Chapitre 3 : La nourriture de l’âme
Table des matières
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Chapitre 3 : La nourriture de l’âme
Partie 1
La Licorne était amarrée dans un port de la capitale.
« Anjie est-elle à bord avec les autres filles ? » demandai-je.
« Oui, elle ne veut pas être la seule à rester dans la capitale », répondit joyeusement Creare. C’est elle qui avait amené la Licorne ici. « Tu es vraiment aimé, Maître. »
Je soupirai : « Pour être honnête, je préférerais qu’elles restent toutes ici et pas uniquement Anjie. » Je ne voulais pas que les trois filles aillent sur le champ de bataille, mais les circonstances ne leur permettaient pas de rester à l’écart.
« Tu ne vas peut-être pas aimer ça, mais nous avons besoin des pouvoirs de Liv », dit Creare, désireuse d’énumérer les raisons pour lesquelles la participation des filles serait une aubaine. « Il en va de même pour Nelly. Nous avons l’Arbre sacré à bord et nous avons besoin d’elle pour le contrôler. »
« Sérieusement ? — Vous avez l’Arbre sacré à bord de la Licorne ? » demandai-je.
« Oui, il nous aidera énormément à résoudre nos problèmes d’énergie », poursuivit Creare, ajoutant que nos chances de victoire avaient augmenté grâce à l’arbre et aux filles. J’ai eu l’impression qu’il nous faisait comprendre indirectement que nos chances s’effondreraient sans Livia et Noëlle. Nous avions besoin d’elles.
« Est-ce qu’on peut au moins faire débarquer Anjie ? » demandai-je avec espoir.
« Elle ne fait peut-être pas partie intégrante de la bataille, mais elle ne souhaite pas débarquer. Si tu tiens tant à ce qu’elle ne vienne pas, il va falloir la convaincre », dit Creare.
J’avais abandonné et j’avais commencé à monter la rampe d’accès au vaisseau.
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En arrivant sur le pont de la Licorne, je l’avais trouvé transformé. Il avait été rénové pour faire de la place à l’Arbre sacré qui trônait à l’arrière, dans un grand parterre de fleurs rondes. Je ne savais pas exactement comment l’Arbre sacré était relié à la Licorne, mais il alimentait apparemment le navire en énergie.
« Notre jeune arbre sacré est maintenant la source d’énergie de la Licorne, hein ? » dis-je.
« Oui, » répondit Creare, « C’est une splendide batterie. »
C’était un peu triste de voir ce qui était un objet de culte dans la République d’Alzer, que notre ancien ennemi, Ideal, avait prétendu être l’espoir de l’humanité, réduit à une « batterie ».
Dès qu’Anjie réalisa que nous étions arrivés, elle se retourna. Ses yeux étaient humides, comme si elle allait éclater en sanglots, mais elle chassa les larmes en clignant des yeux et sourit :
« Enfin de retour, hein ? Beaucoup de gens ont fait des histoires parce que nous étions sur le point de partir et que tu n’étais nulle part. C’était la pagaille. »
Elle et les autres filles portaient de nouvelles tenues : des combinaisons de pilote conçues pour faciliter les mouvements. Le tissu épousait leurs corps, mettant en valeur chaque courbe et chaque contour. Le design était si suggestif que j’étais attiré partout où je regardais. La combinaison d’Anjie était noire et rouge, avec des bordures dorées; une cape rouge, dont le haut était doublé de fourrure blanche, était fixée à ses épaules.
Anjie ne semblait pas du tout gênée d’être vue dans sa nouvelle tenue, mais Livia avait réagi différemment.
« Euh ! — Monsieur Léon, tu ne peux pas être ici ! » Elle attrapa les bords de sa cape bleue, s’enfonçant dans le sol alors qu’elle l’enroulait autour d’elle. D’après ce que j’avais entrevu, sa combinaison était bleu et blanc.
Noëlle se moqua de Livia qui rougissait jusqu’aux oreilles. La combinaison de Noëlle était vert et blanc, avec une cape d’un bleu profond. Elle leva les yeux vers moi, puis tourna sur elle-même pour me montrer sa tenue. La cape se gonflait, ce qui permettait de tout voir.
« Creare a fait des pieds et des mains pour nous les confectionner, alors nous les portons tous », dit-elle.
Mes yeux s’étaient alors portés sur Creare.
« Qu’en penses-tu, maître ? » demanda-t-elle fièrement. « Du beau travail, n’est-ce pas ? Je les ai conçus pour qu’ils soient plus fonctionnels que n’importe quel vêtement ordinaire, alors ne pas les porter serait idiot. »
Elle avait peut-être raison sur ce point, mais les combinaisons, bien qu’elles couvrent entièrement le corps, étaient si serrées qu’elles en épousaient toutes les courbes. Il n’est pas étonnant que Livia soit gênée. Ce serait un régal pour quiconque d’entrevoir les filles, mais étant donné la situation, j’aurais souhaité que les vêtements ne soient pas aussi provocants.
« À qui comptes-tu les montrer ? » demandai-je.
