Chapitre 20 : L’art interdit de la sainte
Partie 2
L’appartement dans lequel elles étaient entrées n’était pas très spacieux, c’est le moins qu’on puisse dire. Les résidences universitaires étaient bien plus agréables. Il était difficile de croire que tant de choses pouvaient être entassées dans un si petit espace : un lit, un bureau, et bien plus encore.
Noëlle balaya la pièce du regard.
« Oh, regarde, cet endroit a aussi un moniteur », dit-elle. Cela lui rappelait ceux que Luxon et Creare utilisaient dans leurs vaisseaux.
« Je n’ai jamais vu cet alphabet auparavant », dit Livia, curieuse. « Est-ce que cela pourrait être… une ancienne civilisation ? » Elle examina une affiche sur le mur.
Marie fronça les sourcils.
« Oui, bien sûr. Une ancienne civilisation. Juste pour que vous le sachiez, c’est une affiche de simulation de rencontre que vous regardez. »
Malgré l’attitude dédaigneuse de Marie, Livia débordait de curiosité. Elle pouvait deviner, d’une certaine manière, que la pièce appartenait à Léon.
« Alors, c’est pour ça que tu en sais autant sur lui ? Tu te souviens de votre ancienne vie commune ? »
Anjie était abasourdie de voir que Livia acceptait tout si facilement.
« Tu n’es vraiment pas surprise ? »
« Il s’est passé tellement de choses étranges autour de monsieur Léon », dit Livia avec un sourire amer. « Ce que mademoiselle Marie a dit a beaucoup de sens quand on le remet dans son contexte, d’autant plus que je l’avais déjà entendue appeler monsieur Léon son grand frère. »
Les joues de Marie rougirent.
« C’est donc l’ancienne chambre de Léon ? » fit remarquer Anjie, décidée à vérifier par elle-même. « Alors, je devrais pouvoir trouver… Ah, ah. La voilà. » Elle avait jeté un coup d’œil sous le lit et découvert ce qui semblait être le porno de Léon.
Marie cacha son visage derrière ses mains.
« Grand frère, espèce d’idiot. Tu ne pouvais pas trouver un meilleur endroit pour cacher tes trucs pervers ? Je suis gênée pour toi. Tes fiancées t’ont bien cerné. »
Noëlle était occupée à passer les étagères de Léon au peigne fin.
« Ah, il y en a encore par ici ! On a vraiment l’impression d’être dans la chambre de Léon, car toutes les cachettes sont les mêmes. »
C’est Livia qui trouva l’objet le plus important de la pièce : « Qu’est-ce que c’est ? » Sur le sol, elle avait repéré le paquet du jeu vidéo otome dont elles faisaient justement partie.
Marie se rapprocha et examina le paquet avec mélancolie. « Alte Liebe », murmura-t-elle. « Le conte de la sainte. »
Alte Liebe était le titre du jeu, tandis que le conte de la sainte était le sous-titre.
La main de Livia trembla en saisissant le paquet. Elle avait remarqué quelqu’un qui lui ressemblait sur la couverture, ainsi qu’un groupe d’hommes identiques à la brigade des idiots. Curieuse, Anjie s’approcha et lui prit le paquet des mains. Elle ne pouvait pas lire le texte sur le paquet, mais au dos se trouvait une femme en robe rouge qui lui ressemblait également.
« Ces gars-là ressemblent au prince et à ses amis », dit Anjie. « J’ai aussi reconnu les lieux sur ces clichés. C’est la fontaine sur la place de l’académie, n’est-ce pas ? »
Marie laissa tomber son regard sur le sol, le visage crispé.
« Pour Léon et moi, l’endroit où nous nous trouvons en ce moment était la réalité. De notre point de vue, le monde d’où vous venez tous n’est qu’un jeu vidéo. Un monde fictif. »
Elle expliqua ensuite comment Léon et elle s’étaient réincarnés dans le monde d’Alte Liebe. Elle détailla soigneusement toute l’histoire, du début à la fin, sans rien omettre.
