Chapitre 11 : Léon
Partie 1
L’armure démoniaque avait encastré sa structure dans la glace, la renforçant.
« Eh bien, c’est la merde absolue. C’est quoi ce truc ? Il a une liste infinie de capacités de triche ou quoi ? » avais-je demandé.
La neige s’accumulait autour de moi, et le gel remplissait l’air. Le simple fait de le regarder me donnait froid. Je pouvais presque sentir la température du cockpit chuter.
« Il draine l’énergie de Louise, » rapporta Luxon. « Si on continue à se battre comme ça, Louise ne tiendra pas longtemps. »
« Quoi ? Donc il prévoit de l’utiliser comme une batterie et de s’en débarrasser une fois qu’elle n’aura plus de jus ? Quel con ! »
« Maître, ton pouls s’emballe. Je vois que tu es très en colère. »
Malgré mes tentatives d’humour, Luxon avait vu clair dans mon jeu. Il avait raison, j’étais livide, et rien ne semblait pouvoir me calmer.
« Comment vont les filles ? » avais-je demandé.
« Épuisées. Elles sont sur le pont de l’Einhorn et ont repris connaissance. Leurs tentatives de négociation dans le plan psychique semblent avoir échoué. »
« Nous allons sauver Louise, quel qu’en soit le coût. »
Luxon bougea son œil d’un côté à l’autre comme s’il secouait la tête. « Hélas, nous n’avons pas pu résoudre cette situation aussi facilement que je l’aurais souhaité. Tu es toujours bien trop laxiste lorsqu’il s’agit de la fin de la partie, Maître. »
Arroganz était très endommagé : l’une de ses jambes ne bougeait plus, ses deux bras avaient disparu, et nous avions utilisé et jeté toutes les armes de son conteneur. Néanmoins, nous ne nous étions pas encore résolus à un triste sort.
« Il est temps d’être sérieux », avais-je dit.
« J’aimerais bien que tu sois sérieux dès le début la prochaine fois, » plaisanta Luxon. « Schwert est en route. »
L’armure démoniaque s’était jeté sur moi, mais j’avais prédit ses mouvements et je l’avais évité avec un minimum d’effort.
« Aha ! Ses attaques ne sont pas aussi précises qu’avant ! »
Bien que sa vitesse et sa puissance aient augmenté, sa précision avait sensiblement baissé.
« Louise n’a plus le contrôle, alors c’est le noyau qui tire les ficelles. Aussi endommagé qu’il soit, c’est le mieux qu’il puisse faire. La prochaine attaque arrive. S’il te plaît, évite-la et permets à Schwert d’accoster, » dit Luxon.
« Compris. »
L’armure démoniaque s’était élancée, mais je l’avais esquivée au dernier moment, le laissant plonger droit dans l’Arbre Sacré.
Un avion de chasse aux énormes ailes noires avait coupé la verrière, transportant des pièces de rechange pour remplacer les membres brisés d’Arroganz. J’avais purgé les membres endommagés et jeté le conteneur sur le dos de mon Armure. Alors qu’il tombait, Schwert avait plongé pour s’arrimer à sa place.
« C’est le rêve de tous les garçons de piloter un robot qui peut se combiner avec d’autres pour former un super robot », avais-je dit.
« Oui, eh bien, pardonne-moi de ne pas être capable de devenir un robot géant. »
« Idiot. Ce n’était pas une blague. »
Une fois que les membres perdus d’Arroganz avaient été remplacés, nous avions esquivé les branches de l’Arbre Sacré et nous nous étions envolés. L’armure démoniaque avait volé après nous, laissant une traînée de givre dans son sillage.
« Maître, à propos des bras d’Arroganz, j’ai fait quelques modifications en fonction de l’adversaire que tu affrontes actuellement. »
« C’est la même chose selon moi. »
« Tu as certainement une obsession pour l’apparence. Ça vient, d’ailleurs. »
Alors que l’armure démoniaque chargeait pour une nouvelle attaque, j’avais levé mes bras pour bloquer ses lames de glace. Elles avaient transpercé mon armure auparavant, mais pas cette fois. Au lieu de cela, les lames avaient fondu.
Choquée, l’armure démoniaque avait essayé de s’enfuir, mais je l’avais attrapée avant qu’elle ne puisse le faire.
« Ah, ne fuis pas. Pas après que tu te sois donné la peine de me pourchasser. »
La chaleur des bras d’Arroganz avait vaporisé la glace recouvrant l’armure démoniaque.
« Gaaaah ! » Le cri de l’ennemi résonnait avec le grincement du métal.
J’avais ignoré ses protestations et lui avais arraché les bras. Dans le cockpit, l’œil de Luxon brillait d’une lueur sinistre tandis qu’il regardait avec jubilation. « Tu as causé pas mal de dégâts, » dit-il. « Après avoir rassemblé des données, j’ai créé le parfait contre-pied pour ses capacités. »
En un rien de temps, il avait réussi à mettre au point un plan, à préparer Schwert au combat et à déterminer les meilleures manœuvres à utiliser contre l’armure démoniaque. Nous allions à tous les coups gagner.