« Toi, bien sûr », répondit Creare. « Je les ai conçus pour ton bien. Tu ne pourras pas les apprécier pendant la bataille, alors profite de ce moment pour ce qu’il vaut ! »
J’avais soupiré devant son « cadeau », mais si l’on en croit ses paroles, je ne pouvais pas vraiment me plaindre.
Luxon commença à scanner les filles. « Bien que je doive admettre que la conception des tenues présente quelques problèmes, je peux confirmer que Creare a raison en ce qui concerne leur qualité et leur fonctionnalité », rapporta-t-il. « Un équipement adéquat améliorera les chances de survie de celui qui le porte, c’est pourquoi je suggère fortement qu’elles restent dans ces combinaisons. »
J’avais appuyé une main sur le front, jetant un coup d’œil entre mes doigts pour mieux voir les filles. Si l’on fait abstraction du caractère suggestif des combinaisons, Luxon avait raison : il était inutile d’obliger les filles à les enlever. Nous n’avions pas non plus le temps de laisser à Creare le soin de réviser les modèles. Je devais les accepter tels quels.
« Je veux juste que personne d’autre ne les voie comme ça », avais-je dit.
Noëlle avait été la première à répondre, en s’enhardissant : « Est-ce que tu es possessif avec nous ? »
« Je suppose que oui », avais-je admis en haussant les épaules. « Mais pour être honnête, ce que je souhaite le plus, c’est que vous débarquiez toutes les trois et que vous restiez ici, dans la capitale. »
Oubliant sa gêne, Livia se leva d’un bond. Son expression s’était durcie et elle me regarda fixement : « Je n’ai pas l’intention de quitter ce navire. Je viens avec toi pour me battre à tes côtés, monsieur Léon. »
« Livia, » dis-je aussi doucement que possible, « il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin. C’est la seule bataille où je serais surchargé, et je ne pourrai donc pas te protéger. C’est pourquoi je — »
— « Est-ce pour ça que tu veux que je reste ? » La voix de Livia s’était transformée en grognement.
— « Combien de temps vas-tu continuer à te moquer de moi comme ça, jusqu’à ce que tu aies eu ta dose ? »
J’avais tressailli. Wow, elle est vraiment en colère. Nous nous connaissions depuis suffisamment longtemps pour que je comprenne cela en un instant.
Puis, elle afficha un sourire :
« Je veux t’aider. Tu n’as pas besoin de me protéger. »
« Mais je — »
« Après être venus si loin, nous n’avons pas d’autre choix que d’attaquer l’ennemi avec tout ce que nous avons. Tu le sais bien », intervint Noëlle, les mains sur les hanches. « Je ne descendrai pas du navire non plus, Léon. D’ailleurs, tu as besoin de mon pouvoir, puisque je suis la prêtresse de l’Arbre sacré », dit-elle en tendant la main pour montrer l’endroit où l’écusson assombrissait la peau de son dos, puis en me faisant un clin d’œil. Elle tentait sans doute de me rassurer en me disant qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.
Mon regard se porta sur Anjie. Elle était la seule à ne pas avoir d’excuse valable pour se trouver à bord de la Licorne. Elle le savait aussi, mais ne semblait pas avoir l’intention de partir.
Anjie regarda par la fenêtre.
« J’envoie tous ces navires de guerre à une mort certaine. Je ne vais pas rester là, où c’est le plus sûr, à attendre. »
« Je ne pourrai peut-être rien faire pour aider, mais je peux au moins être là pour regarder comment se déroule la bataille. »
« Ce n’est pas nécessaire », insistai-je. « Personne ne se plaindrait si tu débarquais et restais derrière. Tu as déjà tant fait pour mettre tout cela en place. Sans toi, nous n’aurions pas autant de troupes. Tu en as fait assez. »
Mes paroles ne l’ébranlèrent pas du tout.
« Si nous perdons cette bataille, nous perdons tout », me rappela-t-elle.
« Je veux être là avec tout le monde. »
« Anjie… » J’avais essayé à nouveau, en la suppliant.
« Je sais que je suis égoïste, mais malgré tout, je… Je veux être là avec toi, Léon. » Tous les trois m’ont fixé avec de la détermination dans les yeux.
Toutes les trois m’avaient regardé avec détermination. Je m’étais résigné. Me disputer avec elles davantage aurait été vain.
« Assurez-vous d’écouter tout ce que Creare vous dira. Si vous devez battre en retraite, laissez-moi derrière vous et partez. Vous me le promettez ? Sinon, je ne vous laisserai pas venir, quoi que vous disiez. »
Les trois filles avaient échangé un regard, puis avaient hoché la tête.
« D’accord, » acquiesça Anjie, « nous suivrons tes ordres. »
« Mais peux-tu nous promettre quelque chose en échange, monsieur Léon ? » demanda Livia.
« Quoi ? » demandai-je.
« Promets-nous, ici et maintenant, que tu feras tout ce qu’il faut pour survivre et revenir nous voir. » Il y avait une profonde tristesse dans ses yeux lorsqu’elle me regardait.
J’avais répondu, en essayant d’avoir l’air aussi naturel et posé que possible : « Je ne peux pas dire avec certitude que je peux tenir une telle promesse, mais je jure de faire au moins de mon mieux. »
Ce n’étaient que des paroles en l’air. Mes chances de survie étaient minces.