Le temps qu’elle termine, les mains d’Anjie étaient fermement serrées autour du paquet.
« Tu es en train de dire que Livia et moi étions ennemies dans ce jeu ? C’est impensable ! » Anjie avait raison.
Livia semblait partager son opinion. « Je n’accepterai jamais de me battre en duel avec elle ! »
« C’est parce que je me suis mise en travers de son chemin », dit Marie avec un sourire triste.
« De son chemin ? » Les yeux d’Anjie s’écarquillèrent sous l’effet d’une prise de conscience.
« Attends… Ne me dis rien ! »
« Je savais ce qui se passerait dans le jeu jusqu’à mi-parcours », expliqua Marie. « C’est pourquoi il m’a été si facile de séduire Julian et les autres garçons. Je savais dès le départ exactement ce qu’ils aimaient et ce qu’ils voulaient entendre, car j’avais mémorisé leurs préférences. »
Anjie tendit la main, mais Livia saisit son poignet avant qu’elle ne puisse gifler Marie.
« Laisse-moi faire, Livia ! »
« S’il te plaît, calme-toi. J’avoue que je suis surprise, moi aussi. Je le suis vraiment, mais je suis très heureuse de la façon dont les choses se sont passées. »
« Mais Livia, ses actions t’ont aussi fait souffrir. »
Livia acquiesça.
« Je le sais. Nous avons tous traversé beaucoup d’épreuves, mais je suis heureuse que toi et moi ayons fini par retrouver monsieur Léon. C’est pourquoi nous devrions nous concentrer sur sa recherche dès maintenant. »
Anjie baissa les yeux sur le paquet.
« Tu as raison. Je pense que cela met les choses en perspective. Léon nous a considérés comme des personnages d’une histoire. »
C’était déchirant à admettre, mais cela l’aida à comprendre ce qui lui avait probablement traversé l’esprit tout ce temps. « Je savais qu’il cachait quelque chose. C’était donc ça. » Elle comprenait pourquoi il avait gardé le secret. Elle posa le paquet sur son bureau.
Noëlle se rapprocha et jeta un coup d’œil au paquet. Son visage devint livide : « Je ne suis même pas sur la couverture. »
Marie soupira profondément.
« C’est parce que tu n’apparais pas avant la deuxième partie. Tu n’es pas dans celui-ci. Ne t’inquiète pas, dans ce jeu, tu es une protagoniste. »
« Je… suppose que c’est réconfortant de le savoir. Mais c’est un peu déstabilisant, pour être honnête », dit Noëlle.
Marie était surtout préoccupée par le fait qu’elles n’avaient pas encore trouvé Léon. « Je suppose qu’il doit être chez nos parents s’il n’est pas ici. »
« La maison de tes parents est ici aussi ? » demanda Anjie en se relevant.
« Oui, je pense que nos parents sont probablement là aussi. »
Les trois autres furent choquées.
« Tes parents sont là ?! » s’écria Anjie.
Marie acquiesça : « Probablement. Quoi qu’il en soit, allons-y. » Elle laissa échapper un gémissement d’inquiétude. « Je n’ai vraiment pas hâte d’y être. » Les épaules affaissées, elle franchit l’entrée et se dirigea vers l’extérieur.
En sortant, elles virent un chat gris foncé assis sagement devant la porte. Ses yeux rouges les fixaient.
« Un chat ? » Anjie pencha la tête.
Elles n’avaient rencontré ni animaux ni personnes jusqu’à présent. Qu’est-ce qu’un chat faisait ici ?
Ce félin avait l’air fier et royal. Lorsqu’Anjie tendit la main vers lui, il se leva d’un bond et s’éloigna en courant. Il se stoppa une fois qu’il eut atteint les marches, leur jeta un coup d’œil en arrière et poussa un petit cri. C’était comme si le chat leur disait de le suivre.
