Chapitre 15 : Un adversaire de taille
Partie 1
La situation à l’extérieur de la forteresse d’Arcadia progressait depuis un moment. L’armée royale s’était ralliée et repoussait les impériaux, en grande partie grâce aux ordres de l’empereur lui-même. Après que Léon et ses hommes aient ouvert une brèche dans la forteresse, l’Empereur avait rappelé ses chevaliers démoniaques, les forces les plus puissantes de l’armée impériale, pour les combattre. La panique qui s’en était suivie avait affecté toutes leurs troupes.
Gilbert regardait tout cela se dérouler depuis la passerelle de son vaisseau.
« Ne laissez pas cette opportunité se perdre ! » ordonna-t-il. « Continuez à les repousser ! »
Les deux armées se battaient de toutes leurs forces, épuisant une énorme quantité de ressources et de main-d’œuvre au passage. Si cela avait été une guerre ordinaire, les générations futures auraient vu dans cet épisode une erreur stupide des deux camps qui auraient dû battre en retraite.
« Lord Gilbert, vous devriez vous replier », dit le capitaine. Gilbert avait foncé jusqu’à la ligne de front pour commander ses troupes et, jusqu’à présent, il avait refusé de partir.
« Vous êtes l’héritier des Redgrave. Nous ne savons pas si Sa Grâce est encore en vie. S’il vous arrivait quelque chose, cela pourrait avoir de graves conséquences ! »
L’expression de Gilbert ne trahit aucune émotion.
« Si je tournais le dos à nos hommes maintenant, je jetterais l’opprobre à la fois sur moi et sur les générations futures de ma maison. Est-ce que vous vous attendez honnêtement à ce que je fasse cela ? »
« Parfois, il faut assumer la honte pour le plus grand bien ! D’ailleurs, nos alliés se débrouillent très bien sur le front. Je ne vois pas de raison d’avoir honte de se replier en sécurité. »
« La honte n’est qu’une excuse de ma part », admit Gilbert. « La vraie raison pour laquelle je ne peux pas me retirer, c’est que ma fierté ne le permet pas. »
« Lord Gilbert… » Tout autre argument mourut sur les lèvres du capitaine. Il se résigna, comprenant qu’il ne parviendrait pas à convaincre Gilbert, même en essayant.
Au même moment, deux armures blanches passèrent en trombe devant leur vaisseau, fendant les monstres environnants avec une grande habileté. Ils en étaient sans doute capables en partie grâce à la puissance de leurs armures, mais il était évident que les pilotes étaient tout aussi talentueux.
Malheureusement, la conversation qui s’échappait dans l’air était moins impressionnante ou gracieuse.
« Voilà, morveux ! Tu vois ? J’ai battu plus d’ennemis que toi ! »
« Tu as du culot de prétendre cela après m’avoir volé ma proie, vieillard ! »
Lorsque les IA avaient amélioré les vaisseaux de l’armée royale, elles avaient équipé le vaisseau des Redgraves d’un moniteur affichant désormais les deux pilotes étrangement masqués. Gilbert n’avait pas besoin de voir leurs visages de toute façon — il reconnaissait leurs voix.
Il se mit à genoux en pressant une main sur son front.
Le capitaine paniqua et se précipita vers lui : « Lord Gilbert ! — S’il vous plaît, tenez bon ! »
Il avait probablement compris la cause de l’exaspération soudaine de Gilbert.
« C’est… c’est bon », balbutia Gilbert. « En fait, j’ai une requête à vous faire, capitaine. Pourriez-vous tirer sur ces deux-là ? »
« Pardon ? »
L’expression de Gilbert était devenue froide et sans émotion alors qu’il fixait le moniteur.
« Un seul missile », se dit-il. « Les gens croiront sûrement qu’il s’agit d’un raté, n’est-ce pas ? »
« Non, non, bien sûr que nous ne pouvons pas faire ça. Ce sont nos alliés ! »
Gilbert grimaça.
« Je le sais. Je comprends vraiment ! Mais quand même… Qu’est-ce qui leur prend de prendre le champ de bataille ?! »
Les voix des pilotes résonnaient encore dans le vaisseau.