Livia avait dû deviner ce que je pensais, car ses yeux s’étaient rétrécis. Toute émotion avait disparu de son visage.
« C’était un mensonge, tout à l’heure, monsieur Léon. »
« Hein ? » Ma mâchoire s’était décrochée. La panique m’avait envahi et des perles de sueur froide avaient coulé dans mon dos. Comment avait-elle pu me démasquer ?
« Tu es comme ça quand tu mens », expliqua-t-elle en me fixant durement.
Je n’en avais jamais pris conscience, et je ne pouvais pas croire qu’elle avait découvert mon indice, c’était encore plus terrifiant.
« Tu dois plaisanter », avais-je dit, toujours incrédule.
Son expression s’était adoucie.
« Oui, c’est vrai, » répondit-elle. « Tu n’as rien à dire. Mais tu as été surpris que je voie clair dans ton mensonge, n’est-ce pas ? »
Je m’étais raidi. Elle avait raison. J’étais tellement surpris que je n’ai même pas trouvé les mots pour répondre.
« Tu es devenue plus dure, Livia, » dit Anjie.
Noëlle fronça les sourcils. « Je ne suis pas sûre que “plus dur” soit le bon mot. Peut-être que “plus effrayante” serait plus juste. »
Même Luxon et Creare avaient chuchoté entre eux.
« Cela ne me surprend pas le moins du monde qu’elle ait vu clair dans sa fausseté », dit Luxon.
« Il a l’habitude de mentir souvent, n’est-ce pas ? » acquiesça Creare. « Ça facilite les choses. »
Livia avait ignoré les réactions de tous et s’était approchée, tendant les mains pour prendre mes joues. Elle appuya fort, ce qui fit plisser mes lèvres.
« W-Wibia ! » j’avais bafouillé.
« Tant de gens seraient dévastés si tu mourais », me déclara-t-elle. « Mais c’est moi qui aurais le cœur le plus brisé, parce que c’est toi que j’aime le plus. Plus qu’Anjie et Mlle Noëlle. Je peux te le promettre. » Elle relâcha mes joues, mais appuya son front sur ma poitrine. « Alors, s’il te plaît, fais tout ce qu’il faut pour rentrer à la maison avec nous. Je ne veux pas vivre dans un monde sans toi. Ce serait trop douloureux. »
Je savais qu’elle pleurait déjà, alors je l’avais prise dans mes bras. Au même moment, la porte du pont s’était ouverte sur une voix familière.
« Wôw. — Je n’arrive pas à croire que vous avez vraiment déplacé l’Arbre sacré sur le bateau, » s’exclama Carla.
Kyle s’arrêta derrière elle, portant leurs bagages. « Hum, bonjour », a-t-il dit maladroitement, réalisant le mauvais moment qu’il avait choisi lorsqu’il aperçut Livia dans mes bras. Il détourna les yeux, ne sachant pas où regarder.
Marie arriva derrière eux, équipée des reliques de la Sainte.
« Ne restez pas au milieu de la porte », aboya-t-elle à ses deux disciples.
« Allez-y, entrez. Je ne peux pas entrer tant que vous n’avez pas — ! »
Ses yeux s’étaient finalement posés sur Livia et moi.
« Oh, euh, ah ah ah… On dirait qu’on a interrompu quelque chose. » Elle tendit le bras vers l’avant et attrapa l’arrière des chemises de Carla et de Kyle, puis les entraîna dans le couloir en claquant la porte derrière eux.
À ce moment-là, l’ambiance était déjà gâchée.
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Partie 2
Anjie soupira : « Ce n’est pas vraiment le moment d’avoir une conversation sérieuse après ça. »
Noëlle fit la moue, les lèvres froncées : « J’aimerais contester la partie où Olivia dit qu’elle aime le plus Léon. » Elle n’allait pas laisser passer les remarques de Livia à ce sujet.
Anjie sourit : « Je dois être d’accord avec toi sur ce point. Je tiens beaucoup à Livia, mais je ne vais pas laisser passer ça sans réagir. »
Livia décolla son visage de ma poitrine, les yeux rouges et légèrement gonflés. Elle fixa les autres filles, les bras serrés autour de moi :
« Je suis la première à avoir rencontré Monsieur Léon, alors naturellement, c’est moi qui l’aime le plus profondément ! »
Il était difficile de croire qu’elle discutait avec elles, elle qui avait été si renfermée et timide lors de notre première rencontre.
Anjie et Noëlle se précipitèrent vers nous et m’entourèrent de leurs bras.
« Devrions-nous demander à Léon de décider qui serait le plus triste ? » suggéra Anjie avec un sourire malicieux et enfantin.
J’avais grimacé. « Non, je ne préfère pas, » ai-je dit. « Je ne pense pas qu’il soit possible de mesurer l’amour que vous avez toutes les trois pour moi. »
Noëlle sourit : « Oui, je vois que c’est le genre de question qui te met vraiment mal à l’aise. C’est pourquoi j’aimerais que tu me donnes une réponse précise. »
Je ne pouvais pas répondre à une question aussi dangereuse, car quelle que soit la réponse, elle blesserait deux des trois personnes présentes. Je devais trouver une solution qui ne contrarierait aucun d’entre eux.