Guidée par le chat, Marie se retrouva devant la maison familiale. Elle n’y était pas revenue depuis que ses parents l’avaient chassée. Après s’être réincarnée en Alte Liebe, elle avait supposé qu’elle ne reverrait jamais cette maison.
Elle aspira une grande bouffée d’air, essayant de calmer ses nerfs.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Livia.
La question avait tellement pris Marie au dépourvu qu’elle s’était étouffée en essayant d’expirer.
« Je suis nerveuse, d’accord ?! »
Anjie la regarda avec exaspération : « C’est la maison de ta famille, non ? Attends. As-tu fait quelque chose qui a nui à tes relations avec tes parents ? »
Marie évita son regard.
« Eh bien, hum… J’étais en quelque sorte responsable de la mort de mon frère, et j’ai piégé mes parents pour qu’ils me donnent de l’argent afin que je puisse voyager à l’étranger. Il s’est passé beaucoup de choses, disons les choses comme ça. »
Livia et Anjie lui lancèrent un regard noir. Noëlle était exaspérée : « Rie, je dois te dire que c’est assez horrible. »
« C’était il y a longtemps, d’accord ? Pendant ma dernière vie ! Maintenant, allons-y. Entrons ! » Elle marcha jusqu’à la porte et appuya sur la sonnette.
Une voix familière, celle de sa mère, passa dans l’interphone : « Oui ? Qui est là ? »
Marie tenta de prononcer son ancien nom, mais elle n’y parvint pas pour une raison inconnue. Sa voix resta coincée dans sa gorge.
« Euh… Je suis… Euh, c’est-à-dire… »
Alors qu’elle cherchait une réponse, sa mère lui demanda : « Est-ce mon idiote de fille ? Tu t’appelles Marie maintenant, n’est-ce pas ? Je vais ouvrir la porte. Tu peux rentrer. » Il y avait une pointe d’agacement dans sa voix.
La serrure se déverrouilla avec un bruit sourd. Marie hésita, puis ouvrit la porte. Un paysage familier se déploya devant elle. Tout, des décorations à l’odeur qui flottait dans l’air, lui rappelait de bons souvenirs de sa vie d’avant.
Les autres filles se rangèrent derrière elle.
Livia dévorait chaque détail de l’intérieur des yeux.
« Alors, c’est ici que monsieur Léon a grandi ? Quelle belle maison ! »
« Je n’ai jamais vu d’architecture comme celle-ci auparavant », balbutia Anjie, ne sachant que dire d’autre. Elle avait été élevée comme une noble de haut rang et cette architecture était bien inférieure à celle à laquelle elle avait été habituée.
« Ça m’a l’air d’être une maison », dit Noëlle.
Marie enleva ses chaussures et se précipita dans le couloir jusqu’au salon. Elle ouvrit la porte et entra. La cuisine se trouvait à côté du salon, et sa mère était en train de cuisiner. Son père était assis devant le kotatsu et lisait le journal. Il leva la tête lorsqu’elle entra.
« Alors, tu es revenu toi aussi ? — Oh, et qui sont ces jeunes filles que tu as amenées avec toi ? »
Marie resta figée. Ses parents étaient plus âgés que dans ses souvenirs, mais tout aussi familiers.
« Quoi ? — On a des invités ? »
Léon, qui s’était affalé en dormant contre le kotatsu, se souleva lentement en bâillant.
Dès qu’elles l’aperçurent, Anjie et les autres filles fondirent en larmes. Avant qu’elles ne puissent réagir, Marie s’élança vers l’avant. Elle saisit son frère par le col de sa chemise et le secoua violemment :
« Imbécile ! Il est temps de rentrer ! Reprends-toi et allons-y ! Nous n’avons plus beaucoup de temps ! »
Elle tenta de l’entraîner loin du kotatsu, mais il résista.
« Quoi ? — Non, je ne veux pas. »
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merci pour le chapitre