« Qui es-tu vraiment, sale gosse ? Dès que tout cela sera terminé et que nous serons rentrés à la capitale, je te ferai arrêter ! Tu as intérêt à être prêt à affronter les cachots ! »
« Ah oui ? Je te ferai regretter de m’avoir défié, grand-père ! C’est toi qui finiras dans le donjon. Tu n’auras alors pas d’autre choix que d’affronter les conséquences de tes actes ! »
Le plus triste, c’est que les deux chevaliers masqués ignoraient l’identité de l’autre.
☆☆☆
Dans la salle du réacteur de l’Arcadia, Finn et moi nous battions. Nous avions tous les deux eu recours à des drogues pour prendre l’avantage et nous avions tous les deux réussi à accéder au plein potentiel de nos armures respectives grâce à cela. À proprement parler, Brave était probablement plus puissant qu’Arroganz.
« Arroganz n’a pas combattu quelqu’un d’aussi fort depuis le Chevalier noir », dis-je.
Rien qu’en le mentionnant, je commençai à repenser à cette époque. Le Chevalier noir avait été le héros de l’ancienne principauté de Fanoss. J’avais baissé ma garde et il nous avait poussés dans nos derniers retranchements. Sans cette expérience, je n’aurais probablement pas pu résister aussi longtemps à Finn. J’étais plus fort maintenant, prêt pour la bataille intense qui se joue.
« Je ne te laisserai pas détruire le réacteur ! » hurla Finn, son épée longue fendant l’air dans ma direction.
J’avais paré l’attaque, mais cela n’avait pas suffi. La force du coup m’avait projeté contre le mur derrière moi, l’endommageant.
Deux cornes jaillirent des épaules de Brave, générant de l’électricité entre elles, puis la libérèrent. Brave avait déjà utilisé une quantité substantielle de mana, mais grâce au réacteur à proximité, il pouvait se régénérer en absorbant autant d’essence démoniaque qu’il le souhaitait. Ce champ de bataille était entièrement à l’avantage de Finn.
« Luxon ! » avais-je beuglé.
« Déploiement d’un bouclier sur la surface de l’armure d’Arroganz », annonça-t-il.
Une fine barrière magique scintillait au-dessus d’Arroganz. Nous avions déjà éjecté le blindage le plus épais, alors si nous ne faisions rien pour atténuer l’attaque de Brave, celle-ci pourrait potentiellement être mortelle. Heureusement, Arroganz avait été épargné, mais notre environnement n’avait pas eu cette chance.
Le sol et le mur avaient fondu sous l’effet de l’explosion provoquée par l’électricité qui les touchait. Je m’étais élancé dans les airs pour éviter l’explosion. Brave abattit son épée longue, fendant le mur avec une puissance effrayante et me manquant de peu.
« Je ne peux pas, non, nous ne pouvons pas nous laisser vaincre ! Pas ici ! » dit Finn.
Mes narines se dilatèrent.
« C’est pareil pour moi, tu sais ! »
Alors que Brave s’élançait imprudemment vers nous et frappait à nouveau, j’avais tendu la main gauche vers lui et j’avais tiré une onde de choc. Il l’esquiva à la dernière seconde, évitant tout dommage, mais cela m’avait au moins permis de prendre de la distance.
C’était à mon tour de passer à l’offensive. J’avais brandi mon épée à l’horizontale, mais Finn l’avait déviée et avait planté son pied en plein dans ma poitrine.
« Ce n’est pas très honorable de ta part ! » lui avais-je dit.
« Je ne veux pas que tu me fasses la morale sur l’honneur ! »
La force de son coup de pied m’envoya valser dans les airs et j’avais lancé d’autres rayons laser sur Brave, lui brûlant la peau. Il ignora les dégâts et se précipita vers moi. Tous deux étaient ivres de l’adrénaline du combat. Mes attaques ne semblaient même pas les blesser.
« Je ne peux pas continuer à perdre du temps avec ça », avais-je grommelé. J’avais appuyé sur la pédale. La buse de propulsion de Schwert s’était refermée pour restreindre le flux d’air, me propulsant en avant et faisant jaillir des flammes bleues.