« Il est temps pour toi de rendre Louise. »
J’avais arraché l’armure couvrant sa poitrine, révélant Mlle Louise à l’intérieur. Je l’avais délicatement sortie. Avec elle en ma possession, la victoire était sûre.
« Maître, puis-je continuer ? »
« Tu es sans espoir. »
J’avais repoussé l’armure démoniaque d’un coup de pied, et en représailles, elle m’avait poignardé avec sa queue. Je l’avais attrapée d’une main et m’étais envolé vers la cime de l’arbre, en l’entraînant avec moi.
« Tu as vraiment mis le bazar », avais-je grommelé. « Maintenant, je vais te réduire en cendres ! »
« Arme de la nouvelle humanité, il est temps pour toi de périr, » dit Luxon. « Impact ! »
Une lumière rouge avait jailli de la main qui tenait sa queue, la brûlant de part en part. L’armure se débattit alors que je l’amenais au sommet de l’arbre et la lançais dans les airs. Des lasers étaient sortis du dos d’Arroganz, où Schwert était amarré, et ils avaient transpercé l’armure démoniaque. Elle avait commencé à tomber, s’écrasant sur l’Arbre Sacré.
« C’est la fin ! » déclara Luxon, en tendant l’un des bras d’Arroganz vers l’arrière pour arracher une épée à Schwert et lui porter le coup de grâce. Son empressement m’exaspérait.
Avant qu’il ne puisse l’achever, des missiles s’étaient abattus sur l’armure démoniaque depuis un autre endroit.
« D’où est-ce que ça vient ? D’en haut ? » J’avais levé les yeux pour voir un vaisseau en forme de boîte encore plus grand que le corps principal du Luxon.
« Ideal ? » ricana Luxon. « Pourquoi te mets-tu sur mon chemin ? »
« Je suis venu pour aider. Je vais me débarrasser de l’armure démoniaque moi-même. Etes-vous sûr que vous ne devriez pas vous occuper des besoins médicaux de la fille dans votre main ? »
Mlle Louise, bercée doucement dans une des mains d’Arroganz, était entièrement nue. On ne pouvait pas la laisser comme ça, surtout avec une température aussi froide.
« Luxon, on y retourne. »
« … Très bien. » Aussi réticent qu’il soit à obéir, il avait suivi mes ordres.
Si tu es vraiment une IA, tu devrais être plus direct. Comme Ideal.
Mécontent de la situation, Luxon déclara : « Ideal, j’attends que tu t’expliques plus tard. »
« Oh ? Y a-t-il un problème ? »
« Trop nombreux pour être comptés, et tous anormaux. »
« Il semble qu’il y ait un malentendu », avait-il dit. « Très bien. Parlons-en une autre fois. »
☆☆☆
Louise rêvait. C’était une journée ensoleillée, et elle était allongée à l’ombre. Son petit frère était à côté d’elle et regardait son visage. Elle pouvait distinguer ses traits cette fois-ci. Les larmes lui montaient aux yeux.
« Léon, c’est toi. »
« Qu’est-ce qui ne va pas, grande soeur ? As-tu fait un cauchemar ? »
« Non, c’est juste que… Je voulais m’excuser auprès de toi depuis si longtemps. »
« De quoi parles-tu ? »
Elle s’était redressée et avait placé ses bras autour de lui. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle réalisa qu’elle était dans le corps de sa jeune personne. Qu’elle le veuille ou non, elle savait que ce n’était qu’un rêve, et cela l’avait anéantie.
« J’avais besoin de m’excuser. Je n’ai rien pu faire pour toi. Je suis ta grande sœur, mais j’étais totalement impuissante à t’aider quand tu en avais besoin ! » Louise sanglota en le tenant dans ses bras.
« Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça, » ria son frère. « C’est moi qui devrais m’excuser. J’ai failli ne pas arriver à temps pour te sauver. Au fait, cela fait un ticket de sauvetage en moins. » Il lui avait fait un sourire, et elle était certaine cette fois-ci qu’il était le vrai.
« C’est exact », avait-elle dit. « Cela signifie que tu me dois deux autres… Attends. »
« Quoi ? »
« Tu m’as sauvée ? » Louise ne pouvait s’empêcher d’afficher son scepticisme, mais il s’était contenté de sourire. Cela la harcelait. Comment son jeune frère décédé pouvait-il prétendre l’avoir sauvée ? C’était étrange, d’autant plus que cette fois, elle était sûre qu’il était bien réel.
« Je suis venu comme je l’avais dit, n’est-ce pas ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu es vraiment venu ? »
C’était un rêve, alors peut-être était-ce une erreur d’espérer une cohérence logique. Néanmoins, Louise s’était accrochée à ses mots, cherchant désespérément la vérité.
« Léon, soit honnête avec moi. »
« Ah, désolé. Le temps est écoulé », annonça Léon en se relevant et en s’éloignant d’elle.
Louise s’était levée pour se lancer à sa poursuite, mais le temps qu’elle se lève, Léon était déjà au loin, lui faisant un signe de la main.
« À plus tard, grande sœur ! » Il lui avait tourné le dos après ça et était parti.
Louise avait tendu une main vers lui, mais elle n’était pas allée plus loin avant que la conscience ne l’arrache au rêve.