu’à moi — son propre fils — juste parce qu’il ressemble à son enfant mort ?

Serge avait serré les poings avec détermination. « Hé, Ideal. Donne-moi un coup de main. »

« Certainement. »

Serge fixa du regard l’image projetée de Léon. « Si ce type essaie de jouer les gros bras avec son objet perdu, ne crois-tu pas qu’il a besoin d’une bonne correction ? »

Serge avait battu Léon pendant le festival du Nouvel An avec facilité. Il était convaincu que s’ils s’affrontaient sans armure ni arme, il ferait plus que jeu égal avec lui.

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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