Je pris une grande inspiration, puis je répondis : « Je pense que vous m’aimez toutes de la même façon. »
C’était une non-réponse, il faut l’admettre. En guise de punition, les trois filles commencèrent à m’étouffer dans leurs étreintes.
« Attendez une seconde ! » m’écriai-je. « Donnez-moi le temps de trouver une autre réponse ! »
« Je savais que tu donnerais cette réponse », ricana Anjie. « Un homme si prévisible. »
Elles lâchèrent finalement prise.
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« Lady Marie, Lady Marie ! » cria Carla. « Ils s’enlacent tous les quatre. Leur relation ressemblait à un drame sentimental pendant un moment, mais il semblerait qu’ils soient parvenus à se réconcilier. » Elle jeta un coup d’œil à travers la porte, espionnant Léon et ses fiancées, et rapporta tous les moindres détails à Marie.
Kyle lui lança un regard exaspéré : « Tu aimes vraiment les pièces de théâtre avec des histoires d’amour dramatiques entre les gens », commenta-t-il. « Je comprends un peu pourquoi, mais c’est de mauvais goût de regarder par la porte. »
Malgré son reproche, elle ne put pas ravaler sa curiosité.
« Je ne peux pas m’en empêcher, c’est tellement divertissant. Oh, mon Dieu, quel baiser passionné… ! »
« Quoi ? » Kyle s’y intéressa immédiatement. Il se précipita vers la porte pour jeter un coup d’œil en même temps qu’elle.
Marie s’appuya contre le mur, à une courte distance. Ses doigts se resserrèrent autour du bâton de sainte qu’elle tenait dans ses mains. Dégueulasse. La dernière chose que je veux voir, c’est la vie amoureuse de mon frère. Elle n’avait pas non plus envie de voir ses fiancées l’embrasser. Pourtant, son esprit était préoccupé par Léon pour une tout autre raison.
Il a trois fiancées. Il doit survivre à cela… Contrairement à moi.
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Après avoir débarqué de la Licorne, ma prochaine destination était l’Einhorn, amarré au port royal du palais. Une fois à bord, je m’étais dirigé directement vers le hangar. Les armures de la Brigade des Idiots y avaient déjà été stockées. Outre les améliorations que Luxon avait apportées à leurs armures, le design avait été changé pour quelque chose de plus approprié à ce qui allait être notre dernière bataille.
Lorsque j’entrai, Greg sortit du cockpit de son armure. Il était apparemment en train de faire quelques derniers réglages.
« Enfin de retour, n’est-ce pas ? » dit-il.
« Que penses-tu de ta nouvelle armure ? » lui avais-je demandé.
Lorsque les caractéristiques d’une armure sont modifiées à la dernière minute avant une bataille importante, c’est sur son pilote que repose le plus gros du fardeau. Malgré cela, Greg s’était contenté de fléchir les bras devant moi, ce qui me fit comprendre que tout allait bien.
« C’est incroyable », s’enthousiasma-t-il. « J’aime le fait que tu aies même ajouté une arme secrète pour moi. »
« Une arme secrète ? » J’avais penché la tête sur le côté.
« En raison de leur mise en œuvre soudaine, ces armes supplémentaires sont imparfaites. Cependant, j’en ai ajouté une à chaque armure en tenant compte des points forts de chacun », expliqua Luxon.
Brad s’approcha : « La fonctionnalité de base de nos armures s’est améliorée et nous pouvons maintenant te protéger. » Il portait Rose et Mary — sa colombe et son lapin de compagnie — dans ses bras et souriait gaiement.
Je fronçai les sourcils.
« Tu vas me protéger ? As-tu vraiment l’intention de m’accompagner ? »
Mon visage se tordit d’incrédulité.
« Nous ne pouvons pas te laisser porter tout le fardeau tout seul. »
Chris se dirigea vers nous, la main chargée d’un petit paquet de tissu.
« Ceci étant dit, ça te dérange-t-il si j’utilise ce tissu pour me fabriquer un pagne ? »
Il s’agissait d’un tissu que j’avais trouvé lors d’une chasse au trésor.
« Tu ne prévois pas sérieusement de ne porter qu’un pagne pendant que tu pilotes ton Armure ? » dis-je.
« Non, malheureusement, cela n’aurait pas de sens », répondit Chris d’un air morose. « Je t’assure que je porterai ma combinaison de pilote. Mais je pense que je devrais au moins pouvoir porter le sous-vêtement que je préfère en dessous. »
Et selon lui, ce sous-vêtement devait être un pagne. J’étais sidéré.
« Oui, je voulais y aller en sous-vêtements seulement, mais j’ai renoncé et j’ai mis le costume », m’informa Greg.
Je secouai la tête avec dégoût. « Taisez-vous, bande d’idiots. »
« S’il te plaît ! » plaida Chris en me serrant le bras et en s’accrochant à moi. « Ce tissu est fin, mais résistant, il s’adaptera donc parfaitement à mon costume. Je dois simplement porter un pagne pour notre bataille finale décisive ! »
« Bien, » répondis-je. « Mais lâche-moi ! » ai-je craqué.