Brave accéléra vers moi, battant l’air furieusement de ses grandes ailes de chauve-souris. J’avais dirigé mes lasers vers elles. Les explosions brûlaient et perforaient ses ailes, mais celles-ci se régénéraient trop rapidement pour que les lasers aient un impact durable. En retour, Brave m’envoya de l’électricité sous forme de boules crépitantes qui tournoyaient vers nous.
« Ceux-ci contiennent de la magie de repérage ! Il y en a… Quatre-vingt-un au total ! » annonça Luxon.
« Abats-les ! » dis-je.
Les lasers de Schwert réussirent à en détruire la plupart, mais il y en avait tellement qu’il ne pouvait pas tous les atteindre. Luxon essayait de conserver la puissance de Schwert, mais cette bataille épuisait rapidement ses réserves.
« Comment peux-tu bouger comme ça ? » demanda Finn. « Aussi puissants que vous soyez, Arroganz et toi, je ne me souviens pas que vous ayez été capables de faire tout ça ! »
Ils avaient évidemment remarqué l’écart de puissance entre la période précédant la prise de mon améliorateur de performance et maintenant. Finn savait déjà que j’avais utilisé la drogue, bien sûr. Il lui semblait étrange qu’ils ne m’aient pas encore maîtrisé alors qu’ils avaient l’avantage.
Brave trouva la réponse avant Finn : « C’est donc ce que tu as fait. »
« Qu’ont-ils fait, Kurosuke ? »
« Luxon a fait la pire chose possible, partenaire ! Il va tuer son maître ! »
« Tu n’es pas sérieux ! » s’écria Finn, incrédule.
« Ne les laisse pas t’atteindre », avais-je dit à Luxon. « Tout ce que tu as fait, c’était sur mes ordres. »
« Tu ne sais rien », siffle Luxon à Brave, une émotion surprenante dans sa voix robotique. Tout son petit corps tremblait de fureur.
« Tu sacrifies ton propre maître pour nous battre, hein ! » dit Brave d’un ton accusateur. « Le stimulateur de performance que tu as utilisé n’était pas n’importe lequel sur le marché. C’est le genre de produit qui draine la force vitale de l’utilisateur pour lui donner du pouvoir ! C’est exactement le genre de sale tour auquel je m’attendais de la part de sales machines ! »
Luxon perdit instantanément son sang-froid : « Sans vous et vos semblables, le Maître n’aurait jamais eu recours à de tels moyens pour gagner », répliqua-t-il. « Si la nouvelle humanité n’avait jamais existé, les choses n’en seraient pas arrivées là ! »
Avec toutes ces émotions, la bataille s’intensifia.
« Léon ! Comment peux-tu jeter ta propre vie en l’air avec autant de désinvolture ? » demanda Finn alors que nous nous battions. « Je pensais que tu accordais plus d’importance à ta vie. Pourquoi choisirais-tu la mort sans hésiter ? »
Quoi ? Il dit que ce n’est pas mon genre de mettre ma vie en danger pour les autres de cette façon ? Je n’avais pas besoin qu’il me le fasse remarquer, je le savais mieux que quiconque. Mais mes deux mains ne pouvaient protéger qu’un nombre limité de personnes.
« Si tu veux tout protéger, tu dois être prêt à faire quelques sacrifices ! » avais-je répondu.
J’avais été si avide de sauver tant de gens. Sans m’en rendre compte, j’avais pris sur moi un fardeau plus lourd que je ne pouvais le porter. Je savais que je ne pouvais pas en porter davantage, mais il y avait encore tant d’autres personnes que je voulais protéger. Quel autre choix avais-je ? Je ne pouvais pas tout assumer tout seul.
« Alors tu te sacrifies ! » dit Finn tel un sermon.
« Exact, mais cela me permettra de sauver beaucoup de gens ! »
Si nous remportons la victoire, ma vie ne sera qu’un petit prix à payer pour toutes les personnes que nous protégerons au cours du processus. Perdre nous coûterait trop cher. Je ne me laisserai pas battre, par qui que ce soit, même par Finn.
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merci pour le chapitre