Jilk fut le prochain à sortir de son cockpit et à nous rejoindre après avoir terminé les derniers ajustements.
« Vous semblez tous terriblement détendus à l’approche d’une bataille », dit-il.
« En faisant abstraction de tout ce vacarme, pourquoi y a-t-il cinq armures au lieu de quatre ? »
Le reste de la brigade des idiots partageait sa confusion. Il y avait en fait six armures, y compris celle d’Arroganz. Celle qui attira leur attention était une armure blanche ayant reçu des améliorations similaires aux leurs. À en juger par leurs regards ahuris, ils ne pensaient pas qu’il y avait quelqu’un pour la piloter, et ils ne comprenaient donc pas pourquoi elle était là.
« Oh, celle-là ? » J’avais fait un signe de tête en sa direction, prêt à tout dévoiler. « Le pilote sera Ju — ! »
L’écho des pas qui s’approchaient m’interrompit. Nous avions tourné la tête pour regarder l’intrus. Brad mit Rose et Mary à terre et les poussa à se mettre à l’abri. Chris et Greg sortirent leurs armes. Jilk avait déjà son pistolet à la main.
L’atmosphère était chargée de tension en raison de l’apparition d’un chevalier masqué. Il était vêtu d’une combinaison de pilote et une cape flottait derrière lui. Son visage était en partie caché par un demi-masque qui couvrait ses yeux. On aurait dit qu’il s’apprêtait à assister à un bal masqué plutôt qu’à prendre part à une guerre.
Le chevalier masqué s’arrêta devant moi et proclama : « C’est moi qui piloterai cette armure. » Il semblait très fier de son apparition opportune. Tout en lui était exagéré, de son langage corporel à son discours.
Je me demande si c’est parce qu’il est le fils de Roland.
« Cela fait un moment, messieurs », poursuit le chevalier masqué. « Je vais me joindre à ce combat à vos côtés. » Il écarta les bras de façon théâtrale, ponctuant ainsi sa déclaration.
Greg pointa sa lance vers l’homme :
« Qu’est-ce que tu es venu faire ici, chevalier pervers ?!
« Chevalier masqué ! » corrigea-t-il. « Je te l’ai dit des dizaines de fois ! Pourquoi n’arrives-tu pas à le comprendre ? »
J’avais poussé un long soupir. Combien de fois avions-nous vécu cela ?
« Combien de temps allez-vous continuer cette stupide mascarade ? »
« Je compatis, Maître », dit Luxon, exaspéré lui aussi.
Jilk pointa le canon de son arme sur le chevalier masqué :
« Tu n’arrêtes pas de réapparaître. Qui es-tu exactement ? Si tu n’as pas l’intention de te dévoiler, je te demande de partir. »
« Je suis votre allié », dit le chevalier. « Nous avons tous les cinq combattu ensemble un nombre incalculable de fois, n’est-ce pas ? »
Brad avait les mains prêtes à faire appel à sa magie si le besoin s’en faisait sentir. Il regarda le chevalier avec méfiance.
« J’admets que tu nous as aidés à plusieurs reprises, mais nous devrions limiter au maximum les éléments incertains dans une bataille de cette ampleur. Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que tu sois en réalité un impérial. En fait, nous ne pouvons pas te faire confiance du tout avec ton visage caché comme ça. »
Les quatre autres se méfiaient profondément de l’intrus masqué. Brad avait exprimé leur pire crainte : que cet homme soit un espion ennemi qui les trahirait au moment le plus inopportun.
Quelle idée ridicule !
Chris leva son épée. Il était prêt à découper le chevalier s’il faisait le moindre faux pas.
« Pourquoi ne pas enlever ce masque ridicule et nous montrer qui tu es vraiment ? »
Lassé de cette mise en scène, je m’assis sur une caisse en bois qui se trouvait à proximité.
« Luxon, je meurs de faim, » dis-je. « Tu ne peux pas me donner quelque chose à manger ? »
« Je préférerais que tu ne manges rien de trop lourd avant la bataille », répondit-il.
Je roulai des yeux.
« Cela pourrait être mon dernier repas. Allez, tu n’as rien ? »
« Je n’ai pas l’impression que tu plaisantes », s’emporta-t-il. « Nous avons du riz dans la réserve, alors je vais te préparer des boulettes. »
Cette réponse me fit sourire. Je ne m’attendais pas à avoir droit à des boulettes de riz.
« Génial. Ce sera le meilleur dernier repas de ma vie. »
« Maître, je te conseille de cesser ce genre de plaisanteries sans humour à l’avenir. Maintenant, je dois aller préparer le repas. » Il s’éloigna rapidement.
Une fois Luxon parti, j’avais reporté mon attention sur la brigade des idiots et leur petit spectacle comique. Ils avaient toujours leurs armes braquées sur le chevalier, qui avait renoncé à les convaincre à ce stade. Je ne voyais pas l’intérêt de continuer à se déguiser.
Le chevalier tendit la main vers son masque :
« Vos craintes sont tout à fait compréhensibles, alors permettez-moi de vous démontrer ma sincérité. »
Il souleva le masque et secoua la tête, laissant ses cheveux danser autour de son visage. Sous le déguisement se cachait nul autre que Julian.
Le reste de la brigade poussa des soupirs audibles.
Jilk prit la parole en premier, la voix chargée d’incrédulité : « Était-ce toi depuis le début... — Votre Altesse ? » Sa mâchoire se décrocha.
Julian lui sourit :
« Oui, j’étais le chevalier masqué pendant tout ce temps. »
Chris grimaça, se sentant mal à l’aise. Il abaissa son épée. « Je n’aurais jamais deviné, Votre Altesse. »
N’avaient-ils vraiment pas compris ? Qu’est-ce qui ne va pas dans leur tête ? Ou bien tout cela faisait-il partie d’une comédie ? Si c’est le cas, j’aimerais que l’on me mette au courant. Je commençais à penser que je devenais fou.
Tandis que je remettais intérieurement en question leur santé mentale — et la mienne —, Brad se détendit et réfléchit à leurs rencontres passées avec le chevalier.
« Maintenant que j’y pense, le prince n’était jamais là quand le chevalier masqué arrivait. Ce n’est pas étonnant qu’il en sache autant sur nous et qu’il se soit toujours présenté au moment le plus opportun pour nous aider. »
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Partie 3
Oui, au moins, tu as raison sur ce point. En même temps, j’aurais aimé qu’ils s’en rendent compte plus tôt. C’était ridiculement incroyable qu’ils ne l’aient pas remarqué. Une partie de moi voulait croire qu’ils avaient fait semblant par égard pour Julian. Mais non, c’était un vœu pieux. Ces imbéciles parvenaient toujours à trahir mes attentes de la manière la plus hallucinante qui soit.
« Attends, Julian était le chevalier masqué pendant tout ce temps ? » Greg était tellement choqué qu’il laissa tomber sa lance. « Personne n’aurait pu le voir venir. »
Oh, allez. Cette possibilité aurait dû te venir à l’esprit au moins une fois.
Julian rayonnait, encouragé par la surprise de ses amis face à cette révélation. Il passa la main dans ses cheveux et prit la pose : « J’ai décidé d’enlever mon masque pour me battre à vos côtés. »
« Hmph », grogna Greg en passant le dos de son doigt sur son nez. « Fais ce que tu veux. Au moins, avec la situation actuelle, ça ne posera pas de problème si tu te joins à nous. »
Je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle ils transformaient cela en un moment important. Pour moi, c’était une comédie extrêmement absurde. Il y avait cependant quelque chose d’étrange dans ce que Greg venait de dire. Roland avait déshérité Julian, qui n’était donc plus le prince héritier, ce qui annulait tout rôle politique qu’il aurait pu jouer.
Pourtant, c’était un prince. Même si Greg avait dit qu’il n’y aurait pas de problème s’il se joignait à nous, j’aurais soutenu qu’il y en avait quand même beaucoup. Diminué ou non, il faisait partie de la famille royale.
Le fait que Jake, le jeune frère de Julian, ait renoncé à briguer le trône n’arrangeait rien. Il l’avait abandonné pour donner la priorité à son amour pour Erin, un garçon nommé Aaron auparavant. Son ambition intense pour le pouvoir avait disparu. Il était désormais fou amoureux d’Erin. La candidature de Jake ayant été éliminée, Julian était à nouveau en lice pour être nommé prince héritier. Sa participation à cette bataille pourrait donc potentiellement causer des problèmes à de nombreuses personnes.
En d’autres termes, il est étrange que Greg ait prétendu le contraire.
D’autant plus que Roland a tendance à coucher à droite et à gauche, il a probablement d’autres enfants illégitimes qui pourraient s’asseoir sur le trône si nécessaire. Une fois que tout cela sera terminé, le royaume devra réfléchir soigneusement à la personne à nommer prince héritier. J’espérais qu’ils choisiraient quelqu’un de plus prudent cette fois-ci; Julian et Jake avaient tous deux été d’horribles candidats.
Le temps que leur petit manège se termine, Luxon revint avec mes boulettes de riz. Il avait même préparé du thé vert pour les accompagner. « C’est bien toi, mon partenaire ! »
« Toutes mes excuses pour l’attente, Maître », dit-il.
« Non, merci de faire cela. Hum. Oui, c’est ce qu’il y a de mieux. »
Les boulettes de riz n’étaient pas fourrées, mais il avait ajouté la quantité parfaite de sel et les avait enveloppées dans des algues. Je ne pourrai jamais oublier le goût et la familiarité des boulettes de riz classiques; la nostalgie me fit tendre la main vers elles avec impatience.
Julian et le reste de la brigade des idiots avaient apparemment terminé leur petite farce. Ils me regardèrent manger avec curiosité, mes joues se remplissant de riz.
« Quoi ? » avais-je dit, les sourcils froncés. C’était difficile de manger avec tous ces gens qui me regardaient bouche bée.
« Rien. J’étais juste en train de réfléchir à l’aspect étrange de cet aliment », dit Julian.
« Qu’est-ce que c’est exactement ? »
Ils avaient tous étudié les boulettes de riz, intrigués.
J’avais continué à mâcher.
« Des boulettes de riz », avais-je répondu entre deux bouchées.
« Des boules de riz ? — Ça te dérange si on essaie ? »
Ils m’encerclèrent et chacun en prit une pour la manger. Luxon en avait préparé beaucoup, alors je n’avais pas hésité à partager. Mais ils sont vraiment très effrontés.
Jilk mâcha quelques bouchées, déglutit, puis rétrécit les yeux : « C’est étrange, » conclut-il.
C’est grossier.
Mais il n’était pas le seul. Tout le monde était arrivé au même consensus général.
« C’est tout collant », se plaignit Brad en fronçant le nez.
Je les avais regardés d’un air renfrogné.
« Si tu n’aimes pas ça, ne le mange pas. »
Greg avait pratiquement tout avalé d’un coup, mais il pencha la tête une fois qu’il eut terminé : « Je n’ai jamais rien mangé de tel. Autant manger du pain à la place de cette chose. »
J’avais attrapé ma troisième boule de riz.
« C’est la nourriture de mon âme », avais-je répondu.
Si vous voulez vous en moquer, je vous expulserai du navire.
De la vapeur s’élevait encore des boulettes de riz, faisant s’embuer les lunettes de Chris pendant qu’il les mangeait.
« Alors, tu dis que les boulettes de riz sont aussi la nourriture de l’âme de Marie ? C’est bon à savoir. »
Bien sûr. Rien n’a d’importance pour eux s’il ne s’agit pas de Marie. J’étais resté silencieux et je m’étais concentré sur mon repas.
« Léon, » dit soudain Julian en examinant sa boule de riz. « As-tu déjà eu cette conversation importante avec Anjelica et les autres dames ? »
Il entendait par là leur dire la vérité sur le fait de se réincarner ici avec des souvenirs de vies antérieures. Marie en avait déjà parlé à Julian et aux autres, mais je n’avais pas l’intention d’en parler à mes fiancées. Non, c’était plutôt que je ne pensais pas que c’était le bon moment pour le leur dire.
« Elles sont beaucoup plus sensibles que vous », dis-je. « Alors je ne leur dirai rien. Pas maintenant. Ça ne sert à rien de leur donner plus de soucis alors qu’on a déjà assez à faire. »
Ma réponse avait d’abord rendu Julian amer, puis, lorsque je terminais, il avait plutôt l’air abattu.
« Si c’était moi, je voudrais connaître les circonstances de ma bien-aimée. J’ai été très heureux lorsque Marie a tout partagé avec nous. »
— Bien sûr, mais soyons réalistes : combien de personnes croiraient quelqu’un qui dirait qu’il s’est réincarné et qu’il se souvient de sa vie précédente ? Moi, en tout cas, je n’y croirais pas une seconde.
« Vous croyez que Marie a été l’exception », avais-je insisté. « Si vous disiez cela à une personne normale, elle vous prendrait pour un fou. Je suis surpris de la facilité avec laquelle vous avez accepté Marie après tout ça. »
C’était très bien que cela se soit bien passé, mais je pensais personnellement qu’il était inutile que Marie leur dise toute la vérité. Je n’avais pas changé d’avis parce qu’ils l’avaient prise au sérieux. C’est pourquoi je ne voyais pas non plus l’intérêt de suivre son exemple.
J’avais siroté le thé vert que Luxon m’avait fourni.
« Nous aimons Mlle Marie pour ce qu’elle est en tant que personne. Le choc a été de découvrir qu’elle s’était réincarnée ici, mais quelle différence cela fait-il vraiment ? C’est ma position. »
Greg avait acquiescé en engloutissant sa troisième boule de riz. « J’ai craqué pour la personnalité de Marie ! »
Si vous aimez sa personnalité, vous êtes une bande d’imbéciles, avais-je pensé. Je n’avais pas hésité à leur dire : « Désolé de vous le dire, mais elle a la personnalité d’une méchante femme d’âge mûr. Vous êtes fous ou quoi ? »
Ils étaient manifestement aveugles s’ils pensaient que Marie était une personne extraordinaire. En fait, je commençais à m’inquiéter qu’elle leur ait vraiment tiré les vers du nez.
« Cela n’a rien à voir avec son apparence ou son âge mental », Brad secoua la tête en me regardant. « Pour faire simple, c’est une femme bien. »
Une bonne femme ? Sont-ils fous ? J’étais à la fois déconcerté et dégoûté.
Les joues rougies, Chris s’extasia : « Elle était captivante au début, parce qu’elle avait cet air mystérieux, comme si elle avait des tas de secrets. Mais c’est tellement incroyable qu’elle se souvienne de sa vie passée. Marie est vraiment quelqu’un d’autre. »
Était-ce vraiment « mystérieux » qu’elle leur ait caché sa vie passée ? Non, ces types sont tout simplement idiots. En fait, c’était plutôt un soulagement qu’ils soient aussi stupides.
« Ah oui ? Eh bien, je vous fais confiance pour vous occuper d’elle », avais-je dit. « Et ne lui créez pas trop d’ennuis. »
« Nous ne te laisserons pas tomber à cet égard. Nous la protégerons », m’assura Julian, ses joues rougissant lorsqu’il ajouta : « Je te le promets, beau-frère. »
« Est-ce que… est-ce que tu viens de dire “beau-frère” ? » avais-je grincé, les yeux écarquillés.
Julian me regarda d’un air confus.
« Oui. N’est-ce pas ce que tu es pour nous ? Si tu es son frère, tu es notre beau-frère. — Heureux de faire partie de la famille, beau-frère. »
« Arrête ! » avais-je crié, le visage contorsionné par le dégoût. « Entendre l’un de vous m’appeler ainsi me donne la chair de poule ! »
À ce moment-là, ils avaient tous les cinq souri.
« Dans ce cas, » dit Brad en lui faisant un clin d’œil, « nous devons absolument t’appeler beau-frère. »
« Tu es un vrai salaud, tu le sais ? Malveillant et narcissique », dis-je d’un ton venimeux.
« Je suis assez fier de l’amour que je me porte », dit Brad. « Et en tout cas, très cher beau-frère, toi plus que quiconque n’as pas le droit de traiter les autres de malveillants. »
J’avais ricané.
Chris me donna une tape sur l’épaule : « Je te promets de bien m’occuper de ta petite sœur, beau-frère. »
« Arrête de m’appeler comme ça ! Et ne me sors pas une phrase aussi ringarde tant que tu n’es pas au moins assez indépendant pour te débrouiller tout seul », avais-je répondu. Comment pouvait-il faire une promesse aussi vide alors que je prenais en charge leurs frais de subsistance ? Il avait du culot. C’est Marie qui s’occupe d’eux, et non l’inverse !
Déchirant sa chemise, Greg s’écria : « Je vais protéger Marie avec ces muscles glorieux, Léon — ou devrais-je dire Beau-frère ! » Il prit la pose en les montrant du doigt.
« Ne me crie pas dans l’oreille, espèce de cancre ! Assez avec ces conneries de beau-frère ! » J’avais arraché sa chemise du sol et la lui avais lancée. Ils m’avaient tellement enragé que mes épaules se soulevaient et s’abaissaient à chaque respiration.
« Le nom que nous te donnons est, en fin de compte, insignifiant », dit Jilk en essayant de m’apaiser. « Je protégerai Marie. Tu n’as pas à t’inquiéter à ce sujet. »
« Bien sûr que je le ferai, ce n’est que du bon sens. Et ne t’avise pas de dire que cette histoire de “beau-frère” est insignifiante ! Pour moi, c’est majeur ! » dis-je.
Il était évident qu’ils se moquaient de moi.
Julian plaqua sa main sur sa bouche, essayant désespérément de ne pas rire.
« Pfft », éclata-t-il.
« Ce n’est pas vraiment à la mode d’avoir le complexe de la sœur, beau-frère. Alors, pourquoi ne pas trouver dans ton cœur la possibilité de fêter le départ du nid de ta sœur ? »
« Graaaaaah ! » m’écriai-je, ma voix résonnant. Je serrai un poing et le balançai en plein sur le visage de Julian, qui fut envoyé en arrière.
Lorsqu’il se releva, il cria : « Tu n’as pas à recourir à la violence simplement parce que nous t’avons appelé beau-frère ! Pour être clair, notre relation avec ta sœur est bien plus pure que celle que tu t’obstines à entretenir avec ma mère ! »
Il se jeta sur moi et nous nous battîmes en continuant à nous disputer.
« Mlle Mylène, c’est une tout autre histoire ! »
« Non, elle ne l’est pas ! »
Les quatre autres, exaspérés par notre dispute, nous laissèrent là.
« Rien de ce que tu diras ou feras ne me permettra de te laisser m’appeler “beau-frère” ! » avais-je crié à tue-tête.
Luxon flottait dans les airs, à une certaine distance.
« Considérant que Marie était ta sœur dans ta vie antérieure et qu’elle s’est réincarnée ici, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’ils te désignent comme leur beau-frère », dit-il, sa voix semblant résonner.
« Tu es inutilement têtu, Maître. Il n’y a aucune raison de ne pas faire cette petite concession et d’être flexible. »
« “Petite”, mon cul ! Je ne veux pas qu’ils m’appellent “beau-frère”, point final ! »
« Cela signifie-t-il que tu les juges incapables de s’occuper de Marie ? » demanda-t-il.
« Non, » ai-je admis. « Je pense qu’ils le peuvent. Je veux dire, tant qu’elle et eux sont d’accord avec leur dynamique, alors… Oui, bien sûr. »
Après tout, il s’agissait d’un harem inversé. Une femme avec cinq hommes. Je ne comprenais pas très bien, mais tant qu’ils étaient tous satisfaits de cette situation, ce n’était pas mon affaire.
Julian rougit.
« Mon dieu — Tu es terriblement compréhensif, beau-frère. »
Les quatre autres me sourirent aussi.
Tu vois, c’est pour ça que je les déteste.
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